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 On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]

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MessageSujet: On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]   On ne badine pas avec les femmes [PV Molière] Icon_minitime09.04.13 22:23

Ainsi donc, la guerre avait débuté. C’était un constat plus qu’un regret dans l’esprit d’Isabeau, pour qui les simagrées des conflits n’avaient que peu d’importance tant qu’ils n’affectaient pas ses commerces et que toute cette agitation ne durait pas trop longtemps. Isabeau n’avait pas assez de sympathie pour la France ou les français pour avoir une opinion tranchée sur la question de la nécessité de la guerre, sur les Lorrains, Espagnols et autres Anglais qui étaient des préoccupations géographiquement lointaines donc peu intéressantes pour elle pour le moment. Le seul changement notable avait été que l’armurerie avait mieux tourné que d’habitude, et que le chantier naval s’était vu attribuer une commande aussi pour l’un des corsaires du roi ; elle avait laissé Loïc gérer cette affaire-là et avait le sentiment qu’elle ne se finirait pas en désastre. Loïc était un excellent entrepreneur, du moment qu’il restait dans les limites de la légalité. Ce qui, hélas, n’était pas toujours le cas. Enfin, Dieu merci il n’avait pas fait de bêtise ces derniers temps, et il n’avait pas non plus été envoyé au front, lui permettant de rester à Paris pour continuer à gérer leurs affaires ; car si elle était la main de fer qui dirigeait tout ce petit monde, il restait la principale tête pensante de leur association et celui qui détenait le principal de leurs fonds. D’où la nécessité pour elle de rester en bons termes avec lui : s’il décidait du jour au lendemain de rompre leur association, principalement fondée sur la confiance et l’amitié qui s’était installée entre eux depuis la mort de Nanette, elle serait dans une situation extrêmement instable. Elle avait ses propres économies bien sûr, mais il faudrait ensuite qu’elle s’occupe de trouver une succession à ses commerces puisqu’elle ne pourrait plus les financer, et son mariage en prévision avec le banquier Pisdoe n’était en rien une garantie de leur survie.

Laissant échapper un soupir, Isabeau resserra son châle sur ses épaules –décidément, il faisait froid en ce moment avec le printemps qui tardait à pointer le bout de son nez- et traversa la rue pour aller pousser la porte de l’apothicaire dont elle était la principale actionnaire. Grâce au feu dans la cheminée, il faisait bien meilleur à l’intérieur et Isabeau s’y sentit tout de suite mieux. Le magasin, qu’elle avait laissé le soin à l’apothicaire lui-même d’aménager, était un drôle de mélange entre une boutique de médecines classique et une espèce de cabinet scientifique, avec des esquisses d’observations de végétaux et animaux accrochées au mur, une petite bibliothèque derrière le comptoir pour que l’apothicaire puisse au besoin vérifier une information, et bien sûr du matériel pour préparer les potions directement si une commande était urgente. Isabeau avait une affection particulière pour ce magasin, plus encore parce qu’elle apprenait toujours quelque chose d’amusant quand elle venait faire sa visite ou tenait occasionnellement la boutique avec l’apothicaire, maître Robles.

L’intéressé, un petit homme d’environ cinquante ans au regard aussi vif que s’il en avait eu vingt, leva les yeux de ses registres et la regarda par-dessus ses lunettes avant de la saluer avec son amabilité coutumière.

« Madame Lacassagne ! Est-on déjà mercredi ? Par la barbe de Jupiter, que le temps passe vite… »
« Et oui maître Robles, une semaine déjà que je n’ai pas eu le plaisir de votre compagnie. Comment se porte notre affaire ? » sourit Isabeau en accrochant son châle au porte-manteau.

Ouvrant d’autres registres, maître Robles commença à lui faire un compte-rendu détaillé des entrées et sorties d’argent de la semaine, à lui parler des transactions effectuées, des nouveaux produits, des stocks à renouveler, lui tendant une liste qu’elle plia soigneusement pour la ranger dans une poche spécialement aménagée dans sa robe. Il poursuivit son exposé de sa voix curieusement basse et douce pour un homme, qu’Isabeau écouta attentivement presque par réflexe, puis il leva les yeux vers la pendule et son expression changea pour illustrer le désarroi le plus complet.

« Que vous arrive-t-il maître ? » demanda Isabeau à qui ce changement n’avait pas échappé, quand bien même elle tournait les pages du registre pour y ajouter elle-même quelques annotations. Les femmes et l’art de faire plusieurs choses à la fois, une capacité décidément bien utile.
« J’avais complètement oublié qu’aujourd’hui on célébrait le baptême de mon petit-fils. Ma fille serait tellement déçue si je… »
« Alors que faites-vous encore là ? »
« Pardon madame ? »
« Que faites-vous encore là ? » répéta Isabeau sans pouvoir s’empêcher de sourire avec amusement. « Courez donc, vous avez déjà l’air en retard ! Je tiendrai la boutique jusqu’à la fermeture, il n’y a pas foule de toute façon. Allez filez, vous avez votre après-midi ! »

Maître Robles bafouilla des remerciements confus, puis fila à l’arrière-boutique abandonner son habit d’apothicaire pour retrouver une tenue plus civile et filer en remerciant encore un million de fois son employeuse qui dut pratiquement le pousser dehors pour qu’il consente enfin à s’en aller. Le regardant s’éloigner depuis l’encadrement de la porte, elle réprima un rire et rentra à l’intérieur en prenant soin de fermer la porte en laissant l’écriteau « ouvert » bien en vue. Ravivant le feu dans la cheminée, elle alla ensuite s’installer derrière le comptoir et reprit ses occupations en attendant les clients. Elle soupçonnait fortement qu’elle n’aurait pas grand-chose à faire cet après-midi là. De fait, en deux heures, elle n’eut que deux clients, deux hommes qui se connaissaient visiblement et parlaient de la guerre eux aussi pendant qu’Isabeau consignait leurs commandes dans le registre ; ce qui ramena, après leur départ, ses pensées sur ce conflit qui ne la concernait en rien si ce n’était qu’elle savait que Racine avait suivi le roi là-bas, à Toul lui semblait-il. Que lui avait-il dit déjà… ? Ah oui, il s’était vu confier la charge d’historiographe – quoique cela puisse signifier- et devait accompagner le roi pour écrire ses exploits. Bon, au moins il ne serait probablement pas trop près du danger, mais tout de même… Elle ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter au moins un peu. Jean était un véritable aimant à ennuis même quand il ne s’en donnait pas la peine, alors en pleine bataille, Dieu seul savait ce qu’il pouvait lui arriver.

