Présentons notre premier protagoniste à l’origine même de l’existence de l’être qui va faire l’objet de notre récit==>
Félicien Baugarel : une trentaine d’année, juriste français, et plus précisément notaire. Homme sec et nerveux, c’est un polyglotte accompli , se targuant d’une rigueur et d’un sérieux sans faille ,il a toujours rêvé d’être explorateur mais s’est vide rendu compte qu’il n’était pas fait de ce bois là, trop attaché au confort matériel qu’il était. Résigné, il est donc devenu spécialiste des affaires d’héritage complexe dépassant les frontières françaises, une façon comme une autre de voyager!Car ce cher Maitre Baugarel est en effet attaché depuis quelques années aux délégations des différents ambassadeurs plénipotentiaires envoyés au Danemark par Sa Majesté Louis le quatorzième, roi de France.
Notre récit débute
un beau jour d’été, en 1644, au cœur de la capitale de la capitale Danoise.Alors que Félicien Baugarel, était occupé au château de Christianborg à entretenir un courtisan Danois de l’héritage échu à son fils par un lointain parent français de sa mère, mort sans descendance directe ; à quelques "pas" de là Vita Hensen Baugarel, sa femme, un stéréotype vivant des danoises, blonde, grande avec des longues jambes, était en train de donner la vie à son fils en injuriant copieusement la pauvre femme chargée de l’aider à mettre au monde son enfant.
Amoureuse des vieilles légendes de son pays, Vita voulut nommer le petit Thorbjörn, hélas pour elle, Félicien Baugarel, réglé comme du papier à musique, arriva pile à ce moment dans la pièce pour contrarié ses plans.
En apprenant que son premier enfant venait de voir le jour, celui ci avait vite expédié l’affaire qui le retenait au palais! Mais pour ça, il avait fallu réussir à se faire comprendre par le père de ce petit héritier ,manifestement né avec une cuillère en argent dans la bouche. Chose qui, croyez le, n'avait pas été de tout repos, le juriste n'arrivant pas à expliquer la chose autrement que dans un jargon juridique compréhensible des initiés seulement!
Avec humeur le patriarche Baugarel décréta à sa tendre épouse qu’il était hors de question que la chair de sa chair porte un nom aussi imprononçable que celui-ci :
- Thorbjörn ! Et pourquoi pas Taranis ou Loki pendant qu’on y est ? Mais ma pauvre femme vous avez perdu la tête ! Où êtes vous donc allé chercher cette idée saugrenue ?- Quel toupet vous avez de me faire des remontrances alors que je viens de passer les 5 dernières heures à souffrir le martyr pour vous donner un fils ! Ingrat!Vous pourriez au moins me féliciter au lieu de me faire subir votre sermon. Et pour votre gouverne mon ami, cela veut dire Ours de Thor. C’est un des dieux anciens des scandinaves.. ne faites donc pas cette tête d’ahuri, je vous en avais parlé mais comme à votre habitude, vous ne m’avez pas écouté !- Quand bien même ! Ai-je une tête à laisser mon rejeton se faire nommer d’après un Dieu barbare ? Il y a des jours où je me demande si ce n’est pas plus une descendante de Vikings sanguinaires que j’ai épousé au lieu d’une bonne Chrétienne !Le Français avait comme un jouvenceau enamouré courtisé dès son arrivée cette svelte et caractérielle fille du nord, unique héritière de riches marchands Danois qu’était Vita. Celle-ci s’était sentie flatter de l’attention de ce notable français aux manières si impeccables et au teint olivâtre de Latin.
Le français avait dû employer cependant les grands moyens pour séduire cette belle blonde qui avait nombre de courtisans, lui envoyer de doux billets rempli de poésie -recopiée dans des livres bien sûr car Félicien amoureux des normes et des règles déjà édicté manquait cruellement de toute forme d’imagination – découvrir quelle était sa fleur préférée pour lui en envoyer des bouquets frais tous les matins.
