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 [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)

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Elisabeth d'Alençon


Elisabeth d'Alençon

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: seul Dieu peut m'indiquer qui aimer
Côté Lit: Je me réserve pour mon futur époux, je ne suis pas de celles qui se donnent!
Discours royal:



When your faith is strong, you dont need a proof


Âge : 20
Titre : duchesse d'Alençon, abbesse de Remiremont
Missives : 414
Date d'inscription : 17/07/2012


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MessageSujet: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime17.10.12 16:25

La duchesse d’Alençon faisait les cent pas dans ses appartements depuis quelques heures. Sa vie avait été plutôt calme jusqu’à présent : elle se levait, faisait ses ablutions, s’habillait, assistait à la messe, mangeait, priait, lisait, jouait du piano, rendait visite à sa mère, visitait ses amies, priait, mangeait, priait, remplissait ses devoirs en assistant à une fête décadente comme le voulait son rang de princesse de sang, priait pour demander à Dieu de lui pardonner d’avoir dû assister à cette hérésie, se couchait.

Afin d’égayer un peu ses journées, elle avait récemment adopté deux petits chiens baptisés Ferdinand et le Lorrain, comme ses pires ennemis, pour le simple plaisir de les appeler à travers le palais surtout lorsque l’un des intéressés se trouvait à proximité. Les deux petits épagneuls étaient les créatures les plus fidèles que la duchesse ait jamais connues : ils la suivaient partout en jappant joyeusement, simplement heureux d’être auprès de leur maitresse. Elle, il fallait bien l’avouer, les gâtait outrageusement.

Et aujourd’hui, la vie était étrangement agitée. Un peu plus tôt, elle avait été contactée par l’archevêque François Fouquet qui lui avait fait parvenir ce billet :


Chère duchesse,

Il y a si longtemps que nous nous sommes vu ! Sachez madame, que l’absence dans mon entourage d’une femme aussi vertueuse que vous est un véritable supplice. Je me félicité que nous ayons néanmoins gardé des liens aussi forts que courtois et que certaines choses nous rapprocheront toujours.

Si je me permets de vous importuner, c’est pour vous montrer cette gazette parisienne qui vante les mérites de la vie d’artiste. Peut-être notre ami le père Jean et vous pourriez disserter sur ce nouvel étalage de débauche. Je vous en prie, faites-moi part de vos discussions : une telle élévation de l’esprit qui n’occulte pas celle de l’âme ne fait désormais plus partie de mon quotidien et cela me manque cruellement. Aidez donc votre vieil ami, ceci est une véritable supplication !

Je vous fais part, madame la duchesse, de mes sentiments les plus sincères

François Fouquet


Elisabeth avait parfaitement compris le message : quelque chose dans cette gazette ignoble contrariait leurs intérêts communs. Quelle pitié de devoir parler par code alors qu’ils avaient tant de bonnes actions à apporter au monde ! Elle parcourut donc la revue en fronçant le nez devant tant de bêtises jusqu’à ce qu’elle tombe sur la page poésie.

Perce-moi l'estomac d'une amoureuse flèche,
Brûle tous mes désirs d'un feu étincelant,
Élève mon esprit d'un désir excellent,
Foudroie de ton bras l'obstacle qui l'empêche.

Si le divin brandon de ta flamme me sèche,
Fais sourdre de mes yeux un fleuve ruisselant :
Qu'au plus profond du coeur je porte recélant,
Des traits de ton amour la gracieuse brèche.

Puisque tu n'es qu'amour, ô douce charité,
Puisque pour trop aimer tu nous as mérité
Tant de biens infinis et d'admirables grâces,

Je te veux supplier par ce puissant effort
De l'amour infini qui t'a causé la mort,
Qu'en tes rêts amoureux mon âme tu enlaces.

Ophélie de Froulay


Elisabeth avait sursauté en lisant le nom de l’auteur : Ophélie de Froulay. Cette ancienne amie avec qui elle partageait tant jusqu’à ce qu’elle trahisse la cause. Elisabeth en avait éructé de rage quand elle avait su l’ampleur de son infamie. Lorsqu’elle était morte quelques années plus tôt, elle l’avait à peine pleurée. Mais ce poème…la duchesse était loin de soupçonner qu’Ophélie ait pu les trahir à ce point ! Ce poème était un code et si quelqu’un venait à le découvrir….ils seraient tous perdus !

L’ancienne abbesse avait poussé un cri de rage à cette idée, faisant sursauter Ferdinand et le Lorrain, confortablement endormis sur les genoux de leur maitresse. Ils avaient sauté à terre en aboyant furieusement pour la défendre. Elisabeth s’était calmée afin d’apaiser ses petits chiens. En même temps, elle se dit que si quelqu’un avait compris ce qu’était ce poème, elle aurait déjà été arrêtée et serait aujourd’hui à la Bastille. Mais alors, qui avait publié ce poème et surtout dans quel but ? Personne dans la Compagnie ne savait où avait disparut les informations dissimulées dans le texte. De toute évidence, c’était Ophélie qui les avait volées autrefois. Mais à qui Diable, avait-elle bien pu les confier puisqu’aujourd’hui, elle ne pouvait pas avoir publié cette liste d’outre-tombe. Suivant les instructions de l’archevêque, elle mènerait l’enquête en compagnie du père Jean, parfaitement incognito. Curieusement, Elisabeth semblait insoupçonnable quand un complot ou une société secrète voyait le jour. Et pourtant, elle n’était pas la fille de Gaston d’Orléans pour rien !

Seulement, un autre drame s’était joué dans cette histoire. Quelques jours plus tôt, elle avait envoyé sa fidèle Catheau repérer les habitudes de son futur co-équipier mais elle était arrivée avec une information qui avait glacé le sang des deux femmes.


- Continue à observer ! Je veux savoir si tout cela est vrai !

Et depuis le début de la matinée, Elisabeth attendait les résultats des investigations de sa suivante dans son petit salon, faisant les cent pas avec Ferdinand et le Lorrain qui courraient dans ses jambes en essayant de la distraire. Enfin, la porte s’ouvrit et la pauvre suivante apparut, les cheveux en bataille et les joues rouges.

- Catheau, pour l’amour de Dieu, ne prends pas des airs de complots ! Sais-tu ce qui nous arrivera si nous sommes découvertes ?
- Pardon madame la duchesse, mais mon amie est formelle : le père Jean est bien mêlé à tout cela !
- Seigneur, aidez-nous, conclut la duchesse en se signant.

Elle s’assit sur son fauteuil et le Lorrain sauta immédiatement sur ses genoux en lui léchant les doigts. Elle se mit à caresser distraitement le petit chien tandis que Ferdinand jappait à ses pieds pour réclamer de l’attention mais Elisabeth était déjà perdue dans ses pensées !

- Bien, conclut-elle après un instant d’une grande réflexion, j’ai absolument besoin du père Jean pour mon enquête. J’utiliserai donc cette information à mon avantage !

Elle se tourna ensuite vers sa suivante :

- Habille-moi de ma robe noire, il est temps d’aller me confesser !

Tout en s’habillant, Elisabeth songea à ce qu’elle savait réellement sur le père Jean : il était le confesseur de la reine, sérieux, extrêmement pieux et parfaitement dévoué à leur cause, du moins pour ce qu’il en disait à l’archevêque. Il était temps de savoir ce qu’il en était réellement.

Elisabeth prit la route de la chapelle royale, sa suivante et ses chiens sur les talons. Elle égrainait son chapelet, espérant de toute son âme qu’elle prenait la bonne décision en gardant l’information pour elle. Après tout, l’enjeu était de taille et rien ne pouvait filtrer.

En arrivant dans la chapelle, elle vit avec soulagement qu’elle était vide, mis à part la présence du prêtre dans le confessionnal.


- Catheau, je te laisse mes amours ! Si quelqu’un vient, joue avec eux de façon à ce qu’ils aboient !
- Bien madame la duchesse !

Elisabeth entra dans le confessionnal et s’installa confortablement : la discussion risquait d’être longue !

- Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché ! Et surtout, qu’Il me pardonne parce que je vais bientôt commettre un nouveau péché ici même, dans ce confessionnal. Le Seigneur doit savoir que je ne le ferai que par amour pour Lui ! Me le garantissez-vous mon père ?

Spoiler:
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Jean de Baignes


Jean de Baignes

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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime12.11.12 21:44



-Êtes-vous sûr, Vaulry, de ce que vous me dites ?
-Certain, monseigneur !
-Mon père, cela suffira.
-Moi, c’est Vaulry, monseigneur…
-Non, appelez-moi simplement mon père ! ou monsieur l’abbé, si vous préférez !
-Ah! Euh…mon père abbé.
-Diab…bigre, voilà une affaire qui s’annonce de mauvais augures, ronchonna Jean en faisant les cent pas dans son petit appartement versaillais. Le front penché sur le tapis de perse qu’on lui avait fait mettre là et qu’il détestait, il réfléchissait au meilleur parti à prendre.
Le confesseur était toujours là, toujours en pleine santé et cet idiot de Joigny se mêlait maintenant au diable pour faire s’éloigner de lui cette place si convoitée ! Il lui plantait un crucifix dans le dos, cet adorateur de Satan ! La peste soit de ce donneur de messes noires, quelques preuves irréfutables et il tombait. On n’insultait pas impunément Dieu, et seulement penser à ce qu’il ai pu aider Joigny à les célébrer l’écœurait lui-même. Fallait-il que l’affaire soit de taille pour qu’il s’abaisse à cela.

Et voilà maintenant qu’il s’était décidé à prendre….à s’octroyer, même, cette place qui laquelle il lorgnait ! Le bougre n’aurait rien de tel. Foi d’Arçay. Il le ferait enfermer dans une cellule de Baignes, juste à côté des cloches où non loin de la chapelle pour qu’il entendre la messe plusieurs fois par jours…et la sentence était bien trop douce, encore !

-Monseign…euh mon père ?
La voix du valet fit sursauter Jean qui l’avait totalement oublié. D’un geste bref et agacé, il le congédia.
-Allez, allez. Et ne dites rien à personne sur ce que vous venez de me dire et sur ce que je vous demande. Dieu le voit et vous savez que sa miséricorde est pour les cœurs purs.
Le valet secoua tête dans un regard inquiet face à cette menace couvée, et s’éclipsa derrière la tapisserie.

Bon. Et maintenant ? Monter une cabale contre monseigneur Rotrou, ce confesseur qui ne tirerai sa révérence qu’à l’appel de la tombe ? L’affaire était osée, mais jouable. Avec la guerre qui s’annonçait, il était possible que l’excuse soit plus aisée à trouver ! une trahison ne faisait jamais bon effet.
Mais il était arrivé jusque-là grâce à ces petites intrigues. Rome elle-même était un nœud de complots de toutes sortes qui pouvait donner des cheveux blancs au Pape, si celui-ci n’en n’avait assez.
Il s’était refusé à cela durant quelques mois, mais l’évêque de Poitiers était un homme d’influence. S’il pouvait récupérer cette charge de confesseur tout en devenant évêque de Poitiers, il pourrait prouver à son mentor que l’élève pouvait battre le maître. Il lui promettrait une retraite agréable à Baigne où à l’évêché de la Rochelle, l’un des plus agréables à vivre.

-Mon père, il est bientôt 15 heures, les pénitents vont attendre.
La voix du jeune page le fit sursauter. Le front soucieux, il n’avait entendu les quelques coups frappés à la porte. Pardieu ! Il en avait oublié les confessions à la chapelle royale ! A défaut de recueillir la voix de la reine dans son oratoire, il se contentait des péchés de chair des courtisans, s’amusant de ces faiblesses, se désolant de leur impiété, mais farouchement décidé à conserver un minimum de spirituel dans cette cour parfois bien trop dépravée.

-Je viens. Serais-je seul, ou le père Moulsix sera là ?
-Il partira dès votre arrivée.
Ah ! Seul dans cette chapelle. Il pourrait terminer quelques lectures en attendant les âmes les plus tourmentées et courageuse qui viendraient à lui.

Il descendit les degrés, ajusta son col et sa soutane avant de saluer quelques personnes qui attendaient sur des bancs, puis prenant son vieux chapelet par habitude, s’enferma dans le confessionnal.

L’heure avait tourné lentement, au gré des péchés et remords de ces courtisans. L’un avait trompé sa maîtresse, l’autre avait presque succombé à utiliser cette poudre de succession dont on entendait tant parler. Celle-ci voulait se faire épouser du roi et l’autre avait séduit un abbé. Quant à celui-ci, il s’était moqué en public de son amant.
Il y avait de ces jours où Jean songeait à cette faculté qu’avaient chacun de ces confesseurs pour oublier les noms sur ces offenses et pour les aider à maintenir ces secrets. Mais il y songea ce jour-ci plus particulièrement.

La chapelle se vidait, mais plongé dans sa lecture de l’Ancien Testament, il n’entendit les pas doux de la jeune femme qui poussa la porte du confessionnal. Se redressant, il ferma son livre et passa son étole.
-Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, la bénit-il, je vous écoute.
-Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché ! Et surtout, qu’Il me pardonne parce que je vais bientôt commettre un nouveau péché ici même, dans ce confessionnal. Le Seigneur doit savoir que je ne le ferai que par amour pour Lui ! Me le garantissez-vous mon père ?

Jean sursauta en se raidissant sur sa chaise. Il lui semblait connaître cette voix et rompant avec la discrétion qui lui était propre, il se pencha vers les grilles de bois pour tâcher de reconnaître le visage de la pénitente. Au dia…. La peste soit cette obscurité !
C’était bien plus la voix et l’intonation de la femme qui avait mis ses sens en éveil, plus que ces phrases qu’il entendait de la bouche des bigotes. Mais en un court instant, il se rappela de ce « péché dans un confessionnal »…un meurtre ?
Les sourcils froncés, il se demanda s’il n’avait pas affaire là à une sorte de démon qu’il avait du rencontrer auparavant. Ils ne pénétraient jamais dans les églises, d’ordinaire…

-Ce que vous venez de dire peut être grave madame, répondit-il de sa voix calme. Si votre cœur est honnête et que vos paroles sont vérité alors le Seigneur sera miséricordieux. Lui seul connaît le fond de votre âme et pourra exercer Sa Clémence, si vous le désirez tant.
Jean su qu’il en avait également pour quelques temps et s’installa à son tour plus confortablement, les mains croisées sur ses genoux.
-Mais pour cela, je dois vous écouter. Il vous faut me dire quel est ce péché que vous vous apprêtez à commettre, afin que je puisse vous absoudre. Je vous écoute, madame, l’encouragea-t-il aimablement.

S’il avait pu voir dans l’esprit de la jeune femme, Jean aurait sans nul doute donné son absolution dès l’instant qu’elle eu franchi le seuil du confessionnal !


Spoiler:
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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime08.12.12 4:14

Spoiler:

Elisabeth était contente d’elle. La jeune femme était ravie car même si elle avait les complots dans le sang, elle n’avait pas souvent l’occasion de les mettre à profit. Elle n’était donc pas sûre de pouvoir faire mouche quand il s’agirait d’être ferme. Et puis le père Jean n’était pas n’importe qui et s’il jouait double jeu, comme elle le croyait, il n’était sûrement pas facile à ébranler !

Hors après avoir lancé sa réplique, pourtant spontanée – nouveauté totale pour elle - elle avait clairement sentit que le père Jean avait sursauté et prit son temps pour répondre. Il avait même tenté de la reconnaître mais elle avait recouvert son visage d’un voile de gaze noir. C’était là la preuve qu’elle avait parfaitement réussit à capter toute son attention. Maintenant, il s’agissait de ne pas pécher par orgueil : elle avait son attention, certes, mais cela ne prouvait pas qu’il n’avait pas la conscience tranquille et encore moins qu’il était à sa merci. Elle était contente d’elle mais le plus dur restait à faire ! Néanmoins, elle ne put s’empêcher de savourer son petit effet.


