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| L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] | |
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| Sujet: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 09.12.12 0:22 | |
| « Eh ben, foi d’Pelot, c’est pas un temps à mettre la trogne dehors ça ! » « J’vous l’fais pas dire, mon gars. Sûr que c’est l’bon Dieu qui nous fait signe ça. Faudrait pas qu’ça détruise les récoltes quand même… »
Les commentaires allaient bon train sous le porche de l’auberge où Isabeau s’était abritée avec quelques autres personnes quand la vie diluvienne s’était tout à coup abattue sur la ville. Cela faisait bientôt quinze bonnes minutes maintenant qu’ils étaient tous coincés sous cet abri de fortune s’ils ne voulaient pas finir trempés de la tête aux pieds et attraper la première crève qui passerait par là et les achèverait, avec le peu de soins dont ils disposaient tous depuis que le roi Louis avait décidé de se désintéresser de sa capitale pour se cloîtrer à Versailles et sa cour papillonnante. L’aubergiste sortit de son établissement et, découvrant cette dizaine de personnes amassées sur son parvis, les invita à entrer en leur proposant une ristourne « parce que c’est pas humain d’rester dehors par c’temps-là ». La réponse ne se fit pas attendre et les hommes bien heureux d’une telle aubaine se ruèrent à l’intérieure, laissant dehors une ou deux femmes en plus d’Isabeau, qui s’adossa au pilier et croisa les bras sur sa poitrine en soupirant. Comme si elle avait du temps à perdre avec une averse qui s’éternisait ! Elle n’en avait pas pour elle, alors en avoir pour une météo désastreuse… C’était hors de question ! Elle hésita encore un instant, jetant un coup d’œil à sa tenue. Dire qu’elle s’était bien mise exprès ce matin pour son rendez-vous chez la baronne… Une robe simple, mais élégante, les cheveux relevés avec soin, elle avait tout de la petite bourgeoise qu’elle était devenue ce qui lui semblait hier encore, ce qui expliquait peut-être qu’elle n’était pas encore à l’aise avec cette nouvelle apparence. Elle avait beau avoir passé quelques temps en Nouvelle-France, bien mariée à un luthier qui n’avait aucun problème d’argent, il lui semblait sentir encore les haillons rêches de ses années parisiennes sur sa peau et la faim lui tenailler le ventre alors qu’elle mangeait parfaitement à sa faim, en témoignaient les quelques kilos qu’elle avait pris et qui avaient redessiné sa silhouette autrefois effroyablement maigre. Oui, la petite Isabeau avait bien changé depuis, mais lorsqu’elle croisait son reflet dans un miroir c’était toujours son visage d’avant qu’elle voyait en premier… Un caprice de la mémoire et de l’imagination, certainement. Relevant les yeux vers le ciel, elle constata au vu des lourds nuages gris que la pluie n’était pas prête de s’arrêter et décida que, puisque son rendez-vous était de toute façon passé, elle rentrerait à l’atelier vaille que vaille ! Son visage prit une expression de ferme résolution et, soulevant légèrement ses jupes pour ne pas se prendre les pieds dedans en courant, s’élança sous le déluge. Aussitôt trempée comme une soupe, elle cavala dans les rues presque à l’aveuglette la vue obstruée par la pluie qui lui coulait dans les yeux, ses mouvements entravés par sa robe détrempée et n’entendant que le « splash ! » de ses chaussures dans la terre chargée d’eau. Maintenant plus moyen de faire marche arrière, il fallait courir, courir le plus vite possible ! Sans s’arrêter, elle s’essuya les yeux du revers de la main et s’aperçut qu’elle avait trois gamins qui galopaient à ses côtés, l’air hilares, et ne put s’empêcher d’éclater de rire aussi. Pourvu qu’aucun client n’arrive au moment où elle rentrerait à la boutique !
Lorsqu’elle arriva dans sa petite boutique de vêtement qui devait bientôt subir quelques agrandissements d’ailleurs, elle était aussi trempée que si elle avait fait un plongeon dans la Seine, un comble pour elle qui n’avait jamais appris à nager. Elle claqua la porte derrière elle et s’y adossa, s’autorisant enfin à reprendre sa respiration. Quelle course mes enfants ! Elle laissa échapper un long soupir et s’aperçut qu’elle grelottait de froid dans ces vêtements désormais hors d’état de nuire… ou d’être portés. Hésitant un court instant, elle constata qu’il n’y avait de toute façon personne –Dieu soit loué, voilà qui n’aurait pas été très professionnel !- et rouvrit brièvement la porte pour tourner le petit écriteau qui indiquait maintenant qu’elle était fermée. Ce ne serait que pour dix petites minutes après tout, le temps de redevenir présentable ! Aussitôt elle courut à l’étage où elle savait pouvoir trouver des modèles de robes invendus, sélectionna la plus sobre et la déposa à côté avant d’entreprendre de se débarrasser de celle qui lui collait affreusement à la peau. Attrapant un torchon qui traînait là –pourquoi traînait-il là d’ailleurs ?- elle enveloppa dedans ses cheveux qui gouttaient partout sur le sol et ses épaules, la transformant un peu plus en glaçon ambulant à chaque seconde. Vite vite, elle enfila son autre robe, plus chaude et surtout sèche ! Tout de suite plus à l’aise, elle acheva de se sécher sommairement les cheveux et les attacha avec une pince pour ne pas paraître trop désordonnée, avant de s’enrouler dans un châle pour un peu plus de chaleur et laissa là ses affaires pour redescendre. Pas le temps de souffler, il fallait retourner travailler ! Les clients n’attendraient pas, eux ! Requinquée par la perspective de s’occuper, elle ouvrit de nouveau la porte, retourna l’écriteau pour qu’il indique de nouveau ouvert et referma pour ne pas laisser entrer le froid. Et maintenant, il n’y avait plus qu’à trouver quelque chose à faire… Ce qui ne manquait pas dans ce magasin où elle travaillait seule tous les lundis, comme aujourd’hui. En attendant les clients, et surtout leurs femmes, elle s’installa dans un coin de la pièce pour continuer de travailler sur un modèle qu’on lui avait commandé la semaine précédente. Autant prendre un peu d’avance, ce serait toujours ça de gagné…
Une petite heure s’était écoulée et deux clientes avaient pointé le bout de leur nez quand la porte s’ouvrit pour la troisième fois alors que sa dernière cliente sortait. L’homme laissa sortir la femme en lui tenant la porte, puis s’engouffra à son tour dans la petite boutique et referma la porte derrière lui. Tout de suite, l’œil exercé d’Isabeau comprit qu’il ne s’agirait pas d’un client habituel. Les hommes qui venaient sans leur femme dans une boutique apparemment spécialisée en couture féminine ne couraient pas les rues à Paris ! Une lueur de curiosité dans les yeux, Isabeau se leva donc de son établis et alla avec un sourire confiant vers le nouvel arrivé qui jetait des regards inquisiteurs autour de lui.
« Bonjour monsieur, et bienvenue dans notre boutique. Voulez-vous que je vous débarrasse de votre manteau ? Je vois que vous n’avez pas été épargné par la pluie vous non plus, il serait dommage que vous attrapiez mal ! » proposa-t-elle sans se départir de la courtoisie qu’elle avait appris à maîtriser comme une langue maternelle depuis qu’elle avait commencé à travailler avec Théophile en Nouvelle-France. Elle prit le manteau trempé que lui tendait son inconnu et alla l’accrocher dans une pièce adjacente pour le laisser sécher pendant qu’elle s’occuperait de lui. En retournant dans la pièce principale, elle détailla rapidement son nouvel interlocuteur. Il était grand et solidement bâti, comme quelqu’un qui avait depuis longtemps roulé sa bosse, mais il avait dans les yeux cette étincelle d’intelligence qui suggérait qu’il n’était pas qu’un homme de muscles. Il avait l’air austère et elle pouvait voir des petites rides creusées non pas par l’âge mais plutôt par les soucis entre les yeux. Soit ce monsieur n’avait pas une vie de tout repos en ce moment, soit c’était quelqu’un avec de hautes responsabilités, elle en aurait mis sa main au feu ! Il avait l’air respectable, en imposait. Bref, c’était quelqu’un qui connaissait sa valeur et savait certainement se faire respecter des autres. Il l’intriguait de plus en plus, mais elle n’en laissa rien paraître et reprit son attitude de petite commerçante.
« Je me présente, Isabeau Lacassagne, gérante de ce magasin, à votre service monsieur. J’ai bien peur qu’il n’y ait que moi aujourd’hui, mes couturières ne reviendront que demain mais je suis aussi qualifiée qu’elles et elles sauront parfaitement reprendre vos instructions que je leur aurai laissées. Alors, en quoi puis-je vous être utile ? » demanda-t-elle en lui présentant le fauteuil réservé aux clients. Elle ne savait pas encore que ce n’était pas de sa couture dont il avait besoin… Et que ce n’était d’ailleurs pas Isabeau « Lacassagne » qui l’intéressait.
