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 « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]

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MessageSujet: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime22.02.12 13:05



    Paris la sale. Paris la grouillante. Paris la changeante. S’il était vrai que Versailles était magnifique, Paris elle, capitale de la France, revêtait tour à tour les plus beaux habits et les nippes les plus défraichies. Esma elle était captivée par ce qu’elle découvrait au détour de chaque rue, dans le secret de son ventre et qui était si différent de ce à quoi elle avait été accoutumée. Les rues étroites, les bâtiments gris, les détritus au sol, la misère humaine partout, la Seine, comme une coulée d’encre au cœur de la ville. Et pourtant elle y respirait sa liberté. Derrière la grisaille, la saleté, elle voyait une infinité de possibilités s’étaler à ses pieds. C’était l’endroit où les réputations se faisaient, où les noms éclataient de toutes les bouches et devenaient légendes. Elle en avait déjà entendus certains. Leeds. Froulay. Lorraine… Et il lui semblait qu’ils appartenaient plus à des légendes qu’à des personnes faites de chair et de sang.

    « Madame. » La porte de sa voiture s’était brusquement ouverte et l’on avait tendu une main vers elle pour l’aider à en descendre, exercice rendu difficile par sa jupe et ses multiples ornements, alourdis par l’humidité de l’eau des caniveaux. Elle avait d’abord bien essayé de préserver son jupon de la crasse des pavés mais avait vite été fatiguée de devoir porter des mètres de tissu enrubannés. Puis ce détail était devenu insignifiant, au vu de l’angoisse qui l’étreignait maintenant. Levant les yeux en posant sa main contre son front pour se prémunir des rayons du soleil, elle examina avec attention la bâtisse haute qui se dressait devant elle. De belle facture, elle avait été abimée par les années et aurait eut besoin que quelques travaux soit faits mais on continuait à l’ignorer. Ou l’on manquait de fonds, ce qui fit naître un soupir à ses lèvres. Portes et volets étaient clos. Aucun signe de vie. Cela ajoutait encore à l’allure sinistre du bâtiment et c’est avec une relative hâte qu’elle se pressa vers son entrée.

    Du petit sac en soie qui ceignait son poignet elle sortit une clé, qu’elle avait eut la bonne idée de se faire offrir et pénétra dans la demeure, qui, si elle portait son nom, ne lui appartenait pas. L’endroit avait du cachet, une élégance certaine, mais il manquait ça et là des meubles et il y régnait un joyeux désordre. Habits abandonnés. Verres à moitiés vides. Fanfreluches féminines en tout genre. Cartes de jeux. Jetons faits de nacre. Elle inspectait chaque pièce avec une minutie presque cruelle pour son esprit, devinant le théâtre dont chacune avait été le témoin. Elle n’ignorait rien de la vie dissolue de Dorian, mais en être le témoin était différent. Dérangeant presque et elle se demanda si elle ne devait pas rebrousser chemin. Ou bien y mettre bon ordre. Elle avança le bras, prit entre ses doigts un collant dont le tissu avait été déchiré et qui avait été abandonné sur l’accoudoir d’un fauteuil et le laissa retomber presque aussitôt.

    Elle continua son chemin jusqu’à ce qui devait être la chambre et elle le trouva enfin. Ronflant comme un bienheureux entre ses draps. Ce qui eut pour effet de l’apaiser un instant. Posant une main sur sa poitrine, elle écouta le battement de son cœur revenu à un rythme régulier et sa bouche se tordit en un pli amer. Deux heures. Il l’avait faite attendre deux heures, à se ronger les sangs à chaque minute de retard qu’il avait, et il dormait paisiblement. Elle eut presque préféré qu’il se soit fait attaquer en chemin, détroussé de ses dernières économies que de savoir qu’il se fichait si allégrement de ses engagements envers elle. Cherchant du regard quelque chose qui dans la pièce aurait pu lui venir en aide, son regard s’illumina lorsqu’elle vit le broc du nécessaire à toilette plein. Elle s’en saisit et le balança sur le malheureux, avec une joie évidente.
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime22.02.12 21:23

L'obscurité laissa soudainement place à un état d'éveil instantané. Les yeux ouverts, la main du chevalier tâtonna en quête d'une arme, qu'il brandit aussitôt dans la première direction venue. Le hasard voulut que son choix se porte sur un pistolet et la chance que le canon soit pointé vers le plafond quand la détonation partit. Un sursaut le gagna et la mine encore ensommeillée, il tenta de remettre bout à bout les éléments qui se dessinaient à sa conscience limitée. Sous ses yeux, des résidus de plâtre tombaient au-dessus de sa tête et ce fait l'intrigua plus que l'odeur de poudre ou la chaleur que dégageait encore l'engin. Vint ensuite cette fraicheur sur ses draps et cette sensation d'humidité qui orienta son regard vers le broc et du broc jusqu'à Esma. Ah. Esma.

« - Esma ! » Le choc le fit reculer contre la tête du lit où son dos frappa durement le bois. Avec un grognement, il reprit. « ..Cousine... »

Ce qu'elle faisait ici, il l'ignorait mais ce qu'il craignait prenait peu à peu corps dans ses pensées embrumées. Écartant les draps pour s'en extraire, il fit peu cas de sa semi-nudité et vint farfouiller dans un coffre de quoi se vêtir un minimum.

« - Quelle heure est-il ? »

La nuit avait été agité. Le cours de sa soirée lui filait entre les doigts mais les litres de vin avalés pesaient sur sa vessie comme un rappel efficace de ses excès. Dans quel état s'était-il mis ? Au fond cela importait peu, non ? Il se souvenait avoir geint toute la soirée sur le sort qui l'attendait s'il ne se présentait pas à un rendez-vous et ô combien il était injuste d'avoir une main si chanceuse dans pareille circonstance... Ce rendez-vous. Quel était-il déjà ? Debout, les yeux clos et les poings serrés contre ses tempes, il tentait d'extraire de sa mémoire les détails qui le fuyaient jusqu'alors. L'illumination survint, douloureuse et inattendue.

