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 « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre

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Isabelle de Saint-Amand


Isabelle de Saint-Amand

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Fermé à double tour depuis qu'un ex-mousquetaire l'a brisé
Côté Lit: Amants de passages aussi rapidement oubliés
Discours royal:



Coeur à vif ϟ
On promet beaucoup pour se dispenser de donner peu

Âge : 29 ans
Titre : dame de Louvel, chevalier de Saint-Amand
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MessageSujet: « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre   « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Icon_minitime15.11.12 4:49




*15 ans plus tôt, quelque part en Bourgogne*

-Je ne me rendrais jamais !!! s’écria la petite brune, s’élançant en courant dans les allées du jardin du manoir familial.

D’une main, Isabelle prit le bas de sa jupe d’été légère, pour s’échapper plus vite, les yeux riants et le sourire aux lèvres. Elle venait d’avoir quatorze ans, et si sa mine, encore amaigrie par l’année et demie passée dans ce couvent qui l’avait fait dépérir à vue d’œil et dont son père l’avait tiré quelques semaines plus tôt, reprenait des couleurs, elle n’avait jamais été aussi heureuse, du moins le semblait-elle. Quatorze ans, c’est pourtant un âge qui marque un tournant chez une jeune fille. On commence à devenir une femme, son corps se développait et révélait tout le potentiel qui, elle ne le savait pas encore, lui serait bien utile plus tard. Pourtant, elle n’avait rien en commun avec la femme froide et calculatrice qu’elle allait devenir. Joyeuse, elle prenait la vie comme elle venait et n’envisageait jamais, au grand jamais, de quitter ce manoir qui l’avait vue naître, du moins le pensait-elle, et où elle coulait des jours heureux, fais de leçons données par son père dans tous les domaines, de longues promenades à cheval sur leurs terres et de mille et une histoires sur les temps anciens qu’il se plaisait à lui raconter, le soir, dans son fauteuil devant la cheminé, alors que la jeune fille, assise par terre, appuyée contre le lévrier de chasse de son père, Zéphyr, écoutait, des étoiles pleins les yeux.

La vie était douce chez le chevalier de Saint-Amand et si maintes fois on lui avait conseillé de reprendre épouse pour apporter une éducation convenable à cette enfant qu’il élevait d’une manière que peu de bonnes familles auraient acceptée, il ne les avait jamais écoutés. Il aimait trop sa fille pour lui imposer quoi que ce soit. Ainsi allait donc leur vie, bien simple, malgré leur noblesse, les jours s’écoulaient et se ressemblaient. Mais ils étaient parfois interrompus par une ou deux visites. Comme ce jour. L’un des meilleurs amis du chevalier Luc de Saint-Amand, le mousquetaire et vicomte Léandre de Vallombreuse, leur faisait visite. Isabelle aimait beaucoup Léandre. Agé de 25 ans, il était toujours de bonne humeur et ne rechignait jamais devant les jeux que l’adolescente lui imposait presque. Le jeu du jour était d’ailleurs plutôt dangereux, puisque Léandre était chargé de la leçon d’escrime quotidienne de l’adolescente. A vrai dire, le temps était parfait. C’était l’été, le soleil brillait à son maximum, mais une légère brise venait les rafraichir, apportant le parfum des fleurs et de la terre chaude, choses qu’Isabelle affectionnaient particulièrement. Bien évidemment, n’étant pas aussi pointilleux que le père de la jeune fille, la leçon avait vite viré au faux duel dans les jardins du petit manoir, et Isabelle, son épée dans une main gantée de cuir, l’autre tenant sa jupe et dévoilant ses bottes de cavalières qu’elle portait toujours lors de ses entrainements, se retrouvait à courir comme une folle pour échapper à son poursuivant.

La tenue était d’ailleurs plutôt simple, se composant d’une jupe beige, d’une chemise blanche et un justaucorps noir, ses cheveux bruns avaient été retenus en un chignon pour retenir en arrière les quelques mèches qui auraient pu la gêner. A force de rire et de s’échiner en tout sens, mais aussi grâce à la chaleur, elle sentait quelques goûtes de transpiration perler à son front et ses joues rougir. Les autres filles de son couvent l’auraient sans doute regardée de haut pour avoir un comportement aussi dégradant, voir même décadent, pour une jeune fille de sa condition. Isabelle ne se considérait pas comme ces petites pestes regardant les autres de haut. A vrai dire, adolescence oblige, elle se considérait même mieux qu’elles, libre, heureuse, tout simplement. Elle n’avait peut être jamais connu l’amour d’une mère et l’éducation que celle-ci aurait pu lui apporter, mais quand on ne connait pas quelque chose, comment peut-il nous manquer ? Elle ne l’avait jamais regretté. Sa nourrice lui avait toujours apporté cette présence féminine dont on pensait qu’elle avait pu manquer, et Antoinette, sa jeune femme de chambre engagée par son père juste avant son retour était devenue cette compagne de jeu et de secrets dont elle ne pouvait plus se séparer. Alors non, elle n’avait pas besoin de pitié, de qui que ce soit, et s’en moquait pas mal. Tout ce qu’elle voulait, c’était que cela continue, pour toujours, sans jamais s’arrêter. Un rêve à vie, que demander de plus ?

