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 Une farce grotesque [PV: Ferdinand]

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Elisabeth d'Alençon


Elisabeth d'Alençon

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: seul Dieu peut m'indiquer qui aimer
Côté Lit: Je me réserve pour mon futur époux, je ne suis pas de celles qui se donnent!
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Titre : duchesse d'Alençon, abbesse de Remiremont
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MessageSujet: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime23.08.12 0:58

[Je poste ici avec la permission du propriétaire Very Happy ]

Oh Seigneur ! Pourquoi fallait-il qu’elle soit aussi bien élevée ? Elle se posait la question tous les jours et encore plus particulièrement les jours où elle recevait une invitation pour une frivolité quelconque.

*Un bal masqué ! Que Dieu me vienne en aide…*

L’idée même d’un bal masqué semblait d’un goût plus que douteux à Elisabeth : vouloir se parer de ses plus beaux atours et utiliser un masque afin de cacher son visage. Une seule question taraudait Elisabeth : pourquoi ? Dieu nous avait fait naître avec une mine qui nous était propre, certaines plus avantageuses que d’autres, c’était un fait indéniable mais qu’y avait-il d’amusant à vouloir la cacher ? Sa sœur aurait dit d’elle qu’il était dommage que la notion même d’amusement lui soit à ce point étrangère.

*Que voulez-vous ma chère sœur, certains d’entre nous sont fait pour s’amuser et d’autres pour raisonner. *

Seulement, c’était la première fois qu’elle recevait une invitation venant de ce duc étranger, plutôt important dans son pays lui semblait-il. Elisabeth avait une assez mauvaise opinion de ce qui n’était pas français mais elle devait reconnaître qu’elle avait quelque fois été agréablement surprise, comme après sa rencontre avec la comtesse de Castellon par exemple. L’Espagne était un pays catholique, il ne pouvait pas être foncièrement mauvais. Par contre, elle ne savait pas quoi penser de ce duc venu des royaumes du Nord. Malgré sa réticence à l’idée d’aller s’adonner à un passe-temps futile chez un étranger, elle devait reconnaître que la curiosité la taraudait. Aussi répondit-elle assez positivement à l’invitation, de toutes façons, à moins d’être réellement indisposée, il était extrêmement grossier de refuser. Elisabeth avait toujours eu cette fâcheuse manie de se réfugier derrière les bonnes manières pour justifier ces décisions !

Voilà pourquoi elle se retrouvait dans cette salle aujourd’hui. Elle portait une robe carmin de style bouffante agrémentée de quelques plumes de la même couleur. Ses cheveux avaient été disposés en arceau de bombage et quelques serpenteaux s’en échappaient de façon étudiée. Très peu fardée pour ne pas ressembler à une catin, elle avait disposé un très petit masque assorti à sa robe autour de ses yeux et en tenait maladroitement le manche. Elisabeth ne cessait de soupirer :


- Ri-di-cule ! Tout cela est parfaitement ridicule !

Ceci dit, elle avait expressément choisit un masque de petite taille de façon à pouvoir être reconnue. Après tout, savait-on qui l’on pouvait croiser dans ce genre de soirée ? Si elle avait été invitée, sûrement d’autres gens importants devaient l’avoir été également. Étant donné qu’elle ne pouvait pas les reconnaître au premier regard, autant qu’eux puissent venir à elle.

- Madame la duchesse, chanta une petite femme blonde toute drapée d’une vulgaire robe blanche à motifs bleu turquoise, on n’a pas souvent l’occasion de vous rencontrer dans ce genre de bals.
- Certes, j’essaye de diversifier mes loisirs, quoique je doute que ce genre de divertissements soit digne d’un bon chrétien !
- Oh allons madame, il n’y a aucun mal à se divertir !

Cette simple phrase permit à Elisabeth d’identifier l’intrigante comme ne faisant pas partie de son cercle d’amis. Dire que ce masque ridicule l’empêchait de savoir à qui elle s’adressait. En plus, elle n’était plus dépendante de l’étiquette puisque le bal se déroulait en-dehors de la Cour. Ici, tout le monde se permettrait de lui adresser la parole en premier en ignorant toutes les règles de préséance. Si cela se trouvait, elle venait de parler à une dame de petite noblesse ou même, Elisabeth en frémissait d’avance, à une bourgeoise qui avait acheté un titre provisoire.

- Qui dans cette soirée est réellement bien placer pour savoir où se trouve le bien et où se trouve le mal, répliqua la duchesse d'un ton plein de sous-entendus.
- Oui c’est tellement vrai, répondit la jeune femme en éclatant de rire.

Elisabeth leva les yeux au ciel. Voilà qu’elle était dans cette soirée atroce, obligée de faire la conversation à une parfaite idiote. Il était certain qu’elle ne pouvait être extraite que d’une basse condition.

- Surtout, lorsque l’on ignore à qui l’on a affaire, dit encore Elisabeth.
- C’est le principe d’un bal masqué, répondit la petite blonde avec l’air de quelqu’un qui vient de faire une grande révélation.

Ce fut une ineptie de trop pour la duchesse.

- Notre entretien me semble terminé madame.
- Oh j’espère chère duchesse que nous aurons encore l’occasion de deviser ensemble. C’était parfaitement charmant et nous le faisons si peu en temps normal!

Cela confirma à Elisabeth ce qu’elle craignait le plus : elle venait de converser d’égal à égal avec quelqu’un qui n’était pas de son rang. Réprimant un frisson, elle s’aventura plus loin dans cette soirée en tremblant : qui allait-elle rencontrer à présent ?
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime02.09.12 17:20

« Monsieur le baron est de sortie ce soir ? »
« Oui Aurélien, rien de tel que les bals masqués pour apprendre tout ce qu’il ne faudrait pas savoir à la cour ! Prends donc ta soirée petit, va t’amuser aussi ! »
« Merci monseigneur ! »

Ravi de l’aubaine, le garçon qui servait de valet à Ferdinand s’éclipsa par la porte et détala dans le couloir. Son maître esquissa un sourire et ajusta le col de sa chemise avant de passer un pourpoint vert sapin agrémenté de broderies dorées. Effectivement, le baron était de sortie ce soir, et pour une fois cela n’avait rien à voir avec une quelconque tâche professionnelle, qu’il s’agisse d’amuser la galerie ou espionner pour le compte du roi. Pour une fois, c’était lui qui allait s’amuser un peu, à ce bal masqué où sa nouvelle connaissance, le duc de Sudermanie, l’avait gracieusement convié. Un monsieur intéressant que ce Christian Vasa, à peu près aussi excentrique que lui, mais simplement un peu moins démonstratif. Et moins méchant dans ses piques –qu’il avait rares-, probablement. Une des rares personnes à trouver grâce aux yeux du Fou et de son sarcasme légendaire. Sarcasme qu’il avait bien prompt depuis le retour à la cour de Guillaume du Perche et Evangeline de Comborn : le roi était si furieux contre eux qu’il se montrait encore plus exigeant que d’habitude et que le fou devait déployer des trésors d’ingéniosité au bout d’un moment pour trouver une nouvelle plaisanterie ou trouver un nouveau défaut aux deux espions en disgrâce pour satisfaire les appétits de revanche de son roi. Il doutait que Comborn et du Perche méritassent vraiment un tel traitement, mais bah, ce ne serait que passager… Il connaissait trop bien les trois protagonistes pour en douter. Les deux espions se démèneraient pour rentrer en grâce, accompliraient un quelconque exploit, et Louis pardonnerait. Et hop, fin de l’histoire, tombé du rideau. La vie n’était décidément pas bien compliquée si on prenait la peine de la regarder sous le bon angle.
C’est donc dans un état d’esprit détendu que Ferdinand abordait la soirée. Il attacha les cordons de sa cape et finit par attacher le masque qu’Aurélien lui avait déniché pour la soirée, un loup blanc qui ne dissimulait pas entièrement son visage, mais juste assez pour qu’on ne le reconnaisse pas si l’on ne le connaissait pas très bien. Ou si l’on n’avait pas observé son visage sous toutes les coutures pendant plusieurs heures. Il doutait que ce fusse le cas pour qui que ce soit !
D’excellente humeur, il alla d’un pas leste aux écuries et bondit sur son cheval qu’il lança au triple galop jusqu’à Versailles, la ville cette fois. L’hôtel Vasa était situé en bordure de ville, et en la contournant Ferdinand y fut très rapidement. Il sauta de sa monture et la remit à l’un des domestiques de la maison, avant d’entrer d’un pas résolu dans le bâtiment. C’était une vaste demeure aménagée avec goût et confort, chaleureuse malgré le pays glacial d’où venait son propriétaire. Ferdinand prit le temps d’apprécier l’endroit quelques instants, avant de partir à la recherche de son hôte, qu’il ne tarda pas à dénicher entouré, comme à son habitude, de quatre ou cinq personnes qui l’écoutaient disserter sur une quelconque curiosité scientifique.

« Ainsi, si vous posez un œuf à la surface de l’eau… Ah, baron d’Anglerays, vous voilà ! » s’exclama joyeusement le duc en voyant arriver son invité. Quoiqu’il arrive, ce type avait toujours l’air content. Rien que pour ça, Ferdinand le trouvait très sympathique.
« Ravi de vous voir, cher duc. Serais-je en retard, par malheur ? »
« Certainement non, quelle idée. Vous êtes même pile à l’heure, je ne comprends pas cette drôle d’habitude qu’ont les français d’arriver en avance… Mais enfin, je suis content de voir que mes invitations ont eu leur petit succès. Rejoignez-vous des connaissances ? »
« Pas que je le sache, mais vous verrez que je suis très doué pour m’en faire de nouvelles ! »
« Je vous fais confiance pour cela. Passez me voir dans le courant de la soirée, il faut absolument que je vous parle du dernier télescope produit par nos amis hollandais. » ajouta Christian en lui donnant une tape amicale sur l’épaule avant de s’éloigner.

Ferdinand amusé le regarda s’en aller, et tranquillement passa à son tour dans le salon principal. Les invités étaient plus nombreux que ce à quoi il s’était attendu, mais heureusement l’ambiance n’avait pas l’air d’être la même que chez les Longueville ! Dieu merci, le duc de Sudermanie devait être quelqu’un de plus fréquentable que Paris de Longueville… Et cela s’en ressentait certainement dans les soirées que donnaient les uns et les autres. Celle-ci serait probablement consacrée aux discussions et à la danse. Rien de mieux pour passer un moment de détente sans avoir à se préoccuper de politique ou d’espionnage. Attrapant une coupe de vin au vol sur un plateau, il observa l’assemblée, se demandant qui pouvait bien se cacher sous tous ces masques. Il en reconnut certains avec certitude, pour d’autres il ne pouvait qu’essayer de deviner, et les derniers étaient de parfaits inconnus, ou alors admirablement déguisés. Poursuivant son examen, il longea les fenêtres et alla se poster près de l’une d’elles qui donnait sur le parc du l’hôtel, quand une voix attira son attention.

- Notre entretien me semble terminé madame.

Ferdinand arqua un sourcil et tourna la tête vers cette voix familière, bien trop familière pour être honnête. Quelle ne fut pas se surprise de reconnaître, sous la robe carmin et le petit masque, les traits de la duchesse d’Alençon ! Que diable faisait-elle ici, celle-là ? Depuis quand cette pimbêche fréquentait-elle les bals masqués ? Voilà une information qu’il était bon de détenir, et qu’il se ferait une joie de ressortir à l’occasion… Ne serait-ce que pour le plaisir de la voir blêmir sous la révélation. Avec le temps, il avait fini par prendre un malin plaisir à détester cette peste hautaine et méprisante, qui ne perdait jamais la moindre occasion pour rabaisser son prochain et se mettre en valeur grâce à son arbre généalogique. Il n'y avait rien de plus ridicule selon lui que quelqu'un qui croyait pouvoir se targuer de la grandeur des autres. Et Elisabeth, qui n'avait rien accompli d'autre que pourrir la vie de son entourage, en était un parfait exemple. Dieu qu'il pouvait la détester, cette peste aux yeux bleus. Comment tant de méchanceté pouvait-elle tenir derrière un visage pourtant bien joli ? Cela resterait à jamais une énigme pour le baron, énigme qu'il n'avait guère envie de résoudre. En attendant, elle était bel et bien là. Que faire ?
Un sourire un brin cruel se dessina sur ses lèvres alors qu’il y portait sa coupe de vin, réfléchissant à comment tirer le meilleur parti de la situation. Puis une idée lui vint à l’esprit. Une idée qui pourrait bien pimenter la soirée s’il parvenait à la mener à bien. S’assurant d’un coup d’œil dans le miroir que son masque était bien en place et qu’il était à peu près méconnaissable, il s’éclaircit la gorge afin de préparer ses cordes vocales à changer de ton, et quand il fut prêt, il alla aborder la demoiselle qui avait l’air de drôlement tirer la tête. Avec un respect aussi marqué qu’il était feint, il s’inclina profondément devant elle.

« Seigneur, pardonnez mon audace mademoiselle, mais seriez-vous à tout hasard la duchesse Elisabeth d’Alençon ? Mais permettez-moi de me présenter : Charles, duc d’Aiguillon. Votre humble serviteur, duchesse. » déclara-t-il en contrefaisant sa voix qui devint plus grave.

S’étant redressé, il lut dans ses yeux l’incrédulité et l’hésitation. Il poursuivit donc :

« Nous n’avons jamais été présentés personnellement, mais j’ai beaucoup entendu parler de vous par une de mes amies, la princesse de Calenberg… Elle ne m’a dit de vous que du bien de vous. Je suis bien aise de rencontrer en ces lieux quelqu’un que je sais partager les mêmes convictions que moi. Je ne suis guère friand des frivolités de ce genre et ne fais acte de présence que par respect envers notre hôte… »

Voyant cette fois qu’il avait gagné sa confiance, avec ses lamentations contrites et son air assombri, il sourit intérieurement. Et s’il poussait la duperie encore un peu plus loin ? L’idée lui vint alors qu’une autre jeune femme qu’il identifia comme la baronne de Méridor -une jeune fille admirable mais de bien moindre rang qu’Elisabeth !- aborder la duchesse. Il n’y avait rien qu’elle détestait tant que fréquenter des gens inférieurs. C’est donc avec une autorité qui l’amusait beaucoup qu’il intervint dans la conversation, priant poliment mais froidement la jeune baronne de bien vouloir le laisser converser en privé avec la duchesse. Etonnée mais vaincue par ce ton courtois mais sec, elle s’en alla discuter ailleurs. Avec un peu de chance, ce petit acte salvateur allait lui faire gagner des points auprès de la duchesse… Ou au moins faire gagner des points au duc d’Aiguillon. Entendant que l’on changeait de musique, il tendit la main vers elle.