« - Oh...Ses paupières s'ouvrirent et un mince sourire mi-contrit, mi-amusé accueillit la vérité. Il pencha la tête dans la mimique caractéristique du coupable qui se repent. Je suis en retard. »

Ce n'était pas tant son besoin d'affirmer ce que la jeune femme savait déjà qui prima mais, son réveil était empreint de difficulté et parler accélérait le processus de sa pleine possession de ses moyens. Il inspira profondément l'air dans lequel dénotait déjà sa fragrance à elle, si particulière à l'odorat et couvrit sa silhouette d'un regard appréciateur. Une légère fossette se dessinait sur le côté de ses lèvres et trahissait la contrariété qui la tenaillait alors que ses mâchoires devaient probablement se contracter à l'en blesser. Pourtant même l'obscurité ambiante ne parvenait à lui dissimuler totalement ses humeurs. Quelques rais de lumière perçaient entre les volets et cela suffisait. Dans cette ambiance cossue et tamisée, il se prit à se rêver à une réalité où son seul souci serait de savoir qui du thé ou du café remporterait sa préférence pour le petit-déjeuner. Machinalement, il humecta ses lèvres, à la recherche de mots ou d'une inspiration subite et finalement il ne parvint qu'à se planter face à elle; piquet étrange face à ce petit bout de femme. Son regard plongea dans le sien et ses mains se posèrent sur le broc qu'elle maintenait toujours. Il s'en empara pour l'en débarrasser et resta là, incertain quand à la suite.

« - C'est une surprise mais je suis heureux de vous voir. »

Et il n'y avait là aucun mensonge de sa part. A vrai dire, il était tout bonnement incapable de mentir quand dispensé des artifices de Versailles, il n'était plus que lui, ce provincial enclin aux vérités. Ses taquineries elle-même trouvaient leurs sources dans des souffles instinctifs. Sa main passa dans ses cheveux pour reléguer quelques mèches indociles vers l'arrière de son crâne. Il n'osait en dire plus, son contre-temps fâcheux jouait contre lui et la rancœur d'une orientale n'était pas sans commune mesure avec celle d'une occidentale. Des bijoux et quelques douceurs ne suffiraient pas à lui faire oublier la bagatelle de quelques minutes d'attente. Au fond, qu'étaient quelques minutes quand Paris s'ouvrait à vous ? Le paysage ne manquait pas de charme et nul doute qu'Esma s'était allègrement gorgée de cet exotisme. Mais voilà qu'elle était ici, chez lui. Son désordre, d'habitude si chéri, lui semblait tout d'un coup très inconvenant. Cette situation n'avait rien de très confortable pour tout dire et sans un mot de la part de la comtesse, il était bien en mal de deviner sur quel pied il lui faudrait danser. Au loin, les cloches de Notre-Dame sonnèrent et annoncèrent le début d'une nouvelle heure qu'il pressentait lourde de conséquences.

Pourtant rien n'aurait pu troubler la sérénité qui l'étreignait tandis qu'il restait obnubilé par cette présence, sa présence. Esma avait cette capacité de réduire le monde à un rien qui les englobait tout deux et lui donnait le sentiment que le reste n'était que superflu. C'était un tort naturellement, par le passé nombre de ces moments avaient mis à mal ses relations avec son cousin. Rien de bien méchant, mais Paul n'était ni aveugle, ni naïf et l'attraction que sa femme exerçait sur Dorian n'avait pas échappé à son œil. Lui seul les connaissait si bien pour prendre leurs échanges piquants non comme une animosité flagrante mais bien une affinité naissante. Par bien des égards, le vieil homme manquait à son parent. Si Dorian avait pu sonder son aîné, peut-être lui aurait donné la clef pour orienter l'entretien à venir sous de meilleurs auspices. Qu'il devait rire à cet instant, à les voir s'observer en chien de faïence.


Dernière édition par Dorian de Pauillac le 24.02.12 22:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime23.02.12 19:04



    Effarée elle fixait le trou ainsi formé dans le plafond, le cœur battant encore la chamade alors que la poussière s’en écoulait en pluie fine. Les doigts crispés sur la porcelaine, elle craignait cette fois d’être allée trop loin avant de comprendre aux grognements de bête blessée de l’homme qui se tenait en face d’elle que ce n’était là qu’une facétie d’homme ivre. Encore. Levant les yeux au ciel dans ce qui se voulait être un signe supplémentaire de son agacement, elle suivait néanmoins d’un regard en coin les fouilles de son cousin. Dorian avait un corps bien différent de celui de Paul. Tout en muscle et en finesse, empreint d’une certaine agilité que même l’alcool ne pouvait gâcher. Elle se rappelait avoir souvent été fascinée par la façon dont il se mouvait, par sa présence qu’il imposait dans chaque pièce qu’il occupait. Longtemps avant qu’elle ne puisse mettre un mot dessus, elle avait souffert à cause de sa personne de ses premiers émois de femme. De ses premières craintes également. Elle le savait inconstant en tous sujets et ce matin en était encore une preuve criante. Alors qu’il rassemblait les miettes de sa conscience, elle se sentait piétinée par sa légèreté. Elle ne trouva même pas la force de formuler une de ses habituelles récriminations alors qu’il mettait enfin le doigt sur le sujet qui était à l’origine de sa venue ici.

    Dorian était un homme perdu par ses vices. Dans son sang coulait la folie du jeu et les efforts combinés de sa famille n’avaient jamais réussit à l’en guérir. Dans le feu de ses yeux couleur châtaigne, elle avait pourtant cru qu’elle pouvait être la réponse à toutes leurs prières mais il était temps qu’elle sache qu’il n’en était rien. Elle s’était fait une fête de cette journée. Pendant des années elle avait vécu Paris à travers ses récits, elle avait voulu mettre le pied dans chaque endroit qu’il lui avait compté, même ces bouges dans lesquels il trouvait tant d’attrait. Mais c’était là une folie. Et peut-être le savait-il avant même qu’elle en ait conscience. En tous les cas, le goût de l’aventure lui était passé et elle aurait voulu retrouver la douceur du confort de son hôtel. Elle eut un regard désolé pour les draps défaits dans lesquels elle aurait voulu qu’il la porte, pour éteindre jusqu’à la dernière de ses protestations. Mais Dorian n’était que Dorian, et elle doutait qu’il soit capable du moindre changement. Répondant à son regard d’une œillade lasse, elle le laissa extirper de ses mains le broc qu’elle tenait avec plus de force qu’elle ne le croyait. Doucement, la commissure de ses lèvres se releva et elle secoua la tête.

    « Le mensonge vous va si mal Dorian… » Souffla-t-elle, balayant ainsi un compliment dont elle ne voulait plus à cet instant. Elle retint son envie d’aller arranger une mèche qui tombait sur son front. Il avait vieillit, elle le voyait maintenant, elle qui l’imaginait toujours comme l’adolescent qu’elle avait connu aux touts premiers instants. Mais la maturité lui allait bien, elle donnait un peu de gravité à son visage. Parfois même il lui rappelait Paul même si leur caractère n’avait pas de commune mesure. Pourtant la ressemblance était là. Une noblesse d’âme peut-être, que le chevalier s’acharnait à étouffer.