Consciente qu’elle ne pourrait pas fuir éternellement, Isabelle finit par s’arrêter dans l’allée, de toute façon coincée entre deux bosquets. Elle se mit donc en garde, bien décidée à montrer au jeune homme ce qu’elle avait apprit, et à l’emporter. Qu’on est prétentieuse quand on est adolescente… Sauf que cette prétention, Isabelle ne la perdrait jamais.

-Vous ne m’aurez pas vivante, monsieur, s’écria-t-elle avec emphase, se préparant à se défendre.

Mais finalement, elle décida de ne pas attendre qu’il soit prêt pour passer à l’attaque. Toute à ce qu’elle pensait son assurance de jeunesse elle se fendit dans l’espoir de l’atteindre. Espoir bien prétentieux, quand à quatorze ans et qu’on fait face à l’un des gardes d’élite du roi. La prétention était déjà un défaut bien parqué de l’adolescente qui n’allait pas aller en s’arrangeant, mais qui s’en souciait ? Pour le moment, fille chérie et unique d’un père qui l’adorait, on ne risquait pas de lui refuser quoi que ce soit dans les murs de cette maison. Un rien chipie pourtant, elle en abusait grandement. Manquant sa cible – et de beaucoup – elle se laissa emporter par son élan et manqua de tomber dans la haie bordant l’allée où le « combat » avait lieu. Heureusement que le combat était faux, dans un véritable duel, elle se serait faite embrochée depuis longtemps, mais qui s’en souciait ? Pas elle en tout cas, surement pas elle.

-Et cessez de vous moquer, ce n’est pas comme ça qu’on se comporte envers une dame ! le tança-t-elle, faussement sévère, en voyant qu’il était à deux doigts d’éclater de rire… pour finalement se mettre à rire elle-même. Impossible de rester sérieuse plus de quelques minutes. Voilà une chose qui risquait de changer à l’avenir hélas, bien qu’on en soit encore loin…
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MessageSujet: Re: « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre   « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Icon_minitime26.01.13 22:13

« Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre 130126101343486835

« Allons vicomte, vous savez bien que vous pouvez lui dire non… »
« Dire non à une jeune fille aussi adorable que la vôtre, chevalier ? Allons, vous êtes un sans-cœur ! »
« Et vous, vous êtes bien trop patient avec elle. » répliqua Luc de Saint-Amant en riant, avant de donner une tape amicale sur l’épaule de son ami. « Allez donc, et tâchez de revenir tous deux en un seul morceau ! »
« Faites-moi confiance, elle ne souffrira pas de la moindre égratignure. » lança Léandre de Vallombreuse avec un grand sourire avant de sauter par-dessus la balustrade de la terrasse qui donnait sur le jardin du manoir. Il faisait grand soleil cet été-là en Bourgogne, et le vicomte avait résolu d’accepter l’invitation de son ami le chevalier à venir passer quelques temps chez eux, loin du tumulte parisien dans lequel il évoluait depuis qu’il était devenu mousquetaire voilà déjà sept ans. Sept, qui avaient passé à la vitesse de l’éclair, si bien que Léandre avait l’impression d’avoir intégré le régiment hier. Il en avait pourtant fait du chemin, depuis ce jour il avait débarqué au campement avec simplement le nom de son père comme pièce d’identité et où il s’était battu en duel contre la Roche pour prouver sa valeur. Il montait en grade, encore et toujours, et son supérieur lui laissait à penser que s’il continuait à s’exercer avec acharnement et se battre avec autant de vaillance, il pourrait même prétendre un jour au titre de lieutenant-capitaine… Un but dont Léandre n’osait guère rêver, mais pour lequel il se battait avec acharnement pour progresser, encore et toujours. Il avait vingt-cinq ans, le bel âge, et était l’incarnation même de tout ce que l’on pouvait espérer pour un jeune homme comme lui. Il était grand, beau, les heures d’exercices l’avaient sculpté à la façon d’une statue grecque, et il avait cet heureux caractère des gens qui ne connaissent pas le malheur associé au calme, au sang-froid, et à la maîtrise de soi que requiert tout bon militaire. Sans être particulièrement passionné par les lettres, il avait néanmoins une bonne érudition et faisait un partenaire de conversation de qualité. En un mot, le vicomte de Vallombreuse était un jeune homme parfaitement accompli, bien dans sa peau, qui avait tout ce qu’il pouvait désirer au monde. Sa mère commençait même à lui parler mariage, lui proposant quelques noms de temps à autre, et visiblement un projet de fiançailles avec Hélène de Roberval se dessinait à l’horizon. Il s’entendait à merveille avec les parents de la jeune fille, ainsi qu’avec son frère Arthur, et Hélène était aussi jolie que douce, aimante, et foncièrement gentille. En d’autres termes, même s’il n’avait pas eu le temps de s’intéresser à tout cela de plus près, la perspective d’épouser Hélène n’avait rien pour lui déplaire.

Voilà, en somme, où en était Léandre de Vallombreuse. Une carrière fulgurante et bien remplie, un vicomté prospère, et des fiançailles en perspective. Alors oui, ce jour-là alors qu’il rendait visite à un vieil ami et acceptait de partager les jeux d’une petite fille de quatorze ans, il pouvait bien se permettre de sourire et d’en profiter. Il ne le savait pas encore, mais cinq ans plus tard, il regretterait amèrement les temps heureux qui étaient alors.