Et puis finalement, lassée de tout ce manège et trouvant que ce français était un bon parti autant qu’un autre, Vita avait cédé et les deux avaient convolé en juste noce. Depuis il ne se passait pas un jour sans que des scènes de ménage fassent leur apparition au sein du couple amené soit par le conflit entre leurs deux forts caractères, soit par des conflits culturels. Et le jour de la naissance de leur enfant n’était pas une exception à la règle. Après quelques éclats de voix, ils s’étaient finalement décidés ou plutôt, devrait on dire, Félicien Baugarel avait imposé sa volonté :
- Constant, c’est parfait comme prénom !-
-Vous savez mon cher, ce n’est pas le simple fait de porter un tel prénom qui donnera à notre fils cette vertu.- Oh taisez-vous, voulez vous. Tenez. Pour vous faire plaisir et par respect pour vous, son second prénom sera Danois, mais de grâce choisissez en qui épargne mes oreilles ou bien je ne répondrais plus de mes actes !- Aksel. - Et bien voilà, nous avons réussi à nous entendre ma chère! Vous voyez quand vous y mettez un peu de bonne volonté, tout finit par s'arranger!Constant Aksel Baugarel. Un nom qui aura du caractère. Espérons seulement qu’il me ressemble plus qu’à vous sans quoi nous pouvons nous attendre à devoir élever une tête de bois !Vita se passa de tout commentaire, les sachant inutiles, et se contenta de soupirer en se disant intérieurement qu’il plut à Dieu que son fils tienne plus d’elle que de son mari, car c’est bien connu, on voit davantage la paille qu’il y a dans l’œil de notre conjoint que la poutre qu’il y a dans le notre !****************************************************************************************************************
1655 dans les jardins du palais de Christianborg-Pssst ! Psssst !Constant, plongé dans un livre était assis sur le rebord d’une fontaine, rien ne semblait pouvoir le distraire, pourtant il s’arrêta brusquement lorsqu’il entendit ce bruit ! Il était prêt à prendre ses jambes à son coup, pensant qu’un des jardiniers venaient de le repérer assis à cet endroit – ce qui était interdit- mais lorsqu’il regarda aux alentours il ne vit personne ce qui lui fit froncer ses sourcils. Le bruit recommença, mais il décida de ne pas s’en soucier et retourna à son occupation. Quelques minutes plus tard il se fit pincer le bras de façon peu sympathique et cela le décida à enfin relever le nez de son ouvrage pour rencontrer une charmante tête blonde arborant un sourire angélique. Avec le temps il avait appris à ne pas faire confiance à cet air faussement innocent.-Toujours aussi douce à ce que je vois !Je crois que le pincement n’était pas nécessaire !- Nigaud ! J’ai passé 5 minutes à m’époumoner de derrière le buisson pour attirer ton attention. C’est malpoli de faire attendre une princesse ainsi !- Quelle idée aussi de se cacher pour attirer l’attention de quelqu’un ! D'ailleurs si vous voulez mon avis, c'est plus digne d’une voleuse de grands chemins que d'une princesse !- Et c'est un gueux qui me dit ça! Belle ironie!Si je ne t'appréciais pas tant, je te ferais fouetter pauvre sot!
Ne te fais pas passer pour plus bête que tu ne l’es ! Il y avait plusieurs domestiques dans les allées qui auraient pu me voir et je ne tiens pas vraiment à ce qu’ils aillent répéter à ma cerbère de gouvernante où je suis. Elle doit être, à l’heure qu’il est, à ma recherche dans tout le palais pour une de mes énièmes leçons mais je suis exténuée et je ne supporterais pas une seconde de plus cette ribambelle de précepteurs!- Je suppose que notre princesse est venue chercher son domestique pour quelques divertissements et qu’il est hors de question que je termine tranquillement ce livre..-
Bravo, tu supposes bien ! Ton sens de la déduction s’améliore de jour en jour Constant ! lui lança avec un brin de sarcasme son interlocutrice.
Constant n’était pas vraiment censé être un des compagnons de jeu de la princesse, mais le hasard avait voulu que les premiers temps de sa vie et celle de Bianca soient étroitement entremêlées.
A sa naissance, sa mère n’avait pas assez de lait pour le nourrir et l’avait confié à une de ses cousines, nourrice au palais, qui se trouvait justement être en charge de l’allaitement de la princesse Bianca de Brabant.
