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 Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.

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Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Empty
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Christine Anne


de Listenois




(ROSAMUND PIKE)


Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. 726120921

« Un beau visage est un traître qui se fait craindre et qu'on regarde avec plaisir. »

    ► Vingt-cinq ans.
    ► Marquise de Listenois.
    ► Entre France et Lorraine, issue de la famille de Bauffremont.
    ► Célibataire.
    ► Catholique.
    ► Hétérosexuelle, en principe.



♕ PROTOCOLE ♕
VERSAILLES : PARADIS OU ENFER ?

Face aux amers souvenirs que lui évoquent les terres familiales, Versailles a longtemps pris pour Christine des airs de paradis. Mais rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, et si elle se complaît dans les dorures, le luxe, et l'ambiance du château, la vie à la cour n'est pas sans embûches. Versailles devient vite un enfer de plus lorsque, prise par le mal qui la ronge, Christine doit y dissimuler sa folie. Souvent, alors, elle va se réfugier sur le petit marquisat de Listenois, et ne revient s'étourdir de cabales, de mots d'esprits, de défis littéraires et de magnificences que lorsque le trouble est passé. Un paradis, oui, mais un paradis à son image : instable.

COMPLOT : VÉRITÉ OU FANTASME PUR ?

Plusieurs identités, plusieurs points de vue. Christine sait à merveille jouer l'ingénue pour laquelle on ne peut sérieusement songer à attenter à la vie d'un roi. Mais soyons sérieux quelques secondes : si Louis XIV dispose d'espions, s'ils sont tant sollicités ces derniers temps, c'est bien parce que quelque chose se trame. Alors le complot : une vérité, et plutôt deux fois qu'une. Et quand bien même l'on ne chercherait pas à nuire au roi, toute cour n'est-elle pas un véritable nid d'intrigues et autres cabales en tous genres ? Il faut, aux yeux de la marquise, être bien naïf pour croire que tant de personnalités réunies en un seul et même endroit ne se livrent pas aux complots les plus variés.

COLOMBE OU VIPÈRE ?

Toute rumeur a un fond de vérité, c'est pourquoi il faut savoir écouter, entendre, et comprendre les incessants ragots qui ébranlent la cour. Ceux de la noblesse comme ceux du petit peuple. Quant à les répandre... Ne faut-il pas se fondre dans la masse pour ne pas attirer le soupçons ? Christine ne lance pas de rumeurs gratuitement, mais s'il faut commérer pour en apprendre plus, alors elle n'y manquera pas. Et même en dehors de ses activités d'espionne. On s'attire vite les racontars des vipères dans une cour telle que celle de Versailles. Et dans ces, la meilleure défense, c'est l'attaque.

DES LOISIRS, DES ENVIES A CONFIER ?

La littérature est sans doute la première et plus profonde passion de Christine. Elle lit et écrit dès qu'elle en a l'occasion. Son imagination est bien trop débordante pour qu'elle puisse y tenir enfermées toutes ses idées. L'écriture est devenue un besoin autant qu'un loisir. L'écriture, l'invention, et avec elles, le mensonge, dans lequel elle excelle.
Ensuite, sans aller jusqu'à parler de passion, la jeune femme porte un intérêt tout particulier aux perles, diamants, et autres bijoux, ainsi qu'aux vêtements qu'elle parvient généralement sans mal à se faire offrir par quelques conquêtes.
L'art du déguisement ne lui est également pas étranger, et c'est encore un domaine dans lequel il n'est pas aisé de la surpasser. Qui aurait l'idée de mettre dans le même corps cette discrète comédienne à la chevelure de jais et la rousse camériste qui n'a de cesse de ragoter ?

♕ HOP, RÉVÉRENCE ! ♕
► Je sais plus, j'en ai trop ôo
► 103 ans et un Starbucks
► 30 jours sur 7
► Code bon by Lisa
► C'est une fée qui m'en a parlé What a Face
► Adulez-moi, c'est un conseil Reine (non, il n'y a aucune raison particulière à cette requête. Amy, lâche cette pelle ! )



Dernière édition par Christine de Listenois le 22.04.12 15:17, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime09.04.12 22:34

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ACTE

PREMIER

_________________________________________________

PROLOGUE : 1645
« C’est souvent comme ça avec la féerie : l’horreur n’est jamais loin. »

« Regarde, c’est la pleine lune, chuchota le jeune garçon à l’oreille de sa sœur, avant de lever à nouveau les yeux vers le ciel. »
Allongés sur le sol, ignorant la fraîcheur des vieilles dalles, les deux enfants restèrent un moment silencieux, comme béats, rendus muets par le spectacle qui s’offrait à leurs jeunes yeux. Dehors, l’hiver balayait les plats paysages lorrains d’un vent froid qui avait chassé les nuages, et sifflait sinistrement entre les arbres. Au milieu, pâle et ronde, brillait la belle lune, dont l’éclat blanc pénétrait aisément par la petite fenêtre, éclairant d’un trait blafard l’une des prunelles de la fillette.
« Il ne faut pas sortir ce soir, murmura-t-elle à son tour en tournant un regard grave vers son frère.
- Pourquoi ?
- A cause des grands loups. Ils sortent seulement les soirs de pleine lune. »
A ces mots et à l’expression on ne peut plus sérieuse de sa sœur, Charles Louis de Bauffremont se retourna, abandonnant ainsi le ciel lunaire.
« Christine… qu’est-ce que c’est, les grands loups ? demanda-t-il d’une petite voix, n’osant élever le ton.
- N’as-tu jamais entendu ce qu’a dit mère ? répondit l’intéressée sans quitter la fenêtre des yeux. Les grands loups sortent les soirs de pleine lune… pour manger les enfants français. Ce sont les âmes des ennemis qui n’ont pas eu de tombes. Elles font ça pour se venger de leurs défaites. »

Charles Louis, fasciné par les paroles effrayantes, la voix basse et les prunelles brillantes de Christine laissa échapper un « oh » stupéfait. Il se serra légèrement contre elle, n’osant soudain plus lever les yeux vers la lune.
« Mais, Christine… c’est qui les ennemis ? chuchota-t-il après un silence ?
- Les Lorrains, Charles.
- Ceux que père a combattu ?
- Oui.
- Mais alors, c’est lui qui a tué les grands loups ? interrogea encore le jeune garçon, effrayé tant par l’histoire que par l’idée que son père puisse y être pour quoi que ce soit.
- Non, ceux-là sont morts depuis plus longtemps, répondit Christine. »
Elle allait reprendre, quand soudain, une porte claque. Avec un cri de stupeur, les deux enfants se redressèrent, prêts à fuir l’horrible créature aux longues canines qu’ils imaginaient déjà voir arriver. Les yeux grands ouverts, Christine pouvait presque la voir, avec son épais poil noir, ses prunelles rouges-sang, ses longues griffes acérées…
« Oh, mère… souffla-t-elle soudain, presque déçue. »

Soulagée, malgré tout, elle prit la main de son frère et s’approcha de la grande dame. Lorsqu’il la reconnut, le garçon courut vers elle, et se réfugia dans ses jupes, gémissant qu’il ne voulait pas être attrapé par les grands loups.
« De quoi parlez-vous, Charles ?
- Mais vous savez bien, mère ! Les Lorrains morts qui mangent les enfants, hoqueta le jeune Bauffremont. »
A ces mots, Marguerite de Poligny, épouse du marquis de Bauffremont, lança à sa fille un regard peu amène.
« Allons, est-ce Christine qui vous a raconté cela ? demanda-t-elle, bien que déjà certaine de la réponse. »
Il n’y eut pour toute réponse qu’un petit gémissement qui poussa la toute jeune demoiselle à lever les yeux au ciel.
« Que tu es peureux ! le nargua-t-elle du haut de ses quatre ans, la voix assurée et moqueuse.
- Christine, cessez de faire peur à votre frère, je vous prie, gronda doucement Marguerite. Allons, venez, il est temps de vous coucher. Vous devriez tous les deux être au lit depuis longtemps !
- Nous raconterez-vous une histoire, mère ? demanda Charles Louis en trottinant auprès de Marguerite qui les menait dans leur chambre.
- Oh oui ! renchérit la le petite Christine. »

