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 Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666.

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MessageSujet: Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666.   Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Icon_minitime08.10.12 23:21

Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Lyndsy_Fonseca_in_Nikita_S_02_(628) Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Penelo10
« Que le soleil ne se couche pas sur votre colère. »

Pendant ce temps, à Versailles...

Il était de ces soirées qui, si elle l’oubliait parfois, rappelaient cruellement à Perrine sa véritable condition. Ce soir, celle qui voyait la cour et tout ce que la France avait de plus resplendissant fêter la nouvelle année en était une.
Elle avait beau s’enivrer d’intrigues, de fausses identités et d’une fierté qui n’avait rien à envier aux plus nobles, qu’était-elle que camériste ? Il y avait là une dure réalité qu’elle ne pouvait indéfiniment se dissimuler. Une réalité que le soudain silence qui s’était installé dans les appartements de Gabrielle après son départ faisait désagréablement résonner aux oreilles de la jeune femme. Elle qui n’avait pas pour habitude de se morfondre sentit comme une sensation d’injustice lui serrer la gorge, alors qu’elle écoutait depuis la coiffeuse qu’elle achevait de ranger les derniers préparatifs d’une soirée à laquelle elle aurait sans doute brillé si on lui en avait laissé l’occasion. Son nom, son sang mis à part, elle n’avait rien à envier à tous ces courtisans frivoles et écervelés qui se pavanaient sûrement déjà dans le palais.

Le dernier tiroir refermé, Perrine ne put toutefois s’empêcher de s’approcher de l’une des grandes fenêtres. Dans la cour, un carrosse aux armes des Longueville attendait. Quelques seconde plus tard, Paris sortait de l’hôtel, et le coeur de Perrine se serra à nouveau. Elle l’observa un instant puis, à l’instant où il tourna la tête vers la fenêtre derrière laquelle elle se trouvait, s’éloigna, trouvant à ses côtés un rideau pour refuge.
Qu’elle semblait loin cette nuit où elle avait trouvé dans sa chambre une robe et la plus délicieuse des invitations. En effet, depuis le retour de Saintonge, et la dispute qui s’en était suivie - car l’on pouvait difficilement qualifier ce moment de retrouvailles - le Prince et la camériste avaient tous deux renouer avec la distance qu’ils avaient pourtant enfin rompue quelques semaines plus tôt, et il y avait maintenant un long moment qu’ils n’avait pas échangé le moindre mot. Ils étaient deux à s’éviter, et c’était bien là la seule chose qu’ils parvenaient à faire correctement.

Un soupir échappa à Perrine, qui se laissa mollement tomber dans un fauteuil. Ils en étaient exactement au point qu’elle avait toujours fait tout ce qu’elle pouvait - ces derniers mois exceptés - pour ne pas atteindre. Pourtant, impossible de regretter cette nuit, la veille de son départ, ni tout ce qu’elle avait bien pu dire. Si elle avait des remords quant à ce départ précipité, et ce qu’elle avait fait durant ce voyage ? Peut-être. Mais s’arrêter l serait surestimer sa capacité à faire les choses simplement. Paris était en colère, et Perrine lui en voulait terriblement pour cela alors que, de l’autre côté, Gabrielle prenait son trouble pour une trahison. Cette stupide histoire de fête grecque n’était qu’un prétexte, et un signe évident de la mauvaise foi de la jeune femme. Mais elle était bien trop fière, et craignait trop de souffrir pour l’admettre.

De loin, elle entendit le carrosse partir, et songea à trouver une occupation pour occuper ses pensées, mais avant qu’elle ne soit levée, la porte du salon s’ouvrir à la volée.
« Perrine ! Gabrielle nous fiche la paix ce soir... et même le tout Paris, alors parlons, même si tu ne le veux pas. »
De surprise, Perrine s’était redressée, mais bien vite remise, elle planta dans les yeux du jeune homme deux prunelles peu amènes.
« Parler ? Et de quoi ? rétorqua-t-elle en voulant ignorer son regard. Nous nous sommes tout dit, je crois. »
Elle n’était pas préparée à cela, pas maintenant. Croisant les bras devant sa poitrine, implacable, elle ne voulut pas écouter cette petite chose au fond d’elle, cette vague voix qui lui soufflait qu’il était remonté...pour elle.
« Je ne vois rien à ajouter si ce n’est que nous avons visiblement fait une terrible erreur, et que nous devrions faire en sorte de ne pas empirer les choses, lâcha-t-elle, amère, et contre l’avis de toute une cohorte de sentiments. »

