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 Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe

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MessageSujet: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime13.09.14 13:10

L'Europe avait retrouvé la paix aussi soudainement qu'elle avait connu la guerre. Les hommes ne s'entretuaient plus, les armes étaient rangées, tandis que gagnants et perdants se mélangeaient à nouveau, le sourire aux lèvres ou les yeux baissés. Au faîte de sa gloire, le monarque Louis XIV organisait des fêtes somptueuses qui célébraient sa grandeur. Les récits des héros de la guerre pouvaient s'entendre à chaque réception donnée, chacun s'en donnant à cœur joie pour ajouter un élément ou exagérer un exploit. Les demoiselles se pâmaient devant les hommes qui avaient connu le front, manquant de s'évanouir à chaque fois qu'on leur parlait de blessure ou de mort. Paris et Versailles, après des mois de repos dus à l'absence des hommes, reprenaient vie, renaissaient tels deux phénix ressuscitant dans les flammes. Les hommes de retour, les femmes s'habillaient à nouveau de somptueux vêtements et s'apprêtaient à nouveau durant des heures pour attirer leur attention. De jeunes combattants étaient devenus des partis intéressants auxquels chaque mère voulait faire promettre sa fille. La vie reprenait son cours, les intrigues déjà pointaient le bout de leur nez, et les rumeurs et commérages allaient bon train. La routine, déjà. Le duc de Brabant, de retour après un rapide séjour aux Provinces-Unies, semblait se sentir parfaitement dans son élément. Souriant et affable, il répondait avec plaisir aux questions des autres invités et profitait comme il se doit de son statut de vainqueur. Les Provinces-Unies avaient en effet remporté la bataille navale avec la France contre l'Angleterre, montrant une nouvelle fois qu'elles étaient un redoutable adversaire marin. Officiellement, cette victoire était celle de Johan de Witt, l'ennemi de la famille d'Orange-Nassau, mais Simon ne montrait son agacement à personne et félicitait dès qu'il le pouvait  les hommes qui avaient fait la gloire des Provinces-Unies. Les quelques jours qu'il avait passés à La Haye lui avaient permis de voir que cette victoire profitait largement au Grand Pensionnaire de Hollande. Du plus humble artisan au plus grand noble, chacun portait dorénavant de Witt dans son estime, fier d'avoir un tel homme à la tête du pays. Simon avait dû multiplier les rencontres avec les soutiens de sa famille pour que ceux-ci ne changent pas de camp, et il se demandait si depuis son retour en France, ils n'avaient pas déjà retourné leur veste. La mère du duc de Brabant, Amélie de Solms-Braunfels, bien que ravie de voir son fils, n'en était pas moins inquiète de voir son influence se réduire à peau de chagrin. Ce n'était pas faute, pourtant, de mettre en avant l'héritier de la famille, le neveu de Simon, futur Guillaume III. Tous les enfants d'Amélie se servaient de leur conjoint et de leurs connaissances pour permettre à leur neveu de gouverner les Provinces-Unies. Même Henriette-Catherine, la sœur jumelle de Simon, qui avait toujours été éloignée des intrigues de cour, s'était jetée dans la fosse aux lions pour défendre bec et ongles le fils de son frère décédé. Quelle joie cela avait été pour Simon de retrouver sa chère sœur jumelle, après des mois et des mois passés sans se voir ! Henriette-Catherine n'avait rien perdu de sa grâce ni de sa fraîcheur. Quant à Guillaume, il allait bientôt fêter ses dix-sept ans et était devenu un jeune homme grand et fort. Sa grand-mère s'occupait de son éducation. Simon en étant sûr : un jour, son neveu régnerait en maître sur les Provinces-Unies, et Johan de Witt ne serait plus alors qu'un mauvais souvenir.

Mais pour cela, il fallait user de stratagèmes et trouver des soutiens de taille. La fin de la guerre allait permettre à Simon de se focaliser sur son objectif et de pouvoir se déplacer librement. Il fallait tout d'abord qu'il profite des mécontents de la guerre pour provoquer une révolte et affaiblir le pouvoir royal. A vrai dire, le duc de Brabant ne portait que peu d'intérêt aux Parisiens, mais il avait promis à Rohan de l'aider, en échange de quoi, ce-dernier lui prêterait main forte aux Provinces-Unies. Un prêté pour un rendu, en quelque sorte. Mais le duc de Brabant avait aussi pour mission de faire annuler le pacte de Witt-Cromwell, pacte qui empêchait un Orange-Nassau de devenir stathouder. Autant dire que la vie de Simon après la guerre ne s'annonçait pas de tout repos, sans compter sur sa femme, Bianca, princesse danoise insupportable et infertile : il aurait mieux fait de rester couché le jour où il l'avait épousée...

Un rire cristallin résonna tout près de lui et à peine eut-il le temps de chercher d'où il provenait que le duc de Brabant aperçut son nouvel ami, le comte de la Tour d'Auvergne, nonchalamment accoudé contre un mur, un peu trop proche d'une jolie demoiselle en fleurs. “Frédéric, je vois que vous retrouvez vos charmantes habitudes, lui lança Simon, amusé, avant d'ajouter : mais je ne peux vous en blâmer, comment résister ? La jeune femme, dont le visage avait rougi à cause des paroles du duc de Brabant, s'inclina légèrement avant de quitter les deux amis, sans que Frédéric de la Tour d'Auvergne ne fasse rien pour la retenir.

Simon, si nous n'étions pas amis, je vous aurais provoqué en duel pour avoir fait fuir ma proie. Mais je ne suis pas si susceptible, heureusement pour vous, lui dit Frédéric en riant.” Les deux hommes firent quelques pas ensemble, traversant une pièce où des couples dansaient avant de rejoindre un salon plus calme. “Alors, comment s'est passé votre séjour à La Haye ?” lui demanda le jeune homme. “Je ne vous cache pas que c'était agréable de revoir ma famille, répondit laconiquement Simon, cachant la véritable raison de son voyage. Les Provinces-Unies sont en fête, alors ce n'était pas de tout repos. Mais tout cela est passé beaucoup trop vite, et me voilà de retour en France.” Simon observa les personnes présentes dans le salon. Il n'y connaissait personne en particulier, peut-être parce que la plupart des invités se trouvaient dans le bal improvisé dans une autre pièce. “Ici non plus, ce ne sera pas de tout repos, affirma son ami. Devant l'air interrogateur de Simon, Frédéric reprit, sur le ton de la confidence : on fête la paix, mais seulement en apparence. Je me suis laissé dire que les mécontents étaient nombreux, et pas seulement parmi le peuple. La guerre a coûté cher...” Le duc de Brabant acquiesça silencieusement. Louis de Rohan lui avait parlé de la colère qui naissait, pour le moment silencieuse, mais il suffisait de l'attiser pour qu'elle explose. C'était Pétra qui était chargée, pour le moment, de se rapprocher de quelques parlementaires, pendant que Rohan s'occupait de son contact parmi le peuple. “Pourtant, toutes ces personnes qui s'amusent ne semblent pas se formaliser des pertes françaises. Peut-être sont-elles heureuses d'avoir été invitées par la marquise de Sévigné. C'est une marque de prestige, non ?
-Une marque de prestige ? Vous me faites rire, Simon. Sans vouloir vous vexer, la marquise de Sévigné invite n'importe qui à ses réceptions. Faites attention à qui vous vous adressez, vous pourriez bien tomber sur une roturière qui se prétend princesse.” Les deux hommes s'esclaffèrent à la dernière remarque du comte.