Les deux étaient donc frères et sœurs de lait, un lien qui semble de peu d’importance mais qui avait pourtant été le déclencheur d’une amitié indéfectible entre les deux jeunes gens puisque dans ses premières années, Constant avait été laissé à la garde de la nourrice au palais et avait donc été le compagnon de jeu de Bianca. Par la suite quand les deux enfants devenus trop grand pour rester dans les jupes de la nourrice s’étaient séparés, cela n’avait rien changé à leur relation.
Constant était en effet souvent amené par son père lorsque celui-ci avait des affaires à mener au palais ce qui lui donnait l’occasion de revoir Bianca .
Il était étrange de les voir tous les deux.. un tandem improbable ! Ils avaient un caractère très différent, Constant était un peu rêveur et nonchalant à la différence de Bianca qui était un véritable feu follet et qui le secouait autant qu’elle le pouvait en l’embarquant dans des jeux improbables.
Aujourd’hui le petit garçon se demandait dans quoi Bianca allait encore le fourrer car parfois les jeux de Bianca étaient tout sauf innocents et c’était souvent lui, moins rapide qu’elle, qui se faisait prendre la main dans le sac.
Une fois ils s’étaient amusé à tendre une corde par terre et à la relever à chaque fois que des couples gazouillant passaient à cet endroit, une fois Bianca s’était enfui en riant mais Constant encore plié en deux de rire n’avait pas eu ce réflexe et s’était fait attrapé par un des jardiniers qui l’avait traité de voyou et lui avait fichu une bonne déverrouillée en lui disant de ne plus jamais remettre les pieds ici. Du coup il évitait maintenant de croiser les jardiniers autant qu’il le pouvait et se tenait sur le qui vive à chaque fois qu’il se rendait dans les jardins.
- Pour le pincement, c’était pour te punir d’avoir déserté pendant plus d’un mois sans ma permission. J’ai dû me contenter d’un de mes petits frères pour jouer et c’était d’un ennui total ! Quand on sait qu’il ne comprend pas le principe d’une bataille de boule de neiges et va se plaindre à notre gouvernante en disant que je le maltraite, et tout ça pour une boule de neige reçue en pleine figure…A ces mots le jeune garçon baissa les yeux …Il avait perdu sa mère, exactement trois semaines auparavant et la période de deuil strict venait tout juste de s’écouler d’où son absence.Cela la jeune princesse le savait très bien, mais entre eux il y avait cette règle qui consistait à éviter de parler de toutes choses qui attristent . Relevant les yeux, il esquissa un sourire faiblard et lui répondit :
-Je suis désolé, vous savez bien que ce n’était pas voulu. Mais je suis encore plus désolé pour ce que je vais vous apprendre, car je sens que vous allez me détester.. Voilà, maintenant que… que ma mère est morte.. mon père a décidé que nous allons retourner dans son pays. Il ne le dit pas mais je le vois bien, il ne supporte plus de rester ici , il y a trop de souvenirs..- Il n’a pas le droit, je ne le permettrais pas.- Vous êtes une véritable graine de tyran ! Mais vous savez, il y a des choses que même une princesse ne peut pas empêcher. Allons ne soyez pas fâchés ! Nous nous reverrons sûrement ! lança le garçonnet d'un ton qui ne le convainquit pas lui même
- Et où ça sombre idiot , au paradis peut être?- Je pencherais plus pour l’enfer dans votre cas.- Tsss. Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement Constant, un jour tu me verras débarquer en France, je le jure !- Ce n’est pas beau de jurer !- Arrête. On dirait ma gouvernante !Sur ce les deux complices de toujours se mirent à rire et lorsque cela passa, ils se mirent en passe de se dire Adieu,avec toute l'émotion dont les jeunes enfants sont capables, conscients qu'ils ne se reverraient sans doute jamais!