Elle baissa les yeux, l’assurance menaçant de lui faire défaut, et chercha désespérément autour d’elle quelque chose pouvant la tirer de ce mauvais pas - ô mauvaise foi. Se croyant sauvée, elle attrapa quelques étoffes tout en marmonnant ironiquement.
« Que fais-tu là d’ailleurs ? Ta soeur, la cour...le Roi t’attendent, tu ferais mieux de partir maintenant. »
Là-dessus, les bras chargés, elle lui tourna le dos et se dirigea vers une porte. Mais quelque chose, comme un mauvais goût de regret, une sensation d’inachevé, la retint. Irritée, elle laissa tomber son chargement sur un fauteuil non loin et leva à nouveau les yeux vers le Prince.
« Tu n’as pas le droit de m’en vouloir d’être partie, Paris ! lança-t-elle, enfin plus sincère. Ni de te venger avec cette...stupide fête ! »
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Paris de Longueville


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MessageSujet: Re: Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666.   Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Icon_minitime05.02.13 18:39

Paris détestait l’affrontement, et plus encore face à Perrine. Avec la mauvaise foi, il ne pouvait ni mener la danse ni prendre le dessus, et devait trop souvent capituler. Mais devant lui, ça n’était pas Gabrielle qu’il parvenait toutefois à manipuler, c’était Perrine. Perrine et toute son adorable mauvaise foi, qui le poussait à vouloir la détester sans y parvenir. Et découvrir la véritable facette de la jeune femme le rendait plus amer encore contre sa propre naïveté. Avait-il été si sot pour ne pas voir le véritabel visage de la camériste? Toutes ces années à ses côtés, et il s’était rendu aveugle à la mettre sur un piédestal qu’elle ne méritait peut-être pas.
Parler? En vérité, il se fichait de discuter avec elle, il désespérait surtout d’imaginer toute rupture entre eux. La voir, entendre sa voix, sentir son regard sur lui...s’il ne se l’avouait - comble de faiblesse! - il pouvait néanmoins simplement s’asseoir là et observer Perrine. Les sentiments qui l’agitaient ce soir étaient si contradictoires qu’il s’y perdait lui-même.

-Parler ? Et de quoi ? rétorqua-t-elle, fuyant presque son regard. Nous nous sommes tout dit, je crois.
Il ne su quoi répondre face à la jeune femme qui attendait une réponse claire, les bras croisés sur sa poitrine. Se retenant de froncer le nez, il passa une main dans ses cheveux, comme pour reprendre contenance, quelque peu déstabilisé.
-Pas depuis ton départ, il me semble, répliqua-t-il d’une voix boudeuse en levant les yeux au ciel.
-Je ne vois rien à ajouter si ce n’est que nous avons visiblement fait une terrible erreur, et que nous devrions faire en sorte de ne pas empirer les choses.

Ces derniers mots furent comme une gifle, plus forte encore que celle que son oncle avait pu lui asséner enfant. Il resta un instant sans réaction, déglutissant difficilement. Ainsi...elle voulait rompre tout lien? Faire table rase, comme si rien ne s’était passé? Non! Non...! Il s’y refusait, et son coeur, qui cogna violemment dans sa poitrine, rejetait lui aussi cette idée.
Etait-ce la mauvaise foi de Perrine qui l’a poussait à lâcher un tel acide, croyait-elle vraiment à ces mots?
Le regard figé sur la jeune femme, Paris sentit sa mâchoir se crisper et imperceptiblement, ses doigts agrippèrent le dos du fauteuil qu’il trouva sous ses mains. Il l’observa baisser les yeux, tourner autour d’elle comme pour chercher une chose sur laquelle s’appuyer. Et soudainement, il comprit le manège de la camériste. Il la connaissait trop bien! Il savait pertinemment ce regard un peu perdu, en quête de mensonge, afin de lui en servir un sur un plateau d’or. Cette fois, il ne s’y laisserait pas berner et un mince sourire souleva le coin de ses lèvres.