    Elle pinça ses lèvres et préféra faire quelques pas en arrière pour se soustraire à sa présence. « Je vous laisse vous rendre présentable. » fit-elle en se hâtant vers la porte. « Nous pourrons discuter ensuite d’un moyen pour arranger cet… endroit. J’ai avec moi les versements qui vous été dus ces deux derniers mois. Mais j’ai peur qu’ils ne puissent régler que le plus urgent… » Le reste de ses propos se perdit alors qu’elle avançait dans le couloir et retrouvait le désordre du salon. Elle inspira alors une grande goulée d’air, avec le sentiment qu’elle n’avait pas prit d’inspiration depuis des heures. Indécise, elle se laissa tomber sur un fauteuil et avança la main vers le guéridon où une boîte de chocolats à la liqueur avait été oubliée. La bonne idée que voilà. L’alcool lui brûlait la langue, lui donnait une toute nouvelle détermination et elle posait sur la pièce un regard plus neuf. Il y avait possibilité de faire de l’endroit quelque chose de douillet. Mais pour ça elle devrait probablement s’en charger elle-même car l’argent devenait fumée entre les doigts de son cousin.
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime25.02.12 0:43

L'argent. Elle lui parlait argent et ce, après avoir relégué sa confidence au second plan. Les banalités d'usage se voyaient donc écartées sans davantage de soin. Le regrettait-il ? Peut-être un peu, en effet. Il n'appréciait que peu d'évoquer l'état de ses finances avec la jeune femme. L'affaire n'avait déjà rien de commode avec l'époux et maintenant que sa rente dépendait du bon vouloir de l'épouse, les détails lui paraissaient... plus compliquées. Avec un infime soupire, il regarda sa silhouette s'éloigner avec cette démarche altière si particulière. Il fut un temps où il s'interrogeait sur l'origine de ce mélange d'assurance et d'innocence. Aujourd'hui cette préoccupation l'avait quitté et c'est d'un pas lent qu'il se replia dans sa chambre.

Du pouce, il gratta le menton rêche de son bouc et se dirigea vers les volets qu'il ouvrit. Les panneaux repliés sur eux, il observa le jour bien installé et l'effervescence de la vie parisienne sous ce grand ciel bleu. Il était plus tard qu'il ne le pensait. Des pigeons posés sur l'avancement roucoulaient et jetaient des coups d'œil sec dans sa direction. Par moments, il enviait la vie de ces volatiles. Sans grande hâte, il s'empara d'un miroir d'appoint dans lequel son visage fatigué lui adressa un sourire las. Des cernes entouraient ses yeux et le chaume de ses joues témoignait de sa dernière négligence. A geste précautionneux, il entreprit de s'en débarrasser et jura tout bas quand le couteau mordit sa peau. Une larme de sang coula dans son cou et la petite plaie ne manqua pas de lui rappeler celle qu'il infligeait aux mauvais payeurs. Sans doute, cette marque lui servirait-elle.

Sa toilette achevée par les ablutions habituelles, il finit de boutonner sa chemise, revêtit une veste qu'il savait au goût de sa cousine et compléta sa tenue avec l'intention de coller à son rang. Cet excès de coquetterie était étonnant pour qui le connaissait un peu dans la capitale, mais Esma n'était pas le genre de femme à passer inaperçue. Il ne souhaitait s'ajouter aux griefs dont on pourrait assommer l'orientale. Ce qui en soi, ne respectait aucune logique puisqu'il n'ignorait pas que ses frasques suffiraient seules à le diminuer aux yeux des moins nobles. Lugubre à cette pensée, c'est avec raideur qu'il ajusta son col et entama un discours bien rôdé.

« - L'urgence n'est pas tant mon logement, si je puis me permettre... »

Il ne portait que peu d'intérêt à son confort et se contentait fort bien de ses possessions. L'esprit féminin n'avait de cesse de vouloir modeler le monde à sa convenance quand celui de l'homme se bornait à l'accepter tel quel. Que lui importait de savoir si les murs ne seraient pas de meilleur goût avec l'ajout d'une tapisserie ou d'un nouveau coup de pinceau ? Il lissa ses cheveux encore humides et apparut enfin apprêté dans le salon. Il alla écarter des tentures pour laisser filtrer la lumière du jour et soupira face aux vestiges des aller et venues d'inconnus. (A tout dire, il était même bien incapable de savoir depuis quand les chocolats qu'elle picorait trainaient là.) Il reprit.

« - ..mais plutôt de savoir comment se porte ma bien-aimée parente. Il se tut le temps d'une respiration. Comment vous portez-vous ? »

Sa voix était claire mais ses traits exprimaient une inquiétude sincère. Il savait quelle affection la liait à son mari et sa venue ne calmait pas ses craintes à ce propos. La peine pouvait pousser à des actes inconsidérés. Versailles offrait des distractions royales, or ces dernières n'étaient pas sans risque. Son deuil pouvait bien être achevé selon ses termes écrits, il n'y croirait qu'une fois les mots prononcés. Un esprit affaibli ne résisterait pas à l'examen des courtisans. Il ajouta d'un ton plus naturel.

« - Et ne me répondez pas par la grâce de vos jambes, je vous prie. »


Il accompagna sa tirade d'un air faussement sévère, digne d'une expression parentale et ne la quitta plus du regard. Elle était magnifique. Cela lui sautait aux yeux maintenant. Sa tenue n'avait rien de négligé et mettait subrepticement ses atouts en valeur. Les boucles qui agrémentaient sa coiffure à la française encadrait parfaitement ses traits fins et à bien des égards, il se sentit plus grossier que cette délicate personne qui occupait l'un de ses sièges. Comme cela lui en coutait de ne pouvoir se jeter à ses pieds pour baiser ses mains et jouer avec les fanfreluches qui tombaient ci et là. Son cœur se gonflait d'un émoi digne d'un adolescent face à sa Vénus et ce sentiment le laissa interdit.


