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 Quand la souris se met à pourchasser le chat

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MessageSujet: Quand la souris se met à pourchasser le chat   Quand la souris se met à pourchasser le chat Icon_minitime28.03.13 23:43

Pour la dixième fois au moins depuis le début de la cérémonie, Émilie de Vendières se leva à contre-temps du reste de l'assemblée, s'attirant les regards désapprobateurs de ses voisins qui devaient penser qu'elle somnolait (ce qui était faux, son cher petit abbé, pourtant assis à ses côtés n'avait pas encore compris qu'il fallait la prévenir au moins deux minutes avant pour qu'elle puisse se préparer à sauter sur ses pieds – et vu la vivacité d'esprit des abbés dijonnais quand ils se sentaient dans leur élément ce qui leur arrivait rarement avec Émilie, il n'était pas gagné qu'il réalise la chose avant la fin de l'enterrement), puis elle s'effondra à nouveau sur son banc en poussant un soupir. Ce n'était quand même pas facile d'être un bon chrétien, ces cérémonies étaient longues, fastidieuses et surtout épuisantes, elle n'avait jamais compris quel intérêt les autres leur trouvaient. Quand il fallut psalmodier quelques phrases bibliques, Émilie récita les seules phrases latines qu'elle connaissait par cœur à savoir un traité d'histoire naturelle de Pline l'Ancien ce qui parut dérouter le petit abbé Malingre qui fit même l'effort de se pencher vers elle pour lui chuchoter :
- Méfiez-vous des versions jansénistes des Saintes Écritures, elles sont d'inspiration diabolique... Le père les a formellement interdites dans cette paroisse.
La dame de Vendières se fit la réflexion que Pline devait se retourner dans son tombeau à l'idée d'être qualifié de janséniste, ce qui, par la même occasion sauva la place de son cher abbé car elle en oublia de se demander ce qu'on pouvait bien apprendre au séminaire si même le latin n'était plus au programme. Néanmoins, elle préféra faire du play-back pour les longues minutes qui restaient ce qui lui permit de profiter pleinement de son temps libre pour admirer le crucifix sanguinolent qui surplombait l'autel (les Chrétiens étaient des gens bien morbides, elle se félicitait de ne pas avoir ce défaut) et des toiles sur les murs, mettant en scène la vie de Jésus (elle le reconnaissait sans problème, ce qui lui donna un regain de fierté même si c'était bien le seul). Sur l'une d'elle, il se dépouillait de ses vêtements, ce qu’Émilie jugea fort osé dans le temple de la vertu d'autant plus qu'elle était suivie, dans le cycle, d'une consolation à de nombreuses jeunes femmes éplorées. Malheureusement pour eux, l'enterrement se termina sans que le Christ ne leur apparaisse dans un éclair divin (dommage, Émilie en aurait profité pour réviser son opinion sur l'inanité de ces croyances), si bien que les dames, aux dernières paroles du prêtre, étaient toujours en train de sangloter.
- C'était terriblement émouvant, commenta l'abbé Malingre d'une voix étranglée en sortant un mouchoir de la poche de son éternel habit noir – deuil ou pas.
La dame de Vendières qui n'en était pas convaincue lui fit remarquer qu'il ne connaissait pas le pauvre homme que l'on mettait en terre cette journée-là et qu'il était gênant qu'il puisse pleurer plus qu'elle qui, en revanche, l'avait bien connu et savait assez qu'il avait été du genre, lors de la messe, à cacher ses ouvrages impies dans une reliure biblique pour ne pas être obligé d'écouter le prêtre. D'ailleurs, on avait oublié d'évoquer dans les hauts faits de sa vie sa bataille acharnée pour sauver le Tartuffe de Molière face aux dévots et à leur censure scandaleuse, bataille pendant laquelle il avait fait la connaissance d’Émilie. Le cher petit abbé, se disant que finalement le défunt ne méritait pas autant de compassion, sécha donc ses larmes, en omettant de répliquer que cela expliquait qu'on n'eût pas demandé à la jeune femme de préparer un éloge funèbre.