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| | | Gabriel N. de la Reynie
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!Discours royal:
Justicier en chef La perfection au masculin
► Âge : 41
► Titre : seigneur de la Reynie, lieutenant général de police
► Missives : 260
► Date d'inscription : 26/10/2012
| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 26.12.12 16:51 | |
| - Oh monsieur, vous avez encore travaillé toute la nuit ! C’est pas Dieu possible de faire ça, vous allez finir par attraper mal !
Gabriel sursauta, ses parchemins couverts d’encre frais étalés devant lui. Comment se pouvait-il qu’il soit déjà le matin, il faisait sombre comme en pleine nuit. Pourtant, un coup d’œil par la fenêtre indiqua au tout nouveau lieutenant de police que le jour s’était levé mais caché derrière une épaisse couche de nuages. C’était une journée de pluie qui s’annonçait.
- Ne t’en fais donc pas pour moi Fleurette, dit-il, il me fallait simplement terminer cette affaire ! - Y’faut toujours que vous terminiez une affaire, monsieur ! Un jour, vous finirez par tomber raide mort à travailler comme ça !
Gabriel n’aimait pas les débats stériles, aussi ne répliqua-t-il pas ! En réalité, il n’avait pas travaillé sur une affaire mais sur une idée nouvelle. Voilà seulement un mois qu’il était installé dans sa nouvelle charge et tout en mettant de l’ordre parmi ses hommes, il organisait sa nouvelle méthode de travail afin de faire en sorte que son système soit le plus efficace d’Europe. Plus par perfectionnisme que par orgueil : il était déjà fier de ce qu’il avait mis en place avec Colbert, mais il partait du principe que tout pouvait être amélioré. Il déjeuna donc rapidement, fit ses ablutions et mis un costume propre tout en réfléchissant encore et toujours à son idée.
La veille, une servante hystérique avait débarqué dans le tout nouvel hôtel de police hurlant qu’ils ne faisaient rien concernant les disparitions de très jeunes enfants, jusqu’à ce que les cadavres de ceux-ci soient retrouvés égorgés à divers endroits de Paris. Gabriel ne pouvait pas vraiment lui donner tort, cela commençait à bien faire ! Seulement, tout en écoutant les revendications de la jeune femme, il s’était dit qu’il lui fallait des yeux et des oreilles dans chaque coin de sa juridiction. Il ne pouvait pas être partout à la fois et même avant qu’il ne devienne lieutenant de police, on le savait proche de la Cour, on se défiait donc naturellement de lui et il ne recueillait pas la moindre petite confidence. La Reynie avait donc proposé à la servante, une certaine mademoiselle Langlois, de devenir l’une de ses espionnes. Il lui avait promis des structures claires quant à son statut, mais elle ne devrait rendre de comptes qu’à lui.
Il venait donc de passer la nuit à imaginer son système. Il avait même imaginé une nouvelle appellation pour ses espions privés : les mouches, ceux qui iraient renifler les déchets, lui laissant les mains propres mais une parfaite liberté d’action. Seulement, si Gabriel avait quelques défauts, la bêtise n’en faisait pas partie : il savait qu’il devrait chaque fois leur offrir une contrepartie pour leurs services. Peu l’aideraient par simple amour de la justice ! Tout en y réfléchissant, il entra à l’hôtel de police, signala sa présence à Dantet, son secrétaire puis s’enferma dans son bureau afin de finir l’élaboration de son réseau d’espions. Il faudrait qu’il enquête sur les prostituées, les mendiants, les ivrognes, voir lequel d’entre eux était le plus digne de confiance. Il lui faudrait également choisir des récompenses pour chacun d’entre eux. Pourrait-il recruter des gens à la Cour ? Des nobles qui ont des choses à se reprocher et donc un besoin urgent de protection, ça devait se trouver facilement. Dehors, le déluge annoncé finit par tomber, recouvrant Paris d’eau et de boue. Il faisait sombre dans le bureau du lieutenant de police, à tel point que bientôt l’obscurité l’empêcha de relire ses notes. Avec un soupir, il ouvrit la porte de son bureau :
- Dantet ! Il me faut une chandelle ! Rapidement, je te prie !
Mais personne ne lui répondit. Gabriel s’impatienta.
- Dantet ?
Comme il ne répondait toujours pas, la Reynie sortit de son bureau pour s’apercevoir que son secrétaire n’était pas au sien. Soupirant après lui, il descendit l’escalier pour réclamer ou un serviteur ou une chandelle. Et parfois, lorsqu’on espère trouver rapidement une idée qui arrange ses affaires, il arrive que la Providence nous offre tout de suite ce que l’on désire. La Reynie avait toujours été quelqu’un de chanceux et sa bonne Fortune ne l’avait toujours pas abandonné. A peine arrivé en-bas, il surprit la conversation qui lui apporterait ce qu’il désirait.
- Ouais, comme je t’le dis ! Pour sûr, c’était elle ! Ah elle mordait fort la garce ! - Tu veux qu’on fasse quelque chose ? On peut l’arrêter si tu veux ! - Nan, tu rigoles ou quoi ? Là, je peux la faire chanter ! Elle me donnera tout ce qu’elle veut, ou alors, je la dénonce ! - Bien joué, vieux !
Les deux hommes éclatèrent de rire. Le premier était un ancien marin qui, sur les supplications de sa femme, lasse d’être cocue un peu partout sur la planète, s’était finalement engagé comme homme de police. Le deuxième était le garde à l’accueil. La Reynie ne les connaissait pas personnellement mais savait qu’ils étaient parfaitement idiots ! En entendant leur conversation, il s’approcha discrètement et leur asséna son sourire le plus courtois.
- Vous disiez, messieurs ? - Tu vas pas le croire…commença le garde avant de reconnaître la Reynie et de se raidir. - Oh m’sieur le lieutenant, balbutia l’ancien marin en rougissant. Faut pas nous croire, on rigolait c’est tout. Jamais je ne ferai quelque chose d’aussi mal ! Je suis tout dévoué à votre service ainsi qu’à celui de m’sieur le roi ! - Quel est ton nom, demanda la Reynie sans se départir de son calme. - Lebeau, m’sieur, François Lebeau ! - Eh bien Lebeau, répondit Gabriel en se disant que jamais un nom n’avait été plus mal porté, prends une chandelle et viens donc raconter cette belle histoire dans mon bureau.
Après le récit de Lebeau, Gabriel commanda un carrosse et affronta la tempête pour se rendre à une certaine boutique qu’il n’avait jamais vraiment remarqué et pour cause, on n’y vendait que des vêtements pour femmes. Il sortit, passa un moment à examiner la façade tandis que la pluie dégoulinait sur lui. Cet endroit était parfait…pour ce qu’il voulait en faire. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre pour s’apercevoir que la tenancière – ça devait être elle, la femme du récit de Lebeau – servait une cliente. On voyait que l’affaire était prospère, ça devait être la pluie qui l’empêchait d’être infestée de clients. Tant mieux, il avait besoin de discrétion. Il ordonna au cocher de veiller à ce que personne n’entre une fois qu’il serait à l’intérieur puis poussa la porte. La cliente sortit juste à ce moment-là. En homme galant, Gabriel lui tint la porte et en profita pour lui sourire d’un air charmant. Très jolie femme mais les affaires passaient avant. Dommage !
Il jeta un coup d’œil à la boutique, la trouva bien entretenue. Qui que soit exactement la demoiselle du récit, elle connaissait son affaire et savait ce qu’il fallait faire pour qu’une cliente potentielle se sente à l’aise et ait envie de faire des emplettes à son aise.
- Bonjour monsieur, et bienvenue dans notre boutique. Voulez-vous que je vous débarrasse de votre manteau ? Je vois que vous n’avez pas été épargné par la pluie vous non plus, il serait dommage que vous attrapiez mal ! - Merci mademoiselle, c’est fort aimable de votre part, répondit Gabriel en lui tendant son manteau trempé.
Il observa un moment la jeune femme : plutôt jolie, menue sans être maigre, l’œil pétillant, l’air déterminé des gens qui n’ont pas reçu le bonheur tout cuit dans la bouche, elle semblait plutôt intéressante. Quoi qu’il résulte de leur entretien, Gabriel savait qu’il ne perdrait pas son temps.
- Je me présente, Isabeau Lacassagne, gérante de ce magasin, à votre service monsieur. J’ai bien peur qu’il n’y ait que moi aujourd’hui, mes couturières ne reviendront que demain mais je suis aussi qualifiée qu’elles et elles sauront parfaitement reprendre vos instructions que je leur aurai laissées. Alors, en quoi puis-je vous être utile ?
Parfait, il n’y avait donc personne dans l’arrière-boutique, ils étaient vraiment seuls. Il s’assit dans le fauteuil réservé qu’elle lui désignait. Vraiment bien tenue cette boutique !
- Enchanté mademoiselle Lacassagne. Je suis Gabriel Nicolas de la Reynie, lieutenant de police de Paris. Et je ne peux que vous féliciter, votre affaire est magnifique, cela doit être éprouvant pour une jeune femme seule!