Dernière édition par Dorian de Pauillac le 28.02.12 22:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime25.02.12 14:58



    Est-ce qu’il en avait seulement conscience ? Dans son être coulait l’un des sangs les plus nobles et il lui aurait donné des possibilités infinies s’il ne s’était pas ainsi acharné à détruire sa réputation et la confiance que l’on pouvait avoir en lui. C’était un homme intelligent, qui savait naviguer dans les intrigues, connaissait la nature de chaque homme et savait tirer son épingle du jeu. D’un œil appréciateur, elle avait suivit son entrée dans le petit salon et cette réflexion avait immédiatement surgit dans son esprit. Il avait soigné sa tenue, et cela lui allait bien. Suçotant sa lèvre où s’attardait le goût de la liqueur, elle craint que cette sensation ne vire à l’aigre une fois sa phrase achevée. Elle avait à de nombreuses reprises assisté à ses « représentations » comme elle aimait à les appeler et il trouvait toujours une façon élégante de justifier ses actes et de vous faire mettre la main à la bourse. Il était chaque fois repentit, jurait ses grands dieux que tout avait changé et que demain serait meilleur. Il était l’éternel sot qui courrait après la main miraculeuse. Or ça ne pouvait exister. Le roi Midas lui-même en avait payé de son orgueil. Et il ne fallait pas croire qu’elle appréciait avoir cet ascendant sur sa personne, elle eut préféré que les rôles soient inversés, que ce soit à lui de prendre soin d’elle. Mais elle devait conserver son rôle de garde fou.

    Elle prit la boîte de chocolats sur ses genoux, sentant peser plus lourd le poids de ses responsabilités et choisit une nouvelle friandise pour faire glisser son appréhension. Avec milles précautions, elle en avait saisit une avec délicatesse, prenant le temps et le soin de les observer chacune, avant de la glisser entre ses lèvres. Le goût amer du chocolat lui arracha un soupir, qui fondit quand la liqueur explosa contre son palais. La boîte vacilla sur ses genoux quand elle reçut la question, et c’est avec étonnement qu’elle leva son petit minois vers Dorian. Elle accusa cette montée de paternalisme avec un sourire amusé, d’autant plus qu’il n’en perdait pas son piquant, et son regard se perdit dans le vague. Il avait changé depuis le décès de son cousin. Plus adulte, c’était là le mot. Elle ne croyait pas qu’il se serait inquiété d’elle sous cette forme si Paul avait encore été de ce monde.

    « Quittez donc cet air si sérieux. Je vais bien Dorian. Pauillac est un bel endroit mais le souvenir de Paul était partout alors je crois qu’un peu d’air frais ne peut pas me faire de mal. Paris est fantastique. Et Versailles fait honneur à toutes ses promesses… » Pour l’instant ce qu’elle avait découvert l’enchantait. Elle était bien loin de Pauillac et de sa routine un peu usée. Mais les conseils de Paul lui manquaient et Dorian ne brillait pas par sa présence. Elle haussa les épaules. « Je suppose qu’il me faudra du temps encore avant de naviguer à la cour comme si j’étais un poisson de la rivière. Mais je crois m’y plaire et c’est une excellente excuse pour ne pas faire front à toutes les obligations auxquelles sont soumis les maîtres d’une maison. » Peut-être dans ces instants regrettait-elle d’avantage la mort de son époux. Elle n’avait pas eut conscience de son vivant de cette myriade de petits détails dont il prenait soin pour rendre la vie de tous agréable. Le domaine de Pauillac demandait une attention de chaque instant et elle se sentait trop fragile pour cette tâche. Elle souffrait de ne pas avoir été élevée dans ce but.

    « C’est aussi pour cette raison que j’ai hâté ma visite ici… » Continua-t-elle, bien décidée à jouer la carte de la franchise avec son cousin. « Il faut un maître à Pauillac et je ne suis pas taillée pour cette tâche. Aussi ais-je décidé de m’attacher à l’un de ces esprits brillant que l’on peut côtoyer à la cour. » Elle afficha un sourire éclatant, qui devait faire preuve de sa détermination. Personne ne pourrait remplacer Paul en son cœur. Il avait été un mari et un guide exceptionnel et elle lui devait de beaucoup d’être la femme qu’elle était aujourd’hui. Il n’avait jamais freiné son appétit de la vie, ni sa curiosité. Au contraire il l’avait alimenté et avec les années il lui avait donné l’impression de réellement faire partie d’une famille. Ce n’était que lorsque des regards étrangers se posaient sur elle, qu’elle se rappelait qu’elle était différente.

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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime29.02.12 18:27

Qui diable était cette femme ? Bien des fois, Dorian avait cherché à répondre à ces questions et nommer les secrets qui maintenaient son cousin sous l'emprise de ces charmes orientaux. La seule faveur d'un proche ami ne suffisait pas à lier ainsi un homme et si la virginité d'Esma pouvait ,à l'époque, faire ployer la balance, ce n'était là qu'un plaisir éphémère. Bien qu'à contrecœur, Le chevalier avait conclu avec précipitation que l'expérience sexuelle de son cousin pouvait être en cause. En probable piètre amant, peut-être s'était-il targué d'enseigner quelque chose à plus ingénu que lui. Pour qui ignorait tout de son parent, cette idée était envisageable mais ne collait pas tout à fait à son caractère, qu'on jugeait si noble. Finalement lui était venue l'hypothèse selon laquelle la demoiselle de Sore avait grandi dans l'optique de devenir la parfaite maitresse de maison et y réussissait brillamment. Le nouveau jour qu'elle venait de conférer à cette croyance bouleversait son monde.

Face au sourire qu'il reçut, il resta interdit. Mille pensées se bousculèrent en lui, de la plus effroyable à la plus vulgaire et aucune ne semblait se parer d'un peu de gentillesse. Comment osait-elle ? Oh bien sûr, il comprenait ses motifs et les aurait trouvé très à son goût prononcés par la première pimbêche venue mais ce qu'elle comptait faire miroiter si impunément, c'était son héritage. Son héritage ! Le domaine de Pauillac n'avait rien du clinquant d'un hôtel particulier à Versailles et la région ne comptait qu'un nombre limité de distractions mais les terrains de chasse alentour comme le port à proximité étaient des richesses en soi. Son frère, son aîné, n'avait-il rien trouvé de judicieux à opposer à ce sot désir ? L'agacement succédait à l'ébahissement. Il humecta ses lèvres avec application, à la recherche d'un peu moins de sécheresse dans les termes qu'il souhaitait employer. C'était là peine perdue.

