Sujet: follow the crosses ۞ frances & mary 13.05.13 15:54
follow the crosses
« Mademoiselle de Monaghan ? Voulez-vous venir par ici, je vous prie ? » La voix cristalline de la Duchesse est des plus courtoises, sans pour autant arriver à dissimuler un de ces vices dont elle raffole : la moquerie. Le bruit d'un éventail que l'on agite habilement, le battement mécanique d'une horloge, et le grincement du parquet sous les pas de l'appelée décomptent les quelques secondes qui s'écoulent. Sous les regards de pervenches braqués sur sa nuque, la jeune fille pose le livre qu'elle était en train de lire à voix haute et, lentement, s'approche de sa maîtresse. Les yeux baissés. Les mains croisées à la hauteur de son ventre, elle ne dit rien et attend patiemment les ordres. En effet, l'Etiquette est stricte : elle n'a pas le droit de s'adresser à une princesse du sang, c'est une question de respect et de soumission. « Quelle est donc cette couleur que vous arborez aujourd'hui, Mademoiselle ? » « Rose, Madame. » Alors que la voix de la jeune fille n'est qu'un souffle, celle de sa royale interlocutrice résonne dans toute la pièce, triomphale et un rien dédaigneuse. « Rose ? Ignorez-vous donc que nous sommes en guerre ? Que les couleurs vives sont bannies, et que le gris est de mise ? » « Non, Madame. » Tête inclinée, la suivante perçoit un petit sifflement : la Duchesse éructe un grognement de satisfaction mauvaise. « Il vous faudra donc faire preuve de tact et commander des toilettes de circonstances. Je ne veux pas que ma maison soit prise en faute du fait de votre mauvais goût. Songez à tous ces hommes qui donnent leur sang en sacrifice à notre victoire ! » « Oui, Madame. » D'un revers de la main, Henriette-Anne congédie la jeune fille qui, après une légère révérence, reprend place et continue sa lecture. Accompagnée du bruit d'un éventail que l'on agite habilement, du battement mécanique d'une horloge, du grincement du parquet. Et au plus profond de son être, Mary pense. Plus que deux heures, plus que deux heures, plus que deux heures...
Deux heures plus tard, Mary troque le salon de Vénus pour le Bassin des Suisses. En cette heure avancée de l'après-midi, le temps est radieux ; malgré le froid hivernal, il fait bon vivre sous les rayons de soleil qui habillent de semblants de diamants scintillants les jets d'eau. Après plus de quatre heures confinée en intérieur, la jeune fille savoure ses quelques bribes de liberté. Madame ne supporte que peu le soleil, elle craint d’abimer sa peau laiteuse en l'exposant trop aux sourires d’Apollon. Or, des sourires, Mary en a bien besoin. Ce n'est pas tant les remarques de la Duchesse qui lui donnent envie de pleurer. Comparée à certains jours, elle s'est montrée particulièrement aimable aujourd'hui, sans doute manque-t-elle d'inspiration ? Encore que la petite Marquise connait trop bien sa maîtresse pour ne pas anticiper : une baisse de régime n'a jamais arrêté Henriette d'Angleterre dans son étrange quête, celle de vouloir lui faire sentir qu'après une année passée à son service, elle ne l'accepte toujours pas à ses côtés. Mais après une année à son service, Mary a appris à ne plus se sentir blessée, à ne plus devenir rouge. Ses larmes ne coulent plus devant Madame, qui en éprouverait une joie doucereuse. Non, en vérité, Mary n'a pas été à plaindre. Cependant, il y a bien une remarque qui l'a touchée en plein cœur : la guerre. Deux âmes qui lui sont chères se retrouvent sur le front. Deux hommes dont elle est sans nouvelles depuis leur départ. Maithias et Benedikt. Son frère et son ami. Les mains jointes, les yeux fermés, la jeune fille envoie une prière du bout des lèvres. Que le Seigneur les protège et que les conflits ne durent pas.