Avec un sourire, madame de Bauffremont ouvrit la porte de la pièce dans laquelle dormaient les deux enfants, attenante à la chambre de son aîné. Prenant son fils dans ses bras, elle le glissa dans les draps tandis que de l’autre côté du lit, Christine grimpait promptement auprès de son frère, bien résolue à obtenir cette histoire. Sachant d’avance qu’elle cèderait, Marguerite s’assit à son tour sur les couvertures, dévisageant un instant ses deux jumeaux.
« Très bien. Mais après cela, Christine, je veux que vous alliez vous coucher.
- Oui, mère, acquiesça machinalement la demoiselle. Raconterez-vous une histoire de princesses ?
- Ecoutez, vous verrez ! »
Alors qu’elle remontait les draps sur les épaules de la fillette, la marquise eut tout juste le temps d’entendre une porte s’ouvrir avant de voir une nouvelle silhouette bondir sur le lit, accueillie avec bonne humeur par les deux autres.
« Moi aussi je veux entendre cette histoire ! déclara Claude François (ndlr : non ce n’est pas une blague, il a vraiment existé), l’aîné de la fratrie. »
A nouveau, Marguerite sourit.
« Alors écoutez bien. Il était une fois, dans un beau pays dont on ignore encore le nom, deux princes et une jolie princesse…
- Suis-je cette princesse ? coupa Christine, les yeux brillants.
- Ecoutez Christine, et ne m’interrompez pas, vous saurez tout bientôt : c’est une jolie histoire… »

Il était une fois : c’est ainsi que commencent toutes les histoires. Mais si l’on y trouve souvent princes, princesses et dragons, toutes ne peuvent être belles.
Ainsi débute celle de Christine, marquise de Listenois. Mais à votre tour, lecteurs, écoutez, soyez attentifs, n’interrompez point… et n’espérez pas trop. Car celle-ci n’a rien d’un joli conte pour enfant.


***
SCÈNE 1 : 1647
« L'innocence est la meilleure défense de l'enfant. »


Les histoires, Christine n’avait pas besoin qu’on les lui raconte pour les vivre. Certes, elle aimait profondément ces moments où leur mère, oubliant pour quelques minutes sa dignité et sa rigidité de grande dame descendant d’une puissante famille médiévale, s’asseyait sur le lit d’un de ses trois enfants les berçait de vieilles légendes. Mais la jeune demoiselle avait mieux encore : elle avait ses propres moments, à elle-seule, où elle pouvait se raconter les histoires qu’elle voulait, et surtout, être sa propre héroïne. Tantôt princesse, tantôt chevalier, elle passait par tous les états, tous les pays, toutes les situations et ce, quand bon lui semblait. A ses yeux de petite fille, elle était là la liberté, et elle en usait plus que largement.

Ayant une fois de plus réussir à fuir les interminables leçons de latin pendant lesquelles elle ne parvenait à tenir en place, la journée que Christine s’était dessiné en cette fin d’août 1647 ne faisait pas exception. Une fois le précepteur renvoyé dans ses livres, elle n’avait pas attendu qu’on puisse lui faire le moindre reproche, et s’était rapidement glissée dans les couloirs du château. Cette immense demeure médiévale qui avait déjà vu passer plusieurs siècles contenait quantité de pièces qu’on avait oubliées, ou qu’on ne visitait plus. Dès qu’elle avait été en âge de déambuler seule dans le château, Christine s’était attelée à les redécouvrir, faisant parfois fi des interdictions qu’on pouvait lui imposer. A quoi bon vivre dans une ancienne forteresse – aussi agréablement ait-elle pu être arrangée – si l’on ne pouvait profiter de ses secrets ?

Doucement, elle poussa la porte d’une de ces pièces, non sans avoir au préalable jeté un regard derrière elle. Une fois sûre d’être seule, elle y pénétra, et referma soigneusement le lourd battant de bois. L’endroit était vide, poussiéreux, mais incroyablement éclairé par le soleil descendant de la fin de journée. Tout à son jeu, Christine observa malicieusement l’ensemble et, s’adressant à un compagnon invisible, réclama un air de flûte en brandissant un support à broderie qu’elle avait subtilisé à l’une des domestiques. Une fois sa réponse obtenue, elle s’avança au milieu de la pièce, resta un instant immobile puis s’élança soudain, suivant en dansant un rythme audible d’elle-seule en tapotant de temps en temps sur son tambourin improvisé. Cette fois, pas de princesse, pas de bataille : elle était l’une de ces gitanes que l’on voyait parfois danser en ville et dont les voix portaient les accents de pays bien lointains de ce petit bout de France constamment sous les feux de sa puissante voisine lorraine.

« Seigneur, mademoiselle Christine, mais que faites-vous ? »
Interrompue dans son jeu par la jeune femme qui lui servait de chaperon, le jeune Bauffremont tourna un regard peu amène vers la porte qu’elle n’avait pas entendu s’ouvrir.
« Je ne suis pas mademoiselle Christine, je suis Almarita et je danse ! répliqua-t-elle en désignant son ouvrage de borderie.
- Allons, ne dites pas de bêtises, mademoiselle ! Votre mère vous cherche partout.
- Ma mère est restée en Espagne pour s’occuper des mes petites sœurs, elle ne peut pas me chercher ici, à Paris !
- Pour l’amour du ciel, mademoiselle, rendez-moi cela, exigea la domestique en essayant de récupérer le faux tambourin, et cessez cette mascarade. Vous êtes attendue au salon. »
Non sans avoir une dernière fois protesté qu’elle ne voyait pas de quoi lui parlait Gisèle, Christine baissa enfin les bras et, abandonnant sa scène improvisée, dut se résoudre à descendre auprès de ses parents.

« Eh bien, vous voilà ! lança Marguerite, debout derrière un fauteuil sur lequel se trouvait un jeune homme que n’avait jamais vu la fillette. »
Avec élégance, elle s’inclina face à cet inconnu.
« Pardonnez-moi mère, je jouais, s’excusa-t-elle. »
Balayant l’excuse d’un geste, Marguerite se tourna vers son mari. Trop occupé à deviser avec un vieillard aux cheveux forts blancs, il n’avait pas adressé un regard sa fille qui garda docilement le silence jusqu’à ce qu’il n’ait terminé sa conversation.
« Mademoiselle, voici le comte de Vaubecourt. Son domaine est voisin au nôtre. Et voici son fils, Henri. Il sera votre époux, un jour. »
A ces mots, Christine ouvrit de grands yeux, dévisageant son père sans comprendre. Comme personne ne reprit la parole, elle se tourna vers le jeune homme en question. Il avait les cheveux blonds, et de grands yeux bleus. Il avait le visage doux, et l’air agréable, peut-être même ressemblait-il un peu à son frère, Claude François. Mais ce que la fillette ne comprit pas, c’est pourquoi est-ce qu’on lui parlait d’un époux alors qu’il était évidemment bien plus âgé qu’elle.
Face à son silence, Henri, qui venait de voir commencer sa dix-septième année, se leva et offrit à la fillette un sourire qui se voulait rassurant.
« C’est un honneur, mademoiselle Christine, lui assura-t-il doucement en portant sa petite main à ses lèvres. »

