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 Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda]

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MessageSujet: Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda]   Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] Icon_minitime19.09.12 19:41

Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] 74802911 &&Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] 1347812712-4-2



« Monsieur le duc, quelle joie de vous voir revenir parmi nous ! Et quelle honte de nous avoir délaissés si longtemps, vous devriez en rougir. »
« C’est le chagrin de vous avoir quittée qui m’a ramené plus vite à Paris, chère Ninon. »
« Allons, cessez vos flatteries, et venez-çà nous raconter votre escapade aux Pays-Bas. »

Un sourire aux lèvres, Christian se laissa bien volontiers guider jusqu’à un canapé par sa nouvelle amie et complice, l’incontournable Ninon de Lenclos. Libérée de son exil depuis peu, elle n’avait pas attendu bien longtemps avant de s’installer à Paris et d’ouvrir ses fameux salons dont on parlait déjà tant à Versailles. Pour sa part, c’était sa tante Christine de Suède, avec qui il entretenait une correspondance assidue, qui lui avait parlé de cette femme de lettres et femme de cœur et de son retour dans la vie culturelle de Paris. Pour un curieux et un amoureux des salons comme Christian, l’occasion n’était pas à louper : bien qu’ils commencent tout juste, les salons de Ninon de Lenclos attiraient déjà du beau monde, Boileau, Molière, la Rochefoucauld, Scarron, son ami et confrère scientifique Huygens… Et maintenant Christian Vasa, duc de Sudermanie. Lorsqu’il s’était présenté sur conseil de sa tante, il n’avait pas fallu longtemps pour que le charme opère : Ninon aimait à la fois les hommes beaux et les beaux esprits, et Christian avait l’avantage parfois non-négligeable de combiner ces deux qualités, pour peu que l’on appréciât les grands blonds aux yeux gris dotés d’un brin de génie fantaisiste. Après une soirée elle l’avait prié de revenir autant que possible, et en général Christian apparaissait dans ces salons au moins une fois par semaine. Pour le plus grand plaisir de la dame, ravie de compter un scientifique aussi brillant dans ses invités…
Christian trouva une place sur un canapé au milieu du salon bondé de Ninon et jeta un œil aux esprits présents ce jour-là. Il en connaissait désormais la plupart, même si elle se débrouillait toujours pour ramener chaque fois de nouvelles têtes qui allaient et venaient dans cet embrouillamini d’idées et de discussions philosophiques qu’étaient ses salons. On y parlait littérature, histoire, politique, philosophie, théologie, métaphysique, sciences, sciences occultes, et bien sûr des derniers potins de la cour lorsqu’on voulait se détendre l’esprit et parler de choses plus futiles. Autant dire que ces moments étaient rares, puisque toutes les personnes ici présentes avaient presque toujours des choses bien plus intéressantes à dire que les potins sur un tel ou un tel. La dernière pièce de Molière ou son rival Racine, les mouvements des Lorrains, les dernières améliorations de l’art de l’épée apportées par les Florentins, tout ceci était autrement plus intéressant ! Christian affectionnait particulièrement cette atmosphère d’intellect et d’agitation qui régnait lors des salons, et son esprit toujours en ébullition y trouvait parfaitement son compte. A peine d’ailleurs fut-il assis que son compère Huygens l’embarqua aussitôt dans une discussion effrénée sur les mécanismes horlogers.

La discussion les passionna pendant plus d’une heure, et passionna même les autres : alors que la conversation déviait sur d’autres sujets tout aussi scientifiques, un petit cercle s’était formé autour d’eux et écoutait attentivement les deux physiciens qui discutaient avec animation. Ninon, très fière de ses deux pupilles, avait pris place à leurs côtés sur le canapé et souriait avec ravissement alors que les autres hochaient doctement la tête de temps à autre, à mesure que Huygens et Christian se jetaient des arguments divers et variés à la tête.

« Les hommes sont les seules créatures dotées d’intelligence mon cher Vasa, je vous le certifie. La preuve, c’est que nous sommes les seuls dotés d’un langage intelligible. »
« Qu’en savez-vous, Huygens ? Pour ma part je n’entends guère le cheval ou le chien, aussi serais-je bien incapable de déterminer s’ils produisent des sons au hasard ou s’il s’agit d’un langage organisé comme le nôtre… »
« Personne n’a jamais été capable de traduire le cheval ou le chien ce me semble, alors que nous avons su apprendre le grec, le latin, l’allemand, l’anglais, et tant d’autres langues… »
« Admettons. Mais alors comment définissez-vous le langage ? Car il me semble bien à moi que ces sons émis par les animaux ne sont pas pur hasard : un chien aboie pour signaler un danger par exemple. S’ils n’ont pas de langage ils ont au moins un moyen de communication. Ne considérez-vous pas cela comme une forme d’intelligence ? D’ailleurs je voulais vous demander : que pensez-vous de la puissance de l’instinct animal ? Il y a tout de même des cas remarquables où l’instinct s’est montré plus fort que l’intelligence… »