En ouvrant à nouveau les yeux, la jeune fille s’aperçoit qu'une unique larme coule depuis son œil droit. D'un geste rapide, elle la chasse et cherche un banc. Elle a quitté son service peu après cinq heures. Elle sera peut-être en retard de quelques minutes, mais elle sait que son amie comprendra. Du reste, ce n'est pas la première fois que son service auprès de la Duchesse l'aura retenue, et des conséquences duquel Mademoiselle de Longford a bien souvent été témoin. Combien de fois lui a-t-elle prêté une épaule réconfortante ? Lucy est une bonne âme, malgré ses quelques mystères. Et comme chaque mardi, elles se retrouvent dans les jardins. Et à peine Mary a-t-elle le temps de rajuster une mèche de cheveux qu'elle distingue la silhouette gracile de son amie. D'un pas soudain léger, l'irlandaise se précipite pour manger les quelques mètres qui les séparent. Arrivée à sa hauteur, elle arbore un joli sourire. En espérant que Lucy a quelques aventures drôles et amusantes à lui raconter, Mary veut se changer les idées. « Pardonnez mon retard, dear Lucy. J'espère que vous n'attendez pas depuis longtemps ? »
Je suis nulle pour les débuts, désolée si c'est un peu plat
Frances Cromwell
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance. Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent... Discours royal:
La B e l l e D a m e sans Merci
► Âge : 28 ans
► Titre : Comtesse de Longford
► Missives : 716
► Date d'inscription : 06/06/2008
Sujet: Re: follow the crosses ۞ frances & mary 23.06.13 0:37
Diantre, le temps s’était-il arrêté en ce mardi après-midi d’avril 1667 ? Observant l’heure tantôt sur la grande pendule derrière elle, tantôt sur la montre à gousset du vieux barbon assis à ses côtés pour cette énième partie de carte, Frances désespérait de pouvoir enfin s’enfuir de ce royaume de la morosité et du troisième âge qu’étaient devenus les salons de Versailles. Clouée sur sa chaise par des prétextes de bienséance que son alias Lucy of Longford était tenue de respecter, elle n’avait pour loisir que la pensée de pouvoir retrouver son amie Mary aux alentours des cinq heures, lorsque la fin de son service—ou supplice, puisque le bruit courait que Madame maltraitait toujours autant la pauvre irlandaise—aurait sonné. Ah comme ces salons lui semblaient tristes et déprimants une fois dépourvus de leur population de courtisans ! Depuis le début de la guerre, la majorité des gentilshommes en âge de se battre pour leur roi avait quitté le château pour se rendre sur le front, laissant l’endroit désert, uniquement parcourus par les quelques femmes n’ayant pas assez d’attaches pour suivre un homme sur le front, et les vieux barbons, plus motivés que jamais pour rentrer dans les bonnes grâces d’une demoiselle, fût-elle âgé de vingt-huit ans, veuve et désargentée. Et tandis que Richmond et les autres royalistes figurant sur la liste des futures victimes de Frances s’en étaient allés combattre pour Charles II, la Cromwell avait été réduite à patienter pour leur retour, à la manière d’une épouse fidèle et aimante. Quelle ironie !
Mais un sourire se dessina enfin sur le visage de la jeune femme qui s’était retrouvée piégée par quelque maladresse au milieu de ces courtisans quinquagénaires : il était bientôt cinq heures. Enfin, elle serait libre. Prétextant finalement de vouloir se rapprocher d’une fenêtre pour prendre l’air, elle grignota les quelques minutes restantes—elle n’y tenait vraiment plus—en se glissant entre deux valets pour prendre la fuite. Elle entendit quelques pas derrière elle, mais accéléra sa marche sans s’attarder à regarder qui la suivait. Au reste, elle l’aurait bientôt semé. Elle se retrouva en moins de deux dans les jardins, une prouesse qui l’aurait étonnée puisqu’en temps normal cela tenait plutôt du miracle, étant donnée la masse de courtisans qui se pressaient de-ci de-là pour espérer voir le roi et bloquaient parfois portes et couloirs sans égards pour ceux qui, comme Frances, ne prêtaient point attention aux agissements de l’astre solaire. Elle aurait pu crier victoire si les pas qui suivaient les siens avaient cessé de se faire entendre dans les graviers, accompagnés bien vite d’une voix : ‘Mademoiselle de 'Long-for', attendez moi !’
Diantre, l’importun à la montre au gousset—le seul élément chez lui que Frances avait apprécié—l’avait donc suivie ! L’anglaise leva les yeux mais fit mine de ne pas l’avoir entendu. Peine perdue, l’animal semblait beugler de plus en plus fort et cette façon qu’il avait de mal prononcer son nom, ‘Longford’—fût-il un patronyme d’emprunt— et de l'appeler 'mademoiselle' alors qu'elle avait déjà été mariée par deux fois ne faisait qu’envenimer les choses. S’il continuait ainsi, nul doute que la personnalité de Frances finirait par prendre le pas sur la douce Lucy et que la foudre s’abattrait sur ce gêneur. Finalement, le ciel sembla clément envers ce dernier, puisqu’il plaça sur le chemin de la Cromwell son amie Mary of Monaghan. En l’apercevant, Frances laissa à nouveau la place à Lucy et se dirigea à pas rapides vers la jeune irlandaise, oubliant presque qu’elle était poursuivie.