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1663 France, ParisUn jeune homme pénètre chez lui, il est tard, à vrai dire, c’est déjà le matin, il est 7H et les rues sont encore calmes. Avec un baroufle de tous les diables ce dernier monte des escaliers et va se coucher encore tout habillé, un peu étourdi par l’hypocras ingurgité la veille en dose non recommandée. Avec ses amis encore estudiantins ils ont passé la soirée à voler des enseignes, c’était à qui en aurait récolté le plus… bien entendu, ils ont failli se faire attraper et le jeune notaire en a eu des sueurs froides. Il n'aurait pas été bien vu pour les affaires de l’étude Baugarel et fils, que le fils soit pris la main dans le sac en train de commettre un délit.
Félicien Baugarel, lui est déjà debout, habillé, sur le pied de guerre, prêt à inspecter la quantité de contrats qui s’amoncellent sur son secrétaire. Pas un coup d’œil à son fils dont il a de toute façon senti l’odeur alcoolisée. Pas un mot. De l’avis de ce père pourtant exigeant , Constant est encore jeune, et du moment qu'il n'en fait pas une habitude il a droit à ses frasques, et puis en dehors de ça, c’est un jeune homme bien comme il faut, il passe donc l’éponge sur ce matin.
20 minutes plus tard, la porte s’ouvre. Le notaire fronce les sourcils, un client à cette heure là, c’est un fait assez rare pour mériter d’être souligné. L’homme est grand, imposant… un peu glaçant aussi. Baugarel ne s’émeut pas. Des blonds aux airs sinistres, il en a vu par centaines au Danemark.
-Bonjour Monsieur, vous avez besoin de mes services manifestement ?! Le loup rentre dans la bergerie, et l’agneau l’invite. L’agneau c’est Baugarel qui ne peut prévoir à cet instant que c’est son destin qui s’apprête à basculer à cause de cet individu. Au contraire, il montre la plus exquise des politesses pour cet homme et l’invite à s’asseoir, ce que l’autre peu causant décline d’un signe de tête . Trêve de simagrées, les choses sérieuses sont abordées:
- Mr d’Hoziers vous a remis des papiers récemment. Donnez les moi. Ce qui perturba Baugarel l'aîné, ce ne fut pas tant le fait que le grand blond connaisse l'existence de ces papiers, mais la manière d'exiger la remise de ceux ci.Le plus étonnant dans l’histoire, pensa Félicien, c’est que ce grand blond demande tout d’un ton impérieux mais calmement. A tel point qu'on croirait assister à une simple discussion sur la pluie et le beau temps alors que c'est l'orage qui menace de gronder!En tout cas une chose est sûre, et Baugarel en mettrait sa main au feu, cet homme vient du Nord de l'Europe, cela se sent dans sa diction. A croire que toute son existence serait liée à cces froides contrées! En un sens, le notaire sent bien que si il ne donne pas satisfaction à cet homme, cela risque de mal se passer, une aura dangereuse entoure le Nordique, mais il a donné sa parole à D'Hoziers qu'il conserverait bien au chaud ces papiers, et une parole donné ne peut être retirée. Alors prenant son courage à demain, il brave la tempête:
-Ecoutez Monsieur ! Je ne sais pas ce qu’on vous a dit mais je suis un homme intègre ! Quand on me confie la garde de documents, je ne les donne pas au premier venu. C'est inutile de me les demander, vous ne les obtiendrez pas. Maintenant, si vous voulez bien, j'ai du travail à faire! Au revoir, passez une bonne journée.Ces papiers il y a jeté un coup d'oeil bien sûr. Il s'agit là d'une sombre affaire de généalogie concernant un certain Ulrich de Sola, prouvant la parenté de ce dernier au roi du Danemark. Il y avait certes des enjeux dynastiques là dessous mais Baugarel ne voyait pas bien ce qui avait poussé son ami à vouloir cacher ces documents, maintenant il comprend... mais à présent ce qu'il ne comprend pas c'est pourquoi ce colosse cherche à s'en emparer. Un intérêt soudain pour la généalogie peut être?!
Le brave homme, dans ses pensées n'eut jamais l'occasion d'avoir une réponse à la chose, pas plus qu'il n'eut le temps d'apercevoir l'homme des banquises sortir une dague de ses vêtements et la planter adroitement dans sa carotide. Le temps de mourir, il put cependant planter ses yeux dans ceux de son assassin et y lire une indifférence totale et un ennui profond. Etait ce là le diable ?