Le rouge aux joues, elle le fixa un instant, puis réalisant le poids des regards posés sur elle, fit une maladroite révérence, balbutiant quelques mots qu’elle-même ne put comprendre. Là-dessus, le marquis de Bauffremont renvoya la demoiselle, qui s’éclipsa sans se faire prier, suivie de près par Gisèle et sa mère. Dans son dos, elle entendit la voix de son père s’élever à nouveau. C’était une alliance importante que celle qui serait un jour scellée par ce mariage ; une alliance entre domaines frontaliers de la Lorraine qui permettrait de résister de façon plus soutenue et harmonieuse aux réguliers assauts de celle-ci. Idée ingénieuse, sans doute, mais qui dépassait de bien loin ce que pouvait y entendre une enfant de six ans.
Une fois sa chambre rejointe, Christine s’assit sur son lit, et leva les yeux vers Marguerite.
« Vais-je me marier bientôt, mère ? demanda-t-elle d’une petite voix.
- Dans quelques années, lorsque vous en aurez l’âge. »
A ces mots, elle hocha la tête, arborant un instant cet air grave qui n’allait pas à la fillette qu’elle était. Satisfaite de sa réponse, elle se leva, et passa dans la pièce attenante à sa chambre depuis laquelle lui parvenait les éclats de ses deux frères. Marguerite, un petit sourire aux lèvres, ferma la porte derrière elle, songeant qu’il serait toujours temps de lui donner plus d’explication dans quelques temps. Après tout, elle n’avait jamais que six ans.

***
SCÈNE 2: 1648
« Où est l'enfance est l'âge d'or. »


« Christine, je ne veux pas être Madeleine, elle n’est pas importante du tout ! s’exclama l’une des fillettes que la jeune Bauffremont avait réussi à enrôler dans son grand projet.
- Bien sûr que si, je ne t’ai pas encore tout dit, c’est tout, mentit-elle sans sourciller, avant de se tourner vers Charles Louis avec lequel elle semblait comploter depuis quelques minutes déjà. »
Satisfaite, l’insatisfaite se tut, persuadée d’apprendre dans quelques minutes qu’elle avait en fait le rôle le plus important de la pièce. L’aplomb avec lequel Christine savait raconter mensonges sur mensonges avait quelque chose d’impressionnant, et elle n’avait généralement pas le moindre souci à tromper son monde. Aussi n’eut-elle pas à se préoccuper plus longtemps de Diane, dont la déception attendrait. Pour l’heure, elle avait un problème bien plus grave : les costumes. Sa petite pièce avait un texte, des acteurs, et même un semblant de décor. Mais aucun des enfants réunis autour d’elle n’était habillé comme il le fallait.
« L’histoire se passe il y a longtemps, Charles ! chuchota-t-elle à l’intention de son frère jumeau. Si vous restez dans ces tenues, ça ne va pas fonctionner ! S’il te plaît, viens avec moi… »
L’espace d’un instant, le jeune garçon resta silencieux, dévisageant sa sœur l’air circonspect. La malle contenant de vieux habits dont elle lui parlait existait bel et bien, mais elle se trouvait dans une pièce du château dont on leur avait formellement interdit l’accès.

« Bon d’accord, bougonna-t-il. Mais vite alors, pendant que mère est en bas. »
Ravie, Christine opina du chef et se retourna, annonçant à ses camarades qu’elle revenait bientôt. Là-dessus, elle entraîna son frère par la main, et tous deux quittèrent le salon dans lequel on les avait autorisés à s’installer pour monter ce que Christine appelait « son premier spectacle ». A sept ans bien sonnés, elle n’avait rien perdu de son imagination, et s’était même mis en tête de monter sa propre pièce. Une grande partie de la famille la plus proche étant réunie pour quelques jours, à l’occasion d’elle ne savait quelle fête, elle n’aurait pu trouver meilleure occasion de mettre sa jeune plume à l’épreuve.
A cette idée, elle sentit une petite boule lui nouer la gorge. La pression lui semblait énorme, d’autant que dans les spectateurs, au milieu des oncles, tantes et parents, se trouverait Henri, auquel elle souhaitait plaire. Les mœurs, l’éducation stricte et les explications de sa mère avaient eu raison d’une partie de ses angoisses, et puisqu’il devait en être ainsi, elle avait rapidement séché les pleurs qu’avait fini par lui tirer l’annonce de son futur – et lointain – mariage. Et il y avait plus : contrairement à ce que la petite fille redoutait, Henri se comportait avec elle en gentleman et en tendre grand frère. Les dix ans qui les séparaient semblaient toujours un véritable gouffre à Christine, mais au moins en était-elle bien moins effrayée que dans les premiers mois.

« Dépêche-toi, Charles ! marmonna-t-elle en courant silencieusement dans les couloirs du vieux château. »
Faisant fi des remontrances de son frère, elle parvint enfin à la porte de la pièce dans laquelle on avait remisé toutes sortes de vestiges des temps qu’avait vu passer la demeure. Un véritable trésor aux yeux de Christine qui ne put s’empêcher d’aller fouiller un peu partout, malgré les avertissements de Charles Louis qui craignait qu’on ne les trouve ici.
« Regarde ! s’exclama-t-elle soudain en brandissant une vieille épée de théâtre. »
Elle ignorait pouvoir trouver de véritables accessoires ici ! Curieux également, le garçons s’approcha et saisit la seconde lame de bois.
« En garde, sorcière ! lança-t-il en se plaçant devant sa sœur. »
Le prenant au mot, celle-ci pouffa et se planta face à lui en le menaçant de l’embrocher et d’en faire son prochain dîner. A cette provocation, ils éclatèrent tous deux de rire, avant de s’élancer, et de se livrer à un combat valeureux que Christine aurait été bien en peine de remporter. Elle allait s’avouer vaincue et annoncer qu’il fallait redescendre quelques costumes lorsque soudain, la porte de la pièce s’ouvrit, les clouant sur place.

« Que faites-vous là, jeunes gens ? demanda sévèrement Marguerite. Je vous ai formellement défendu de monter ici, vous le savez !
- Mais mère… tenta Charles Louis.
- C’est Constance, mère, s’empressa de la couper Christine, en ouvrant de grands yeux faussement étonnés. Elle nous a autorisés à monter pour prendre des costumes pour la pièce.
- Constance sait pertinemment que je ne veux pas que vous montiez, cessez de me mentir, Christine.
- Je ne mens pas ! s’exclama la fillette en lâchant son épée. S’il vous plaît, mère, laissez-nous prendre ce qu’il y a dans la malle ! Constance nous a promis que vous ne seriez pas fâchée… »
L’échange dura encore l’espace de quelques répliques. Sans se démonter un instant, la fillette assura à sa mère qu’ils ne désobéiraient plus jamais, et lui demanda de ne pas gronder Constance qui avait simplement voulu être gentille avec eux. Vaincue, Marguerite accepta, et demanda même à Claude François de les aider à descendre la malle.
Alors que le jeune homme, alors âgé de treize ans, et un autre cousin se saisissaient du coffre, Christine adressa un grand sourire à Charles Louis. Qu’il faille mentir ou non, elle arrivait toujours à ses fins.
« Tu as vraiment demandé à Constance ?
- Non, elle ne nous aurait pas laissés, répondit-elle en haussant les épaules.
- Christine… tu es une bonne menteuse, commenta Charles à voix basse.
- Je sais. Allez, viens, il faut finir la pièce. »

L’histoire inventée par Christine eut son petit succès auprès de ses spectateurs, Henri y compris, pour le plus vif plaisir de la demoiselle. Sous les quelques applaudissements, elle s’inclina gracieusement, un grand sourire aux lèvres et le rouge aux joues.
Même son père semblait avoir apprécié, lui qui ne lui accordait guère d’attention. Les récentes négociations de Westphalie, les Trois Evêchés de Metz, Toul et Verdun récupérés, le relâchement de la pression qu’exerçait la Lorraine sur le domaine, en avaient fait un homme bien moins taciturne qu’à l’accoutumée, malgré l’agitation qui semblait avoir gagné Paris. On disait les parlementaires mécontent, mais les nouvelles n’étaient encore qu’imprécises, aussi ne s’inquiétait-il pas outre mesure. Bauffremont était loin de la capitale, et les troubles pouvaient encore les épargner. Pour l’heure, l’atmosphère semblait bel et bien à la fête.
Mais comme souvent en ce monde, il s’agissait là d’une bonne chose qui n’était pas sans fin.