Tous les neurones en activité, Christian s’animait, parlait avec les mains pour mieux s’exprimer dans cette langue qui n’était pas la sienne bien qu’il la parlât depuis l’enfance, et ses yeux clairs brillaient d’une lueur passionnée qui se muait en profond intérêt dès qu’il laissait la parole à son interlocuteur. Un duel de cerveaux, voilà ce qui passionnait le suédois ! Les duels à l’épée ne présentaient pour lui pas plus d’intérêt que ces massacres organisés qu’étaient les guerres, et les sciences lui semblaient bien plus productives et intéressantes et surtout honnêtes que toutes les courbettes hypocrites de la politique, qu’on l’obligeait à exercer en France dans le cadre de ses fonctions. Représenter une partie de la régence suédoise avait son intérêt et ses avantages, mais elle comportait aussi sa part d’inconvénients et de contraintes, quand il aurait préféré vouer tout son temps à ses recherches, ses expériences, et ces débats avec d’autres esprits aussi éclairés que le sien. Il y avait tant de choses à apprendre, à découvrir, qu’il n’avait pas une seconde à perdre avec ces idioties de guerres et d’intrigues politiques !
Alors que Huygens et lui venaient de conclure leur débat sur un compromis, il leva les yeux en portant sa coupe de vin à ses lèvres et aperçut un visage bien connu. Aussitôt un large sourire éclaira le sien, et il se leva du sofa en s’excusant auprès de Ninon. Puis il alla vers la jeune femme qu’il venait de reconnaître et lui baisa la main avec toute la courtoisie dont ce mondain émérite savait faire preuve. Enfin, il la regarda en souriant.

« Ma chère vicomtesse ! Quel plaisir de vous rencontrer à ce salon, je me disais bien qu’il me manquait une présence essentielle pour que tout soit parfait. Tenez, laissez-moi vous offrir une coupe de cet excellent vin, je suis sûr que mademoiselle de Lenclos ne m’en voudra pas de lui voler son rôle d’hôte quelques instants. » débita-t-il joyeusement en joignant le geste à la parole. « C’est la première fois que vous venez à l’un de ses salons, n’est-ce pas ? Vous verrez, ils parlent beaucoup, mais ils ne mordent pas, enfin pour la plupart. Je vais vous présenter à quelques-uns de ces messieurs. Vous qui vous intéressez aux sciences, vous y trouverez certainement votre compte… »

Homme de parole, il lui tendit le bras et l’accompagna jusqu’au petit groupe qu’il venait de quitter, lui offrant une place sur le sofa aux côtés de Ninon qui la salua avec un plaisir évident, avant de s’asseoir à son tour à côté d’elle.

« Tenez ma chère Mathilda, vous allez nous servir d’arbitre, même si nous avons clot ce débat je serais curieux de connaître votre opinion : à votre avis, qui de l’homme ou de l’animal est le plus intelligent, et pourquoi ? Rassurez-vous, malgré sa mine patibulaire, mon ami Huygens ne vous en voudra pas si vous allez malencontreusement à l’encontre de ses principes. La science, c’est aussi l’apprentissage de la tolérance ! » lui glissa-t-il en guise de conclusion et en ignorant Huygens qui levait les yeux au ciel sans pouvoir s’empêcher de sourire. Quant à Christian, il était positivement ravi d’être tombée sur elle : malgré son jeune âge, il détectait chez elle un esprit curieux et fertile, qui ne demandait qu’à devenir brillant, et il n’en faudrait que peu pour qu’elle y arrive ! Christian avait à cœur de l’aider à parfaire ses connaissances, et s’il le fallait, il l’aiderait sans rechigner à intégrer les salons… Le duc n’était pas un égoïste et partageait ses plaisirs avec le plus grand nombre. Et sans conteste, la science était son plaisir numéro un !
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MessageSujet: Re: Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda]   Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] Icon_minitime23.09.12 19:38