« Eh bien Isabelle, voilà que tu fuis, à présent ? Attends donc que je te rattrape ! » lança-t-il d’un air faussement menaçant en faisant mine de s’élancer à sa poursuite.
-Je ne me rendrais jamais !!! s’écria la gamine en s’élançant à toutes jambes pour le fuir. Retenant un rire, Léandre lui laissa quelques secondes pour gagner de l’avance, puis s’éloigna à son tour, une épée mouchée du même modèle que celle d’Isabelle à la main. Il dévala la pente qui menait aux jardins, essayant de ne pas aller trop vite pour ne pas rattraper la demoiselle empêtrée dans ses jupes et maintenir l’illusion que, le temps d’un jeu, elle était capable de semer un mousquetaire du roi !

Il la poursuivit ainsi jusqu’à ce qu’elle ne s’égare et se retrouve prise au piège, entre deux bosquets et avec son ‘ennemi’ en face d’elle. Léandre s’arrêta à quelques mètres d’elle, à peine essoufflé après sa course, et ne put s’empêcher d’éclater de rire en voyant cette petite de quatorze ans se mettre en garde en brandissant fièrement son épée.

-Vous ne m’aurez pas vivante, monsieur ! s’exclama-t-elle en arrachant un sourire très amusé au mousquetaire.
« Quelle impertinence, jeune fille ! Je vais vous faire ravaler votre arrogance ! En garde ! » répliqua-t-il d’une voix forte alors que ses yeux bleus riaient de bon cœur. Mais il n’eut pas le temps de se mettre en garde lui-même que déjà, Isabelle passait à l’attaque et se fendait vers lui. Heureusement –enfin tout était relatif, après tout leurs épées étaient mouchées, il ne risquait pas grand-chose- il avait appris depuis des années à toujours se tenir sur ses gardes et avait développé d’excellents réflexes ; cela ajouté à la maladresse d’Isabelle qui ne maîtrisait pas encore bien l’escrime, il l’évita largement. Il fit un pas de côté, et observa sagement la petite fille se faire emporter par son élan et manquer de finir par terre. Un spectacle pour le moins cocasse qui lui rappelait sa propre découverte de l’escrime quand il avait environ six ans. Il pivota vers elle, le poing sur la hanche, faisait tournoyer son épée dans l’air d’un air patient alors que visiblement, il s’amusait follement. Ce qu’Isabelle ne manqua pas de remarquer lorsqu’elle retrouva son équilibre, et sa moue faillit le faire de nouveau éclater de rire.
-Et cessez de vous moquer, ce n’est pas comme ça qu’on se comporte envers une dame ! s’agaça-t-elle avant d’afficher un sourire ravi et bien peu sérieux.
« Une vraie dame aurait attendu que le gentilhomme soit en garde, avant de l’attaquer comme vous l’avez fait ! Au moins vous aurez retenu la leçon, petite demoiselle ! » la sermonna-t-il en imitant son faux air sévère. « Allons tenez-vous mieux que ça, mais que diable vous a appris votre père ? Le dos droit, les genoux écartés, allez, vous êtes mousquetaire, pas danseuse ! »

Ainsi donnait-il ses consignes, comme un instructeur militaire, sauf que tout dans ses yeux, son sourire et le ton amusé de sa voix confirmait qu’il ne s’agissait là que d’un jeu. C’était l’époque où Léandre s’entendait avec tout un chacun, les plus vieux comme les plus jeunes, et où sourire et jouer lui étaient encore des notions familières. Il s’était toujours bien entendu avec les enfants, faisant souvent office pour eux de modèle ou de héros grâce à son blason de mousquetaire, et s’amusant de cette admiration qu’il provoquait inévitablement chez eux. Les garçons déclaraient qu’eux aussi plus tard seraient mousquetaires, les filles qu’elles en épouseraient peut-être un ; et lui se contentait de sourire à ce touchant spectacle. Il n’était pas particulièrement pressé de se marier ou d’avoir des enfants, mais la perspective d’élever un fils –ou une fille d’ailleurs- ne lui déplaisait pas, s’amusant déjà à imaginer ce qu’il pourrait lui apprendre, et comment lui enseigner la droiture, l’honneur et la générosité comme ses propres parents l’avaient fait. En attendant, il avait la petite Isabelle, qu’il connaissait depuis qu’elle était haute comme trois pommes et dont il avait toujours été très proche. Elle lui avait toujours témoigné beaucoup d’affection, se jetant dans ses bras dès qu’il arrivait au manoir pour leur rendre visite, et lui-même n’avait jamais fait de difficulté pour se laisser entraîner dans ses jeux et ses aventures. Il n’avait jamais eu de petit frère ni de petite sœur et était plus que ravi de rattraper cela avec Isabelle.

« Bien, voilà qui est beaucoup mieux ! Vous avez prouvé votre grande vaillance, Isabelle de Saint-Amand, aussi ai-je pris une grand décision. »

Il marqua volontairement une pause, pour faire durer le suspense. Isabelle semblait pendue à ses lèvres, et il dut faire un gros effort pour rester à peu près sérieux.