La petite foule des proches et les nombreux curieux sortaient petit à petit de l'église. Émilie qui tenait à échanger deux mots avec la veuve qui aurait pu être engagée pour jouer la Chimène du Cid de Corneille car elle n'aurait pas dénoté s'attarda un instant tandis que le bon petit abbé courait adresser des compliments au curé (sans doute existait-il une émulation entre gens d’Église pour savoir qui ferait le meilleur enterrement, à moins que le père ne fasse distribution de biscuits, Émilie n'imaginait pas un seul instant que son cher Malingre eût songé à trouver une autre place). Pendant qu'il occupait l'homme de Dieu, la dame de Vendières s'approcha de Chimène qui, en la voyant, tendit ses bras vers elle pour la serrer quelques instants contre elle avant de dire d'une voix plaintive :
- C'est une catastrophe, une catastrophe... Mon pauvre Antoine...
- Tout cela est décidément injuste, renchérit Émilie en regrettant de ne pas avoir de mouchoir à disposition pour être dans le ton, si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider, chère Élisabeth.
- Je suis contente que vous soyez là, affirma Chimène en baissant pudiquement les yeux, imaginez-vous ? Un assassinat en pleine rue de Paris alors qu'il avait tant de projets à mettre en œuvre (Émilie se rappela en effet d'un pamphlet contre l'archevêque Péréfixe) et tant d'années devant lui encore ! Il aimait sortir sans protection dans les rues de Paris...
Au ton de sa voix, la jeune femme comprit que cela avait été un sujet de dispute entre les époux. Au moins, du fond fond de son Limousin, Nicolas était bien en peine de lui faire une quelconque remarque sur ses déplacements.
- La police n'a pas trouvé le coupable ?
- Elle a mis cela sur le compte d'un gueux qui l'aurait tué pour le dépouiller, d'après le commissaire auquel j'ai eu à faire, cela est de plus en plus courant depuis ces derniers mois...
Soudain, Élisabeth Tournier s'interrompit comme si elle venait de voir quelque chose derrière son interlocutrice qui se retourna même pour constater que non, Jésus n'avait toujours pas daigné apparaître pour les consoler puis saisit le poignet d’Émilie :
- Je sais que ce n'est pas un vol, j'en suis certaine, Antoine se déplaçait toujours très simplement, il n'avait quasiment rien sur lui quand il est parti de la maison...
- Le voleur l'ignorait peut-être ? Suggéra Émilie.
- Il essayait de me le cacher mais il recevait des menaces de ses créanciers ces derniers temps car nous n'avions pu les moyens de les payer. Il était inquiet. Je vous en prie, madame, Antoine me disait qu'il avait toute confiance en vous et que vous meniez des enquêtes... Retrouvez l'assassin de mon mari. Car ce n'est pas à son argent qu'on en a voulu mais à sa vie !
Finalement, madame Tournier pouvait plus auditionner pour le rôle d’Émilie dans Cinna que pour Chimène, malgré les larmes, on sentait l'envie de vengeance qui perçait dans sa voix. Madame Colbert promit non seulement pour la mémoire de son ami mais aussi parce que ces histoires de dettes l'inquiétaient. Elle-même avait pris l'habitude de voir disparaître l'argent plus vite qu'il n'arrivait et elle ne tenait pas terminer dans une ruelle de Paris comme ce pauvre Tournier. Tant qu'à mourir, autant que ce soit de manière plus grandiose que pour une histoire de sous.