« Votre père a demandé de vos nouvelles. » Tiens donc. Son cher géniteur avait demandé de ses nouvelles. … C'est qu'il avait du envoyer une lettre. Une nouvelle lettre qu'on allait pas lui donner en main propre, qu'on allait se contenter de lui lire. Enfin, naturellement, on allait pas le lui lire en entier, attention. Simplement quelques passages. Les plus intéressants. Les plus touchants. Ceux où se languirait de son absence et s'inquiéterait de sa santé, de son bien-être, de son état actuel... Mais bien sûr, ceux où il donnerait des consignes concernant son éducation n'allaient pas lui être lu. Ils allaient être tenus secrets. Parce que lui comme les personnes qui l'entouraient savaient pertinemment que ce qu'il prévoyait pour elle n'était généralement pas à son goût. Oui, dans le cas de notre chère Mathilda, le « tel père telle fille » ne fonctionne aucunement. Le « telle mère telle fille » non plus. Ou du moins, simplement concernant le physique. Le physique et quelques traits de caractère. Mais pas ceux que son père aurait voulu qu'elle hérite. « Et il s'est inquiété de ma solitude permanente. Évidemment. Et du fait qu'aucun prétendant ne soit présenté. Même si Versailles pullule de jeunes garçons issus de familles toutes les unes plus fameuses que les autres. » Après avoir passé tant d'années en sa compagnie, la jeune femme commençait à connaître son père, sur le bout des doigts. Oui, ce qui l'inquiétait le plus n'était pas son état, mais surtout le fait qu'elle n'ait toujours personne. Sa vie affective ? Ah non voyons. Là n'était pas le problème. Qu'elle ne soit pas amoureuse n'était pas le problème. C'est surtout le fait... Qu'elle ne soit pas bien entourée qui l'était. Son père ne jurait que par un beau mariage. Un beau mariage, avec un jeune noble... Quoi de mieux pour sauver les apparences ? Et dieu seul sait à quel point il y avait besoin de sauver ces stupides apparences, justement, avec ce que Mathilda en avait fait... Contrairement à son père, elle avait tendance à ne pas se soucier du qu'on dira-t-on. Et bien sûr, vous vous doutez bien que depuis son arrivée à Versailles, à force de ne pas se soucier de sa « réputation »... Eh bien, elle avait fini par ne ressembler à rien. Entre ceux qui la voyaient comme une future catin, qui pensaient dur comme fer qu'elle suivrait les pas de sa mère, d'autres qui la voyaient déjà en vieille fille... Même si, pour cette seconde possibilité, on ne se bousculait pas au portillon. Quel individu saint d'esprit oserait penser qu'une jeune femme au minois aussi doux que la demoiselle pourrait finir seule, complètement seule ? Une catin... Peut-être. S'il s'agissait là de ce qu'elle souhaitait, alors la tâche ne lui serait sûrement pas été difficile. Mais seule ? M'enfin. Son père aurait préféré qu'elle se serve de sa beauté pour séduire comme le faisait jadis sa mère, plutôt que de s'attirer les foudres de certaines personnes. Ah. Mais tiens donc. Il se trouve généralement que ces « personnes » se trouvent être de sexe féminin. Jalousie, jalousie quand tu nous tiens. Comme quoi, en fin de compte, la pauvre Mathilda était peut-être encore moins coupable qu'il n'y parait dans ce qu'on lui faisait subir.

« Il vous a fait parvenir une nouvelle robe. » « En espérant qu'elle attire peut-être un homme ou deux dans mes filets. … Eh bien, qu'avez-vous donc ? Allez y. Prouvez-moi que j'ai tort. » Et là encore, silence complet. Elle avait raison. Du début à la fin. Et les messagers de son père se sentaient généralement assez mal à l'aise. Comme quoi, en fin de compte, il n'y avait aucune utilité à lui cacher quoi que ce soit, car elle était suffisamment intelligente pour tout deviner par elle-même, les mettant ainsi dans l'embarras. Difficilement, elle se leva de son fauteuil, et se dirigea vers le paquet. Un énorme paquet. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle y découvrit un tissu rouge, rouge bordeaux. Ce tissu était en réalité sa robe. Et elle était contrainte d'avouer... Qu'il avait bon goût. Elle était magnifique. Elle était à manche courte, et dévoilait ses épaules. Quant à au corsage, il s'agissait là d'un corsage à baleine. D'ailleurs, dans le dos, sur les fils qui servaient à tenir le corsage, était incrustées de petites perles, qui donnaient donc l'impression que celui-ci était en réalité tenu par des colliers de perles, et non par de simples fils. De même sur le devant, il y avait de nouveau quelques perles incrustés, au niveau du col qui délimitait clairement sa poitrine. Ce contraste entre rouge et blanc était ce qui donnait le plus de charme à la robe. La jupe, quant à elle, avait droit à quelques frous et quelques broderies, là encore de couleur blanche, mais pas de perle cette fois-ci. Sûrement parce que le but n'était pas de surcharger le modèle, mais juste de le rendre unique. « Il a supervisé sa création du début jusqu'à la fin. Il vous demande de la porter pour vous rendre au salon de Ninon de Lenclos. Elle ne vous connaît pas encore, mais en y allant vêtue de cette petite perle, vous ne passerez sûrement pas inaperçue. »

Pourtant, au final, ce fut plus grâce à Christian qu'à sa robe qu'elle se fit remarquer par cette dame. Enfin, même si... Soyons honnêtes, la manière dont elle était vêtue lui avait tout de même valu de nombreux regards, certains envieux, d'autres admirateurs... Bon, il y a aussi les regards jaloux et pleins de haines, naturellement. Mais qui ne le serait pas en voyons une telle perfection ? Plus elle grandissait et plus elle ressemblait à sa mère. Ses longs cheveux bruns chevauchaient son dos tout en étant attachés en une demi-queue alors qu'elle regardait à droite et à gauche, touchant par moments le collier de perle qui ornait son cou... C'était plus un tic qu'autre chose. Elle se sentait... Mal à l'aise. Elle n'aimait pas attirer l'attention. Même si... Enfin, pour une fois, elle fut heureuse d'avoir tant attiré l'attention. L'attention d'une personne en particulier. Christian de Sudermanie. Elle l'adorait. Bon dieu ce qu'elle l'adorait. Elle avait lu tous ses livres, toutes œuvres, et avait avalé toutes ses thèses. Elle était sa plus fervente admiratrice. Alors vous imaginez bien que lorsqu'il s'avança vers elle pour lui débiter un discours des plus plaisants à entendre... « Ma chère vicomtesse ! Quel plaisir de vous rencontrer à ce salon, je me disais bien qu’il me manquait une présence essentielle pour que tout soit parfait. Tenez, laissez-moi vous offrir une coupe de cet excellent vin, je suis sûr que mademoiselle de Lenclos ne m’en voudra pas de lui voler son rôle d’hôte quelques instants. » Elle était aux anges. Ses joues, habituellement blanches comme neige, avaient pris une légère teinte rose alors que ses yeux brillaient de mille feux. Si elle le pouvait, elle se mettrait à sautiller sur place tellement elle était heureuse. Non mais vous vous rendez compte. Il était en train de lui dire qu'il lui manquait une présence essentielle pour que tout soit parfait, et cette présence là n'était autre... Qu'elle. Elle ne savait même plus comment réagir. Elle se contentait de le fixer, un sourire gêné sur le visage alors que ses lèvres se pressait contre sa main. Il s'agissait là d'un simple baise-main mais... A ses yeux, c'était tout juste incroyable. Un conte de fées. Il était son idole. Et elle avait la chance d'en être si proche. Timidement, elle prit la coupe de vin qu'il lui présenta tout en prenant enfin la parole. « Vous me flattez. Je ne sais plus quoi dire, les mots me manquent. » Eh bien oui. Elle ne savait plus quoi dire. « C’est la première fois que vous venez à l’un de ses salons, n’est-ce pas ? Vous verrez, ils parlent beaucoup, mais ils ne mordent pas, enfin pour la plupart. Je vais vous présenter à quelques-uns de ces messieurs. Vous qui vous intéressez aux sciences, vous y trouverez certainement votre compte… »