Il prit son temps avant de la rassurer : si elle pâlissait trop ou perdait son sang-froid, c’est qu’elle avait encore plus à se reprocher que ce que lui avait laisser paraître son entretien avec Lebeau. Ceci dit, la jeune femme avait l’air trop intelligente pour se laisser avoir, quel qu’ait été son crime, elle n’en laisserait rien paraître avant d’y être obligée.
- Vous l’aurez compris, je ne viens pas pour vous acheter quelque marchandise, quoi qu’elles semblent d’excellente qualité. Mais je ne viens pas vous arrêter non plus. Je tiens seulement à faire mon travail comme il se doit.
Il passa sa main dans les cheveux et envoya de l’eau un peu partout, bien malgré lui.
- Pardonnez-moi, je m’en voudrai d’abîmer votre intérieur - fort charmant soi-dit au passage. Me trouveriez-vous mal élevé si je vous demandais une petite goutte d’alcool, de gnôle peut-être. Vous savez, je me contente de peu, je voudrais simplement me réchauffer.
Il frotta ses mains l’une contre l’autre et offrit son sourire le plus bienveillant à Isabeau. Il était conscient de jouer avec ses humeurs et se disait qu’il lui faudrait arrêter au plus vite s’il voulait la mettre suffisamment en confiance pour qu’elle lui fasse des aveux complets.
- Je vais cesser de faire le malappris avec vous et vous dire de quoi il en retourne. Voyez-vous, l’inconvénient de créer une nouvelle institution, c’est qu’il me faut recruter un peu n’importe qui pour servir d’agent. Récemment, j’ai engagé un ancien marin du nom de François Lebeau. Je crois que vous le connaissez, mademoiselle, reprit-il avec un sourire.
Il la laissa digérer la nouvelle un moment. Cette jeune femme lui inspirait confiance. Il désirait donc savoir au plus vite de quoi il en retournait.
- Il m’a conté une bien singulière histoire : il y a quelques temps, en revenant de Nouvelle-France, il a retrouvé dans le bateau sur lequel il servait, une passagère clandestine. Et cette même passagère s’est enfuie après que le bateau ait appareillé en France. Et voilà qu’en effectuant l’une de ses premières rondes à Paris, il la retrouve, la suit et découvre qu’elle tient une petite boutique de vêtements parfaitement prospère.
Il s’approcha d’elle en lui tendant son verre d’alcool, sûre qu’elle en avait plus besoin que lui à cet instant.
- Je vous rassure, mademoiselle, vous ne me semblez pas une grande criminelle et je jetterai presque ma main au feu que vous n’avez jamais occis personne. J’ai une longue carrière de magistrat derrière moi, j’en ai vu des malfaiteurs. Soit vous n’en faites pas partie, soit je vous dois des félicitations : vous seriez la première à avoir réussit à me berner.
Il éclata d’un grand rire en se levant et en allant se mettre devant le feu.
- Vous conviendrez néanmoins que cette histoire requiert quelques explications !
Il se tourna de nouveau vers elle avec son plus grand sourire. Il espérait toutefois qu’elle avait fait quelque chose d’assez grave pour pouvoir acheter sa loyauté envers lui. |
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| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 17.02.13 22:42 | |
| Isabeau ne s’était absolument pas méfiée quand elle avait ouvert la porte pour laisser entrer ce monsieur aux airs tout à fait respectables. Comment l’aurait-elle pu : depuis presque deux ans qu’elle était revenue à Paris elle n’avait jamais eu le moindre problème. Elle avait retrouvé son amie Andréa, mais à part elle, personne n’était revenu de Nouvelle-France la chercher ou lui rappeler sa condition de fugitive. Alors naturellement, elle avait fini par l’oublier peu à peu, à l’enfouir dans sa mémoire, pour mener une vie normale sans plus s’en préoccuper. Grave erreur. On ne pouvait jamais échapper totalement au passé, et elle avait fait la bêtise de ne pas s’en souvenir. Elle qui pourtant devrait être la première à s’en rappeler quand la moindre erreur ou le moindre témoin pouvait l’envoyer directement au cachot ou sur le prochain bateau en partance pour le Nouveau Monde !
Mais soupçonner ce gentilhomme à l’air tout à fait aimable aurait été difficile, même en étant méfiante. Et Isabeau, toute concentrée sur ses affaires qu’elle était, avait laissé tomber sa garde. Comme une débutante, elle venait sans le savoir de laisser entrer le loup dans la bergerie, et les conséquences seraient… retentissantes. Son nouveau client s’assit dans le fauteuil qu’elle lui avait désigné avant de lancer :
- Enchanté mademoiselle Lacassagne. Je suis Gabriel Nicolas de la Reynie, lieutenant de police de Paris. Et je ne peux que vous féliciter, votre affaire est magnifique, cela doit être éprouvant pour une jeune femme seule!
A ces mots, Isabeau dressa l’oreille et haussa un sourcil étonné sans paraître plus paniquée que cela. Le lieutenant de police de Paris ? Que diable venait-il faire dans sa boutique, celui-là ? Rapidement, sans perdre contenance, elle passa en revue ces dernières semaines en essayant de savoir si elle avait fait quelque chose qui pouvait lui attirer des ennuis –mais elle ne voyait pas quoi – ou si Loïc s’était encore retrouvé dans une sale affaire, auquel cas elle n’était pas au courant. Elle se contenta donc de le considérer d’un œil inquisiteur, essayant de savoir ce que pouvait bien vouloir ce mystérieux visiteur. En tout cas, cela ne présageait rien de bon malgré son amabilité.
- Vous l’aurez compris, je ne viens pas pour vous acheter quelque marchandise, quoi qu’elles semblent d’excellente qualité. Mais je ne viens pas vous arrêter non plus. Je tiens seulement à faire mon travail comme il se doit. Poursuivit-il. « J’entends bien monsieur. Alors allez droit au fait, vous gagnerez du temps. » répondit-elle sans se démonter. S’il croyait lui faire peur, avec son sourire avenant et ses paroles inquiétantes, il n’avait pas frappé à la bonne porte, ce drôle de lascar. Il allait voir à quel genre de femme il avait affaire. Elle se retourna donc vers lui et ponctua ses paroles en croisant les bras et en le dévisageant sans détour, une lueur de défi dans le regard. Elle ne savait pas encore ce qu’il lui voulait, mais il était hors de question qu’elle se laisse malmener sans réagir. L’homme la regarda avec un mélange de curiosité et d’amusement, ce qui eut le don de l’agacer autant que de l’inquiéter ; après tout il s’agissait quand même du lieutenant de police, et pour qu’il fasse le déplacement c’est qu’il devait s’agir de quelque chose de grave. Mais pas d’une urgence, sinon il ne perdrait pas son temps à ce petit jeu. Alors quoi ?
- Pardonnez-moi, je m’en voudrai d’abîmer votre intérieur - fort charmant soi-dit au passage. Me trouveriez-vous mal élevé si je vous demandais une petite goutte d’alcool, de gnôle peut-être. Vous savez, je me contente de peu, je voudrais simplement me réchauffer.
Isabeau resta sans voix un court instant, ne s’attendant pas à cette réplique-là. Faisait-il donc exprès de jouer avec ses nerfs ? Dans le doute, elle retint la réplique cinglante qu’elle avait sur le bout de la langue et se contenta de tourner les talons pour aller jusqu’à l’arrière-salle où était entreposé de quoi boire et manger pour quand des clients restaient tout l’après-midi, voire toute la journée. Cette courte pause lui permit de rassembler ses pensées de plus en plus bouillonnantes : que voulait-il ? Pourquoi ne le disait-il pas tout de suite ? A quoi jouait-il ? Sa gorge se noua alors qu’elle imaginait déjà que Loïc avait dépassé les bornes, ou qu’un de ses employés avait fait quelque chose de particulièrement répréhensible. Posant ses deux mains à plat sur l’établi, elle prit une profonde inspiration et retrouva une parfaite maîtrise d’elle-même. Si cette confrontation devait être une bataille, elle ne se rendrait pas son combattre. Et puis, se raisonna-t-elle en versant l’alcool dans le verre de son interlocuteur, si ça se trouve il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Mais alors pourquoi tourner autour du pot de la sorte ? Finalement, quand elle reparut dans la pièce et tendit son verre au lieutenant de police, elle se posait toujours autant de questions, mais au moins elle avait gardé son sang-froid. La Reynie lui dédia un sourire chaleureux, auquel elle ne réagit guère, et enfin poursuivit :
- Je vais cesser de faire le malappris avec vous et vous dire de quoi il en retourne. Voyez-vous, l’inconvénient de créer une nouvelle institution, c’est qu’il me faut recruter un peu n’importe qui pour servir d’agent. Récemment, j’ai engagé un ancien marin du nom de François Lebeau. Je crois que vous le connaissez, mademoiselle.
Isabeau fronça les sourcils. Le nom de François Lebeau n’évoquait pas grand-chose en elle mais la mention de marin l’avait fait tiquer. Elle ne connaissait que très peu de marins, et le peu qu’elle connaissait n’étaient pas liés à de bons souvenirs. Malgré elle, elle sentit son rythme cardiaque s’accélérer, mais elle s’efforça de ne pas broncher. Reprends-toi ma fille, se morigéna-t-elle intérieur, ça ne peut pas être ça… Si ?
