U.N.D.E.R.C.O
12 Janvier 1646,
Portugal.UNDERCO
08 Juin 1655,
Portugal.«
Dites-moi Clara, que pensez-vous de refaire la tapisserie du séjour ? » La jeune femme leva les yeux de sa broderie pour regarder son interlocutrice dans les yeux. Elle prit soin de prendre quelques secondes pour réfléchir à sa réponse, bien qu'elle savait déjà quoi dire à sa mère. «
Il me semble, mère, que nous n'avons malheureusement plus assez pour payer un marchand. Une nouvelle tapisserie pour le séjour serait un acte déplacé sachant que nous avons déjà quelques difficultés à payer nos quelques employés.» Elle leva un sourcil pour appuyer ses propos et retourna tout naturellement à sa broderie pensant que le sujet de conversation était clos. «
Et si nous renvoyons l'un de nos jardiniers ? Nous en avons trois et il me semble que deux suffiraient amplement pour couvrir le peu de jardin que nous avons. » Indignée, sa fille lâcha brusquement sa broderie. «
Pensez-vous réellement les propos que vous tenez mère ? Les fleurs sont l'une de mes passions ! Je serais malheureuse à l'idée que certaines d'entre elles soient délaissées par manque de jardiniers. »
Au vue de la moue que faisait sa fille, la mère leva les yeux au ciel. Elle n'avait pas envie de se disputer avec cette dernière, mais au fond, elle rêvait d'une nouvelle tapisserie. «
Clara, ne pensez-vous pas exagérer ? Il n'y a que quelques fleurs dans la cour, les deux jardiniers que nous garderont auront tout à fait le temps de s'en occuper ! » «
Mais mère, non seulement se serait nous endetter, mais se serait aussi se foutre des domestiques ! »
Les yeux de la mère s'écarquillèrent de surprise aux vulgarités que venez de prononcer sa fille ! Venant de la part d'une noble, tenir un tel langage était inappropriée.
«
Je vous prie de surveiller votre langage, jeune fille. Il n'est pas acceptable de parler ainsi dans cette maison et qui plus est en ma présence ! »
L'envie soudaine de se lever et de partir en courant prit la jeune femme, mais celle-ci se retenu. Cependant, elle n'avait plus envie de broder et encore moins envie de rester en compagnie de sa mère. Alors, elle se leva et s'excusa auprès de celle-ci pour son comportement, mais aussi pour son soudain mal de tête.
Clara quitta le séjour pour se diriger vers sa chambre. Là, elle y prit un livre qu'elle avait déjà lu des centaines de fois, mais qu'elle adorait ! Elle se mit donc assise sur un petit fauteuil très confortable posé devant sa fenêtre et elle entama sa lecture.
Cependant, celle-ci ne dura pas longtemps puisque qu'un homme s'agitait devant sa fenêtre.
La jeune femme se leva, traversa sa chambre ainsi que sa maison pour rejoindre la cour. Il était rare de voir quelqu'un dans les environs et cet homme était l'opportunité idéal de Clara pour prendre une bouffée d'air frais.
Elle s'avança donc timidement vers lui, attendant impatiemment qu'il engage la conversation.
Finalement, le jeune homme la vit enfin et c'est avec engouement qu'il se présenta comme étant un envoyé espagnol. Il informa également la jeune femme qu'il s'était égaré et ne s'y connaissant pas vraiment en localisation, Clara dût aller chercher son père afin d'aider l'homme.
Quelques jours plus tard, un second passant se retrouva devant le domicile de la famille. Il frappa à la porte et lorsqu'un domestique vint l'ouvrir, il demanda à voir Clara, la jeune femme à la beauté envoutante.
C'est ainsi que l'adolescente se présenta à lui. Ne sachant pas vraiment ce qu'il désirait, elle tâcha de faire connaissances tant bien que mal, mais en vain.
28 Juin 1655,
Portugal.Le soleil se levait sur la campagne du Portugal. Bien que la saison estivale ait commencé depuis quelques jours, la nuit avait été fraiche. Il n'avait cessé de pleuvoir depuis des jours à un tel point, que les récoltes s'annonçaient mauvaises.
Fort heureusement, la famille de la petite Clara ne vivait pas dans une de ces habitations où logeaient les paysans. Certes leur maison était loin de ressembler à l'un de ces somptueux palais qu'elle pouvait apercevoir lorsqu'elle allait en ville avec son père, mais leur maison était tout de même confortable.