- Que fais-tu là d’ailleurs, reprit-elle en attrappant une pile de linge ? Ta soeur, la cour...le Roi t’attendent, tu ferais mieux de partir maintenant.
L’idée qu’il pu être en retard - voire manquer le bal du nouvel an - ne lui avait même pas effleuré l’esprit et à dire vrai, cela ne l’inquiétait pas outre mesure. Il avait Perrine en faute face à lui, et s’il creusait encore un peu, peut-être parviendrait-il à briser cette barrière qu’elle dressait et à la piéger. Elle l’avait dupé? Avait joué avec ses sentiments? Il ne pouvait lui pardonner aussi aisément, et la voir ainsi malmenée le rassura presque sur la culpabilité qu’elle pouvait ressentir.
-Il m’importe peu de savoir que m’attendent Gabrielle ou la cour, mentit-il avec aplomb. Ce sont bien plus tes excuses sur ce qu’il s’est passé qui me préoccupent.

Il la suivit des yeux alors qu’elle attrapait une pile de linge, prête à s’éloigner. Les mots se bousculaient dans sa tête, sans savoir lesquels relâcher pour ne pas heurter Perrine, mais en étant assez brusques pour qu’elle ressente toute la rancoeur et l’accusation. Une leçon ne lui ferait pas de mal, même s’il rechignait au fond de lui à la blesser.
-Partir...sans un seul mot..., souffla-t-il, soudainement pris par la silhouette de la jeune femme.
Ses yeux suivirent les courbes de Perrine se pencher sur les draps, tourner vers la porte et une courte seconde, il hésita à se précipiter de l’autre côté du fauteuil, de l’arrêter dans son geste et de lui demander pard... Lui demander pardon?!
Ce fut Perrine qui le coupa de cette pensée soudaine, en stoppant son geste. Le linge tomba dans un bruit sourd alors que le jeune prince reprenait tous ses esprits.

-Tu n’as pas le droit de m’en vouloir d’être partie, Paris ! lâcha-t-elle dans un accent sincère. Ni de te venger avec cette...stupide fête !
-Pardon, s’exclama-t-il, penché sur le dossier du fauteuil?! Je ne peux donc me sentir blessé par ton départ? Alors que... son regard baissé, il chercha une seconde les mots adéquats...alors que la veille encore, je t’avouais ce qui m’animait depuis des années? Que...que je me dévoilais à toi, termina-t-il plus lentement, le regard franc.
Il avait contourné le fauteuil pour faire face à Perrine. Jamais, du plus loin que remontait ses souvenirs, il n’avait été aussi sincère envers quelqu’un d’autre que le duc de Longueville. Et c’était face à Perrine, qui détenait la plus grande mauvaise foi de tous ceux qu’il connaissait, qu’il se livrait ainsi.
L’agacement monta telle la moutarde qui chatouillait ses narines.
-Gabrielle et toi êtes parties sans un seul mot, m’abandonnant là, poursuivit-il d’une voix presque atone. J’organise mes plaisirs comme bon me semble et si tu vois cela comme une vengeance, pose-toi une seule question, Perrine: de quoi aurais-je pu me venger?

Il leva un sourcil en haussant les épaules, comme un enfant donnant la leçon à son cadet.
-Mais il semblerait que tu préfères me reprocher de m’être amusé pour combler votre absence, qui a duré de longs mois, je te rappelle, plutôt que te remettre en question, siffla-t-il. Et pour enfoncer un peu plus le clou - il en prenait bien du plaisir malgré tout ! - il ajouta une ultime couche à ses récriminations.
-Souhaites-tu réellement savoir de quoi je souhaitais t’entretenir? De nous, lâcha-t-il quelque peu difficilement. De l’idée qui m’a longuement traversé l’esprit, que ton départ m’a fait abandonné...et que ta réaction de ce soir a enterré. Je peux toujours t’en parler, mais je doute que ta mauvaise foi te pousse à m’écouter.