La clochette de la porte tinta, la tirant de ses pensées, et comme en écho à ces dernières elle eut la surprise de reconnaître non pas Racine mais, étonnamment, son rival notoire. Elle avait mis une bonne demi-seconde à le reconnaître, mais avait pour bonne excuse de ne l’avoir jamais aperçu que de loin puisqu’à chaque fois, elle était en compagnie de Racine justement et ce dernier évitait soigneusement Molière dès qu’il le pouvait. Isabeau n’avait donc vu que de loin ce Jean-Baptiste Poquelin, sans jamais obtenir d’autre explication sur leur discorde qu’un grommellement et un « c’est un idiot dont la plume vient des poules sultanes du roi et a la même élégance » et autres compliments du même acabit. Au final, elle n’avait qu’une image de Molière qu’elle avait tout à fait inexacte puisqu’elle n’avait que la version de Racine, mais par principe et fidélité elle avait toujours opiné du chef à tout ce qu’il disait à son sujet. Et maintenant qu’il se trouvait dans sa boutique, elle ne savait pas vraiment comment réagir. Dans le doute, elle arbora son éternel sourire commercial et un ton aimable qui ne parvint pourtant pas à dissimuler son étonnement de le voir là pour le saluer :

« Bonjour monsieur. Pardonnez-moi de vous aborder de la sorte, mais mon nom est Isabeau Lacassagne, je suis la propriétaire de ce magasin. Maître Robles, l’apothicaire, a dû s’absenter précipitamment à cause d’une affaire familiale, je le remplace pour la journée… Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à vous adresser à moi. »

Ne pouvant s’empêcher d’être curieuse –autre caractéristique féminine, paraissait-il- elle observa un instant ce client inattendu, trouvant amusant le contraste entre Jean et Molière jusque dans le physique. Jean était plus jeune et plus mince que Molière, et avait même quelque chose d’adolescent dans son attitude et son regard. Molière, en comparaison, avait un physique beaucoup plus adulte avec ses épaules larges, ses tempes grisonnantes et sa barbe, mais comme Robles ses yeux avaient l’air d’avoir vingt ans de moins que le reste. Non décidément, il ne correspondait pas au portrait que lui en avait brossé Racine : idiot, pas doué, mou d’esprit. Et elle avait aussi du mal à l’imaginer violent, mais ça, on ne pouvait jamais deviner à l’avance.

« Pardonnez ma curiosité monsieur mais… N’êtes-vous pas Molière, l’auteur des comédies ? Je n’ai jamais eu l’occasion d’en voir une mais j’en ai… Beaucoup entendu parler. C’est étonnant de vous voir chez un apothicaire, n’êtes-vous pas supposé abhorrer les médecins et leurs potions ? » demanda-t-elle finalement, cédant à la curiosité. Si elle savait dans quoi elle venait de s’embarquer, peut-être se serait-elle abstenue !
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MessageSujet: Re: On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]   On ne badine pas avec les femmes [PV Molière] Icon_minitime03.05.13 16:52

    Planchant sur une énième brouillon, Molière était plongé dans ses pensées. Se grattant machinalement le front, sa plume courait comme une désespérée sur le papier. Maintes fois, le dramaturge revint sur ses écrits rageusement en rayant des passages entiers pour venir les corriger ensuite. Plongé dans l’obscurité de son bureau, on entendait pas un bruit à part celui de sa plume. Un fin rayon de lumière venait se glisser entres les épais rideaux, créant un clair-obscur sur le visage pâle de l’artiste. Le visage grave, il semblait coupé du monde. Rien, pas même le temps ou la faim ne venaient l’arracher à ses feuillets qui jonchaient sa table en désordre. C’est alors que la porte s’ouvrit en grand devant lui le faisant sursauter comme un diable, créant une splendide tâche d’encre sur sa feuille.

    « SACRE NOM D’UN CHIEN ! jura Molière en frappant du poing sur sa table. Qui va là ? demanda-t-il en levant la tête vers le nouveau venu qui approchait.

    Mais bien vite il soupira de lassitude à sa vue. Ce n’était qu’Eric qui venait les bras chargé d’un modeste plateau repas. Le jeune homme ne prit pas même attention aux jurons de son metteur en scène et protecteur et déposa le plateau sur la table sans même faire attention aux feuillets que Molière s’empressa de ramasser pour éviter des dégâts.

    « Eh oh malheureux ! s’exclama le dramaturge. Fais donc attention ! C’est ton gagne-pain qui est là ! dit-il en agitant les feuillets sous le nez de son comédien. Et je n’ai pas besoin de nourrice… Pour qui me prenez-vous ? Je suis un jeune homme fringuant pas un enfant !

    -Nourrice ou pas, fit le jeune homme toujours souriant. Il y a des jours que tu ne manges pas ! C’est… C’est Madeleine qui m’a ordonnée expressément de t’apporter tout ça.

    A l’évocation du nom de sa femme qui avait déserté l’hôtel, Molière eut un frisson.

    -Pfff, Madeleine, soupira l’homme en haussant les épaules. Qu’elle apporte ce plateau elle-même si elle est si inquiète de la santé de son époux !

    Il avait beau râler, dans le fond, il ne lui en voulait pas vraiment d’être partie. Elle n’avait pas abandonné sa place dans la troupe mais elle se faisait rare à l’Hôtel Molière… Madeleine lui manquait voilà tout. Pendant qu’il continuait de grogner dans sa barbe de trois jours, Eric ne se priva pas pour se servir un grain de raisin dans le plateau et de le déguster.

    -Tu as tort de le prendre comme ça. Ce n’est pas en t’affamant sur ton bureau que la pièce en sera plus brillante…

    A ses mots Molière leva les yeux au ciel.

    -Et maintenant un gringalet me fait la leçon ! J’aurai tout vu…

    Lassé, il attrapa une miche de pain avant de la manger rageusement.

    -Gringalet, certes. Mais de talent ! fit Eric en riant, habitué aux humeurs du dramaturge.

    - Haha, fit Molière d’un rire forcé. Tu brilles aussi fort qu’un miroir de bordel, même un aveugle te verrait à 10 lieux d’ici.

    A ses mots, Eric rit de bon cœur et la grise mine de Molière laissa place à un petit sourire amusé. Heureusement que ces comédiens étaient là. Cela lui évitait le risque de s’encroûter ! Soudain plus motivé il se leva de sa chaise en laissant sa robe de chambre pour aller s’habiller.

    « Raaah qui aime les vieux grincheux de nos jours, dit-il, son brin de malice revenant illuminer ses yeux. Je vais prendre l’air en ville, ajouta Molière en passant par la porte menant vers sa chambre.

    -Victoire !!! s’exclama Eric en sautant à pieds joints sur le plancher avant de se précipiter hors du bureau en criant. Lionel ! Tu me dois cinq pièces d’argent !

    La vie à l’Hôtel était comme ça. Simple et insouciante même dans les pires instants. Molière n’aurait jamais voulu vivre ailleurs qu’en cet endroit.