« Chère duchesse, accepteriez-vous de transformer cette torture en un moment agréable, en acceptant une danse ? Ainsi nous pourrons continuer de converser sans être importunés par des gens qui n’ont que peu à voir avec nous… »
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime04.09.12 1:50

Spoiler:

Elisabeth commençait à se dire que venir à cette maudite soirée avait été l’une des pires décisions de sa vie. Pour la énième fois, elle se dit qu’elle aurait dû prendre le risque de paraître grossière et refuser.

*Si je passe ma soirée à ressasser ces vilaines paroles, je vais vite m’ennuyer.*

Elle se décida à attraper l’un de ces laquais qui couraient avec des coupes de vin. Elle avait la gorge sèche à force d’avoir parler à cette petite impertinente.

- Seigneur, pardonnez mon audace mademoiselle, mais seriez-vous à tout hasard la duchesse Elisabeth d’Alençon ?

La jeune femme se retourna vers la voix. Elle se trouvait face à un homme plutôt élégant en vert et or avec un énorme loup blanc qui dissimulait aisément son visage. Seulement il y avait quelque chose dans son beau ton grave qui lui donnait envie de poursuivre la conversation.

- Oui c’est moi-même, monsieur…. ?
- Mais permettez-moi de me présenter : Charles, duc d’Aiguillon. Votre humble serviteur, duchesse.


Elisabeth ne put s’empêcher de rougir un peu, fort heureusement, avec sa tenue, cela ne se voyait pas. L’inconnu était un duc, et comme sa position le laissait présager, il avait beaucoup d’éducation. Voilà qui était plutôt heureux, il y avait donc des gens biens dans l’énorme mascarade qu’était cette soirée. Toutefois, elle cherchait dans son arbre généalogique si d’aventure ils étaient parents. Effectivement, le premier duc d’Aiguillon était un Lorraine, il avait fait de la baronnie un duché, mais ils n’avaient plus beaucoup de liens de parenté, elle en avait peur. Un lointain cousin tout au plus. Le jeune homme venait néanmoins d’une bonne famille ce qui était plutôt rassurant.

- Monsieur, je ne crois pas avoir le plaisir de vous connaître !
- Nous n’avons jamais été présentés personnellement, mais j’ai beaucoup entendu parler de vous par une de mes amies, la princesse de Calenberg… Elle ne m’a dit de vous que du bien de vous.


Elisabeth ne put s’empêcher de lever un sourcil : Maryse avait donc des amies dont elle ne lui parlait pas ? Il est vrai qu’il s’agissait d’une jeune femme charmante et elle devait être très appréciée. Sa jeune sœur lui avait toujours reprochée d’être un petit peu possessive avec ses amies. Elle secoua la tête et fit passer rapidement ce petit moment de faiblesse : le mal tenterait-il de l’atteindre par la jalousie ?

Elle se concentra à nouveau sur ce mystérieux jeune homme. Elle se demanda ce qu’un ami de Maryse pouvait bien faire en ce lieu frivole, antre de la débauche s’il en est.


- Je suis bien aise de rencontrer en ces lieux quelqu’un que je sais partager les mêmes convictions que moi. Je ne suis guère friand des frivolités de ce genre et ne fais acte de présence que par respect envers notre hôte…

La duchesse se sentit troublée l’espace d’un instant : il avait dit : « frivole », le mot auquel elle avait pensé. Seigneur, y avait-il donc encore des âmes hors du chemin de la perdition en ces lieux ?

- Je comprends parfaitement monsieur, je trouve ces amusements parfaitement ridicules et ô combien peu chrétiens ! Je ne sais pourquoi les gens s’obstinent à vouloir s’y adonner. Vous verrez que bon nombre d’entre eux ne se présenteront pas à la messe demain matin sous prétexte que le bal leur a tourné les sangs.

Elisabeth se sentait désormais parfaitement en confiance. Une autre jeune femme s’approcha d’eux :

- Mais je ne me trompe pas, vous êtes madame la duchesse d’Alençon ? Quelle joie de vous rencontrer en ces lieux, on a tellement peu l’habitude de vous y voir !

Elisabeth était scandalisée par tant d’impudence. Cette jeune personne devait être étrangère au protocole pour oser l’aborder ainsi puisque normalement c’était la dame au rang le plus élevé qui devait s’adresser à l’autre en premier. Et elle doutait qu’il y ait, ici, une personne d’un meilleur rang que la cousine du roi ! Elle s’apprêtait à renvoyer sèchement cette petite demoiselle quand le duc d’Aiguillon, calmement, lui intima l’ordre de s’éloigner. La duchesse ne laissa pas la moindre émotion transparaître mais elle était impressionnée. Elle n’avait rien contre les gens d’un rang inférieur bien sûr, après tout il s’agissait également de créatures de Dieu, ils devaient bien avoir une raison d’être quelconque, mais elle aimait le fait qu’on respecte une certaine hiérarchie.

La musique changea soudain et c’est tout naturellement que le jeune duc l’invita à danser. Elisabeth hésita un moment : elle avait appris la danse tout naturellement, toute dame bien née connait cet art afin de pouvoir se comporter en société. Mais elle ne connaissait pas ce jeune homme, il n’était pas de sa famille et n’était ni son promis ni son fiancé. Était-il indiqué de se faire voir avec lui sur une piste de danse ?


- Ainsi nous pourrons continuer de converser sans être importunés par des gens qui n’ont que peu à voir avec nous…

Là, la duchesse ne pouvait que lui donner raison : tant qu’ils auraient l’air d’être simplement en conversation, de petites gens voudraient certainement venir afin d’être vues en compagnie de mademoiselle d’Orléans, petite-fille d’Henri IV.

- Eh bien monsieur, puisque nous sommes là, autant en profiter un petit peu. Mais restons bien en vue, je ne voudrais pas compromettre ma réputation.

Si le duc était un véritable gentilhomme, il comprendrait et le respecterait. Ils se dirigèrent donc vers la piste de danse où plusieurs couples tournoyaient déjà avec beaucoup d’entrain – un peu trop au goût d’Elisabeth. Certaines femmes avaient un petit peu trop bu et se retenait plus qu’elles ne se tenaient au cou de leur partenaire de danse. Et de rire aussi, des rires gras, plein de sous-entendus. Pour un menuet, danse complexe et raffinée, c’était réellement dommage. Elisabeth se félicita de ne point leur ressembler et de se retrouver en aussi charmante compagnie.

Elle rougit aussitôt. Elle n’avait pas beaucoup d’amis masculins, cela lui semblait inconvenants étant donné que la promiscuité entre les deux sexes pouvaient parfois mener directement à la débauche. Et voilà qu’elle se retrouvait en train de danser avec cet homme qui la troublait. Oui, elle était bien obligée de l’admettre : ses sens en étaient complètement affolés. Elle n’avait ressentit ça qu’une seule fois, de cette façon totalement impromptue, c’était ce jour-là, lorsque ce petit bouffon l’avait remise à sa place en public et elle, au lieu de lui apprendre les bonnes manières, elle s’était sentie…

Non, elle ne désirait plus penser à ce moment gênant. Pour le moment, elle ne désirait qu’une chose : vaincre cette tentation qui devait émaner du Diable lui-même, lui montrer qu’elle était plus forte en résistant au charme de ce parfait gentilhomme. Elle exécuta fort joliment chacun des pas et remarqua que son cavalier également. À la fin de la première danse, elle revint vers lui, un peu essoufflée :


- Eh bien monsieur, vous tenez parfaitement votre rang en dansant aussi joliment !

Elle était réellement impressionnée et méfiante sur le coup : il devait être un habitué des fêtes de Cour pour être aussi bon danseur.

- Dommage que nous ne soyons pas croisés plus souvent lors des festivités de mon cousin le Roi, avec la princesse de Calenberg, nous nous plaignons si souvent de la pauvreté d’esprit des invités et leur manque de raffinement dans la danse.

Elisabeth regretta immédiatement ses paroles et espéra que sa méfiance n’ait pas transparut dans ses propos : après tout les menteurs et les faux nobles étaient de petites gens vulgaires, jamais l’un d’entre eux n’aurait pu faire preuve d’autant d’éducation. C’était un sujet où, elle en était sûre, personne ne pourrait jamais la duper. Ils prirent le temps de boire une coupe puis se rendirent sur la piste pour une nouvelle danse. Finalement la soirée s’annonçait pleine de promesses.

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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime24.09.12 20:25

Spoiler:

C’est avec un plaisir non dénué de sadisme et d’ironie que Ferdinand constata que son petit manège fonctionnait à merveille. Acteur aguerri depuis son enfance passée dans les malles de vieux vêtements jusqu’à son rôle de bouffon de cour en passant par quelques rôles de théâtre en dépannage vers ses vingt ans, passer dans la peau d’un autre ne lui demandait désormais pas plus d’exercice que claquer des doigts. Alors avec un masque qui couvrait suffisamment son visage et des cordes vocales que la nature lui avait fort aimablement permis de dompter à sa guise, duper cette Elisabeth aussi naïve qu’elle n’était peste était un véritable jeu d’enfant ! Et Dieu merci, Ferdinand avait si bien gardé son âme d’enfant que ce jeu-là avait encore de quoi l’amuser un long moment… C’est donc avec un sourire des plus courtois à l’extérieur et sarcastique à l’intérieur qu’il prit la main de l’une de ses pires ennemies pour l’entraîner sur la piste de danse. Quelle chance il avait eue tout de même, de bien tomber alors qu’il sortait le premier duché qui lui passait par la tête ! Il aurait eu l’air malin si le duc d’Aiguillon avait été bien connu de la duchesse ou si elle le connaissait de par son interminable et assommant arbre généalogique. Mais décidément, la chance avait décidé de lui filer un petit coup de pouce pour enseigner une bonne leçon à cette chère duchesse d’Alençon. Une leçon de duperie qu’elle ne serait pas prête d’oublier, il s’en assurerait personnellement !
Tout en dansant avec elle, il se demandait comment pousser le jeu encore plus loin. Il avait, il le savait, gagné sa confiance en renvoyant cette pauvre baronne dans les roses, et il la tenait maintenant entre ses mains pour lui faire croire à peu près tout ce qu’il voudrait. Le tout était de trouver quoi lui faire croire de sorte qu’elle fulmine encore plus de s’être faite avoir lorsque tomberont les masques ! Et combien de temps allait-il la berner ? Toute la soirée ? Voilà qui pouvait être une bonne idée, elle n’en serait que plus furieuse par la suite, et c’était là une perspective qui le réjouissait d’avance. Pourtant, un élément imprévu vint brièvement bousculer ses plans : alors qu’elle s’appuyait sur son bras pour esquisser un nouveau pas et glissait près de lui, il remarqua un détail inhabituel chez elle. Une légère rougeur aux joues. Imperceptiblement, Ferdinand haussa un sourcil. Morbleu ! Serait-ce que ce cher Charles duc d’Aiguillon la troublerait ? Pour la tester, et au risque de se récolter une gifle révélatrice au passage, il effleura sa hanche alors qu’elle repassait devant lui. Mordious, la voilà qui s’empourprait davantage ! Heureusement que ce contact pouvait passer pour involontaire… Mais l’information était diablement précieuse. Elisabeth d’Alençon, sensible au charme du faux duc ! Quel retournement de situation !

- Eh bien monsieur, vous tenez parfaitement votre rang en dansant aussi joliment ! remarqua-t-elle alors que le « couple » se séparait. Sobrement, l’usurpateur s’inclina.
« Vous de même, duchesse. Vous êtes la grâce personnifiée, et avec vous la danse revêt des airs de vertu en ces lieux de perdition. » répondit-il de sa voix de baryton, bien curieux de voir quel effet ses compliments allaient avoir sur l’esprit de cette pauvre duchesse. Il songea brièvement à Monsieur, ayant deviné son aversion pour sa propre cousine, et se demanda si ce joli tour qu’il lui jouait l’aurait amusé. Probablement, Monsieur était toujours enthousiaste dès que l’on parlait de tours pendards menés d’une main de maître envers ses ennemis !

En tout cas, une chose était sûre : il devait à tout prix utiliser l’inclination que la duchesse semblait commencer à éprouver pour lui à son avantage. Un procédé peu flatteur et même assez vil, mais lorsqu’il s’agissait de remettre à sa place une peste pareille, il n’aurait reculé que devant bien peu de choses : le poignard parce qu’il y répugnait, et le lit parce que cela lui aurait sûrement coûté sa tête ! N’en étant pas rendu à ces extrémités-là, il comptait bien en profiter un peu pour la faire tourner en bourrique autant que faire se pouvait… Diable, que tromper ses ennemis sous leur nez avait quelque chose d’enivrant ! Pour rien au monde Anglerays ne renoncerait à ce plaisir certes un peu coupable, mais tellement passionnant. Plus il voyait les yeux bleus de la duchesse chercher les siens, plus il voyait ses joues rosir et le ton de sa voix claire se teinter d’incertitude, plus il jubilait et goûtait d’avance le bonheur de sa future victoire. Quand elle deviendrait rouge de colère et chercherait à le massacrer du regard tout en se mordant les joues pour ne pas perdre son calme en public… Et si elle cherchait à le frapper ou s’emportait, alors là, quel triomphe ! Non décidément, il ne pouvait pas se permettre de se révéler tout de suite, ce serait trop bête !

- Dommage que nous ne soyons pas croisés plus souvent lors des festivités de mon cousin le Roi, avec la princesse de Calenberg, nous nous plaignons si souvent de la pauvreté d’esprit des invités et leur manque de raffinement dans la danse. Reprit la duchesse avec une lueur légèrement soupçonneuse dans les yeux.

Lueur qui n’échappa pas au roi de la comédie, évidemment. Devait-il voir dans ses paroles une espèce d’avertissement dans le cas où le duc d’Aiguillon serait un usurpateur ! Mon Dieu quelle idée, soupçonner le plus honnête homme du monde… Mais s’il le fallait, soit ! Il allait lui en resservir du duc, du parfait gentilhomme, et de la pieuse indignation face à toute cette débauche éhontée ! Demandez, c’est livré ! Il allait le lui servir à toutes les sauces, du Charles duc d’Aiguillon, indigné, sérieux, galant, discret, honorable, charmant, indifférent aux plaisirs peu recommandables que le commun des mortels affectionnait en temps normal ! Il pouvait même le faire ancien moine, si elle le désirait ! Quoique non, elle risquerait de se demander pourquoi il avait quitté les ordres et ce ne serait pas bon pour son image. Restons donc sur le parfait chevalier sans faille et sans reproche avec son armure toute lisse, puisqu’il avait l’air de tant lui plaire !

« Si l’on m’avait dit que j’avais une chance de faire la connaissance d’une personne de qualité comme vous, chère duchesse, je m’y susse rendu avec plus d’assiduité. Hélas, je crains fort de ne point avoir le goût des festivités ni des mondanités et de leur préférer le calme de mon humble demeure ou les longues heures que je passe à la chapelle à prier Notre Seigneur. Néanmoins… »

Ferdinand esquissa un geste pour s’emparer d’une de ses mains et y déposer un baiser aussi léger que galant.

