[Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard]
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Sujet: [Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard] 31.12.12 8:44
A peine le temps de changer de toilette, de se coiffer, de se parfumer de nouveau et voilà que la vicomtesse claquait la porte de ses appartements tel un courant d’air brun, laissant ses tapis jonchés de rubans et de taffetas. Dans les couloirs du palais, Melle de Comborn marchait d’un pas plus que vif, elle courait presque tant elle était pressée. Elle se maudissait tout bas de s’être laissée avoir par l’horloge qui courait alors qu’elle fouillait scrupuleusement les tiroirs d’un baron qu’elle soupçonnait d'être mêlé de près à l'enlèvement de la favorite. Hélas, la vicomtesse semblait bien loin du compte… Elle avait eu beau tourner et retourner dans son cabinet privé, chercher des doubles fonds à ses tiroirs et à ses armoires, sonder les murs pour voir si aucun n’était anormalement creux, s'abimer les ongles à chercher des lattes disjointes dans son parquet, il lui avait fallu se rendre à l’évidence : rien. Rien, rien, rien ! De quoi irriter ses nerfs pour tout le reste de la soirée, en somme. Car elle n’oubliait pas que l'horloge tournait également pour elle. Il ne se passait pas un jour sans qu'Amy ou le roi ne l'interroge sur les avancées de son affaire. Plus le temps passait, plus l'espionne et amie se trouvait à court d'arguments, de mots rassurants, et, pis encore!, de pistes... Elle ne pouvait croire qu’elle s’était si lourdement trompée au sujet de cet intriguant : malgré son passé notoire d’ancien Frondeur et en dépit de tout, ce gentilhomme menait une vie désespérément rangée et fidèle au Roi! Mon Dieu, il était même fidèle à sa femme ! Qui l’était de nos jours à Versailles ? Soit il dissimulait bien mieux son jeu que ce qu’il paraissait, soit… Soit ce n’était encore qu’une impasse. La Comborn fulminait. Se pouvait-il qu’elle ait tant perdu la main ? N’eût-elle pas promis à son ami Molière d’assister à la représentation de ce soir dans les appartements qu’elle se serait replongée, soucieuse et frénétique, dans ses notes. Or, elle était déjà affreusement en retard.
Toute à ses préoccupations d’intrigues et d’amitié, Evangéline avançait bille en tête dans la semi pénombre de la longue galerie des Glaces, ses talons claquant dans le silence de la nuit, vers les appartements qui résonnaient au loin des éclats de voix des acteurs et des rires de l’assemblée. Voilà qui était plutôt prometteur pour Molière… Alors qu’elle remettait bien en place une boucle d’oreille rebelle et tenait son regard perdu dans le vide, au détour du salon de la Guerre, une silhouette à moitié noyée dans la pénombre fit vaciller la lueur des chandelles et elle sursauta. Elle allait rire et s’excuser de sa surprise flagrante, mais alors que la silhouette émergea un peu plus dans la lumière, elle se figea et son sourire naissant fondit comme neige au soleil.
Son cœur s’affaissa dans sa poitrine et elle crut ses jambes se dérober sous elle. Elle ne sentit pas pourtant le soubresaut de sa main qui lui fit glisser entre les doigts la fine boucle qui devait orner son oreille. Celle-ci vint heurter le sol avec un petit cliquetis métallique et briser le silence lugubre qui enveloppait cette partie-là du château.
« Embrasse-moi… » Non ce n’était pas lui qui avait parlé. Personne n'avait parlé. Cette voix, elle l’entendait dans sa tête. Ce n’était qu’un murmure rauque, c’était elle qui avait prononcé ces paroles. Autrefois. Il y avait bien longtemps. Pas assez visiblement puisqu’en le voyant surgir de nulle part, c’était la première pensée qui avait traversé l’esprit retourné d’Evangéline. Si les yeux sont le miroir de l’âme, la jeune femme aurait pu, ce soir-là, passer tout à côté de reconnaître cet homme. Celui-là même qu’elle avait tutoyé. Le seul de ses amants qu’elle ait jamais tutoyé d'ailleurs. Mais c’était ses lèvres qui avaient accroché son regard et si elle ne pouvait reconnaître tous les traits de cette apparition fantomatique, ces lèvres là ne mentaient pas.