Tout s'était fait sans un seul cri. Le bruit même de la chute du corps atténué par le meurtrier qui, méthodique, l'avait empêché de tomber trop brutalement
Lorsque Constant, une quinzaine de minutes plus tard, réveillé par des bruits d'objets se fracassant violemment au sol descendit les escaliers avec un mal de tête carabiné et légèrement dans le brouillard, , il se retrouva dans une pièce sans dessus dessous. Les tiroirs étaient tous ouverts, les placards également, des boites gisaient à terre, de même que les dossiers de son père. Des papiers étaient éparpillés ça et là et des assiettes de porcelaine de Delft brisées venaient compléter ce pêle mêle. Quelqu'un avait donc cambrioler la maison?
-Far hvor er du? *père où êtes vous?
Il ne se posa pas longtemps la question car bientôt il tomba nez à nez avec une trainée rouge,automatiquement il la suivit et c'est ainsi qu'il découvrit le cadavre de son père gisant à terre, les yeux grands ouverts et le cou ensanglanté. Estomaqué de cette découverte matinale, il tomba à genoux et observa longuement de ses deux grands yeux outremer le corps encore chaud de son unique parent encore vivant. Qui aurait cru qu'un paisible notaire comme son père aurait eu des ennemis à même de le réduire au silence... c'était impensable, tout bonnement impensable!Trop choqué, il ne pleura pas, le temps des pleurs n'était pas venue, pour le moment il n'arrivait pas à réaliser...
Sans plus réfléchir, l'esprit brouillé par cette scène macabre, et sans savoir vraiment pourquoi il ramassa l'arme du crime ... erreur fatale!
Car c'est à cet instant précis , alerté, quelques minutes plus tôt semble t-il ,par les bruits de vaisselle se cassant et la porte restée ouverte que le maréchal ferrant, leur voisin, se décida à franchir le seuil de la maisonnée.
La scène qui s'offrait à ses yeux lui paraissait parfaitement limpide, le fiston tenait une dague pleine de sang, et le paternel était étendu à terre, mort... à priori personne d'autre dans la pièce, simple comme deux et deux font quatre: le gamin venait de tuer son père!
D'ailleurs ça ne l'étonnait pas vraiment! Il avait entendu une semaine plus tôt le blondinet crier à son père qu'il n'était qu'un grippe sou et qu'il avait hâte qu'il soit dans la tombe afin de pouvoir hériter!
Ces paroles, Constant les avait prononcé de dépit, frustré et révolté comme les jeunes hommes de son âge le sont si souvent. Il avait eu l'envie de retourner au Danemark pour visiter ses grands parents maternels mais son père avait refusé net de lui donner la somme nécessaire au voyage, et l'argent qu'il gagnait à titre d'"associé" ne suffisait pas. Une vulgaire dispute s'en était ensuivi! Il y avait eu des cris, une gifle, une porte qui avait claqué, mais l'histoire n'était pas allée plus loin et le lendemain tout avait été oublié! Mais ça, ce pauvre maréchal ferrant n'était pas censé le savoir!
Ce brave homme avait peut être tout faux, mais il était logique, et force est de constater que n'importe qui serait arrivé à la même conclusion que lui à sa place: le gamin voulait de l'argent, il avait menacé son père, n'avait pas obtenu gain de cause, et l'avait donc tué, parce que c'est bien connu avec un meurtre, on hérite plus vite! Son erreur, bien que tragique pour le jeune Constant, était compréhensible!
Il était le coupable idéal! D'autant plus qu'il ne chercha pas à se défendre, l'esprit ralenti par l'alcool, encore paralysé par ce qu'il venait de vivre, les émotions se bousculant dans son être, il se contenta de fixer son voisin, mais d'une manière qui donnait l'impression qu'il regardait en réalité dans le vide, ou bien que le maréchal ferrant était transparent à ses yeux. Il demeurait muet, muet comme pour confesser l'inavouable, et lorsque la police vint interroger ce jeune homme hagard et silencieux, ils déduirent de son attitude qu' il admettait tacitement avoir accompli cet acte abominable.
UC