« Maintenant que je sais que j’ai une chance de vous y trouver, il se peut que je passe moins de temps dans mes livres et tente de supporter la foule pour vous y apercevoir. » conclut-il en gardant la main d’Elisabeth dans la sienne un peu plus longtemps que nécessaire. Assez longtemps, espérait-il, pour semer encore un peu plus le trouble dans son esprit ! Enfin il la relâcha et lui tendit une coupe de vin en réfléchissant à son prochain tour. Il l’invita pour la danse suivante, la courante, et continua de songer à la suite des évènements. La soirée battait son plein, et la salle où se tenait le bal était désormais plus que bondée. On y avait à peine la place de danser, et pas tout à fait assez de place pour le faire en de bonnes conditions. C’est alors qu’une nouvelle idée vint à l’esprit du fou, décidément pas en reste ce soir-là : un peu d’intimité peut-être ne leur ferait pas de mal ! Il proposa à Elisabeth de changer de pièce, celle-ci étant devenue trop étouffante il craignait que la duchesse ne soit incommodée ; et bien sûr elle accepta. Fort de cette nouvelle petite victoire, il l’entraîna au hasard vers une sortie –décidément l’hôtel Vasa avait des couloirs bien compliqués !- et ils débouchèrent dans un salon plus petit et plus calme, où quelques personnes moins devisaient agréablement, parmi elles le duc de Sudermanie justement. Heureusement il paraissait trop absorbé dans sa conversation pour le remarquer et trahir sans le vouloir sa couverture. Ferdinand entraîna donc Elisabeth vers une fenêtre qui donnait vue sur le parc et contempla quelques instants le paysage avant de se concentrer de nouveau sur sa malheureuse victime.

« Savez-vous ce qui me désole le plus, duchesse ? Que dans ce monde, ce soit toujours les plus méchants d’entre nous qui s’en sortent et les meilleurs qui courbent l’échine. Regardez par exemple ce parasite –excusez mon langage, mais l’homme ne vaut guère mieux que cela !- de bouffon, ce d’Anglerays… J’étais là, le jour où il a osé s’en prendre à vous publiquement. Ce misérable qui bénéficie de la protection de notre roi uniquement grâce à ses prétendus bons mots et qui ne doit guère avoir d’éducation pour penser pouvoir salir une réputation comme la vôtre ! Veuillez m’en croire duchesse, s’il n’y avait eu l’Edit de Richelieu, je l’eusse aussitôt défié pour venger votre honneur ! »

Décidément, il poussait loin la comédie ce soir-là. Mais il était bien curieux de savoir ce qu’elle allait pouvoir lui répondre à ce sujet !

« J’enrage de n’avoir pu intervenir en votre faveur. » poursuivit-il la voix vibrante d’une colère sourde et les traits crispés par une rage que, pour la bienséance, il était obligé de retenir. « Pour qui se prend-il donc ? Il oublie certainement qu’au-delà de son grand-père il ne descend même pas de la noblesse. Pardonnez mon audace duchesse, mais je m’étonne que vous n’ayez pas répliqué plus sèchement ce soir-là… »

S’il savait sur quelle ornière il venait de mettre le pied !
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Elisabeth d'Alençon


Elisabeth d'Alençon

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: seul Dieu peut m'indiquer qui aimer
Côté Lit: Je me réserve pour mon futur époux, je ne suis pas de celles qui se donnent!
Discours royal:



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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime04.10.12 1:54

Elisabeth se demandait Diable quelle maladie pouvait-elle bien couver. Elle réfléchit à ses symptômes, était-elle contagieuse, risquait-elle de contaminer ce charmant homme de ses maux : elle avait extrêmement chaud alors que nous étions au cœur de l’hiver.

Il y avait beaucoup de monde dans un endroit confiné, un grand feu flambait dans la cheminée et il est vrai, tout le monde le sait bien entendu, que la danse échauffe les sens !

Elle avait du mal à articuler, comme si elle avait un poids au fond de la gorge et que ses lèvres refusaient de lui obéir.

Avec la musique et le bruit des conversations, elle devait parler extrêmement fort, il n’était pas étonnant que cela la fatigue.

Elle avait le souffle court et des palpitations mais après tout, elle appartenait au sexe faible et il n’était pas étonnant qu’après ces exercices physiques, il lui soit difficile de respirer, les femmes n’étaient pas faites pour danser de la sorte, voyait-on un crucifix quelque part, où se trouvait Dieu dans cette fête qui ne semblait pas tout à fait conforme aux règles de la morale.


- Si l’on m’avait dit que j’avais une chance de faire la connaissance d’une personne de qualité comme vous, chère duchesse, je m’y susse rendu avec plus d’assiduité. Hélas, je crains fort de ne point avoir le goût des festivités ni des mondanités et de leur préférer le calme de mon humble demeure ou les longues heures que je passe à la chapelle à prier Notre Seigneur. Néanmoins…

Elisabeth se rendit compte avec stupeur qu’elle buvait les paroles du duc d’Aiguillon : instinctivement, elle s’était approchée de lui et avait tout doucement demandé :

- Oui ?

Mais enfin pourquoi attendait-elle la suite avec autant d’impatience ? Elle tenta de reprendre une contenance, sûre que tout cela ne pouvait être qu’un mauvais rêve et qu’il lui fallait reprendre ses esprits le plus vite possible quand il termina sa phrase :

Maintenant que je sais que j’ai une chance de vous y trouver, il se peut que je passe moins de temps dans mes livres et tente de supporter la foule pour vous y apercevoir.

Malgré elle, elle rougit de la tête aux pieds. Elle inspira le plus discrètement possible, essayant de penser à tout sauf à la main qu’il tenait alors qu’ils ne dansaient plus.

- Oui, il est toujours agréable de converser même si la lecture et la prière sont des passe-temps plus qu’honorables, je m’en voudrais de vous en distraire.

Pourquoi avait-elle gloussé comme une gourgandine juste après l’avoir prononcer. Dix jours après, elle se posait encore la question. Quand il lui proposa de se rendre dans une pièce moins étouffante afin qu’elle ne soit pas incommodée, il vint une pensée folle à Elisabeth. Elle était devenue abbesse car elle était née difforme. Hors depuis lors, grâce aux bons soins de sa co-adjutrice, elle était devenue agréable à regarder. Si l’idée du mariage l’avait plutôt fait fuir jusqu’à maintenant, c’est qu’elle ne trouvait pas d’homme digne de son intérêt : ils étaient ou débauchés ou d’un rang trop inférieur au sien pour épouser une princesse de sang. Hors aujourd’hui, elle rencontrait un homme qui ressemblait à l’idéal qu’elle avait imaginé dans ses rêves interdits, ceux où elle se disait que le voile était la seule solution et que l’époux parfait n’existait pas ou alors pas pour elle. Et voilà qu’elle rencontrait un modèle de vertu. Peut-être que Dieu voulait lui faire comprendre qu’il y avait un autre chemin possible pour elle.

Elle chassa cette pensée rapidement en le suivant à côté. Elisabeth n’était pas là pour penser à un avenir mais simplement pour assister à un bal afin de ne pas offenser l’organisateur en refusant de s’y rendre. Pourquoi avait-elle ce type de pensées ? De plus, elle ne cessait de se poser des questions depuis le début de la soirée et elle détestait ce sentiment : la duchesse aimait les certitudes : savoir que Dieu était de son côté, que tel homme était bon, que tel autre était un vilain… Chaque fois que quelque chose lui échappait, elle utilisait la volonté divine comme prétexte. Mais ce soir, rien n’était sûr, tout n’était que doute et d’un seul coup, un malaise s’insinua. Elle voulait retrouver son univers prévisible le plus vite possible mais en même temps, elle ne voulait pas écourter son entretien avec le duc d’Aiguillon. De même que les incertitudes, les hésitations et l’envie de vouloir faire deux choses en même temps ne faisaient pas partie des habitudes d’Elisabeth.


- Savez-vous ce qui me désole le plus, duchesse ? Que dans ce monde, ce soit toujours les plus méchants d’entre nous qui s’en sortent et les meilleurs qui courbent l’échine.

Cette simple phrase replongea la duchesse dans son trouble. Elle fut heureuse de découvrir qu’elle n’hésitait plus entre deux actions : elle était sûre de vouloir rester auprès de son nouvel ami, ne plus le quitter du tout.

- Je ne puis qu’appuyer vos dires monsieur. Par moment, j’ai l’impression que les hommes ne craignent plus l’Enfer ou pire, qu’ils choisissent délibérément de condamner leur âme à une éternité de tourmente plutôt que de se modérer durant leur vie sur cette terre où nous ne devrions que Lui rendre grâce.

Elisabeth découvrait pour la première fois depuis sa rencontre avec la princesse de Calenberg quelqu’un à qui elle n’avait rien à redire, avec qui elle se sentait en parfaite harmonie. Dire qu’elle avait faillit ne pas se rendre à cette mascarade que certains mauvais chrétiens appelaient une fête.

- Regardez par exemple ce parasite –excusez mon langage, mais l’homme ne vaut guère mieux que cela !- de bouffon, ce d’Anglerays… J’étais là, le jour où il a osé s’en prendre à vous publiquement. Ce misérable qui bénéficie de la protection de notre roi uniquement grâce à ses prétendus bons mots et qui ne doit guère avoir d’éducation pour penser pouvoir salir une réputation comme la vôtre ! Veuillez m’en croire duchesse, s’il n’y avait eu l’Edit de Richelieu, je l’eusse aussitôt défié pour venger votre honneur !

La duchesse se raidit un peu : savoir que l’homme dont elle ne pensait que du bien ait assisté à la pire humiliation de sa vie la fit rougir à nouveau mais cette fois, elle en connaissait parfaitement la raison : elle ne voulait plus penser à cet instant. Seulement, égale à elle-même, mis à part la légère rougeur en bordure des joues, rien ne laissa transparaître sa colère.

- Cet homme est tellement insignifiant, mentit-elle, qu’il ne vaut même pas la haine dont je pourrais l’affubler. Comme vous le dites si à propos, il ne s’agit d’un bouffon après tout, une besogne tout juste bonne pour les nains. Un homme qui a un tant soit peu d’honneur ne s’y adonnerait pas. S’il en retire quelque fierté, je le plains plus que je ne le blâme.

Elisabeth se rendait compte avec un grand soulagement qu’elle retrouvait sa belle assurance qui lui voulait cette réputation de manquer de cœur. Plutôt passer pour froide que pour une femme fragile.

- J’enrage de n’avoir pu intervenir en votre faveur. Pour qui se prend-il donc ? Il oublie certainement qu’au-delà de son grand-père il ne descend même pas de la noblesse. Pardonnez mon audace duchesse, mais je m’étonne que vous n’ayez pas répliqué plus sèchement ce soir-là

Quelque chose de violent éclata en Elisabeth. Si elle n’avait été douée pour dissimuler ses émotions, le jeune homme aurait fondu sous le regard flamboyant de la duchesse. Non seulement, elle s’était sentie humiliée devant des grands de la Cour, mais en plus, voilà qu’on pensait qu’elle avait été faible devant ce petit homme. D’un seul coup, elle devint plus sèche.

- Qu’est-ce qui vous a fait penser monsieur que j’avais besoin d’un quelconque secours ? Pensez-vous que j’ai été à ce point diminuée ?

Et si le duc s’était rendu compte qu’elle avait été troublée par ce petit noblion prétentieux ? Se pouvait-il qu’il sache que si elle n’avait pas répliqué, c’était parce qu’elle était dominée par ses instincts les plus. D’ailleurs, maintenant qu’elle y réfléchissait, les sentiments étranges qui l’avaient habitée ce soir ne lui étaient-ils pas familiers…

"Non, mon Dieu non ! Jamais !"

- Pourquoi aurai-je dû répliquer ? Ce misérable vermisseau peut bien me cracher ce que bon lui semble, il ne changera pas le fait qu’il n’est rien. Quand il mourra, le roi le remplacera par un petit singe qui remplira bien mieux la tâche que tous les barons du royaume. Ce bouffon ne s’attaque aux princes de sang que pour donner une impression d’importance à sa petite existence. Si je n’ai rien ajouté de plus à sa diatribe, ce n’était que par charité chrétienne. Je vois avec déception que vous n’avez pas envisager cette possibilité.

Sur ces paroles, Elisabeth s’apprêtait à prendre congé. Voilà que parce qu’elle lui avait accordé son attention, ce petit duc se permettait de lui rappeler l’instant ou elle s’était sentie vulnérable, où beaucoup de ses convictions les plus profondes s’étaient retrouvées ébranlées. Ce n’était pas pour rien qu’elle considérait le baron d’Anglerays comme son pire ennemi : il n’était pas seulement dangereux pour sa réputation, il l’était également pour sa volonté.

Seulement elle eut un soubresaut. Un souvenir s’imposa à sa mémoire, celui de sœur Marie-Cécile qui lui répétait constamment :


- Vous êtes une bonne petite, intelligente et vertueuse. Mais votre orgueil, mon enfant, est d’une telle importance, qu’il vous perdra. N’oubliez jamais qu’il s’agit d’un péché mortel. Dieu ne vous le pardonnera pas si vous ne faites rien pour le corriger !

Elisabeth ferma les yeux une minute et se reprit. Allait-elle se fâcher avec le seul homme capable de lui faire oublier qu’elle vivait dans un monde perdu, où le vice faisait loi et où la vertu était calomniée ? Oui, il semblait bien que la duchesse se soit laissée dominée par sa vanité.

"Mon Dieu, pardonnez mon impudence : Vous mettez sur mon chemin une personne qui a toutes les qualités et voilà que je me comporte comme une enfant. Je me reprends maintenant, Soyez-en certain !"

- Pardonnez-moi monsieur, mais il semble que ce jour-là, mon geste ait été mal interprété et les mauvaises gens en profitent pour médire sur mon compte. Depuis, mon honneur semble bafoué et même si c’est pécher par orgueil, je le confesse, il m’arrive de perdre mon calme lorsque l’on évoque ce sujet.

La jeune femme s’était parfaitement reprise et elle parvint même à sourire au duc :

- Je puis vous assurer que cela ne se reproduira plus, si toutefois vous acceptez encore mon amitié malgré mon mauvais comportement. Après tout, dit-elle d’un air un peu plus complice, je ne suis qu’une femme et notre sexe a toutes les faiblesses !

