Il vaut mieux glisser sa peau sous les draps que la risquer sous les drapeaux. Hector de Valois ne connaîtrait pas le dicton, mais le proverbe aurait décrit son sentiment du jour. Il avait à peine mis la botte à l’étrier qu’il aurait voulu revenir sur ses pas. Un pressentiment lui donnait une envie de vomir et ça avait commencé il y a des jours. Il était écœuré d’aller chasser le lorrain pour le compte du satané bourbon. Mais il ne pouvait pas faire autrement que d'obéir. En tant que prince du royaume et pair de France, en refusant d'aller à la guerre, il aurait pu faire lever un vent de soupçons sur ses faits et gestes. La Main de l’Ombre n’avait pas besoin de ça. Sa fierté, elle serait muette pour cette fois. Les dernières semaines avaient été chargées par des micmacs de préparations. Il avait été obligé de faire un recensement militaire sur ses territoires. Au milieu des comptes interminables de vivres et de soldats, il n’y avait eu qu’un seul instant de gaieté. A Senlis, il avait réussi à convoler en légitimes noces avec la trop belle Gabrielle et leur première nuit avait été l’union de deux démons. Ils avaient côtoyé les flammes de l’enfer et il en redemandait encore et encore. L’abandonner si rapidement après avoir tellement désiré la posséder, ça lui laissait une amertume supplémentaire au fond de la gorge. Maintenant ce qui pourrait lui enlever ce goût âcre, ça serait la naissance d’un fils, sa femme le lui avait promis. Il s’appellerait Henri comme son grand-oncle à lui, il n'y aurait rien à discuter. Le garçon serait l’héritier des terres Valois et de sa juste cause. Avec lui, il n’agirait pas comme son père l’avait fait avec lui. Il serait aux petits soins, il n’avait pas pu l’être avec Eris. La pauvre Eris, une fois sur sa selle, il s’accorda une pensée pour elle. Il la reconnaîtrait un jour, c’était sûr. La question était quand. Il penserait à ça après la guerre, c’était promis. S’il supprimait Louis XIV, les affrontements allaient être très courts. C’était aussi évident que deux et deux font quatre. Il partait pour se battre pour lui officiellement mais officieusement ça serait pour le combattre lui. Et le tuer à la moindre occasion. Les combats étaient un bon moyen de régler tous ses contentieux avec son usurpateur de cousin. Derrière lui, il avait laissé les rênes de la conspiration entre de bonnes mains. Il n’y en avait pas de meilleures que celles de Gabrielle. Cédric était toujours sur la touche mais il n’allait pas y rester, c’était seulement une leçon qu’il lui donnait. Il était dur avec son bras droit mais ce bébé tué encore dans le ventre de sa mère l’avait mis dans une colère noire. C’était une erreur d’accord, mais elle n’était pas petite ! Il n’avait pas voulu tuer la dinde Noailles et encore moins son rejeton. Il fallait quelqu’un pour expier, c’était Cédric qui le faisait.
Au revoir Gabrielle. Prenez soin de vous et du duché. dit-il à son épouse après s’être penché pour lui baiser la main. J’espère rentrer le plus vite possible pour régler nos affaires.
Sa voix mystérieuse laissait deviner de quelles affaires, le duc parlait. Il ne pipa pas un mot de plus, parce que son capitaine le prévint que tout était prêt pour le grand départ. Alors il donna l’ordre aux troupes rangées de marcher droit vers le front à sa suite. Quand il arriva aux frontières de la Lorraine, c’était deux jours plus tard. Il alla directement à la tente du roi pour faire acte de présence et ressortit de là avec une envie quintuplée de lui tordre le cou. Il ne pourrait jamais l'éliminer comme ça mais lui mettre une balle entre les deux yeux, c'était dans le domaine du possible. Avant la fin de la guerre, Hector le sentait, l’un des deux serait mort.