Comme son regard de glace était porté sur elle, Evangéline pâlit d’un coup. Un nœud s'était formé au fond de sa gorge, l'eau semblait avoir déserté sa bouche et l'air s'était fait encore plus rare dans sa poitrine comprimée par son corset. Les yeux fixes, les pupilles dilatées, elle découvrait au fur et à mesure ce visage autrefois bien connu et bien désiré, puis pendant tant d'années honni et haï. Dix années passées… Avait-il changé ? Évidemment que oui ! Aussi sûrement qu’elle n’était plus la jeune fleur d’autrefois. La courtisane n’était pas en état de dresser un inventaire précis des différences qu’elle pouvait observer mais il lui sembla plus grand que dans son souvenir, ses traits se faisaient plus précis, plus tranchés. La conscience des années sembla lui tomber dessus à bras raccourcis et lui rendit évident à quel point ils n’étaient, à l’époque, qu’à peine plus que des enfants.
*Parle, pour l’amour de Dieu, dis quelque chose!*
Evangéline tressaillit en songeant qu’elle s’était pétrifiée comme une statue depuis quelques bonnes poignées de seconde qui lui semblèrent durer des heures. Que faire ? Que dire face à ce fantôme surgit tout droit d’un passé bien trop douloureux ? Dix ans, c’était bien assez pour soigner et pour effacer une peine de cœur de jeunesse… Si ce n’était que cela… Elle aurait pu garder de ce temps là un souvenir ému et désinvolte, mais elle s’y était brisée et de fait, la haine était plus supportable que l’humiliation et la froideur, une compagne plus agréable que la douleur. Elle n’avait rien de moins que faillit y laisser la vie et aujourd’hui encore son instinct de survie était le plus fort. Il était trop tard pour se dérober, pour feindre l’indifférence. Ressemblant tout son courage et humidifiant ses lèvres, elle prit quelques instants supplémentaires avant de saluer Richard sans excès de politesse:
- Monsieur, tant d’années loin de la Cour… Je vous croyais mort !
Elle avait lancé ceci sur le ton de la boutade pourtant l’accent qu’elle avait mis sur le dernier mot montrait que plutôt l’avoir réellement crû, elle l’avait ardemment souhaité.
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Sujet: Re: [Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard] 02.01.13 17:01
« Qu'en est-il de votre mission actuelle, cher Richard ? » Pétra de Limbourg. Une jeune noble qu'il soupçonnait d'espionnage pour la partie adversaire, ces ennemis invisibles mais non moins dangereux, travaillant exclusivement dans l'ombre. Les espions pouvaient ainsi agir, puisque cet univers ne leur était pas inconnu. Mais, tant qu'une guerre ne serait pas clairement déclenchée, les soldats armés ne pourraient que trépigner en attendant de servir à quelque chose ou prier pour que rien n'arrive, et qu'ils puissent garder la vie sauve sans avoir à la défendre à chaque instant. Une guerre qui ne saurait tarder. Une fois de plus, le roi le questionnait pour avoir des nouvelles au sujet de cette mission. Il avait invité Richard dans ses appartements, et de fil en aiguille, il s'était vu contraint de mentionner enfin ce sujet délicat. Délicat, oui. Car rien ne pouvait plus agacer le jeune comte qu'échouer. Et, vraisemblablement, à chaque interrogation au sujet de cette mission, il se devait de répondre qu'il ne parvenait à rien. Des mots qui blessaient son amour propre, et réduisaient son égo en cendres. « Je m'y emploie, sir. Cette femme est plus rusée qu'il n'y semblerait de prime abord, et j'ai du mal à la percer à jour. Je vous assure que je redouble d'efforts, et que cela ne saurait tarder. » Etait-il absolument certain de la culpabilité de Pétra ? Non, mais il avait de fortes présomptions. Et, contre toute attente, cela lui suffisait amplement pour mener une enquête de plusieurs mois. Ne jamais, jamais rien laisser au hasard.