‘Pardonnez mon retard, dear Lucy,’ commença Mary. ‘J'espère que vous n'attendez pas depuis longtemps ?’
‘Rassurez-vous Mary, je viens tout juste d’arriver. J’ai passé toute l’après-midi comme otage pour une partie de carte dans les salons,’ poursuivit Frances, ou plutôt Lucy, sur un ton rieur. ‘Et puis, après cette partie, une autre a suivi, et une autre, si bien qu’il m’a fallu ruser pour échapper à mes ravisseurs. D’ailleurs,’ fit-elle en entraînant doucement Mary vers un bosquet, ‘il semble que l’un d’eux soit à mes trousses.’ Elle glissa un doigt sur ses lèvres d’un air malicieux pour enjoindre son amie au silence et l’entraina derrière un buisson, le temps que l’imbécile passe près d’elles pour continuer son chemin plus loin. Quand tout ‘danger’ fut écartée, les deux jeunes femmes sortirent de leur cachette.
‘Pardonnez cette partie de cache-cache Mary, mais je vous assure qu’il valait mieux semer cet importun au risque qu’il ne s’incruste dans notre cercle et nous fasse mourir d’ennui par son bavardage. Savez-vous qu’il affirme avoir connu Louis XIII. Vu sa mine, je veux bien croire qu’il ait vécu à cette époque, mais côtoyer l’ancien roi de France…’
Et voilà que la comtesse de Longford reprenait son babillage habituel, celui que les anglais qu’elle côtoyait, hormis Richmond, lui connaissaient. Son attention finit par se porter sur la robe de son amie, une robe d’une couleur si… singulière. Elle allait lui en faire la remarque mais songeant que la Duchesse d’Orléans y avait probablement pensé, elle se ravisa, ne voulant point accabler davantage Mary. Elle poursuivit donc sur sa lancée.
‘Quelle tristesse Mary que cette cour sans hommes. Les épouses suivent leurs maris, les sœurs leurs frères, et il ne nous reste ici que ces barbons boiteux qui… Oh pardonnez-moi, j’oubliais que votre frère avait également rejoint le front,’ acheva finalement Frances. Encore une fois, le personnage de Lucy, la capricieuse, la froide, ou encore la joyeuse et l’enjouée avait repris le pas, et commis un impair. Et si au fond Frances aurait dû se moquer devant la détresse de l’irlandaise—elle n’était devenue ‘amie’ avec elle que par intérêt—elle ne put s’empêcher d’éprouver de la gêne. Comment ? Frances Cromwell avait un cœur ? Un cœur suffisamment grand pour y accueillir les souffrances d’une irlandaise qui ne connaissait d’elle que le rôle qu’elle s’était imposée pour tromper son monde ? Il semblait que oui, du moins depuis quelques temps. Apercevant un banc à quelques pas, Frances y mena Mary et lorsque toute deux furent assises, elle demanda doucement : ‘avez-vous reçu des nouvelles de Matthew récemment ?’
Spoiler:
Désolée pour le retard et la piètre réponse .
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Sujet: Re: follow the crosses ۞ frances & mary 02.07.13 12:52
follow the crosses
« Rassurez-vous, Mary, je viens tout juste d’arriver. J’ai passé toute l’après-midi comme otage pour une partie de carte dans les salons ! » La voix rieuse de Lucy est merveilleuse, car elle provoque le rire de la jeune fille en emportant du même coup ses petits soucis. Que sont après tout les puériles attaques de Madame lorsque l'on peut compter sur des amies d'une telle qualité ? Pourtant, Mary se garde de ne pas rire trop fort. Et pour cause ! « Et puis, après cette partie, une autre a suivi, et une autre, si bien qu’il m’a fallu ruser pour échapper à mes ravisseurs. D’ailleurs...il semble que l’un d’eux soit à mes trousses ! »« Shoking ! » souffle-t-elle alors d'un air faussement réprobateur, ponctué d'un gloussement mal réprimé cependant que Lucy la tire par la main pour l'entraîner à l'ombre rassurante d'un buisson, se dissimulant ainsi à la vue de l'importun. D'un doigt délicat posé sur ses lèvres, la jolie Comtesse a beau intimer à l'irlandaise de se taire, celle-ci est encore secouée d'un léger fou rire. Par chance, ou par stupidité, le chasseur perd rapidement ses proies et c'est avec bonheur que Mary laisse libre cours à son hilarité. Qu'il est bon de rire !