Soudain, le singe de Simon entra dans la pièce et se dirigea vers son maître, un objet brillant à la patte. Les deux hommes l'observèrent grimper sur l'épaule de Simon puis le duc s'empara de l'objet trouvé par le singe. C'était une épingle à cheveux que les dames utilisaient pour agrémenter leur coiffure. L'objet était d'apparence simple, loin des épingles pleines de diamants utilisées par les plus nobles courtisanes. L'épingle n'en était pas moins finement sculptée dans ce qui semblait être de l'argent, et était ornée d'une petite chaîne au bout de laquelle se trouvait une perle grise. “Sinaasappelsap, tu exagères, on ne vole pas les dames, soupira Simon avant de se tourner vers son ami : à votre avis, Frédéric, une roturière ou une princesse ?” Les deux hommes rirent, attirant l'attention des autres invités présents dans le salon. “Bien, je vais devoir partir à la recherche de cette femme avant qu'on ne m'accuse de vol et qu'on ne me jette dehors. Je ne voudrais pas que les relations entre les Provinces-Unies et la France s'en voient altérées.” Après avoir salué son ami, le duc demanda à son singe de retrouver la personne à qui appartenait l'épingle. Ils traversèrent la grande salle où l'on dansait encore, découvrirent un long couloir avant de s'arrêter dans un salon de taille moyenne où se trouvaient une dizaine de personnes. Sinaasappelsap montra alors à son maître une jeune femme, habillée modestement, qui se tenait près de l'âtre d'une cheminée éteinte. Avant de la rejoindre, Simon l'observa quelques minutes. Elle discutait avec deux autres jeunes femmes, semblait calme, à mille lieux des courtisanes sans cervelles qui peuplaient la cour. Incapable de dire si elle était une roturière ou une princesse, le duc se décida à lui rendre son épingle et se dirigea vers le petit groupe. A son approche, les femmes se turent, lui laissant le loisir de se présenter. “Mesdames, les salua-t-il en s'inclinant, exagérément gentleman, puis, se tournant vers la propriétaire de l'épingle, je crois que ceci vous appartient. Il lui tendit l'épingle à cheveux et, à l'expression de surprise qui se dessina sur son visage, il en conclut qu'elle n'avait pas remarqué le vol. Je vous prie de bien vouloir accepter mes plus plates excuses. Mon singe, que voici (il tourna la tête vers son épaule où s'était installé Sinnaasappelsap), n'a pourtant le droit que de voler les pirates. Tout porte à croire que vous n'en êtes pas une, dit-il pour détendre l'atmosphère. Mais je manque à tous mes devoirs, je ne me suis pas présenté. Je me prénomme Simon, duc de Brabant. Puis-je savoir à qui Sinaasappelsap a honteusement volé ce bijou ?, demanda-t-il, curieux. Roturière ou princesse ? Je vous promets de soumettre mon singe mal éduqué à votre jugement, madame."
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Frances Cromwell


Frances Cromwell

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance.
Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent...
Discours royal:



La B e l l e D a m e sans Merci

Âge : 28 ans
Titre : Comtesse de Longford
Missives : 716
Date d'inscription : 06/06/2008


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MessageSujet: Re: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime17.10.14 19:05

‘Meet me at the Marquise de Sévigné’s, I have something to show you’ indiquait le billet qu’un jeune garçon sans livrée avait glissé dans la main de Frances Cromwell ce matin-là. Quelques piécettes, un regard entendu, et l’enfant avait filé sans se retourner tandis que la jeune femme décachetait la lettre pour en découvrir le contenu. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour en deviner l’auteur : même sans signature, le message et la calligraphie indiquaient clairement qu’il s’agissait de Whitney Scott, une compagne d’enfance de Frances et complice occasionnelle dans quelques délicates affaires de poisons. Dearest Whitney, toujours auréolée de malice et de mystère. Qu’avait-elle donc de si important à révéler à son amie qu’il faille se mêler à la cacophonie de la foule de courtisans se pressant chez la Marquise de Sévigné en ces heures de gloire pour la France ? Cette question, Frances l’avait déjà tournée et retournée une bonne dizaine de fois dans sa tête tandis qu’elle jouait des coudes quelques heures plus tard au milieu de cette marée humaine pour se frayer un chemin, ou tout simplement respirer. La demeure de la marquise était bondée et la comtesse de Longford aurait juré qu’avec la simple arrivée d’une petite dizaine de courtisans venant s’ajouter au reste du troupeau, les murs s’écrouleraient. Non vraiment, quelle idée saugrenue de venir s’agglutiner en pareil lieu en ces jours de célébrations monstrueusement décadentes ! On se poussait, s’interpellait, s’embrassait sur les deux joues—une pratique bien française à laquelle Frances n’avait jamais pu s’habituer— ou s’élançait sur la piste de danse. Mais le pire pour Frances, c’était d’entendre les ‘hourrahs’ et autres ‘vive le roi’ qu’on se lançait à tout bout de champ d’un air gaillard, tandis qu’aux oreilles de l’anglaise résonnaient les trompettes de l’amertume. Comme beaucoup d’anglais, la jeune femme avait du mal à supporter cette défaite face à la France et aux Provinces-Unies, elle qui avait autrefois connu les grandes victoires de l’armée de son père. Néanmoins, le plus agaçant dans tout ça, ce n’était pas ces pantins ridicules scandant tout haut leur victoire ; non, le Diable ou le poison aurait de toute façon raison de certains parmi entre eux avant l’heure—au train où allaient les choses dans le monde des poudres de succession—le plus difficile à supporter, cette pensée qui avait tenu Frances éveillée pendant des nuits, c’était un nouvel échec d’empoisonnement du roi Charles II.

Elle avait pourtant tout planifié, avec peut-être autant de précision que les Gentlemen du Conseil du roi l’avaient fait pour la venue de leur souverain sur le champ de bataille. Se faire passer pour une infirmière officiant du côté des anglais n’avait pas été bien difficile : elle connaissait les vertus des plantes et possédait un sens pratique légué par son éducation puritaine. Elle avait aidé—sincèrement—pansé des plaies, soulagé des blessés, obéi aux ordres qu’un médecin londonien aboyait à tout bout de champ. Elle avait même supporté les femmes Quakers venues elles aussi prêter main forte aux troupes et accessoirement, prêcher leurs croyances et tenter de convertir chaque ‘brother’ ou ‘sister’ qui les côtoyait de près de ou de loin. Frances avait enduré tout cela, recueillant de temps en temps les informations qu’il lui fallait, préparant son poison, attendant son moment, moment qui avait bien failli arriver si son beau-frère Thomas Belasyse n’avait crû reconnaitre sous les traits de cette femme du peuple au bonnet enfoncé jusqu’aux sourcils, Frances Cromwell, son embarrassante belle-sœur prétendument morte. Il avait alors fallu fuir, le plus vite et le plus loin possible, avant que le vicomte de Fauconberg ne pousse plus loin son enquête et ne mette à jour toute l’histoire. Ah, comme elle maudissait Belasyse !