Abandonnant l'épouse qui sortait à son tour de l'église, Émilie se rendit auprès du cercueil, regrettant qu'il fut déjà fermé et qu'elle ne put pas autopsier le corps. Sentant le regard suspicieux d'un diacre sur elle, elle chercha un moyen de lui montrer qu'elle avait de pures attentions et posa une main sur son cœur avant de dire d'un ton solennel :
- Je vous promets de faire mon possible, Antoine, Entre nous, c'était stupide de sortir seul. Regardez-moi, j'ai toujours mon petit abbé et je sais qu'en cas de problème, il crie tellement fort que la moitié de Paris peut l'entendre. Surtout quand on est menacé et...
- Madame de Vendières, vous ne voulez pas dire adieu à ce pauvre homme ? L'apostropha la sirène d'alarme en question qui se trouvait debout auprès d'un autre cercueil toujours ouvert celui-là. Et disposé à l'endroit où il avait été durant toute la cérémonie.
Émilie, qui venait de parler à un cercueil inconnu, adressa un sourire innocent au diacre et fit volte-face pour rejoindre le petit abbé qui arborait un air réjoui, signe que sa conversation s'était bien passée. Le corps d'Antoine Tournier reposait dans la bière et on lui avait mis ses plus beaux atours comme si cela avait une quelconque importance pour lui désormais. Alors que le prêtre s'approchait pour fermer le couvercle, Émilie l'arrêta d'un geste à son grand déplaisir et lui demanda un instant pour écarter le col de son pourpoint. La plaie avait été lavée et refermée mais c'était bien là que l'assassin avait frappé. Émilie en demeura perplexe. C'était le genre de coup qui ne laissait aucune chance à la victime, qui demandait une grande précision et une lame de bonne qualité. Toutes les conditions étaient réunies dans le cas d'Antoine. Du travail de professionnel. Cette malheureuse Élisabeth avait peut-être raison. Avant que le curé puisse la tancer sur le respect dû aux morts, Émilie abandonna là le cadavre et sortit en entraînant l'abbé Malingre derrière elle. Une idée venait de la frapper.
- J'ai hâte de rentrer ! S'exclama la sirène d'alarme qui à défaut de voir venir les meurtriers signalait au moins l'heure des repas.
- Nous n'allons pas retourner tout de suite à l'hôtel, nous allons en profiter pour faire un petit détour.

***

Baptiste Malingre ne comprit ni comment ni pourquoi, au lieu de se retrouver devant une assiette de pois préparée par l'aimable cuisinière des Vendières, il débarqua au beau milieu de l'hôtel de police au Châtelet en compagnie d'une maîtresse beaucoup plus éplorée que pendant tout l'enterrement auquel elle avait assisté. Émilie avait jugé inutile de lui expliquer de quoi il en retournait et s'était contentée de donner ses ordres au cocher. Au début, il pensa qu'elle souhaitait simplement saluer monsieur de La Reynie, même si c'était une hérésie de faire cela au moment des repas, mais en arrivant au Châtelet, elle replaça sa voilette et trottina jusqu'à un exempt en service qui grignotait un bout de pain (au grand désespoir d'un abbé envieux) :
- Hello my dear, le salua-t-elle de la voix qu'elle prenait quand elle était mourante (preuve s'il en fallait une qu'elle jouait bien la comédie) et avec un accent à couper au couteau – elle n'avait jamais su parler anglais, je suis so sad, vous savez. Ma sœur, petite sister a disparu dans Paris, elle est sortie une nuit et n'est jamais rentrée, no, never come back.
Émilie s'était presque accrochée à l'exempt et versait quelques larmes pour être crédible.
- Quel est votre nom, ma pauvre dame ? Répliqua-t-il, déjà tout prêt à lui être utile.
- Mrs Galien Cholmondeley et lui, c'est mon cousin abbé, improvisa Émilie, je crains le pire pour elle, poor child. Elle était so nice and... Euh... preutti...
En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, l'exempt proposait à Mrs Cholmondeley de descendre dans les salles réservées aux corps trouvés dans Paris et qui attendaient patiemment qu'on vienne les identifier. Émilie connaissait fort bien cette pratique puisque c'était là qu'elle piochait ses cadavres pour ses dissections quand leur famille avait elle-même disparu. Aussi ce fut avec un intérêt non dissimulé qu'elle pénétra dans les lieux toujours flanquée de son cousin abbé, ce qui ne courait pas les rues en Angleterre et qu'elle passa de corps en corps pour retrouver sa « poor sister ». Profitant d'un instant d'inattention de l'exempt appelé à d'autres tâches de service public – sous le regard malheureux de celui du duo qui n'était pas content d'être là, l'Anglaise éplorée raconta en deux mots à son cousin ce qu'ils cherchaient : un corps avec une marque identique de celle d'Antoine au cou. Si son hypothèse se révélait juste, on tomberait forcément sur d'autres cas. Il ne chercha même pas à comprendre et avec une répulsion non dissimulée qui augurait mal des possibles futurs enterrements qu'il pourrait être amené à faire, il s'exécuta. L'exempt revint de temps en temps pour voir où ils en étaient, sans paraître remarquer qu'ils examinaient aussi bien les hommes que les femmes mais aucune trouvaille intéressante n'avait été faite. Émilie allait désespérer lorsqu'ils tombèrent sur un homme d'une quarantaine d'années dont la blessure correspondait exactement à la même description. Ce fut le cousin qui trouva cette « poor sister » barbue le premier et prévint une Mrs Cholmondeley ravie. Elle se pencha sur la blessure : elle ne pouvait avoir de certitude sans son microscope mais tout semblait correspondre.
- C'est un serial killer, souffla-t-elle dans la langue de Shakespeare, ravie de voir que son hypothèse se vérifiait.
Un assassin se promenait dans les rues de Paris pour égorger des personnes qui étaient les moins faciles à dépouiller, des hommes en pleine force de l'âge, sans nul doute sur ordre car ceux qui avaient l'argent se mêlaient généralement peu du sang, à l'exception notable des anatomistes. Il ne lui restait plus qu'à mettre la main sur lui. Le cousin n'avait visiblement pas fait le lien car il gardait un air perplexe.