***
SCÈNE 3 : 1649
« La famille, ce havre de sécurité, est en même temps le lieu de la violence extrême. »


Etait-ce réel, ou bien un tour de son imagination trop florissante, Christine n’aurait su le dire. Mais peu importait à la fillette qu’il s’agisse d’une illusion ou non : pour elle, l’air sentait la guerre. Et pas n’importe laquelle : la guerre civile, fratricide selon certains, plus destructrice encore que celles qui se faisaient contre l’étranger et soudaient les nations. La France, elle, semblait sur le point de se déchirer et même depuis sa lointaine contrée, du haut de ses huit petites années, la fillette le sentait. Implicitement, difficilement, mais elle le sentait. La guerre, celle qui faisait sans cesse peser sa menace du côté de la Lorraine voisine, mais de l’intérieur cette fois. Ses professeurs avaient déployé bien trop d’efforts visant à la garder attentive à ses leçons d’histoire pour qu’elle se laisse duper.
« Père est-il allé se battre contre les Lorrains, mère ? »
Malgré toute la bienséance qu’on s’échinait à lui enseigner, elle n’avait pu tenir sa langue, troublant le silence pesant qui s’était installé dans la grande et sombre salle à manger.
« Ces questions ne sont pas des questions de jeune fille, Christine. Mangez. »
Ce fut là la seule réponse qu’elle put obtenir. Rouge à la fois de frustration et de honte de s’être ainsi faite rabrouer, la demoiselle baissa les yeux sur son assiettes. A ses côtés, Charles Louis esquissa un sourire amusé et lui envoya un petit coup de pied sous la table. Le regard noir qu’il s’attira ainsi le ne satisfaisant pas, il recommença, invitant d’un sourire Claude François à se joindre à lui, si bien qu’au bout de quelques secondes, Christine ne put retenir un éclat de rire étouffé et contagieux.

« Voyons les enfants, est-ce une façon de se tenir ? gronda Marguerite qui n’était définitivement pas d’humeur à supporter la moindre contrariété. »
Elle les tança sévèrement du regard, mais rien ne pouvant aller contre le fou rire qui s’était emparé des trois enfants, elle finit par leur permettre de se retirer. Heureux d’échapper à l’atmosphère trop pesante que faisait régner la mauvaise humeur de leur mère, ils s’éloignèrent rapidement, gagnèrent la chambre de Christine et en refermèrent malicieusement la porte au nez de Gisèle.
Réunis sur le grand lit qui trônait au centre de la pièce, ils tentèrent de reprendre leur souffle, mais explosaient à nouveau de rire à chaque fois que leurs regards se croisaient. Il leur fallut quelques longues minutes pour se remettre, et se rendre compte qu’ils ne savaient même plus d’où leur venait cette hilarité.
« J’ai entendu mère parler hier. Ce sont les Espagnols, souffla soudain Claude François. Ils ont envahi la Picardie. »
Christine et Charles Louis l’observèrent un moment, partagés entre ce qui leur semblait être une nouvelle importante et l’étrange impression que leur faisait parfois ce frère si sérieux. Qu’il était drôle de le voir se donner ainsi des airs qui s’approchaient de ceux de père ! Christine l’avait même entendu réclamer à ce dernier qu’il lui écrive du front afin de le tenir informé.

« Ce sont les Espagnooooooools, ils sont en Picaaardie, singea-t-elle avec une grosse fois, poitrine gonflée. »
A nouveau, elle explosa de rire, bientôt imitée par Charles Louis.
« Ne vous moquez pas ! grommela l’aîné. Arrêtez, ou vous le regretterez ! »
La demoiselle s’interrompit un instant, lui offrit un grand sourire et lui tira la langue, avant de reprendre son imitation. Quelques secondes seulement car brusquement, le voyant menacer de l’attraper, elle bondit hors du lit et courut à l’autre bout de la pièce, la remplissant à nouveau d’éclat cristallin. Charles Louis, resté sur le lit, encourageait sa jumelle, et n’hésita pas à lancer les coussins qu’il avait sous la main sur son frère.
« Traître ! enrageait faussement celui-ci ! »
Voyant qu’on avait cessé de la poursuivre, Christine s’arrêta au milieu de la chambre, cheveux défaits et robe débraillée. Surprenant son reflet dans le miroir, elle grimaça. Si mère la voyait ainsi, nul doute qu’elle aurait droit à une sévère remontrance.
« Pourquoi les Espagnols ? demanda-t-elle soudain, profitant d’une accalmie pour revenir vers le lit. »
Avec un sourire, Claude tenta d’expliquer rapidement à sa jeune sœur quels troubles agitaient la France, et l’intérêt que pouvaient avoir les Habsbourg à profiter de cette Fronde pour rogner quelques morceaux du royaume.
« Père est en Picardie ? interrogea Charles Louis.
- Oui, mais il m’a promis qu’il ne tarderait plus.
- Il va gagner ? s’anima Christine, que ces questions guerrières intéressait. »

Au silence qui s’en suivit, elle comprit que Claude ne pouvait donner de réponse certaine à cette question là. Les années passant, elle se rendrait compte qu’il ne lui avait jamais rien assuré qui ne soit certain, il était bien trop raisonnable pour cela. Mais pour l’heure, elle se contenta de hausser les épaules. Père reviendrait, il revenait toujours. Et s’il ne le faisait pas, bien que cette idée lui tirât des frissons, elle savait que Claude saurait les protéger. N’était-ce pas là son rôle ? Tout comme celui de Charles Louis, lorsque lui aussi aurait atteint l’âge adéquat. Serait-elle déjà mariée quand viendrait cet âge ?
« A quoi penses-tu petite Christine ? demanda Claude en la voyant songeuse.
- A plus tard, répondit-elle. J’aime bien imaginer.
- Christine, raconte-nous une histoire ! intervint soudain Charles Louis, brisant un nouveau silence.
- Seulement si tu me donnes un début, répondit-elle en s’allongeant, la tête entre les oreillers.
- Il était une fois deux princes et une princesse qui vivaient dans un pays dont on ne connait pas le nom… »

Christine raconta de nombreuses histoires à ses deux frères, dans lesquelles se mêlaient aux vieilles légendes familiales celles qui hantaient les forêts de leur pays et les rumeurs que l’on y entendait courir. Des heures durant, elle pouvait parler, et cette fois encore, elle raconta, encore et toujours, jusqu’à ce que le sommeil ne la surprenne. Lorsque sa petite voix s’éteignit pourtant, pas un de ses deux frères ne bougea. C’est sans surprise que le jour les trouva ainsi le lendemain, chacun appuyé sur l’une des épaules de Christine qu’un rêve avait blotti contre son jumeau.
C’est le bruit d’une cavalcade qui tira la demoiselle de son sommeil. Le temps d’ouvrir les yeux, elle réalisa ce qu’un tel réveil pouvait signifier et, en un bond, fut dressée sur ses draps.
« Charles, réveille-toi ! Claude ! Père est là ! »
Vigoureusement, elle les secoua et s’extirpa des draps, tout en continuant à les appeler. Avisant sa mise défaite, elle s’arrêta net devant un miroir, réalisant soudant qu’elle n’oserait jamais sortir ainsi.
« Eh bien Christine, tu viens ? demanda Claude François qui avait fini par se lever.
- Je ne peux pas voir père dans cette tenue… souffla-t-elle, déçue de ne pouvoir l’accueillir dès son arrivée. »
Si le marquis de Bauffremont n’accordait pas une grande attention à sa fille, celle-ci avait toujours essayé de combler ce manque en lui paraissant exemplaire en tout point.
« Allons, descend donc avec nous. Je suis certain qu’il sera content de te voir arriver la première. »
Sur ces mots, il saisit la main de sa jeune sœur et l’entraîna à sa suite.