Profitant d’un mouvement de foule, Frances s’écarta d’un groupe de jeunes coqs bombant fièrement le torse à la vue de quelques oies blanches rougissant sous le coup de l’attention qu’elles recevaient. Elle leva les yeux au ciel, agacée par tant de mièvrerie—oubliant au passage que près de dix années auparavant, elle avait aussi été une jeune fille amoureuse souriant timidement à la lecture des lettres que lui envoyait Robert Rich, celui qui allait devenir son premier époux—et se dirigea vers un coin moins peuplé. Elle posa sa main sur le manteau de la cheminée qui se trouvait près d’elle, comme pour reprendre son souffle. Puis, se dressant sur la pointe des pieds, elle tenta d’apercevoir le visage ou la chevelure de son amie Whitney parmi la foule. Peine perdue ! En revanche, elle fut remarquée par deux demoiselles dont les visages lui étaient inconnus mais qui se dirigèrent vers elle d'un pas résolu. Arborant une mine de conspiratrice, l'une d'elle murmura : 'Madame de Longford ? J'ai entendu parler des vos... talents et j'aurais aimé que vous m'assistiez dans une entreprise un peu délicate.' Frances resta interdite quelques secondes, essayant de se rappeler le nom de son interlocutrice, en vain. Cela dit, l'autre semblait la connaître, elle et ses petites affaires de poisons. 'Voyez-vous je sors d'un deuil et mon époux n'a pas été des plus généreux avec moi dans son testament,' poursuivit l'inconnue, agitant nerveusement son éventail. 'Je puis à présent me remarier mais au vu de ma présente situation, j'aurais besoin de votre aide pour, disons, attirer l'attention d'un soupirant.' L'éventail s'agita à nouveau devant le visage de sa propriétaire. Cette dernière prenait un air dégagé, comme si elle venait de parler du temps qu'il faisait, mais la rougeur qui montait à ses joues et la nervosité avec laquelle elle tenait son éventail trahissaient sa gêne. L'autre jeune femme assistait à la scène, muette, attendant avec curiosité la réponse de Frances qui ne tarda pas à venir. 'Madame, votre demande ne m'est pas familière, ni même votre visage, et si vous pouviez m'éclairer sur celui ou celle qui vous a parlé de moi comme d'une personne en mesure de vous aider...'

L'arrivée soudaine d'un inconnu instaura le silence parmi le petit groupe. 'Mesdames' commença-t-il en s'inclinant poliment, ce à quoi les trois jeunes femmes répondirent par des révérences exécutées avec une synchronisation presque parfaite. 'Je crois que ceci vous appartient' continua l'homme en se tournant vers Frances pour lui tendre... son épingle à cheveux ! En un éclair, elle reconnut l'objet comme étant le sien. Nul besoin d'examiner la petite perle grise se balançant au bout de la fine chaîne elle-même rattachée à la fine branche de l'épingle argentée : c'était bel et bien son épingle. Elle la récupéra timidement des mains de son interlocuteur mais ne la remit pas en place dans son chignon, comme si elle craignait qu'on ne la lui dérobe à nouveau. Mais qui était donc aussi habile pour réussir pareil coup de maître ? Elle n'avait rien senti et n'aurait sans doute pas remarqué le vol avant son retour au couvent de Longchamp. La réponse ne tarda pas à venir : 'Je vous prie de bien vouloir accepter mes plus plates excuses. Mon singe, que voici,' poursuivit l'inconnu en désignant de la tête l'animal, perché sur son épaule, n'a pourtant le droit que de voler les pirates. Tout porte à croire que vous n'en êtes pas une.' C'était donc cela ! Un singe aux petites mains discrètes et à l'agilité propre aux primates avait su dérober le 'trésor' de Frances. En dépit du choc de la révélation, la jeune Cromwell ne put s'empêcher de sourire en jetant un coup d'œil à cet étrange pickpocket tandis que ce dernier se cachait les yeux de ses petites mains, comme s'il redoutait qu'elle ne lui fasse des remontrances. 'Effectivement, votre singe a fait une erreur : il y a fort longtemps que je ne vogue plus sur l'océan à la recherche de bateaux à piller.' Elle adressa un sourire malicieux à son interlocuteur, signifiant par-là qu'elle plaisantait. 'Mais je manque à tous mes devoirs, je ne me suis pas présenté. Je me prénomme Simon, duc de Brabant. Puis-je savoir à qui Sinaasappelsap a honteusement volé ce bijou ? Je vous promets de soumettre mon singe mal éduqué à votre jugement, madame.' Il avait bien dit 'Brabant' ? Le nom rappelait quelque chose à Frances, ou du moins aurait dû, si elle avait été plus au courant de l'accord désastreux que son père avait passé autrefois avec de Witt, ennemi juré des Orange-Nassau. Mais pour le moment, le nom ne lui évoquait rien de familier, malheureusement, car cela lui aurait sans doute épargné bien des problèmes par la suite. 'Je suis enchantée. Lucy, comtesse de Longford,' répondit-elle sur le ton de la courtoisie. Ce fut à ce moment qu'elle réalisa que Simon et elle venaient de deux camps différents, deux camps qui s'étaient affrontés pendant plusieurs mois de guerre et qui, par la plus grande ironie, se trouvaient à ce jour réunis dans un même salon. Elle laissa quelques secondes avant de poursuivre : 'de grâce, ne tourmentez pas Sine... Sinaappel... Sinaasappelsap.' Si le duc de Brabant n'avait pas encore remarqué l'accent anglais de Frances, ce devait à présent être chose faite. Diantre, pourquoi donner un nom si imprononçable à un singe ? 'Je ne peux lui en tenir rigueur puisque j'ai retrouvé mon bien, et je crois qu'il est malvenu de la part des vaincus d'exiger quoi que ce soit des vainqueurs.' Il n'y avait pas une once de rancune dans le ton de Frances. Elle avait simplement répondu d'un ton calme, celui de la simple constatation, et non de la colère. Simon et elle venaient de deux camps différents, certes, mais la guerre était finie et pour tout avouer, la seule chose essentielle que Frances retenait, c'était son échec face aux Stuarts.

Elle avança lentement sa main vers Sinaasappelsap et caressa gentiment son pelage, comme pour faire comprendre au singe qu'elle ne lui en voulait pas. Elle sentit à coté d'elle que les deux jeunes femmes se raidissaient en le voyant faire et finirent par s'éclipser discrètement. Du coin de l'œil, Frances vit l'une d'entre elles porter la main à son chignon, pour vérifier à son tour qu'on ne lui avait pas dérobé d'épingle.