    Parcourant les rues de Paris, le pas serein et les mains jointent dans le dos, Molière laissait son esprit vagabonder. Enveloppé dans un manteau chaud pour échapper à la rigueur du printemps maussade, il laissait courir son regard à droite et à gauche sur les échoppes, les passants et saluant de bon cœur ceux qui le reconnaissait. Il venait de terminer de discuter avec une vieille amie de ses parents lorsqu’il aperçu une jolie tête brune passée près de lui, l’air pressée. Il mit quelques instants à la reconnaitre mais son sourire malicieux revint aussitôt qu’il la reconnut. C’était Isabeau Lacassagne. Commerçante réputée mais aussi… une ami de ce « charmant » Racine.

    L’occasion de la croiser était trop belle. Molière se sentit obligé de venir lui jouer quelques tours. Il connaissait la jalousie maladive de son rival et ses déboires avec les femmes. Quel déchet, pensa Molière. Aucune vraie prestance, aucun style, juste du vent. De la poudre aux yeux somme tout !

    Ni une ni deux, voilà Molière sur les talons de la belle brune. Pendant qu’il la suivit en tournant à deux - trois carrefours il mettait en place sa petite farce. Il ne serait point cruel, ça non ! Molière ne voulait pas jouer un tour directement à cette belle enfant… mais à Racine. Juste ce qu’il fallait pour qu’elle lui en parle et que cet imbécile accourt pour défendre ses plates bandes comme un vulgaire toutou. La partie allait être très drôle !... Pour Molière en tout cas.
    Isabeau rentra chez un apothicaire et Molière attendit quelques instants au coin de la rue. Lorsqu’un vieil homme sortit au bout de quelques minutes, Molière vint faire tinter la clochette de la boutique, l’air de rien. Parfaitement dans son rôle, il parcourait les divers produits du charlatan apothicaire comme un véritable passionné. Il faisait mine à merveille d’ignorer la jeune femme qui le dévisageait plus ou moins discrètement. Au bout de quelques minutes, semblant trop curieuse, la brune s’approcha de lui avec un grand sourire et un air adorable. Molière allait prendre plaisir à courtiser ce bel oiseau !

    « Bonjour monsieur, salua la commerçante.

    -Bonjour belle enfant ! s’exclamait Molière avec une mine réjouit.

    -Pardonnez-moi de vous aborder de la sorte, mais mon nom est Isabeau Lacassagne, je suis la propriétaire de ce magasin. Maître Robles, l’apothicaire, a dû s’absenter précipitamment à cause d’une affaire familiale, je le remplace pour la journée… Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à vous adresser à moi.

    -Merci pour cette délicate attention
    , fit le dramaturge avec un sourire et des yeux brillants. Je suis ravi de faire face à une femme d’affaires aussi réputée que vous.

    Le compliment était sincère. Isabeau Lacassagne menait avec son associé de nombreux commerces avec un grand talent qui n’avait point échappé aux habitants de Paris, dont Molière qui avait prévu de lui passer commande pour des costumes. De plus, Poquelin ne pouvait s’empêcher d’admirer ses femmes émancipées qui étaient souvent plus talentueuse que beaucoup d’hommes. Il ne regrettait pas d’avoir écrit L’Ecole des Femmes en ce sens. Féministe avant l’heure Molière ? N’exagérons rien, nous sommes en 1667 tout de même… C’est alors que la jeune femme revint près de lui un peu plus réservée :

    « Pardonnez ma curiosité monsieur mais… N’êtes-vous pas Molière, l’auteur des comédies ?

    La question eut le don de ravir l’égo de Molière qui se fit un malin plaisir à la saluer bien bas en agitant son chapeau de façon volontairement exagéré.

    -Pour vous servir, Madame ! dit-il avec le sourire d’un adolescent.

    Le contact des femmes avait toujours le don surprenant de le rajeunir !

    -Je n’ai jamais eu l’occasion d’en voir une mais j’en ai… Beaucoup entendu parler, poursuivit Isabeau, pensive.

    La remarque ne l’étonnait guère. Molière voyait le gringalet déblatérer ses inepties habituelles à son sujet. Pauvre auteur sans talent ! pensa Molière, toujours souriant.

    -Oh mais je pourrais vous y inviter bientôt ! Cela me ferait infiniment plaisir ! Qu’en dites-vous ? demanda-t-il en imaginant déjà Racine vert de rage en apprenant cette invitation.

    Il espérait bien que son plan réussisse. La demoiselle était très agréable après tout ! Molière avait le don pour apprécier les femmes de caractère.

    -C’est étonnant de vous voir chez un apothicaire, dit-elle. N’êtes-vous pas supposé abhorrer les médecins et leurs potions ? demanda-t-elle finalement, curieuse.

    Au fond de lui, Molière jubilait. Elle mordait à l’hameçon ! Il était temps de sortir le grand jeu.

    -Aaaah oui, fit-il dans un soupir. Il est vrai qu’à mon goût ceci est un commerce de charlatans sans vouloir vous offenser… C’est pour une toute autre peine que celle du corps que j’en suis venu à cet apothicaire, Madame, dit-il plus théâtrale que jamais avant de mettre une main sur son cœur.

    -Si vous saviez l’état de mon âme, ma chère ! Aussi ne crois-je pas qu’on puisse voir personne qui sente, dans son cœur, la peine que je sens : car, enfin, ce n’est rien d’avoir à combattre l’indifférence, ou les rigueurs d’une beauté qu’on aime ; on a, toujours, au moins, le plaisir de la plainte, et la liberté des soupirs.

    Il s’éloigna de la belle brune en portant un regard absent vers la fenêtre qui donnait sur la rue. L’improvisation faisait parti de ses talents en plus de la mise en scène et il ne se privait pas pour en abuser !

    -Mais ne pouvoir trouver aucune occasion de parler à ce qu’on adore ; ne pouvoir savoir d’une belle, si l’amour qu’inspirent ses yeux, est pour lui plaire, ou lui déplaire ; c’est la plus fâcheuse, à mon gré, de toutes les inquiétudes …

    Il soupira, la mort dans l’âme avant de revenir auprès d’Isabeau en prenant une de ses mains blanches entre ses mains gantées.

    -Et c’est où me réduit l’incommode jaloux, qui veille, avec tant de souci, sur ma charmante Grecque, et ne fait pas un pas sans la traîner à ses côtés.

    Non il ne se privait même pas d’insulter ouvertement Racine. Après tout, quand on fait du rentre dedans, autant y aller de bon cœur ! La jeune femme avait l’air fort bien déboussolée. C’était parfait ! C’est alors qu’avec les yeux désolés d’un enfant, Molière haussa les épaules en lui souriant :

    -Vous savez, Madame : les cons ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnait. »

    Il espérait qu’au moins, sans la choquer, elle accepterait son invitation au théâtre… Dieu, qu’il s’amusait !