Il croisa les bras sur sa poitrine, décidé à pousser Perrine dans ses retranchements, jusqu’à ce qu’elle baisse les armes. A son tour de plier, de découvrir qu’on ne pouvait se jouer de lui comme Gabrielle s’ingéniait tant à le faire. L’idée qui avait germé avant le départ de la jeune femme relevait d’une trop grande importance pour être dévoilée maintenant. Au fil de cette improbable discussion, il avait mûri son souhait: si Perrine rangeait ses griffes, peut-être lui en ferait-il part. Sinon...il ferait selon le souhait - mû par l’agacement, il le savait - de la jeune femme de rompre tout commerce entre eux.


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MessageSujet: Re: Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666.   Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Icon_minitime04.03.13 0:33

S’il y a bien une chose que Perrine ne supportait pas, c’était de se sentir mise en faute. Elle qui n’avait pas son pareil pour pousser le reste du monde dans ses retranchements lorsqu’elle le désirait ne concevait pas qu’on pût faire de même avec elle, et le jeune prince était d’ailleurs bien l’une des seule personne à pouvoir y parvenir. Il la forçait à fuir, à tourner en rond pour trouver des mensonges qui ne venaient pas ; et ce d’autant plus qu’elle savait, au fond, qu’il n’avait pas entièrement tort. Seulement l’incroyable mauvaise joueuse qu’elle était ne pouvait se remettre en question, pas alors qu’elle avait passé ces longues dernières semaines à se persuader qu’il ne méritait que sa colère. Quel choix avait-elle eu, sinon celui de suivre Gabrielle, qui souhaitait tenir leur départ secret ? Ça n’était là que son rôle, après tout qu’était-elle que camériste ? L’oubliait-il ? Pensait-il pouvoir se venger en utilisant cette fête stupide, dont elle ne pouvait s’empêcher de se demander quelle écervelée avait pu être l’Hélène ?
Oui, Perrine, lorsqu’il s’agissait de se convaincre qu’elle avait raison, était terriblement douée. Et ce d’autant plus qu’il y avait bien plus en jeu que le simple fait d’avoir raison justement. Car la seconde chose que la demoiselle ne pouvait supporter, c’était d’espérer en vain, or elle ne pouvait faire comme si elle n’avait rien espéré au retour de ce long voyage. Elle l’avait amèrement regretté - Paris ? L’attendre ? Quelle idée ! - et cela n’avait fait qu’ajouter à sa colère, qu’elle fût fondée ou non.
Le pire de cette sordide histoire résidait sans doute dans le fait qu’elle savait à l’avance que les choses tourneraient ainsi si elle cédait. Mais elle avait cédé. Naïve!

« Pardon ?! s’étrangla le jeune homme lorsqu’au lieu de s’excuser, elle se réfugia derrière le prétexte bancale, mais commode de la fête. Je ne peux donc me sentir blessé par ton départ? Alors que... alors que la veille encore, je t’avouais ce qui m’animait depuis des années? Que...que je me dévoilais à toi. »
Perrine ouvrit la bouche pour répliquer, mais après un instant, ne trouva rien à dire et baissa les yeux, bras à nouveau croisés devant sa poitrine. Malgré elle, et toute sa volonté, elle se laissa troubler par le souvenir des aveux qu’il évoquait, et dont elle n’avait pas été en reste elle-même. L’un comme l’autre n’avaient sans doute jamais été sincères envers qui que ce soit comme ce soir là, mais l’idée d’avoir commis la faute qu’elle évitait depuis des années ne quittait pas la camériste qui passa nerveusement une main dans ses cheveux avant de se détourner, en quête d’une échappatoire quelconque.
« Gabrielle et toi êtes parties sans un seul mot, m’abandonnant là, continuait impitoyablement Paris. J’organise mes plaisirs comme bon me semble et si tu vois cela comme une vengeance, pose-toi une seule question, Perrine: de quoi aurais-je pu me venger ? »
À ces mots elle leva un regard furieux sur lui, une fureur qui trahissait assez bien à quel point elle détestait la position dans laquelle elle se trouvait. Elle manqua de lui répondre qu’il y avait mille raisons possibles à ceci, étant donné qu’il passait la moitié de son temps à chercher à se venger de Gabrielle, et d’elle-même par conséquent, lorsqu’il ne pactisait pas, mais retint sa langue de justesse et se contenta de continuer à le fixer, coincée derrière son fauteuil.