Composée de quelques pièces sommairement décorées, Clara dormait dans une petite chambre où ses parents avaient insisté pour lui donner. À l'époque, la jeune femme avait trouvé la pièce grande et très confortable, mais plus les années étaient passées, plus elle avait trouvé cet endroit étouffant. Et ce n'était pas la superficie de sa maison le problème, non. C'était ses parents.
Protecteur avec elle, sa famille considérait Clara comme leur petite fille. Or, ils avaient tort. Âgée de maintenant dix-sept ans, la belle brune rêvait de liberté et de changement. Elle aimait sa famille plus que tout, mais elle ne voulait qu'une chose : prendre son envol.
C'est donc en soupirant et en jurant qu'elle quitta sa chambre pour rejoindre ses parents qui patientaient dans le salon. Vu leurs visages excités, ils avaient quelque chose de très important à lui dire et cela, Clara s'en rendit de suite compte.
Elle se mit assise comme une grande dame l'aurait fait sur une petite banquette non sans avoir au préalable salué ses parents. Un silence pesant s'installa pendant quelques instants. Finalement, son père le brisa avec hésitation. «
Ma fille chérie, vous n'êtes pas sans savoir que bien que noble, nous manquons de moyens. Votre rencontre avec le Duc andalou est une opportunité pour notre famille. C'est pourquoi lorsqu'il m'a demandé mon consentement pour vous épouser, je n'ai pu refuser. »
À ces mots, les yeux de Clara s'écarquillèrent de surprise. Sa rencontre avec ce fameux duc remontait seulement à quelques jours. Elle le connaissait donc à peine et voilà que ses parents souhaitaient qu'elle l'épouse ! C'était de la folie, pure et simple.
Trop bien élevée pour protester, la jeune femme fit un large sourire en guise de réponse. Après tout, se marier avec cet homme était préférable face à passer sa vie entière avec ses parents.
17 Novembre 1660,
Duché d'Andalousie,
Espagne.Assise dans la bibliothèque de la famille de son époux, Clara lisait un livre qui ne la passionnait pas vraiment. Alors, lorsque quelqu'un vint frapper à la porte, elle se hâta de fermer l'ouvrage. L'invité n'était autre que son beau-frère, un homme que la jeune femme appréciait fortement. À sa vue, un sourire se dessina sur ses lèvres. Sourire qui s'effaça dès que l'homme prononça les premiers mots.
«
Duchesse, veuillez accepter toutes nos condoléances pour... votre époux. »
La jeune femme poussa un cri. Un cri de douleur, de souffrance et de désespoir. Un cri qui cachait sa jubilation. Après cinq ans de mariage avec cet homme, la duchesse était enfin libérée de son emprise et ce, grâce à Francesco, son tendre amant.
La veille au soir, il était venu à elle, frappant à la porte de sa chambre. Ils avaient tous deux passés une nuit de passion commune et au petit matin, ils avaient conclu un marché. Évidemment, ce marché était le fruit de Clara puisque Francesco n'aurait jamais assassiné le Duc de lui-même. Mais elle lui avait fait promettre et s'il trahissait cette promesse, elle le ruinerait.
Malgré le peu de temps qu'ils avaient eu devant eux, l'Ambassadeur de Venise et la duchesse avaient tout prévu et pour le moment, les choses se passaient comme convenu.
Clara posa ses genoux à terre tandis que de fausses larmes coulaient sur ses joues. Elle savait qu'elle devait se montrer convaincante sinon ils comprendraient tous que cela n'était qu'un complot monté par les deux amants.
Elle se redressa finalement au bout de quelques minutes, alla s'asseoir sur un fauteuil et sortit un mouchoir en tissu pour essuyer ses larmes.
«
Comment ? Comment mon époux est-il décédé ? »
Sa voix tremblotante reflétait son faux désespoir, mais son beau-frère n'y vit que du feu. Il s'approcha timidement d'elle et prit la parole.
«
Un vulgaire incident de chasse. »
Clara posa sa main sur son front et demanda à être seule afin de réfléchir à la suite des événements. Évidemment, cette suite était déjà tout prévue et c'est donc quelques heures après qu'elle demanda à voir son beau-frère. Celui-ci vint la rejoindre d'un pas hésitant, s'attendant à recevoir les foudres de la jeune femme. Cependant, il n'en fut rien. En effet, Clara lui offrit généreusement le domaine de son défunt frère puisqu'elle « ne se sentait pas capable de continuer à vivre ici et de s'occuper seule de la demeure. »
Malgré la terrible situation dans laquelle se trouvait la famille, le beau-frère de Clara ne put cacher sa joie. Joie que la jeune femme eut envie de partager avec lui !