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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime24.10.12 23:30

Sans le savoir, le baron était en train de jouer à un jeu cruel, bien plus cruel qu’il ne l’aurait soupçonné au premier abord. Et s’il l’avait su, aurait-il cherché à limiter les dégâts ? Rien n’était moins sûr. En cela, Ferdinand était comme les enfants, incapables de s’arrêter tant qu’il s’amusait, et ne songeant aux conséquences qu’une fois le jeu achevé. Et ce soir-là, la partie était loin d’être terminée : à force de bien l’observer, il avait compris qu’Elisabeth d’Alençon était moins insensible aux charmes du duc d’Aiguillon qu’elle ne voulait bien le laisser voir, et qu’il pouvait utiliser cette inclination à son avantage pour lui faire faire et dire ce qu’il voulait. A la manière d’un marionnettiste, il utilisait ses mots, le ton de sa voix, la mesure de ses gestes comme des fils pour la faire réagir comme bon lui semblait, tirant sur un nerf, déclenchant un rougissement aux joues, lui faisant baisser les yeux de gêne tout en les faisant briller de plaisir, bien malgré eux. Ferdinand était aux antipodes des hommes qui manipulaient les femmes selon leur bon plaisir ; mais pour cette Elisabeth qu’il détestait tant, il pouvait bien faire une exception. Alors non, le baron n’éprouvait décidément aucun scrupule à faire rouler la pauvre Elisabeth entre ses griffes comme un chat jouant avec une souris avant de l’achever d’un coup de griffe. Il se doutait bien qu’un coup de dents était à redouter, mais hé, pourquoi s’inquiéter maintenant alors que tout se déroulait avec tellement de facilité ? Il aurait bien le temps de s’inquiéter –ou pas- plus tard. En attendant, il s’amusait. Il s’amusait même terriblement.

- Cet homme est tellement insignifiant qu’il ne vaut même pas la haine dont je pourrais l’affubler. Comme vous le dites si à propos, il ne s’agit d’un bouffon après tout, une besogne tout juste bonne pour les nains. Un homme qui a un tant soit peu d’honneur ne s’y adonnerait pas. S’il en retire quelque fierté, je le plains plus que je ne le blâme.

Ferdinand dut faire un suprême effort sur lui-même pour ne rien laisser transparaître du sourire machiavélique qui faillit éclairer son visage et réprimer un ricanement. C’était exactement pour ce genre de raison qu’Elisabeth avait droit à ses piques, à son venin et pratiquement à sa haine : pour ce mépris qu’elle éprouvait pour tout être prétendument inférieur à sa condition, cette condescendance qui lui donnait envie de la gifler, de la réduire à l’état de miséreuse qu’elle dédaignait tant, de lui faire mordre la poussière. Ce n’était que ce qu’elle méritait, cette peste qui grâce à une naissance un peu chanceuse pensait que tout lui était dû. Alors oui, maintenant qu’il avait tenté la carte de la provocation, il était plus que ravi de la voir sortir de ses gonds, et de la voir rougir –cette fois de colère.

- Qu’est-ce qui vous a fait penser monsieur que j’avais besoin d’un quelconque secours ? Pensez-vous que j’ai été à ce point diminuée ?

Ah, quel nouvel effort il dut faire pour ne pas répondre par l’affirmative ! Il la revoyait encore, ses grands yeux bleus rivés dans les siens, brûlants de colère, les poings serrés de rage, tremblante de fureur et d’impuissance. Brisée. Il donnerait cher pour voir de nouveau ce visage exprimer la haine la plus palpable, et savoir qu’elle était dirigée contre lui avait quelque chose de terriblement réjouissant. Il le sentait, ce soir il reverrait peut-être cette expression terrible qu’il savait n’être destinée qu’à lui, car il était la seule personne de sa connaissance à savoir lui faire perdre son sang-froid et libérer sa fureur.

- Pourquoi aurai-je dû répliquer ? Ce misérable vermisseau peut bien me cracher ce que bon lui semble, il ne changera pas le fait qu’il n’est rien. Quand il mourra, le roi le remplacera par un petit singe qui remplira bien mieux la tâche que tous les barons du royaume. Ce bouffon ne s’attaque aux princes de sang que pour donner une impression d’importance à sa petite existence. Si je n’ai rien ajouté de plus à sa diatribe, ce n’était que par charité chrétienne. Je vois avec déception que vous n’avez pas envisager cette possibilité.

C’aurait été mentir ou faire preuve d’une terrible mauvaise foi que de dire que les paroles d’Elisabeth ne l’atteignaient pas ; ses flèches empoisonnées lui éraflaient la peau sans grand dégât, juste assez pour lui rappeler que sa détestation pour cette femme était justifiée, que c’était elle qui était en tort et pas lui, qu’il avait raison dans son jugement. C’était elle la peste, et lui le redresseur de torts. Il avait raison de la fustiger comme il le faisait, la condamnant à chaque fois qu’il la croisait : après tout ne jugeait-elle pas tout son entourage elle-même, personne ne trouvant grâce à ses yeux trop exigeants qui la voyaient déjà installée au plus haut des cieux ? Il se ferait un plaisir de la faire descendre de son piédestal ; sa place était sur terre, le nez dans la poussière. Mais pour le moment, la voilà qui retrouvait son calme, plus ou moins. Plus pour très longtemps.

- Pardonnez-moi monsieur, mais il semble que ce jour-là, mon geste ait été mal interprété et les mauvaises gens en profitent pour médire sur mon compte. Depuis, mon honneur semble bafoué et même si c’est pécher par orgueil, je le confesse, il m’arrive de perdre mon calme lorsque l’on évoque ce sujet.
« Vous êtes pardonnée naturellement duchesse, et je suis profondément navré d’avoir ramené d’aussi déplaisants souvenirs à votre mémoire. » se contenta-t-il de répondre, prudent, pour ne pas risquer d’être démasqué maintenant.
- Je puis vous assurer que cela ne se reproduira plus, si toutefois vous acceptez encore mon amitié malgré mon mauvais comportement. Après tout, dit-elle d’un air un peu plus complice, je ne suis qu’une femme et notre sexe a toutes les faiblesses !

Ferdinand réussit à sourire sans ironie et eut un léger mouvement de tête comme pour indiquer qu’il lui pardonnait. Lorsqu’il releva la tête, ses yeux bruns brillaient d’une étrange lueur. D’aucun aurait pu croire que c’était d’une émotion mal réprimée ; mais la réalité était certainement moins glorieuse. A la vérité, Ferdinand se délectait d’avance de la tête qu’allait faire Elisabeth d’Alençon d’ici quelques instants.

« Votre amitié, duchesse ? Dieu m’en soit témoin que si vous acceptiez de me l’accorder, vous feriez de moi l’homme le plus honoré du monde. » répondit-il d’une voix humble et douce. S’emparant de nouveau de sa main pour y déposer ce qui avait toutes les apparences du plus galant des baisemains, il la garda entre ses doigts, comme s’il refusait malgré lui de s’en séparer et de rompre ce doux contact. Néanmoins il ne releva pas les yeux. Il craignait qu’elle ne lise dans ses yeux toute la mascarade qui venait de s’orchestrer et dont il sentait, en bon artiste qu’il était, venir la fin, le climax inévitable. « Que dis-je, c’est le Ciel lui-même qui vous a envoyée ce soir… Votre présence est une bénédiction pour le pauvre fou que je dois vous sembler être mais… » Comme si le duc d’Aiguillon était en proie à une violente émotion, sa voix se brisa sur la dernière note.

Et soudain, il lâcha la main d’Elisabeth. Rompit le contact. Et lorsque sa voix s’éleva de nouveau, ce n’était plus celle du duc d’Aiguillon.

« Mais au fond vous ne seriez pas si éloignée de la vérité en me pensant fou, ma chère ! Que dis-je, vous seriez même en deçà de la vérité, car le roi des fous, c’est moi ! »

Oh cette voix nasillarde, ce ton ironique, cette insolente et cruelle bonhomie, Elisabeth devait bien la connaître, depuis le temps qu’elle en était la victime ! Sans attendre de voir sa réaction, il retira son masque d’un geste, révélant enfin son visage à la lumière des bougies et du clair de Lune, un large sourire narquois aux lèvres, ses yeux brillants d’une lueur sarcastique et terriblement amusée. Oh oui, ce visage et cette voix, elle devait les reconnaître, maintenant que le masque du duc d’Aiguillon n’était plus qu’un souvenir, l’agréable souvenir d’une chimère remplacée par le cauchemar du pire ennemi. Et en voyant l’expression qui venait de traverser le visage de la jeune femme, il ne regrettait pas une seconde le tour qu’il venait de lui jouer. Ils restèrent là un bref instant, à se dévisager en chiens de faïence, sans plus chercher à dissimuler la haine qui flamboyait dans leurs yeux. Puis, sachant pertinemment que son sens des convenances, tellement fort chez elle, l’empêcherait de tenter de lever la main sur lui, il la contourna pour lui barrer le passage et, la dominant de toute sa hauteur, approcha son visage du sien avec un évident plaisir sadique. Tant pis s’il se rendait encore plus détestable à ses yeux : à vrai dire ça n’en était qu’un plus grand triomphe.

« Ma pauvre duchesse, je pensais me contenter d’une sympathique petite plaisanterie mais je vous sens terriblement déçue. Comment, serait-ce que vous vous étiez attachée au duc d’Aiguillon ? Mais ma pauvre dame, vos chers principes ne vous ont pas soufflé que les hommes comme lui n’existaient pas ? Vous qui avez une vision si claire et lucide du monde et des gens, vous que rien ni personne ne peut duper, vous la grande duchesse d’Alençon dont la supériorité sur nous autres mortels n’est plus à prouver, dupée par un homme qui ne vaut pas mieux qu’un nain ? Me voilà bien déçu. » siffla-t-il n n’ayant pas l’air déçu du tout. Au contraire, il triomphait. Et il prenait un infini plaisir à enfoncer le clou, remuer le couteau dans la plaie, à pousser la pauvre duchesse dans ses derniers retranchements avant qu’elle ne craque pour de bon. Alors, la victoire serait complète.

« Tout de même, je ne m’attendais pas à vous trouver là. Vous, à une fête ? Donnée par un protestant, en plus ? Diable, quelle décadence. Seriez-vous donc si désespérée dans votre solitude de grande du royaume ? Ou alors avez-vous enfin compris que vous n’est pas supérieure, mais inférieure à tous les gens qui se trouvent ici ce soir, et êtes venue leur demander grâce à genoux ? »

Ce qu’il ne savait pas, c’est que la soirée allait bientôt prendre une nouvelle tournure inattendue.
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime05.11.12 2:46

Elisabeth passait une soirée des plus délicieuses. La plupart des courtisans imaginaient qu’elle ne s’intéressait pas aux hommes, qu’elle ne se mariait pas par simple pudibonderie et qu’elle se contenterait éternellement de son abbaye, qu’elle prononcerait ses vœux comme le faisaient traditionnellement les abbesses de Remiremont. Et Elisabeth s’était longtemps résignée à ce destin mais elle avait toujours caressé l’espoir secret d’un jour connaître les joies du mariage. Elle se disait simplement que jamais elle ne rencontrerait un homme vertueux qui partagerait ses valeurs.

Et puis voilà qu’elle rencontrait, à ce bal où elle ne désirait pas se rendre de prime abord, un homme qui répondait en tout point à l’idée qu’elle se faisait d’un époux. Comment avait-elle pu croire que Dieu l’avait abandonnée et qu’Il l’empêcherait d’être heureuse alors qu’elle consacrait son existence entière à répandre Sa parole ? Pour le coup, la jeune femme se sentait un peu honteuse et demandait pardon au Seigneur pour ces doutes. Enfin, du moins espérait-elle que le jeune duc partageait ses pensées. Après tout, elle s’était un peu emportée vis-à-vis de ce parfait gentilhomme et peut-être la trouverait-il trop grincheuse à son goût !


- Votre amitié, duchesse ? Dieu m’en soit témoin que si vous acceptiez de me l’accorder, vous feriez de moi l’homme le plus honoré du monde.

Elisabeth retint un frémissement qui lui parcourut l’échine lorsqu’il lui prit la main. Elle n’avait plus connu un trouble pareil depuis….non, elle ne voulait pas songer à la fois où elle avait rencontré le bouffon du roi, pas en cet instant, pas en présence de cet homme. Le duc semblait ne pas vouloir la regarder dans les yeux, comme s’il partageait son trouble.

- Monsieur, je vous en prie !

Mais l’avait-il seulement entendue ? Sa voix était tellement faible, elle voulait se reprendre mais n’y arrivait pas. Comment se pouvait-il qu’elle perde le contrôle de ses émotions, elle qui en avait toujours une si grande maitrise ?

- Que dis-je, c’est le Ciel lui-même qui vous a envoyée ce soir… Votre présence est une bénédiction pour le pauvre fou que je dois vous sembler être mais…

Elisabeth fut prise d’une angoisse : et s’il commettait quelque inconséquence ? Ici, devant tous ces gens qui l’avaient à coup sûr reconnue. Elle se persuadait qu’il était trop honnête homme pour se permettre ce genre de libertés mais elle-même ne se reconnaissait pas en ce moment. Elle priait Dieu, lui implorant de faire en sorte qu’ils ne perdent pas la tête tous les deux.

- Mais au fond vous ne seriez pas si éloignée de la vérité en me pensant fou, ma chère ! Que dis-je, vous seriez même en deçà de la vérité, car le roi des fous, c’est moi !

"Oh non ! Seigneur par pitié, qu’il n’en soit rien !"

La voix du duc avait changée, elle lui appartenait sans aucun doute. Elisabeth l’avait reconnu mais ne voulait pas y croire. Non, le duc d’Aiguillon existait, cet homme ne pouvait qu’exister, il était hors de question qu’elle se soit fait duper par son pire ennemi. Pourtant, lorsqu’il montra son visage, la duchesse n’eut plus aucun doute sur la question. Il était là, le baron d’Anglerays, cet immonde petit vermisseau avait osé se jouer de sa personne. Elle réprima difficilement quelques larmes qui prenaient naissance au bord de ses yeux. Ô comme elle haïssait cet homme. Elle ne le méprisait pas, au contraire, il la faisait vibrer toute entière et c’était là, la raison même de sa haine : il n’était rien et sa simple présence faisait qu’elle, la cousine du roi, devenait une jouvencelle gauche et rougissante ! Elisabeth envisagea sérieusement d’attraper une chandelle et de brûler la bouche souriante du bouffon, si content de lui-même. Elle envisagea également de le gifler si fort qu’il ne s’en relèverait pas, elle possédait assez de colère en elle pour donner suffisamment de puissance à son geste pour en arriver là. Mais elle parvint encore une fois à se maîtriser, se contentait de lui envoyer de la haine à l’état brut rien qu’en le regardant. Elle aurait voulu qu’il meurt, qu’il souffre pour la rendre à la fois aussi vulnérable.

- Misérable ! Comment avez-vous osé ?
- Ma pauvre duchesse, je pensais me contenter d’une sympathique petite plaisanterie mais je vous sens terriblement déçue. Comment, serait-ce que vous vous étiez attachée au duc d’Aiguillon ? Mais ma pauvre dame, vos chers principes ne vous ont pas soufflé que les hommes comme lui n’existaient pas ? Vous qui avez une vision si claire et lucide du monde et des gens, vous que rien ni personne ne peut duper, vous la grande duchesse d’Alençon dont la supériorité sur nous autres mortels n’est plus à prouver, dupée par un homme qui ne vaut pas mieux qu’un nain ? Me voilà bien déçu.
- Taisez-vous !