« Je ne crois pas avoir l’honneur de connaître ce monsieur, lieutenant. Pas de nom en tout cas. » - Il m’a conté une bien singulière histoire : il y a quelques temps, en revenant de Nouvelle-France, il a retrouvé dans le bateau sur lequel il servait, une passagère clandestine. Et cette même passagère s’est enfuie après que le bateau ait appareillé en France. Et voilà qu’en effectuant l’une de ses premières rondes à Paris, il la retrouve, la suit et découvre qu’elle tient une petite boutique de vêtements parfaitement prospère.
Isabeau se sentit blêmir malgré elle et ses doigts se crispèrent sur la chaise derrière laquelle elle se tenait. Etait-ce possible ? Etait-il possible qu’après pratiquement deux ans, elle ait pu être assez malchanceuse pour croiser le chemin d’un des marins de Roberval ? La nouvelle à laquelle elle ne s’attendait absolument pas la laissa comme assommée et elle fut incapable de réagir, jusqu’à ce que son oiseau de malheur de se lève et lui tende son verre ; qu’elle se retint de lui jeter à la figure. Au lieu de quoi, elle regarda le verre d’un air stupéfait, avant de l’accepter et d’en boire une gorgée –ce qui lui arracha une grimace mais lui donna un bon coup de fouet. Elle lui rendit son verre en le toisant non sans bravade.
« Charmante histoire, monsieur. Et après ? » - Je vous rassure, mademoiselle, vous ne me semblez pas une grande criminelle et je jetterai presque ma main au feu que vous n’avez jamais occis personne. J’ai une longue carrière de magistrat derrière moi, j’en ai vu des malfaiteurs. Soit vous n’en faites pas partie, soit je vous dois des félicitations : vous seriez la première à avoir réussit à me berner.
Elle songea qu’elle l’occirait volontiers, ce grand bavards qui maintenant riait à gorge déployée, mais il s’éloigna avant d’avoir le temps de lire cet instinct meurtrier dans ses yeux sombres. Il retourna devant la cheminée et conclut :
- Vous conviendrez néanmoins que cette histoire requiert quelques explications ! « Je vous l’accorde monsieur, mais puisque vous avez l’air si bien informé je ne vois pas pourquoi vous n’avez pas demandé ces explications à Lebeau, puisqu’il semble tout savoir ! » rétorqua-t-elle sans bouger de sa place. « Je ne sais pas ce que vous me voulez monsieur, apparemment votre but n’est pas de m’arrêter sinon vous ne perdriez pas de temps en palabres inutiles. Si c’est du chantage que vous voulez me faire, vous avez frappé à la mauvaise porte, je n’ai rien fait que ma conscience m’interdise ! »
En réalité, elle bouillait sur place. N’importe qui d’autre ayant été dans cette position aurait sûrement perdu son sang-froid, cédé à la panique, ou serait tombé dans le désespoir en voyant le piège se refermer sur soi. Pas Isabeau, qui en avait vu d’autres et n’avait pas l’intention de se laisser marcher sur les pieds là où elle estimait être dans son droit. Que croyait-il, ce lieutenant de police ? Qu’il pouvait surgir de nulle part lui ressortir de vieilles histoires pour lui faire faire ce qu’il voulait ? Si c’était le cas, il pourrait repartir bredouille, elle n’avait nullement envie de se laisser faire. Elle darda ses yeux noirs sur lui, se tenant droite et drapée dans sa dignité de jeune femme qui ne laisse pas sa réputation s’entacher si facilement, petit bout de femme bien ridicule face à cet homme autoritaire et bien plus grand et fort qu’elle. Mais la petite Isabeau savait mordre quand il le fallait, Racine pourrait en témoigner.
« Vous demandez des explications, vous allez les avoir. » reprit-elle d’un ton qui se voulait neutre en serrant le poing. « Je suis née paysanne, dans la misère la plus complète quelque part dans le nord de la France. Ma sœur et moi avons tenté notre chance à Paris, en travaillant comme des forcenées pour essayer de gagner trois sous à envoyer à nos parents et nous permettre à nous-même de survivre. Et un beau jour, alors que j’avais juste dix-huit ans, des messieurs de la garde sont venus frapper à notre porte pour emmener des jeunes filles en Nouvelle France, je suppose que vous en avez entendu parler ? « Les filles du Roy », qu’on nous appelait, alors que nous n’étions que des filles qu’on envoyait peupler le Nouveau Monde. Ma sœur avait la chance d’être fiancée, elle y a échappé. Pas moi. Je me suis retrouvée en Nouvelle France à devoir vite trouver un mari pour vite faire des enfants et coloniser le pays ! Agréable perspective, vous ne trouvez pas ? »
Si l’ironie était palpable comme du plomb dans ses paroles, sa voix commençait à vibrer de colère au souvenir de cet exil forcé. D’accord, à l’époque elle n’était pas grand-chose, à peine plus qu’une fille de rien. Mais était-ce une raison pour la traiter comme une marchandise à exporter ? Elle s’avança vers lui de quelques pas, ses yeux plantés dans les siens pour bien lui montrer qu’elle n’avait pas peur. Que pouvait-il lui arriver de pire maintenant que se retrouver à nouveau sur un de ces maudits bateaux ? Et puisqu’il demandait des explications, explications il aurait !
« J’ai eu de la chance, je suis tombée sur un homme bon et généreux, qui non seulement m’a appris à lire et à écrire, mais m’a appris tout ce dont j’avais besoin pour devenir une vraie dame plutôt que cette fille sans avenir que j’étais alors. Mais il est mort au bout de deux ans, et sa famille qui ne m’a jamais appréciée s’est débrouillée pour que je ne reçoive pas l’héritage. Je me suis retrouvée à la rue, dans un pays qui n’était pas le mien, sans famille ni amis. Que vouliez-vous que je fasse, monsieur ? Que je me laisse mourir dans une rue de la ville ? Désolée, mais cela n’a jamais été une option que j’ai envisagée. » conclut-elle d’un ton ferme. Elle n’était plus qu’à quelques centimètres de lui maintenant et le feu qui se reflétait dans ses prunelles sombres fait comme un écho à sa détermination. Elle était peut-être mort e de peur à l’idée de retourner en Nouvelle-France ou finir en prison, mais foi de Zabo, elle était une battante, pas une pleurnicheuse ! Elle releva fièrement le menton, le dos bien droit, et arqua un sourcil comme pour l’inviter à lui répondre.
« Eh bien, monsieur ? Qu’allez-vous faire maintenant ? M’envoyer en prison ? »
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| | | Gabriel N. de la Reynie
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!Discours royal:
Justicier en chef La perfection au masculin
► Âge : 41
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► Date d'inscription : 26/10/2012
| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 10.03.13 1:44 | |
| Gabriel devait reconnaître que ce n’était pas très galant de sa part de faire durer le suspens de la sorte. Mais il admirait le courage de la demoiselle ainsi que le fait qu’elle ne se laissait pas démonter. Le lieutenant appréciait les gens qui possédaient une vraie force de caractère. Seulement, il devait connaître tous les détails de cette mystérieuse affaire aussi devait-il faire encore durer un peu le supplice de la jeune femme. Quel dommage de ne pouvoir simplement poser une question à un individu et obtenir la vérité. Mais l’humanité était ainsi faite : les gens mentaient, se cachaient et ensuite, rechignaient à dévoiler la vérité et il fallait user de stratagèmes pour la leur arracher. Gabriel trouvait cela fatigant mais malheureusement nécessaire.
- Je vous l’accorde monsieur, mais puisque vous avez l’air si bien informé je ne vois pas pourquoi vous n’avez pas demandé ces explications à Lebeau, puisqu’il semble tout savoir ! Je ne sais pas ce que vous me voulez monsieur, apparemment votre but n’est pas de m’arrêter sinon vous ne perdriez pas de temps en palabres inutiles. Si c’est du chantage que vous voulez me faire, vous avez frappé à la mauvaise porte, je n’ai rien fait que ma conscience m’interdise !
Gabriel ne put s’empêcher de sourire en la voyant réagir de la sorte. Ah qu’il était contrariant d’avoir à continuer ce petit jeu mais il n’avait pas le choix : il devait pousser mademoiselle Lacassagne jusque dans ses derniers retranchements. Et si elle n’avait rien fait de trop mal, elle lui serait utile, c’est sûr. Quelqu’un qui ne cédait pas sous la pression serait un atout précieux dans sa guerre contre le crime.
- Vraiment mademoiselle ? Vous m’en voyez ravi, les gens honnêtes se font plutôt rares de nos jours alors en croiser une me réjouit au plus haut point. Expliquez-moi tout ça, je suis désireux d’entendre votre version des faits.
Il retourna dans le fauteuil, croisa les jambes et se passa la main sous le menton dans une position d’attente.