'Ne nous querellons pas en ce jour, après tout la guerre est finie et il faut bien célébrer cela. Êtes-vous venu ici pour cette raison ? Ou auriez-vous préféré discuter de belles lettres avec Madame de Sévigné ?' demanda-t-elle, un fin sourire malicieux étirant ses lèvres.
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MessageSujet: Re: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime04.12.14 18:48

Le duc de Brabant n'avait aucune idée de l'objet de la conversation qu'il venait de rompre, et à vrai dire, il valait peut-être mieux qu'il n'en sache jamais rien. Comment deviner que sous les traits délicats de la jeune inconnue se cachait un bien sombre dessein ? Mais plus encore, jamais Simon n'aurait pu deviner qu'il avait face à lui la fille d'un homme à jamais détesté, tant haï que même mort il subissait les foudres des Nassau. Le destin pouvait parfois se montrer moqueur, et il devait être d'humeur bien taquine pour réunir, sous les dehors du hasard, la fille de Cromwell et un héritier d'Orange-Nassau. Peut-être le singe de Simon avait-il deviné que son maître trouverait un grand intérêt à faire la connaissance de la jeune femme, d'autant que celle-ci ne semblait pas vouloir repousser le duc et semblait au contraire soulagée d'échapper à une conversation compromettante. Le regard choqué des deux autres jeunes femmes n'échappa pas à l'oeil avisé de Simon lorsqu'il tendit l'épingle à cheveux à la victime de Sinaasappelsap. Certes, le geste pouvait paraître déplacé, d'autant plus qu'ils n'avaient pas été présentés et que les bonnes manières voulaient qu'une tierce personne les présente l'un à l'autre. Mais pour le Hollandais, ces règles de bonne conduite étaient parfois trop contraignantes, et un peu de naturel ne pouvait pas faire de mal (si ce n'est se risquer à des critiques). Toujours est-il que la propriétaire de l'épingle à cheveux ne s'offusqua pas des manières de Simon et sa réponse, assortie d'un sourire, fut même empreinte de malice. L'inconnue n'avait en effet rien d'une pirate mais parfois les femmes pouvaient faire preuve d'une étonnante soif d'aventures. Mais enfin vint le moment où la jeune femme se présenta, répondant à la curiosité de Simon qui enfin put mettre un nom sur la personne qui lui faisait face. Ni princesse ni roturière, elle n'était ni plus ni moins qu'une comtesse, une comtesse anglaise. Un sourire se dessina sur les lèvres de Simon qui cherchait à masquer sa surprise. Son accent n'avait été que légèrement perceptible lorsqu'elle lui avait parlé, mais voilà que la réponse tombait comme un couperet : la victime de Sinaasappelsap était anglaise. Bien sûre, cela ne constituait pas un problème particulier. Bien que détestant Cromwell, Simon ne s'arrêtait pas à l'origine des personnes pour se faire un avis sur elles. D'ailleurs, comment pouvait-il haïr tous ceux qui venaient de l'île alors que son propre neveu avait du sang anglais qui coulait dans ses veines ? Sa famille était désormais étroitement liée à celle des Stuarts, et d'ailleurs Simon appréciait l'un des leurs, Morgan, qu'il connaissait depuis de longues années. Même la guerre navale qui venait d'opposer les deux Etats n'avait pas altéré l'amitié que Simon portait à son ancien compagnon de jeux. Certes, les Provinces-Unies et l'Angleterre s'étaient opposées, mais la raison d'Etat ne l'emportait pas toujours sur les liens qui unissaient les personnes. D'ailleurs, si cela n'avait tenu qu'à Simon, il n'y aurait peut-être pas eu de guerre, mais le grand Pensionnaire de Witt n'écoutait guère l'avis des Orange-Nassau avant de prendre des décisions qui se révélaient parfois (souvent) désastreuses. Un léger trait barra l'espace de quelques secondes le front de la comtesse, et Brabant se demanda ce qui pouvait bien l'avoir contrariée. Ne lui laissant pas le temps de le lui demander, elle reprit :
De grâce, ne tourmentez pas Sine... Sinaappel... Sinaasappelsap” Amusé, Simon ne put s'empêcher de rire du mal que la jeune femme avait eu à prononcer le nom du singe. Lorsqu'il s'était entiché du petit animal, l'aventurier avait eu bien du mal à lui donner un prénom. Puis l'évidence s'était imposée à lui, sans crier gare : Jus d'orange. Ce souvenir en amena un autre, assez mémorable, concernant Alessandro Sforza. Lorsqu'ils avaient combattu en pleine mer, ce-dernier avait tenté d'enlever le singe mais, n'arrivant pas à prononcer son nom et ne parvenant pas à l'attirer vers lui, son ennemi juré était reparti bredouille. Le Néerlandais était difficile à prononcer et cette difficulté s'était révélée bien utile.
Appelez-le Sinaap, je suis sûr qu'il ne vous en voudra pas, se moqua gentiment le duc. Ainsi vous ne voulez pas que je le punisse. Je ne peux refuser votre demande, comtesse, vos désirs sont des ordres.
-Je ne peux lui en tenir rigueur puisque j'ai retrouvé mon bien, et je crois qu'il est malvenu de la part des vaincus d'exiger quoi que ce soit des vainqueurs.
-Ce sont là des paroles bien sages, qu'il est rare d'entendre en cette fin de conflit, acquiesça Simon, ayant parfaitement compris le sous-entendu de son interlocutrice. Mais je vous rassure, les vainqueurs ne peuvent, eux non plus, rien exiger de la part des vaincus. Le conflit s'est réglé en mer et est maintenant terminé, il ne doit pas être poursuivi dans les salons. Il serait dommage de se disputer pour des affaires diplomatiques, je ne crois pas que la marquise de Sévigné nous le pardonnerait.

En geste de paix, la comtesse of Longford avança la main vers le singe et le caressa. Le singe et la comtesse étaient réconciliés, tout comme les Provinces-Unies et l'Angleterre. Ce symbole ne fut pas du goût de amies de la comtesse qui s'éloignèrent, l'air choqué, provoquant l'amusement du duc de Brabant. Simon en profita pour observer sa nouvelle connaissance. Tout en elle respirait le calme et la retenue, signe qu'elle avait reçu une éducation stricte et sûrement puritaine. A côté d'elle, les demoiselles présentes semblaient superficielles et bien trop expansives, donnant l'impression d'être prêtes à courir après un homme pour ne pas le laisser s'échapper. La guerre avaient certes retenu les hommes trop loin de ces jeunes filles en fleurs, mais tout de même, un peu d'amour-propre ne leur serait pas de trop, aux yeux de Simon. Lucy of Longford avait un visage fin, des traits délicats, et Simon crut voir en elle une personne réfléchie, posée et disposée à la réflexion. Tout portait à croire qu'elle faisait une interlocutrice de choix, prête à alimenter une conversation sans passer pour une idiote.

Elle confirma les pensées de Simon en reprenant : “Ne nous querellons pas en ce jour, après tout la guerre est finie et il faut bien célébrer cela. Êtes-vous venu ici pour cette raison ? Ou auriez-vous préféré discuter de belles lettres avec Madame de Sévigné ?