"Pardonnez-moi Seigneur, mais il est vrai qu’il est plaisant d’avoir un tel pouvoir !"

Ceci dit, la duchesse ne doutait pas une minute que Dieu lui pardonnerait ce moment vain, après tout, elle devait prendre un certain ascendant sur le père Jean dont les péchés étaient bien plus graves que le sien ! De la part d’un homme de Dieu, soi-disant totalement dévoué à la cause de leur ordre ! Tant d’hypocrisie lui déplaisait !

- Ce que vous venez de dire peut être grave madame, répondit-il de sa voix calme. Si votre cœur est honnête et que vos paroles sont vérité alors le Seigneur sera miséricordieux. Lui seul connaît le fond de votre âme et pourra exercer Sa Clémence, si vous le désirez tant.
- Eh bien mon père, au moins sur ce point, nous sommes d’accord. Mon cœur est on ne peut plus honnête et je ne m’abaisserai jamais à mentir…le Seigneur connait la Vérité, Il ne pourra que me pardonner !


Elle s’installa plus confortablement, entrouvrit le rideau pour vérifier ce que faisaient ses chiens. Il était important de prendre son temps et surtout, d’imposer son rythme de parole au père Jean. Elle avait besoin de lui mais ce qu’elle avait découvert prouvait qu’elle devait prendre l’ascendant sur lui, qu’il comprenne que son avenir au sein de la Compagnie dépendait d’elle. Son avenir au sein de la Compagnie, mais son avenir au sein de l’Eglise et surtout, son avenir d’homme libre ! Elle devait bien sûr d’abord entendre ses explications mais avec ce qu’elle savait sur lui, elle était furieuse qu’il reste aussi calme. Cet homme était-il une brebis égarée ou un démon ?

- Mais pour cela, je dois vous écouter. Il vous faut me dire quel est ce péché que vous vous apprêtez à commettre, afin que je puisse vous absoudre. Je vous écoute, madame, continua-t-il de son exaspérante voix calme.

Elisabeth devait tout de même lui reconnaître ceci : d’autres que lui auraient déjà perdu leur sang-froid. Mais le fait que Catheau joue avec les chiens à côté comme s’il y avait une présence animée au-dehors garantissait sa sécurité. S’il avait trempé dans ces affaires, il était un homme dangereux et il fallait bien lui faire comprendre que s’il touchait à un seul de ses cheveux, aussi insoupçonnable soit-il, elle ferait en sorte que tout le monde sache quel être infâme il était.

- Le péché que je m’apprête à commettre est grave, mon père, mais moins grave que celui commis par d’autres, qui devraient pourtant se montrer bien plus vertueux que moi !

Elle dût faire un effort sur elle-même pour ne pas tout lui révéler en une fois, il était important qu’il ne puisse pas savoir tout de suite où elle voulait en venir, l’homme était intelligent, aussi devait-elle faire attention à ce que ses réparties ne fusent pas aussi vite que lorsqu’elle se trouvait à la Cour et que ses détracteurs l’attendaient sans cesse au tournant.

- Voyez-vous mon père, aujourd’hui, on m’a confié la mission de sauver quelques âmes vertueuses qui sont au bord de la ruine. Et l’on m’a demandé de me faire aider pour cela. Par une personne précise. Mais j’ai découvert que cet homme était un odieux criminel et que pour mener à bien ma mission, j’allais devoir couvrir son crime. Voilà un péché que je n’ai pas encore commis mais qui ronge déjà ma pauvre conscience !

La duchesse se força à s’arrêter, comme pour reprendre son souffle. Elle avait réussit à débiter tout cela d’une voix égale mais elle devait sans cesse lutter contre une sorte d’excitation. Et pourtant, Dieu sait qu’elle avait envie de dire ses quatre vérités à ce faux serviteur de la Foi.

- Cet homme présente tous les signes d’une parfaite créature du Seigneur, moi-même je lui aurai donné le Paradis sans confession ! S’insurgeant, comme tout bon chrétien, lorsqu’il a entendu la rumeur comme quoi à Paris, il y avait une vague de créatures du démon qui tueraient des enfants innocents, sans nul doute pour les offrir à Satan lui-même !

Elisabeth se signa après avoir prononcé ce nom dans la maison de Dieu. Mais elle était allé trop loin maintenant, il n’était plus temps de rebrousser chemin.

- Eh bien, mon père, on m’a rapporté que cette rumeur était fondée, mais que cet homme était mêlé à ces actes odieux ! Un meurtrier œuvrant pour le démon ! Rien de moins que cela. Le Seigneur a voulu me faire savoir que je ne m’occupais que de choses vaines, car le Malin complote contre nous aux portes de Versailles et à la Cour, nous sommes beaucoup à l’ignorer. J’ai bien retenu le message du Tout-Puissant. Voilà pourquoi je me refuse à travailler main dans la main avec cet odieux personnage !

Elisabeth écoutait attentivement, essayant de capter les émotions du père Jean. Allait-il avouer son crime ? Certainement pas, mais il devait maintenant avoir fait le rapprochement entre ses agissements et le récit de la duchesse. Il était temps de se montrer plus directe.

- Pourtant, si je ne le fait pas, des hommes de bien risquent de tout perdre. Que feriez-vous si vous étiez à ma place, père Jean ? Dénonceriez-vous cet homme à qui de droit ou bien, attendriez-vous que la justice divine fasse son œuvre ?

Elle s’approcha de la grille afin de bien faire comprendre au père Jean qu’il aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. En réalité, elle avait bluffé une bonne partie de son discours : certes, elle avait entendu la rumeur sur les meurtres d’enfants mais n’y avait jamais prêté réellement attention. Après tout, il s’agissait d’enfants pauvres, le Ciel leur était acquis à la naissance s’ils n’avaient pas commis de péchés durant leur courte existence. Et on disait que si ces enfants mourraient, c’était en sacrifice lors de messes noires mais ce n’était que ouï-dire et il n’était pas sûr que tous ces faits soient fondés. Ce que sa pauvre suivante lui avait rapporté était que si – et seulement si - elle l’était, le père Jean y était mêlé, il faisait partie des criminels. La duchesse n’avait donc pas d’autre choix que de prêcher le faux pour savoir le vrai et le temps pressait, elle n’avait pas le temps de mener une enquête approfondie. Elle était donc contrainte et forcée d’interroger elle-même le père Jean afin de connaître le fond de l’histoire. En son for intérieur, elle était persuadée de la culpabilité du prêtre - Catheau ne mentait jamais et en attendait autant de ses amies donc celle qui l’avait renseignée devait être certaine de son fait – mais elle voulait croire que l’affaire était beaucoup moins grave que ce que l’on disait. L’homme était coupable, mais d’un fait mineur qui ne compromettrait ni son âme, ni sa mission.

- Il est certain, mon père, que cet homme, même s’il a réussit à berner ses semblables, n’échappera aucunement à l’Enfer éternel ! Qu’en pensez-vous ?

Elle attendit la suite avec impatience. Il était impératif de tirer cette histoire au clair afin d’établir une ligne de conduite pour la suite des opérations.
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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime08.02.13 12:50


-Le péché que je m’apprête à commettre est grave, mon père, mais moins grave que celui commis par d’autres, qui devraient pourtant se montrer bien plus vertueux que moi !

L’allégation fit dresser l’oreille de Jean qui se redressa d’un bon, se penchant lentemant vers la grille de bois. Il n’en fallait pas plus pour attiser la curiosité du poitevin qui malgré toute sa discrétion et ses réserve, se tenait informé des moindres rumeurs. De quoi pouvait-il donc s’agir, cette foi-ci?! Il avait reconnu la jeune princesse française et connaissant l’étouffante piété de la duchesse, il doutait d’une rumeur infondée.
Il n’osa la pousser à continuer, sachant qu’un silence était parfois bien plus encourageant que de vains mots.

Discrètement, il souleva le rideau violacé du confessionnal...personne sur les banc, les murs n’avaient donc pas d’oreilles, aujourd’hui.