- Vous demandez des explications, vous allez les avoir. - Je vous écoute, reprit Gabriel d’une voix parfaitement calme. - Je suis née paysanne, dans la misère la plus complète quelque part dans le nord de la France. Ma sœur et moi avons tenté notre chance à Paris, en travaillant comme des forcenées pour essayer de gagner trois sous à envoyer à nos parents et nous permettre à nous-même de survivre. Et un beau jour, alors que j’avais juste dix-huit ans, des messieurs de la garde sont venus frapper à notre porte pour emmener des jeunes filles en Nouvelle France, je suppose que vous en avez entendu parler ? - Oui, j’ai entendu parler de cette idée. - « Les filles du Roy », qu’on nous appelait, alors que nous n’étions que des filles qu’on envoyait peupler le Nouveau Monde. Ma sœur avait la chance d’être fiancée, elle y a échappé. Pas moi. Je me suis retrouvée en Nouvelle France à devoir vite trouver un mari pour vite faire des enfants et coloniser le pays ! Agréable perspective, vous ne trouvez pas ?
La suite de l’histoire la demoiselle commençait à apparaître à Gabriel. Oui, il avait entendu parler des filles du Roy, ces pauvres filles emmenées contre leur gré de l’autre côté de l’océan. Le lieutenant de police trouvait que l’idée était plutôt bonne mais qu’elle manquait tout de même d’un minimum d’élégance. Il n’aimait pas que l’on impose un destin à qui que ce soit. Il pouvait donc tout à fait comprendre le point de vue de la jeune femme en face de lui. Mais ça c’était l’opinion de l’homme et c’était l’homme de loi qui se trouvait dans la boutique en ce moment.
- [b]Beaucoup de jeunes femmes seraient ravies de trouver un mari et de leur faire rapidement des enfants, mademoiselle, et ne seraient donc pas de votre avis.
Voilà, il avait remplit son devoir de juriste discipliné, il pouvait se remettre au travail.
- Avez-vous été malheureuse en Nouvelle-France ? - J’ai eu de la chance, je suis tombée sur un homme bon et généreux, qui non seulement m’a appris à lire et à écrire, mais m’a appris tout ce dont j’avais besoin pour devenir une vraie dame plutôt que cette fille sans avenir que j’étais alors. Mais il est mort au bout de deux ans, et sa famille qui ne m’a jamais appréciée s’est débrouillée pour que je ne reçoive pas l’héritage. Je me suis retrouvée à la rue, dans un pays qui n’était pas le mien, sans famille ni amis. Que vouliez-vous que je fasse, monsieur ? Que je me laisse mourir dans une rue de la ville ? Désolée, mais cela n’a jamais été une option que j’ai envisagée. - Et vous vous êtes retrouvée dans le bateau avec cet idiot de Lebeau et dans cette belle boutique de Paris.
Bien, Gabriel avait toutes les cartes en main maintenant et se sentait rassuré : son crime n’était pas suffisamment grand pour que sa conscience souffre de l’employer comme mouche mais suffisamment important pour qu’elle accepte de lui obéir. Bien il allait pouvoir cesser son petit jeu malsain afin de mettre en place un chantage parfaitement clair. Certes, c’était vil mais la raison d’état était la plus forte. Il songeait à tous les criminels qu’il pourrait arrêter grâce à la collaboration de mademoiselle Lacassagne.
- Vous aviez raison sur un point : vous avez agit selon votre conscience, néanmoins, aux yeux de la Loi, vous êtes une criminelle. Et si je faisais correctement mon travail, je vous renverrai en Nouvelle-France afin que vous retrouviez un époux et que vous fassiez en sorte que notre belle colonie perdure en la peuplant de beaux enfants. Ce n’est pas juste mais faire son devoir n’est pas toujours juste.
Il se leva et fit un rapide tour de la boutique. Elle semblait plutôt prospère, l’arrière-boutique avait l’air assez grande pour que les couturières puissent se cacher sans apparaître devant les clients. Et puis, elle devait en avoir du beau monde la demoiselle Lacassagne. Peut-être que certains clients se laissaient aller à certaines confidences. Il aimait déjà cette boutique et avait une idée précise de la place que pourrait occuper la jeune femme dans son réseau.
- Eh bien, monsieur ? Qu’allez-vous faire maintenant ? M’envoyer en prison ?
Gabriel sourit, pensant que le calvaire de mademoiselle Lacassagne avait assez duré.
- Du tout ! Ne vous ai-je pas dit que c’est ce que je ferai « si je faisais correctement mon travail » ? Maintenant à moi de décider si j’ai l’intention de le faire correctement dans cette affaire.
Il prit un air un peu plus bienveillant pour la suite :
- Je n’ai aucune intention de vous dénoncer…pour le moment. Quant à Lebeau, il se taira, vous avez ma parole ! Cet homme est vraiment idiot : il utilisait de ces phrases en vous décrivant. On aurait dit qu’il décrivait une véritable sorcière. Or vous êtes parfaitement charmante – je vous dis cela en tout bien tout honneur. Il m’a même dit que vous l’aviez mordu comme une louve avec une rage de dent. C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases parfaitement absurdes.
Il prit le temps de se remettre du souvenir du marin qui bégayait en essayant de sauver sa peau face au lieutenant de police.
- Voyez-vous mademoiselle, mon travail m’oblige parfois à faire des choses que je n’approuve pas mais je dois rester logique avec moi-même : je ne peux exiger des gens qu’ils remplissent leur devoir si je ne remplis pas le mien moi-même. Tout à fait entre nous, je comprends que vous ne soyez pas restée là-bas. Vous auriez pu apprécier ce pays et vous y faire des amis si seulement vous n’y aviez pas été emmenée de force. Beaucoup de jeunes femmes se font une raison, mais vous m’avez l’air trop indépendante pour cela. Je vous envie d’être allée si loin, on m’a dit que là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Voyez sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde ; C'est pour assouvir Ton moindre désir Qu'ils viennent du bout du monde.
Mais bon, si vous êtes rentrée, c’est que vous étiez insensible à la beauté de l’endroit et je ne peux pas vous en vouloir d’être revenue en France. Si je vous comprends ? Oui, sans hésitation. Si je n’approuve pas le fait de vous renvoyer là-bas ? Sans aucun doute. Vous n’êtes pas faite pour un destin de bonne mère qui procrée amour ni motivation.
Il reprit son souffle un instant, espérant qu’il l’avait calmée sur ses intentions.
- C’est pourquoi il me répugnerait de vous dénoncer et arrêter mais si j’y suis obligé, je n’hésiterai pas une seule seconde. J’ai crée ma charge, je dois montrer l’exemple. Que j’en arrive à de telles extrémités ou non, cela ne dépend que de vous.
Il s’approcha d’elle, se disant qu’elle allait forcément réagir à une telle phrase. Il venait de faire sa connaissance mais il avait déjà compris qu’elle n’était pas du genre à se rendre sans combattre.
- Oui, je vous ai bien entendue me dire tout à l’heure que vous n’étiez pas du genre à céder au chantage et que j’avais frappé à la mauvaise porte pour cela mais attendez un peu avant de refuser. Avez-vous déjà songé à travailler dans la police ?
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| | | Invité
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| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 09.04.13 17:57 | |
| Isabeau était dans une impasse, et elle détestait ça. Toute sa vie, elle avait toujours été mise en position d’infériorité, de faiblesse, considérée comme une moins que rien par ses pairs, un élément négligeable que l’on pouvait balayer d’un geste de la main quand on n’en voulait plus. Son arrivée en Nouvelle-France avait marqué l’apogée de sa non-existence, et paradoxalement, en avait aussi signé la fin. Elle avait rencontré Théophile, le meilleur des hommes à ses yeux, elle qui ne les tenait pourtant pas en très haute estime (à l’exception de Racine et du marquis de Courtenvaux), lequel lui avait fait sentir pour la première fois qu’à défaut d’être meilleure, elle pouvait au moins être autre. Elle pouvait être autre chose que cette moins que rien qu’on voulait lui faire croire qu’elle était, et elle s’était démenée pour changer ça et devenir non pas une pauvre soumise, mais une femme capable de décider de ce qu’elle voulait et capable de s’en donner les moyens dans la mesure du possible. Elle n’était pas naïve et encore moins aveugle : elle était parfaitement consciente du fait qu’elle avait besoin de son beau-frère Loïc pour réaliser ses ambitions, et que le jour où elle serait une femme entièrement indépendante n’était certainement pas prévu pour cette vie-là. Mais elle s’en était rapprochée autant qu’il était possible, et là tout de suite, elle nourrissait un terrible ressentiment envers la Reynie pour tenter de la réduire de nouveau à une chose que l’on manipule selon son bon vouloir.
Et lorsqu’il rouvrit la bouche, ce n’était pas exactement pour voir son quota de sympathie remonter, au contraire.