« Mais il semblerait que tu préfères me reprocher de m’être amusé pour combler votre absence, qui a duré de longs mois, je te rappelle, plutôt que te remettre en question. Elle leva les yeux au ciel. Souhaites-tu réellement savoir de quoi je souhaitais t’entretenir ? De nous. De l’idée qui m’a longuement traversé l’esprit, que ton départ m’a fait abandonné...et que ta réaction de ce soir a enterré. Je peux toujours t’en parler, mais je doute que ta mauvaise foi te pousse à m’écouter. »
Perrine, qui songeait à une façon de mettre fin le plus rapidement possible à cette conversation, se redressa soudain.
« De nous ? ricana-t-elle amèrement. À quoi bon ? »
Elle termina dans un souffle difficilement perceptible, qui s’adressait bien plus à elle qu’à Paris. Était-elle la seule dans cette pièce à se souvenir de qui ils étaient ? - un comble, quand on sait à quel point elle était prompte à oublier sa position. Un prince et une domestique, il n’y avait pas de «nous» qui puisse tenir, et qu’il osât encore prétendre le contraire ajouta à l’agitation de la jeune femme qui, ne tenant pas en place, fit quelques pas sans but dans la pièce.
« Tout cela est ridicule, marmonna-t-elle, si tu organises tes plaisirs comme tu le souhaites, Gabrielle peut bien faire de même pour ses voyages sans avoir à t’en informer. Et je ne suis que sa suivante. »
L’excuse était plutôt pitoyable, elle en avait bien conscience. Le fait était qu’elle avait fait un choix, celui de partir, et que les motifs de ce choix ne tenaient absolument pas d’un quelconque calcul. Quoi qu’elle n’eût jamais voulu l’admettre, la nuit qu’ils avaient passé ensemble l’avait effrayée, autant qu’elle l’avait fait rêvé. Lucide, Perrine avait pris peur d’une histoire vouée à l’échec, la sempiternelle longue plainte de la bergère amoureuse du prince. Quelle idée pourrait y changer quoi que ce soit ?

Ce sentiment la frappa avec une force inédite, aussi s’arrêta-t-elle de marcher. Elle sentait peser sur elle le regard inquisiteur de Paris, et lui en voulut à nouveau de la regarder se débattre ainsi, comme la vipère ayant perdu tout son venin. Elle leva les yeux, les baissa puis lâcha un profond soupir. Sa fierté en prendrait un sérieux coup, elle le savait d’avance, mais pour une fois il lui fallait reconnaître qu’elle n’avait rien, pas la moindre pirouette ne lui était possible pour s’en sortir, et recommencer plus tard. Elle leva un regard bien moins dur, plus agité sur lui et se planta sur place, à bonne distance du jeune prince.
« Que voulais-tu que je fasse ? Rester et prétendre que c’était possible ? fit-t-elle, amère., avant d’avouer péniblement : Je...pensais ce que je t’ai dit ce soir-là, et...et je le pense encore. Mais réfléchis, Paris, ça n’est pas... Ce serait une erreur de penser à nous. Nous savons très bien tous les deux comment ça se termine et je n’ai pas du tout envie d’en arriver là. Tu peux bien avoir toutes les idées du monde, les choses sont ce qu’elles sont. Même si... »
Elle s’interrompit. Combien de fois s’était-elle résignée à n’être rien de plus qu’une camériste, après quelques vagues espoirs ou de longues périodes d’oubli ? Perrine ne comptait plus, et n’en était que plus amère à chaque fois. Elle passa à nouveau une main fébrile dans ses cheveux. La jeune femme avait clairement perdu de sa superbe, et même oublié une partie de son immense mauvaise foi, et cette espèce de demi-sincérité lui donnait la très désagréable impression de ne faire que creuser l’erreur qu’elle leur imputait.

