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| Retrouvailles au détour d'un bosquet [PV Silvestre de Lévis] | |
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| Sujet: Retrouvailles au détour d'un bosquet [PV Silvestre de Lévis] 28.06.12 12:03 | |
| Comme tous les matins, ma gouvernante était venue me réveiller à 8h30 précise. Toujours d’un pas décidé, elle s’avançait vers la fenêtre et ouvrait les rideaux avec dynamisme, faisant un tel vacarme que j’étais rudement tirée de mon sommeil. Je n’avais pas le droit de traîner au lit, je devais immédiatement me lever, puis me faire un brin de toilette, ensuite passer aux essayages de robes, puis à la coiffure et au maquillage. Tout un rituel qui rendait ma vie si monotone ; il n’y avait nullement de place pour les surprises et les imprévus avec Marianne. (la gouvernante – j’en ai parlé dans ma fiche de prez’ !)Tout était calculé à la minute près et rien ne devait interrompre cette routine. Ce matin-là ma fidèle Marianne, avec qui je m’entendais bien malgré ses nombreuses recommandations, me tendit une lettre dès mon saut du lit. J’avais tout particulièrement du mal à lire le français, le parler allait encore et je m’améliorais de jours en jours, mais la lecture était pour moi un vrai calvaire. Les écritures de chacun variaient et parfois même déferaient du tout au tout, il fallait à chaque fois déchiffrer chacun des mots ce qui rendait la tâche bien difficile. J’ouvris le courrier qu’on m’avait donné, puis commençais à le lire à haute voix. - Citation :
- Ma chère Tala Sakari,
C’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion que j’ai appris ton arrivée à la cour de notre roi Louis. Le temps a passé depuis mon départ, et te revoir à nouveau me ferais grand plaisir. Rejoins-moi dans le bosquet de l’Etoile, peu avant le déjeuner. Bien amicalement Silvestre. Silvestre ? Il était donc à Versailles, et il souhaitait me revoir. A ce moment très précis mon cœur se mit à battre la chamade. Silvestre, cet homme que l’on m’avait donné en mariage, il y a cinq ans déjà, pour officialiser l’union de nos deux peuples. Nous les Abénaquis avions toujours été un peuple pacifiste, nous n’avions jamais voulu la guerre. Quand les Français avaient débarqué sur nos terres, mon père avait tout de suite souhaité la paix et favorisé les échanges entre nos deux civilisations. Silvestre était l’un de ses français venu du vieux continent sur ordre du roi et non de leur plein grés. A leur arrivée, ces hommes ne semblaient pas très enthousiastes à l’idée de devoir vivre parmi les peuples natifs. Mais rapidement, ils prenaient goût à cette vie sans contrainte, où seule la liberté et l’entraide régnaient. Ils étaient souvent surpris de voir qu’aucun conflit, ni aucune jalousie n’existait au sein du village. Nous étions tous frères, et des frères ne peuvent se faire la guerre. Du moins pas chez nous, car depuis mon arrivée à Versailles, je remarquais que chacun s’occupais de sa propre vie, de ses propres affaires sans vraiment se soucier de son voisin. Les mêmes pensées me trottaient toujours dans la tête. Je ne pouvais m’empêcher de comparer le mode de vie des français et celui de mon peuple. Et toujours je m’étonnais de voir que la façon de penser et de vivre des français n’était pas si civilisée que ça. Perdue dans ma réflexion, j’en oubliais presque la lettre de Silvestre. Marianne me sortit de mes rêveries et commença à me coiffer. Je ne parlais pas et continuais de penser à mon mari. Voilà un an que je ne l’avais pas revu. Avait-il changé ? Allais-je le reconnaître ? Il serait sûrement vêtu à la mode européenne, je le préférais sans aucun doute avec sa vieille chemise froissée et sale. Silvestre était un bel homme, les femmes de mon village l’avaient d’ailleurs tout de suite courtisée quand il était arrivé chez nous. Mais finalement c’est mon père qui avait tranché, et moi qu’il avait épousé. Pauvre Satinka qui avait succombé à son charme, elle avait été bien déçue. Mais sans rancune elle m’avait offert un présent le jour de mon mariage. J’avais eu du mal à me faire au départ de Silvestre, sa présence, son rire, sa voix m’avaient manqué. Mais avec le temps je m’étais fait une raison, et la vie avait repris son cours. Marianne avait fini ma coiffure et mon maquillage. J’enfilais alors une robe vert pâle, bordée de liserés blancs et argentés. Je me regardais dans le miroir, essayant de respirer malgré mon corset, et me sentais prête pour retrouver celui que j’avais épousé il y a cinq ans. Je portais toujours autour de mon cou, le collier que mon père m’avait offert ; un simple lacet de cuir avec une plume accrochée au bout, un symbole de liberté. Je quittais alors mes petits appartement, gentiment prêté par le roi. Puis me dirigeais vers les escaliers. Un valet m’accompagna jusqu’au bosquet précisé dans la lettre. Je m’assieds sur un banc en pierre et observais ce qui se trouvait autour de moi. Comme j’aimais me retrouver au plus près de la nature… Une bouffée d’air frais au milieu de tout ce faste et ce luxe ! J’attendais patiemment Silvestre, me représentant son visage et m’imaginant nos retrouvailles. Je n’eux pas vraiment le temps de penser à autre chose, puisque j’entendis une voix douce et posée prononcer mon nom. |
| | | Silvestre de Lévis
Miaou ☀ Mais oui! Mais oui! J'ai bien vu un Gros Minet!!