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MessageSujet: Re: On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]   On ne badine pas avec les femmes [PV Molière] Icon_minitime22.07.13 21:05

-Oh mais je pourrais vous y inviter bientôt ! Cela me ferait infiniment plaisir ! Qu’en dites-vous ? s’exclama joyeusement Molière avec l’air de quelqu’un qui vient d’avoir l’idée du siècle. Opinion qu’Isabeau, en son for intérieur, était loin de partager : non pas que l’envie lui manquât d’aller découvrir une œuvre du rival de Racine, afin de se faire sa propre opinion sur le sujet, mais ce sacré susceptible de Jean serait bien capable de prendre la mouche et de l’accuser de haute trahison pour ce bref passage dans l’autre camp, même en tant qu’observatrice. Intérieurement, elle soupira, se remémorant toutes les insultes qui avaient fusé à l’encontre de Poquelin la dernière fois que Jean avait éprouvé le besoin de vider son sac à son sujet. Elle était tentée de croire qu’il ne lui en voudrait pas d’être allée voir une de ses pièces, surtout si comme il le clamait régulièrement c’était médiocre et qu’elle en ressortait convaincue, mais il restait toujours l’hypothèse qu’il prenne la mouche et la boude pendant quelques jours. En même temps, maintenant qu’il n’était plus à Versailles, si elle ne lui disait rien il y avait peu de chances pour qu’il l’apprenne… Non ?

Curieuse de nature et plus curieuse encore de cette arrivée inattendue dans sa petite boutique, elle avait finalement formulé la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’elle l’avait reconnu. Molière, cet ennemi déclaré des apothicaires et de toute forme de médecine, qui entrait volontairement chez l’ennemi ? Aux yeux de la jeune femme qui ne le connaissait que de réputation, c’était comme si il s’était rendu à l’hôtel de Bourgogne de son plein gré. Inattendu, et surtout, suspect.

-Aaaah oui. Il est vrai qu’à mon goût ceci est un commerce de charlatans sans vouloir vous offenser… C’est pour une toute autre peine que celle du corps que j’en suis venu à cet apothicaire, Madame. soupira le dramaturge d’un air bien mystérieux. Isabeau arqua un sourcil, interrogative. Décidément, cette affaire n’était pas nette. A part pour se plaindre d’une maladie ou d’une blessure, elle voyait difficilement pourquoi l’on visitait un apothicaire. Certes, il y avait quelques illuminés qui venaient lui demander des choses absurdes, comme un philtre d’amour ou parfois même des poisons, mais elle et maître Robles mettaient un point d’honneur à envoyer promener ce genre personne qui ne pouvaient leur attirer que des ennuis.
« Dites toujours monsieur, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. » répondit-elle simplement avec prudence.
Il n’en fallait évidemment pas plus au dramaturge pour enfin avouer ses tourments… Tourments auxquels Isabeau était loin de s’attendre et qui devaient lui rappeler bien des souvenirs !
-Si vous saviez l’état de mon âme, ma chère ! Aussi ne crois-je pas qu’on puisse voir personne qui sente, dans son cœur, la peine que je sens : car, enfin, ce n’est rien d’avoir à combattre l’indifférence, ou les rigueurs d’une beauté qu’on aime ; on a, toujours, au moins, le plaisir de la plainte, et la liberté des soupirs. S’exclama Molière avec emphase.

Aussitôt Isabeau grimaça –heureusement il lui tournait le dos- tant cette histoire sonnait familière à ses oreilles. Etait-il donc écrit que tous les dramaturges du royaume viendraient lui demander de lui servir de conseillère matrimoniale ? Comme si Racine ne lui avait pas suffi, maintenant c’était son plus grand rival qui s’y mettait ! Ce n’est pas possible, se disait-elle, elle devait être marquée par une malédiction quelconque après avoir commis un méfait dans une vie antérieure. En tout cas, cette scène avait un drôle de goût de déjà-vu. Pourquoi Molière venait-elle à elle ou à maître Robles ou un apothicaire en général pour se plaindre de ses maux de cœur, là était une autre question. Les bras croisés, Isabeau attendait patiemment que l’écrivain ait fini sa litanie, le considérant d’un air à la fois amusé –la coïncidence était quand même cocasse, s’il savait que son rival avait joué le même jeu quelques années plus tôt…- et sceptique, comme à son habitude dès qu’on lui parlait des choses du cœur.

-Mais ne pouvoir trouver aucune occasion de parler à ce qu’on adore ; ne pouvoir savoir d’une belle, si l’amour qu’inspirent ses yeux, est pour lui plaire, ou lui déplaire ; c’est la plus fâcheuse, à mon gré, de toutes les inquiétudes … poursuivit Molière sans avoir l’air de soupçonner qu’Isabeau était à mille lieues de saisir le message sous-jacent. Cela dit, il fallait bien avouer qu’il parlait bien –encore une fois, comme Racine, ces deux-là avaient décidément bien plus en commun que ce qu’ils voulaient bien croire. Elle se demanda quel genre de femme pouvait bien inspirer un tel émoi chez Jean-Baptiste Poquelin, et surtout si elle était aveugle pour ne pas le voir ainsi transi comme un jeu amoureux éperdu. Pour un peu il lui ferait de la peine. Elle ne pouvait même pas réprimer un sourire en coin amusé qui vint se loger sur son visage… Jusqu’à ce que Molière ne s’enhardisse et ne prenne sa main dans la sienne pour poursuivre avec de vrais trémolos de tragédien dans la voix :
-Et c’est où me réduit l’incommode jaloux, qui veille, avec tant de souci, sur ma charmante Grecque, et ne fait pas un pas sans la traîner à ses côtés.
« Pardon ? » articula Isabeau avec surprise, se sentant tout à coup aussi perdue que le jour où Racine avait essayé de lui expliquer ce qu’était une nymphe alors qu’elle n’était encore qu’une serveuse analphabète. Elle trouvait cela déjà bien étrange qu’un auteur qui ne lui avait jamais encore adressé la parole vienne lui conter ses peines de cœur, mais ce geste avait eu le don de brusquement semer le doute dans l’esprit de la jeune femme. Quand on était un monsieur bien élevé, on ne prenait pas les mains des gens comme ça, à moins d’être le fou du roi et de faire des bouffonneries toute la journée, ou d’être italien et d’aimer le contact avec les autres – or, si Molière paraissait avoir de l’humour il était loin d’être fou (du moins l’espérait-elle) et elle était à peu près sûre qu’il était bien français. Pour elle, quand un homme éduqué prenait la main d’une femme dont il venait de faire la connaissance, c’était qu’il y avait quelque chose de pas très net. Mais Isabeau la pragmatique, aussi romantique qu’un anatomiste en pleine dissection, ne pouvait s’imaginer sérieusement que les tirades de Molière avaient une chance de s’adresser à elle –du moins, elle ne pouvait pas se l’imaginer plus d’une seconde et demi.