Ah bah tiens donc. C'est son père qui serait heureux s'il l'entendait dire qu'il allait la présenter à des messieurs. Sauf que de son côté, la jeune femme n'y porta pas grand attention. Ce n'était pas le moment, voyons. Elle était bien trop subjuguée par ce que pouvait lui dire Christian. Tout en prenant son bras, elle avança tranquillement jusqu'au sofa où il lui indiqua de s'asseoir, ce qu'elle fit après avoir salué l'hôte de la soirée. Elle avait l'air sympathique. Oh oui, elle avait l'air d'être une bonne personne. Et dire que Mathilda avait peur de se retrouver face à une vieille harpie. Bref. Elle ne put s'empêcher de manquer un battement de cœur lorsqu'il parla de... Servir d'arbitre. Elle ? Servir d'arbitre à des scientifiques ? C'était de la folie. De la pure folie. Il voulait sa mort ? Oui, parce que si notre cher monsieur pensait dur comme fer qu'elle était brillante... Elle était loin d'être du même avis. Elle n'avait pas confiance en elle, que voulez-vous. Mais... D'un autre côté... C'était le moment de briller ! Allez ! Avec un peu de chance, elle réussirait à faire bonne impression ! … Au pire des cas, elle allait juste passer pour une gourde et lorsque son père en aura vent il décidera de l'envoyer dans un couvent. Rien de grave voyons, rien de grave. Qui de l'homme et de l'animal est le plus intelligent... Elle prit une rapide inspiration avant d'enfin ouvrir la bouche, un peu hésitante. … Mais en fait, en lui demandant son avis, Christian était quasiment sûr du fait qu'elle allait être de son avis car, comme vous vous en doutez bien … Elle avait lu ses livres, et elle connaissait donc son avis sur le sujet. « Eh bien... Je ne suis pas aussi expérimentée que vous sur le sujet... Mais... Je dirais que, évidemment, l'homme est plus intelligent que l'animal. Sans pour autant clamer que l'animal est dénué de toute intelligence. Une espèce dénuée de toute intelligence ne pourrait survivre de toute manière. Et puis, les chiens, les chevaux... Enfin... Les animaux apprennent des tours, apprennent à obéir, ce qui démontre clairement qu'ils comprennent et assimilent de nombreuses informations. Sans oublier que, à sa naissance, donc en bas âge, l'être humain ne jouit pas de la même intelligence qu'à l'âge adulte. J'ai lu dans un livre que le cerveau d'un bambin prend du temps à croître, et à se développer. Cela veut donc dire que si l'on venait à comparer un bambin, et un chien par exemple... Le chien se trouverait être plus intelligent. Pourtant, une fois passée un certain stade, l'homme se révèle être supérieur à lui. Je pense qu'il s'agit simplement d'une question... D'évolution ? Pour l'instant, l'animal ne peut pas dépasser un certain palier, alors que l'être humain le peut, et c'est ce qui fait toute la différence. Puis, l'animal est loin de disposer des mêmes atouts que nous, ce qui ne doit pas lui faciliter la tâche. » Et une fois sa longue tirade finie, elle se rendit compte que bien du monde était en train de l'écouter. Trop de monde. « J'ai... J'ai dit une bêtise ? » demanda-t-elle à basse voix à Christian. Oh mon dieu. Et si elle avait dit une grosse bêtise ? Devant tant de personnes ? Devant lui ? La honte de toute sa vie. Puis, une fille qui la fusillait du regard, de loin... Ce n'était pas rassurant. Peut-être qu'elle aurait mieux fait de ne rien dire du tout.
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MessageSujet: Re: Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda]   Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] Icon_minitime16.10.12 22:06