Elle se mordit discrètement la lèvre, puis après avoir une fois de plus baissé les yeux, elle s’approcha de quelques pas de Paris - qui se trouvait malencontreusement sur le chemin de la sortie, c’est évidemment la seule raison de ce rapprochement - avant de souffler :
« Restons-en là, d’accord ? Inutile d’insister, faisons comme si de rien n’était : nous sommes tous les deux très doués pour ça. Va donc à Versailles, j’ai à faire. »
Ce qui était visiblement faux, mais après tant de vérités, elle ne pouvait se dispenser d’un mensonge sans conséquence. N’ayant pas l’intention d’épiloguer, elle continua son chemin vers la sortie. Autant en finir.


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MessageSujet: Re: Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666.   Ce qu’il se passait à l’hôtel de Longueville le 31 décembre 1666. Icon_minitime28.06.13 0:21

Paris n’aurait osé l’avouer, mais son agacement dans cette altercation était bien plus mu par l’idée de voir Perrine s’éloigner de lui, que la mauvaise foi de celle-ci. Dans ses instants rêveurs, dans lesquels il se voyait bien au-delà de toutes les considérations de classes sociales, il avait tant idéalisé leur avenir qu’il ne pouvait aujourd’hui le laisser s’échapper sans en ressentir un vif déplaisir. Il avait depuis toujours ce besoin de posséder ce qu’il avait ardemment désiré et ne plus pouvoir l’attraper lui semblait inacceptable.
Perrine semblait si détachée, fuyant ses accusations et ses récriminations, refusant d’avouer son erreur! N’était-il pas plus simple pour elle d’accepter la vérité qu’il lui servait sur un plateau, au lieu de s’enfermer dans cette stupide bouderie?!
Oubliant que lui-même restait l’expert en la matière, il préférait se placer en accusateur, place bien plus confortable qu’il connaissait bien. Même s’il accordait de grandes largesses à Perrine, il ne pouvait accepter que celle-ci prenne la place de Gabrielle, la seule à lui adresser reproches et remontrances. Perrine ne pouvait jouer dans cette cours privée, et l’entendre rire de ses espérances le piqua au vif. Etait-il donc le seul optimiste? Pour quoi avait-il donc décidé de se battre, si elle-même n’y croyait pas un seul instant? Perrine la narquoise, la sarcastique, ne devenait soudainement qu’une pâle imitation de sa soeur qui avait bien trop déteint sur elle. Elle n’était pas faite de cette pâte, elle valait même bien mieux, et la voir ainsi dans ce rôle qui ne lui séyait pas le rembrunit.

-Tout cela est ridicule, fit-elle en marmonnant, si tu organises tes plaisirs comme tu le souhaites, Gabrielle peut bien faire de même pour ses voyages sans avoir à t’en informer. Et je ne suis que sa suivante.
-Gabrielle est ma soeur, ne te mêle pas de ce qui nous concerne, puisque tu n’es que sa suivante, répliqua-t-il amèrement, rentrant dans son jeu.
Elle ne répondit pas, marchant dans la pièce, étalant aux yeux de Paris toutes ses questions, ses possibles remords, ses éventuels doutes. Il tentait de capter ce qu’elle ressentait, si elle partageait ses espérances sans vouloir l’avouer. Il la connaissait assez pour savoir que la nuit qu’ils avaient passé ensemble ne l’avait pas laissé indemne et il était bien assez intelligent pour savoir que sa réaction aujourd’hui était un symptôme de ces instants. Mais son orgueil l’empêchait de voir qu’autant que Perrine, il en était affecté; son humeur en était une preuve suffisante.
Il n’ajouta aucun mot, la laissant plaider silencieusement coupable, et espérant qu’elle l’avoue à voix haute. Son regard suivait la jeune femme, la détaillait muettement, et s’efforçait de découvrir ce qui se cachait sous cette patine de mauvaise foi. Perrine avait tort, décréta-t-il pour lui. Tort, et elle ne voulait l’admettre.