-Vous savez, Madame : les cons ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnait. » conclut Molière.
« Pourquoi pas après tout, la simplicité peut avoir du bon. La joie de vivre et le jambon, y'a pas trente-six recettes du bonheur ! » répondit Isabeau sans réfléchir avant de se mordre la lèvre et se retenir de lever les yeux au ciel face à la stupidité de ce qu’elle venait de dire. Quand elle était prise au dépourvu, ses racines paysannes avaient la fâcheuse tendance de venir faire un pied de nez aux bonnes manières que son court mariage avec Théophile avait réussi à lui inculquer. Heureusement que ni Loïc ni Racine n’étaient là, ils se seraient bien moqué d’elle, les bougres. En attendant, restait toujours que Molière n’avait pas tout à fait l’air décidé à lâcher sa main, et encore moins à partir. Ca faisait beaucoup de problèmes, d’un seul coup. Réalisant de plus en plus à quel point la situation était absurde, elle se demanda si ces dieux grecs dont lui avait parlé Racine n’existaient pas bel et bien et si Hermès n’avait pas décidé de lui jouer un drôle de tour à sa façon.
Dieu merci, si Hermès avait décidé de la taquiner, d’autres dieux plus cléments semblèrent lui envoyer du renfort en la personne d’une jeune femme qui passait récupérer un onguent pour sa mère. Le tintement de la clochette arracha Isabeau à son embarras, et elle retira prestement sa main de celle du dramaturge pour se tourner vers sa cliente pour la saluer, un sourire aux lèvres alors qu’elle jetait à Molière un regard sévère qui voulait certainement dire : ‘si vous ouvrez la bouche, je vous fais avaler de force une de ces potions que vous détestez tant… et par le nez !’. En réalité, l’arrivée de cette cliente était l’occasion idéale pour Isabeau de se reprendre et reprendre le contrôle de la situation. Isabeau était aussi habituée à se faire courtiser que le Pape à participer au charivari ; à vingt-quatre ans, elle avait déjà été mariée sans que l’union ne soit consommée, et par la suite ses aventures amoureuses équivalaient à peu près au néant, son caractère plus qu’affirmé ayant tendance à faire fuir les potentiels prétendants. Autant dire qu’en la matière, elle n’avait aucune expérience. Face à un expert de la comédie romantique, il allait falloir la jouer fine. Allez, c’est l’jeu, ma pauv’Lucette ! songea-t-elle en rendant la monnaie à sa cliente qui quitta la boutique. Il était temps de retourner à son invité surprise !

« Pardonnez ce contretemps monsieur, les affaires sont les affaires, même si vous désapprouvez celle-ci. » reprit-elle avec une assurance retrouvée et le sourire aux lèvres. En même temps, elle jaugeait son interlocuteur pour essayer de percer ses intentions. Que diable y avait-il donc derrière cette apparente bonhomie et ce sourire qu’elle devinait goguenard malgré sa politesse et ses grandes formules ? C’est alors qu’Isabeau prit une résolution bien nouvelle pour elle : plutôt que de lui demander immédiatement ce qu’il lui voulait, elle allait sciemment entrer dans son jeu. Elle ne se sentait pas plus sotte qu’un autre, et lui allait pouvoir juger de quel genre d’adversaire il venait de trouver !

« Je compatis de tout cœur à vos maux, mon cher monsieur, cependant je trouve que vous vous y prenez bien mal si vous laissez ce jaloux vous marcher sur les pieds de la sorte. Il existe bien des moyens de passer à travers les mailles du filet sans qu’il n’y trouve quoi que ce soit à redire ! Premièrement, il doit voir au temple ou à la promenade, ou dans quelque cérémonie publique la personne dont il devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle, par un parent, ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il cache, un temps, sa passion à l’objet aimé, et cependant lui rend plusieurs visites, où l’on ne manque jamais de mettre sur le tapis une question galante, qui exerce les esprits de l’assemblée. » énuméra Isabeau en prenant volontairement l’air d’une préceptrice enseignant patiemment à sa pupille l’art de se comporter en société alors que l’âge du mariage approche. Un comble, mais Isabeau commençait vraiment à s’amuser !

« Le jour de la déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de quelque jardin, tandis que la compagnie s’est un peu éloignée : et cette déclaration est suivie d’un prompt courroux, qui paraît à notre rougeur, et qui pour un temps bannit l’amant de notre présence. Ensuite il trouve moyen de nous apaiser ; de nous accoutumer insensiblement au discours de sa passion, et de tirer de nous cet aveu qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux qui se jettent à la traverse d’une inclination établie, les persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui s’ensuit. » poursuivit-elle en comptant sur ses doigts les obstacles mentionnés, l’air très concentré alors qu’elle contournait son comptoir. Finalement, elle joignit très doctement ses deux mains par devant elle et conclut avec une gravité feinte : « Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières, et ce sont des règles, dont en bonne galanterie on ne saurait se dispenser. »

Incapable de dissimuler plus longtemps son amusement, un sourire taquin naquit au coin de ses lèvres alors qu’elle observait la réaction de son interlocuteur, avant d’ajouter : « Comme les règles de la galanterie sont ennuyeuses. Je ne puis même pas concevoir qu’une femme se laisse séduire aussi facilement quand tout se passe de manière aussi policée, aussi prévisible qu’un métronome. La demoiselle n’a pas son mot à dire dans l’histoire, et si elle a l’honneur de se faire courtiser elle se doit de succomber pour ne pas se faire appeler ‘nonne’ ou ‘frigide’ ! Et quelle maigre victoire pour les hommes, qui n’ont pour obstacle qu’un rival un peu jaloux qu’il est sûrement aisé de contourner. Si c’est cela la galanterie, si c’est cela l’amour, alors je les trouve bien paresseux et bien faciles. Ne pensez-vous pas ? » finit-elle par demander d’un air parfaitement innocent. S’il voulait parler d’amour, il n’était pas tombé sur l’interlocutrice la plus conciliante. Mais si elle n’avait pas un peu de mordant, elle se demandait bien comment elle s’en serait sortie jusqu’ici !
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MessageSujet: Re: On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]   On ne badine pas avec les femmes [PV Molière] Icon_minitime07.08.13 22:55


    « Pardonnez ce contretemps monsieur, les affaires sont les affaires, même si vous désapprouvez celle-ci. » reprit Isabeau en retrouvant le sourire.

    Les quelques minutes qui précédèrent l’arrivée de la cliente dans la boutique avait clairement montré au dramaturge à quel point la jeune femme avait été décontenancée. Peut être touchait-il juste ? Rien n’était sûr… Car dramaturge étant, la feinte des sentiments était aisée à relever. C’est donc avec prudence qu’il choisit de poursuivre exactement comme il avait commencé : sortir le grand jeu.

    « Je compatis de tout cœur à vos maux, mon cher monsieur, cependant je trouve que vous vous y prenez bien mal si vous laissez ce jaloux vous marcher sur les pieds de la sorte.