Depuis plus de vingt ans qu’il s’intéressait aux sciences et environ quinze qu’il leur consacrait littéralement sa vie, Christian était devenu un expert en la matière, au sens propre du terme. Il n’avait ni diplôme ni titre officiel indiquant qu’il était un chimiste ou un astronome reconnu, puisque tout son travail était le fruit d’une curiosité et de recherches personnelles, mais intrinsèquement, officieusement, n’importe qui dans le monde de la sciences ou dans un salon digne de ce nom reconnaissait bien volontiers que le duc de Sudermanie, avec son esprit génial et excentrique, était l’un des scientifiques les plus brillants de son temps. Ouvert a tous les sujets, incroyablement prolifique et surtout infatigable chercheur, il avait écrit bon nombre d’ouvrages, thèses ou traités –la plupart a titre personnel qui n’avaient circule que dans un cercle restreint d’amis avant de s’égarer dans des salons de plus en plus lointains, forgeant malgré lui et sans qu’il ne le sache sa réputation- qui avaient séduit la communauté scientifique européenne et l’avaient, naturellement, place au rang d’autorité dans ce domaine. Le ministre français Colbert l’avait bien compris et lui avait demande de l’aide a cofonder l’Académie des Sciences dont la séance d’ouverture devait se tenir dans les prochains jours, et après avoir brillé en Suède, en Italie et en Allemagne, il semblait que ce fut au tour de Versailles de tomber sous le charme de cet extravagant scientifique aux théories folles, aux méthodes non-orthodoxes, et a la gentillesse désarmante. Mathilda, sans le savoir, se rangeait au nombre de ces adeptes, bien qu’elle le fut probablement de manière plus sensible que les autres. Christian ne se rendait pas tout a fait compte de la portée de l’admiration qu’elle avait pour lui, et s’il s’en était rendu compte, probablement n’aurait-il pas compris le pourquoi du comment. Christian était quelqu’un qui avait beaucoup plus de facilite a s’attacher intellectuellement aux gens que sur un plan purement émotionnel –ce qui ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas se montrer affectueux et chaleureux, bien au contraire, ce serait mal connaitre le personnage. Mais le duc construisait avec les gens des relations saines d’où la dépendance, sous toute forme qu’elle fut, était bannie afin d’éviter la souffrance qui en découlait systématiquement. Et curieusement, il pensait qu’il en allait de même avec tout le monde : aussi apprendre que Mathilda s’était attachée a lui au point de le suivre partout et de lire tous ses ouvrages l’aurait probablement surpris. Et touche, certainement. Tout en l’inquiétant légèrement, non pas a cause de Mathilda en elle-même, mais plutôt le risque qu’il prenait lui-même de la faire souffrir par un mot de travers bien involontaire. Dieu merci, il ne se rendait pas compte de tout cela, et cette anxiété de blesser les autres involontairement pouvait retourner languir dans les tréfonds de son inconscient en attendant qu’une autre situation, peut-être, lui soit plus favorable.

C’était donc sans trop se poser de questions et avec un sourire confiant que Christian avait demande son avis a Matilda, sans se douter qu’il la plaçait sous les feux des projecteurs au risque de ne pas en ressortir indemne. Mais il avait confiance en elle et son cerveau encore fertile de jeune fille avide d’apprendre, et il savait que même si elle se trompait, il suffirait que lui ou un autre la relance sur la bonne voie pour qu’elle se rattrape. Alors non, Christian n’avait pas l’impression de prendre un risque en lançant sa petite protégée dans l’arène du débat.

« Eh bien... Je ne suis pas aussi expérimentée que vous sur le sujet... Mais... Je dirais que, évidemment, l'homme est plus intelligent que l'animal. Sans pour autant clamer que l'animal est dénué de toute intelligence. Une espèce dénuée de toute intelligence ne pourrait survivre de toute manière. Et puis, les chiens, les chevaux... Enfin... Les animaux apprennent des tours, apprennent à obéir, ce qui démontre clairement qu'ils comprennent et assimilent de nombreuses informations. »

La quittant brièvement des yeux, Christian scruta son entourage a la recherche de réactions. Elles n’étaient pas nombreuses pour le moment, mais il constatait que ces dames la détaillaient de haut en bas avec un air interrogateur sur le visage et que quelques hommes hochaient la été d’un air absent, plus attentifs que ceux qui échangeaient des sourires indulgents. Christian sourit d’un air énigmatique. Quelque chose lui disait qu’ils allaient être surpris.

« Sans oublier que, à sa naissance, donc en bas âge, l'être humain ne jouit pas de la même intelligence qu'à l'âge adulte. J'ai lu dans un livre que le cerveau d'un bambin prend du temps à croître, et à se développer. Cela veut donc dire que si l'on venait à comparer un bambin, et un chien par exemple... Le chien se trouverait être plus intelligent.”
“Balivernes !” s’exclama un vieil homme au regard brillant d’intelligence, sans la moindre once de méchanceté dans la voix mais plutôt empreinte de l’enthousiasme des grands débatteurs. « Il est vrai que des dissections anatomiques ont prouve que le cerveau de l’enfant était moins conséquent en taille que celui d’un adulte, mais il existe nombre d’animaux –chien y compris- dont le cerveau est plus petit que celui d’un enfant. Même un enfant, donc, serait plus intelligent qu’un animal si l’intelligence tenait rigoureusement à la taille du cortex. »
« Laissez-la conclure monsieur le comte, j’ai terriblement envie de savoir ou mademoiselle veut en venir ! » intervint Ninon de Lenclos en personne avant de tourner un visage attentif et amuse vers Mathilda. D’un mouvement de tête, elle l’encouragea à poursuivre.
« Pourtant, une fois passée un certain stade, l'homme se révèle être supérieur à lui. Je pense qu'il s'agit simplement d'une question... D'évolution ? »