Claude de Bauffremont père, marquis de Listenois et de Meximeux ne fut pas plus touché par l’arrivée de sa fille qu’il ne l’avait été par les cadavres laissés derrière lui sur le champ de bataille. En revanche, il lui adressa bel et bien un regard pour l’occasion : une œillade perplexe, accompagné d’un simple commentaire sur sa tenue.
« Il est fort heureux que monsieur votre fiancé ne soit point de nôtres. »


***
SCÈNE 4 : 1650
« La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence. »


« Cessez de vous agiter ainsi, mademoiselle Christine, ou cette robe ne sera jamais ajustée correctement, grommela Constance alors qu’un geste maladroit de la part de la petite Bauffremont venait de déranger l’une des aiguilles qu’elle avait placé dans l’étoffe. »
La demoiselle soupira, et croisa les bras contre sa poitrine. Elle se moquait éperdument de cette robe bien trop grise à son goût et n’avait que faire des remontrances de l’aigrie domestique. Il y avait bien trente minutes qu’on la forçait à rester immobile pour vérifier la coupe de nouveaux vêtements que l’on venait de recevoir du tailleur, et cette séance l’ennuyait profondément.
La voir s’impatienter n’avait rien d’étonnant, la connaissant. Lorsqu’elle ça n’était pas pour rêver à une nouvelle histoire à raconter, il était bien rare de la voir rester en place bien longtemps. Et aujourd’hui, à cette enfantine impatience s’ajoutait une toute autre sorte de fébrilité : sa mère, quoi que malade, lui avait promis de monter écouter la lecture de la courte nouvelle qu’elle avait écrite. Or l’heure tournait, et personne ne l’avait encore annoncée.
« J’en ai assez, Constance ! s’exclama-t-elle soudain lorsqu’une des épingles lui eut entaillé le bras. Elles sont très bien comme ça.
- Je n’en aurais plus pour longtemps si vous arrêtiez de remuer, mademoiselle.
- N’entendez-vous pas quelqu’un venir ? »
Constance secoua négativement la tête, et Christine se renfrogna. Mère détestait que l’on entre dans ses appartements sans y avoir été invité, et son état empirant n’était pas pour arranger son humeur à ce sujet. C’était bien la seule et unique raison pour laquelle la fillette ne s’y était pas déjà précipitée.

« Voilà, c’est terminé. Prenez garde en la retirant, elle est pleine d’aiguilles. »
Satisfaite d’être libérée de la femme de chambre ainsi que de la robe, Christine s’exécuta avec plus ou moins de délicatesse puis alla rapidement remettre une tenue non minée d’épingles. Pour passer le temps, elle s’attacha à lisser correctement ses boucles blondes, s’adressant une série de moues perplexes dans le miroir jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de l’effet. Père n’était pas là, mais nul doute qu’il n’aurait rien eu à redire, cette fois.
Fin prête, elle jeta un nouveau regard sur l’horloge. Il était quinze heures passées, et personne ne semblait se soucier d’elle. La déception commençant à poindre, Christine se mit à tourner en rond dans sa chambre. Dehors, et malgré le froid hivernal de ce début d’année, lui parvenaient les cris de ses deux frères mais cette fois, elle n’avait pas la moindre envie de les rejoindre. Lasse, elle se laissa finalement tomber sur un fauteuil, le tout dans un froissement de tissu qui fit grincer les dents à sa camériste attitrée.
« Oh, Constance, j’ai entendu quelque chose de très amusant, hier, lança-t-elle après une longue poignée de minutes, les yeux brillants. »
Penchée sur son ouvrage, l’intéressée hocha la tête, et ne vit pas tout de suite la fillette s’approcher, jusqu’à s’asseoir sur la chaise à ses côtés.
« Vous devriez écouter, je suis certaine que cela vous plairait.
- Et qu’avez-vous entendu mademoiselle ? »

Satisfaite d’avoir l’intention de Constance, Christine s’appuya contre le dossier de son siège, regard levé vers le plafond de sa chambre. Elle n’avait rien entendu la veille, ni les jours précédents. Mais elle s’ennuyait, et Constance était un sujet si coopérant sur lequel exercer ses talents de conteuse – et de menteuse – qu’elle ne pouvait s’empêcher de se lancer de ce genre de récits.
« Il paraît que le palefrenier vous aime beaucoup, lâcha-t-elle innocemment, non sans surveiller du coin de l’œil la réaction de la jeune femme. Au rouge qui monta aux joues de celle-ci, elle esquissa un petit sourire. Je vous jure que je l’ai entendu ! Il parlait avec Antigone – ce que d’ailleurs je trouve idiot : à quoi bon parler à un cheval ? – et lui disait qu’il aimerait que vous soyez plus souvent avec lui.
- Vraiment ? marmonna Constance en faisant mine de ne pas s’intéresser aux paroles de la demoiselle.
- Vraiment ! Et puis il a dit plein d’autres choses à votre sujet, et à propos de Gisèle. Oh, et puis je l’ai vu écrire quelque chose dans un petit livre. Heureusement que… »

Sans doute aurait-elle continué un moment ainsi, si un bruit de course dans le couloir n’avait pas brusquement attiré son attention. D’un bond, elle fut debout, et à la porte de sa chambre derrière laquelle elle n’eut que le temps d’apercevoir un jeune page avant qu’il ne soit bousculé par un Charles Louis aux traits bouleversés.
« Christine, viens vite ! C’est mère, elle… »
Il ne put finir sa phrase, sa voix s’étant brisée dans un premier sanglot. Muette d’effroi, Christine resta immobile d’abord. Elle avait blêmi, et il fallut que Constance ne la pousse en direction de son frère pour qu’elle réalise l’urgence de la situation. Prise de panique, elle attrapa sa main et dévala les escaliers à ses côtés, faisant fi de toutes les sévères règles qui régissaient la vieille demeure. Rapidement, ils furent sur le pas de la porte, et la vision qui s’offrit aux yeux de la demoiselle lui glaça le sang. Tordue de douleur dans son lit, ça n’était plus de la bile que recrachait Marguerite, mais un sang noir dont les draps étaient maintenant maculés. Le visage couvert de sueur, elle ne pouvait émettre pour tout son que des râles rauques, et n’eut sans doute pas même conscience de l’entrée des enfants dans la pièce.

Christine, après avoir été un instant figée d’horreur, voulut tourner les talons et s’enfuir le plus loin possible, mais les deux mains puissantes de son père se posèrent soudain sur ses épaules, l’empêchant de faire le moindre mouvement. Elle frissonna et ne put s’empêcher de lever à nouveau les yeux vers la moribonde, au dessus de laquelle un prêtre s’échinait à débiter quelques prières auxquelles personnes ne semblait rien entendre. Mais peu importait le latin, tout ce qu’elle entendait, c’étaient les cris de douleur que sa mère ne pouvait retenir, elle qui aurait tué plutôt que d’abandonner sa dignité.
Cet ultime élan d’agonie dura de longues minutes. Les yeux grands ouverts, la jeune fille ne put un instant se détacher de l’horrible spectacle. Le sang avait déserté son visage, et lorsque Marguerite se fut enfin et définitivement apaisée, la pâleur de sa fille n’avait rien à envier à celle du cadavre. Immobile, elle ne sentit pas les larmes qui avaient commencé à rouler le long de ses joues, et entendit à peine les paroles que son père échangea avec le prêtre. A ses yeux, il n’y avait plus rien dans cette pièce qu’elle, et ce macchabé trop ignoble pour être réellement tout ce qu’il restait de sa mère.