- Vous aviez raison sur un point : vous avez agit selon votre conscience, néanmoins, aux yeux de la Loi, vous êtes une criminelle. Et si je faisais correctement mon travail, je vous renverrai en Nouvelle-France afin que vous retrouviez un époux et que vous fassiez en sorte que notre belle colonie perdure en la peuplant de beaux enfants. Ce n’est pas juste mais faire son devoir n’est pas toujours juste. « Ah, elle est belle, la France. » remarqua Isabeau avec une intonation amère dans la voix, les poings crispés et les ongles enfoncés dans la paume de sa main. Elle ne décolérait pas. Si le devoir du lieutenant lui ordonnait d’obéir sans broncher à ce genre d’absurdités, alors il serait peut-être temps qu’il revoie et redéfinisse ses fonctions ou inclue dedans le devoir de faire remarquer au roi que ce genre de pratique était problématique. Il ne serait jamais venu à l’esprit d’Isabeau de participer à la moindre rébellion contre le roi, elle était un bon sujet de la couronne, mais ça ne l’empêchait pas de penser que Louis XIV prenait parfois des décisions décidément bien sottes.
Le dévisageant avec méfiance alors qu’il faisait le tour de la boutique, elle réitéra sa question. Qu’avait-il l’intention de faire d’elle ? Une chose était certaine : elle ne retournerait pas en Nouvelle-France. Plutôt se jeter dans la Seine ou dans la mer que de retourner là-bas pour servir de vache d’élevage aux colons. Mais le lieutenant, qui était visiblement un homme plein de surprises, lui en réservait encore quelques unes… Auxquelles elle ne s’était pas attendue.
- Je n’ai aucune intention de vous dénoncer…pour le moment. Reprit La Reynie, et Isabeau ne put s’empêcher de hausser les sourcils, surprise. Que mijotait-il encore, celui-là ? Elle savait d’expérience que personne ne faisait de chantage ou brandissait le drapeau de la menace pour simplement s’évaporer sans rien en faire. C’était monnaie courante dans le commerce, il devait en aller de même avec les policiers. Après tout, qu’il nage dans des eaux différentes ou pas, un requin restait un requin. Quant à Lebeau, il se taira, vous avez ma parole ! Cet homme est vraiment idiot : il utilisait de ces phrases en vous décrivant. On aurait dit qu’il décrivait une véritable sorcière. Or vous êtes parfaitement charmante – je vous dis cela en tout bien tout honneur. Il m’a même dit que vous l’aviez mordu comme une louve avec une rage de dent. C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases parfaitement absurdes.
Cette réflexion tira un sourire indéchiffrable à la jeune femme. Oh, elle s’en souvenait bien, de la morsure qu’elle avait faite à un marin sur le bateau de Roberval. Elle n’avait pas retenu son nom ni son visage mais elle était en quelque sorte satisfaite de voir qu’elle avait laissé un souvenir aussi… marquant à l’homme qui l’avait au final dénoncée et jetée dans les ennuis avec le lieutenant de police. Elle avait pris sa revanche en avance, voilà tout.
- Voyez-vous mademoiselle, mon travail m’oblige parfois à faire des choses que je n’approuve pas mais je dois rester logique avec moi-même : je ne peux exiger des gens qu’ils remplissent leur devoir si je ne remplis pas le mien moi-même. Poursuivit-il alors qu’Isabeau attendait patiemment de voir où il voulait en venir. Apparemment, il aimait faire des phrases lui aussi. Comme les marins. Tout à fait entre nous, je comprends que vous ne soyez pas restée là-bas. Vous auriez pu apprécier ce pays et vous y faire des amis si seulement vous n’y aviez pas été emmenée de force. Beaucoup de jeunes femmes se font une raison, mais vous m’avez l’air trop indépendante pour cela. Je vous envie d’être allée si loin, on m’a dit que là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Voyez sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde ; C'est pour assouvir Ton moindre désir Qu'ils viennent du bout du monde.
Remarquant apparemment qu’Isabeau commençait à s’impatienter à la manière dont elle avait croisé les bras et pianotait des doigts, il termina son poème improvisé et reprit d’un ton plus sérieux sous l’œil inquisiteur de sa victime :
- C’est pourquoi il me répugnerait de vous dénoncer et arrêter mais si j’y suis obligé, je n’hésiterai pas une seule seconde. J’ai crée ma charge, je dois montrer l’exemple. Que j’en arrive à de telles extrémités ou non, cela ne dépend que de vous.
La menace était claire et il n’avait même pas pris la peine de la dissimuler sous de faux semblants. Tant mieux, Isabeau en avait assez de tourner autour du pot. Et dans sa dernière tirade, c’était de toute façon sa dernière phrase qui avait capté son intérêt. Cela ne dépendait donc que d’elle ? Elle ne voyait qu’une raison pour laquelle un homme pour la Reynie pouvait dire une chose pareille : il avait besoin de ses services. Il devait y avoir quelque chose qu’elle pouvait faire pour lui, qu’il ne pouvait pas faire seul. Cette pensée la rasséréna aussitôt bien qu’elle se gardât de sourire : finalement, elle n’était peut-être pas si désarmée qu’elle ne l’avait cru. Peut-être même venait-elle de reprendre la main ou de retrouver un bon jeu.
« Au fait, monsieur le lieutenant de Police. » se contenta-t-elle de dire, une lueur nouvelle s’allumant dans ses yeux sombres. « Vous m’avez l’air assez expert en affaires pour savoir que pour en conclure une, la devise ‘parlons peu mais parlons bien’ est maîtresse. » - Oui, je vous ai bien entendue me dire tout à l’heure que vous n’étiez pas du genre à céder au chantage et que j’avais frappé à la mauvaise porte pour cela mais attendez un peu avant de refuser. Avez-vous déjà songé à travailler dans la police ?
C’était le coup de grâce. Non seulement la Reynie était un négociant redoutable –et elle commençait à s’y connaître en la matière- mais surtout il semblait toujours avoir un atout dans sa poche pour la surprendre. Stupéfaite par la proposition, Isabeau resta un instant sans réaction, dévisageant son interlocuteur avec un mélange de surprise et d’incrédulité. Etait-il sérieux ou s’agissait-il encore d’une de ses plaisanteries, ou un de ses tours pour la faire tourner en bourrique et mieux l’amener où il le voulait ? Prenant le temps de la réflexion avant de dire quoi que ce soit, puisque c’était elle qui avait la main désormais, elle le considéra sans chercher à dissimuler les sentiments mitigés qu’il lui inspirait : méfiance, curiosité, perplexité, mais aussi il fallait bien le reconnaître, un certain respect. Depuis son retour à Paris et ses débuts dans les affaires aux côtés de Loïc, elle en avait affronté des coriaces, des bonhommes. Mais celui-là les battait tous. Elle releva le menton, montrant bien qu’elle n’avait pas l’intention de s’en laisser conter, et répondit :
« Joli coup monsieur, j’avoue que je ne m’étais pas du tout attendue à cette proposition. Si un jour vous envisagez la reconversion, vous devriez considérer la possibilité de vous lancer dans les affaires. Vous seriez un adversaire redoutable. »
Quelque chose dans ce marché la laissait songeuse, néanmoins. Elle, travailler dans la police ? Depuis quand les femmes y travaillaient-elles ? De plus elle n’avait pas exactement le physique de l’emploi –la Reynie pourrait certainement la mettre à terre en une pichenette, elle ne se faisait guère d’illusion à ce sujet- et comment pouvait-il s’attendre à ce qu’elle dise « amen » pour abandonner ses commerces et ses affaires pour faire régner l’ordre et la justice ? Non, décidément, elle ne se voyait pas en uniforme et elle était certaine que ce n’était pas non plus ce que la Reynie avait en tête. Restait à savoir ce qu’il avait en tête exactement. Et elle commençait à savoir qu’avec un type comme lui, elle pouvait s’attendre à à peu près tout.
« Mais je pense que vous avez assez tourné autour du pot, monsieur le lieutenant de police, ne trouvez-vous pas ? Vous devez fatiguer à force. Je pense donc que vous pouvez cesser de passer par ces chemins détournés et me dire exactement ce que vous attendez de moi. Je suppose que ça ne se limite pas à ‘travailler dans la police’, ce qui est d’ailleurs une notion bien trop vague et en tant que commerçante je préfère ce qui est clair et précis, et défini avec exactitude. En tant que policier je suis sûre que vous êtes pareil. Il semblerait que je n’ai pas vraiment e choix au final, mais j’estime au moins être en droit de demander un contrat clair avec des termes fixes et établis, non ? » dit-elle d’un ton ferme après avoir rempli un verre qu’elle lui tendit avec un sourire qui n’était là que pour la politesse. Et aussi un peu parce que, malgré la situation, elle s’amusait, autant être honnête. Plus la conversation avançant, plus être curieuse d’en connaître le dénouement, même si celui-ci devait s’annoncer très dangereux pour elle. L’adrénaline, on finissait forcément par y prendre goût un jour.