Le roi et lui avaient encore abordé quelques sujets sans grande importance, puis Richard avait été congédié. Ils avaient certes développé une sorte d'amitié, ou au moins de reconnaissance mutuelle ; Louis restait le souverain et se comportait avec ses proches comme avec les autres. Voilà comme il en était venu à quitter les appartements du roi en passant par le Salon de la Guerre, une manière bien plus discrète de fuir que de prendre l'entrée principale. En bon espion, il se devait de toujours paraître invisible et absent. Des qualités innées chez lui, qu'il avait néanmoins eu à travailler pour qu'elles restent toujours si compétentes et utiles. Elles l'étaient encore ! Tout en marchant, il laissa ses pensées vagabonder du côté de son travail. Une fois de plus, cette courtisane de Limbourg avait failli lui coûter des réprimandes, et s'était immiscée entre son égo et lui. Richard ne tolérerait plus qu'elle daigne ainsi s'interposer dans une discussion avec le roi, ou même que cette mission ne perdure encore dans le temps. Toute cette histoire avait bien trop duré, et Pétra ne commettait toujours pas le moindre impair. Richard n'avait encore jamais songé à cette possibilité, mais peut-être l'avait-elle percé à jour... Non. Non, c'était impossible. Il avait été avec elle aussi discret qu'un simple courant d'air, elle ne pouvait l'avoir repéré. Et quand bien même, elle le lui aurait fait comprendre, d'une manière ou d'une autre, plutôt que de persister à se mettre en danger de cette façon. Elle était simplement intelligente et odieusement maligne... malheureusement pour l'espion que cette mission -d'apparence sans fin prolifique pour lui- commençait sincèrement à agacer.
C'est la vision d'une femme ancrée dans ses souvenirs qui le força à reprendre pied avec la réalité. Elle était là, cet éclat du passé, les cheveux d'un noir de jais et le visage impassible. Evangéline semblait ne pas le voir, comme s'il eut été invisible. Une évidence qui le rassura sur ses compétences d'espion, et fit naître un sourire satisfait sur son visage bouffé par un égo ravageur. Il fit un pas en avant et s'amusa discrètement de la surprise qu'il pouvait voir naître sur les traits de la jeune femme, ignorant totalement qu'ils n'étaient qu'un pâle reflet des siens. Il pouvait, certes, réfuter la surprise de la revoir ici, elle n'en était pas moins vraie. Et lui aussi, à sa manière, appréhendait cet instant, incapable de prendre la parole mais vrillant son regard bleuté dans les yeux magnifiques d'Evangéline, ceux-là même dans lesquels il s'était noyé des années auparavant. Vieillie, elle était toujours aussi belle. Une fois de plus, il se félicita d'avoir su s'approprier son corps, incapable du moindre remord. Il écouta ses paroles, tressaillant en sentant le déplaisir dans sa voix, en lisant le regard plein d'une haine peu dissimulée qu'elle jetait sur lui. Il ne pouvait lui en vouloir d'ainsi réagir, et une seconde, il oscilla, hésitant entre l'amusement et les remords. N'est pas un d'Artois qui veut, il resta infidèle à sa lignée, optant pour la solution la plus délicieuse à son humble goût. « Je suis navré de n'avoir su vous contenter de cette triste manière, Vicomtesse de Comborn. » Il l'avais fais d'une toute autre façon, nettement plus agréable pour l'un comme pour l'autre. Il tut pourtant cette pensée, mais se rapprocha d'un pas de la jolie demoiselle qui lui faisait face. Un instant, il se perdit à la contempler, se questionnant sur ce qui avait -ou non- changé en ce doux visage. Elle semblait plus sévère, mais peut-être n'était-ce pas un cadeau de l'âge, mais bien de la morosité qui l'animait en cet instant. Elle avait grandie, acquis de la sagesse et, probablement, de l'intelligence. Elle ne commettrait plus la même erreur, voici ce qu'il pouvait lire en elle à cet instant précis. Et étrangement, il n'en doutait pas. « Sincèrement Evy, ne t'ais-je pas manqué un peu ? » Loin de toute bienséance, il se rapprocha encore d'un pas, un sourire satisfait éclairant son visage. La tutoyer ainsi et lui rappeler leur flamme du passé n'était en rien l'acte d'un gentilhomme. Richard aussi, avait changé. Mais pas de cette façon.