Une exclamation s’éleva du fond de la salle, et en se retournant Christian reconnut l’une des personnes les moins appréciées de leur petit cercle, un vieux dévot dont il avait même oublie le nom et s’opposait a toute forme de progrès, aussi bien philosophique que scientifique. Tout le monde se demandait dans ce cas pourquoi il continuait de venir –on le soupçonnait de nourrir pour Ninon une passion aussi secrète qu’honteuse de son point de vue de puritain- mais on avait vite appris a l’ignorer, ou a le faire taire. C’est donc sans lui prêter attention que Christian rebondit, pour encourager Mathilda :

« C’est donc une théorie de l’évolution que vous nous proposez-la… Intéressant, il me semble en effet avoir lu des affirmations semblables chez Lucrèce ou Epicure. Ou même plus récemment, chez Jérôme Cardan qui, bien que controverse, n’en était pas moins un esprit brillant. »
« Allons duc, Cardan était fou, c’est bien connu ! » intervint quelqu’un a sa droite.
« Oui, mais son De Subtilitate est un ouvrage remarquable d’intelligence ! » répondit le suédois.
« Mais laissez la finir, pour l’amour du Ciel ! » interrompit Ninon moitie sérieuse, moitie rieuse. Christian sans cesser de sourire esquissa un geste d’excuse et laissa de nouveau la parole à Mathilda.
« Pour l'instant, l'animal ne peut pas dépasser un certain palier, alors que l'être humain le peut, et c'est ce qui fait toute la différence. Puis, l'animal est loin de disposer des mêmes atouts que nous, ce qui ne doit pas lui faciliter la tâche. »

Tous absorbés dans leurs propres pensées, les invites ne répondirent pas immédiatement, ce qui poussa la pauvre jeune fille à demander : « J'ai... J'ai dit une bêtise ? ». Christian lui dédia un sourire radieux avant de lui répondre sur un ton complice : « Ma chère, quand un scientifique se tait, c’est qu’il pense. Et amener un scientifique à penser, c’est une victoire dans un débat. Félicitations ma chère, vous venez de vivre votre première expérience de théoricienne ! » Pour confirmer ses félicitations, il lui pressa amicalement l’épaule avant de se lever du canapé et de lui tendre la main pour l’inviter à faire de même. Autour d’eux, les discussions avaient repris de plus belle, la plupart poursuivant le débat lancé par Christian et Huygens et continué par Mathilda, les uns rebondissant sur les dire de la jeune femme, les autres la prenant à contre-pied. En résumé, Mathilda avait été jetée dans l’arène du débat scientifique, et s’en était sortie avec bien plus de brio qu’on aurait été en droit de s’attendre d’une jeune femme âgée d’à peine plus de vingt ans. Pressant un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence, il fit ensuite un geste pour lui dire de tendre l’oreille. Et effectivement, le nom de « la jeune fille qui vient de parler », « la protégée du duc », « cette petite demoiselle » revenait assez souvent dans les conversations. Preuve que, contrairement à ce qu’elle pouvait penser, elle avait marqué les esprits de manière plutôt positive. Christian lui sourit, et interpella un domestique qui présenta à la jeune femme un plateau de petites pâtisseries dont leur hôtesse était friande. Puis il leva sa coupe de vin et la fit tinter contre la sienne.

« A votre premier succès, ma chère vicomtesse. Je me doute qu’il s’agissait là d’un de vos premiers salons, mais croyez-moi vous vous en tirez remarquablement bien. Je crois que votre discours a agréablement surpris beaucoup de mes confrères, et moi avec. Quant à Ninon, je peux lire sur son visage qu’elle est absolument ravie de votre présence… Et croyez-moi, lorsque vous avez vos entrées chez Ninon de Lenclos, tout Paris sera à vos pieds en un claquement de doigts. » conclut-il avec un sourire en coin.

Un homme d’environ quarante ans vint à leur rencontre et salua le duc de Sudermanie avant de s’incliner devant Mathilda, qu’il félicita pour sa vivacité d’esprit et ses connaissances scientifiques. Il lui recommanda plusieurs ouvrages –en latin bien entendu- sur le sujet qui venait d’être évoqué et lui laissa son nom, l’invitant à venir à sa rencontre s’ils se croisaient de nouveau dans un salon afin de discuter de ces lectures très instructives. Puis avec un dernier compliment, cette fois sur sa tenue, il s’inclina de nouveau et les laissa. Christian laissa échapper un rire avant de glisser un regard amusé vers Mathilda.