« - Je vois. Ainsi pour que le domaine perdure au sein de la famille et notre nom, il n'existe que deux solutions. Il marqua une pause et prit le temps de jauger la jeune femme. Je peux vous épouser ou vous faire tuer. Hélas, nous savons que cela ne nous apportera ni réconfort, ni prospérité. »

A tout dire, il avait beau aimé les années passées en Gironde, il ne se voyait pas y achever sa vie. Sans compter, qu'il était loin d'être le parfait économe qui prendrait soin de sa fortune nouvellement acquise. Cette conclusion le hérissait prodigieusement. Ne pouvait-elle pas se contenter du rôle de veuve discrète plutôt qu'agiter ses terres à prendre comme un mouchoir sous le nez du premier quidam. Qu'il la détestait à cet instant. Sous ses œillades de biche, il reconnaissait le calcul judicieux. Le plus délicat dans cette affaire étant qu'il devrait s'accommoder de la perte de son patrimoine au profit d'une affection solide; si Esma le répudiait en tant que parent, son nouveau mari ne se précipiterait nullement à son secours. Il se devait de la conseiller et de la guider.
Qui sait si dans ses contacts ne restait pas un parti tout acquis à sa cause ? Il soupira, annonçant ainsi son renoncement à toutes prétentions. Sa langue claqua ensuite contre son palais dans un signe de remontrance et Dorian s'avança vers Esma pour lui ôter des mains son péché de gourmandise.

« - Pour commencer, cessez de vous gaver. Vous n'êtes plus vierge, vous ne possédez qu'un lopin de terre misérable en Gironde et votre nom n'a aucun prestige. Votre beauté ne s'est pas encore fané mais cela viendra, alors par pitié, ne précipitons pas sa déchéance. Le nombre de jolies jeunes femmes ne manquaient pas à Versailles, il était inutile de leur laisser la part belle. En outre, sa cousine ne manquait pas de piquant dans sa silhouette actuelle. Comprenez-bien, que rien ne vous prédestine au bras d'un grand de ce monde. La haute noblesse s'accoquine de la petite noblesse, certains se risquent à s'attacher leurs cœurs mais ce n'est qu'illusoire, vous risquez de n'être qu'une conquête de plus. Votre entreprise se couronnerait davantage de succès dans notre région, savez-vous ? »

A bien considérer les choses, la tâche s'avérait compliquée. Les nobles français lorgneraient peut-être sur ses possessions dans la promesse séduisante de mettre la propriétaire dans leur lit mais là s'arrêterait les choses. Esma ne possédait nul port d'attache en Orient. Ses promesses valaient à peine celles des autres. Seul son charme et son caractère pourraient faire la différence mais de là, à trouver preneur perpétuel... Elle visait haut. Beaucoup trop. La folie des grandeurs ne gagnait pas que son unique cœur de mâle.
A son grand dam, une nouvelle joueuse entrait en lice.
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime29.02.12 23:38



    La fureur d’un homme pouvait être terrifiante. Glacée, violente comme le ressac de la mer, intraitable. Elle pouvait transfigurer le plus doux des agneaux en une bête féroce. Elle pouvait se manifester comme une tempête. En un battement de cil. Ou au contraire prendre le temps de grandir. Pas à pas. Avec réflexion. Et c’était celles que craignait le plus la jeune femme, celles qui, faisaient le plus de dégâts. Et la façon dont Dorian la fixait à cet instant lui faisait craindre le pire. Peut-être était-ce la première fois qu’elle avait réussit à l’ébranler de cette façon et qu’elle le voyait dépouiller de ses pirouettes spirituelles. Avait-elle négligé le seuil de sa fierté ? Inquiète elle serra plus fort le chocolat qu’elle tenait entre ses doigts et il commença à fondre jusqu’à ce que sa coque se perce et que la liqueur glisse le long de son index. Parfaite excuse pour rompre la joute qu’il avait lancé. Elle goba la friandise et lécha le liquide âpre sur ses doigts, mais dû avouer que la bouchée avait du mal à glisser le long de sa gorge. Elle redressa le menton et balança ses épaules vers l’arrière quand il s’approcha, prête à accueillir toute gifle la tête haute si elle venait à se présenter, mais il se contenta de lui retirer la boîte de chocolats des mains.

    Mais ce qu’elle s’apprêtait à essuyer était plus violent qu’une gifle, et bien plus douloureux pour sa fierté. Le chevalier n’était pas connu pour faire de concessions et son franc parler avait créé pas mal de remous dans la famille de Pauillac. Mais elle l’avait toujours apprécié pour cette qualité. Serrant les dents, elle maîtrisa le flot d’insultes qui voulait naturellement fleurir sur ses lèvres, et quitter ces manières de duchesse qui lui allait si mal. Les propos de Dorian étaient d’autant plus durs qu’ils recelaient une part de vérité, vérité qu’elle s’était efforcée d’occulter jusque là. Et surtout, peut-être révélaient-ils un peu plus des intentions du filou qui les prononçaient. Il avait l’air bien trop à l’aise avec le sujet pour ne pas en être familier. Elle avait cru que les années l’avait gagné à sa cause, et qu’il la voyait maintenant comme une « française ». Mais il semblait qu’elle était vouée à demeurer la sauvage qui avait fait main basse sur son héritage.

    « Quoi au bras d’un Girondin ? »
    s’écria-t-elle, rouge de colère, n’y tenant plus. « Vous voulez dire au bras d’une noble âme comme celle de votre frère ? Ce même homme qui n’a de cesse de me faire miroiter le plus fabuleux des destins ? Savez-vous ce qu’il a en tête le bougre ? Il croit que je pourrais concocter quelque chose capable de le débarrasser de sa tendre épouse, qu’il jure pourtant adorer, et réunir ainsi sous son seul nom nos deux fortunes. Il n’a eut de cesse d’essayer de vous diminuer au regard de votre cousin mais l’affection de Paul à votre égard n’a jamais fléchie. Le baron croyait fort qu’un jour vous serez capable de tenir votre rang et regardez donc ! » Fit-elle en englobant d’un geste le salon dans lequel il se trouvait et qui maintenant sous les rayons crus du soleil avait l’air encore plus pauvre.

    « Vous avez beau faire l’effort de revêtir votre plus bel habit vous êtres toujours le même grand gamin incapable de faire face à ses responsabilités. Et vous voudriez que je prenne mes conseils de votre personne ? Allons donc vous baignez encore dans les vapeurs d’alcool ! » Furieuse elle le bouscula et alla se réfugier prés de la fenêtre, qu’elle eut toutes les peines du monde à ouvrir pour s’offrir un peu d’air frais. La tête lui tournait, elle étouffait dans sa toilette trop cintrée et elle regrettait le confort de ses tenues de campagne. Mais à Paris il fallait souffrir pour tenir son rang.