- … mais j’ai découvert que cet homme était un odieux criminel et que pour mener à bien ma mission, j’allais devoir couvrir son crime. Voilà un péché que je n’ai pas encore commis mais qui ronge déjà ma pauvre conscience !
-Je comprends, fit-il doucement...mais peut-être ce projet commun lui ouvrira-t-il le coeur et le poussera à demander pardon pour le crime qu’il a pu commettre. Il ne pu s’empêcher de ressentir un certain malaise en prononçant ces mots. Sa vocation ne l’avait-elle pas poussé à reconnaître l’horreur d’un geste qu’il ne se pardonnait pas? N’ayez pas de jugement hâtif, seul Dieu connaît son coeur, termina-t-il d’une voix plus douce, mais non sans fermeté.

Il sentait l’excitation pointer dans la voix de la duchesse; ce qu’elle avait à révéler était donc aussi capital qu’elle le laissait paraître?!
-Peut-être a-t-il été choisi à dessein pour oeuvrer à vos côtés. Est-il en public le criminel que vous dites qu’il est?
-Cet homme présente tous les signes d’une parfaite créature du Seigneur, moi-même je lui aurai donné le Paradis sans confession ! S’insurgeant, comme tout bon chrétien, lorsqu’il a entendu la rumeur comme quoi à Paris, il y avait une vague de créatures du démon qui tueraient des enfants innocents, sans nul doute pour les offrir à Satan lui-même !

Jean, qui avait ouvert la bouche pour calmer la ferveur de la jeune femme, la referma aussitôt lorsqu’elle prononça ces mots de démons et de Satan. Les messes noires. Ces réunions de suppôts de Belzébuth! Offrant âmes perdues, chair et esprits à l’Enfer lui-même, guidées par le péché et toutes les horreurs de ce monde. Des disciples de Lucifer! Ceux qu’il cherchait à infiltrer, à guider adroitement pour les révéler au grand jour et les exposer à la colère divine. Ces messes qu’il hébergeait parfois, pour mieux les piéger. Ces caves sombres, ces chapelles vouées à Satan...les images de ce qu’il avait pu voir remontaient à la surface. De qui parlait-elle donc? Avait-elle un nom à lui révéler ou une preuve qui lui manquait pour confondre ces hérétiques?
-Continuez, fit-il, songeur, posant un doigt sur sa bouche.
- Eh bien, mon père, on m’a rapporté que cette rumeur était fondée, continua-t-elle aussi enflammée, mais que cet homme était mêlé à ces actes odieux !
-L’allégation est grave, madame.
-Un meurtrier œuvrant pour le démon ! Rien de moins que cela.
Jean blêmi légèrement, mais pas autant qu’il aurai du, s’il avait deviné l’identité du criminel accusé par la princesse.
-Voilà pourquoi je me refuse à travailler main dans la main avec cet odieux personnage !

Jean ne répondit rien les premières secondes qui suivirent l’accusation, avant de se rappeler qu’ils se connaissaient mutuellement, qu’ils avaient oeuvré par le passé et que, par conséquent, elle devait savoir à quel caractère elle s’adressait. Ils se parlaient peu à la cour, n’échangeaient que mots pieux ou courtois et dévoué à la reine, il n’avait jamais réellement cherché à s’attacher à l’âme de la princesse; celle-ci avait déjà ses confesseurs et aumôniers. Alors pourquoi se confier à lui, aujourd’hui? En sa qualité d’exorciste? Ou...

Il sentit son coeur lâcher soudainement.

Ou parce qu’il fréquentait ces messes noires...

La confession venait de prendre une toute autre tournure. Elle avait même basculé en un quart de seconde. Penché sur le missel qu’il tenait sur ses genoux, il releva la tête et jeta un oeil à la jeune femme. Mais l’obscurité du confessionnal l’empêcha de saisir ses expressions. Que voulait-elle? Sur quel travail devaient-ils oeuvrer ensemble? Que savait-elle à propos de lui, des messes noires, et pire, à qui avait-elle pu en parler?!

- Dénonceriez-vous cet homme à qui de droit ou bien, attendriez-vous que la justice divine fasse son œuvre ?
La jeune femme s’était tourné vers lui et leur regards se croisièrent un moment. Figé, Jean s’efforçait de vider son esprit de mille réponses inappropriées. Il en avait perdu cette grâce qui l’avait toujours servi lors de ces confessions, il en perdait son assurance et instinctivement, senti ses doigts se crisper sur le missel relié. Il inspira lentement, conservant son calme et détourna son regard de la jeune femme.
-Êtes-vous certaine de cela, mademoiselle? Le démon qui agit autour de nous ne vous aurait-il pas floué? L’allégation est grave si l’homme est respectable et il vous faut en être certaine avant de le porter à l’accusation publique. La justice terrestre doit condamner ce crime. La justice divine condamnera ou non l’âme de ce pécheur. Dieu est le seul juge, nous ne devons de compte qu’au Créateur, mais la justice terrestre garanti notre protection sur terre.
-Il est certain, mon père, que cet homme, même s’il a réussit à berner ses semblables, n’échappera aucunement à l’Enfer éternel ! Qu’en pensez-vous ?

Que voulait-elle, exactement? Qu’il se dévoile entièrement? Avait-elle au moins la certitude, ou avait-elle lancé un pavé dans la mare, attendant que les ronds atteignent les rivages?
-L’on ne peut se fourvoyer avec Lucifer sans craindre la colère divine. Dieu connaît les coeurs, contrairement à nous, qui ne faisons que les deviner.

Il se tut à nouveau. Elle avait parlé d’oeuvre commune...était-ce un bluff? Le poussait-elle à se trahir, mais dans ce cas, qu’avait-elle à y gagner? Elle, princesse pieuse et lui, exorciste commandant au diable lui-même de laisser l’âme des Hommes. S’il devait se protéger, il était aisé de la déclarer possédée, mais jamais Jean ne pouvait atteindre une telle extrémité.
S’il se dévoilait, c’est qu’il devait prendre une partie du jeu entre ses mains. Se dévoiler, c’était oeuvrer auprès de la princesse, à qui la tâche qu’on lui avait confié était peut-être bien plus importante que sa place.

Sacrifier son ambition? Son orgueil en souffrit, mais il se pencha à nouveau vers Elisabeth d’Alençon, posant un regard franc sur son visage juvénile.
-Qu’attendez-vous de moi, altesse, demanda-t-il d’une voix presque atone? Serait-ce un chantage? Avez-vous tant besoin de mes services que vous prêtez à ces allégations calomnieuses une once de vérité? Ne mentez pas dans la maison du Père.

Il se redressa, inspirant à nouveau pour reprendre ses esprits, mais ne désserra pas les doigts autour de son missel.
-J’ai été nommé pour délivrer les hommes de l’emprise de Satan, pour protéger les âmes. Je parle au démon, et il me craint. Me pensez-vous réellement disciple de celui que je combats depuis tant d’années, trancha-t-il?

La jeune femme l’avait poussé dans ses retranchements, mais la vérité, parfois, était d’une absolue nécessité pour mener à bien une mission divine.
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Elisabeth d'Alençon


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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime20.02.13 0:20

Si Elisabeth avait été pourvue d’un esprit pour le moins grivois, elle aurait remarqué que pour une fois, elle faisait frémir un homme et que le père Jean se mettait en émoi devant une femme. Mais ce n’était pas le genre de plaisanteries qui venait naturellement à l’esprit de la pieuse duchesse. Et cette idée n’avait probablement pas effleuré non plus le père Jean. Quand bien même cela aurait été leur genre, ils étaient tous deux assez occupés par leur affaire. Elisabeth était toujours aussi satisfaite de son petit manège et ne put s’empêcher de se dire que son père aurait aimé voir qu’elle était sa digne fille, qu’elle menait les complots en bonne intelligence et qu’elle, il aurait été fier de l’avoir à ses côtés durant la Fronde. Durant cette période, elle avait été tenue à l’écart – elle était de toute façon trop jeune à l’époque et n’aurait pu apporter la moindre aide à son père – et n’avait retrouvé sa famille que dix ans plus tard, au château de Blois. Et dans la grande salle où autrefois le comte Thibaud, et ses descendants après lui, rendait la justice, une espèce de cour de pacotille s’était installée. Il n’y avait là que des anciens grands du royaume, tous tombés en disgrâce et revivant pathétiquement leurs exploits d’antan. Elisabeth s’était jurée, en voyant son père vieux et fatigué, de redorer le blason de la famille. Elle avait embrassé la cause de la compagnie dans ce but. Quand celle-ci était devenue hors-la-loi, elle ne s’était pas découragée pour autant, sûre que sa cause était la bonne et qu’elle ferait entendre raison à son royal cousin, qu’il reconnaîtrait enfin qu’il avait besoin d’elle et de ses conseils. Encore et toujours dominée par son orgueil, somme toute !