Le soir même, les deux amants prirent la direction de la Cour de France, là où pourrait commencer une toute nouvelle vie pour la jeune femme.
12 Février 1661,
Versailles,
France.«
Elona, ma chère amie ! Que suis-je heureuse de vous voir. » À ces mots, Clara ajouta une légère courbette afin de saluer son amie depuis son arrivée dans la capitale. Elle et Élona appréciait de passer du temps ensemble malgré leur style de vie très différent. «
Clara, je ne m'attendais pas à vous croiser ici en cette belle matinée ! Quel beau vent vous mène au château ? » Un sourire se dessina sur les lèvres de la concernée tandis qu'elle préparait sa réponse. Lui dire qu'elle venait à Versailles afin de s'imaginer aux côtés du futur nouveau Roi était inappropriée ! Alors, elle trouva une excuse qui allait parfaitement bien à sa personnalité : «
Je me promène et je guette un homme à vous trouver ! » À ces mots, les joues d'Élona devinrent rouges de gêne tandis que le sourire sur le visage de Clara ne s'effaça pas. «
Ma chère Élona, ne changerez-vous donc jamais ? »
Le regard de Clara se fit plus insistant cette fois-ci et comme pour se faire pardonner de sa remarque embarrassante, elle invita Élona à se promener dans les jardins du Palais-royal. Leur discussion se porta sur tout, sauf sur les hommes, sujet qu'Élona n'avait guère l'air d'apprécier. Peu importait de toute façon, Clara était trop absorbée à dévisager un beau jeune homme qui passait par là. Pour ne pas se montrer trop impolie envers son amie, elle l'écouta encore quelques minutes parler d'elle-même après quoi, elle l'informa qu'elle avait un rendez-vous qu'elle ne pouvait se permettre de rater.
*
* *
Plusieurs heures étaient passées depuis sa courte entrevue avec Elona. La jeune femme l'avait certes quitté brusquement, mais c'était pour la bonne cause comme dirait-elle. Après tout, elle avait aperçu Matthias et elle ne pouvait se permettre de le laisser partir sans même l'avoir salué. Elle l'avait donc suivi quelques minutes sans rien dire puis, lorsqu'il s'était aperçu que la belle était juste derrière lui, il s'était arrêté afin de la laisser arriver à sa hauteur.
Désormais, les deux jeunes gens marchaient côte à côte dans le somptueux jardin du palais. Bien que n'ayant aucune autre relation qu'une amitié sincère, Clara ne cessait de marcher à quelques centimètres seulement du lieutenant-capitaine, ce qui n'était pas approprié pour l'occasion. Elle insistait aussi sur des mots, des phrases et des gestes que seule une amante s'autoriserait à faire.
Il faut dire que le beau Matthias plaisait beaucoup à la duchesse et cela, elle voulait le lui faire comprendre à tout prix. Évidemment, elle avait conscience que l'homme s'était rendu compte de l'attirance qu'elle avait pour lui, mais elle souhaitait plus. Et s'il y a bien une chose que nous savons tous, c'est que lorsque Clara veut quelque chose, elle l'obtient toujours.
22 Novembre 1666,
Boulangeries Frot,
France.La journée avait pourtant bien commencé et voilà qu'il se mettait à pleuvoir. Comme si cela ne suffisait pas, Clara avait décidé de sortir seule et elle n'avait pas pris sur elle de quoi se couvrir. Fort heureusement pour elle, la pâtisserie que tenaient les parents de son amie Frot était encore ouverte. Il faut dire que les pauvres n'avaient pas beaucoup de clients depuis que Clara en personne les avait accusé d'avoir tué un pauvre innocent à cause de leurs pâtisseries.
Quoi qu'il en soit, les boulangers ainsi que leur adorable fille avaient réussi à surmonter cela. Du moins en partie puisque le père de Lucie avait tenté de mettre fin à ses jours. Heureusement, cette dernière n'avait pas l'air d'en vouloir à la jeune femme et c'est donc tout naturellement qu'elles étaient devenues amies.
Clara poussa la porte de la pâtisserie pour y entrer. À son arrivée, Lucie qui était présente sur les lieux l'accueillit avec un grand sourire aux lèvres, choses qui réchauffait le coeur de la jeune femme. «
Madame la Duchesse, que me vaut votre visite ? » Elle ajouta à ses paroles une courbette puis, elle la convia à la suivre dans l'arrière-boutique. Là, elles seraient plus tranquilles pour discuter des derniers ragots qu'offrait la ville de Paris.