    « C’est nos intérêts à nous deux que j’essaye de protéger jusqu’à ce que vous soyez décidé à vous conduire en homme. Et quel autre choix m’est donné que celui qui s’offre à moi aujourd’hui ? Quand nos voisins que vous voulez me faire épouser s’acharnent à venir grignoter nos terres et ce qui nous fait vivre. Ce qui paye vos excès. Vos catins. Votre confort que vous dénigrez avec tant de force mais que vous auriez toutes les peines du monde à quitter. »
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime01.03.12 17:24

Touché. Avec quelle précision mettait-elle le doigt sur ses plaies ouvertes. Il n'ignorait pas que sa présence était source de nombreuses déceptions que ce soit auprès de ce frère qui ne le comprenait pas ou de ce cousin qui l'avait pris sous son aile dans l'espoir d'en faire un fils digne de ses attentes. Les deux piliers de sa vie n'avait de cesse de pointer ses bons et ses mauvais côtés. Cette évaluation constante ne l'avait pas laissé de marbre et aujourd'hui encore, il éprouvait quelques regrets face à ses actions passées. Quitter sa région natale avait semblé la meilleure option pour construire un avenir serein, délaissé de ses obligations, mais même ainsi les espoirs des uns le rattrapaient quand les actions des autres le tenait encore pour pestiféré. Il n'avait aucune légitimité. Avec le temps, il s'était fait à l'idée et s'il se berçait parfois de quelques pensées ambitieuses, il n'était rien d'aussi palpable que ce dont sa cousine supposait. Elle était la dépositaire de Paul et de nombreuses fois, il avait craint qu'elle n'y perde foi. Il ne lui devait rien pourtant mais n'être que le cousin dépendant de sa fortune n'entrait pas dans le portrait flatteur qu'il souhaitait lui dresser. Tout cela n'était que vanité. Son orgueil blessé n'avait que trop souffert pour s'en préoccuper davantage.

D'un pas vif, il se campa auprès de la furie qui s'évertuait à remettre au goût du jour des vérités qu'aucun des deux n'ignorait. Sa main se referma sur l'épaule et sans plus de douceur ou de cérémonie, il fit pivoter le corps féminin pour le clouer d'un regard terrible. Il détesta les émotions qu'il lut alors dans les prunelles sombres d'Esma. Son regard était plus parlant qu'une œuvre de Molière et sous cette grandiloquence, sa résolution aurait, il y a quelques minutes, ployé. Le temps des politesses s'était envolé dorénavant et ne restait que le conflit ouvert.

« - Mais cessez donc ce larmoiement ! De nous deux, vous êtes la plus en difficulté. Me croyez-vous incapable de survivre ? Me faut-il me vautrer dans le luxe pour vous apparaître homme fait ? Je suis plus à même de me fondre dans la masse que vous ne le serez jamais ! Je ne suis ni une excuse, ni un prétexte. Je ne suis pas démuni, morbleu ! »

Contrarié, il l'était. Il ne crachait nullement sur la rente qui lui assurait son train de vie mais il se savait également apte à pourvoir à ses besoins si tant est qu'il le fallait. Son cousin avait veillé à lui apprendre les lettres et les rudiments dus à son rang. Sans savoir s'il ferait un parfait soldat, son talent pour l'escrime et sa condition physique seraient de parfaits alliés dans un domaine militaire. Outre cela, il liait facilement amitié et tirait avantage de chacune de ses rencontres. En somme, il ne craignait pas la misère. A paris, la côtoyer était une obligation et il aurait été bien en mal d'expliquer à Esma ce qui le répugnait tant à rénover la façade de ses appartements. Peut-être l'humilité avait-elle une part plus prépondérante dans son caractère que celui de sa cousine, mais afficher ses ressources de façon ostentatoire n'avaient rien de pressant selon lui. Le torse gonflé d'une respiration saccadée, il la détailla et lâcha avec aigreur.

« - Que voulez-vous ? Dites-moi ! Qu'attendez-vous de moi ? Et par pitié, ne me ressortez pas qu'il me faut me conduire en homme ! Être homme dans notre monde, c'est finir intriguant quand je me dois de ne rester que ce cousin qui vous aime.»

A bout de souffle, les yeux brièvement clos, il scruta sa cousine. Ne pouvait-elle pas comprendre les efforts qu'il faisait pour ne pas précipiter sa chute ? Dans son écritoire reposait une lettre de son frère et il n'était pas difficile d'imaginer la teneur de son message. Il lui était plus simple de fomenter contre la tenante du titre de Pauillac des complots dignes des grands que de l'aider à s'enticher d'un noble de Versailles, en dépit de ses intérêt personnels qui plus est. Paul l'avait aimé cette femme et à sa façon, Dorian concédait son affection pour cette boule de nerfs. Que n'aurait-il pas mieux fait de s'enticher d'un roquet.

« - Venez... Sans lui laisser plus de choix que précédemment, il l'écarta de la fenêtre et de ses courants d'air. Ses bras se refermèrent sur elle, quitte à souffrir de quelques contusions pour cela. Vous m'avez manqué. »
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime07.03.12 22:48



    Elle eut été incapable de résister à la force de ses bras. Dorian semblait être taillé dans la pierre. De larges épaules, des mains comme des battoirs, elle l’avait souvent vu exécuté les mêmes tâches que les domestiques avec une apparente décontraction et facilité qui l’avait soufflée. L’eut-elle seulement voulu ? Elle leva le nez pour se soumettre au feu de son regard, et su qu’elle était peut-être allée trop loin dans ses propos. Mais c’était là une chose difficile avec Dorian, il était difficile de savoir à quel instant on allait heurter ses sentiments tant il prenait tous sujets par-dessus la jambe. Longtemps elle n’avait vu en lieu qu’un adolescent tardif qui cherchait à picorer sa patience avant de se rendre compte que c’était là simplement sa nature. Cependant cela n’excusait pas tout, et malgré son trouble elle essaya de son mieux de conserver un peu de sa superbe devant cet affrontement muet. Peine perdue puisqu’à chaque mot prononcé elle se faisait plus petite. Pourquoi fallait-il toujours qu’il soit comme un de ces chevaux fous dont on n’arrivait pas à prédire le comportement ? Il n’y avait qu’une chose de constante dans sa façon d’agir avec elle, il lui faisait toujours cruellement ressentir qu’elle était différente, comme si ce simple détail suffisait à tout justifier. Mais outre la couleur de sa peau, n’avait-elle pas fais les efforts nécessaires pour n’être que française ? Etiquette, histoire, vêtements, religion, elle avait tout adopté sans résistance et dans ses manières ont aurait sans doute point pu voir de différence avec une poule née à la cour. Essayant de se défaire de sa prise, elle s’agita sans grand résultat. Il n’avait pas l’intention de la laisser filer.