Son fin sourire amusa Simon. La comtesse ne manquait pas de piquant, ce qui n'était pas pour lui déplaire. “Quoi de mieux que de célébrer la fin de la guerre avec une personne du camp opposé ? Je pense que cela mérite que nous portions un toast. Simon fit signe à un domestique de leur apporter deux coupes de champagne et il en tendit une à sa nouvelle amie. A la paix, lança-t-il avant de boire une gorgée de champagne. Je suis venu dans l'espoir de discuter de l'Astrée avec Madame de Sévigné, car, bien sûr, j'en ai lu toutes les pages et j'ai adoré ce roman pastoral, ajouta Simon, l'air faussement sérieux, ne pouvant s'empêcher de ce moquer d'Honoré d'Urfé. Mais me voilà bien attristé car l'hôte de cette réception ne semble pas avoir envie de m'écouter. Je suis toutefois bien aise, moi qui me promenais de pièce en pièce, ne sachant à qui parler, lançant quelques mots à des connaissances avant de reprendre mon chemin, me retrouve à faire votre connaissance grâce à mon charmant singe. Le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas ? Ou peut-être est-ce mon singe qui est intelligent. Simon balaya la pièce du regard. J'espère cependant ne pas vous avoir coupée dans une discussion importante. Vos amies ne semblent pas avoir apprécié ma présence, ajouta-t-il, feignant un air attristé”.

Alors que la jeune femme lui répondit, Sinaasappelsap s'éloigna, laissant son maître faire plus ample connaissance avec la comtesse of Longford. “J'espère qu'il ne va pas me ramener une autre épingle à cheveux, je n'ai guère envie de vous abandonner à la recherche d'une autre victime de mon singe.” Il lança un regard parmi les autres convives mais le singe avait déjà disparu et ne reviendrait que lorsqu'il en aurait envie. Ce n'était pas chose aisée d'éduquer un tel animal. Reportant son attention sur Lucy of Longford, il reprit : “Maintenant que vous savez pourquoi j'ai répondu présent à l'invitation de la marquise de Sévigné, c'est à votre tour de me dire pourquoi vous êtes là. Ah non, laissez-moi deviner. Vous avez adoré Clélie et espérez apercevoir Madame de Scudéry parmi la foule des invités ? Le duc ne cachait pas sa moquerie envers ce qu'on appelait les Précieuses. Il espérait que la comtesse n'appréciait guère cette littérature car il n'avait pas la moindre envie de la vexer, mais il devinait, dans la manière dont elle se comportait, qu'elle ne devait pas être une lectrice de ces écrits.”
Sa réponse fut à la hauteur de ce qu'il espérait, un brin moqueuse et piquante, et provoquant le rire de Simon. Mais soudain son regard se perdit dans la pièce et elle sembla préoccupée, semblant fixer quelqu'un des yeux. Son sourire moqueur s'était estompé en un éclair. “Quelque chose ne va pas, madame ? Puis-je faire quelque chose pour vous ?”.

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MessageSujet: Re: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime04.01.15 16:40

Si Oliver Cromwell n'était pas mort d'une septicémie en 1658, il se serait très certainement étouffé en voyant sa fille discuter aussi librement avec l'ennemi au beau milieu d'une foule de courtisans débauchés. Pire encore : voilà que ce Brabant invitait la benjamine des Cromwell à boire du champagne ! Sans une pensée pour le défunt Lord Protector, Frances prit la coupe qu'on lui tendait et la leva légèrement en l'air lorsque son interlocuteur formula le toast en l'honneur de la paix. Puis, portant le verre à ses lèvres, elle s'efforça d'avaler une première gorgée du liquide d'un air naturel, comme si boire du champagne était une chose habituelle alors qu'en réalité, le nombre de fois où elle avait trempé ses lèvres dans un tel breuvage pouvait se compter sur les doigts de la main. Toussotant légèrement—diantre, elle avait oublié que le champagne pétillait tant !—Frances écouta la réponse du Duc de Brabant à propos de sa venue au salon de Madame de Sévigné et devina tout de suite qu'il avait décidé de pousser plus loin l'ironie de sa question, clamant d'un ton théâtral sa grande passion pour le roman d'Honoré d'Urfé.

'Je suis venu dans l'espoir de discuter de l'Astrée avec Madame de Sévigné, car, bien sûr, j'en ai lu toutes les pages et j'ai adoré ce roman pastoral. Mais me voilà bien attristé car l'hôte de cette réception ne semble pas avoir envie de m'écouter.' Brabant prit un air faussement navré, et Frances le rejoignit dans cette petite comédie en répondant par un soupir forcé de désespoir. 'Je suis toutefois bien aise, moi qui me promenais de pièce en pièce, ne sachant à qui parler, lançant quelques mots à des connaissances avant de reprendre mon chemin, me retrouve à faire votre connaissance grâce à mon charmant singe. Le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas ? Ou peut-être est-ce mon singe qui est intelligent.' Jetant un coup d'œil au dénommé Sinaasappelsap, la Cromwell crut le voir esquisser un sourire.

'Ou peut-être que votre singe n'a pas aimé l'oeuvre de Monsieur d'Urfé et ne pouvait souffrir que vous en discutiez avec Madame de Sévigné, d'où cette ingénieuse tentative de vous éloigner de la marquise en volant mon épingle,' suggéra la Cromwell avec le plus grand sérieux. De l'épaule de son maître, Sinaasappelsap lui jeta un regard curieux, du moins lui semblait-il, et elle se demanda si l'animal comprenait ce qu'elle disait. Elle avait déjà vu des gravures de singes, et sans doute lu deux ou trois choses les concernant dans l'un des bestiaires qu'abritait la bibliothèque de son deuxième époux—celle du premier regorgeait plutôt de volumes de poésie et de théâtre, un sacrilège aux yeux de bon nombre de Puritains—mais elle était loin de tout connaître à leur sujet et n'avait encore jamais eu l'occasion d'approcher l'un de ces spécimens d'aussi près. Elle aurait bien aimé questionner son interlocuteur à propos de Sinaasappelsap, mais il ne lui en laissa pas le temps. 'J'espère cependant ne pas vous avoir coupée dans une discussion importante. Vos amies ne semblent pas avoir apprécié ma présence.' Se souvenant des deux femmes qui l'avaient abordée un peu plus tôt, Frances se renfrogna, la première fois depuis le début de la conversation. 'Ce ne sont pas mes amies,' déclara-t-elle d'un ton plus froid. 'Elles m'ont prise pour une autre, que je n'étais pas.' Mais réalisant soudain son brusque changement d'humeur, elle se rattrapa en feignant d'être vexée d'une telle méprise. 'C'est tout de même offensant pour une Irlandaise d'être confondue avec une Anglaise...'