« Qu’est-ce que je vous disais, vous les avez conquis ! Mais dites-moi un peu ce que vous, vous pensez de ce salon. Vous êtes là au cœur de la science et de la littérature de Paris, comment trouvez-vous notre petite réunion ? Vous donne-t-elle envie de revenir ? »
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MessageSujet: Re: Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda]   Les grands esprits se rencontrent rue des Tournelles ! [PV Mathilda] Icon_minitime09.01.13 13:54

Mathilda n'était encore qu'une jeune fille. Et il lui restait tout le monde à découvrir. Mais... Ce qui faisait d'elle une si fervente admiratrice de Christian était le fait qu'elle ait fait ses premières découvertes scientifiques grâce à lui. Enfant, son père avait supervisé son éducation et l'avait dirigée essentiellement vers les arts. Les arts, encore les arts. Et la littérature. Les sciences ? Cela ne l'intéressait pas. Et puis... Qu'est-ce qu'une demoiselle pourrait bien faire avec un bagage autre que littéraire ? Et artistique ? Des connaissances scientifiques ne lui apporteraient rien, et n'attireraient pas un bon parti. Qu'à cela ne tienne, lorsqu'elle fut en âge de prendre ses décisions – ou plutôt, de n'en faire qu'à sa tête tout en restant discrète -, Mathilda s'intéressa aux sciences. Des ouvrages, de nombreuses ouvrages, essentiellement ceux du duc. Voilà ce qu'elle se procurait. Certes, elle aimait les arts. Elle adorait la littérature, et certains ouvrages classiques même si elle peinait à partager la vision de certains auteurs. Mais... Elle avait aussi un petit faible pour les sciences. Le monde. Découvrir le monde, le comprendre. Poser des questions, obtenir des réponses. Christian l'avait aidée à se forger un véritable esprit critique et un esprit avide de connaissances sans qu'il n'en sache rien. Mathilda avait découvert l'une de ses thèses tout à fait par hasard. Un de ses cousins, bien plus âgé, s'en était procuré une à un salon. Et il lui avait lu. Puis lui avait montré. Et il ne fallut pas à Mathilda plus d'une minute pour tomber sous le charme. ... C'est beau ! Oui, elle avait trouvé cela beau. Le monde, vu de cette manière. La vie, expliquée ainsi. Tout. Tout était beau, lorsque Christian se mettait à en parler. En fait, Christian était un peu le grand-frère qu'elle n'avait jamais eu. Et, s'il avait eu une dizaine d'années de plus, il aurait sûrement été le père qu'elle aurait toujours rêvé d'avoir. Bref. Une thèse. Le tout débuta grâce à quelques feuilles de papiers, qui furent suivis par des vingtaines, des trentaines, et des centaines d'autres au final. Mathilda pourrait ouvrir un musée tellement elle avait d'exemplaires de ses écrits, qu'elle gardait précieusement comme de petits trésors.

Alors, être ainsi à ses côtés, être vu en sa compagnie, pouvoir lui parler, et avoir un tant soi peu d'importance à ses yeux... Il n'en fallait pas plus à la jeune allemande pour être aux anges, totalement aux anges. Elle était si heureuse. Mais... Sa joie et son enthousiasme furent légèrement ébranlés lorsqu'il la précipita dans l'arène. Elle était perdue. Elle était réellement perdue dans ce salon où... Où elle ne connaissait personne à part lui. Et puis, elle avait beau avoir une certaine culture scientifique, elle ne se pensait tout de même pas capable de... De débattre sur le sujet face à des gens aussi connaisseurs. Elle allait se couvrir de ridicule. Elle en était sûr et certaine. Et après cela, Christian ne chercherait sûrement plus jamais à lui parler. Il l'éviterait. … Et ce serait la fin. Allez Mathilda. Ce n'est pas comme si tu allais jouer ta vie sur ces quelques mots. Il était bien là le problème, justement. Sa... Réputation, qui était loin d'être très bonne – elle pouvait remercier pour cela quelques mégères, et quelques femmes encore amères envers sa mère, comme quoi sa ressemblance avec la belle lui attirait de nombreux ennuis – allait se jouer sur ce qu'elle allait dire. Là. Devant eux tous. Elle n'avait qu'à se montrer intelligente pour remonter en flèche dans leur estime. Ou dire une bêtise et retomber six pieds sous terre.