    « Lâchez-moi pour commencer… » Cracha-t-elle, regrettant de plus en plus d’avoir franchit le seuil de l’appartement. Et dire qu’elle se faisait une fête de cette journée ! Et lui qui ne faisait que jouer les mauvais bougres et appuyer sur leur parenté apparente.

    Mais il n’écoutait pas et il l’entraîna à l’écart. D’abord tendue, elle écarquilla les yeux quand il la ramena contre lui. Elle en oublia alors sa colère et son envie de se débattre et se laissa aller dans son embrasse, la joue posée contre son torse, mais les bras ballants le long du corps tant le geste la maintenait dans la surprise. La respiration de Dorian se calmait peu à peu et elle se sentait bercée par le rythme de son cœur. Elle aimait ce corps d’homme contre le sien, cette façon qu’il avait de s’imposer à elle et pourtant elle savait que l’instant ne pouvait perdurer. Ce qui était advenu d’eux à Pauillac semblait à Paris complètement désuet. Pourtant avant de s’éloigner, elle prit sa main dans les siennes et baisa fugitivement ses phalanges. Puis à pas précautionneux, parce que la tête lui tournait encore sous le coup des émotions, elle alla se rassoir dans le fauteuil. Là elle enleva les épingles qui retenaient ses cheveux en une élégante coiffe –à quoi bon essayer de maintenir encore l’illusion ?- puis réclama un verre. Elle se fichait bien de l’heure qu’il était et de ce qu’il pourrait en penser, d’ailleurs il ne se fit pas prier et lui tendit rapidement un verre d’eau de vie à la poire, qui redonna de la couleur à ses joues.

    « Je ne veux point vous commander Dorian. Ni vous diminuer. Vous vous trompez simplement quand vous me croyez plus en difficulté que vous. Je suis héritière de Sore avant tout, puisque seule enfant de mon père. Et je ne vivrais certes pas avec la même largesse si on me retirait Pauillac mais je ne serais pas à la rue. Maintenant laissez moi mon droit de m’inquiéter pour vous. Depuis quand n’avez-vous pas eut de véritable discussion avec votre frère ? Cet homme est un serpent Dorian. Il est dangereux. Et je suis peut-être une femme mais il y a des choses que je n’ignore pas. Je serais surprise d’ailleurs qu’il n’ait pas déjà avancé des pions pour me supprimer. Je conçois que vous n’aimiez que peu l’argent. Ou le confort. Mais ce n’est pas son cas. Et s’il parvient à se débarrasser de moi, ne croyez pas qu’il ne fera pas de même avec vous. Il n’a pas l’amour de la famille, contrairement à votre personne. Et vous lui rendez la tâche facile à fréquenter des coupe gorge. »

    Elle leva immédiatement la main, l’empêchant ainsi de rétorquer à brûle pourpoint. « Et ne me ressortez pas le même couplet que plus tôt. Je crains seulement que la volonté d’un homme soit capable de surmonter à peu près toutes les épreuves. Reste à savoir si vous voulez autant vivre que lui souhaite récupérer Pauillac. »


Dernière édition par Esma de Pauillac le 28.06.12 16:00, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime09.04.12 22:25

La bouteille entre les mains, il agita le liquide pour évaluer la quantité restante avant de la reposer sur une table. A son tour, il prit place dans un fauteuil. Son visage se fermait à mesure que les paroles d'Esma se déversaient. Il n'était pas sans méconnaitre la nature de son frère, des enjeux qui mettaient leur famille au bord de l'implosion et des sentiments qui saupoudraient l'ensemble d'une infime trace de drame. Pauillac était le théâtre d'une succession incertaine et lui, apparaissait comme le pion encore indécis dont la loyauté pouvait encore s'acheter. Index et majeur collés contre sa tempe, le girondin s'affaissa un peu plus sur son assise. De telles discussions de bon matin n'avaient jamais fait son bonheur et constater la clairvoyance de sa cousine ne lui mettait nullement du baume au cœur. L'inconfort dont elle avait été victime n'était que trop prévisible et il s'étonnait de la franchise avec laquelle son aîné avait abordé ses projets futurs. Immobile, il conserva pendant de longues minutes un mutisme prudent. Tout ceci mettait à jour de nouveaux éléments et si l'inquiétude de sa chère parente lui paraissait toujours on ne peut plus démesurée à son encontre, il éprouvait toutefois une nouvelle forme de crainte envers les risques encourus pour de telles confidences.

Pourtant aussi promptement que s'il fut piqué, il se redressa et fit face à la femme qui bouleversait son quotidien. Quel homme serait suffisamment idiot pour ne pas succomber à la tentation de l'avoir à soi... Son frère ne manquait certes pas d'ambition mais Esma s'était si aisément intégré à leur famille que Dorian n'éprouvait nulle difficulté à envisager l'attirance des autres hommes pour ce brin d'exotisme qui maitrisait, malgré tout, l'art d'être française et noble. Combien de fois, son aîné s'était-il extasié sur l'effet que suscitait l'arrivée de leur cousine dans une assemblée faite des nobliaux de leur région ? Elle intriguait et ses bonnes manières faisaient passer son compagnon pour le plus parfait professeur ou excentrique distingué. De nombreuses fois, Dorian s'était ri de ce tableau que les gens brossaient à mi-mots de Paul et de son épouse. Aujourd'hui, tout cela ne paraissait plus si farfelu et la descendante de Sola apparaissait comme le trophée à conquérir pour tout avide reconnu. Son frère était l'un d'entre eux et se faire éconduire par la belle était surement l'affront le plus terrible à essuyer pour un tel être.

Avec un soupir las, le maitre des lieux préféra néanmoins garder ses réflexions pour lui et tendit une main avenante à son invitée. «  Je suis affamé et je réfléchis mal le ventre creux. » Ce qui somme toute était une vérité répandue pour toute personne ayant un tant soit peu vécu à ses côtés. «  Allons déjeuner, nous reparlerons de tout ceci ensuite. » Sans attendre un assentiment qu'il se persuadait tout acquis, il aida la noble dame à se relever et étudia de manière brève mais efficace l'apparence de sa compagne. « Vous feriez mieux de laisser vos bijoux ici. Comme vous l'avez si justement rappelé, mes habitudes me mènent fréquemment dans des coupes-gorge et grand dieux, qu'il serait fâcheux d'abîmer telle beauté. » Il appuya sa taquinerie d'un sourire et une fois, les précautions prises, offrit son bras à sa cousine avant de la conduire à travers tout Paris.