« J’ai décidé… de vous apprendre une botte secrète. » lâcha-t-il presque en chuchotant, sur un ton de conspirateur. Il s’agenouilla auprès d’Isabelle, redressant son épée, et continua sur le même ton, une lueur joueuse dans les yeux : « Cette botte a été créée par l’un de ses ancêtres, dont on dit qu’il fut un des inventeurs de l’escrime. C’était l’homme le plus courageux de son temps, et le meilleur bretteur qui ait été. Grâce à cette botte, il n’a jamais perdu un seul combat, et il l’a baptisée ‘la botte du courage’, car seuls les plus braves ont le droit de la connaître et de l’utiliser ! J’en suis le dernier détenteur, et j’ai décidé que vous aviez prouvé que vous en étiez digne. Mais il faut d’abord que vous me juriez sur votre épée que vous serez brave parmi les braves, et que vous ne fuirez jamais devant le combat ! »

Histoire complètement inventée bien entendu, mais n’était-ce pas ce que les enfants aimaient, justement ? Aussi continua-t-il, arborant l’air grave du maître apprenant un immense secret à son élève :

« Isabelle de Saint-Amand, jurez-vous d’être toujours brave et vaillante, et de vous battre jusqu’à la fin par courage ? »
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Isabelle de Saint-Amand


Isabelle de Saint-Amand

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MessageSujet: Re: « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre   « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Icon_minitime18.02.13 23:35

Isabelle avait réussi à se remettre sur ses pieds sans s'étaler sur le gravier blanc de l'allée. Ca aurait été du plus bel effet... Son père aurai adoré – ironie quand tu nous tiens – et Antoinette lui aurait encore passé un sacré savon. Etait-il étonnant qu'au fond, la jeune fille s'en fiche ? Si elle ne voulait pas que cela arrive, ce n'était pas pour ne pas décevoir ou énerver ceux qui l'entouraient, mais pour se voir épargner un sermon qui l'ennuierait et qui lui ferait perdre son temps, voilà tout. De plus, elle risquait de se faire punir, et les visites – surtout celles de Léandre – étaient bien trop rare pour se les faire refuser. Il était donc hors de question que la petite sauvageonne se voit consigner pour avoir déchiré une de ses robes. Au grand damne du chevalier, bien loin de l'avoir assagie, le couvent, qui avait pourtant eut une incidence non négligeable sur la santé de la jeune fille,ne l'avait certes pas calmée. C'était à désespéré. Mais pourtant, il l'aimait bien trop fort pour la punir. Il se contentait en général de lever les yeux au ciel en soupirant, un peu comme il l'avait fait lorsqu'elle s'était mise à sautiller dans tous les sens en exigeant de mettre en pratique ses leçons d'escrimes dispensées par le chevalier. Léandre, encore moins que son père, ne lui refusait jamais rien. Isabelle n'avait donc eut aucun mal à trainer le mousquetaire dans son sillage pour l'un de ces jeux dont elle avait le secret.

Heureusement que le caractère du jeune homme était bien complaisant, et qu'il ne rechignait pas à se plier à ses caprices. D'autres à sa place auraient renvoyé la petite impertinente à sa broderie ou à toute autre activité bien plus féminines que l'escrime qui n'avait rien à faire dans l'éducation d'une jeune fille. Pourtant, cette chaude après-midi d'été ne se prêtait pas à ne rien faire. Elle ne se prêtait pas non plus à une course effrénée, fleuret mouché à la main, à travers le parc du manoir de Saint-Amand, mais Isabelle n'en avait pas grand chose à faire. A quatorze ans, quand on s'ennui, et qu'on trouve un moyen de s'amuser, on ne rechigne pas à deux fois. Ce n'est pas quelques degrés en trop qui vont nous en empêcher. Ils prendraient le frais dans la soirée, sous les arbres, autour d'un diner que le cuisiner de son père, qui avait lui préféré l'ombre de son bureau par cette chaude après-midi, aurait préparé avec attention en l'honneur de l'invité. Tout serait parfait, et dans la tête d'Isabelle, cela durerait toujours. Qu'on est naïf quand on est adolescent. Naïve, au point de vouloir défier à l'escrime un mousquetaire du roi. Elle ne doutait vraiment de rien, cette petite. Heureusement, Léandre était patient et s'amusait de l'impudence et la tendance tête-brûlée de l'adolescente, qui prenait cela pour de la moquerie, parfois. Et son tempérament de feu ne pouvait que relever l'affront de la manière dont elle l'avait toujours lut dans les livres, aussi ridicule cela puisse paraître dans la réalité.

-Eh bien Isabelle, voilà que tu fuis, à présent ? Attends donc que je te rattrape !

Acculée au mur – d'arbres de l'allée - , après avoir hurlé qu'elle ne se rendrait jamais, elle s'était mise en garde, respectant scrupuleusement les mouvements que son père lui avaient enseignés. Pourtant, tout cela n'était encore que très approximatif, car en attaquant elle manqua de se prendre les pieds dans sa robe et le gravier. Beau spectacle à la vérité. Elle n'avait rien d'une jeune fille de bonne famille qu'on s'attendait à retrouver dans ce petit manoir, bien au contraire. Parfois, certains animaux de la forêt avoisinante, dont des biches, venaient errer dans le parc. Une en particulier, qui était là presque tous les matins d'été. Isabelle ne l'avait dit à personne, mais elle l'avait surnommée « Mouchette ». Avec le bruit que les deux « combattants » faisaient aujourd'hui, il n'y avait aucun risque qu'elle se montre, c'était certain.

-Une vraie dame aurait attendu que le gentilhomme soit en garde, avant de l’attaquer comme vous l’avez fait ! Au moins vous aurez retenu la leçon, petite demoiselle !

Isabelle retint surtout qu'une vraie dame ne se serait surement pas battue en duel, mais elle ne préféra ne rien en dire.