- Vous avez trouvé, madame ? Demanda poliment l'exempt en revenant les voir, cette fois-ci armé d'un bout de fromage qu'il mâchait consciencieusement.
- Indeed, c'est lui, affirma Mrs Cholmondeley en pointant du doigt leur cadavre.
- Vous ne cherchiez pas votre sœur ? S'étonna le policier.
- Ma what ? Non non, vous n'avez pas compris, my brozeur. C'est lui, termina-t-elle en fondant en larmes (en désespoir de cause) sur l'épaule de son cousin qui ne savait plus où se mettre et qui se mit à lui tapoter le dos d'un air bien peu inspiré.
Fort heureusement, l'exempt, désemparé devant un tel chagrin et craignant que son Anglaise ne se transforme en fontaine ce qu'il aurait eu du mal à expliquer à ses supérieurs, ne posa pas plus de questions et en quelques instants, l'affaire fut bouclée. On identifia le cadavre comme celui de William Harvey (paix à à son âme), on donna une adresse pour l'expédier (Émilie se fit un plaisir de donner celle des Feuillantines de la rue Saint-Jacques) et mine de rien, on demanda comment ce pauvre Willy était mort. L'exempt l'ignorait mais voulut bien donner des détails sur l'endroit où on avait retrouvé le corps. C'était à proximité d'une taverne des Halles, un lieu fort mal famé. Sans se concerter, Mrs Cholmondeley et son cousin jetèrent un regard vers le mort en se demandant sur quel genre d'individu méprisable ils étaient tombés. Après avoir remercié plusieurs fois l'exempt, les Anglais décidèrent de vider les lieux de leur présence. Mais à peine étaient-ils remontés à la surface qu'ils entendirent une voix fort bien connue. La Reynie ! Pour le moment, il ne les voyait pas car il leur tournait le dos mais cette histoire sentait le roussi.
- Vous n'allez pas saluer monsieur le lieutenant de..., suggéra le cher abbé.
- No, c'est has been, trancha l'Anglaise qui n'avait aucune envie de s'expliquer sur les raisons de sa présence au Châtelet quand bien même cela manquait de savoir-vivre.
De toute façon, l'abbé Malingre ne fut pas difficile à convaincre, la perspective de rentrer enfin lui donnait des ailes car même un cadavre ne parvenait pas à lui couper l'appétit. Ils détalèrent comme des perfides Anglais, à temps car Émilie entendait Gabriel de La Reynie commencer :
- Une Mrs Galien Cholmondeley avec son cousin abbé a reconnu un corps ?
- Oui, William Harvey..., répondait l'exempt.
Et Émilie était quasiment certaine que La Reynie connaissait William Harvey. Ne serait-ce parce qu'elle lui en avait déjà parlé.