La dernière réplique de la duchesse avait sifflée comme un boulet de canon. Oui, elle avait toujours su au plus profond d’elle-même qu’un homme comme celui qu’elle avait fréquenté ce soir ne pouvait exister. Elle savait aussi que dès que ce petit personnage irait se vanter auprès des gens de son espèce de sa fourberie, on se moquerait d’elle. Elle ne pouvait en supporter d’avantage.

- Vous devriez avoir honte d’avoir simplement imaginé posséder quelques vertus sans faire le moindre effort pour les avoir réellement ! Je reconnais bien là votre pauvre esprit, totalement dépourvu de la moindre décence. Encore une fois ce soir, je vous plains monsieur !
- Tout de même, je ne m’attendais pas à vous trouver là. Vous, à une fête ? Donnée par un protestant, en plus ? Diable, quelle décadence. Seriez-vous donc si désespérée dans votre solitude de grande du royaume ? Ou alors avez-vous enfin compris que vous n’est pas supérieure, mais inférieure à tous les gens qui se trouvent ici ce soir, et êtes venue leur demander grâce à genoux ?
- Ma présence à cette fête n’a rien d’impromptu, cela s’appelle de l’éducation de se rendre à une fête lorsque l’on est invité et bien portant. Mais je ne perdrais pas mon temps à vous expliquer ces notions, vous êtes bien trop vulgaire pour en comprendre le sens !


Elisabeth retrouva un peu de son assurance, la dernière réplique du baron l’avait quelque peu déçue. Il n’y avait rien d’intelligent à la déclarer inférieure : elle ne l’était pas, il n’y avait pas à revenir sur une telle évidence.

- Et pourquoi donc vous serai-je inférieure, monsieur ? Parce que je ne possède pas votre fourberie ? Que jamais je ne m’abaisserai à jouer un aussi vilain tour à une personne de qualité ? Si c'est ce que vous pensez, c'est vous qui êtes décevant, monsieur le baron! Je ne connais point la solitude, je vous remercie de vous en inquiéter, monsieur, vous ne connaissez pas mon entourage car il ne fréquente pas quelqu’un d’aussi quelconque que vous, voilà tout ! Libre à vous de me croire ou non, je n’ai rien à prouver à un bouffon !

Pendant toute sa diatribe, elle avait évité de regarder le baron dans les yeux, elle rêvait tant d’y plonger.

"Oh Seigneur, pourquoi m’envoyer une telle épreuve ? Je désire tant pouvoir me trouver en face de cet homme et ne lui accorder que le mépris qu’il mérite ! Et pourtant, face à lui, je suis faible ! Oh Seigneur, aidez-moi je vous en supplie !"

Dire que quelques instants plus tôt Elisabeth pensait que le bonheur lui était promis. Là, elle s’efforçait de garder sa dignité alors qu’elle avait simplement envie de rentrer dans ses appartements, de s’isoler dans sa chambre et de se noyer dans ses larmes. Mais pourquoi diable cet homme ? Il était insolent, débauché, hobereau, vil, manipulateur, intelligent et drôle. Et pourquoi lorsqu’elle désirait faire la liste de ses défauts, elle retombait sur ses qualités. Il y avait quelque chose dans les certitudes d’Elisabeth qui flanchait petit à petit et s’il y avait bien une chose que la duchesse d’Alençon détestait, c’était de voir ses certitudes flancher !


- Dieu du Ciel, voilà bien deux personnes que je n’aurai jamais imaginé voir ensemble !


Elisabeth ferma les yeux une demi-seconde. Au moment où elle s’imaginait que la soirée ne pouvait pas prendre un détour plus tragique, voilà qu’arrivait la voix la plus désagréable du monde, celle de la vicomtesse de Chalosse. Elisabeth détestait cette femme : elle se fichait totalement du protocole et ne rêvait que de voler la préséance à la duchesse à bien des égards. Elle savait également que cette femme était à l’origine de la plupart des ragots qui circulaient sur elle à Versailles. Elle observa la vicomtesse et dût se protéger les yeux un court instant : une ode au mauvais goût se tenait face à elle : toute de rouge vêtue, elle était affublée d’une chevelure rousse aussi criarde que sa voix, d’un visage aussi gras que son humour et d’un air aussi mauvais que son style. Et en plus, elle semblait vouloir attirer l’attention sur Elisabeth et d’Anglerays, comme si la jeune duchesse avait besoin que son ennemi trouve une alliée afin de faire connaître son humiliation.
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime30.11.12 20:18

Si Ferdinand s’en voulait d’avoir ainsi joué avec la duchesse d’Alençon ? Pas une seule seconde. A cet instant précis il était surtout ravi de voir que sa petite plaisanterie avait de loin dépassé toutes ses espérances : le visage d’Elisabeth, virant lentement à une pâleur cadavérique avant de passer à écarlate de colère, valait tellement le détour qu’il se demandait comment il n’avait pas eu cette idée avant. Cette prétendue grande dame n’était pas donc pas si infaillible que ça ; même, elle devait cruellement manquer de charmante compagnie si elle s’était si facilement laissée charmée par les manières aimables du duc d’Aiguillon. Et c’était peut-être bien pour ça qu’il aurait tant mérité une gifle à cet instant précis : lui qui d’habitude préférait combattre ses adversaires à armes égales, n’avait pour elle pas hésité à utiliser ce qu’il avait pensé –à juste titre- être un de ses points faibles, frappant au point mort où elle ne pouvait se défendre. C’était méchant, et inutilement cruel. Heureusement, il aurait tout le temps pour en prendre les répercussions dans la figure plus tard. Il ne se doutait pas une seule seconde des sentiments d’Elisabeth pour lui qui expliquaient d’autant mieux sa colère et sa déception, et cette erreur-là devait lui coûter très cher par la suite. Du moins était-ce ce que pouvait penser un spectateur extérieur en observant la scène, mais ce soir-là il n’y avait guère qu’eux deux pour être témoins de l’humiliation d’Elisabeth et du triomphe puéril de Ferdinand, triomphe dont il était certain de la justice. Comme quoi, on pouvait être l’un des meilleurs espions du roi et sur certains points ne pas voir plus loin que le bout de son nez.

- Et pourquoi donc vous serai-je inférieure, monsieur ? Parce que je ne possède pas votre fourberie ? Que jamais je ne m’abaisserai à jouer un aussi vilain tour à une personne de qualité ? Si c'est ce que vous pensez, c'est vous qui êtes décevant, monsieur le baron! Je ne connais point la solitude, je vous remercie de vous en inquiéter, monsieur, vous ne connaissez pas mon entourage car il ne fréquente pas quelqu’un d’aussi quelconque que vous, voilà tout ! Libre à vous de me croire ou non, je n’ai rien à prouver à un bouffon ! débita la jeune femme d’un air furieux pour le plus grand bonheur du bouffon dont le visage s’éclaira d’un sourire mauvais. Voilà, l’association Ferdinand-Elisabeth, c’était ça ! De l’acide craché à la figure de l’autre, une détestation à mi-chemin entre le mépris et la haine, ni tout à fait mépris parce qu’ils étaient incapables d’être dans la même pièce sans se disputer au lieu de s’ignorer superbement, ni tout à fait haine parce que jamais encore l’un n’avait tenté quoi que ce soit contre l’autre, à part l’insulter bien sûr. Comme deux chats qui crachent et sortent les griffes dès qu’ils s’aperçoivent, sans jamais réussir à s’approcher assez près pour faire des dégâts plus importants. Mais il fallait l’avouer, ce petit jeu devenait rapidement épuisant et finalement, c’était à celui qui aurait l’autre à l’usure.

Si on lui avait demandé les raisons de cette animosité commune Ferdinand aurait été bien en mal de répondre. Il savait qu’il détestait l’Alençon à cause de son orgueil démesuré et qu’il adorait s’en moquer, et il savait qu’elle le détestait sûrement à cause de ça. Ce qu’il aurait été incapable d’expliquer, c’était pourquoi justement il ne se limitait pas avec elle aux moqueries dont il gratifiait le reste de la cour sans distinction. Il n’était pas difficile de se rendre compte qu’elle était une de ses victimes préférées et une de celles avec qui il était le plus dur, et ce qui était étonnant, c’est qu’en y réfléchissant bien il n’y avait guère de raison à cela. Après tout, il y en avait d’autres, des vaniteux dans son genre, sur lesquels il ne s’acharnait pas autant. Alors pourquoi ? Qu’avait-elle, ou qu’avait-elle fait pour l’énerver plus que les autres ? Peut-être était-ce le gâchis que la personnalité d’Elisabeth représentait : elle était jeune, à peine plus de vingt ans, indéniablement jolie et serait peut-être même ravissante si elle souriait un peu et n’affichait pas cette expression de condescendance perpétuelle, elle aurait dû être une jeune fille comme les autres, profitant insouciamment de Versailles sans chercher le défaut du voisin pour le taxer d’hérésie ou d’homme ou de femme perdue. Elisabeth d’Alençon aurait tout eu pour resplendir à la cour, mais elle avait été spoliée, gâchée par cette bigoterie que si jeune elle semblait incarner, par son orgueil surdéveloppé qui la pourrissait de l’intérieur et pourrissait surtout l’existence de son entourage. Sans s’en rendre compte, elle s’empoisonnait toute seule et semblait en tirer une certaine fierté. Et Ferdinand restait pantois face à une telle attitude, si bien qu’il ne pouvait s’empêcher de se sentir en colère. Il ignorait ce qui avait fait qu’Elisabeth était devenue ce genre de femme détestable, mais ça ne l’intéressait guère. Tout ce qu’il voyait, c’était qu’elle s’y enfonçait allègrement sans se poser de question. Alors bon, si elle se complaisait dans ce mépris et cette condescendance, pourquoi ne pourrait-il pas faire l’opposé et se complaire lui dans son rôle de bouffon ? En un sens, elle le cherchait, à force de persister dans son attitude dévote et rigide. Qu’elle ne vienne pas s’étonner de ne pas faire l’unanimité par la suite…

« Si vous n’avez rien à prouver, pourqu… »
- Dieu du Ciel, voilà bien deux personnes que je n’aurai jamais imaginé voir ensemble !

Interrompu dans le début de sa réplique, Ferdinand tourna la tête pour identifier l’intruse, sans voir Elisabeth sur le point de craquer fermer les yeux. Mais une fois qu’il eut reconnu le visage –procédé difficile qui lui prit un peu de temps, sous cette couche de fard et autres produits inidentifiables- il leva les yeux au ciel.

« Pitié pas elle. » soupira-t-il sans la moindre discrétion, causant un léger instant de déstabilisation de la part de la vicomtesse de Chalosse qui ne devait pas s’attendre à cette réaction. Pour être honnête, il ne la connaissait pas plus que ça, mais sa voix de crécelle désaccordée, la vulgarité qu’elle portait en plein milieu de la figure, et son côté langue de vipère –oui, il l’avait déjà entendue parler d’Elisabeth d’Alençon, mais elle manquait tellement d’esprit que ça ne l’avait même pas amusé- la lui rendaient au moins aussi insupportable qu’Elisabeth. Voire même plus : Elisabeth avait beau être prude, désagréable, vaniteuse et prétentieuse, au moins elle avait le sens de la réplique. Une qualité que Ferdinand ne pouvait renier quand il la voyait quelque part. Croisant les mains dans son dos, il s’efforça donc de prendre un air calme et presque poli.

« Madame la vicomtesse, quelle non-surprise de vous voir ici. » lança-t-il d’un ton sarcastique qui n’aurait échappé qu’à un dromadaire sous opium.
« Noël est déjà passé pourtant ce me semble, les miracles devraient être terminés pour cette année ! » gloussa la vicomtesse voyant déjà se dessiner le scandale.

Ferdinand haussa un sourcil blasé et considéra la vicomtesse avec l’air de quelqu’un qui se retrouve face à une bête nuisible, et se demande tout bonnement s’il doit l’écraser avec sa semelle ou se donner la peine d’ouvrir la fenêtre pour tenter de la faire partir. L’écraser aurait sûrement été rendre service à l’humanité mais il n’était pas sûr que le duc de Sudermanie apprécie qu’on utilise ses chandeliers à des fins si peu louables. Mais enfin, cette femme avait la tête tellement creuse, ce serait même lui rendre service à elle que d’abréger son temps de présence sur cette terre, non ?
Mais voilà que la vicomtesse tournait son sourire jaune et hypocrite vers Elisabeth qui, vu son expression, ne devait pas l’aimer beaucoup plus que Ferdinand. Il aurait presque été étonné de se découvrir un point commun avec cette peste, tiens. Curieux de voir ce que ce constat allait déclencher, il se tut et observa la suite.

« Eh bien duchesse, des deux c’est bien vous que je m’attendais le moins à trouver ici. Etes-vous venue retrouver des amis ? Ou bien… Un homme peut-être ? » Elle gloussa derechef, le temps pour Elisabeth de répliquer d’un ton sec et cassant. « Oh pardonnez-moi, j’oubliais… Il est vrai que c’est au couvent que vous vous destinez, mais n’avez-vous pas peur de finir seule ? »

Face à cette piètre attaque accompagnée d’un sourire cruel et trop rouge pour être honnête, Ferdinand leva une nouvelle fois les yeux au ciel et baissa le regard vers Elisabeth… Pour s’apercevoir, enfin, qu’elle n’avait pas l’air aussi vaillante que d’habitude. Elle avait même l’air profondément fatiguée. Un instant, Ferdinand s’en trouva déstabilisé, l’hypothèse traversant son esprit que c’était peut-être à cause de lui. Mais il s’en remit bien vite et, se tournant vers la vicomtesse, eut cette réaction inattendue :

« Comme me le faisait très aimablement remarquer la duchesse à peine une minute avant votre intrusion madame, elle ne connaît pas la solitude ! Nous ne connaissons pas son entourage, et je ne crois pas qu’il soit de notre ressort de nous en mêler. Enfin, moi si, c’est mon métier de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais vous… Pourquoi ne pas aller fourrer votre nez enfariné ailleurs et laisser les gens respectables discuter entre eux, même si c’est pour s’insulter avec toute la diplomatie du monde ? »

N’importe qui en voyant cette scène aurait ouvert des yeux étonnés. Plutôt qu’utiliser la présence de la vicomtesse pour rabaisser un peu plus Elisabeth, il essayait de se débarrasser de la nouvelle venue. D’accord, c’était parce que la présence de la vicomtesse de Chalonnes lui était encore plus insupportable que celle d’Elisabeth, mais tout de même.