► Âge : 27 ans
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| Sujet: Re: Retrouvailles au détour d'un bosquet [PV Silvestre de Lévis] 26.07.12 12:54 | |
| Les choses décidément avaient bien changées… Six années loin de France ne m’avaient pas du tout fait avoir le mal du pays, c’était d’ailleurs plutôt maintenant que je l’avais, l’Amérique, ses grands espaces, sa simplicité, sa pureté, son air brut, sans artifice, me manquait atrocement. J’avais l’impression d’être un pantin dont on tirait les ficelles. Quelques mois à peine que j’étais revenu, et le carcan de la cour me paraissait déjà bien trop difficile pour mon esprit épris de liberté. Et il n’y avait qu’à voir les intrigues qui se déroulaient sous nos yeux pour comprendre qu’ici l’artifice était de prime. La fidélité et l’honneur semblaient des notions oubliées, dépassées. Ici, on pouvait vous faire un immense sourire et s’enquérir de votre santé, alors qu’en réalité, on attendait qu’une seule chose, que vous fassiez une erreur pour vous descendre. Et même au sein de votre famille. Mon frère avait été plutôt déconcerté de mon retour auquel il ne s’attendait pas. Et depuis, nous nous évitions, même si je sentais bien qu’il n’attendait qu’une chose, que je m’en aille. Je ne voyais pas vraiment en quoi je pouvais lui causer le moindre problème, mais cela ne semblait pas vraiment le rassurer de m’avoir dans les parages. D’après ce que j’avais cru comprendre, ses dettes de jeux allaient en s’agrandissant. Catherine, elle, était devenue frivole, au grand désarroi de notre mère, et ne songeait qu’à s’amuser sans penser aux conséquences. Heureusement, elle avait un caractère plutôt facile et je ne désespérai pas de la voir retrouver la raison, il suffisait juste de l’éloigner de Louis-Charles, ce qui ne serait pas une mince affaire.
Restait Clémence… Ma petite Clémence. Clémence qui avait choisi de faire don de sa vie à Dieu il y a bien des années de cela, et que je n’arrivais pas à pardonner. Etait-ce à Dieu ou à elle que j’en voulais ? J’étais incapable de le dire. Mais le souvenir de son petit visage frais et curieux finissant derrière des barreaux pour toujours me paraissait toujours insupportable, même six ans après. J’évitais d’y penser, ne l’avait pas revue. Elle ne m’avait écrit qu’une fois, je ne lui avais pas répondu. Elle n’avait pas insisté. Peut être tout simplement parce que je ne pouvais pas admettre ce choix. Elle était ma sœur préférée. Mère essayait sans cesse de nous rapprocher l’un de l’autre, m’enjoignant à aller la voir, me parlant d’elle à chacun de ses retours de ses visites hebdomadaires. Je savais qu’elle avait dit à ma sœur de m’écrire à nouveau, mais celle-ci respectait ma rancune et attendait que je me calme. Six ans et ce n’était toujours pas le cas. Elle était patiente, tendre… Une vraie sainte en somme. Mais plus qu’à Clémence, c’était à Louis-Charles que j’en voulais. Louis-Charles qui l’avait poussée à faire cela, pour ne pas avoir à payer de dote en plus. Lui qui ruinait notre famille dans ses jeux. Hélas, il était l’ainé, et je ne pouvais rien faire contre lui, ce qui me mettait en rage.