Ce ne fut que deux jours plus tard que la fine équipe put se rendre sur les lieux du crime de Willy comme le surnommait sa sœur de quelques minutes, Émilie ayant été retenue par des obligations versaillaises à son grand déplaisir. Le jour J, l'abbé Malingre la vit débarquer en cuisine avec des vêtements qui, sans être trop riches, n'en étaient pas moins voyants pour autant. Un large chapeau dissimulait presque son visage, Émilie était en effet persuadée que c'était là le secret d'un déguisement réussi. En bref, on la voyait à des lieues à la ronde. A regret, le cher petit abbé dut donc abandonner ses biscuits pour la suivre dans un quartier peu sympathique de Paris. Au moment où ils descendaient de voiture, l'abbé Malingre se dit qu'il aurait tout vécu avec sa maîtresse. Mais la dame de Vendières, chapeau vissé sur la tête, regardait à travers la foule de misérables et de poissonnières sans paraître spécialement effrayée alors qu'on la dévisageait sans vergogne. Néanmoins, elle poussa Baptiste Malingre devant elle pour lui servir de garde du corps. Quelque chose lui disait que l'autorité de l’Église impressionnait plus ces gens-là que la grandeur et la stature de la science qu'elle représentait. Quoique, en suivant la silhouette de son garde du corps, elle se fit la réflexion qu'à choisir, elle se trouvait plus effrayante que lui. Ils se perdirent dans des ruelles étroites, bien médiévales et peu entretenues (Émilie nota mentalement de demander à La Reynie de s'occuper de tout cela et d'aller se plaindre à son beau-frère du manque d'intérêt du pouvoir mais ce problème des rats à Paris) et durent demander leur chemin à une poissonnière qui voulut d'abord leur vendre du poisson avarié (du moins il sentait fort mauvais) puis accepta de leur indiquer la taverne en question contre une pièce déposée dans sa main par un garde du corps tremblotant. Bientôt ils furent devant l'établissement quasiment désert en cette heure-là. Si désert qu'ils ne virent personne en entrant. Mais un bruit de porte claquée dans leur dos fit violemment sursauter Émilie qui se retourna pour demander d'un ton de défi :
- Qui êtes-vous, que faites-vous ici et à qui ai-je l'honneur ?
- Du calme, ma petite dame (cette appellation fit plisser les sourcils de la jeune femme qui n'avait pas l'habitude de se faire qualifier ainsi), je suis le propriétaire de la taverne. Qu'est-ce que vous me voulez ?
Émilie se détendit et lui expliqua en quelques mots l'histoire du cadavre que l'on avait retrouvé non loin :
- Ah oui, ce pauvre bonhomme. Il sortait de chez moi, il avait une ardoise, le vieux, quand est-ce que je vais être remboursé ? Par vous ? Vous êtes sa famille ?
- Vous avez vu quelque chose après qu'il soit sorti de chez vous ?
- Ouais, il a été rejoint par un homme grand, aux cheveux rasés de près, un peu grosse brute vous voyez. Les traits abrupts, je crois que je l'avais servi plus tôt dans la soirée, il avait un accent bizarre, allemand je crois bien. Mais ça veut dire que je vais avoir mon argent ?
Émilie, ravie de ces informations, consentit à lui donner une adresse où il pourrait quémander ses dettes (les Feuillantines seraient ravies de le recevoir) puis elle décida de rentrer chez elle, forte de ces informations. Elle avait beau être proche du peuple, elle avait ses limites et l'odeur de poisson en était une.