Fort heureusement pour cette balade improvisée, le ciel, s'il gardait jalousement les rayons solaires, préservait toutefois leur têtes d'une averse indésirable et si la capitale ne chatoyait pas, ses merveilles restaient elles, merveilleuses. Malgré son appétit, Dorian en profita donc pour gratifier leur avancée de divers arrêts auxquels s'ajoutèrent des anecdotes toutes plus insolites que les autres. Ainsi, les préoccupations relatives à la question de l'héritage ou de leur sécurité, quittèrent bientôt son esprit et c'est guilleret qu'il franchit l'entrée d'une taverne que tout homme sage aurait évité. Sage, il ne l'était point et Esma bien trop friande de ses frasques pour ne pas se montrer curieuse face à un aperçu de ses lieux d'attache. Ils entrèrent donc dans une auberge somme toute banale pour cette pleine journée. Les clients habituels ne viendraient qu'à la nuit tombée et Dorian bénéficiait dans le coin d'un anonymat judicieux. L'établissement ne bénéficiait pas du standing dont pouvait rêver sa parente mais au moins y verrait-elle sa bourse préserver d'un allègement douteux. De fait, il l'invita à s'avancer, tira sa chaise en parfait gentleman et la pria de s'installer avant de faire de même. La scène était insolite et c'est curieux qu'il se pencha sur l'expression d'Esma pour y déchiffrer ses impressions.
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MessageSujet: Re: « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian]   « Le scrupule, une maladie comme la paresse. » [Dorian] Icon_minitime28.06.12 18:47



    Esma essaya de se souvenir avoir vu Dorian faire montre de sévérité mais c’était, il fallait l’avouer, un état d’esprit bien rare chez le chevalier et s’il en avait fait preuve, elle ne parvenait pas à se souvenir en quelles occasions. Elle avait d’ailleurs souvent été agacée de sa légèreté, trouvant son attitude souvent insultante. Puis elle avait doucement comprit le mécanisme de sa psyché et elle avait fini par l’admirer sans pour autant parvenir totalement à s’empêcher de s’en irriter. Sirotant son verre elle posait un regard trouble sur lui, suivant dans son regard le cheminement de ses pensées. Elle trouvait que cette gravité soudaine lui donnait un charme certain, et ajoutait quelques années à son visage et se mordit l’intérieur de la joue pour avoir des pensées aussi futiles. Elle en blâma l’alcool, et reposa le verre sur un petit guéridon puis croisa ses mains sur ses genoux ne voulant pas troubler cet instant rare chez Dorian. Elle espérait que ses paroles feraient leur chemin en lui, mais elle n’en sut rien puisqu’il se redressa et revêtit les attitudes dont il avait fait une habitude. Elle en fut donc pour ses frais.

    Plaçant sa main contre la paume de son cousin, elle le laissa la remettre sur ses pieds, se persuadant doucement qu’il ne remettrait pas le sujet sur le tapis avant d’avoir lui-même trouvé une solution qui lui convenait. C’était ainsi, il ne souffrait d’aucune règle. Docile elle se laissa aller à sa volonté, plaçant ses bijoux au creux de sa main et rougissant à ce qui semblait être un compliment. En sa présence elle oubliait facilement les griefs qu’elle pouvait avoir contre lui et elle pressentait que ça représentait un danger mais pour l’instant elle voulait laisser l’insouciance la gagner. Elle avait enfin ce dont elle rêvait depuis des mois, l’attention de son cousin toute acquise et la capitale qui ne demandait qu’à être découverte. Dorian s’avéra être un guide exemplaire, la faisant rire aux éclats avec ses histoires rocambolesques. Elle percevait à travers ses propos l’amour qu’il avait pour cette ville et sa vie de vagabond et son cœur se pinça en pensant à toutes les leçons de morale dont elle l’avait gratifié et cette envie qu’elle avait de le modeler et le voir changer. Elle aurait dû être capable de l’apprécier tel qu’il avait toujours été mais elle était trop consciente du potentiel qu’il gâchait répétitivement.

    C’était une des raisons pour lesquelles elle voulait à ce point connaître l’univers du chevalier. Elle voulait comprendre ce qui le happait avec tant de force et ce qui lui plaisait dans cette vie là. Elle entra dans la taverne à petits pas, fronça le nez à cause de la forte odeur de sueur et de tabac qui imprégnait les murs et ses yeux balayèrent la pièce avec étonnement. Elle retrouvait des visages qu’elle avait eu l’habitude de voir au domaine de Pauillac, des hommes marqués par la vie, à la peau tannée par le soleil et aux grosses mains calleuses mais dont la joie de vivre n’avait pas été entamée. Il régnait dans l’endroit un brouhaha réconfortant, entrecoupé parfois d’éclats de voix et de rires. Elle prit place à table et un sourire vint se loger sur ses lèvres pleines. Elle aimait être au centre des attentions et Dorian la comblait en cet instant. Elle était comme une enfant qui pour la première fois avait le droit de participer au bal. Se fiant aux nombreux récits de son cousin, elle leva le bras pour héler le maître des lieux et réclamer un pichet et le plat du jour et satisfaite posa un regard rieur sur le chevalier.

    « Est-ce que c’est comme ça que font les dames à Paris ? » Est-ce qu’elle se fondait dans le décor ? Est-ce qu’il avait plaisir à partager cet instant avec elle ? Son sourire s’agrandit mais elle n’osa poser les questions qui lui brûlaient les lèvres. On posa deux assiettes copieuses devant eux, de ce qui ressemblait à un ragoût, et une grosse miche de pain brunâtre. Elle en coupa un morceau et le trempa dans la sauce épaisse et fit la moue. « C’est un peu fade. » Mais comme elle avait faim, elle continua tout de même à picorer, piqua même une pomme de terre dans l’assiette de Dorian puisqu’elle avait mangé toutes les siennes.

    « Où allons-nous ensuite Dorian ? Jouer peut-être ? » Elle bondit sur sa chaise. « Vous savez que mon jeu s’est amélioré depuis votre dernière visite ? »

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