Le visage de la duchesse n’était pas très éloigné de celui du prêtre désormais mais l’obscurité était trop forte – le comble pour une partie de la maison de Dieu, y avait-il là le moindre signe ? - pour qu’elle puisse distinguer ce qu’il pensait vraiment. Elle sentait juste qu’il n’était plus aussi assuré que d’habitude. Bien, Elisabeth devait conserver la sienne. Après tout, si le père Jean était bien mêlé à cet odieux commerce, il était risqué de lui tomber dessus de la sorte. Elisabeth devait le convaincre qu’il était dans son intérêt de faire profil bas et elle n’avait pas droit à l’erreur.


- L’on ne peut se fourvoyer avec Lucifer sans craindre la colère divine. Dieu connaît les cœurs, contrairement à nous, qui ne faisons que les deviner.
- Certes, nul ne connait mieux la nature humaine que Lui, mais peut-être parfois nous envoie-t-Il des signes afin de mieux comprendre ceux qui se dissimulent à leurs frères.


Elisabeth ne se sentait plus aussi satisfaite d’elle-même, elle commençait à tourner en rond, il lui faudrait vite en venir au fait si elle ne voulait pas que le prêtre finisse par reprendre le contrôle. Oubliait-elle ce qu’elle risquait si par malheur il désirait se montrer plus puissant qu’elle. Le fait que l’orgueil soit son péché et non pas celui du prêtre ne lui effleura même pas l’esprit.

- Qu’attendez-vous de moi, altesse, serait-ce un chantage? Avez-vous tant besoin de mes services que vous prêtez à ces allégations calomnieuses une once de vérité? Ne mentez pas dans la maison du Père.

Et voilà, à force de vouloir jouir de l’effet de surprise, elle avait laissé le pouvoir lui échapper. Il était sur le point de dominer la conversation. Elisabeth devait inverser les rôles au plus vite.

- Donc, vous voyez clairement le but de mes interrogations ? Cela au moins, vous ne le niez pas !

Malgré elle, Elisabeth ne put s’empêcher d’être saisie par l’effroi. Comment pouvait-on s’adonner à de tels vices et ne pas en rougir, voilà qui la dépassait ! Elle inspira profondément afin de se reprendre, ce n’était pas le moment de flancher.

- Je ne mens pas, mon père ! Je suis une pure servante de Dieu, mon âme est aussi immaculée que la mère de notre Seigneur, contrairement à vous !
- J’ai été nommé pour délivrer les hommes de l’emprise de Satan, pour protéger les âmes. Je parle au démon, et il me craint. Me pensez-vous réellement disciple de celui que je combats depuis tant d’années.
- Seul le Seigneur peut inspirer de la crainte au démon ! N’êtes-vous pas vain de prétendre être Son égal dans ce domaine ?


Non, elle ne trouvait pas le moins du monde qu’elle manquait d’air de reprocher à un autre son orgueil.

- Mon père, de toutes les âmes qui peuplent cette Cour débauchée, vous êtes le dernier que j’aurai soupçonné ! Vous, qui avez toute la confiance de notre Majesté la reine ! Décidément, le Malin est habile quand il s’agit de tromper les honnêtes gens ! Un homme de Dieu…vraiment !

Elle observa le jeune prêtre à travers la grille, prise d’un doute, se pouvait-il qu’il soit réellement coupable. S’il s’agissait bien d’un démon, il était normal qu’il sème le doute dans son esprit mais malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de se laisser convaincre par ses arguments, lentement mais sûrement. Il fallait qu’elle reste vigilante, qu’elle ne se laisse pas duper. Il était peut-être temps maintenant d’en venir au fait. La jeune duchesse approcha son visage à nouveau.

- Dieu du Ciel, serai-je donc obligée de vous faire confiance sur ce point ? Pourtant, vous savez que je ne prête pas attention aux rumeurs des courtisans, il n’y a rien de plus vulgaire qu’un commérage.

Non, elle n’était toujours pas gênée de prêter aux autres ses propres défauts et de s’en offusquer.

- Si j’ose porter ces accusations, c’est parce que j’ai des preuves solides. Priez pour que je sois la seule à les avoir obtenues !

De l’autre côté du confessionnal, elle entendit les chiens japper légèrement. Elle se raidit, prête à changer de sujet afin de ne pas éveiller le moindre soupçon lorsqu’elle entendit Catheau leur intimer l’ordre de se taire. Bien, les petites bêtes avaient eu une réaction spontanée, personne n’était entré dans la chapelle ! Elisabeth se rassura et se demanda s’il n’était pas temps d’en venir au fait ? Après tout, elle jouait avec le père Jean depuis un moment maintenant et il fallait qu’elle sache s’il était toujours de son côté.

- Mais vous aviez raison mon père, afin de Le servir comme il se doit, je vais devoir avoir recours à ce vil procédé qu’est le chantage ! Je n’en suis pas fière, mais je n’ai malheureusement pas le choix ! Que Dieu me pardonne, mais je ne suis pas obligée de vous dénoncer. Je suppose que vous ne lisez pas les revues de poésie ?

Ce n’était pas réellement une question, personne de respectable ne pouvait lire ces odes à l’éloignement du Seigneur.

- Je vous rassure, moi non plus ! Mais l’un de nos amis commun est tombé sur quelque chose de fort intéressant dans l’une d’elle. Vous souvenez-vous de madame de Froulay ?
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Jean de Baignes


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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime15.06.13 16:14

La jeune duchesse avait touché un point sensible, et quoi qu'elle puisse vouloir faire par la suite, tant qu'il n'aurait mis le doigt sur la réponse, Jean ne la laisserait ni quitter ce confessionnal, ni l'abandonner à ses questions.
La jeune femme prenait le visage des pires des vipères. De ces jeunes saintes qui s'affichaient pleine de bontés, mais dont l'esprit était tout aussi retors que le plus débauché des séducteurs de ce château. Elisabeth d'Alençon pouvait certainement rivaliser avec les plus mauvais si elle n'avait décidé d'être aussi pieuse.
Mais cette pieuserie exacerbée agaçait le père Arcay aujourd'hui. Se pensait-elle réellement si proche de Dieu pour insinuer de telles accusations? Etait-elle si aveuglée par sa condition qu'elle ne pouvait voir ses propres erreurs?

Jean songea avec ironie que cette confession serait à reprendre dès son origine lorsque la jeune femme aurait enfin dévoilé ce qu'elle gardait pour l'heure secret. Avant que l'instant ne vienne, il fallait rester attentif et ne pas tomber dans le piège grossier qu'elle lui tendait.
-Seul le Seigneur peut inspirer de la crainte au démon ! N’êtes-vous pas vain de prétendre être Son égal dans ce domaine, pérora-t-elle comme pour lui infliger une leçon qu'il connaissait parfaitement.
-Et de qui tient donc un exorciste ses pouvoirs, altesse? De la Bible, répondit-il ironiquement. La piteuse remarque de la jeune femme avait au moins permis à Jean de se détendre. Il avait aujourd'hui affaire à une intelligence qui valait bien au moins la sienne, et il sentait cette faaculté bien trop lancée sur un chemin dangereux...pour lui. Quoi que puisse vouloir la princesse, Jean s'en méfiait comme d'un anglican.
-Mon père, de toutes les âmes qui peuplent cette Cour débauchée, vous êtes le dernier que j’aurai soupçonné, avait reprit Elisabeth d'Alençon sans prêter attention à sa remarque ! Vous, qui avez toute la confiance de notre Majesté la reine ! Décidément, le Malin est habile quand il s’agit de tromper les honnêtes gens ! Un homme de Dieu…vraiment !