Alors comme tout bon cadet de famille, je faisais mes classes, et faisait comme si rien ne m’intéressait, rien ne m’atteignait. Ce n’était pas très difficile. Il suffisait de se faire un cercle d’amis désintéressés de tout à part de l’amusement, de se trouver une maîtresse, et de se rendre à presque toutes les invitations que l’on recevait. Un véritable jeu d’enfant, bien loin de la simplicité de Québec où même là bas les soirées de la haute société n’avaient strictement rien à voir avec Versailles. Versailles où l’on rencontrait des gens d’horizons très variés. Il n’y avait qu’à savoir qu’on m’avait demandé de m’assurer que tout serait parfait pour l’arrivée de la princesse Abenaquis à Versailles. Et quelle n’avait pas été ma surprise en entendant ce nom, ce titre. Tala… Tala en France, à Versailles. J’avais eus du mal à y croire, et pourtant je m’étais acquitté de ma tâche, allant jusqu’à faire une ou deux petites recommandations au jeune mousquetaire chargé de sa protection. Pourtant, j’étais parti presque comme un voleur, et n’avais pas trouvé le courage de me présenter à elle immédiatement à son arrivée, laissant passer le temps, attendant de voir si le destin ne nous mettait pas à nouveau sur la route l’un de l’autre. Mais l’occasion ne se présentant pas, j’avais pris mon courage à deux mains et avais décidé d’écrire à la jeune femme. Cela n’avait pas été très long. Un billet, à peine, lui fixant un rendez-vous. Après tout, malgré notre passé ensemble, et la séparation due à mon départ, j’étais toujours son ami, et si elle avait besoin d’aide, je serai là.
Le bosquet de l’étoile me paraissait tout indiqué. Aussi à l’heure dite, m’y trouvais-je, emmitouflé dans une cape. Il faisait frais, mais un pâle soleil réchauffait un peu l’atmosphère. Je détaillais les promeneurs, ou plus exactement les promeneuses, essayant de reconnaître mon rendez-vous. Et si sa peau n’avait pas eus cette couleur brune explicite, sans doute ne l’aurais-je pas reconnue. Ces vêtements sur elle semblaient la priver de tout mouvement, moi qui n’avais l’habitude de la voir que dans ces robes de peau qui permettaient de bouger sans complexe et de courir à travers la forêt. C’était ce qui m’avait le plus plut chez elle. Mais le temps n’était pas à la nostalgie. M’approchant d’elle, je la saluais profondément, d’un mouvement de chapeau, avant de prendre sa main pour la porter à mes lèvres.
-Madame…
Je lui souris, complice, avant de m’assoir à son côté sur le banc en pierre, et de la détailler. Vraiment, ces tenues, ces carcans et autres corsets, n’étaient pas fais pour elle, et pourtant, elle semblait les sublimer tout en soulignant leur inconfort.
-Je ne sais pas comment tu fais pour supporter ces instruments de torture, finis-je par avouer sans préambule. Les forêts me semblent si loin… Mais je ne pensais pas que ton père arriverait à se séparer de toi ainsi…
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| Sujet: Re: Retrouvailles au détour d'un bosquet [PV Silvestre de Lévis] 21.08.12 13:29 | |
| Je me retournais immédiatement et le vit s’approcher de moi. Il me salua d’un mouvement de chapeau, puis me pris finalement la main pour la porta au plus près de ses lèvres.
- Madame…
Me souriant, il s’assied à mes côtés sur le banc et me dévisagea un instant. Son regard n’avait pas changé, et son visage était toujours aussi charmant. Revoir Silvestre me rappelais ma vie d’avant et je me projetais une année en arrière. Les images de ma terre natale, des forêts qui l’entouraient et de mes amis qui y vagabondaient me revenaient soudain.
Silvestre finit par briser le silence
- Je ne sais pas comment tu fais pour supporter ces instruments de torture, me dit-il en regardant ma robe. Les forêts me semblent si loin… Mais je ne pensais pas que ton père arriverait à se séparer de toi ainsi.
J’acquiesçais d’un signe de tête. Il avait raison, mon père avait eu beaucoup de mal à me laisser partir, mais l’honneur et le prestige de ma tribu était d’une plus grande importance. Répondre aux attentes du roi des français était primordial pour consolider l’amitié qui unissait nos deux peuples. J’étais la princesse du peuple Abénaquis, et je faisais ainsi une parfaite ambassadrice !
- C’est ton roi en personne qui a demandé ma présence ici. Mon père et moi-même ne pouvions refuser cette invitation. Mais j’espère pouvoir retourner chez moi dans quelques temps… La vie à Versailles n’est pas faite pour moi tu t’en doute bien !