Cette réponse sembla satisfaire Simon de Brabant qui, au grand soulagement de Frances, évita de la questionner à ce propos. Si la Cromwell parvenait à se glisser de mieux en mieux dans la peau de son personnage de Lucy, Comtesse de Longford, parler de l'Irlande ou de son existence imaginaire là-bas la mettait toujours dans l'embarras. Au reste, Sinaasappelsap décida qu'il était temps pour lui d'abandonner son maître pour se faufiler on ne sait où, au grand dam de Brabant. Frances tenta de suivre des yeux l'animal, mais celui-ci était bien trop petit et bien trop bon acrobate pour rester longtemps visible. Aussi rapide que l'éclair, il disparut au milieu de la foule et malgré le souhait du Duc de Brabant de ne pas le voir rapporter une nouvelle épingle, Frances se surprit à espérer que Sinaasappelsap prenne pour cible les deux femmes qui l'avaient importunée. Elle but une nouvelle gorgée de champagne—cette fois-ci sans s'étrangler—afin de cacher le sourire légèrement machiavélique qui se dessinait sur ses lèvres.

'Maintenant que vous savez pourquoi j'ai répondu présent à l'invitation de la marquise de Sévigné, c'est à votre tour de me dire pourquoi vous êtes là. Ah non, laissez-moi deviner. Vous avez adoré Clélie et espérez apercevoir Madame de Scudéry parmi la foule des invités ?' lui demanda Simon de Brabant, toujours sur le même ton ironique qui ne laissait guère de doute quant à son avis sur l'œuvre en question. 'Grand dieu non ! Allons-donc Monsieur, pensez-vous qu'une pauvre petite Comtesse Irlandaise soit en mesure de comprendre de tels écrits ? Illettrée comme je suis, c'est à peine si je parviens à déchiffrer la Bible,' répondit Frances en plaçant une main sur son cœur, comme si son interlocuteur venait de la surprendre par sa question au point de l'effrayer. Elle rit de bon cœur de sa propre plaisanterie—une chose formulée que très rarement chez les Puritains—et tenta de poursuivre plus sérieusement. 'En vérité, je vous avouerais sans honte, si ce n'est au risque de déplaire à Madame de Scudéry, que mes goûts en matière de littérature se portent davantage sur...' Elle n'acheva pas sa phrase. Son regard s'était entre temps porté sur la foule et elle venait tout juste de distinguer la silhouette familière de son amie Whitney. 'Quelque chose ne va pas, madame ? Puis-je faire quelque chose pour vous ?' demanda le Duc de Brabant, visiblement inquiet face à son silence soudain. Au loin, Whitney finit par se retourner et aperçut également sa complice de toujours à qui elle adressa un clin d'œil avant de fendre la masse de courtisans sans difficulté aucune, les hommes s'écartant sur son passage en la dévisageant avec admiration. S'inclinant gracieusement devant Simon, elle attendit que Frances fasse les présentations. Légèrement prise de court par l'initiative de son amie, celle-ci ne tarda pas néanmoins. 'Monsieur, je vous présente Lady Whitney Scott, une amie de longue date,' dit-elle en échangeant un regard complice avec la nouvelle arrivée. 'Whitney, voici le Duc de Brabant... Fervent admirateur des travaux de monsieur d'Urfé.' Lady Scott adressa au Duc son plus beau sourire, qui était aussi le plus charmeur et auquel peu d'hommes pouvaient résister, ce qui tombait bien, puisqu'elle avait visiblement l'intention de formuler une requête. 'Pardonnez-moi cher Duc, mais me permettriez-vous de vous emprunter pour quelques minutes mon amie ?' Et sans attendre, elle entraîna Frances quelques pas plus loin, bien évidemment certaine que son charme ensorceleur avait convaincu Brabant de lui accorder ce qu'elle demandait.

'He's handsome,' murmura-t-elle à son amie en jetant un coup d'œil appuyé à Simon lorsqu'elles se furent toutes deux éloignées. 'But you surprise me: I thought marriage was sacred to you...' A ces mots, les joues de Frances prirent une teinte rosée. Vexée de constater que son amie la prenait pour une femme qu'elle n'était pas, elle voulut répliquer, mais Whitney sortit à ce moment quelque chose de son corsage qu'elle lui glissa dans la main. Cela ressemblait à une lettre, mais était en réalité une fine pochette dont l'ouverture avait été scellée à la cire. Intriguée, Frances fit mine de l'ouvrir, mais Whitney l'en empêcha. 'Do not open it now. It's not a letter but... a powder. A present I wanted to give you, for you-know-what. A tiny quantity will suffice in a glass of wine... I heard it is revolutionary but haven't tried it yet.' Alors c'était donc ça la raison pour laquelle Lady Scott voulait la retrouver dans ce salon !  Elle avait un trouvé un nouveau poison pour elle. Dès que Frances eut compris ce que contenait le sachet, elle s'empressa de le glisser délicatement dans une petite poche qu'elle avait cousue à sa robe, dissimulant ainsi aux yeux de tous l'objet compromettant. Malgré la rapidité de son geste, elle ne put s'empêcher de jeter quelques regards aux alentours, craignant d'avoir été aperçue. Certes, elle était ravie du présent de son amie—et avait d'ailleurs hâte de l'essayer—mais l'initiative de Whitney n'en demeurait pas moins particulièrement risquée. Elles auraient pu se retrouver dans un endroit plus calme, comme une église, pour échanger ce genre de chose. Hélas, Lady Scott avait le goût du risque et Frances devait composer avec ce trait de personnalité de son amie, amie qui, au reste ne semblait pas s'inquiéter outre mesure de toute cette foule grouillante autour d'elles. Au contraire, elle adressa un dernier clin d'oeil malicieux à Frances, avant de s'éloigner dans le tourbillon de soie bleu nuit de sa robe. S'il n'y avait pas eu Simon de Brabant, elle serait restée plus longtemps, la Cromwell le savait. 'Use it well,' lui lança Whintey d'un peu plus loin. Et avant de s'éclipser totalement, elle formula un dernier message—silencieux cette fois-ci—que Frances lut sur ses lèvres : 'enjoy yourself. He is worth it.' Un froncement de sourcil fut la réponse que Lady Scott reçut, mais il n'était pas certain qu'elle la remarqua, car elle s'éloignait déjà en direction d'un groupe d'hommes parmi lesquels se trouvait sans doute son prochain amant. Frances quant à elle, resta immobile quelques instants, légèrement agacée et honteuse que son amie puisse la croire capable d'être aussi volage qu'elle. Les deux femmes avaient beau avoir reçu une éducation puritaine dans leur enfance, elles n'en avaient clairement pas retenu les mêmes choses.

Un peu secouée, Frances rejoignit Simon d'un pas incertain, et but une nouvelle gorgée de champagne dans l'espoir de retrouver contenance. 'Pardon de vous avoir délaissé. Mon amie avait... un message important à me faire passer. Rien de grave, elle voulait juste...' Elle s'interrompit, comme sous l'effet de la surprise et s'exclama en montrant un point vague dans la foule : 'oh, mais ne serait-ce pas votre singe là-bas ?' Elle mentait, bien sûr. Elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où pouvait se trouver Sinaasappelsap, et espérait plutôt détourner l'attention du Duc de Brabant.