    -Vraiment ? s’étonna faussement Molière avec un air intrigué.

    -Il existe bien des moyens de passer à travers les mailles du filet sans qu’il n’y trouve quoi que ce soit à redire !

    C’est alors que la commerçante se lançait avec panache dans une explication approfondie de la séduction. Poquelin se retenait d’exploser de rire tellement la situation devenait cocasse. Il écoutait donc avec application la jolie brune qui prenait des airs de savante préceptrice.
    Premièrement, il doit voir au temple ou à la promenade, ou dans quelque cérémonie publique la personne dont il devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle, par un parent, ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique.

    Vous croyez ? fit Molière avec une mine de damoiseau tombé du nid.

    -Il cache, un temps, sa passion à l’objet aimé, et cependant lui rend plusieurs visites, où l’on ne manque jamais de mettre sur le tapis une question galante, qui exerce les esprits de l’assemblée.

    Mais, Madame, cela est si difficile de voiler les tourments de son cœur face à l’être aimé ! s’exclama-t-il comme un enfant capricieux. Il faut bien que l’on déclare sa flamme ! Je ne puis en supporter davantage !

    Il sur jouait le tourment et le dramaturge le savait très bien. Molière avait actuellement peu de considération pour la crédibilité de son personnage d’amoureux transit. Jouer les Scapin le stimulait. Dans l’excitation du moment, il en trépignait presque sur place pendant que la commerçante poursuivait son exposé… bien morne il fallait l’admettre. Plus les mots s’alignaient les uns derrière les autres et plus l’excitation de Molière laissait place à… de l’ennui ? Non, elle ne pouvait pas être aussi sérieuse ? (après tout c'est une amie de Racine, alors...) La jeune femme semblait tenace. Mais au point d’être aussi moralisatrice qu’un diocèse au grand complet ? Non ! Molière ne parvenait pas à avaler ces salades…

    -Après cela viennent les aventures, les rivaux qui se jettent à la traverse d’une inclination établie, les persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui s’ensuit. » poursuivit-elle en comptant sur ses doigts les obstacles mentionnés d’un air concentré.

    A ses derniers mots, Molière se mit à bailler sans la moindre gêne.

    -On dirait une tragédie de Racine ce que vous me contez là, Madame… C’est d’un ennui ! s’exclama-t-il en haussant les épaules d’un air morne.

    « Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières, et ce sont des règles, dont en bonne galanterie on ne saurait se dispenser. »

    -Les règles sont faites pour tourmenter notre monde, Madame. Elles nous privent des plaisirs et des plus belles libertés de l’existence ! dit d’un air scandalisé.

    C’est alors que la jeune femme eut un sourire taquin, rapidement imitée par Molière.

    « Comme les règles de la galanterie sont ennuyeuses. Je ne puis même pas concevoir qu’une femme se laisse séduire aussi facilement quand tout se passe de manière aussi policée, aussi prévisible qu’un métronome.

    -Haha ! Il y a des paroles qui ressemblent à des confitures salées ! dit-il en riant. Vous vouliez vous jouer de moi ? Il fallait tenir un peu votre personnage, allons ! Je vois dans vos yeux que je ne vous suis pas indifférent, ajouta Molière avec un doux sourire, toujours plus insistant.

    -La demoiselle n’a pas son mot à dire dans l’histoire, fit soudain Isabeau.

    C’était la douche froide. Aussi souriante et agréable qu’elle pouvait être : Molière avait la sensation de discuter avec un mur.

    -Pardonnez-moi, Madame, mais…

    -Et si elle a l’honneur de se faire courtiser elle se doit de succomber pour ne pas se faire appeler ‘nonne’ ou ‘frigide’ !

    -Ai-je dis de telles insinuations ? demanda Molière, parfaitement étonné. Ma chère, ne voyez point mes mots comme un glaive posé sur votre gorge ! (…que vous avez très jolie d’ailleurs.)  Je souhaitais naïvement vous faire part de quelques beaux sentiments. La victoire de votre cœur ne m’était absolument pas assurée, je le reconnais sans peine. Mais un peu de compassion vous…

    -Et quelle maigre victoire pour les hommes, dit-elle en le coupant dans son élan. Qui n’ont pour obstacle qu’un rival un peu jaloux qu’il est sûrement aisé de contourner.


    A ces dernières paroles, Molière se mit à ricaner avec un sourire mauvais :

    -Si vous voulez que je vous débarrasse de Racine, cela serai infiniment plaisant ! Cependant, le faire trépasser à ses balbutiements serai forger sa gloire… Cela serait criminel de ma part que j’autorise une chose pareille ! S’exclama-t-il avec dégout en oubliant presque le sujet principal de leur discussion.

    -Si c’est cela la galanterie, si c’est cela l’amour, alors je les trouve bien paresseux et bien faciles. Ne pensez-vous pas ? » finit-elle par demander d’un air parfaitement innocent.

    La demoiselle était piquante. Pour ne pas dire agaçante. L’ego du dramaturge encaissait les coups et il commençait à manquer de patience avec madame. Qu’est-ce qui n’allait donc pas ? Clairement vexé, le dramaturge laissa tomber son masque :

    -Peste ! Diable ! Bouffre ! jura-t-il en tapant du pied. Vous êtes blessante, madame. Très bien ! Je serai franc : je suis venu simplement pour vous inviter au théâtre. Rien de plus, rien de moins. VOILÀ ! s’exclama-t-il en levant les mains au ciel. (Quelle tragédie !…)

    Elle l’avait piquée là où cela chatouillait le plus… Remettre en question son pouvoir de séduction, son charisme. Il n’aimait pas trop cela. Certes, il n’aimait pas la belle. Mais s’étant pris au jeu : voir son entreprise aussi vaine le remettait en question de façon un peu trop soudaine. Et surtout désagréable… Il s’était éloigné d’elle, les mains jointent dans le dos, essayant de retrouver un peu de contenance puis il se retourna de nouveau vers elle :

    « C’est l’âge, n’est-ce pas ? demanda-t-il, fort préoccupé. Il me semble pourtant que je tiens la forme…[ /b], dit-il en tâtant son torse des mains.[b] Ou alors est-ce parce que je suis marié ? demanda-t-il en désignant une bague à son doigt avant de se raviser. Enfin…presque… Mes mots ont dépassés mes paroles !

    Puis il retrouva davantage de panache en reprenant ses interrogations.

    -Ou le fait que j’apprécie les jeunes et jolies femmes ? N’allez surtout pas croire que je suis de ceux qui traitent les dames comme de vulgaires bêtes de bétail ! Mais… N’ai-je pas le droit d’apprécier la compagnie d’une âme vive et fraiche plutôt que celle d’une vieille chouette rabougrie ?... Aaaah je m’égare, dit-il en se massant les tempes avant de reposer les yeux sur Isabeau avec un doux sourire.