Elle s’éloigna de nouveau de lui, jetant un œil par la fenêtre pour s’assurer que sa couturière ne revenait pas et qu’aucun client ne s’éternisait devant ou ne risquait d’interrompre leur entretien, puis elle poursuivit en le regardant droit dans les yeux :
« Bien, dites-moi maintenant ce que vous attendez de moi exactement, inspecteur. Je n’exigerai qu’une chose et je pense que vous serez assez honnête homme ou assez intelligent pour me l’accorder : ni ma famille ni mes employés ne doivent être au courant de notre marché, et ni ma famille ni mes employés ne doivent être impliquées dans vos magouilles. Si nous sommes d’accord sur ce point, alors je vous écoute. » |
| | | Gabriel N. de la Reynie
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!Discours royal:
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| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 09.05.13 14:15 | |
| Force fut de constater que le lieutenant de police se comportait comme un parfait goujat. Gabriel se demanda quelle mouche pouvait bien le piquer : voilà qu’il prenait plaisir aux jeux de pouvoir maintenant ! Surtout qu’en cet instant précis, il était incontestablement maître de la situation, inutile de prolonger cette détestable manie d’inquiéter cette pauvre demoiselle en ne donnant jamais une information complète sur ses intentions à son égard et la laissant constamment dans l’expectative. En plus, il venait de lui dire qu’il ne voulait pas la dénoncer et la mettre derrière des barreaux. Cela n’avait rien pour la rassurer car il savait que beaucoup d’hommes soi-disant respectables se servaient de leur ascendant sur elle pour obliger des jeunes femmes à devenir leur maitresse. Mademoiselle – madame en fait, vu qu’elle venait de lui avouer qu’elle était veuve – était plutôt jolie et possédait un charme certain. Des prétendants prêts à toutes les bassesses pour la déshonorer, elle devait en connaître quelques-uns. Le lieutenant de la Reynie ne supportait pas ces types de chantage, pour lui ces hommes ne méritent qu’une chose : qu’on les pende sans procès, c’est plus court ! C’était à cause de ces coquins qu’il était important que Gabriel la rassure. Sa proposition finale venait à point nommé afin de mettre les choses au clair. Mais curieusement, elle sembla complètement abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre. Gabriel se leva donc et entreprit de faire le tour de la boutique pour lui laisser le temps de se remettre.
- Joli coup monsieur, j’avoue que je ne m’étais pas du tout attendue à cette proposition. Si un jour vous envisagez la reconversion, vous devriez considérer la possibilité de vous lancer dans les affaires. Vous seriez un adversaire redoutable. - J’y songerai, madame ! répondit-il avec un sourire bienveillant.
La jeune femme ne croyait pas si bien dire, le lieutenant de police ayant été l’homme de confiance du duc d’Epernon, il avait dû régler toutes les affaires du vieil homme, le faisant passer d’homme riche à homme scandaleusement à l’abri du besoin pour plusieurs générations. Et, sans jamais voler son bienfaiteur, il n’avait pas oublié de se servir au passage bien entendu. S’il n’avait donc jamais songé à se lancer dans la négoce ou le commerce, il était plutôt habile en affaires, effectivement. La jeune veuve avait donc vu juste.
- Mais je pense que vous avez assez tourné autour du pot, monsieur le lieutenant de police, ne trouvez-vous pas ? Vous devez fatiguer à force. - Oui, vous avez raison, reconnut-il, toujours calme et souriant. - Je pense donc que vous pouvez cesser de passer par ces chemins détournés et me dire exactement ce que vous attendez de moi. Je suppose que ça ne se limite pas à ‘travailler dans la police’, ce qui est d’ailleurs une notion bien trop vague et en tant que commerçante je préfère ce qui est clair et précis, et défini avec exactitude. En tant que policier je suis sûre que vous êtes pareil. - Je suis ravi de voir que vous considérez sérieusement ma demande, dit-il sans ironie. - Il semblerait que je n’ai pas vraiment le choix au final, mais j’estime au moins être en droit de demander un contrat clair avec des termes fixes et établis, non ?
Gabriel se demanda s’il l’avait jouée suffisamment finement, s’il n’avait pas légèrement sous-estimé la demoiselle. Certes, il la tenait et cela permettait d’acheter sa loyauté. Mais il avait plutôt intérêt à avoir toujours une arme contre elle : comme elle semblait détesté être contrainte de faire quoi que ce soit, s’il perdait son pouvoir sur elle, non seulement elle lui échapperait, mais elle risquait de se venger. Rétablir la confiance dans ces conditions allait être un sacré défi. Gabriel se sentait prêt à le relever mais tout de même, il allait y perdre du temps et de l’énergie. D’un autre côté, elle aurait certainement refusé de travailler pour lui sans moyen de pression pour l’y obliger. Cela revenait donc au même. Soulagé d’avoir agit comme il le fallait – une fois de plus – il se tourna à nouveau plein d’assurance vers Isabeau.
- Eh bien madame, vous ne perdez pas le nord il me semble : comme vous l’avez dit, vous n’avez pas exactement le choix mais vous essayez tout de même d’imposer vos conditions.
Se rendant compte qu’il pourrait avoir l’air menaçant et qu’il lui fallait à tout prix la mettre en confiance, il se reprit :
- Tranquillisez-vous, même si je n’ai pas la moindre intention de céder à vos exigences, je respecte votre aplomb. - Bien, dites-moi maintenant ce que vous attendez de moi exactement, inspecteur. Je n’exigerai qu’une chose et je pense que vous serez assez honnête homme ou assez intelligent pour me l’accorder : ni ma famille ni mes employés ne doivent être au courant de notre marché, et ni ma famille ni mes employés ne doivent être impliquées dans vos magouilles. - Il est évident que vous seule serez impliquée dans mes « magouilles » comme vous dites si bien. - Si nous sommes d’accord sur ce point, alors je vous écoute. - C’est à mon tour de mettre au point une dernière chose : il n’existera aucune trace écrite de notre accord, et je vous pense suffisamment intelligente pour comprendre qu’il y va de votre intérêt comme du mien. Même mes hommes l’ignoreront, nous serons les deux seuls concernés par ce qui va se décider ici-même.
Gabriel s’assit, se resservit un verre, sûr qu’elle se serait sentie humiliée d’avoir à le lui servir et qu’il s’était montré assez mauvais comme cela avec elle. Ce qu’il comptait lui demander n’était pas sans danger pour elle et il était donc important qu’il la respecte avant de le lui imposer. Après tout, elle devrait accepter un risque pour éviter d’en courir un autre. Celui d’accepter la requête du lieutenant de police n’était pas moindre que l’autre, mais plus contraignant tout simplement.
- Vous avez quelque chose d’hystérique dans votre rire, preuve que je vous ai effrayée, veuillez donc pardonner ma muflerie : il est très impoli de faire peur à une dame. Voyez-vous, j’ai besoin d’avoir des yeux et des oreilles partout dans la ville afin de savoir ce qu’il s’y passe constamment. En tant que boutiquière respectée par les bourgeois comme par le bas-peuple, je pense que vous devriez être au courant de pas mal de choses. Si jamais je venais vous voir pour vous demander des informations, vous seriez bien aimable de vous renseigner pour moi afin de m’aider dans mes enquêtes. Je vous crois habile pour la chose car vous vous voilà revenue ici depuis plusieurs années comme si de rien n’était, trompant une bonne partie du monde. Vous ne vous laisserez jamais conter de sottises et je pense même que vous connaissez toutes les ficelles pour vous servir des gens qui essaieraient de vous mentir car il n’est pas malaisé de tromper le trompeur.
Il lui laissa digérer la première idée : ce n’était pas encore trop important ou trop dangereux, de la simple délation. C’était vil comme principe mais diablement efficace. Et Gabriel avait plus que jamais besoin d’efficacité autour de lui.
- Ce n’est pas tout, reprit-il. Tant que j’occuperai cette charge, certaines personnes viendront me demander d’être placés sous ma bienveillante protection et il faudra que je sois tout naturellement en mesure de la leur fournir. En leur offrant donc un lieu pour les cacher ainsi qu’une nouvelle vie. Un lieu comme une arrière-boutique par exemple. La vôtre m’a l’air parfaitement charmante et accueillante. Oh, il faudra également fournir du travail à ces malheureux, cela va sans dire. Vous m’avez parlé d’ouvrières qui travailleraient pour vous quand je suis arrivé. Voilà une idée parfaite, qu’en dites-vous ?
Gabriel était content de son idée. En rendant visite à madame Lacassagne, il n’avait vu que l’aspect pratique des choses : avec ce qu’il savait sur elle, elle était totalement à sa merci et ne pourrait lui refuser aucun service. Simplement lui demander de répéter ce qu’elle savait ou entendait était donc une chose sûre. Mais carrément créer des lieux pour que ses mouches – ou malheureuses victimes ayant besoin de disparaître – puissent se cacher, voilà qui était brillant. C’était l’aspect dissimulé de l’arrière-boutique qui lui avait inspiré l’idée.
- Avons-nous un accord, madame Lacassagne ?