-Que voulais-tu que je fasse, lâcha-t-elle enfin après un soupir, se plantant face à lui ? Rester et prétendre que c’était possible ?
Paris qui s’était toujours vanté d’un grand sens de la répartie se retrouva soudainement muet, incapable de répliquer à cela. Elle avait réussi à retourner son accusation, pointant le doigt sur une utopie qu’il avait espéré un jour si proche et si réelle.
-Je...pensais ce que je t’ai dit ce soir-là, continua-t-elle dans un effort qu’il ne pu contester, et...et je le pense encore. Mais réfléchis, Paris, ça n’est pas... Ce serait une erreur de penser à nous. Nous savons très bien tous les deux comment ça se termine et je n’ai pas du tout envie d’en arriver là. Tu peux bien avoir toutes les idées du monde, les choses sont ce qu’elles sont. Même si...
-Même si..., demanda-t-il, interdit?
Les mots de Perrine se faisaient ressentir comme une gifle. Involontaire, il le savait, mais toute gifle assénait une vérité crue et à chaque coup qu’il recevait, il savait qu’il méritait son sort. Avait-il pourtant mérité ces mots si durs, si dénués d’espoir, si sombres? Dans son esprit encore si jeune, il avait entrevu tant de possibilités que les mots cinglants de Perrine venaient de détruire une partie de ce rêve lentement construit. Se pouvait-il qu’elle eu tort, qu’elle puisse se fourvoyer, ne pas voir ce qu’ils pouvaient accomplir? Ou une servante ne pourrait-elle donc jamais épouser un prince, quel qu’il fut, quels que puissent être leurs sentiments ?
Comment Perrine parvenait-elle à se montrer si dure avec elle-même, lui imposant cette fatalité comme une épée sur la nuque d’un condamné? Ses aveux ne pouvaient être plus sincères, mais elle les rejetait du même temps qu’elle les lui offrait.
Abattu, Paris ne su que répondre, déglutissant avec peine, les yeux rivés sur la jeune femme, sans parvenir à s’en détacher. Il lui sembla soudainement la voir si loin de lui, s’éloignant lentement, disparaissant presque à sa vue s’il ne la retenait pas. Tout ceci était stupide! La vie ne pouvait être dictée par une fatalité irrépressible, et l’abattement de Perrine l’agaça à nouveau, mais d’un mouvement bien différent. Perrine ne sortirait pas de cette pièce sans qu’il ne lui ai dit ce qu’il ressentait depuis de longs mois!

Elle s’était approché de lui, faisant instinctivement battre son coeur un peu plus fortement, mais il réalisa alors que la sortie se trouvait juste derrière lui, que Perrine ne pouvait sortir tant qu’il ne bougerait.
-Restons-en là, d’accord, fit-elle, un brin cruelle malgré elle ? Inutile d’insister, faisons comme si de rien n’était : nous sommes tous les deux très doués pour ça. Va donc à Versailles, j’ai à faire.
Paris fronça les sourcils à ces derniers mots, embourbés dans une hypocrisie qui n’avait sa place ici. Faire semblant? Avec Perrine?
-Non, Perrine, répondit-il après ce long silence. Non, répéta-t-il, je n’ai jamais fais comme si rien n’existait, et je ne le ferais pas dès aujourd’hui! Préfères-tu donc baisser les bras, alourdis par des prétextes de réputation, au lieu de tenter une chose...la moindre chose qui pourrait ouvrir une porte?