Jean fronça les sourcils, approchant son visage de la grille de bois qui les séparait. Etait-elle allée jusqu'aux larmes? Il ne voyait rien dans l'obsurité, mais il tentait de capter le regard de la princesse. A quel jeu jouait-elle? Elle si pieuse, si craintive du jugement divin, aurait-elle pu en venir au mensonge afin qu'il se plie à ses désirs?
-Vous poursuivez donc vos accusations, altesse, sans craindre combien que cela peut vous coûter? Reprenez-vous, altesse, continua Jean d'une voix moins froide, sentant que la jeune femme s'était vraisemblablement fourvoyée ou s'éloignait du droit chemin. Me songez-vous coupable d'une telle hérésie? De quoi parlez-vous donc, lorsque vous dites "oeuvre commune", essaya-t-il pour obtenir plus de réponse. 
Penché vers elle, il avait désserré son étreinte autourdu missel, oubliant totalement quel lieu les protégeait. Percer ce qu'Elisabeth d'Alençon cachait était bien plus important que tout, maintenant! 
-Dieu du Ciel, serai-je donc obligée de vous faire confiance sur ce point ? Si j’ose porter ces accusations, c’est parce que j’ai des preuves solides. Priez pour que je sois la seule à les avoir obtenues !
-Le reste est une affaire entre le Ciel et moi, répondit Jean d'une voix atone. Parlez donc, je suis toujours sous le secret de la confession, je ne puis rien révéler de ce que vous me direz.Ou craignez la colère de la colombe, ajouta-t-il laconiquement en songeant à la sournoise Elisabeth.
Il sentait malgré tout son coeur battre d'inquiétude. Quelles preuves solides pouvait-elle détenir...dans l'esprit de la fille de Gaston d'Orléans, que pouvait-il bien se passer? Tout était possible pour la descendante de celui qui n'avait cessé de trahir famille et amis. Elle avait dans ses mains de quoi le faire irrémédiablement chuter, bien plus bas qu'on ne pouvait imaginer vivant. Son nom sali, ses oeuvres oubliées, et ceux qu'il aidait autant qu'il le pouvait, abandonnés. Il ne pouvait risquer sa place pour une idiotie. Alençon devait tenir une information capitale que son impatience attendait avec empressement. Quelques siècles plus tard, il n'aurait pas hésité à user des tous les moyens possibles afin de la faire parler, même s'il eu fallu pour cela utiliser un tisonnier ou casser des genoux!

-Mais vous aviez raison mon père, fit-elle enfin, afin de Le servir comme il se doit, je vais devoir avoir recours à ce vil procédé qu’est le chantage !
Jean se redressa dans sa chaise et soupira, serrant les dents. Une chose à rappeler lors de la véritable confession qu'elle lui devait! 
-Je n’en suis pas fière, mais je n’ai malheureusement pas le choix !
-Et adieu, veau, vache, cochon, couvée, murmura-t-il d'un soupir sarcastique en se forttant les yeux. Il s'attendait au pire.
-Que Dieu me pardonne, mais je ne suis pas obligée de vous dénoncer. Je suppose que vous ne lisez pas les revues de poésie ?
-J'ai de la chance, fit-il....je...
-Je vous rassure, moi non plus, le coupa-t-elle sans attendre son "Oui, cela m'arrive..." Mais l’un de nos amis commun est tombé sur quelque chose de fort intéressant dans l’une d’elle. Vous souvenez-vous de madame de Froulay ?

Jean se redressa d'un bon lorsqu'il entendit le nom de Froulay. Madame, et non le comte, que chacun connaissait à Versailles! Madame....Ophélie...Il revit cette nuit, l'une des plus longues de sa vie de prêtre, l'une des plus sombres, dans chacun des sens que pouvait contenir ce terme; Ophélie de Froulay, dont il avait emmené l'enfant...il ne pouvait que s'en rappeler dès qu'il aperçevait le comte au loin. Mais surtout Froulay lui rappelait ce passé à la Compagnie du Saint Sacrement, à laquelle il ne souhaitait plus être lié.
Inspirant lentement, il savait à présent qu'Elisabeth d'Alençon détenait un baril de poudre prêt à exploser à tout moment et que son chantage n'était plus à prendre en souriant.
-Je m'en rappelle, fit-il mesurément. Je ne peux que m'en rappeler. Mais madame de Froulay n'est plus de ce monde et son époux ne suit pas ses traces. Y'aurait-il une affaire avec l'enfant, demanda Jean? Vous savez qu'après cette affaire, j'ai quitté la Compagnie en m'en détachant irrémédiablement. Pour venir ici, altesse, et me faire chanter avec de fausses allégations puis me parler d'Ophélie de Froulay, c'est que l'instant est grave.

Il s'était à nouveau penché vers elle, parvenant enfin à capter le regard clair de la jeune femme. Deux êtres sournois et ambitieux mettaient à l'instant leurs cerveaux en branle pour s'aider mutuellement, l'on ne pouvait que s'inquiéter. Il observa le jeune visage de la princesse.
-Je vous écoute, dites-moi en quoi je dois vous être utile.
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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime07.10.13 23:35

Elisabeth avait beau être sûre de son bon droit, elle ne put s’empêcher de jubiler en entendant le père Jean sauter sur son siège à la simple évocation d’Ophélie de Froulay. Que Dieu lui pardonne : elle aimait bien avoir un certain ascendant sur ce vertueux homme d’église. Il faut dire que, bien que souvent leurs idées se rejoignent, le fait de le voir défiler dans Versailles, la modestie, la retenue et l’air apaisé de celui qui résiste aisément à toutes les tentations du monde sur le visage, avait tendance à lui porter sur les nerfs. Elle ne pouvait que le louer pour son attitude, mais ses perfections ne faisaient que souligner que le fait qu’elle-même ait parfois du mal à être irréprochable. C’est pourquoi elle était heureuse d’avoir démasqué cet imposteur, au moins cela prouvait qu’elle était l’être le plus perfectible de la Cour, en se gardant de tout orgueil, cela va de soi !

Et puis elle n’avait pas apprécié le fait qu’il ait quitté la Compagnie bien avant qu’elle ne soit entrée dans la clandestinité. Elle y était entrée par l’intermédiaire de sœur Marie-Cécile, la reine-mère étant mourante à l’époque, il leur fallait un soutien dans les membres de la famille royale. Alors que cette société prônait toutes les valeurs chères à Elisabeth, il lui semblait inconcevable qu’un membre puisse vouloir la quitter, surtout quelqu’un qui semblait aussi pieux que le père Jean. Après plusieurs années de combat, le roi avait enfin réussi à la dissoudre…du moins c’est ce qu’il croyait. Les anciens membres de la Compagnie avaient continué leurs activités tout en gardant l’anonymat. Ils étaient contraints à la discrétion depuis près d’un an maintenant mais ils parvenaient néanmoins à rester actifs. Elisabeth leur assurait une certaine protection ainsi qu’un grand soutien financier. Elle aurait aimé être plus active, c’est pourquoi elle avait accueillit avec une certaine fierté le fait que le prélat Fouquet veuille l’envoyer en mission. Et dire que Catheau venait de découvrir toutes ces choses sur le père Jean, aujourd’hui même alors qu’on le lui assignait comme complice pour la remplir. Elisabeth y voyait là un évident signe de Dieu.


- Je m'en rappelle. Je ne peux que m'en rappeler. Mais madame de Froulay n'est plus de ce monde et son époux ne suit pas ses traces. Y'aurait-il une affaire avec l'enfant ?