Certes, les indications étaient minces et la piste faible mais Émilie était certaine que tout cela était solide et qu'elle pourrait remonter jusqu'à l'assassin. Elle ignorait encore que lui l'avait déjà débusquée.
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Tobias Jaeger


Tobias Jaeger

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Boah le mien, je m'en fiche un peu! Par contre, j'aime tenir celui de mes ennemis entre mes mains. Littéralement!
Côté Lit: Même s'il y a moins de mondes que dans ma jeunesse, je suis un hôte plutôt accueillant de ce côté-là. Sans non plus tout le temps rechercher de la compagnie: l'âge venant, j'aime mes petites soirées de repos!
Discours royal:



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MessageSujet: Re: Quand la souris se met à pourchasser le chat   Quand la souris se met à pourchasser le chat Icon_minitime07.04.13 15:37

Si Tobias aimait les nouveaux contrats – cela voulait dire que son affaire marchait bien et qu’on était satisfait de ses services, quoi de plus gratifiant pour un commerçant ? – par contre, il devait souvent passer par le même spectacle pénible. Et ce cas-ci n’échappait pas à la règle. Un homme sec et guindé s’était présenté au Lion d’Or, avait demandé après un certain « monsieur Jaguère » et avait été emmené devant Tobias.

- J’aurai un petit travail pour vous…
- Je vous écoute, avait grogné Tobias d’un ton bourru.
- Eh bien voilà, mon maitre a quelques petits problèmes avec un homme. Un monsieur qui devrait normalement être tout à fait comme il faut mais il se trouve qu’il aime se mettre dans les problèmes. Et surtout, mettre les honnêtes gens dans les problèmes. Mon malheureux maitre n’aime pas l’idée d’avoir recours à de telles extrémités mais c’est la seule solution qui nous est apparue car cet homme refuse d’entendre raison.

Tobias s’impatienta. Il avait l’habitude de ce genre de discours : les clients arrivaient et lui expliquaient que ce n’était pas leur genre mais que la future victime n’en était pas vraiment une puisqu’elle méritait vraiment ce qui allait lui arriver. Qu’ils avaient bien essayé de lui éviter cela mais qu’elle avait tout fait pour finalement se faire tuer. Cette façon de vouloir se donner bonne conscience avait le don d’énerver Tobias.

- Oui ? grogna-t-il pour encourager son client.
- Eh bien, répondit celui-ci d’un air peu assuré, donc voilà, il s’agit d’un monsieur Tournier. Antoine Tournier. Il a emprunté de l’argent à mon maitre, beaucoup d’argent. Il ne faisait plus que s’endetter, voilà plus d’un an qu’il devait une fortune à mon maitre.
- Vous voulez que je l’achève ou que je le houspille un peu ? demanda en toute logique Tobias. Parce que mort, il risque pas de vous payer de sitôt…

Cela pouvait paraître totalement idiot comme question hors Tobias s’était mainte fois retrouvé face à des créanciers qui voulaient éliminer un mauvais payeur et, une fois le travail fait, s’était brusquement demandé comment ils allaient être régler désormais. Quand on est créancier, on ne tue pas ses débiteurs : on leur fait peur pour qu’il s’imagine qu’il va être tué s’il ne paye pas mais on ne va jamais jusqu’au bout. C’était une des bases du métier et s’il y avait une chose que Tobias connaissait bien, c’était son métier.