-Allons tenez-vous mieux que ça, mais que diable vous a appris votre père ? Le dos droit, les genoux écartés, allez, vous êtes mousquetaire, pas danseuse !

Totalement dans le jeu, elle se redressa et se remit en position comme le chevalier lui avait apprit. La pose était difficile à tenir et elle menaçait de finir à terre à n'importe quel moment. Qu'importe, quand l'honneur est en jeu. Notion de l'honneur tout à fait personnelle quand on a quatorze ans.

-Bien, voilà qui est beaucoup mieux ! Vous avez prouvé votre grande vaillance, Isabelle de Saint-Amand, aussi ai-je pris une grand décision.

La jeune fille rompit la pose et se redressa, le regardant les yeux brillants de curiosité sans oser parler.

-J’ai décidé… de vous apprendre une botte secrète.

Isabelle eut un temps de réaction, ayant du mal à assimiler ce qu'il lui disait. Ses yeux s'arrondirent et sa bouche s'ouvrit, d'abord de surprise, puis se mua dans un immense sourire.

-Pour de vrai ? Haaa !!

La petite brune se mit à sautiller sur elle-même pour manifester sa joie, mais se calma quand Léandre mit un genou à terre à son côté. Toute ouïe, elle n'émettait pas un son pour donner toute son attention au mousquetaire :

-Cette botte a été créée par l’un de ses ancêtres, dont on dit qu’il fut un des inventeurs de l’escrime. C’était l’homme le plus courageux de son temps, et le meilleur bretteur qui ait été. Grâce à cette botte, il n’a jamais perdu un seul combat, et il l’a baptisée ‘la botte du courage’, car seuls les plus braves ont le droit de la connaître et de l’utiliser ! J’en suis le dernier détenteur, et j’ai décidé que vous aviez prouvé que vous en étiez digne. Mais il faut d’abord que vous me juriez sur votre épée que vous serez brave parmi les braves, et que vous ne fuirez jamais devant le combat !


Isabelle aurait cru les mensonges de Léandre, aussi invraisemblables soient-il, du moment qu'ils la faisaient rêver, et dans le cas présent, c'était exactement ça.

-Isabelle de Saint-Amand, jurez-vous d’être toujours brave et vaillante, et de vous battre jusqu’à la fin par courage ?

La jeune fille prit son épée par la lame, et posa la garde devant ses lèvres, la tenant à la verticale par rapport au sol.

-Je jure ! Répondit-elle, aussi solennelle que possible.

A peine le serment prêté, elle fit un bon en arrière pour se remettre en garde et être prête à apprendre ce qu'on venait de lui promettre.

-Expliquez-moi, expliquez-moi !

Il aurait été difficile de moins bien la faire tenir en place.

-Une fois que je connaîtrai cette botte, vous ne m'arrêterez plus jamais, monsieur. Ce jour sera le jour où vous avez faillis capturer Isabelle de Saint-Amand.

La phrase, prononcée avec emphase, avait énormément de naïveté dans la bouche de la jeune fille, et en aurait fait exploser de rire plus d'un, c'était certain.
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MessageSujet: Re: « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre   « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Icon_minitime13.05.13 0:55

Sans qu’il n’en ait conscience, Léandre était en train de se préparer aux fonctions qu’il devrait exercer quinze ans plus tard après son retour à Versailles : former de jeunes mousquetaires en vue d’en faire de parfaites recrues, des soldats dignes du futur Louis XIV. Aujourd’hui, à l’âge de vingt-cinq ans, il était une recrue modèle et donnait parfois des conseils aux nouveaux venus et à ses confrères, mais il n’avait pas encore les fonctions formatives que les années l’amèneraient à prendre. D’ici cinq ans il serait à la tête des mousquetaires après le roi, et dix ans plus tard encore, il reviendrait pour enseigner aux jeunes recrues ce que lui-même avait appris en douze dures années de labeur et d’exercice. A le voir, il aurait été difficile d’imaginer quel pédagogue il pouvait être –surtout d’ici quelques années lorsqu’il reviendrait après avoir tout perdu, aigri et amer- et pourtant, le vicomte prenait plaisir à transmettre son savoir et faire travailler de plus jeunes escrimeurs, plaisir dont il n’avait que lointainement confiance. Avec son indestructible confiance en lui sans aller jusqu’à la vanité, sa force de caractère, et la passion que lui inspirait son métier et son art, il était un formateur hors pair… et ne le savait pas encore. Sans le savoir, Isabelle était le prototype des jeunes recrues que Léandre aurait à faire travailler quinze ans plus tard.

Léandre n’était pas exactement dans cette optique de formation avec Isabelle. Le but ici était tout bêtement d’amuser une gamine de quatorze ans qui préférait les armes aux broderies, et si plus d’un mousquetaire aurait envoyé balader la petite, ce n’était pas le cas du jeune homme qui trouvait la situation plus amusante qu’autre chose. Après tout, lui-même avait gardé un excellent souvenir de ses leçons d’escrime même si son père s’était montré cent fois plus sévère avec lui – alors pourquoi ne pas permettre à la petite Isabelle de prendre ces leçons comme un jeu si c’était ce qui lui plaisait ? Léandre avait de toute façon trop d’affection pour l’enfant pour lui refuser de prendre part à ses jeux, lui qui n’avait ni frère, ni sœur, ni enfants. Le jeune homme n’avait aucune difficulté à endosser le rôle d’oncle de substitution qu’Isabelle lui avait assigné, remplaçant même son père lorsque celui-ci devait travailler comme aujourd’hui. Sans être étouffant –ce n’était pas là son rôle- il était protecteur et couvait la jeune fille d’un regard bienveillant et parfois un peu inquiet, de cette inquiétude indulgente des adultes parfois largués par les enfants qu’ils n’arrivent pas toujours à suivre ; ayant lui-même eu des parents, et surtout un père relativement distants, il adoptait l’attitude opposée et espérait un jour pouvoir faire de même avec ses propres enfants. Et puis la petite Isabelle était tellement attachante, il était difficile de faire autrement avec elle, à moins d’être un cœur de pierre… Ce que Léandre ne devait pas devenir avant cinq bonnes années.