Nous échangeâmes un regard complice, et Silvestre approuva d’un sourire radieux. Il n’avait pas perdu une miette de son charme ! Cette année passée loin de mon mari m’avait fait prendre conscience de mes réels sentiments pour lui. J’avais épousé cet homme par pure convenance, mais qu’en était-il de l’amour ? Pouvais-je aimer un homme qu’on m’avait donnée « de force » ? Etre marié ne signifiait pas forcement aimer. Je m’étais attachée à être une bonne épouse, dévouée et attentionnée, aimante et disponible. Mais bien qu’il me respectait et m’admirait beaucoup, Silvestre ne m’avait jamais montré aucun signe d’amour ou de tendresse. Par loyauté pour mon père, nous avions tous deux fait des concessions et accepter de nous unir… L’amour que j’avais pu ressentir auparavant pour Silvestre s’en était aller au cours de cette année passée loin l’un de l’autre. Les sentiments que j’avais pu lui exprimer quelques mois plus tôt et les larmes versées lors de son départ faisaient bel et bien partie du passé. Mais pourtant il restait mon époux et je lui devais respect et fidélité.
Le revoir m’apportait aussi une grande bouffée d’air frais. Lui l’homme blanc qui savait tout de mon peuple et de notre vie. Lui qui ne croyait pas aux mauvaises histoires que l’ont racontait sur nous à la cour. Si seulement tous pouvaient être comme lui…
- Ma terre me manque tellement. Tu as raison, les forêts semblent si loin… Mes amis me manquent, mon père me manque. Je ne pensais pas que la vie en France serait si différente de celle de Québec. Tu m’avais fait visiter cette ville et je mettais fait une certaine idée de votre vie à vous les français. Mais à Versailles rien ne ressemble à Québec. Même les forêts y sont différentes ! Je ne retrouve rien de ma vie d’avant et je crois que c’est ce qui me fait le plus de peine. Cela va sûrement te faire rire, mais à Versailles j’ai vraiment l’impression d’être ce que vous appelez « une sauvage ». Les gens me regardent avec mépris et peu d’entre eux osent venir me parler. On parle derrière mon dos et on raconte les pires choses sur mon peuple. On nous dit mangeur d’homme ! Silvestre, tu le crois ? Qui a bien pu leur rapporter ça… Nous n’avons jamais fait une chose aussi cruelle.
Il me fixait toujours avec son doux regard. Ne prononçant pas un seul mot, mais semblant m’écouter avec attention. Une chose au moins n’avait pas changé, Silvestre était toujours aussi bavard !
Un souffle de vent vint défaire quelques mèches de mon chignon. Je les replaçais rapidement et finalement n’écoutant que mon envie, je décidais de lâcher mes cheveux au vent. Je retirais le filet qui les retenait prisonnier sous le regard amusé de Silvestre. Je haussais alors les épaules comme pour m’excuser de ma conduite indigne d'une princesse…
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| | | Silvestre de Lévis
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| Sujet: Re: Retrouvailles au détour d'un bosquet [PV Silvestre de Lévis] 13.09.12 3:29 | |
| La situation était pour le moins paradoxale. Se retrouver ici, avec Tala, dans un jardin taillé à la perfection, dans un cadre certes enchanteur, mais pour le moins encadré, où tout n’était que paraitre, faux semblants et impressions, alors que nous nous étions toujours vus jusqu’alors dans un endroit simple, habillé sans prétention ni aucun intérêt pour l’étiquette… Seul le vent se permettait à l’époque de rectifier quelque chose dans nos tenues, quand il y en avait besoin. Tout était naturel, il n’y avait pas besoin de se préoccuper de ce que penseraient les gens, de ce qu’ils en diraient et surtout d’à qui ils iraient le répéter pour la simple et bonne raison que tout le monde se moquait de ce que nous pouvions bien faire. Et il y avait toujours moyen d’échapper aux regards un peu trop curieux. Ici, c’était pour le moins impossible. Le statut de Tala, celui de princesse amérindienne, l’empêchait de sortir sans être accompagnée. Elle devait être protégée en permanence, dans ce monde qu’elle connaissait mal, qui était bien plus compliqué à appréhender que le sien. Moi-même qui venait d’Europe ne comprenait pas toujours ce qu’il s’y passait, alors les étrangers… Parfois, je regrettais d’avoir connu le Nouveau Monde, tout simplement parce que je regrettais de ne plus y être et que cette peine m’était presque une déchirure. Et puis je me raisonnais, en me disant qu’il était toujours possible d’y retourner, un jour, il suffisait d’attendre le bon moment et de savoir saisir l’opportunité qui se présenterait.