« Christine ? Christine ! C’est fini, ne reste pas là. »
La voix de Claude François, comme tout droit sortie d’un cauchemar, ne parvint à la ramener à la réalité, et il fallut aux deux garçons plus de force qu’ils ne l’auraient pensé pour lui faire faire ne serait-ce que quelques pas en arrière. L’attrapant fermement par le poignet, Claude fini par réussir à la sortir de la chambre, et à l’éloigner du cadavre auprès duquel restèrent le prêtre et le marquis. Charles Louis suivi son frère, retenant difficilement ses larmes.
« Allez petite sœur, réveille-toi, souffla Claude en secouant la fillette. »
Il lui fallut encore quelques efforts, et l’aide de son cadet pour la sortir de sa torpeur.
« Mère est-elle morte ? murmura-t-elle soudain. »
Claude hocha la tête, en se mordant la lèvre. Choquée, elle éclata brusquement en sanglots, et s’effondra dans les bras de son aîné, les prunelles hantées par le funeste spectacle que venait de lui donner la mort. Ce fut une véritable crise d’angoisse qui la saisit, et face à laquelle ses frères, puis son père ne surent comment réagir. Ce dernier, oubliant sa rudesse habituelle, finit par la prendre dans ses bras, et l’amener à sa chambre, où elle s'endormit, épuisée de ses propres larmes. Ce fut là l’un des rares gestes de tendresse qu’il eut jamais à son égard. Claude de Bauffremont n’était pas un être cruel, loin de là. Mais sa dureté, son sens du devoir et de la raison l’empêchèrent toujours de voir combien pouvait être fragile sa fille.
Lorsqu’elle se fut enfin calmée, et qu’il l’observa un instant s’enfoncer dans un sommeil encore agité de faibles sanglots, il ignorait les conséquences que devaient avoir la scène à laquelle elle venait d’assister sur Christine. Ni lui ni personne n'avait idée de ce que son geste pouvait avoir déclenché.



Dernière édition par Christine de Listenois le 19.04.12 19:11, édité 6 fois
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ACTE

DEUX

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Scène 1 : 1652
« La mort a toujours tort. »


C’est avec une véhémence qu’on lui avait rarement vue que le marquis de Bauffremont avait renvoyé l’ambassadeur de Charles IV, duc de Lorraine, en lui intimant de ne plus passer les frontières du domaine sous peine de se voir sévèrement châtié. Marguerite était morte depuis deux ans, mais rares avaient été les moments où Claude avait pu songer à faire le deuil de la seule femme pour laquelle il avait jamais eu une véritable estime. Les troubles qui agitaient le royaume de France avaient, au contraire, monopolisé une grande partie de son attention. La Fronde s’était délayée, puis embrasée à nouveau. Les Princes arrêtés, puis libérés, le pays n’avait pas tardé à se déchirer ; et il n’avait guère fallu plus de temps pour que les puissances étrangères tentent de tirer leur épingle du conflit. L’Espagne était intervenue, et c’était également le souhait de son éternelle alliée lorraine, volonté qui plaçait une fois de plus les terres des Bauffremont dans une position pour le moins délicate.
C’était cette position qu’avait voulu éclaircir Charles IV, qui tentait de rallier à lui les domaines frontaliers. Mais une fois de plus, le duc de Lorraine s’était heurté à la fidélité sans faille des Bauffremont au roi de France. Ça n’était pas la première fois, loin de là, et certainement pas la dernière que la famille prenait le parti de la royauté.
« Sachez une chose, mon fils, avait lancé le marquis à son aîné, jamais les Bauffremont n’ont failli à leur devoir : servir le roi de France. »

Deux jours étaient passés depuis l’échec de l’émissaire de Charles IV. Deux jours durant lesquels l’on avait attendu une quelconque réaction de la part de celui-ci, en vain. Bien que tenue à l’écart de ces questions par son père, Christine elle-même avait pu sentir que quelque chose se tramait. La crispation du marquis ne lui avait pas échappée, pas plus que celle de Claude François, dont les traits fermés lui auraient sans douté tiré l’une de ces violentes bouffées d’angoisse auxquelles elle était sujette depuis la mort de sa mère s’il ne l’avait rassurée.
Là encore, ça n’aurait pas été la première fois. La disparition de Marguerite et le spectacle auquel elle avait assisté avaient laissé une profonde marque sur la jeune demoiselle. Les mois qui avaient suivi le décès, elle s’était comme éteinte, et brusquement renfermée sur elle-même. Il avait fallu à ses gouvernantes dépenser des trésors de persuasion pour la faire sortir, et lui tirer quelques mots. Pendant un temps, elle avait cessé de raconter des histoires, malgré les demandes incessantes de Charles Louis. L’on avait été jusqu’à mander un médecin, qui n’avait rien pu faire d’autres que de préconiser de la patience. La mort de Marguerite l’avait choquée, cette longue et sombre réaction en constituait une sorte de contrecoup.
Six mois étaient passés, avant que l’on puisse voir une amélioration dans son état. Deux ans plus tard, la crise semblait être passée, et sa vivacité habituelle lui était revenue, et avec elle, son imagination. Seules restaient les angoisses sourdes, et les cauchemars, plus ou moins récurrents.

Le temps était à l’orage en ce jour de juin lorsque, préférant l’instabilité du ciel au plafond de sa chambre, la jeune Bauffremont avait réussi à convaincre Gisèle de la laisser sortir. Seule dans les immenses jardins du château, elle jouait à donner une histoire aux deux cygnes qui semblaient s’enlacer sur le lac. Depuis la couche confortable qui lui faisait une herbe bien verte pour ce début d’été, elle les imaginait comme un prince et sa fiancée, maudits et déchus de leur forme humaine pour avoir osé défier le destin. Jamais on ne les séparerait, avaient-ils jurés, avant de se voir dotés d’un plumage blanc et d’un long bec orange. Depuis, ils erraient sur le lac, prisonniers d’une forme qui n’était pas la leur et dont personne ne savait s’ils souhaitaient sortir ou non, au risque de se voir enlevés l’un à l’autre.
Christine en était là de l’histoire, à la recherche d’une chute, qu’elle soit heureuse ou non, lorsqu’un hurlement la fit se redresser. Blême, elle resta immobile d’abord, mais de nouveaux bruits étouffés la poussèrent à se lever complètement. Elle s’était un peu éloignée du château, et les bois qui formaient l’extrême limite du royaume français et des terres de Bauffremont n’étaient plus qu’à quelques minutes de marche. C’est de là que lui parvenait, plus ou moins distinctement, les bruits d’une bataille. Un instant, elle hésita. Puis, poussée par la curiosité au moins autant que par l’inquiétude, elle ramassa son manteau et quitta ses deux cygnes maudits.

Il lui fallut une bonne dizaine de minutes pour se repérer, et gagner ce qu’elle présumait être les lieux de la rixe. Le cœur battant de plus en plus fort au fur et à mesure, car elle avait reconnu la voix de ses deux frères, Christine dut faire une pause derrière un bosquet, complètement essoufflée. C’est à cet instant qu’elle les vit. Ils étaient six, perchés sur de hauts et imposants chevaux. Sur leurs vêtements, lui apparurent clairement le blason qui hantait ses leçons d’histoire et les craintes de la famille. Etouffant un cri, elle s’enfonça dans un buisson, priant de toutes ses forces pour qu’ils ne l’aient pas vue et passent sans s’arrêter. Entraînés dans leur course, c’est ce que firent les cavaliers lorrains.
Pendant quelques longues minutes, elle resta immobile, en essayant de respirer le moins possible. Ça n’est que lorsqu’elle fut certaine qu’ils étaient trop loin pour revenir sur leurs pas qu’elle osa sortir, et franchir les derniers mètres qui la séparaient de la clairière d’où lui étaient parvenus les cris.