-Je jure ! s’exclama-t-elle, les yeux pétillants d’excitation malgré sa tentative pour rester sérieuse et solennelle, ce qui fit sourire le mousquetaire. La ‘botte du courage’ n’était qu’une invention de Léandre pour amuser la petite, mais la voir le prendre autant au sérieux avait quelque chose d’infiniment amusant. Et Dieu merci, Léandre avait assez d’expérience dans le domaine de l’escrime pour inventer une botte assez facile à exécuter pour une enfant de quatorze ans ! Il attendit donc patiemment qu’Isabelle se mette en garde, rectifiant sa posture par des injonctions telles que « plus droite ! » ou « écarte le genou ! ».

-Expliquez-moi, expliquez-moi ! s’impatientait-elle encore, oubliant d’obéir à ses injonctions et se trouvant obligée de recommencer à chaque fois, sous le regard indulgent de Léandre. Elle sautillait littéralement sur place, si bien que le mousquetaire dut lui mettre la main sur la tête pour l’immobiliser et la maintenir les deux pieds sur terre.
« Commencez par rester en place jeune fille, depuis quand les mousquetaires sont-ils aussi indisciplinés ? M’avez-vous déjà vu sautiller de la sorte ? Si ça continue je vais devoir vous faire mettre aux fers pour vous enseigner la discipline ! » reprit Léandre en ré-adoptant son attitude de professeur faussement sévère. « Allez, remettez-vous en position, les pieds en angle droit, le dos droit, la main haute, la prise ferme… Ce n’est pas le moment de se laisser aller, c’est une botte qui requiert de la concentration et de l’application. »

Attendant patiemment que la demoiselle se décide à se mettre en place, Léandre croisa les bras sur son torse en faisant tourner la lame de son fleuret dans le vide.

-Une fois que je connaîtrai cette botte, vous ne m'arrêterez plus jamais, monsieur. Ce jour sera le jour où vous avez faillis capturer Isabelle de Saint-Amand. Affirma la petite. Une détermination qui arracha un nouveau sourire au jeune mousquetaire, lequel hocha la tête.
« C’est ce que nous verrons, petite demoiselle. Mais j’escompte bien que personne d’autre que moi ne puisse vous arrêter ! Maintenant en garde, je vais vous montrer cette fameuse botte. » ordonna-t-il en se plaçant en garde face à elle. Il battit du fer contre le sien pour tester sa résistance. « Allez-y, attaquez-moi. De la manière que vous voulez, et observez bien mes mouvements ! »

L’air soudain extrêmement concentré comme s’il prenait leur combat avec autant de sérieux qu’un pape, Léandre laissa Isabelle s’approcher et attendit le dernier moment pour parer sa touche en quinte avant de répliquer par une ample fente qu’elle contourna rapidement. Par esprit de défi et par amusement, Léandre fit durer un peu l’échange, battant en retraite, avant de riposter avec plus de vivacité en évitant toutefois de toucher la jeune fille puisqu’il devait la battre avec la fameuse botte sortie de son chapeau magique. Mais Léandre aimait se battre, que ce soit contre un véritable adversaire ou pour s’amuser contre la petite Isabelle. S’il était vrai qu’il était un jeune homme accompli à l’aise sur le champ de bataille aussi bien qu’à la cour, il ne s’épanouissait jamais autant qu’une épée à la main et dans le cœur de l’action. Ce décalage ne se voyait pas trop à cette époque, mais quinze ans plus tard, lorsqu’il reviendrait transformé à Versailles, la différence entre le Léandre glacial de la cour et le Léandre enflammé de la bataille serait d’une évidence criante. C’était un soldat, un guerrier ; un de ces hommes d’armes qui semblaient nés l’épée à la main et le courage aux tripes. Il n’avait pas eu l’occasion de servir sous les ordres de monsieur de Tréville aux côtés des célèbres Trois Mousquetaires, mais il ne faisait guère de doute qu’il aurait eu sa place dans leur bande sélective.

Soudain, alors qu’elle tentait de l’atteindre au flanc droit, Léandre décida de passer à l’action. Il ne para pas l’attaque, mais se décala juste assez pour que le fleuret d’Isabelle effleure son bras ; aussitôt, il enroula son épée autour de la sienne à la manière d’un serpent et, ayant calé sa lame sous le pommeau de la jeune fille, tira d’un coup en l’air. Avec une exclamation de surprise, elle lâcha son arme qui vola dans les airs avant d’atterrir derrière eux. Plaçant la mouche de son fleuret sous la gorge de l’adolescente, Léandre laissa échapper un sourire en coin et haussa les sourcils d’un air triomphant.