En attendant je dépérissais à Versailles. Et la savoir ici elle aussi ici, en train de désespérer aussi peut être, surement, me faisait encore plus mal. Aussi avais-je fais en sorte que toutes les installations faites à son intention le soient avec le plus grand soin et le plus de minutie possible. Mais cela ne remplacerait surement jamais ce qu’elle vivait avant, de l’autre côté de l’océan. Que cela paraissait loin… Une éternité, aussi bien en temps qu’en distance. La vie en France avait certes ses avantages, mais aussi, et surtout, ses inconvénients. J’aurais beaucoup aimé inviter Tala chez nous, dans notre hôtel particulier Versaillais, mais la simple perspective qu’elle croise mon frère me faisait lever les yeux au ciel et me paraissait une très mauvaise idée. Louis-Charles était un incorrigible butor qui aurait surement fait des réflexions déplacées. Et comme rien en l’arrêtait, pas même un coup d’œil de ma mère, qui l’avait élevé comme s’il avait été son fils, c’était pour le moins désespéré. Je ne voulais pas risquer d’être le déclencheur d’une nouvelle crise familiale. Mon retour avait déjà assez perturbé le fragile équilibre familial, sans que j’en rajoute encore une couche, fallait-il croire. Même si savoir Tala aussi seule me faisait de la peine. Elle était très jolie dans ses atours européens, mais cela ne valait pas sa beauté au naturel, dans ses tuniques en peau qu’elle portait jadis au Canada, laissant ses cheveux libres sur ses épaules. Elle ressemblait à un magnifique oiseau exotique qu’on avait mis en cage pour décorer un salon déjà surchargé…
Mais elle semblait prendre la situation avec calme et philosophie, ces deux caractéristiques qui définissaient son peuple. Je ne pouvais pas faire autrement qu’en être impressionné.
-C’est ton roi en personne qui a demandé ma présence ici. Mon père et moi-même ne pouvions refuser cette invitation. Mais j’espère pouvoir retourner chez moi dans quelques temps… La vie à Versailles n’est pas faite pour moi tu t’en doute bien !
Je lui souris tristement, avant de soupirer dans l’air frais de la journée et de fermer les yeux un bref instant. Avec un petit effort, on aurait presque pu se croire au début de l’hiver, vers Montréal… Malgré ce mariage de convenance que nous avions contracté, comme le faisaient énormément d’officiers européens au Nouveau Monde, je considérai plus Tala comme une troisième petite sœur que comme une véritable épouse. Elle était malicieuse, et en même temps si calme que s’en était déconcertant. Malgré ces années passées auprès de son peuple, j’avais toujours du mal à les cerner.
- Ma terre me manque tellement. Tu as raison, les forêts semblent si loin… Mes amis me manquent, mon père me manque. Je ne pensais pas que la vie en France serait si différente de celle de Québec. Tu m’avais fait visiter cette ville et je mettais fait une certaine idée de votre vie à vous les français. Mais à Versailles rien ne ressemble à Québec. Même les forêts y sont différentes ! Je ne retrouve rien de ma vie d’avant et je crois que c’est ce qui me fait le plus de peine. Cela va sûrement te faire rire, mais à Versailles j’ai vraiment l’impression d’être ce que vous appelez « une sauvage ». Les gens me regardent avec mépris et peu d’entre eux osent venir me parler. On parle derrière mon dos et on raconte les pires choses sur mon peuple. On nous dit mangeur d’homme ! Silvestre, tu le crois ? Qui a bien pu leur rapporter ça… Nous n’avons jamais fait une chose aussi cruelle.
Je la fixai un instant, une moue compréhensive au visage. Elle avait raison, mille fois raison… Les Européens voulaient apporter la « civilisation », sans comprendre que ceux qu’ils appelaient « sauvages » ou pire, « primitifs », avaient leur propre civilisation, leur façon de faire, de vivre, et qu’ils n’avaient rien à y changer. Nous avions au moins autant à nous inspirer de leur culture qu’eux de la nôtre, si ce n’est plus. Leur respect envers la nature m’avait toujours impressionné. Je finis par poser ma main sur la sienne, en douceur, et la serrer tendrement.
-Tu as raison, mille fois raison, hélas, tous ces gens sont bien trop imbus de leur personne pour comprendre ce que ton monde a à leur offrir. Mais s’ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre ce que tu peux faire pour eux, ils ne méritent pas que tu te tourmentes pour eux.
De ma main libre, je lui fis redresser la tête pour me regarder dans les yeux, baissant la voix afin qu’elle seule m’entende, en cas d’oreilles indiscrètes trainant dans le bosquet :
-Et moi je serais toujours là pour toi, tu le sais bien, n’est ce pas ? Quoi qu’il advienne. Je te protègerai, Tala. J’espère que tu ne l’oublieras jamais.
Je lui souris à nouveau, complice. Comme avant. A peu de choses près.
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