Cette sombre affaire avec madame de Froulay. Elle avait été un membre actif de la Compagnie. Elisabeth avait été contactée à propos de la Compagnie un peu avant son retour chez son père. Elle était alors très jeune mais voulait à tout prix montrer qu’elle tenait à la cause. C’est à l’âge de quatorze ans, apprenant que la grossesse de madame de Froulay se passait mal, qui prit l’initiative d’envoyer un message pour que l’enfant ne soit jamais élevé par son père si jamais la mère venait à mourir en couches. Elle n’avait fait que suggérer l’idée mais cela avait garantit son entrée dans la société secrète. Certains dirent que son initiative avait été soufflée par Dieu lui-même puisque madame de Froulay était morte en couches. Ce fut l’une des premières fois où Elisabeth pêcha par orgueil tant elle était fière.

- Vous savez qu'après cette affaire, j'ai quitté la Compagnie en m'en détachant irrémédiablement.
- Oui, il est vrai que c’est vous qui avez récupérer l’enfant. C’était une bien noble mission selon mon opinion mais il semble que nos opinions diffèrent…sur ce point aussi.
- Pour venir ici, altesse, et me faire chanter avec de fausses allégations puis me parler d'Ophélie de Froulay, c'est que l'instant est grave.
- Des allégations ! rugit-elle derrière sa grille. Mais quel culot ! Vous savez bien que vous avez quelque chose à vous reprocher et le nier n’y changera rien !

Elisabeth prit une profonde inspiration et retrouva son calme. S’énerver ne servait à rien, et surtout, cela lui ferait perdre son pouvoir. Pas question d’en arriver là. Elle s’installa donc plus confortablement sur son banc de bois. À l’extérieur du confessionnal, les chiens s’étaient un peu agités en entendant leur maitresse sortir de ses gonds mais Catheau était en train de les apaiser.

- Je vous écoute, dites-moi en quoi je dois vous être utile.
- Bien, nous débattrons de votre conduite infâme plus tard ! Pour l’heure, revenons à madame de Froulay. Il ne s’agit nullement de l’enfant mais bien de la mère. Quelques temps après son tragique décès, nous l’avions soupçonnée de ne pas avoir été très honnête dans son engagement pour la Compagnie mais, hélas, Dieu n’a pas permit que nous que nous trouvions des preuves de sa trahison. Aussi, cela est resté une simple supposition. Notre source nous avait parlé de poèmes codés de madame de Froulay aussi les avons-nous fait détruire à sa mort, ainsi serions-nous restés perpétuellement dans le doute en se disant que c’était mieux ainsi. Jusqu’à aujourd’hui….

La duchesse, ouvrit la porte du confessionnal et avança son bras en direction de Catheau qui lui apporta la revue. Elisabeth l’attrapa, l’ouvrit à la bonne page et fit lire le poème au père Jean à travers la grille.

- Voyez, il semblerait que certaines des œuvres de madame de Froulay aient survécut à leur auteur.

Elle laissa le temps au père Jean de digérer la nouvelle, sûre qu’intelligent comme il était, il devinerait de quoi il retourne.

- Bien que je sois certaine que vous avez compris ce que nous attendons de vous, je vais tout de même prendre la peine de vous l’expliquer : nous devons savoir qui a publié ce poème, si madame de Froulay en est bien l’auteur et s’il s’agit ou non d’un code visant à trahir les membres de la Compagnie. Ainsi nous saurons une bonne fois pour toutes si notre méfiance à son égard était justifiée.

Elle prit son air le plus perfide pour ajouter la suite :

- Inutile de songer à refuser et ce pour deux raisons. La première est que vous avez plus à perdre que moi : vous avez quitté la Compagnie après le décès de madame de Froulay, elle pourrait avoir divulgué des choses vous concernant. Je suppose que je ne dois pas vous préciser que si tel est le cas, aucun d’entre nous ne prétendra que vous nous avez reniés il y a six ans. Sur ce point, nos motivations sont les mêmes : même si à l’époque de madame de Froulay, je n’étais pas encore entré dans la Compagnie, en retrouvant ses autres membres, il est fort possible de remonter jusqu’à moi. Nous avons donc tous deux intérêt à tirer cette affaire au clair. La deuxième raison vous concerne : si vous me secondez dans cette mission, je ne divulguerai à personne votre odieux trafic !

Elisabeth avait tout de même beaucoup de mal à digérer le fait qu’elle ne devrait prévenir personne des sombres découvertes qu’elle avait faites sur le père Jean, l’aumônier de Sa Majesté la Reine.

- Comme vous dites, l’heure est grave, c’est pourquoi j’impose cela à ma conscience, pourtant pure jusqu’ici.

Elle se signa rapidement en marmonnant un : « Que Dieu me pardonne » avant de fusiller le père du regard en pointant vers lui un doigt accusateur :

- Dire que vous vous adonnez à cette pratique horrible du sacrifice humain, probablement pour le Malin lui-même. Ne niez pas, des gens vous ont vu ! Pour le moment, je suis la seule personne importante à être au courant mais vous devriez avoir honte ! Sacrifier des enfants ! Même si vous n’y participez pas, vous êtes au courant et par-là, complices ! Vous bénéficiez peut-être de la protection de Satan dans cette vie mais vous n’aurez pas assez de toute l’Eternité pour expier vos crimes en Enfer, père Jean !
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MessageSujet: Re: [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean)   [Chapelle] Et si nous péchions par amour de Dieu (pour le père Jean) Icon_minitime08.12.13 23:09

Jean s’était résigné face à l’attitude de la princesse. C’était d’ailleurs certainement ce seul statut qui le faisait rester aussi calme et pondéré, car une autre qu’elle aurait été depuis bien longtemps remise à la place qu’elle devait occuper: à genoux sur un prie-dieu, face à un Christ en croix, expiant son péché d’orgueil et son mensonge.
Elisabeth d’Alençon faisait figure de femme pieuse et parfois bigote, mais il avait jusqu’alors ignoré cette facette de la jeune femme et aurait donné beaucoup pour ne pas avoir à s’y frotter. Il se savait, face à elle, totalement pris au piège et il ne pu que lever les yeux au ciel lorsqu’elle se récria face à son reniement. Soit la princesse croyait à son propre mensonge, auquel cas il pourrait lui prouver sa bonne foi, soit celle-ci faisait fi de la vérité et préférait mentir pour mieux le faire chanter. Dans ce dernier cas, il ne pouvait que courber l’échine face à elle. On connaissait le prix du mensonge, et celui-ci dépassait ses revenus de l’abbaye.
- Bien, nous débattrons de votre conduite infâme plus tard ! Pour l’heure, revenons à madame de Froulay. Il ne s’agit nullement de l’enfant mais bien de la mère.
-Altesse, vous avez toute mon attention, fit-il dans une politesse forcée. Il ne mentit toutefois pas, le nom de Froulay ayant réveillé sa curiosité.
-Quelques temps après son tragique décès, commença la princesse, avant d’expliquer l’affaire, et détailler brièvement le problème actuel. Muet, attentif, Jean sentit un frisson lui parcourir l’échine à ces quelques mots “Du moins jusqu’à aujourd’hui”. Dans sa position actuelle, avec ce qu’il briguait et ce qu’il espérait, il ne pouvait se permettre d’être lié à la Compagnie maudite. Il avait au contraire bien d’intérêts à se rapprocher des puissants jésuites dont la main s’étendait sur tout le royaume! Apparaître comme affilié au Saint Sacrement était une affaire qu’il ne pourrait se pardonner.

La jeune femme avait alors ouvert la porte, pris une revue que lui tendait sa dame de compagnie, et le lui tendit roulé au travers des grilles du confessionnal. Jean l’attapa sans un mot, redoutant les lignes qu’il lirait. Ses yeux parcourent le papier, lui tirant une grimace non feinte. La duchesse n’avait ni tort ni menti. Il était resté peu de temps, mais suffisamment pour lire entre ces quelques lignes. S’il y en avait d’autres, son avenir pouvait être compromis!
- Voyez, il semblerait que certaines des œuvres de madame de Froulay aient survécut à leur auteur.
L’aumônier ne pu que hocher la tête silencieusement. Qui avait mystérieusement publié ces oeuvres? Qui cherchait aujourd’hui à les détruire sourdement, plutôt qu’à les affronter frontalement? Il songea à cet ennemi inconnu qui mettait sans cesse des obstacles sur son chemin, lui rappelant son passé, mais la personne n’aurait aucun intérêt à dévoiler d’autres noms que le sien.