Il se recula vers la porte, la refermant définitivement dans son dos pour signifier à Perrine que nulle sortie n’était encore envisageable. Les derniers mots de la jeune femme l’avait étonnement ragaillardi, car par eux, il venait de comprendre une vérité: il ne pourrait faire semblant d’ignorer Perrine, de ne la voir que comme camériste, porter le linge de sa soeur. L’effort était bien trop difficile, et le jeu....le jeu n’en valait-il pas la chandelle?! Que risquaient-ils, au juste?
-Sais-tu combien de fois ai-je entendu parler de mon avenir, de ce que les gens prévoyaient pour moi, de ce que l’on décidait sans m’en parler au préalable? Ma vie, mon avenir et peut-être même mon futur ont été tracés dans m’en demander un seul avis! Et aujourd’hui c’est toi, qui as toujours été à mes yeux cette liberté que je n’ai pas eu enfant, aujourd’hui, tu nous pousses à se plier à ces désirs préparés par d’autres? Je te pensais bien plus libre, Perrine.

Un sourire avait néanmoins lentement éclairé son visage, alors qu’il ôtait la clef de la porte et la faisait distraitement rouler dans ses doigts.
-Si demain l’on me parle d’union avec une idiote incapable de lire Villon, voilà ce que je lui dirais: J'en ai rien à foutre ! Vous pourriez vous marier avec une chèvre si ça vous chante! Et puis, si y en a une qu'est d'accord, rappelez-vous que c'est inespéré puis sautez sur l'occasion! Au risque de me voir enfermé à Chantilly dans les serres d’oeillets de mon oncle, Perrine, je le ferais!
Il brandit la petite clef, fier de lui.
-Mais si tu préfères rester dans ta petite vie dans laquelle tu me fais souffrir, suivant sans relâche Gabrielle, restant cloîtrée dans ce rôle de servante, alors libre à toi! Si tu le fais par choix, je le respecterai, mais je doute que cette petite existence t’enchante réellement, ajouta-t-il d’un air fier. Je me trompe? Mais si demain l’on te force à cela, continua-t-il, je m’occuperai moi-même du sort de ces diables...et qu’on les pende sans procès, c’est plus court!

Il rangea la clef dans la poche de son veston, s’approchant de Perrine pour la faire reculer d’elle-même, non sans avoir auparavant avisé le fauteuil qui pouvait l’empêcher d’aller plus loin.
-Toutes tes excuses sont inutiles, et si tu m’en veux pour cette fête, c’est que tu as bien des choses à te reprocher, commença-t-il, certain cette fois de ce qu’il allait dire. Après tout, laissons ça là. Je me fiche de savoir les raisons de votre départ à toutes deux, puisque ce que tu viens de m’avouer est bien plus vrai que toutes tes petites explications bancales.

Il connaissait assez Perrine pour savoir que sa mauvaise foi pourrait la supplanter et la faire fortement réagir. Mais il savait également qu’elle était bien capable d’abandonner ses piètres excuses et s’avouer - enfin! - vaincue.
Il se pencha vers elle, approchant son visage du sien, jouant doucement avec une mèche de cheveux bruns échappés de sa coiffure.
-Mais il est dommage que tes principes t’empêchent d’accepter ce que j’ai à t’offrir pour ton retour. J’ai cru sottement pouvoir présenter une ravissante marquise de ma connaissance à quelques intimes, mais je crois que je me suis trompé, lui murmura-t-il dans un sourire. Je vais aller à Versailles, seul, présenter mes hommages au roi car je suis terriblement en retard et lorsque je reviendrai, nous terminerons cette discussion.
Il se redressa, le regard pétillant.
-Cela te convient-il?

Il se dirigea vers la porte qu’il ouvrit enfin. L’heure tournait et bientôt, onze heures sonnèrent, rappelant à Paris son devoir versaillais. Près à quitter le salon, il se retourna vers Perrine une dernière fois.
-Je sais qu’il y a des paroles qui ressemblent à des confitures salées, mais celles-ci, crois-le ou non, ne sont que quelques douceurs sucrées. J’espère que ton avis sera bien plus positif lorsque je reviendrai!

Sans attendre une réponse encore amère de Perrine, certainement retranchée, il sorti du petit salon, dévalant l’escalier pour saisir la bride de son cheval harnaché: le roi n’attendait pas!



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