- Nous y avions pensé monsieur Jaguère, reprit le petit homme d’un ton aussi sec que son apparence. Seulement ce n’est pas tout : ce monsieur Tournier avait tendance à écrire des pamphlets, de véritables horreurs ! Eh bien, pour essayer d’échapper à sa dette, il en avait écrit un contre mon pauvre maitre. Et menaçait de le publier si jamais il y avait des représailles contre sa personne !
- Foutredieu, voilà un homme idiot ! commenta Tobias en levant les yeux au ciel.
- Mais oui, s’écria le petit homme faisant fi du blasphème tant il était soulagé qu’on comprenne le bien-fondé de sa cause. Si nous nous contentons de lui faire peur, mon pauvre maitre serait perdu. C’est pourquoi, il ne nous laisse pas d’autre choix que de le tuer. Et, ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas ses seuls créanciers, sa mort ne semblera pas suspecte ! Il avait beaucoup d’ennemis !
- Ne vous en faites pas pour ça, j’ai l’habitude : avec le vieux Tobias, il n’y pas de traces ! le rassura le bavarois.

Grave erreur. Pour une raison qui échappait totalement au colosse, cela ne posait aucun problème de conscience aux clients de venir louer les services d’un sicaire mais de savoir qu’il était habile et expérimenté, cela gênait. Comme s’ils auraient préféré se trouver en face d’un novice que le meurtre répugnait. C’était encore une phase du spectacle que Tobias détestait tant !

- Comment vous y prenez-vous pour ne pas laisser de traces ? demanda le client en essayant de reprendre contenance.
- Je fais croire à un vol, annonça Tobias avec fierté !

C’était une méthode simple mais très efficace : non seulement il ne s’était jamais fait prendre mais en plus, on n’avait jamais compris le véritable mobile du meurtre. Mais, encore une fois, il eut droit au troisième acte du spectacle tant détesté :

- Vous voulez dire que vous détroussez son cadavre ? demanda le client d’un air choqué.

Oui car les clients trouvaient qu’il était parfaitement normal de commanditer un meurtre mais de détrousser son cadavre – alors que s’il y en avait bien un qui n’aurait plus besoin de ses économies, c’était bien le macchabé – là, c’était vraiment mal ! Tobias répondit d’un hochement de tête exaspéré qui coupa l’envie à son client de répliquer et lui annonça froidement :

- Bon alors, pour le payement c’est la moitié maintenant et le reste quand le travail est fait. Je vous enverrais chercher. Dites-moi où je peux trouver notre ami Tournier et comment le reconnaître.

*******************************************************

Le bavarois se rendit dans un quartier de Paris rempli où il ne mettait d’ordinaire jamais les pieds, sauf pour le travail. Il est vrai qu’il s’agissait du rendez-vous des hommes de bonne famille désargenté ou en quête de frissons parmi la populace. Souvent, bien mal leur en prenait, Tobias était bien placé pour le savoir, il avait molesté la plupart d’entre eux. Il se rendit dans la taverne indiquée par le client et s’installa dans un coin avec une pinte. Quand il était en service, Tobias ne se faisait pas trop remarqué, il se contentait de boire et d’observer même si l’envie le démangeait de participer aux ripailles qui avaient lieu aux alentours. Mais, en véritable professionnel, il attendit de voir apparaître le sieur Tournier. Le bonhomme avait l’air plutôt sympathique. Il s’assura auprès d’un client qu’il s’agissait bien de son gars – précaution devenue indispensable depuis la fois où il s’était trompé de cible, quelle pagaille pour remettre de l’ordre dans tout ça ! Mais il avait finalement tué le bon sans demander sa prime, après tout, il avait gâché le travail, il fallait être honnête – et se dit que c’était bien dommage de devoir le tuer. Ils auraient pu rigoler ensemble. Quand il quitta finalement la taverne, Tobias régla rapidement son compte et le suivit dans la rue. Il rejoignit le type en quelques enjambées et, après avoir vu qu’ils étaient seuls, l’attrapa par le col et le traina dans une ruelle. Le pauvre était tellement ivre que c’était facile.

- Vous venez de la part de mes créanciers ? demanda Tournier.
- Oui ! grogna Tobias.
- Oh si vous pouviez simplement éviter mon visage et mes mains, je ne voudrais pas que ma femme s’inquiète.

Il ferma les yeux, prêt à recevoir les coups, sûr que l’alcool le préserverait de la douleur.

