Le Flood Royal !

Extrait des mémoires de madame de Motteville concernant l'évasion du Duc de Beaufort :

"Le jour de la pentecôte, 1er du mois de juin le Duc de Beaufort, prisonnier depuis cinq ans, s'échappa de sa prison environ sur le midi. Il trouva le moyen de rompre ses chaînes par l'habileté de quelques-uns des siens, qui le servirent fidèlement. Il était gardé par un officier des gardes du corps, et par sept ou huit gardes qui couchaient dans sa chambre. Il nétait servi que par des officier du roi, et , par dessus tout cela, Chavigny était gouverneur du bois de Vincennes, qui n'était pas son ami.

L'officier qui le gardait, nommé La Ramée, avait pris avec lui, un certain homme qui, pour faire le bon valet, et montrer qu'il n'était pas inutile, s'ingénierait à bien garder le prisonnier. Soit qu'il fût là pour servir le duc de Beaufort, soit alors qu'il se laissât gagner par ce prince, il s'en servit enfin pour communiquer ses pensées à ses amis.

Ils choisirent exprès le jour de la pentecôte, parce que cette fête occupait tout le monde au service divin. A l'heure que les gardes dînaient, le duc de Beaufort demanda à La Ramée de s'aller promener en une galerie où il avait obtenu permission d'aller quelquefois se divertir. Cette galerie est plus basse que le donjon où il était logé, mais néanmoins fort haute, selon la profondeur des fossés, sur quoi elle regarde des deux côtés. La Ramée le suivit à cette promenade, et demeura seul avec lui dans la galerie. L'homme gagné par le duc de Beaufort fit semblant d'aller dîner avec les autres ; mais contrefaisant le malade, il prit seulement un peu de vin et, sortant de la chambre, ferma la porte sur eux.

Il alla ensuite trouver prisonnier, et , entrant dans la galerie, il la ferma aussi, et prit les clefs de toutes les portes. En même temps, le duc de Beaufort, qui était d'une taille avantageuse, et cet homme, se jetèrent sur La Ramée et l'empêchèrent de crier ; ils le bâillonnèrent, le lièrent par les pieds et par les mains, et le laissèrent là. Aussitôt ils attachèrent une corde à la fenêtre, et se laissèrent tous deux couler jusque dans le fossé, dont la profondeur est si grande qu'encore leur corde fût longue, elle se trouva trop courte de beaucoup ; si bien que, se laissant choir, la douleur le fit évanouir.

Etant revenu à lui, quatre ou cinq hommes des siens qui était de l'autre côté du fossé, et qui l'avaient vu presque mort avec une terrible inquiétude, lui jetèrent une autre corde qu'il s'attachat autour du corps ; et, de cette sorte, ils le tirèrent à force de bras jusqu'à eux . Quant il fut en haut, il se trouva en mauvais état ; outre qu'il s'était bléssé en tombant, la corde qu'il avait liée autour de son corps lui avait pressé l'estomac ; mais ayant repris quelques forces par la vigueur de son courage, il se leva, et s'en alla hors de ce lieu se joindre à cinquante hommes à cheval qui l'attendaient au bois prochain."