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Sujet: Re: [Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard] 12.01.13 20:07
Le voilà maintenant qui se reprochait. Plus près. Trop près. Etait-ce une flamme prédatrice qu’elle pouvait deviner dans son regard clair et pourtant ombrageux? Un sursaut d’orgueil fit se raidir l’espionne et le toiser. Elle n’avait aucune peine à se revoir dix ans auparavant, ravagée par la douleur et le chagrin, par l’humiliation même alors qu’elle avait cédé à ces yeux là. Autrefois, elle considérait cette jeune fille qu’elle avait été avec sévérité, dureté même ; aujourd’hui, il lui semblait qu’elle lui devait quelque chose. Vengeance ? Réparation ? Non, rien de tel… Rien sur lequel elle puisse mettre un nom. Quelque chose entre elle et l’Evangéline de dix-sept ans.
La présomption et la familiarité contenues dans sa dernière question laissèrent l’espionne pantoise. Tant d’aplomb relevait de l’effronterie, peut-être même de l’injure. A moins qu’il ne s’en soit lui-même persuadé au point de penser que sa réponse ne pouvait être qu’affirmative. Un fin sourire narquois étira les lèvres de la vicomtesse désarçonnée. Dans son esprit à cet instant, ne lui venait que des paroles bien peu appropriées dans la bouche d’une dame de noblesse.
S’il y avait un souvenir du caractère de Richard qui lui revenait fort bien en mémoire et bien clairement était sa passion pour le jeu, le défi. Il cherchait de toute évidence à provoquer en elle des sentiments, quels qu’ils fussent, comme jadis. Et c’était ce qu’il faisait en ce moment même. A l’époque, Evangéline n’en maitrisait pas l’art. Elle le pensait du moins mais il lui avait donné tort. Et elle avait appris, durement. Ce n’était pas pour aujourd’hui faire voler le personnage qu’elle s’était composé en éclat. Au défi, elle répondait par le défi. Bien que ce geste lui coûtât par delà les mots et que son cœur, ne s’étant toujours pas remis de leurs retrouvailles inopinées, battait à tout rompre dans ses tempes et dans sa poitrine, elle glissa un pied en avant afin de se rapprocher à son tour :
- Aurais-je dû ? Les termes en lesquels nous nous sommes quittés autrefois était sur ce point sans ambigüité aucune, ne laissant la place ni aux remords, ni aux regrets, ni même à l’espoir.
Remords, regrets, espoir, amertume, tout cela avait pourtant été son lot. Elle arborait une superbe savamment composée qui n’avait pas toujours été sienne lorsqu’il s’était agit du comte d’Artois. Néanmoins elle était bien décidée à ne lui céder le pas en rien. Elle poursuivit, le dépassant tout à fait :
- Il est donc beaucoup de sentiments que vous m’ayez inspiré Monsieur. Mais de langueur il ne fut jamais question…
De quoi lui donner certainement moins d’importance qu’il prétendait en avoir. Il pouvait se targuer de cela toutefois : leur passion ne l’avait, certes, pas laissée indifférente. C’est même là un doux euphémisme. Le tutoiement dont il avait fait usage lui ayant fort déplu, elle tenait à le lui signifier et restaurer bon ordre dans la bienséance. De ce qu’ils avaient été, il ne restait plus rien, même pas cela. Ce tutoiement avait remué bien trop de choses qu’elle se refusait encore à laisser remonter à la surface. Que n’était-elle capable de hauteur, d’indifférence, de détachement ? Elle haïssait le fait de ressentir tant de trouble, tant de colère, à l’égard, même encore maintenant. Et elle ne savait plus si elle devait haïr Richard plus durement qu’elle-même.
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Sujet: Re: [Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard]
[Salon de la Guerre] La honte que cause l'amour est comme sa douleur, on ne l'éprouve qu'une fois [Richard]