« Mais enfin baron, je ne fais que m’inquiéter ! Une aussi ravissante jeune femme, s’enfermer si jeune au monastère ! Quel gâchis pour ces messieurs, je suis pourtant sûre que ce jolis minois pourrait conquérir bien des cœurs, et bien plus encore… » susurra la vicomtesse avec une lueur lubrique dans les yeux. Décidément, cette femme battait des records dans le domaine du ridicule.
« Votre propre mari est-il si décevant pour que vous vous préoccupiez du lit des autres, madame ? » s’exclama Ferdinand d’un air surpris et surtout d’une manière si peu discrète que quelques regards se tournèrent vers la vicomtesse, et un ou deux rires fusèrent alors que la dite comtesse rougissait autant que sa robe. Et encore, elle n’était pas au bout de ses surprises…
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Elisabeth d'Alençon


Elisabeth d'Alençon

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: seul Dieu peut m'indiquer qui aimer
Côté Lit: Je me réserve pour mon futur époux, je ne suis pas de celles qui se donnent!
Discours royal:



When your faith is strong, you dont need a proof


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Titre : duchesse d'Alençon, abbesse de Remiremont
Missives : 414
Date d'inscription : 17/07/2012


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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime15.12.12 3:04

À ce moment de la soirée, Elisabeth était sûre que Dieu avait voulu la punir d’avoir accepté une invitation chez un huguenot. Le plus douloureux avait été le moment des espoirs déçus. Elisabeth avait été séduite deux fois par cet homme – bien qu’il ne représente absolument pas une union possible de quelle façon que ce soit – et les deux fois s’était retrouvée en miettes. C’était une situation doublement humiliante pour la duchesse d’Alençon : ce petit baron de rien du tout avait le pouvoir d’éveiller en elle des sentiments qui la répugnaient totalement chez les autres, une passion qu’elle s’était promise de ne jamais ressentir pour personne, même pour son mari si un jour Dieu lui donnait l’occasion de devenir une épouse, car il y avait quelque chose de vil à céder à ces pulsions tel un animal en rut et il ne voulait pas d’elle. Il avait la chance qu’une princesse de sang lui témoigne de l’intérêt et il ne s’intéressait pas à elle.

Et puis, Elisabeth savait que ce qui la blessait réellement, c’était que lorsqu’il s’attaquait à elle, elle ne pouvait pas s’empêcher d’admirer son sens de la répartie et cette étincelle dans son regard qui faisait que jamais il ne se laissait démonter. Cela au moins, ils l’avaient en commun : alors qu’elle avait envie de fondre en larmes et de partir en courant jusqu’au palais d’Orléans où vivait toujours sa mère, se blottir la tête dans ses genoux et pleurer jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus une goutte d’eau dans le corps, elle restait là, stoïque, à lui prétendre qu’il avait simplement légèrement dépassé les limites voulues par le protocole. Que Dieu lui pardonne mais elle ne pouvait puiser sa force que dans son orgueil. Elle se jura que dès qu’elle aurait récupéré, elle lui ferait payer son crime de façon à ce que jamais il ne s’en relève, elle lui ferait avaler sa belle assurance, le moindre charme disparaîtrait de sa petite personne. Et quand elle en aurait terminé avec lui, plus jamais il ne connaîtrait le bonheur et sa réputation serait ruinée à tout jamais.

De toutes les entrevues qu’Elisabeth avait connues avec le baron d’Anglerays, celle-ci était la pire et elle n’avait pas la force d’affronter cette peste de vicomtesse ce soir. Elle n’était même pas sûre de pouvoir se défouler sur elle, pour l’heure, elle souhaitait simplement trouver le moyen d’écourter la soirée sans que d’Anglerays ne se rende compte qu’il l’avait atteinte au plus profond de son âme.


- Pitié, pas elle ! Madame la vicomtesse, quelle non-surprise de vous voir ici !

Cette phrase venait du bouffon lui-même. Se pouvait-il qu’il détestât cette femme autant qu’elle ? Mais non, voilà qui était ridicule : le seul point commun entre la duchesse d’Alençon et le baron d’Anglerays était leur haine l’un pour l’autre bien qu’elle soit motivée pour des raisons bien diverses (d’ailleurs sans celle que lui portait le baron, celle d’Elisabeth n’aurait pas lieu d’être).

- Noël est déjà passé pourtant ce me semble, les miracles devraient être terminés pour cette année !
- Madame la vicomtesse, j’ignore comment les gens de votre classe entament une conversation mais ceux de la mienne considèrent que commencer par saluer est la moindre des politesses.


Ceci dit, Elisabeth ne pouvait contredire la Chalosse : ce soir, le temps des malédictions était venu pour elle. Elle aurait aimé attendre un peu d’avoir retrouver ses esprits avant de l’affronter car elle se sentait si faible que cette créature nuisible aurait pu avoir le dessus sur elle. Hors cette vulgaire créature n’était pas seulement la plus insolente de la Cour de Versailles, elle était également la plus idiote. Et se faire moucher par la Chalosse devant le baron d’Anglerays aurait été l’humiliation de trop pour la duchesse.

- Eh bien duchesse, des deux c’est bien vous que je m’attendais le moins à trouver ici. Etes-vous venue retrouver des amis ? Ou bien… Un homme peut-être ?
- Ne soyez pas si sotte madame, ce n’est pas parce que vous seriez parfaitement capable de compromettre votre vertu dans cette sorte de soirée que tout le monde serait capable d’en faire autant. Certains d’entre nous ne se moquent pas de passer pour des âmes légères !
- Oh pardonnez-moi, j’oubliais… Il est vrai que c’est au couvent que vous vous destinez, mais n’avez-vous pas peur de finir seule ?
- Je ne suis pas seule madame, Dieu est à mes côtés. Si Sa présence ne vous semble pas suffisante, c’est que votre âme est aussi vide que les coffres de votre famille et je vous plains pour cela !


Néanmoins, malgré sa bravade, Elisabeth sentait qu’elle déployait là ses dernières ressources. Devrait-elle supporter cette soirée interminable encore longtemps. Elle présenta mentalement au moins une dizaine de fois des excuses au Seigneur pour avoir une invitation à une fête décadente chez un hérétique et lui promit encore et toujours de mieux Le servir dorénavant, d’être plus constante dans ses pensées. En échange, elle lui demandait d’avoir la force de ne pas éclater en sanglots ici et maintenant. Oui, la Chalosse venait de toucher une corde sensible. Bien sûr qu’Elisabeth était terrifiée à l’idée par sa vie de célibataire, bien sûr qu’elle craignait constamment de perdre ses proches – elle entretenait une relation compliquée avec la sœur qui l’avait élevée vu qu’elles n’avaient pas la même vision concernant son avenir, elle n’avait plus aucun contact avec ses compagnes de l’abbaye, son amie Louise s’était naturellement éloignée d’elle et sa petite sœur chérie était morte de façon tragique – et sa seule expérience galante se soldait par un rejet de sa personne. Bien qu’elle soit sûre qu’il soit plus raisonnable que le baron d’Anglerays ne partagea pas son penchant, il ne fallait pas qu’elle cultive l’espoir d’une union vouée à l’échec car indigne de son rang, elle se demandait sérieusement si elle n’était pas maudite de ne pas être aimée de qui elle aimait.

- Comme me le faisait très aimablement remarquer la duchesse à peine une minute avant votre intrusion madame, elle ne connaît pas la solitude ! Nous ne connaissons pas son entourage, et je ne crois pas qu’il soit de notre ressort de nous en mêler. Enfin, moi si, c’est mon métier de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais vous… Pourquoi ne pas aller fourrer votre nez enfariné ailleurs et laisser les gens respectables discuter entre eux, même si c’est pour s’insulter avec toute la diplomatie du monde ?

Elisabeth faillit se retrouver parterre sous le coup de la surprise : le baron d’Anglerays venait d’attaquer la Chalosse de façon à ce qu’elle les laisse seuls. Pouvait-elle considérer qu’il avait pris sa défense. Elle se refusa à espérer quoi que ce soit mais néanmoins une pensée la réconfortait : il ne respectait pas la Chalosse. Il est vrai qu’il s’attaquait toujours à Elisabeth lorsqu’il la croisait, mais il prenait la peine d’imaginer quelque chose. Insulter la Chalosse l’ennuyait aussi tâchait-il de l’éconduire le plus rapidement possible. Ce n’était pas exactement ce qu’elle avait souhaité mais cela redonna un peu d’aplomb à la duchesse.

- Mais enfin baron, je ne fais que m’inquiéter ! Une aussi ravissante jeune femme, s’enfermer si jeune au monastère ! Quel gâchis pour ces messieurs, je suis pourtant sûre que ce jolis minois pourrait conquérir bien des cœurs, et bien plus encore…
- Votre propre mari est-il si décevant pour que vous vous préoccupiez du lit des autres, madame ?


Cette fois, plus de doute possible : le baron avait pris publiquement la défense de la duchesse. Oui, publiquement, car il se formait un attroupement autour d’eux. Elisabeth fut revigorée par une pensée : Anglerays allait devoir justifier auprès de tous les gens présents le fait qu’il s’était comporté tel un chevalier se portant au secours d’une dame avec son ennemie de toujours. Enfin, elle était très certainement la seule de l’assistance à en avoir une telle image mais l’idée y était.

- Je ne vous permets pas baron, mon mari n’a rien à vous envier et est certainement meilleur connaisseur que vous sur le sujet !

On sentait toutefois que sa belle assurance la quittait doucement, elle était aussi surprise qu’Elisabeth de voir que le bouffon avait volé au secours de la duchesse. Celle-ci rougit d’ailleurs du ton osé que prenait la conversation :

- Allons monsieur, laissez donc la vulgarité à madame la vicomtesse, cela lui sied mieux qu’à vous !

Elisabeth souleva un sourcil, surprise de sa propre intervention : voilà que c’était elle qui venait de défendre l’homme qu’elle était censée vouloir détruire.

- Vous aviez bien caché votre petit jeu tous les deux, reprit la Chalosse avec son sourire carnassier sur sa bouche trop rouge, dire que l’on pensait que vous vous détestiez l’un l’autre alors qu’en réalité, vous faites la paire !

Elisabeth éclata d’un rire un peu trop fort pour être vrai.

- Cela faisait longtemps que je n’avais rien entendu d’aussi sot !

Elle et le baron, faire la paire ? Voilà une idée bien ridicule ! Non, la vérité était que cette pauvre petite chose était suffisamment détestable pour que même les pires ennemis se mettent d’accord sur le fait de la détester.

- Je ne permettrais pas que vous vous moquiez plus longtemps de moi ! hurla la vicomtesse, désormais aussi rouge que sa robe sous son fard.
- Allons madame, ayez au moins un peu de bon sens : même le plus petit enfant sait qu’il faut être admirable pour être admiré et respectable pour être respecté ! Si sachant cela, vous êtes contente de vous-même, c’est que vous manquez d’esprit en plus d’honneur !


Totalement remise de ses émotions, Elisabeth s’approcha de la Chalosse et lui intima, les yeux dans les yeux :

- Je suis flattée, madame, que vous me jalousiez suffisamment pour vous imaginer qu’il est malin de me prendre pour cible de vos racontars ! Mais la vérité est que vous n’êtes rien, ni par la condition ni par l’esprit ! Voyez vous-même le détour de notre entrevue de ce soir : même le bouffon du roi vaut mieux que votre petite personne ! Tentez encore une fois d’entacher ma réputation et je vous montrerai à quel point cela serait une sottise, me suis-je bien faire comprendre !

Il n’était pas du genre d’Elisabeth de menacer ses rivales mais quelque chose était différent ce soir : elle n’était pas seule. Les gens la prenaient pour cible, sûrs que personne ne viendrait l’aider. Mais ce soir, elle avait un soutien – aussi inattendu soit-il ! Dieu que cet homme était contrariant : alors qu’elle faisait le serment de n’avoir aucun repos jusqu’à l’avoir détruit, voilà qu’il faisait en sorte qu’elle lui soit redevable ! Tandis que la Chalosse tournait les talons, autant à cause de ses répliques que de celles de son nouvel allié, Elisabeth observa le baron :

- Dites-moi, monsieur, je n’arrive pas à me décider : la tournure de cette soirée est-elle plus étrange pour vous ou pour moi ?
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime11.02.13 1:19

Que lui avait-il passé par la tête ? Quelques secondes avaient beau déjà s’être écoulées depuis qu’il avait levé la voix pour prendre la défense d’Elisabeth d’Alençon face à la vicomtesse de Chalonnes, et pourtant l’information avait encore quelques difficultés à intégrer son cortex cérébral. Sa réaction avait été tout à fait spontanée d’ailleurs, l’agacement provoqué par la présence de la vicomtesse prenant momentanément le pas sur son antipathie pour la duchesse d’Alençon, et maintenant… Ce n’était pas qu’il le regrettait, mais presque. Il ne s’agissait pas que cette petite bigote aille s’imaginer qu’il essayait de remonter dans son estime, ou pire, de se faire apprécier d’elle. Diable, il ne manquerait plus que ça ! Mais il était trop tard maintenant pour faire marche arrière, et surtout, il n’était même pas sûr de le vouloir. Prendre la défense d’Elisabeth d’Alençon n’était qu’un dommage collatéral lequel n’avait, au fond, que peu d’importance ; ce qui importait c’était de mettre au tapis cette espèce de meringue rouge qui avait cru bon de s’immiscer dans leur conversation. Il n’y avait rien que Ferdinand ne déteste plus que les gens qui essayent de lui piquer son travail alors qu’il est clair pour tout le monde qu’il le fait beaucoup mieux qu’eux, et les personnes qui essayent de prouver qu’elles ont de l’esprit quand elles ont ostensiblement l’intellect d’un plancton. Elisabeth d’Alençon était peut-être horriblement agaçante, mais au moins, elle en avait dans la caboche, elle.

- Je ne vous permets pas baron, mon mari n’a rien à vous envier et est certainement meilleur connaisseur que vous sur le sujet ! cracha la vicomtesse avec une vigueur qui convainquit Ferdinand du contraire. Il allait d’ailleurs en faire la remarque en agrémentant le tout de quelques autres sarcasmes à sa sauce –puisque lui, contrairement à Elisabeth, ne rougissait pas du tout lorsqu’il fallait aborder ce genre de sujet- quand un nouveau rebondissement de situation vint bouleverser le cours de la soirée, où décidément rien ne se passait comme prévu.
- Allons monsieur, laissez donc la vulgarité à madame la vicomtesse, cela lui sied mieux qu’à vous !

L’expression se surprise qui se peignit sur le visage de Ferdinand et celui –plus fardé- de la Chalonnes devaient être à peu près de même intensité. Encore Ferdinand avait pris la défense d’Elisabeth dans un réflexe, mais il ne s’attendait pas le moins du monde à ce qu’elle ne lui rende la pareille, et encore moins délibérément. Puisqu’il était évident qu’elle l’avait fait exprès : elle aurait très bien pu se contenter de trouver une saillie bien sèche et méchante à jeter à la figure de leur ennemie commune, mais laisser cette hypothèse de côté pour lui faire un semi-compliment ? Des murmures s’élevèrent dans son dos, lui faisant prendre conscience qu’on les observait et surtout qu’on les écoutait, et il leva les deux mains avec une mimique étonnée pouvait facilement se traduire par ‘rassurez-vous, moi non plus je ne sais pas ce qu’il lui prend’. Le pacifisme bien connu du duc de Sudermanie était-il donc contagieux et on ne l’aurait pas prévenu ? En tout cas, interpellé par la tournure inattendue que prenait la situation, il se garda bien de répondre, désireux de voir ce qu’il pouvait se passer par la suite, et se doutant à la vue de la fumée qui sortait de ses oreilles que la vicomtesse allait de toute façon reprendre la parole avant lui.