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MessageSujet: Re: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime19.02.15 22:05

L'espace d'un instant, la comtesse de Longford sembla se détendre en la présence de Simon et finit même par rire avec lui, le laissant découvrir tout le piquant que sa pensée pouvait revêtir. La jeune femme s'apprêtait même à se confier sur ses goûts littéraires lorsque son regard se perdit dans la foule. Sa phrase resta en suspens comme si le temps l'avait arrêtée. Observant le visage délicat de l'Irlandaise, Simon put y lire, quoique avec difficulté tant son interlocutrice semblait habituée à ne pas afficher ses sentiments, une légère surprise. Le duc lui demanda si tout allait bien mais n'eut en retour aucune réponse. Quelques secondes plus tard, une jeune femme faisait son apparition et s'inclinait face à lui. Il inclina à son tour la tête en guise de salutation, attendant que la comtesse fasse les présentations avant de prendre la parole, non sans observer la nouvelle arrivée. Ce devait être la première fois qu'il la voyait, du moins pensait-il qu'il s'en serait souvenu s'il l'avait déjà rencontrée. Lady Scott était une ravissante jeune femme qui avait l'air beaucoup plus extravertie que son amie irlandaise. Son regard brillant témoignait d'un esprit vif à l'intelligence accrue. Elle semblait ne pas avoir froid aux yeux, ce qui plut à Brabant. Quelque peu remise de sa surprise, Lucy fit, comme il se devait, les présentations. “Monsieur, je vous présente Lady Whitney Scott, une amie de longue date, Whitney, voici le Duc de Brabant... Fervent admirateur des travaux de monsieur d'Urfé.” Surpris par la réplique, Simon lança un regard amusé à Lucy. “C'était un secret, comtesse”, lança-t-il, faussement gêné. Lady Scott offrit alors au duc un charmant sourire qui devait en avoir séduit plus d'un. Mais ce sourire n'était pas totalement gratuit puisqu'elle lui demanda si elle pouvait s'éloigner quelques instants avec Lucy et, avant même qu'il n'ait répondu, elle emmena son amie un peu plus loin.

Un peu vexé, quoiqu'il ne se l'avouât pas, le duc de Brabant but une gorgée de champagne tout en observant les invités qui l'entouraient. Lucy of Longford et Whitney Scott n'étaient pas très loin, mais impossible d'entendre leur conversation dans le bruit ambiant du salon. Le Hollandais était intrigué. L'expression du visage de Lucy avait tant changé lorsqu'elle avait aperçu son amie, dévoilant une surprise mêlée à de l'appréhension. Qu'est-ce que cette jeune femme, en apparence sans histoire, pouvait avoir à cacher ? Attiré par le mystère et le sentiment d'avoir quelque chose à découvrir, le duc de Brabant n'en avait que plus envie d'apprendre à connaitre la comtesse. Ne pouvant regarder trop longtemps et avec trop d'insistance les deux amies, Simon chercha du regard son animal de compagnie. Le singe, bien que plus habitué aux forêts indonésiennes qu'aux salons parisiens, semblait totalement dans son élément. Les lustres avaient remplacé les branches des arbres, les bijoux des courtisanes étaient comme les fruits dont il se servait auparavant au quotidien, et les invités étaient désormais ses compagnons de jeu. L'aventurier aurait pu avoir peur que quelqu'un n'emmène Sinaasappelsap avec lui, mais son singe s'était déjà échappé des griffes du Sforza, aussi Simon ne se faisait pas de souci pour lui.

Les minutes s'étiraient en longueur, comme toujours lorsqu'on attend quelqu'un. Simon n'était pas habitué à être celui que l'on fait attendre. Il devait pourtant bien accepter de ronger son frein en attendant que sa nouvelle connaissance lui revienne. Il aurait pu l'abandonner là, la laisser avec son amie. Mais un petit quelque chose avait réveillé l'intérêt du duc pour la jeune femme. Il n'arrivait pas bien à déterminer quel était ce petit quelque chose, c'est pourquoi il souhaitait encore discuter avec Lucy. Il échangea quelques mots avec un ambassadeur avant que celui-ci ne soit interpellé par une connaissance et ne l'abandonne. Heureusement, Lucy et Whitney en avaient terminé mais la lady ne dédaigna pas échanger quelques mots avec Simon puisque Lucy revint seule. Son visage, fermé, semblait cacher quelques secrets que Simon aurait bien aimé pouvoir découvrir. La jeune femme semblait affectée et son air mystérieux nourrit quantité d'hypothèses dans l'esprit de Brabant. Il l'observa silencieusement boire une gorgée de champagne, espérant détecter le moindre indice quant à ce qui l'avait assombrie.

Pardon de vous avoir délaissé. Mon amie avait... un message important à me faire passer. Rien de grave, elle voulait juste...” Si près de savoir quel était l'objet de leur discussion, Simon fut déçu lorsque la jeune femme changea de sujet. Elle désigna de la main un endroit de la pièce avant de reprendre “Oh, mais ne serait-ce pas votre singe là-bas ?” Simon tourna la tête dans la direction indiquée mais ne vit rien. “Non, je ne le vois pas. Il est tellement rapide, il a dû disparaître au moment où vous me l'indiquiez”, répondit-il avec un sourire, ne voulant pas contredire son interlocutrice. Il ne savait pas, à vrai dire, si elle était sérieuse ou non. Ce changement soudain dans son attitude amenait le duc à penser qu'elle avait plutôt voulu changer de sujet et attirer son attention ailleurs. Le Hollandais en était d'autant plus intrigué. Il sentait néanmoins que la jeune femme avait l'esprit ailleurs et n'avait pas forcément envie de poursuivre leur conversation. Bien que curieux d'en apprendre plus sur elle, il ne désirait pas la forcer à lui parler. Aussi décida-t-il de mettre fin à leur conversation.
Pardonnez-moi, comtesse, mais je viens de me rendre compte qu'il est déjà tard et il faut que je rentre. J'ai été ravi de faire votre connaissance, grâce à vous je n'aurai pas le sentiment d'avoir passé une soirée inutile. Me permettrez-vous de vous revoir ?” Si le duc laissait Lucy pour qu'elle puisse reprendre ses esprits, ce n'en était que partie remise. Il avait très envie de la découvrir un peu plus et de percer le mystère qui entourait sa gracieuse personne.

Simon s'inclina, lui souhaita une bonne soirée, puis quitta l'hôtel de la marquise de Sévigné, non sans avoir récupéré son singe.

Cette soirée, riche en surprises grâce à Sinaasappelsap, se terminait sur un point d'interrogation. Que cachait Lucy of Longford ? Simon était bien déterminé à le découvrir, mais il était à mille lieues de se douter que derrière un nom d'emprunt se cachait en réalité la fille de Cromwell.
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Frances Cromwell


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« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance.
Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent...
Discours royal:



La B e l l e D a m e sans Merci

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Titre : Comtesse de Longford
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Date d'inscription : 06/06/2008


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MessageSujet: Re: Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe   Quand une Cromwell et un Nassau se rencontrent grâce à un singe Icon_minitime11.03.15 23:19

'Non, je ne le vois pas. Il est tellement rapide, il a dû disparaître au moment où vous me l'indiquiez.'