« Balivernes ! » Mathilda sursauta. Qu'y avait-il ? Son raisonnement était-il si chaotique ? Bon dieu. Elle avait, certes, peu de confiance en elle... Mais elle ne se pensait pas si sotte ! « Il est vrai que les dissections anatomiques ont prouvé que le cerveau de l'enfant était moins conséquent en taille que celui d'un adulte, mais il existe nombre d'animaux -chien y compris- dont le cerveau est plus petit que celui d'un enfant. Même un enfant, donc, serait plus intelligent qu'un animal si l’intelligence tenait rigoureusement à la taille du cortex. » … Eh bien, ce qui était fait était fait. Elle l'avait dit, maintenant. Elle ne pouvait revenir en arrière. Elle se contenta de déglutir, en ne sachant quoi faire. Jusqu'à ce que réagisse finalement Ninon, à sa grande surprise. Elle ne connaissait pas cette femme... Mais elle lui semblait... Bienveillante. Tout comme Christian. Rien d'étonnant à ce que les deux s'entendent si bien. « Laissez-là conclure monsieur le comte, j'ai terriblement envie de savoir où mademoiselle veut en venir ! » Et lorsqu'elle poursuivit... De nouveau, une exclamation se fit entendre. Eh bien... Ce n'était sûrement pas son jour. Elle devait enchaîner catastrophe sur catastrophe. Mais cette idée lui passa bien rapidement lorsque Christian prit la parole. Comme quoi, il lui suffisait d'un encouragement de sa part pour reprendre du poil de la bête. [b]« C'est donc une théorie de l'évolution que vous nous proposez-là... Intéressant, il me semble en effet avoir lu des affirmations semblables chez Lucrèce ou Epicure. Ou même plus récemment, chez Jérôme Cardan qui, bien que controverse, n'en était pas moins un esprit brillant. » « Allons duc, Cardan était fou, c'est bien connu ! » … Donc, elle venait de leur faire partager la même théorie qu'un fou. … Allons, elle avait de quoi être fière. Un fou avait au moins le mérite de raisonner différemment du commun des mortels, ce qui était plutôt une bonne chose, non ? Enfin. Elle put, de nouveau, compter sur Christian pour la soutenir et sur Ninon pour tous les faire taire. C'est ainsi qu'elle put conclure sa « petite thèse ». Un silence s'en suivit. Qui l'inquiéta. Elle le fit très rapidement savoir à Christian, d'ailleurs. Et le sourire radieux qu'il lui offrit la rassura, aussi bien que ses paroles. « Ma chère, quand un scientifique se tait, c'est qu'il pense. Et amener un scientifique à penser, c'est une victoire dans un débat. Félicitations ma chère, vous venez de vivre votre première expérience de théoricienne ! » Elle ! Une théoricienne. « Vous êtes trop bon avec moi. A ce rythme, mes joues finiront par prendre la même couleur que ma robe ! » dit-elle en plaisantant avant de se lever à son tour et de le suivre. Lorsqu'il lui indiqua de tendre l'oreille, la jeune femme s'exécuta... Et elle put alors entendre son nom revenir dans de nombreuses discussions. On parlait d'elle. Et en bien. Ou du moins, on ne disait rien sur sa mère, rien sur son père, rien sur ses origines. On parlait d'elle en bien. Alors qu'elle jubilait silencieusement, Christian interpella un domestique qui présenta un plateau de pâtisseries à Mathilda. Oh ! Des pâtisseries ! Elle en raffolait. Elle en mangeait. Tout le temps. Petite, elle avait même des techniques toutes les unes plus farfelues que les autres pour en prendre secrètement, pour en manger la nuit sans se faire réprimander par son père, pour... En manger autant qu'elle en avait envie. Etrange qu'elle ait pu garder sa taille de guêpe en consommant autant de sucreries. La chance sûrement, la chance. Il lui en fallait bien un peu à elle aussi, tout de même. « A votre premier succès, ma chère vicomtesse ! Je me doute qu'il s'agissait là d'un de vos premiers salons, mais croyez-moi que vous vous en tirez remarquablement bien. Je crois que votre discours a agréablement surpris beaucoup de mes confrères, et moi avec. Quant à Ninon, je peux lire sur son visage qu'elle est absolument ravie de votre présence... Et croyez-moi, lorsque vous avez vos entrées chez Ninon de Lenclos, tout Paris sera à vos pieds en un claquement de doigts. » « Eh bien... Si vous dîtes que j'ai ma place ici, alors je vous crois ! A vrai dire, j'étais anxieuse à l'idée de prendre la parole... Je ne me pensais pas à la hauteur de débattre avec des gens si connaisseurs, je suis encore jeune et j'ai bien des choses à apprendre... J'avais bien trop peur de dire une bêtise... Si vous n'aviez pas été là, je me serais sûrement couverte de honte ! »

Et aussitôt que Mathilda eut fini sa petite réplique, un homme vint à leur parler. Il salua le duc, et s'inclina devant Mathilda, un peu perplexe. … Que lui voulait-il ? Elle le découvrit rapidement, et en fut très satisfaite. Il était là pour la féliciter, et lui recommander quelques ouvrages. La jeune femme l'écouta attentivement. Elle comptait bel et bien prendre en compte ses conseils, tout comme aller à sa rencontre si elle venait à le croiser de nouveau. Il le lui demandait. Elle ne pouvait pas lui refuser une telle chose voyons. Et, avant qu'il ne parte, un dernier compliment qu'il lui adressa lui mit du baume au cœur. Il avait complimenté sa tenue. « Qu'est-ce que je vous disais, vous les avez conquis ! Mais dîtes-moi un peu ce que vous, vous pensez de ce salon. Vous êtres là au cœur de la science et de la littérature de Paris, comment trouvez-vous notre petite réunion ? Vous donne-t-elle envie de revenir ? » « Revenir ? Mais bien sûr ! Aussi vite que possible ! Tous ces hommes, et toutes ces femmes... Ils semblent si savants... Je les admire. Comme je voudrais être comme eux ! Et puis, Ninon m'a l'air d'être... D'être une femme au grand cœur. Bien différente de certaines harpies que l'on retrouve à Versailles... » dit-elle en laissant échapper un petit soupire. Versailles, Versailles, Versailles... Cet endroit était si beau... Mais pourtant à l'origine de tous ses maux.
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