Pour la seconde fois de sa courte vie, Christine sentit son sang se glacer, mais n’eut cette fois d’autre choix que de courir rejoindre ses deux frères, dont l’un était appuyé contre le tronc d’un arbre et l’autre gisait au sol.
« CLAUDE ! hurla-t-elle en se précipitant vers son aîné. »
Celui-ci, une vilaine blessure à l’épaule, leva les yeux vers sa sœur, et la rattrapa alors qu’elle manquait de trébucher sur une arme.
« Christine, qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, sévère, en réprimant une grimace de douleur. Rentre tout de suite ! »
Christine s’éloigna, effrayée par le sang qui coulait sur le bras du jeune homme, et venait de créer une large tâche sur sa robe. Alors que Claude essayait d’attirer son attention vers lui, elle tourna la tête et se figea à nouveau, les yeux agrandis d’horreur. A quelques pas de là, gisait Charles, étendu dans une marre de sang, si bien qu’elle ne sut dire d’où coulait celui-ci.
« Ch… Charles, suffoqua-t-elle.
- Ecoute-moi, Christine ! lui intima Claude en l’attrapant par les épaules. Tu vas courir chercher père, d’accord ? Tu cours, et tu ne t’arrête pas, suis-je clair ? »

Tremblante, elle hocha vigoureusement la tête, mais ne put esquisser le moindre geste si ce n’est celui de tourner à nouveau la tête vers le corps de Charles, qui remuait faiblement.
« Allez petite sœur, s’il te plaît !
- Est-ce qu’il est…
- Pas si tu vas chercher de l’aide ! Maintenant ! »
Rassemblant toutes ses forces, elle quitta Claude, et s’élança vers le château. Elle ne s’arrêta pas cette fois-ci, ignorant la brûlure de ses poumons, et déboulant comme une furie dans l’immense bâtisse.
« PERE ! hurla-t-elle, à plusieurs reprises, en se laissant tomber au centre de l’entrée. GISELE ! PEEEEEEEEEERE S’IL VOUS PLAIT ! »
Elle appela tant et si bien que les domestiques et le marquis se trouvèrent rapidement réunis autour d’elle. A bout de souffle, elle raconta l’essentiel, et en moins de cinq minutes, son père entraîna cinq hommes à sa suite pour récupérer ses deux fils.
La punition lorraine pour son refus venait d’être donnée. Pour cela, jamais Christine ne devait ravaler sa rancœur, sa colère et sa haine à l’encontre de ces belliqueux voisins.

Si Claude François n’avait écopé que d’une profonde entaille à l’épaule, l’état de Charles Louis s’avéra bien plus grave. Les multiples blessures et le récit que fit son frère de l’attaque montraient qu’on lui en avait voulu à lui spécifiquement. Alité et soigné, son état ne fit pourtant qu’empirer, et ce une semaine durant. Faisant fi de toutes les instructions des médecins et des précautions que l’on avait pris pour qu’elle ne puisse trop approcher du chevet du blessé, Christine passa de nombreuses heures à le veiller, oscillant entre les larmes, l’angoisse, et une fébrilité qui n’avait aucune commune mesure avec son agitation habituelle.
Les médecins eurent beau se presser autour de l’enfant, le dix juin, alors que les troupes de Charles IV commençaient à reculer contre Turenne, Charles Louis rendit son dernier soupir. Christine s’était endormie auprès de lui, et ça n’est qu’une heure après la mort de son frère jumeau qu’elle ouvrit les yeux, essayant en vain de l’éveiller à son tour.

Aux hurlements de sa sœur, Claude pénétra en trombe dans la chambre. Livide, le corps de Charles dans ses bras, elle criait son désespoir à en perdre la voix. Lorsque l’on voulut la séparer du cadavre, elle se débattit violemment, tant et si bien qu’elle parvint à griffer jusqu’au sang l’un des domestiques. Le marquis et son fils eurent plus de mal encore à la maîtriser. De la démence, mêlée de colère, et d’une horreur sans nom, c’était ce que l’on pouvait lire dans ses yeux. Deux heures durant, lorsqu'on eut réussi à l'y amener, elle tourna dans sa chambre comme un lion que l’on vient d’enfermer, secouée entre les larmes et les hurlements, enfonçant un poignard dans le cœur de son frère et une crainte dans l’esprit de son père à chacun de ses cris. La crise de folie passée, elle resta plantée au centre de la pièce, fébrile au possible. Cette fois encore, il ne fallut plus qu’attendre qu’elle se laisse d’elle-même glisser dans le sommeil, qui tenait plus qu’une moitié de comas que d’autre chose.

Ce nouvel accès inquiéta bien plus père et fils que le précédent. Charles Louis et Christine étaient on ne peut plus proches l'un de l'autre, et ils redoutaient – avec raison – que la disparition du jeune garçon n’ait de sérieuses conséquences sur l’état de sa sœur.
S’ils ne purent s’en rendre immédiatement compte, l’avenir devait confirmer leurs craintes. Son frère, son Charles était mort. Et avec lui, avait disparu cette mince barrière entre l’esprit de la fillette, et les troubles qui la guettaient.

***
Scène 2 : 1653
« Une femme dans un salon est une fleur dans un bouquet. »


« Monsieur le marquis, mais quelle exquise fille vous avez là ! Toute la cour va se sentir outrée que vous ne lui ayez pas présenté ce petit joyeux plus tôt ! »
Claude de Bauffremont remercia d’un sourire élégant son interlocuteur, en protestant qu’il avait souhaité la garder un peu auprès de lui, sachant que Paris la lui enlèverait rapidement. L’assemblée rit avec légèreté à la plaisanterie, et la conversation se poursuivit agréablement, passant d’un sujet à un autre sans réelle transition. Les yeux pleins d’étoiles, les joues roses de plaisir et le cœur battant à la chamade, Christine découvrait quant à elle cette cour que Claude François lui avait tant vantée lorsqu’il y avait été présenté l’année précédente. Les robes, les bijoux, le luxe, tout correspondait à ce qu’il lui avait dit, et allait même au-delà de ses espérances. Mais mieux encore, il y avait ces grands esprits. Bien que jeune, sa passion pour les livres n’était pas nouvelle, et pouvoir de ses propres oreilles entendre ces grands hommes de lettres commenter leurs œuvres et celles de leur congénères la fascinait plus que tous les diamants dont ruisselaient les dames.
A son aise, quoi que faisant ses premiers pas à Paris, Christine n’avait de ce point de vue là pas trop à envier aux jeunes filles de son âge. Les années qui passaient avaient façonné en elle une ravissante demoiselle, dont les yeux bleus s’émerveillaient de tout, et n'émerveillaient pas moins. Les traits naturellement pâles, encadrés d'épaisses boucles blondes, elle avait lors de son arrivée au Louvre suscité quelques commentaires forts agréables, participant l’espace de courtes minutes aux effusions de nouveautés qui agitaient constamment la cour.

« Eh bien mademoiselle, que pensez-vous de Paris ? Est-ce la première fois que vous y venez ? »
Un sourire aux lèvres, elle acquiesça, sentant posé sur elle le regard perçant de son père. Il y avait un certain temps que ce dernier aurait voulu la présenter à la cour, mais la dernière année écoulée avait été bien trop difficile pour cela. Si les remous de la Fronde s’étaient définitivement apaisés, l’état de Christine n’avait fait que s’aggraver. Suite à la mort de Charles, ça n’est plus dans le mutisme qu’elle s’était enfoncée, mais une constante excitation aussi dangereuse qu’épuisante. Fébrile, elle allait et venait de tous les côtés, et semblait impossible à concentrer plus de quelques minutes sur une même chose. Ses discours étaient parfois incohérents tant elle changeait de sujets, et lors des moments les plus sévères, elle s’était même montrée profondément agressive.
A nouveau, aucun médecin n’avait pu se prononcer correctement. Cette longue passade terminée, elle avait à nouveau été bien plus sombre qu’à l’accoutumée, quelques semaines durant, puis semblait être redevenue l’enfant que tous avaient connu avant que la valse des morts ne soient entamée. Troubles de l’humeur, c’est ce que l’on avait diagnostiqué, au grand désarroi du marquis qui avait donc attendu d’être certain de l’état de sa fille pour la faire paraître à la cour.