« Pardonnez cette partie de cache-cache, Mary, mais je vous assure qu’il valait mieux semer cet importun au risque qu’il ne s’incruste dans notre cercle et nous fasse mourir d’ennui par son bavardage ! Savez-vous qu’il affirme avoir connu Louis XIII ? Vu sa mine, je veux bien croire qu’il ait vécu à cette époque, mais côtoyer l’ancien Roi de France… » L'œil espiègle et pétillant de malice de sa compagne ne fait qu'accroître la gaité de la jeune fille ; non sans quelques remords d'ailleurs, car ne lui a-t-on pas appris qu'une dame du monde ne se laisse jamais submerger par ses émotions, toujours dans l'élégante retenue ? C'est sans doute ce qu'auprès prêché Lady Catelyn si elle avait été présente. Mais la Duchesse n'a pas revu sa fille depuis les évènements de Londres, qui firent de Mary une ancienne maîtresse à présent sous la protection de Charles II au service de la sœur du monarque. Sans doute trouverait-elle sa fille changée ! Se mordant la lèvre, Mary incline la tête sur le côté. « Seriez-vous devenue mauvaise langue, mon amie ? Comme d'autres, il a eu la malchance de tomber sous votre charme, et a eu la fantaisie de vous faire la cour. En vérité, j'en viendrais presque à plaindre Monsieur de Sarrance... Même si je dois avouer que cette partie de chasse au grand air m'a fait le plus grand des biens après des heures confinée entre quatre murs ! » Le soupir qui s'échappe presque involontairement des lèvres de la jeune fille n'a d'égale que le gouffre de l'ennui qu'il est sensé regretter. Au fil du temps, si Mary a réussi passer outre les réflexions de la Princesse (sans pour autant qu'il lui soit possible de les oublier complètement), la jeune fille se rend compte à quel point il peut être ennuyeux ce prestige qui consiste à "être de la maison de Madame." La chose existe naturellement en Angleterre, mais auprès de la Reine Catherine, les journées lui semblaient bien moins longues. Paradoxe curieux, lorsque l'on sait que la Duchesse raffole de toute sorte d'amusements tandis que sa belle-sœur est bien plus calme. Sans doute la façon de se divertir à Versailles n'est pas encore entré dans les meurs de l'irlandaise, malgré un an de loyaux services. A moins que quelque chose de plus grave ne tracasse son jeune esprit, au point de lui teindre la vie en gris - couleur "résolument de mise", d'après Son Altesse.
Comme si ses pensées étaient parvenues jusqu'à elle, Lucy est subitement prise de la même lassitude. « Quelle tristesse que cette Cour sans hommes ! Les épouses suivent leurs maris, les sœurs leurs frères, et il ne nous reste ici que ces barbons boiteux qui… Oh pardonnez-moi, j’oubliais que votre frère avait également rejoint le front... avez-vous des nouvelles de Matthew ? » Les mots peuvent produire les mêmes effets qu'un vent glacé venu gelé toute vie née d'un furtif rayon de soleil. Le sourire de Mary est figé, ses yeux sont baissés et elle ne peut s'empêcher un léger frissonnement. Une Cour sans hommes oui, mais hélas pour elle, on ne lui a pas permis de suivre son frère aîné. Hochant la tête de droite à gauche d'un signe négatif, les détails ne parviennent pas à franchir la barrière de ses dents soudain serrées. Elle sent les larmes lui monter aux yeux et cache un instant son visage. Parfois, elle en viendrait à maudire les saints et les anges de lui avoir donné un cœur aussi grand et aussi sensible. La question n'est après tout que naturelle, Matthew of Monaghan ayant été jusqu'à présent ambassadeur d'Angleterre ! Qui plus est un compatriote, puisque cette chère Lucy venait tout comme eux du pays des petites collines. D'une voix presque inaudible, la jeune fille s'efforce donc à braver le silence trop pesant pour ne pas rajouter à ses craintes. « Les dernières nouvelles dataient non pas de sa main, mais de celle de son valet, William. Sa gracieuse Majesté Charles a levé mon frère de ses fonctions pour l'envoyer au front. Je n'en sais pas plus... Et moi qui pensait que l'office d'ambassadeur revêtait une certaine immunité ! Je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel se trouvent mes pauvres parents. Depuis que notre domaine de Monaghan a été enseveli sous les foudres de Cromwell, mon père n'est plus ne état de se battre. Il doit trembler plus encore pour Maithias , lui qui connait les horreurs que peut engendrer une guerre... »