- Vous aviez bien caché votre petit jeu tous les deux, dire que l’on pensait que vous vous détestiez l’un l’autre alors qu’en réalité, vous faites la paire ! cracha-t-elle, décidément à court d’arguments, et surtout descendue en plein vol par une Elisabeth qui décidément reprenait du poil de la bête.
- Cela faisait longtemps que je n’avais rien entendu d’aussi sot !
« Ca me fait très bizarre de devoir le dire, mais pour une fois, je suis d’accord avec elle. » renchérit Ferdinand d’un ton docte en joignant les doigts comme un médecin face à un très curieux cas de vérole.
« Mais que se passe-t-il donc ici ? » fit la voix du duc de Sudermanie à ses côtés. L’air visiblement perdu, il n’avait pas dû suivre grand-chose de la conversation.
« Oh trois fois rien duc, ne vous inquiétez pas, une simple démonstration d’un combat de coqs, mais en version féminine. Vous devriez rester pour regarder, c’est très instructif. »
- Je ne permettrais pas que vous vous moquiez plus longtemps de moi !
« Voyez, la prétendante au titre revient à l’assaut avec force, mais on sent qu’elle vacille sur ses appuis, à mon avis vous arrivez sur la fin… »
- Allons madame, ayez au moins un peu de bon sens : même le plus petit enfant sait qu’il faut être admirable pour être admiré et respectable pour être respecté ! Si sachant cela, vous êtes contente de vous-même, c’est que vous manquez d’esprit en plus d’honneur !
« Diable, j’ignorais que mademoiselle d’Alençon pouvait se montrer aussi impitoyable. » s’étonna Christian de Sudermanie. Ferdinand en resta pour une fois sans voix, et dévisagea le suédois comme s’il débarquait de la lune. Ce qui, connaissant le personnage, n’aurait pas été si étonnant que ça. Christian s’en rendit compte et lui dédia un sourire parfaitement innocent face auquel le fou ne se sentit pas la force de lutter, et renonça. Mais Christian avait l’air de lui avoir réservé d’autres surprises puisque, alors qu’il se détournait pour observer la suite et certainement fin du duel, il sentit la main du duc se poser sur son épaule et fut surpris de le voir sourire encore lorsqu’il tourna les yeux vers lui.

« Je suis heureux de constater que la duchesse et vous sembliez si bien vous entendre, baron. »
« … quoi ? » balbutia Ferdinand après quelques secondes d’intense égarement.
« On m’avait dit que vous ne pouviez pas vous supporter tous les deux, je suis ravi de voir que l’on m’a mal renseigné, ou que les choses se sont arrangées depuis. »
« Quoi ?! Mais non monsieur, je vous assure que… »
« Allons baron, je sais que vous aimez faire croire à tout le monde que vous ne vous entendez avec personne, mais je vous en prie, soyez conciliant avec mademoiselle d’Alençon. C’est une charmante personne quand on apprend à la connaître, et votre performance en duo de ce soir prouve que l’alchimie opère entre vous. »
« L’al… » tenta encore de s’indigner Ferdinand, mais en vain. La surprise était telle qu’il en restait proprement sans voix… A l’ébahissement général de ceux qui avaient choisi de suivre ce dialogue plutôt que la fin de la dispute qui prenait place au même moment entre les deux femmes.
« Croyez-moi baron, tout le monde vous dira que je suis un expert en alchimie, et là je la détecte sans erreur. Allez, faites-moi le plaisir de vous réconcilier pour de bon tous les deux, je suis persuadé que vous avez des choses bien plus réjouissantes à vivre à deux. » conclut le duc sans paraître le moins du monde perturbé par la tête que tirait son interlocuteur. Il lui tapota gentiment l’épaule, puis repartit vaquer à ses occupations… Pendant qu’autour de lui on devait faire un violent effort pour ne pas rire. Ferdinand, stupéfait, n’eut même pas le réflexe de le retenir, restant proprement pantois alors que le suédois disparaissait dans la foule comme il était venu. Décidément, quelque chose ne tournait vraiment pas rond ce soir. Voyant la tête que tirait le fou, certains courtisans se mirent à rire, mais arrêtèrent bien vite en se faisant foudroyer du regard. Ca il ne s’y était pas attendu ! Se voir dire par un duc suédois illuminé qu’il formait un joli couple avec Elisabeth d’Alençon ? Et puis quoi encore ? Heureusement, il eut le temps de retrouver une certaine contenance quand la duchesse, en ayant terminé avec la vicomtesse qui était partie la queue entre les jambes, se tourna vers lui d’un air elle aussi assez perplexe.

- Dites-moi, monsieur, je n’arrive pas à me décider : la tournure de cette soirée est-elle plus étrange pour vous ou pour moi ? lui demanda-t-elle d’un ton plus interrogatif qu’amusé.
« Pour être tout à fait honnête duchesse, je l’ignore. Mais une chose est sûre : comme dit mon filleul, ‘si j’avais su, j’aurais pas venu’. » lâcha-t-il en bougonnant les poings sur les hanches, mais visiblement à l’encontre de quelqu’un d’autre puisqu’il regardait quelques courtisans –ceux qui avaient ri- d’un air mauvais. Si c’était pour se faire dire de pareilles bêtises qu’il avait fait le déplacement, il aurait mieux fait de rester couché. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de songer qu’il y avait une part de vérité dans ce que lui avait dit le duc et que l’attitude soudaine d’Elisabeth à son égard n’était pas totalement innocente ni motivée par sa détestation de cette maudite vicomtesse enfarinée. Ferdinand était habituellement doué pour déchiffrer les sentiments des uns et des autres, observant les regards et les gestes qu’ils s’échangeaient. Si bien qu’il en oubliait de surveiller aussi ceux que l’on pouvait avoir à son égard et qu’il pouvait, involontairement, se montrer d’une rare cécité quant à son entourage proche. Blandine le lui avait déjà reproché à mots couverts, bien qu’il n’ait jamais compris pourquoi exactement –ou plutôt, justement. Une erreur de jugement qu’on allait se faire un plaisir de lui faire payer cher dans les semaines et les mois à venir.
Il soupira puis, ignorant les regards posés sur eux, se tourna de nouveau vers la duchesse et hésita
un bref instant avant de faire un geste parfaitement inédit entre ces deux-là : il lui proposa son bras. Il ne fut pas déçu du résultat, puisqu’il entendit une femme derrière lui s’étrangler avec sa coupe de champagne, et il ne put retenir un sourire un brin ironique.

« Allons duchesse, puisque ce soir semble être la soirée de toutes les surprises, je vous promets de ne pas essayer de vous faire tomber pendant que nous marchons. Non seulement ce serait d’une élégance digne de la vicomtesse, mais en plus ce serait beaucoup moins amusant que de voir les têtes de merlans frits de nos amis ici présents. Mordious, je n’aurais jamais cru que c’était si drôle, une trêve ! » s’exclama-t-il joyeusement en retrouvant sa bonne humeur. « Allons donc prendre l’air, j’ai bien envie de les faire piailler encore un peu. »

Et Ferdinand d’emmener la duchesse, peut-être contre son gré, vers la terrasse qui donnait sur le parc de l’hôtel Vasa. Il faisait plus frais au dehors, et un valet zélé apporta aussitôt à la jeune femme son manteau afin qu’elle n’attrape pas mal. Ferdinand inspira profondément l’air frais, l’air soudain beaucoup plus content qu’à l’intérieur, probablement parce qu’il avait enfin la paix –même avec Elisabeth d’Alençon à ses côtés, pour une fois qu’elle se tenait tranquille et n’énumérait pas son arbre généalogique.

« N’est-on pas mieux dehors, duchesse ? Loin de toutes les singeries de la cour, auxquelles vous tout autant que moi devons nous plier en temps normal ? En tout cas je vous félicite, j’ai raté la fin de votre petit intermède avec la vicomtesse, mais diable, vous avez été efficace. Vous l’avez écrasée en beauté ! Taïaut, à terre la bête ! Je vais vous confier une chose, ou plutôt vous donner un conseil : vous avez raison de rappeler aux autres votre statut, après tout c’est ainsi que notre société fonctionne. Mais utilisez-le plutôt pour vous faire respecter de ceux qui se montrent incorrects envers vous ; pas pour écraser systématiquement ceux qui n’ont eu que la malchance de naître dans la mauvaise famille… Savoir qui l’on est, c’est bien ; mais il est encore mieux de se souvenir pourquoi et de savoir en faire bon usage. Et accessoirement éviter de pécher par orgueil comme vous avez la fâcheuse tendance de le faire. »

Il était étonnant de constater à quel point l’éloignement, même géographique, d’un public pouvait rendre Ferdinand beaucoup moins fanfaron et le faire parler beaucoup plus sérieusement, même à une femme qu’en temps normal il s’efforce de mépriser du mieux et qu’il peut et avec beaucoup de sincérité. La même sincérité qui le forçait maintenant à prendre conscience et reconnaître qu’Elisabeth n’était après tout peut-être pas que la jeune fille bigote et orgueilleuse qu’elle paraissait être au premier abord. Peut-être que Vasa avait raison, après tout. Peut-être y avait-il autre chose derrière la carapace. N’en était-il pas lui-même le meilleur exemple ?
Et soudain Ferdinand parut se rendre compte de l’absurdité complète de la situation. Non seulement il avait pris la défense d’Elisabeth d’Alençon, mais en plus maintenant il était… gentil avec elle ? Etait-il malade ou quoi ? Soudainement mal à l’aise –d’autant plus en se rappelant justement du regard entendu du duc de Sudermanie- il changea d’attitude, lui lançant un regard où brillait une lueur d’ironie :

« Mordious, voilà qu’en plus je me montrerais aimable avec vous ! Rassurez-vous duchesse cela ne durera pas, je tenais juste à voir la tête de ces messieurs-dames et la vôtre en tentant l’expérience. Je crains que mes beaux discours sur l’orgueil n’aient guère d’effet sur le vôtre, alors faites-moi signe quand vous aussi vous redeviendrez normale, et nous pourrons reprendre notre guerre comme si de rien n’était ! »
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Elisabeth d'Alençon


Elisabeth d'Alençon

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: seul Dieu peut m'indiquer qui aimer
Côté Lit: Je me réserve pour mon futur époux, je ne suis pas de celles qui se donnent!
Discours royal:



When your faith is strong, you dont need a proof


Âge : 20
Titre : duchesse d'Alençon, abbesse de Remiremont
Missives : 414
Date d'inscription : 17/07/2012


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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime04.03.13 1:51

Une idée parfaitement folle avait germé dans l’esprit d’Elisabeth depuis les évènements inattendus qui venaient d’animer sa soirée. Une idée aussi sotte qu’inconcevable et pourtant…le baron d’Anglerays avait pris sa défense face à la vicomtesse de Chalosse. Se pouvait-il que leur guerre soit terminée ? Si ç’en était fini de leur querelle, peut-être y’avait-il l’espoir qu’ils deviennent amis et peut-être…..La duchesse d’Alençon faillit éclater de rire rien qu’à cette pensée. Soyons sérieux : il était un bouffon de petite noblesse et elle une dame vertueuse issue de la meilleure famille de France. La simple idée qu’ils puissent se fréquenter était parfaitement absurde.

Et pourtant, ils venaient bien de s’allier contre cette détestable vicomtesse et, tandis qu’elle lui demandait pour lequel des deux la situation était la plus insolite, voilà qu’il lui répondait en prenant cet air bougon – qui lui allait un peu trop bien – à l’adresse des courtisans qui les regardaient, visiblement aussi surpris qu’eux de leur nouvelle entente. Néanmoins, Elisabeth ne savait comme réagir : elle était tellement habituée à être sur la défensive avec lui, qu’elle était maintenant obligée de chercher un nouveau comportement à adopter. Ceci dit, le baron n’avait pas l’air plus à l’aise qu’elle. D’un geste maladroit, il lui tendit le bras. C’était tellement inédit venant de lui qu’elle restât un moment à le fixer, se demandant ce qu’il fallait en faire.


- Seigneur ! Il semblerait, monsieur, que nous continuions sur la voie de l’étrange !
- Allons duchesse, puisque ce soir semble être la soirée de toutes les surprises, je vous promets de ne pas essayer de vous faire tomber pendant que nous marchons. Non seulement ce serait d’une élégance digne de la vicomtesse, mais en plus ce serait beaucoup moins amusant que de voir les têtes de merlans frits de nos amis ici présents. Mordious, je n’aurais jamais cru que c’était si drôle, une trêve !
- Tout est prétexte à vous amuser,
constata-t-elle mais sans la moindre animosité !

Elle s’était enfin décidée à prendre son bras. C’était la première fois qu’elle entrait en contact direct avec lui et elle priait pour qu’il ne remarque pas qu’elle aurait volontiers prolongé ce moment.

- Allons donc prendre l’air, j’ai bien envie de les faire piailler encore un peu.

Elisabeth se sentit angoissée : s’ils quittaient la fête tous les deux sans chaperon, que dirait-on de sa réputation ? Allait-on penser qu’ils en avaient profité pour se courtiser ou quelque chose de plus scandaleux peut-être ? La jeune duchesse en frémissait d’avance. Elle chercha un valet qui portait des coupes de champagnes dans l’assistance et lui fit signe de les suivre dehors. Il s’agissait d’un serviteur, certes, mais il serait le garant de la vertu de la jeune femme. Les courtisans ne pourraient pas jaser sur son compte ! Une fois sur la terrasse, elle fit d’ailleurs signe au valet de se mettre bien en évidence afin que l’on voit depuis l’intérieur qu’ils n’étaient pas seuls. Mais elle devait reconnaître qu’elle se sentait mieux à l’air frais – maudites bouffées de chaleur – et le baron semblait penser de même.

- N’est-on pas mieux dehors, duchesse ? Loin de toutes les singeries de la cour, auxquelles vous tout autant que moi devons nous plier en temps normal ?
- L’air frais fait du bien après un tel échauffement des sangs.


Certes, elle était heureuse qu’il soit aimable avec elle et elle donnerait tout pour que cet instant seul à seul avec son ancien ennemi dure le plus longtemps possible mais de là à désavouer l’Etiquette, il ne fallait pas trop lui en demander !

- En tout cas je vous félicite, j’ai raté la fin de votre petit intermède avec la vicomtesse, mais diable, vous avez été efficace. Vous l’avez écrasée en beauté ! Taïaut, à terre la bête!

Pourquoi, ô grands dieux pourquoi, fallait-il que ce côté rustre qui la répugnait chez n’importe quel être humain, ait l’air si adorable quand ça venait de lui ?