    -Qui rie d'autrui doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui… C’est moi qui l’ai écrit… Je devrais le savoir !»

    Dans le fond, Molière avait beau faire rire encore et toujours Sa Majesté et la Cour… Lui ? Il ne riait plus beaucoup ces derniers temps. Le célèbre dramaturge s’appuya contre un meuble en soupirant puis reprit ses aveux :

    « J’espère que vous ne m’en tiendrez point rigueur, Mademoiselle… Ah ! Les querelles d’artistes ! dit-il en riant. Quelle plaie ! J’ai fais cela uniquement dans le but d’agacer ce gringalet. C'est bien ma seule distraction en ce moment, dit-il songeur avant de lever les yeux sur la brune avec un sourire plus malicieux. Vous lui direz, n’est ce pas ?...»
     
    Malgré chaque tourments de son existence, il restait un grand enfant…
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MessageSujet: Re: On ne badine pas avec les femmes [PV Molière]   On ne badine pas avec les femmes [PV Molière] Icon_minitime12.02.14 19:18

-Ai-je dis de telles insinuations ? Ma chère, ne voyez point mes mots comme un glaive posé sur votre gorge ! (…que vous avez très jolie d’ailleurs.) Je souhaitais naïvement vous faire part de quelques beaux sentiments. La victoire de votre cœur ne m’était absolument pas assurée, je le reconnais sans peine. Mais un peu de compassion vous… avait commencé Molière, mais Isabeau, qui avait bien l’intention de ne pas se laisser faire, l’avait interrompu. Il avait tenté de lui embrouiller l’esprit ; fort bien, mais maintenant c’était à son tour. Si Isabeau n’avait guère l’habitude qu’on lui fasse la cour, en revanche elle avait l’habitude de tester ses interlocuteurs en les prenant à revers et n’avait aucun scrupule à renvoyer le dramaturge dans les cordes juste pour voir sa réaction. S’accrocherait-il, ou jetterait-il l’éponge aussitôt ? Et surtout, en dévoilerait-il plus sur ses véritables intentions ? Car si la jeune femme avait bien appris quelque chose, c’était qu’une déclaration en cachait toujours une autre… Et à part Racine, elle ne connaissait personne qui soit capable de tomber sous le charme de quelqu’un aussi rapidement !

-Si vous voulez que je vous débarrasse de Racine, cela serai infiniment plaisant ! Cependant, le faire trépasser à ses balbutiements serai forger sa gloire… Cela serait criminel de ma part que j’autorise une chose pareille !

Quand on parlait du loup… Isabeau réprima un sourire, commença à y voir légèrement plus clair. Molière savait donc qu’elle connaissait Racine, or elle soupçonnait leur rivalité bien trop forte pour qu’il se prenne d’envie de sympathiser aussi rapidement avec une amie de son pire ennemi. Et vu la tête qu’il tirait, il ne le portait vraiment pas dans non cœur lui non plus ! Elle décida donc de le pousser un peu plus dans ses retranchements, à titre de vérification. Juste pour voir. Non vraiment, elle n’était pas du genre à se rire de l’embarras d’autrui… Et si c’était le cas, elle saurait de toute façon très bien le cacher, n’est-ce pas ? Et effectivement, une dernière pique mit le dramaturge dans tous ses états… Que même elle n’avait pas soupçonné !

-Peste ! Diable ! Bouffre ! fit-il en tapant du pied, si bien qu’elle ne put s’empêcher de sursauter de surprise. Vous êtes blessante, madame. Très bien ! Je serai franc : je suis venu simplement pour vous inviter au théâtre. Rien de plus, rien de moins. VOILÀ !

Les yeux agrandis par l’étonnement, Isabeau l’observa et faisait les cent pas d’un air affreusement vexé, tout en hésitant entre l’envie pressante d’éclater de rire et celle d’essayer de le calmer. Il ne manquerait plus que ses exclamations tonitruantes alertent les clients et les gardent sur le pas de la porte ! Prise entre deux sentiments contradictoires, elle resta donc immobile, les mains jointes comme pour s’empêcher de croiser les bras comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’elle était face à une situation qui la laissait perplexe. Et de fait, Molière la laissait perplexe. Que lui voulait-il donc exactement, ce drôle d’individu ? Après avoir déployé de si beaux efforts pour lui parler de beaux sentiments, ce revirement soudain après quelques piques ? C’en était presque décevant.

« C’est l’âge, n’est-ce pas ? Il me semble pourtant que je tiens la forme… » marmonna-t-il alors qu’elle se mordait la lèvre pour ne pas rire. Diable, le grand Molière était-il réellement en train de s’inquiéter de ses charmes ? La situation était encore plus cocasse que ce qu’elle avait prévu en lançant ces petites provocations. « Ou alors est-ce parce que je suis marié ? Enfin…presque… Mes mots ont dépassés mes paroles ! » s’empressa-t-il d’ajouter en constatant l’expression de surprise qui était passé sur le visage d’Isabeau. Marié ? Baissant les yeux, elle constata qu’effectivement il portait une alliance ; quelle idiote elle était de ne pas l’avoir remarqué plus tôt ! Si ses joues rosirent légèrement, c’était plus de frustration face à sa propre lenteur d’esprit que d’embarras. Et lui alors, il s’amusait donc à charmer de jeunes femmes en étant marié ? Mais il avait dit presque… Qu’est-ce que tout cela cachait donc ? se demanda-t-elle en le dévisageant avec une légère pointe de méfiance mêlée de curiosité.
-Ou le fait que j’apprécie les jeunes et jolies femmes ? N’allez surtout pas croire que je suis de ceux qui traitent les dames comme de vulgaires bêtes de bétail ! Mais… N’ai-je pas le droit d’apprécier la compagnie d’une âme vive et fraiche plutôt que celle d’une vieille chouette rabougrie ?... Aaaah je m’égare.

A sa grande honte, Isabeau ne put se retenir de rire. L’aplomb retrouvé de Molière (ou faisait-il semblant ?) et sa formulation avaient eu raison de son faux sérieux, et surtout, l’imaginer, lui qui semblait déborder de vitalité et d’énergie, marié à une vieille chouette rabougrie et ennuyeuse avait quelque chose de hautement comique. Il l’imaginait parfaitement essayer d’intéresser sa femme (qu’elle imaginait donc vieille et triste comme la pierre) au théâtre et ne se heurter qu’à un mur ou à un « va plutôt à l’Eglise te confesser ! » autoritaire. Probablement très caricatural et complètement faux, mais l’image l’amusait beaucoup.