Toutes deux discutèrent pendant de longues minutes des affaires désastreuses de la boulangerie, mais voyant que Lucie semblait de plus en plus mal à l'aise face à ce sujet, la duchesse n'en rajouta pas, préférant discuter de la pluie et du beau temps. Quiconque les aurait entendu aurait très vite compris que ces deux femmes étaient capables de parler ensemble pendant des heures de tout et de n'importe quoi ! Cependant, le sujet de conversation se rapporta très vite sur les femmes de la Cour qu'elles ne pouvaient supporter. Il faut dire qu'entre jalousie et mépris, il y avait de quoi dire !
Clara alimenta donc la conversation avec sa relation très compliquée entre elle et Anna de Russie. Elle partagea avec Lucie les impressions, les doutes, la haine et le dégoût qu'elle éprouvait envers cette femme sans pour autant mentionner les soupçons qu'elle avait sur un possible amant qui ne serait autre que Felipe de Palma. Il y avait déjà assez de rumeurs à Paris pour que Clara en lance une autre, surtout si elle était fausse. Non, la duchesse préférait attendre avant d'ébruiter la nouvelle. Après tout, il fallait choisir le bon moment pour avouer à tout le monde que Felipe et Anna avaient une relation sinon tout cela n'aurait pas l'impact tant désiré par Clara.
Plongées dans leur conversation, les jeunes femmes ne remarquèrent pas de suite que la pluie avait cessée. Ce n'est que lorsque l'un des rares clients des Frot se manifesta qu'elles virent que le temps s'était écoulé à toute vitesse depuis l'arrivée de Clara. Alors, cette dernière préféra s'excuser auprès de son amie afin de quitter les lieux et de rejoindre ses appartements le plus rapidement possible.
27 Novembre 1666,
Rue de Paris,
France.«
Bonsoir Clorinda ! » La ville de Paris était pourtant bien grande et voilà que Clara venait de croiser Clorinda. C'était une chance pour elle puisque depuis quelque temps déjà, la belle brune lui avait fait part de comment se débarrasser de son époux. Mais ce n'était pas tout, elle avait aussi inséré de subtiles allusions à la main de l'ombre et elle avait tenté de lui faire comprendre que bientôt, Louis XIV ne sera plus au pouvoir et qu'elle serait enfin en sécurité.
Depuis, la belle brune tentait tant bien que mal de la faire rejoindre son camp, chose qui était fort prometteuse puisque Clorinda hésitait. «
Dites-moi Clorinda, avez-vous réfléchi à la dernière proposition que je vous ai faite ? » Les propos de Clara étaient formulés de façon à ce que son interlocuteur ne sache pas si elle parlait du poison ou de la proposition à rejoindre la main de l'Ombre.
«
Votre question ne trouve de réponse pour le moment, mais je vous promets de vous informer de suite lorsque j'aurais pris une décision. Ce qui, croyez-moi, ne risques pas de tarder. »
Un sourire éclaircit le visage de Clara, bien qu'elle n'en reste pas moins méfiante envers Clorinda. Elle resta quelques secondes sans rien dire, jugeant la femme qui lui faisait face, puis elle finit par répondre : «
Je l'espère. N'oubliez pas que je peux vous aider à résoudre vos problèmes. »
Clorinda, qui jusqu'à présent s'était efforcée de ne pas regarder Clara dans les yeux, les leva brusquement afin de juger l'expression de la brune. Cette réaction eut le mérite d'amuser Clara qui malgré ses efforts ne put retenir un sourire triomphant.
S'il y avait bien une chose à laquelle Clara ne s'habituerait jamais, c'était bien le château de Versailles. Son architecture, ses jardins, sa cour et son mobilier... Tout était différent du château qu'elle habitait il y a quelques années de cela à Andalousie. Pourtant, cela faisait cinq ans qu'elle avait quitté le Royaume d'Espagne pour venir dans la Capitale en compagnie de Francesco ! Cinq ans que le duc andalou avait trouvé la mort suite à un malheureux accident de chasse. Accident qui n'en était pas un.
Suite à cela, la jeune femme avait commencé à changer. Elle ne ressemblait déjà plus à la petite fille bien élevée qu'elle avait été avant son mariage, non elle était devenue une jeune femme au caractère fort, audacieuse et vile. Alors, son arrivée à Paris la métamorphosa si je puis dire...
Séductrice, manipulatrice, malicieuse et perspicace, elle avait bien fait de rejoindre la main de l'ombre, comme ils l'appelaient. Parce que après tout, Clara se moquait d'ôter la vie à quelqu'un, ce qui comptait était ce qu'elle voulait. Et elle voulait renverser Louis XIV.