Une tentative de diversion aussi enfantine et pathétique que celle utilisée par la pseudo Comtesse de Longford ne pouvait fonctionner qu'à moitié. Le Duc de Brabant étant effectivement loin d'être un sot, Frances ne fut même pas surprise de le voir tourner la tête dans la direction qu'elle avait indiquée et lui répondre poliment que non, il ne voyait pas son singe parmi les courtisans. Son ton resta courtois, mais la Cromwell devina aisément qu'il hésitait entre la croire sur parole ou supposer qu'elle avait délibérément—et surtout désespérément—choisi de détourner son attention en lui parlant de cet animal facétieux au nom imprononçable. C'était bien le but de la manœuvre, mais l'exercice fut exécuté avec si peu de naturel que sa subtilité, si toutefois subtilité il y avait, s'évapora en moins de temps qu'il n'en fallait pour vider une fiole d'arsenic dans un verre de vin. Il y eut comme un flottement dans la conversation qui avait pourtant si bien commencé et Frances se retrouva muette quelques secondes, incapable de rebondir et de repartir sur un autre sujet. En face d'elle, Brabant la regardait d'un air intrigué et la fausse comtesse, inquiète, se demanda pendant un instant s'il pouvait lire dans les pensées. Si c'était le cas, alors il aurait pu voir que les siennes baignaient dans la peur que l'on ne découvre sur sa personne la petite enveloppe de poison que Whitney lui avait si joyeusement placée dans la main. Elle en avait de l'humour Lady Scott : faire du trafic de poudre de succession en plein salon, rempli de monde qui plus est ! Prudence et discrétion étaient évidemment des mots exclus de son vocabulaire. A présent, plusieurs questions taraudaient Frances : le Duc de Brabant avait-il vu l'échange ? Se demandait-il ce que l'enveloppe pouvait renfermer ? Avec un peu de chance, il croirait à un simple courrier—mais quel genre de courrier pouvait donc requérir une messagère telle de Whitney Scott ?

La Cromwell porta à nouveau son verre à ses lèvres pour se donner une contenance mais trouva le liquide fort amer, à moins que ce ne soit son angoisse d'être 'caught red-handed', attrapée la main dans le sac comme on disait ici, qui l'empêcha d'apprécier le breuvage ? Toujours est-il que si elle ne s'étrangla pas avec les bulles, elle ne parvint guère à afficher une mine aussi décontractée qu'auparavant. Dans sa poche, l'enveloppe de poison semblait s'alourdir de plus en plus à mesure que Frances songeait à sa présence, doublant, triplant les quelques grammes qu'elle pesait au départ. Si elle tombait par terre, Brabant la ramasserait, l'ouvrirait et ô surprise ! Découvrirait son funeste contenu, contenu qui, à n'en pas douter, conduirait Frances à la potence. Pour un peu, la comtesse de Longford aurait pu sentir la corder que l'on plaçait autour de son cou. Le duc serait-il présent parmi la foule de badauds venus assister au spectacle de l'exécution d'une empoisonneuse ? Se dirait-il en lui jetant un dernier coup d'œil que c'était bien dommage, que cette irlandaise qui n'aimait pas Honoré d'Urfé avait été une présence fort agréable au cours de ce salon ennuyeux et par trop peuplé ? L'imagination de Frances aurait pu dériver encore longtemps dans des fantaisies terrifiantes si Brabant n'avait pas à nouveau pris la parole pour prendre congé, sans se départir néanmoins de sa courtoisie.

'Pardonnez-moi, comtesse, mais je viens de me rendre compte qu'il est déjà tard et il faut que je rentre. J'ai été ravi de faire votre connaissance, grâce à vous je n'aurai pas le sentiment d'avoir passé une soirée inutile. Me permettrez-vous de vous revoir ?'

Il ne fallut que deux secondes à la fausse comtesse pour sortir de ses songes macabres et s'incliner poliment devant le duc. Elle était à nouveau au milieu du salon et non plus sur l'échafaud ; les courtisans remplaçaient les gueux assoiffés de sang, et le brouhaha des 'à mort' s'étouffait au cœur des murmures d'élégantes et des interpellations de gentilshommes. Même l'illusion de la corde avait disparu, ou presque. D'un geste incertain, Frances passa sa main sur sa nuque, comme pour chasser cette désagréable sensation. Son visage s'éclaira alors d'un sourire tandis qu'elle réalisait avec soulagement que le Duc de Brabant n'avait visiblement rien remarqué de la passation de poison—c'était du moins ce qu'elle supposait, puisqu'il ne l'avait pas interrogée à propos de l'enveloppe. La comtesse retrouva même un semblant de tenue qui, sans aller jusqu'à l'attitude mielleuse d'une vile coquette versaillaise, se trouvait quand même à mille lieues de l'image d'anxiété qu'elle reflétait encore quelques minutes plus tôt. La transformation avait été soudaine, et particulièrement rapide, comme c'était toujours le cas avec Frances. Son frère Richard aurait pu témoigner de ces multiples changements de caractère, même si contrairement à Brabant, il avait plus souvent assisté à la métamorphose inverse, celle de la calme benjamine des Cromwell devenant une furie enragée.

'Ce fut un plaisir de faire votre connaissance monsieur, et s'il vous prenait à nouveau l'envie de discuter des œuvres de Monsieur d'Urfé avec la pauvre illettrée que je suis, sachez que vous serez toujours bien accueilli,' répondit Frances avec une assurance nouvelle, celle conférée par le fait qu'elle savait son secret bien gardé. Tellement bien gardé d'ailleurs qu'elle s'était à nouveau piquée de faire de l'humour. Au fond, elle appréciait ce Simon de Brabant et le peu qu'elle avait découvert à son sujet la poussait à renouveler ce contact à l'avenir. Il lui faudrait simplement être prudente, et toucher deux mots à Whitney. Hormis cela, Frances ne voyait aucun inconvénient à échanger à nouveau avec le duc. Au contraire, la conversation de Bravant la divertissait et son humour lui plaisait assez. Il était à l'opposé de l'éducation Puritaine et austère qu'elle avait autrefois reçue, mais sans verser dans le vulgaire de certains courtisans.

Quelques minutes seulement s'écoulèrent après le départ de Simon que la comtesse décida à son tour de quitter le salon. La société l'ennuyait et elle avait hâte de pouvoir découvrir la poudre miraculeuse glissée dans l'enveloppe qu'elle tenait encore bien cachée sur elle. Elle vida le reste de sa coupe de champagne d'un trait puis se faufila à son tour vers la sortie, sourde aux cris de colères et aux avertissements qu'Oliver Cromwell en personne lui hurlait de quelque part sous terre quant à ce Brabant. Hélas, le Lord Protector pouvait bien s'égosiller ou se retourner dans sa tombe, rien ne devait empêchait sa fille de faire par elle-même l'amère découverte des relations houleuses entre les Brabant et les Cromwell...


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