- Nous devons savoir qui a publié ce poème, si madame de Froulay en est bien l’auteur et s’il s’agit ou non d’un code visant à trahir les membres de la Compagnie. Ainsi nous saurons une bonne fois pour toutes si notre méfiance à son égard était justifiée.
-J’avais deviné, en effet. Nos ennemis sont délicats en utilisant des poèmes. Ils prennent soin de nous, ils nous envoient les fanfarons de la chanson version tutu et clarinettes, ajouta-t-il ironiquement.
- Inutile de songer à refuser et ce pour deux raisons, continua la princesse d’une voix précieuse, qui n’attendait aucune récrimination. La première est que vous avez plus à perdre que moi : vous avez quitté la Compagnie après le décès de madame de Froulay, elle pourrait avoir divulgué des choses vous concernant.
-Il y a si peu à dire, pourtant. Nous ne pouvons en dire autant de vous, répondit-il, oubliant pour une rare fois toute notion de miséricorde.
-Je suppose que je ne dois pas vous préciser que si tel est le cas, aucun d’entre nous ne prétendra que vous nous avez reniés il y a six ans.
-Bien sûr, vous êtes si prévenants, marmonna-t-il dans sa barbe, agacé de se voir ainsi acculé.
-Sur ce point, nos motivations sont les mêmes : même si à l’époque de madame de Froulay, je n’étais pas encore entré dans la Compagnie, en retrouvant ses autres membres, il est fort possible de remonter jusqu’à moi. Nous avons donc tous deux intérêt à tirer cette affaire au clair. La deuxième raison vous concerne : si vous me secondez dans cette mission, je ne divulguerai à personne votre odieux trafic !

-Altesse, de nombreuses raisons pousseraient l’homme que je suis à vous refuser mon aide, à préférer les épreuves terrestres afin de me laver de tout soupçon de péché que vous inscrivez sur mon front. Fort heureusement pour vous, je suis homme d’Eglise, Dieu n’abandonne pas ses brebis égarées et je risque bien plus à être affilié à la Compagnie qu’à ce dont vous m’accusez. L’heure est donc grave, car si d’autres poèmes resurgissent, nous pourrions être inquiétés.
Il soupira un instant, réalisant ce qu’il venait d’accepter. Il n’était pas totalement franc, car il perdrait beaucoup dans une affaire de messes noires, même s’il saurait s’en sortir blanchi. Il fallait que ces affaires soient étouffées au plus vite avant qu’un autre que la princesse ne le découvre et ne décide de parler. Le temps jouerai bientôt contre lui, il en était conscient, mais il n’avait pas l’étoffe d’un enquêteur pour pouvoir agir par lui-même et Jean voulait préalablement agir sur l’âme de ces pêcheurs,  se confronter à Satan lui-même.
Qui croirait-on si l’affaire éclatait au grand jour? La cousine du roi de France, ou l’aumônier de la reine? Elisabeth d’Alençon l’avait lourdement inquiété.

- Comme vous dites, l’heure est grave, c’est pourquoi j’impose cela à ma conscience, pourtant pure jusqu’ici.
-Nous devrons agir promptement, reprit-il en préférant ignorer la crise existencielle de la princesse de sang trop royal. Par l’intermédiaire de la personne qui vous la remis, avez-vous la possiblité de connaître le nom de celui qui a imprimé ce recueil? Nous pourrons prendre contact avec lui. Une affaire religieuse est tout à fait plausible. Si nous voulons réussir, nous devrons faire preuve de tact, de respect et d'une bonne dose de charme. C'est pourquoi vous devrez me laisser parler, moi, expliqua-t-il. A la manière dont la princesse traitait un homme d'Eglise, il avait peu confiance en sa prévenance! Lorsque tout sera terminé, Altesse, nous pourrons retourner à nos propres existences, et vous pourrez  me relever de ce chantage éhonté que vous faites sur un homme d’Eglise!
- Dire que vous vous adonnez à cette pratique horrible du sacrifice humain, probablement pour le Malin lui-même. Vous bénéficiez peut-être de la protection de Satan dans cette vie mais vous n’aurez pas assez de toute l’Eternité pour expier vos crimes en Enfer, père Jean !
-Altesse! Il ne pu que crier à voix basse devant le procès de la jeune femme. Ainsi, elle croyait  réellement à ces rumeurs honteuses, et son avenir se verrait détruit par d’odieux mensonges! Sa plus grande crainte n’était pas qu’une petite-fille de roi le prenne pour ce qu’il n’était pas, mais que le reste de la cour l’apprenne, que son nom soità jamais entaché, comme l’était celui de Loudun. J’ai combattu le Diable dès que je le pu, Altesse, me pensez-vous donc aussi peu digne pour m’adonner à ces ignobles pratiques? Avant d’être appelé par sa Majesté, j’ai combattu Satan et ses sbires, ces risques ne furent pas pris pour le servir par la suite.

Jean avait laissé filer son calme habituel et penché vers la grille de bois, fixait à présent la jeune femme d’un oeil froid et profond.
-Si je suis informé de ces atrocités et de ces crimes commis contre le Père, c’est qu’il existe des puissances terrestres qui ont souhaité que je le sois, et auxquelles je ne puis désobéir. Vous-même ne pouvez aller contre une divine décision et comme exorciste, ne suis-je pas le mieux placé pour connaître les pièges tendus par le Malin? Ayez confiance dans le jugement de ceux qui reçoivent leur pouvoir du Seigneur. Qui peut prétendre connaître le dessein de Dieu?
Il n’attendit pas de réponse de la part de la duchesse, agacé d’avoir du ainsi expliquer ce que l’évêque lui avait demandé de faire quelques mois auparavant. Il doutait avoir touché le coeur de la jeune femme, mais avait eu ce besoin d’éclaircir la situation, par simple crainte.
Soulevant le petit loquet de la porte, il s’apprêta à quitter le confessionnal.
-Cette discussion n’étant point une confession, comprenez que je ne puis vous donner l’absolution. Je réfléchirai à quelques moyens d’atteindre l’imprimeur, et par ma présence régulière au palais, il nous sera aisé de nous informer de l’avancée de ces travaux. Que Dieu vous bénisse, Altesse.
Il fit un bref signe de croix en guise de bénédiction, et quitta enfin l’étouffante petite boîte de bois, saluant poliment la dame de compagnie qui attendait, les deux chiens aux pieds.

Alors qu’il sortait de la chapelle, il entendit un cri étouffé de femme, deux aboiements et à peine se fut-il retourné qu’il vit Ferdinand et Le Lorrain lui courir dessus, l’obligeant à presser le pas pour leur échapper. Il sentit sur ses jambes le premier chien lui rentrer dedans et courant presque, il du se frayer un chemin entre les courtisans afin de ne pas se faire poursuivre plus loin.
-Dégagez, souffla-t-il agacé! Vous êtes pires que votre maîtresse! Oust!
L’odeur de son propre chien devait attirer ceux de la duchesse car ils ne cessaient d’aboyer et de le poursuivre le long de la galerie. Il fut rassuré de voir qu'elle était quasiment vide, car les deux bestioles s'accrochaient à sa soutane et il du la secouer pour qu'ils s'en décrochent enfin, et qu'il puisse repartir pour leur échapper. Soudain, un cri distinct les fit s’arrêter, lever les oreilles et repartir dans l’autre sens. La dame de compagnie de la duchesse apparu au loin, faisant un signe aux deux chiens. A demi caché de la vue des courtisans, Jean s’adossa enfin à une colonne afin de respirer librement. Une mission avec Elisabeth d’Alençon? L’affaire commençait mal!


*Fin pour Jean*
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