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| Sujet: Re: L'inspecteur et l'échappée. [PV Gabriel] 02.11.13 22:35 | |
| Puisque la glace était enfin brisée et les cartes abattues sur la table, il était temps de jouer franc-jeu. Isabeau était peut-être dans une mauvaise passe, mais cela ne signifiait pas qu’elle était sans défense – c’était une notion qu’elle avait décidé d’oublier dès l’instant où elle avait de nouveau posé le pied en France à son retour d’outre Atlantique. La Reynie dominait le jeu pour l’instant, mais la commerçante n’avait pas l’intention de se laisser faire ainsi que l’indiquaient son air résolu et buté et le ton sans appel de sa voix alors qu’elle rappelait à l’ordre le lieutenant de police qui avait l’air d’un peu trop s’amuser de ce jeu de pouvoir. Il était hors de question qu’elle se laisse faire sans répliquer, ou qu’elle laisse ce malotru penser qu’il s’en tirait à bon compte. A ce petit jeu-là, elle était au moins aussi douée que lui. Et elle ne s’était pas gênée pour le lui rappeler, prenant un risque mais forte de la conviction que s’il prenait le temps de lui rendre visite et de leur faire ce pseudo-chantage, c’était bien qu’il avait besoin d’elle. Et ce seul atout, aussi ténu soit-il, était peut-être celui qui lui permettrait de s’en tirer sans trop de casse. Puisqu’il cherchait la bagarre, il pouvait l’avoir. Tout ce qu’Isabeau voulait, c’était s’en tirer avec le moins de dégâts possibles. Tout de même, songea-t-elle en retenant un soupir contrit, Tu dois admettre qu'il est possible que dieu ne t'aime pas du tout. Elle qui pensait être tranquille depuis son retour à Paris et son association avec Loïc, il semblait écrit qu’il s’écoulerait encore un peu de temps avant qu’on ne lui fiche la paix. - C’est à mon tour de mettre au point une dernière chose : il n’existera aucune trace écrite de notre accord, et je vous pense suffisamment intelligente pour comprendre qu’il y va de votre intérêt comme du mien. Même mes hommes l’ignoreront, nous serons les deux seuls concernés par ce qui va se décider ici-même. Isabeau hocha la tête sans répondre. Cette condition allait évidemment de soi, et elle ne chercha pas à la discuter. Tant qu’à faire, elle préférait éviter qu’un petit indiscret ne découvre qu’elle était en ‘affaires’ avec la police. Ses concurrents pourraient bien avoir le cran d’utiliser cette information contre elle, en faisant par exemple croire à ses clients qu’elle communiquait toutes sortes d’informations aux autorités à leur sujet. - Vous avez quelque chose d’hystérique dans votre rire, preuve que je vous ai effrayée, veuillez donc pardonner ma muflerie : il est très impoli de faire peur à une dame. « Et vous, vous devriez arrêter de sourire. J'vous promets; ça devient vraiment malsain » rétorqua Isabeau avec un rictus crispé. Elle refusait de l’entendre dire qu’elle avait peur. Elle en avait vu d’autres, et ce lieutenant de police, tout aussi doué qu’il était, n’était qu’une menace de plus parmi celles qu’elle avait eues à affronter. Elle était nerveuse, tendue, mais avoir peur ? Certainement pas ! songea-t-elle en dardant sur lui un regard résolu. A vrai dire, plus la conversation avançait, plus elle était sur le qui-vive et prête à jeter ses forces dans la bataille. Car elle avait beau avoir une folle envie de jeter dehors ce malpropre qui pensait pouvoir venir lui faire du chantage impunément, elle devait bien avouer que son marché l’intriguait et que la joute verbale qu’ils se livraient depuis plusieurs minutes avait quelque chose de… stimulant. Voyez-vous, j’ai besoin d’avoir des yeux et des oreilles partout dans la ville afin de savoir ce qu’il s’y passe constamment. En tant que boutiquière respectée par les bourgeois comme par le bas-peuple, je pense que vous devriez être au courant de pas mal de choses.Elle se garda bien de le détromper, mais fronça légèrement les sourcils, commençant à entrevoir où il voulait en venir. Si jamais je venais vous voir pour vous demander des informations, vous seriez bien aimable de vous renseigner pour moi afin de m’aider dans mes enquêtes. Je vous crois habile pour la chose car vous vous voilà revenue ici depuis plusieurs années comme si de rien n’était, trompant une bonne partie du monde. Vous ne vous laisserez jamais conter de sottises et je pense même que vous connaissez toutes les ficelles pour vous servir des gens qui essaieraient de vous mentir car il n’est pas malaisé de tromper le trompeur. « Vous me demandez donc de devenir votre espionne attitrée ? » reformula Isabeau avec un sourire en coin. La bienséance aurait sûrement voulu qu’elle s’indigne d’entendre quelqu’un lui demander de remplir une office aussi peu honorable, mais La Reynie avait l’air de bien présenter les choses. C’aurait été pure mauvaise foi de nier les qualités qu’il lui prêtait, habile en affaires, lucide, et quelque peu manipulatrice lorsque les circonstances l’exigeaient. C’était la base des affaires après tout, et l’on ne pouvait les faire fleurir sans un tantinet d’honnête malhonnêteté. C’était les règles du jeu. La Reynie était simplement le premier à dire très franchement d’Isabeau ce que ses collaborateurs ou concurrents savaient sans le formuler. Et apparemment, la police usait des mêmes procédés. Décidément, tout ceci prenait un tour des plus intéressants. Rapidement, Isabeau réfléchit à la proposition qui venait de lui être faite, et songea que bien qu’elle y soit forcée, cette mission pouvait finalement peut-être tourner à son avantage. Non seulement elle pouvait se mettre le lieutenant de police dans la poche, mais ces renseignements qu’il lui demanderait pourraient bien lui être utile à elle aussi un jour ou l’autre. -Ce n’est pas tout, reprit-il. Tant que j’occuperai cette charge, certaines personnes viendront me demander d’être placés sous ma bienveillante protection et il faudra que je sois tout naturellement en mesure de la leur fournir. En leur offrant donc un lieu pour les cacher ainsi qu’une nouvelle vie. Un lieu comme une arrière-boutique par exemple. La vôtre m’a l’air parfaitement charmante et accueillante. Oh, il faudra également fournir du travail à ces malheureux, cela va sans dire. Vous m’avez parlé d’ouvrières qui travailleraient pour vous quand je suis arrivé. Voilà une idée parfaite, qu’en dites-vous ?Cette dernière requête surprit Isabeau peut-être plus que se voir proposer un travail d’espionne. Offrir un travail et une couverture aux protégés de la police ? Brièvement, elle songea qu’elle aurait aimé bénéficier d’une telle protection en revenant de Nouvelle-France. Elle commença alors à envisager la proposition de la Reynie sous un angle nouveau. Certes, ces procédés n’étaient décidément pas honnêtes. C’était aussi risqué, et le lieutenant de police avait un moyen de pression sur elle. Pour autant, elle n’avait pas l’impression qu’il était fondamentalement un mauvais homme. Il lui donnait plutôt l’impression d’être un fonctionnaire extrêmement zélé prêt à user des moyens les moins recommandables pour accomplir sa mission. La fin justifie les moyens, en somme. Mais en soi, le but atteint n’était pas mauvais. Bien au contraire. La Reynie lui faisait du chantage, mais finalement si elle acceptait, ne serait-ce pas pour faire quelque chose de relativement honorable ? - Avons-nous un accord, madame Lacassagne ? demanda La Reynie en l’observant comme s’il avait suivi son raisonnement muet. Isabeau ne répondit pas immédiatement, se contentant de détailler l’inspecteur de bas en haut comme pour le jauger avant de prendre sa décision finale. Elle savait très bien qu’elle n’avait pas vraiment d’autre choix mais tout de même, elle avait la liberté de choisir entre deux sortes d’ennuis très différents. Des ennuis avec la police, ou des ennuis avec les ennemis de la police. Mais dans ce dernier cas de figure, elle se savait mieux armée pour s’en sortir. Et puis elle devait bien l’avouer, à la réflexion : son quotidien depuis quelques temps manquait cruellement de piquant. Jouer aux apprenties espionnes pour aider discrètement la police à faire la justice… quelle meilleure distraction pouvait-elle demander ? Esquissant un sourire malicieux, elle se redressa et fit quelques pas en direction de son interlocuteur, ses yeux bruns brillant d’une lueur nouvelle. « Vous connaissez ma réponse à l’avance, monsieur l’inspecteur. Il semblerait que je n’aie de toute façon guère le choix. De plus… Je dois reconnaître que votre proposition n’est pas si rebutante que vous n’avez bien voulu me le faire croire. Si ça se trouve même sans chantage j’aurais accepté. Jouer les apprenties espionnes pour la police, voilà qui aura le mérite de m’occuper et peut-être même de m’être utile dans mes propres affaires. » répondit-elle en soutenant son regard. Certes, c’était dangereux. Mais elle se savait prudente et débrouillarde. Deux qualités qui lui avaient souvent sauvé la mise et ne l’abandonneraient pas de sitôt. « Nous avons donc un accord, monsieur de La Reynie. Mais n’allez pas croire que vous me tenez avec ce chantage. Si j’accepte, c’est aussi parce que l’idée m’intéresse et m’amuse. Et si jamais je meurs, le pape devra être disponible afin de me donner l’absolution. » ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie. Puis, sans se départir de son sourire assuré, elle tendit une main décidée au lieutenant de police. Fini la rigolade. Puisqu’il n’y avait pas de contrat à signer, ils pouvaient toujours faire ça à l’ancienne. « Marché conclu, monsieur de La Reynie. Quelque chose me dit que nous n’en avons pas fini vous et moi… Et que tout ceci va être fort intéressant. »FIN. |
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