« Et bien mademoiselle ? Qu’en pensez-vous ? » demanda-t-il en rabaissant son épée. Il se pencha pour ramasser celle d’Isabelle, tout en déclarant : « On l’appelle la botte du courage car comme vous l’avez vu, la lame de l’adversaire doit passer très près du corps si vous voulez espérer le désarmer si rapidement qu’il ne pensera même pas à se raidir… En d’autres termes, vous prenez le risque de vous blesser. Mais même si vous êtes touchée, il faut poursuivre le mouvement car vous n’aurez pas d’autre chance. C’est une botte à double tranchant, mais si vous êtes assez courageuse pour bien doser votre mouvement ou supporter la douleur d’une éraflure… De toute façon, un vrai combattant ne doit pas avoir peur de la douleur : nous sommes des soldats, pas des fillettes ! »

Il lui rendit son fleuret, la fixant droit dans les yeux comme pour l’impressionner :

« Avez-vous suffisamment de cran pour exécuter cette botte, Isabelle de Saint-Amand ? Ne reculerez-vous pas devant le danger ? Si vous voulez prouver que vous êtes véritablement digne d’être chevalier, c’est maintenant… ou jamais ! »

Et, se mettant une dernière fois en garde, genoux fléchis, comme prêt à bondir, lança :

« A votre tour maintenant. N’oubliez pas, c’est votre dernière chance ! En garde… Prêts ? Allez ! »
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Isabelle de Saint-Amand


Isabelle de Saint-Amand

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Fermé à double tour depuis qu'un ex-mousquetaire l'a brisé
Côté Lit: Amants de passages aussi rapidement oubliés
Discours royal:



Coeur à vif ϟ
On promet beaucoup pour se dispenser de donner peu

Âge : 29 ans
Titre : dame de Louvel, chevalier de Saint-Amand
Missives : 386
Date d'inscription : 02/01/2012


« Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Empty
MessageSujet: Re: « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre   « Se souvenir ranime ; vouloir se souvenir détruit. » ▬ Léandre Icon_minitime22.06.13 23:15

Isabelle était insouciante. Ce sera assez difficile à croire quand on la connaîtra quelques années plus tard, mais pourtant, elle avait été une adolescente certes avec un fort caractère, mais heureuse, aimée et tendre. Et ces journées passées avec Léandre de Vallombreuse faisaient partie de ces souvenirs qui allaient la hanter plus tard et lui donner l'impression de ne pas être celle à qui appartenait cette mémoire, même si elle était pourtant cette même personne. Une chaude après-midi d'été comme celle-ci, des rires et aucune responsabilité, ni aucun problème. Cela semblait délicieusement irréel, sorti d'un de ces livres que le chevalier de Saint-Amand faisait lire à sa fille. La jeune fille ne pensait pas que la vie puisse changer un jour. Elle n'y pensait d'ailleurs pas. A quoi bon d'ailleurs ? Sa vie resterait la même dans ce château, aimée et choyée par un père qui n'avait qu'elle à se préoccuper, et les visites de cet oncle de cœur que Léandre représentait pour elle, protecteur et en même temps joueur. Plus jeune que son père, et plus à même de la comprendre ou de lui passer ses moindres caprices, comme ce jeu indigne d'une jeune demoiselle, et pourtant auquel elle prenait grand plaisir, et se montrait assez débrouillarde. Douée aurait peut être été un terme trop important, mais avec de la pratique, peut être... Il y avait bien peu de chances que cela lui serve un jour, certes, mais cela ne semblait déranger personne qu'elle apprenne quelque chose qui aurait surement fait jurer la mère supérieur par tous les saints. Rien que de penser à la vieille bigote, Isabelle en aurait ricané.

La religion ? Elle en était à des siècles. Et elle ne se doutait pas qu'elle pourrait s'en rapprocher et y donner de son corps et de son âme – de manière littérale – quelques années plus tard. Tout ce qui portait un voile ou une soutane lui donnait la chaire de poule. Elle préférait de loin les soldats, comme son père et Léandre. Ils étaient bien plus intéressants, et la morale qu'ils prêchaient paraissait bien moins alambiquée que la philosophie bancale de l'Eglise en générale, et du confesseur du couvent de jeunes filles où elle avait été envoyée en particulier. Don concret, voilà ce qu'il fallait à l'adolescente. Le reste paraissait bien superficiel, et surtout inutile. Cette leçon d'escrime l'était surement tout autant, et pourtant elle avait l'impression de faire quelque chose d'utile et au moins ses mains et son esprit étaient tous deux occupés. Sa robe, pourtant bien plus simples que celles qu'elle portait habituellement quand ils avaient des invités, l'entravait pourtant un peu dans ses mouvements, mais n'avait pas empêcher ses joues de rosir, sous l'effort et aussi sous le contentement. Ses cheveux échappaient par mèches entières de sa queue de cheval. Son père disait souvent, faussement excédé, que sa mère se retournait surement dans sa tombe en voyant comment il ratait son éducation, mais Isabelle savait bien, de ce que son père lui en avait toujours dis, que sa mère la préférait heureuse ainsi que dépérissant au fin fond d'un pensionnat de bonnes manières. Et heureuse, pour sûr, elle l'était, bien que ce ne soit pas pour longtemps encore. Mais elle était à des lieux de la réalité. Et la promesse de cette botte que Léandre venait de lui faire venait à nouveau de la déconcentrer totalement, du fait de l'excitation. Au point qu'il dut la rappeler à l'ordre.