- Je ne vais pas toucher votre visage, promit Tobias, vous ferez un bel ange.

Le pauvre Tournier eut à peine le temps de comprendre qu’il allait mourir que Tobias dégainait son couteau et l’égorgeait proprement. Il travaillait rapidement, on ne faisait pas souffrir inutilement une victime – sauf demande du client, avec le vieux Tobias, le client était toujours roi – ça faisait désordre. Il soupira en se disant que c’était vraiment dommage, trouva sa bourse, plutôt légère, et quitta le quartier. Peu de temps après, il fit avertir son client que c’était fait, se fit payer son dû, donna l’argent de la bourse aux prostituées qui fréquentait le Lion d’Or, elles en avaient bien besoin, et passa à autre chose.

*******************************************************

Le hasard voulu que Tobias ait deux contrats dans la même taverne, deux fois en l’espace de huit jours. Il n’aimait pas cela, il ne s’était pas passé assez de temps pour ne pas être reconnu. Il voulut donc de reporter un contrat mais les clients étaient plutôt pressés, l’affaire devait être réglée au plus tôt. Il s’y rendit donc cette fois avec un capuchon sur la tête. Alors qu’il sirotait sa pinte de bière tout en repérant sa future victime de loin, le tavernier vint le voir.


- Ah ben vous avez bien du culot de revenir ici ! Je ne veux pas de voleurs chez moi !

Tobias fit brusquement tombé son capuchon et se releva de toute sa hauteur pour toiser le tavernier d’un air féroce.

- C’est moi que tu traites de voleur ?

Le tavernier devint blême et, prudemment, recula. Tobias se leva d’un bond, attrapa le malheureux homme et le plaqua au mur tandis que le reste de la salle se taisait.

- Ne t’ai-je pas régler chaque pinte – pourtant infecte – que j’ai eu le malheur de boire ici ?
- Si, bien sûr monsieur mais…
- Alors foutredieu, pourquoi me traites-tu de voleur ?
- Non, pour rien, c’est une affreuse méprise…
- Une méprise ? Une méprise ? rugit Tobias.
- Oui, c’est rien, juste…c’est cette dame qui vous a accusé d’être un détrousseur de cadavres !

Un silence d’effroi parcourut la taverne. L’instinct de Tobias lui fit savoir qu’il jouait gros et qu’il devait à tout prix dissiper les soupçons.

- Moi je détrousse les cadavres ? Moi, je détrousse les cadavres ?

Il prit immédiatement l’assistance à partie :

- N’ai-je pas la mine honnête d’un bon commerçant ?

Il prit un air si bonhomme qu’ils éclatèrent tous de rire. Soulagé, Tobias se tourna à nouveau vers le tavernier :

- Et c’était qui, cette dame ?
- Je ne sais pas, une bourgeoise flanquée d’un abbé, elle a posé plein de question sur le pauvre bougre qu’on a trouvé à côté alors moi, je l’ai crue !
- Ah parce que tu fais confiance aux femmes toi ? Foutredieu, voilà un homme perdu !

L’assistance éclata à nouveau de rire. Bien, personne ne semblait croire à cette histoire de détrousseur mais c’était foutu pour son affaire.

- Allez, c’est oublié, dit-il en le relâchant. Et sers un peu de cette pisse que tu appelles bière à moi ainsi qu’à mes amis.

Il se fit acclamer tandis qu’il s’asseyait à table. Il allait trouver autre chose pour atteindre sa cible. Mais le plus urgent était d’en savoir plus sur cette femme. Cette garce avait vraiment l’air dangereuse. Tobias devrait la poursuivre sans relâche jusqu’à ce qu’elle se décide de se mêler de ses affaires ! Quand il rentra au Lion d’Or, il demanda à Gudrun :

- Toi qui sais toujours comment faire parler les clients, je veux tout savoir sur une bourgeoise qui pose des questions bizarres. Elle se promène dans les lieux mal famés en trainant un abbé avec elle !

Une partie dangereuse venait de commencer…
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