« Mon pauvre ami, vous avez l’air bien malheureux en effet. Je ne sais qui de votre grand âge ou de votre vieille chouette rabougrie m’a fait le plus rire mais soyez sûr que vos terribles malheurs feraient de très bons sujets de comédies – mais je suis sûre que vous y avez déjà pensé. » remarqua-t-elle en souriant.
-Qui rie d'autrui doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui… C’est moi qui l’ai écrit… Je devrais le savoir !»
« Vous aviez peut-être besoin que quelqu’un vous le rappelle, et si j’ai pu vous rendre service vous m’en voyez ravie. » répondit-elle en repassant derrière son comptoir comme pour signifier que la joute verbale était effectivement terminée. Et de fait, il semblait bien qu’elle avait remporté la victoire. Non seulement elle l’avait pris au dépourvu, mais il l’avait poussé à lever un peu le voile sur ses véritables intentions. Ainsi il s’était ri d’elle ? Alors qu’il soupirait et s’appuyait contre un meuble en essayant visiblement de rassembler ses pensées, elle l’observa comme pour essayer de le sonder. Qu’avait-il cherché à faire exactement ? Une plaisanterie ? Dans quel but ? Mais elle n’eut pas besoin de s’interroger bien longtemps, la réponse vint d’elle-même :

« J’espère que vous ne m’en tiendrez point rigueur, Mademoiselle… Ah ! Les querelles d’artistes Quelle plaie ! J’ai fait cela uniquement dans le but d’agacer ce gringalet. C'est bien ma seule distraction en ce moment. »

C’était donc ça ! songea Isabeau en replaçant deux pots dans leurs étagères derrière elle. Brièvement, très brièvement, elle ressentit une pointe de déception – et se morigéna intérieurement pour cela ; toute cette histoire n’avait été orchestrée que dans le but d’enquiquiner son cher Racine… En passant par elle pour l’atteindre ? Un bref sourire passa sur ses lèvres, alors qu’elle songeait que c’était là un procédé bien étonnant. Après tout, Racine était à la guerre, et elle, elle n’était pas sa maîtresse. S’il voulait vraiment lui taper sur les nerfs, il faudrait trouver plus efficace que ça.

« Vous lui direz, n’est ce pas ?...» reprit Molière en lui dédiant un sourire facétieux, comme un gosse qui espère bien que son père apprendra la dernière bêtise qu’il a faite.

Refusant de répliquer immédiatement, Isabeau lui lança un regard mi-amusé mi-réprobateur et disparut dans l’arrière-salle, pour en revenir quelques secondes plus tard avec deux verres et une bouteille de vin qu’elle et gardait pour ses employés pour les jours où les chiffres étaient particulièrement bons. En ces temps de guerre, ces jours de fête étaient rares. Alors pourquoi ne pas profiter de cette surprenante occasion ? Au moins pourrait-il se consoler d’avoir échoué dans sa belle entreprise, et elle pourrait se féliciter d’avoir su déjouer ses tours.

« Rassurez-vous, c’est du vrai vin, pas une étrange potion d’apothicaire. Pour vous consoler de votre tentative ratée. » dit-elle un peu moqueuse. « Même si vous le mériteriez presque. Tout ce cirque pour jouer un mauvais tour à Racine, je ne sais si je dois vous en vouloir d’avoir tenté de faire de moi le pauvre instrument de votre revanche ou vous féliciter pour votre imagination. » ajouta-t-elle en lui tendant un verre rempli.

Rangeant la bouteille sous le comptoir, Isabeau but une gorgée de vin avant de croiser les bras, jouant à faire tourner le liquide dans son verre sans lâcher son interlocuteur du regard, le jaugeant alors qu’elle se demandait comment il convenait de réagir. Elle pourrait très bien le mettre à la porte. Elle en avait tous les droits après tout, il avait essayé de la manipuler et de jouer avec elle uniquement pour une querelle puérile avec Racine ! Et eusse-t-elle été plus naïve, elle serait peut-être tombée dans le panneau. Quand on y réfléchissait, c’était une démarche méchante qui aurait pu se terminer beaucoup moins bien. Mais Isabeau était une grande fille, Isabeau gardait la tête froide ; et maintenant, Isabeau se demandait qui elle avait en face d’elle, alors qu’elle observait cet homme sensiblement plus âgé qu’elle, mais dont les yeux semblait avoir vingt ans tout au plus.

« Et ne vous inquiétez pas, je lui raconterai. Juste pour le plaisir de lui décrire votre tête de tout à l’heure. Je suis sûre que ça lui fera très plaisir. » poursuivit-elle en souriant, même si cela lui rappelait qu’elle n’allait sûrement pas le revoir de sitôt… Cela dépendrait des conflits et des désirs du roi. Mais elle garda bien cette pensée pour elle, s’il se réjouissait de l’absence de Racine devant elle, elle était nettement moins sûre de ne pas le mettre à la porte. « Ne boudez pas, considérez juste ça comme ma petite revanche. J’en ai bien le droit, vous avez essayé de faire de moi votre marionnette, avouez que ce n’est pas très galant ! Cependant je veux bien vous pardonner, je reconnais que vous étiez particulièrement convaincant dans votre rôle. J’ai bien failli me faire avoir ! » reconnut-elle volontiers en reposant son verre sur le comptoir.

Et maintenant ? Allait-elle retourner à ses occupations et lui aux siennes comme si rien ne s’était passé ? C’était la conclusion qui semblait la plus logique, mais Isabeau n’en était pas satisfaite. C’était tout ? Quelques minutes distrayantes, puis plus rien ? Elle ne pouvait s’empêcher d’être… déçue, à cette idée. Ce n’était pas tous les jours qu’on frappait à sa porte pour lui faire une scène pareille. A vrai dire, ça n’arrivait jamais. Ses journées étaient rythmées par ses rendez-vous avec des clients, avec des partenaires, avec Loïc, et si elle n’aurait échangé sa situation pour rien au monde, il fallait reconnaître qu’il y manquait cruellement quelque chose.

« Je vous remercie quand même… pour avoir égayé ma journée. On s’ennuie fichtrement dans une boutique quand les clients se font rares et qu’il n’y a personne d’autre avec qui discuter. Je vous envie, vous et Racine, la vie de dramaturge doit être plus palpitante que celle de commerçante. » confessa-t-elle en jouant avec un bout de papier qui traînait là. Ca lui faisait mal de le reconnaître, après tous les efforts qu’elle avait fait pour en arriver là, mais parfois, elle s’ennuyait. Profondément. Et depuis que Racine était parti, c’était encore pire. La jeune femme esquissa un sourire contrit, puis releva les yeux vers Molière. « Je suppose qu’il est trop tard pour accepter votre invitation au théâtre, maintenant que les choses sont dites ? En tout bien tout honneur... C’est dommage, j’étais tellement curieuse de découvrir vos pièces, après avoir tant entendu Racine en parler… Si je ne vous ai pas trop vexé tout à l'heure, évidemment ! » dit-elle avec un sourire malicieux. Oui, elle voulait le dernier mot, et elle l'aurait !
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