-Commencez par rester en place jeune fille, depuis quand les mousquetaires sont-ils aussi indisciplinés ? M’avez-vous déjà vu sautiller de la sorte ? Si ça continue je vais devoir vous faire mettre aux fers pour vous enseigner la discipline !

Isabelle, ne voulant pas voir cette occasion lui manquer, tenta tant bien que mal de reprendre une attitude digne mais il ne fallait pas être très fin observateur pour voir que c'était d'une grande complexité pour l'adolescente.

-Allez, remettez-vous en position, les pieds en angle droit, le dos droit, la main haute, la prise ferme… Ce n’est pas le moment de se laisser aller, c’est une botte qui requiert de la concentration et de l’application.

Elle mit l'ordre à exécution, osant tout de même une petite pique à l'encontre du mousquetaire. Dans sa naïveté, elle pensait réellement pouvoir maîtriser l'escrime en quelques heures et arriver ainsi au niveau de Léandre.

-C’est ce que nous verrons, petite demoiselle. Mais j’escompte bien que personne d’autre que moi ne puisse vous arrêter ! Maintenant en garde, je vais vous montrer cette fameuse botte.

Il se mit face à elle, en garde, leurs armes s'effleurèrent.

-Allez-y, attaquez-moi. De la manière que vous voulez, et observez bien mes mouvements !

Isabelle fut circonspecte un instant, se doutant que cela ne pouvait pas être si facile. Elle réfléchit au meilleur angle d'attaque, avant de décider finalement que le plus court chemin pour aller d'un point A à un point B était finalement la ligne droite, aussi se fendit-elle d'un coup. Il para, la forçant à reculer d'un pas et à retenter l'attaque, repoussant le moment de la fameuse botte qu'elle attendait pourtant avec impatience. Tentant le tout pour le tout, elle essaya de l'attaquer à droite, facilité par le fait que la jeune fille était gauchère, mais en escrimeur confirmé, Léandre vit le coup venir sans difficulté aucune. Il la laissa lui froler le bras avec son fer, avant d'enrouler sa lame avec la sienne et lui arracher l'épée, qui décrivit un cercle dans le ciel, avant d'aller échouer à quelques pas des escrimeurs. Isabelle laissa échapper une exclamation de surprise, suivant l'arme des yeux. Quand son regard se tourna à nouveau vers Léandre, la lame de celui-ci était contre la gorge de la jeune fille.

-Et bien mademoiselle ? Qu’en pensez-vous ?

Les yeux encore écarquillés, Isabelle le regarda abaisser son arme avant d'aller chercher la sienne.

-Co... Comment... ?

-On l’appelle la botte du courage car comme vous l’avez vu, la lame de l’adversaire doit passer très près du corps si vous voulez espérer le désarmer si rapidement qu’il ne pensera même pas à se raidir… En d’autres termes, vous prenez le risque de vous blesser. Mais même si vous êtes touchée, il faut poursuivre le mouvement car vous n’aurez pas d’autre chance. C’est une botte à double tranchant, mais si vous êtes assez courageuse pour bien doser votre mouvement ou supporter la douleur d’une éraflure… De toute façon, un vrai combattant ne doit pas avoir peur de la douleur : nous sommes des soldats, pas des fillettes !

Il lui tendit son arme en ajoutant :

-Avez-vous suffisamment de cran pour exécuter cette botte, Isabelle de Saint-Amand ? Ne reculerez-vous pas devant le danger ? Si vous voulez prouver que vous êtes véritablement digne d’être chevalier, c’est maintenant… ou jamais !

Elle se redressa, comme au garde à vous, l'épée devant le visage, le regard déterminé et fier.

]-Je ne suis pas une fillette ! Le courage ne me fait pas défaut et je n'ai pas peur ! S'exclama-t-elle.

Léandre se remit en garde, et Isabelle l'imita à nouveau :

-A votre tour maintenant. N’oubliez pas, c’est votre dernière chance ! En garde… Prêts ? Allez !

Au lieu de se fendre, elle recula d'un pas, attendant l'attaque, qui ne tarda pas. Ils échangèrent pendant quelques minutes, avant qu'elle ne le laisse venir à sa gauche, agissant comme un miroir, le laissant l'attaquer, et enroula son épée autour de la sienne pour le désarmer. Bien sûr, Léandre se laissa faire, par esprit chevaleresque, et pour le plaisir de la voir sourire. Isabelle ne le comprit pas alors, mais plus tard, cela lui paraitrait l'évidence. L'arme de Léandre s'envola. Plutôt que de le tenir à la pointe de son épée comme il l'avait fait pour elle, oubliant toute tenue et toutes ses manières, Isabelle n'en crut pas ses yeux une seconde, avant de se remettre à sautiller sur place.

-J'ai réussi !!! J'ai réussi !!! Je suis imbattable désormais !!

Et puis d'un coup, avisant Léandre, elle se remit au garde à vous, et, avec ce sérieux des enfants et cette gravité qui en général font rire les adultes, elle jura avec le plus d'intention possible.

-Monsieur, je saurai être digne de l'honneur que vous m'avez fait en m'enseignant cette botte. Sur ma vie, je vous le jure !

L'avenir était plein de surprises, mais à l'instant précis, Isabelle serait morte plutôt que de manquer à la promesse qu'elle avait faite. Comme quoi, les gens changent...

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