- J’apprécie vos compliments, monsieur, même si je dois avouer que vous m’avez été d’une grande aide. Cette femme est d’une vulgarité, on voit aisément que son arrière-grand-père a été anobli, on ne peut être d’une telle abjection sans venir d’une basse extraction !
- Je vais vous confier une chose, ou plutôt vous donner un conseil : vous avez raison de rappeler aux autres votre statut, après tout c’est ainsi que notre société fonctionne. Mais utilisez-le plutôt pour vous faire respecter de ceux qui se montrent incorrects envers vous ; pas pour écraser systématiquement ceux qui n’ont eu que la malchance de naître dans la mauvaise famille… Savoir qui l’on est, c’est bien ; mais il est encore mieux de se souvenir pourquoi et de savoir en faire bon usage. Et accessoirement éviter de pécher par orgueil comme vous avez la fâcheuse tendance de le faire.


Elisabeth ne se serait pas sentie plus mal si le baron d’Anglerays l’avait giflée ! Comment osait-il se permettre une telle remarque ? Oubliait-il d’où ils venaient l’un et l’autre ? Une trêve entre eux, certes, mais il ne fallait pas qu’il la traite avec familiarité pour autant. Les pulsions contre-nature qu’elle éprouvait à son égard ne devaient même pas entrer en ligne de compte : ce n’était qu’un détail qui passerait bientôt, avec l’aide de Dieu !

- Ne vous oubliez pas non plus, monsieur ! Sa Majesté mon cousin tolère vos insolences mais vous êtes son bouffon, pas le mien !
- Mordious, voilà qu’en plus je me montrerais aimable avec vous ! Rassurez-vous duchesse cela ne durera pas, je tenais juste à voir la tête de ces messieurs-dames et la vôtre en tentant l’expérience.
- Je n’étais pas inquiète, je vous sais parfaitement incapable de la moindre amabilité !
- Je crains que mes beaux discours sur l’orgueil n’aient guère d’effet sur le vôtre, alors faites-moi signe quand vous aussi vous redeviendrez normale, et nous pourrons reprendre notre guerre comme si de rien n’était !
- Seigneur, voici que le bouffon qui s’enorgueillit de pouvoir se montrer familier avec le Roi en personne veut donner des leçons de vanité à une princesse de sang ! Vous moquez-vous, monsieur ?


Elisabeth était profondément, viscéralement, blessée. Elle aurait sincèrement aimé qu’il se montre odieux tout du long au lieu de souffler le chaud et le froid comme il l’avait fait toute la soirée. Elle était passée de l’espoir à la vague glacée durant toute la soirée ! Les choses étaient décidément très compliquées entre eux alors qu’elles auraient dû être très simples !

- Je fus normale du début à la fin de la soirée, monsieur, c’est vous qui avez manqué cruellement de sincérité en changeant de personnalité comme de chemise. La vôtre est-elle si détestable que vous éprouviez le besoin de jouer comme l’un de ces comédiens hérétiques ?

Elle était restée calme malgré la violence de ses paroles. Pour une fois, il ne s’agissait pas d’orgueil mais simplement, si elle se laissait aller à ses émotions, elle fondrait en larmes. Et pleurer devant lui était bien la dernière des satisfactions qu’elle voulait donner au baron. Dieu s’il apprenait qu’il lui brisait le cœur à chaque fois qu’il l’attaquait, cruel comme il l’était, il ne manquerait pas d’en profiter pour lui nuire encore plus.

- Bien, il me semble que nous ayons l’un comme l’autre perdu assez de temps comme cela. Je vais donc prendre congé de vous et me trouver une compagnie moins inconstante que la vôtre !

Elle retourna sur ses pas et tomba sur le pauvre valet qui commençait à prendre racine en se disant qu’il serait mieux n’importe où sauf ici, et sur le plateau de coupes de champagne qu’il tenait. Elle en attrapa une et se retourna vers le baron :

- Et pour saluer votre muflerie, monsieur le baronnet…

Elle envoya le contenu de la coupe au visage du bouffon en s’exclamant :

- Vous devriez avoir honte de tenir de tels propos sur les dames de la Cour, surtout à une jeune femme dont la vertu n’est plus à démontrer ! Moi qui croyais qu’au moins votre humour n’était pas rustre, me voilà fort déçue ! Je vous prierai de ne plus tenir ces sortes de discours à quiconque ici !


Tout en faisant signe au valet qu’il pouvait rentrer, elle se tourna une dernière fois vers le baron en lui chuchotant :

- Notre haine est-elle rétablie, juste comme vous l’entendiez, monsieur le bouffon ?

C’était vulgaire et mesquin, absolument pas son genre habituel, mais elle avait besoin d’une bassesse pour se remettre suffisamment de la soirée, juste le temps de la quitter avec dignité. Elle se rendit auprès du duc de Sudermanie :

- Mon cher duc, votre soirée est fort charmante mais je me sens lasse, je vais donc rentrer. Je vous remercie de votre invitation et espère que nous aurons bientôt l’occasion de converser à nouveau !

Elle n’avait jamais eu l’occasion de vraiment s’entretenir avec lui mais cela faisait partie des formules d’usage. Elle quitta donc l’hôtel Vasa en se demandant comment elle ferait pour se remettre d’un tel moment.
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MessageSujet: Re: Une farce grotesque [PV: Ferdinand]   Une farce grotesque [PV: Ferdinand] Icon_minitime12.05.13 19:06

Une soirée complètement aberrante se devait de conclure sur une note complètement aberrante. C’était une règle de constance que le baron aurait dû connaître, mais la bizarrerie du moment lui avait fait momentanément oublier toute notion de logique et de narration ; dommage que Racine ou Molière n’aient pas été à ses côtés pour le lui rappeler. Avec un peu de chance, il serait resté sur ses gardes et aurait évité le retournement de situation pour le moins inattendu qui devait conclure son échange avec la duchesse d’Alençon. Il avait essayé de rétablir l’ordre des choses, de redevenir ‘normal’ avec Elisabeth. Bien mal lui en avait pris : à force de souffler le chaud et le froid, il fallait s’attendre à un retour de bâton tôt ou tard et c’était précisément ce qu’il n’avait pas vu venir, persuadé qu’Elisabeth se fichait pas mal d’une possible réconciliation, ou même qu’elle ne la voudrait pas de toute façon. Elisabeth d’Alençon avait beau avoir été son alliée dans leur front commun contre la Chalosse, elle restait la même jeune fille qui énumérait son arbre généalogique à tout bout de champ et ne manquait pas une occasion d’écraser le monde de son orgueil. Si lui ne reprenait pas l’offensive, ce serait elle qui le ferait, alors autant prendre les devants pour être sûr de ne pas être pris au dépourvu, non ? D’ailleurs il avait beau avoir usé du ton de l’humour, ça réaction à elle en fut totalement dépourvu, lui prouvant une fois de plus qu’il ne s’était pas trompé :

-Seigneur, voici que le bouffon qui s’enorgueillit de pouvoir se montrer familier avec le Roi en personne veut donner des leçons de vanité à une princesse de sang ! Vous moquez-vous, monsieur ?
« Pour une fois non duchesse, mais si vous êtes incapable d’apprécier les conseils du vieux sage que je suis, tant pis pour vous ! » répliqua-t-il en haussant les épaules d’un air désintéressé. C’était toujours pareil avec elle, on avait beau essayer de lui souffler des conseils, elle prenait la mouche dès qu’on abordait le sujet de son orgueil et de sa vanité ! Ce n’était pas faute d’avoir essayé pourtant, dit méchamment ou pas d’ailleurs – ne s’était-il pas montré aimable quelques minutes auparavant, avant de réaliser que la situation était plus que surréaliste et de repasser à son registre sarcastique habituel ? Il était d’ailleurs surpris du ton véhément de la jeune fille alors que lui-même ne s’était pas montré moitié aussi mordant que d’habitude. Quelle mouche venait de la piquer ? Avait-il à nouveau touché un point sensible ? Etonné malgré sa réplique, il observa Elisabeth qui sembla recouvrer son calme, mais uniquement pour enchaîner, plus incisive encore :

-Je fus normale du début à la fin de la soirée, monsieur, c’est vous qui avez manqué cruellement de sincérité en changeant de personnalité comme de chemise. La vôtre est-elle si détestable que vous éprouviez le besoin de jouer comme l’un de ces comédiens hérétiques ?

Pour une fois ce ne fut pas elle, mais bien lui qui fut piqué au vif –d’ailleurs il en sursauta presque, mais parvint à se contenir. Il aurait volontiers répliqué, s’il ne s’était pas soudainement, à son plus grand dépit, retrouvé à court d’argument. Il savait d’avance qu’elle se ficherait pas mal de ses talents de comédiens, considèrerait cette capacité à changer de peau comme méprisable et en rien un atout. S’il ne se trouvait pas franchement détestable –il n’était pas imbu de lui-même, mais tout de même, il y avait pire que lui non ?- elle avait touché juste quant à son manque de sincérité. Il savait pertinemment que le procédé avait été vil et inutilement mesquin, mais il n’avait pas pu s’en empêcher. A sa propre stupéfaction, Ferdinand se retrouvait devant Elisabeth d’Alençon comme un enfant pris en flagrant délit de bêtise. Mouché, le baron ! Il aurait pu arguer que jouer la comédie dans un bal masqué n’était pas un manque de sincérité mais simplement faisait partie du jeu, mais même lui n’était pas capable d’autant de mauvaise foi. En attendant, restait qu’il ne trouvait rien à répondre à cette saillie, et qu’il détestait ça !

-Bien, il me semble que nous ayons l’un comme l’autre perdu assez de temps comme cela. Je vais donc prendre congé de vous et me trouver une compagnie moins inconstante que la vôtre !
« Allez donc duchesse, croyez bien que vous ne serez pas regrettée ! » rétorqua-t-il, prêt à prendre congé d’elle sans plus réfléchir. Grave erreur. Il aurait dû savoir qu’Elisabeth ne le laisserait pas s’en tirer si facilement, et encore moins avec le dernier mot, après tout ce qu’il lui avait fait subir ce soir-là. Mais à sa décharge, il est vrai que personne au monde n’aurait pu s’attendre, connaissant Elisabeth, à ce qui allait suivre.

-Et pour saluer votre muflerie, monsieur le baronnet…

Interpellé par le ton de la voix aussi bien que par l’appellation, il fit l’erreur de se retourner… et SPLASH. Le contenu du verre lui aspergea la figure, lui trempant visage, cheveux et épaules, lui refroidissant soudainement les idées. Il n’eut même pas le temps de pester dans toutes les langues qu’il connaissait –à savoir le français et l’occitan- que la peste enchaînait déjà, certainement très fière d’elle :

-Vous devriez avoir honte de tenir de tels propos sur les dames de la Cour, surtout à une jeune femme dont la vertu n’est plus à démontrer ! Moi qui croyais qu’au moins votre humour n’était pas rustre, me voilà fort déçue ! Je vous prierai de ne plus tenir ces sortes de discours à quiconque ici !

Trop stupéfait pour réagir, Ferdinand loupa une nouvelle fois le coche alors que le serveur les regardait d’un air absolument effaré, se demanda sûrement ce qu’il avait fait pour se retrouver là. D’ailleurs il profita bien vite de l’ordre discret d’Elisabeth pour s’échapper, et celle-ci conclut :

-Notre haine est-elle rétablie, juste comme vous l’entendiez, monsieur le bouffon ?
« Plus encore que je n’aurais osé l’espérer, mademoiselle l’orgueilleuse ! » siffla-t-il en la fusillant du regard alors qu’elle tournait les talons pour s’éloigner. « Estimez-vous heureuse d’avoir eu l’illusion de plaire au duc d’Aiguillon ce soir, au lieu de m’en vouloir ! C’est un cadeau que je vous ai fait ! Oh et puis j'en ai rien à foutre, vous pourriez vous marier avec une chèvre si ça vous chante. Et puis, si y en a une qu'est d'accord, rappelez-vous que c'est inespéré puis sautez sur l'occasion ! » s’exclamait-il encore alors qu’elle était hors de portée depuis un moment. En s’en rendant compte, il jura dans la barbe qu’il n’avait pas encore laissée pousser, et s’ébouriffa les cheveux pour se débarrasser du champagne qui y gouttait, avant de réajuster son pourpoint –trempé- et de revenir dans la salle avec la dignité d’un roi. Un roi alcoolisé de l’extérieur, certes, mais digne quand même. Après tout, le ridicule ne tuait pas, il était bien placé pour le savoir et entendait bien le prouver une fois de plus ce soir-là même si cela impliquait se promener aussi trempé que qu’il avait plongé la tête dans une fontaine et sentir le champagne. Le tout étant que personne ne sache qui lui avait jeté ce verre de champagne à la figure. Le visage d’Elisabeth lui revint en mémoire, et il se renfrogna en se jura qu’elle ne l’emporterait pas au paradis.

S’approchant du buffet, il attrapa une serviette et s’essuyait la figure quand une voix familière se fit entendre à ses côtés :

« Monsieur le baron, quelle surprise de vous rencontrer ici. Que faites-vous chez le duc de Sudermanie… Dans cet état ? »
« La même chose que vous monsieur Colbert, à la différence près que vous êtes plus au sec que moi. » rétorqua Ferdinand sans prendre la peine de se tourner vers le ministre –qu’est-ce qu’il fichait là celui-là d’ailleurs ? Oubliant momentanément sa rancœur contre Elisabeth pour céder à la curiosité, le bouffon observa Colbert qui, pour une fois, n’était pas vêtu de noir mais de bleu, et était coiffé d’un masque doré et d'une plume blanche qui avaient autant de raison d’être sur ce visage que lui avait de raison de se trouver dans un couvent.
« J’ai vu la duchesse d’Alençon sortir du balcon dont vous êtes vous-même parti il y a une minute à peine. Vous savez bien qu’elle ne supporte pas vos attaques ; vous devriez vous méfier avant qu’elle ne décide de se venger… Si ce n’est pas déjà chose faite. » ajouta Colbert en observant Ferdinand de la tête aux pieds, montrant bien qu’il n’était nullement dupe de la situation. Exaspéré, Ferdinand soupira et répondit :
« Vous devez être avocat, monsieur Colbert : vous dégagez quelque chose de malin et d’inutile. Si le premier épithète peut être une qualité, je vous suggère de trouver une utilité à votre existence, mais je doute que vous la trouviez en ma compagnie ou même ici. Adieu monsieur Colbert, je vous abandonne au duc et ses œufs flottants ! »

Enfonçant sa serviette imbibée de champagne dans la poche de veston de Colbert –qui n’eut pas l’air de s’en émouvoir le moins du monde- Ferdinand lui donna une tape amicale sur l’épaule et s’éloigna, l’air aussi crédible que possible malgré les circonstances. Décidément, cette soirée ne s’était passée en rien comme prévu… Mais au moins, il fallait bien reconnaître ça à Alençon : il ne s’y était pas ennuyé une seule seconde !

FIN DU TOPIC.
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