Quelques instants durant, elle participa à la conversation, puis celle-ci la lassant, s’éloigna en direction de son frère qui connaissait un bref moment de solitude entre deux entrevues.
« Ah Christine, te voici ! Viens, j’ai quelqu’un à te présenter, lança-t-il en l’apercevant. »
Elle ne se fit évidemment pas prier, et le suivi au travers de nombreux convives. Le salon de mademoiselle de Scudéry connaissait un franc succès, malgré sa jeunesse. S’y croisaient de nombreux hommes de lettres et autres amoureux de romans parmi lesquels il semblait à Christine qu’elle ne saurait jamais où donner de la tête.
Par l’entremise de son frère, qui ne déplaisait pas à ces dames, la jeune demoiselle fit la rencontre de l’hôtesse des lieux, alors entourée de quelques fidèles amateurs des fameux samedis de mademoiselle de Scudéry. Impressionnée, elle ne fit cependant pas mauvaise impression, et eut même ses quelques instants de succès lorsque, souhaitant démontrer le talent de sa sœur, Claude lança en guise de début une phrase lui permettant d’inventer une courte histoire. Rouge de plaisir, elle s’inclina légèrement, puis saisit la main de son frère qui l’entraîna vers une autre assistance. Il y avait bien longtemps que le sourire qui ornait les lèvres de Christine n’avait été si sincère.

Il n’est de bonne compagnie que l’on ne quitte, cependant, et il fallut bientôt quitter Sapho et sa petite cour. Alors qu’elle faisait ses derniers adieux, la jeune Bauffremont senti peser sur elle un regard qu’elle ne tarda pas à croiser. Elle ignorait qui était l’imposant homme qui se trouvait derrière ces deux prunelles étincelantes, mais une chose était certaine : c’était la première fois qu’on l’observait ainsi. Même Henri n’avait pas cette façon de la dévisager. Esquissant un frisson, elle se détourna, et suivit son frère qui l’attendait, les pensées un instant troublées.
Christine venait d’avoir treize ans. Mais c’est à cet instant là qu’elle comprit, même confusément qu’elle pouvait plaire, et que c’était là un atout qu’il ne lui faudrait jamais laisser de côté. L’avenir montrerait assez combien forte resterait cette conviction.

***
Scène 3 : 1654
« Il faut toujours bien faire ce qu'on fait, même une folie. »


Son précieux paquet sous le bras, Christine ne jeta pas un regard en arrière lorsqu’elle sortit de l’hôtel et s’enfonça au contraire bien rapidement dans les rues alentours. Vêtue d’une robe qui ne lui appartenait pas, et enveloppée dans une longue mante pour parer au froid de ce début de printemps, elle ne put retenir un sourire éclatant lorsqu’elle se fut éloignée, certaine qu’on viendrait plus la rattraper. Il y avait trop longtemps qu’elle n’était pas sortie, trop longtemps que Claude et son père faisaient en sorte de la tenir sous surveillance et l’empêchaient de quitter les murs de l’hôtel. Quelques jours, pour être exacte, mais elle avait la sensation qu’ils ne pourraient lui avoir infligé plus cruelle torture. Christine leur en voulait, beaucoup. Dans ces moments, elle était même capable de détester son aîné, qui était ce qui lui restait de plus cher en ce monde. Elle ne comprenait pas, simplement.
Et pourtant, ça n’était pas en vain que les deux Bauffremont tentaient de l’empêcher de sortir. Si la fillette n’avait pas encore conscience de son état, nul doute que toute la cour aurait pu noter que quelque chose n’allait pas si elle y avait paru. C’était cette conversation, sans queue ni tête, et la façon dont elle était soudain passée du rire aux larmes pour une bêtise qui avait alerté Claude François. L’excitation croissante de sa sœur, son désintérêt rapide pour leur discussion avaient confirmé ses craintes. Les années passant, il commençait à comprendre quels étaient les signes, et ceux-là ne trompaient pas. Ce qu’il ne savait appeler autrement que « la maladie » de sa sœur s’était réveillée.

La réaction du père Bauffremont n’avait évidement guère tardé et, dans l’espoir que la crise soit passagère, on avait fait en sorte que Christine ne quitte pas l’hôtel parisien dont il avait récemment fait l’acquisition. Depuis, la demoiselle tournait en rond, et avait fini par coucher les folles idées qui lui passaient par la tête sur papier. Une petite nouvelle en était née, et c’était ces précieux feuillets qu’elle portait sous les bras lorsqu’elle parvint, avec la complicité d’une jeune servante, à s’enfuir. L’idée était simple : prendre un faux nom, s’inventer une fausse histoire, et tenter de faire imprimer celle-ci. Elle ne le serait pas sous son nom, mais peu importait à l’esprit troublé de la demoiselle. Et pour une fois, son attention avait réussi à se fixer.

Fébrile, elle s’arrêta dans la première auberge venue, et fit appeler un fiacre. Moins d’une demi-heure plus tard, elle filait dans les rues parisiennes, brûlante de cette familière sensation de pouvoir tout, et à tout instant. Dans ces moments, rien ne semblait pouvoir lui résister, Christine perdait toute notion de danger, agissait comme bon lui semblait, quitte à prendre d’énormes risques. Cette sortie en était un, mais dans sa folle inconscience, elle n’en avait cure.
Arrivée à la bonne adresse, ce petit bout de femme ordonna du haut de ses quatorze ans que le fiacre l’attende, et pénétra dans la petite demeure.
« Je suis Marie, marquise de Limours, annonça-t-elle sans ciller au page venu l’accueillir. J’ai quelque chose pour votre maître. »
Le jeune homme acquiesça, le regard perplexe, puis tourna les talons. Christine, toujours fébrile, fit les cent pas dans l’entrée en serrant son paquet contre sa poitrine.
« Bonjour, marquise, lança soudain une voix grave dans son dos.
- Bonjour monsieur, répondit-elle en s’inclinant légèrement, un grand sourire aux lèvres. »
La première surprise passée de voir sous les traits de cette marquise inconnue une si jeune demoiselle, le nouveau venu l’entraîna à sa suite dans un bureau en la priant de lui exposer l’objet de sa visite. Vivement, Christine déposa sur le meuble en acajou les feuilles de son manuscrit.
« Je voudrais que vous lisiez cela et que vous l’imprimiez. J’ai de quoi payer, assura-t-elle avec aplomb, bien que ça ne soit absolument pas le cas.
- Je le lirai, répondit-il en haussant un sourcil. Mais dites-moi, marquise, êtes vous nouvellement arrivée à Paris ? Vous m’étiez inconnue jusqu’à aujourd’hui.
- Ma famille a décidé de s’installer ici, nous avons un petit hôtel. Nous revenons d’un séjour en Provence. »
La conversation se poursuivit ainsi quelques minutes et au fil de celle-ci, l’agitation croissante de Christine ne manqua pas d’intriguer l’imprimeur qui finit par s’excuser de n’avoir plus de temps à lui consacrer.

« Je lirai votre histoire, mademoiselle. Mais n’êtes-vous pas un peu jeune pour écrire ? »
A ces mots, Christine perdit brusquement son sourire, et lui adressa un regard peu amène.
« L’âge ne compte pas ! répliqua-t-elle non sans une certaine acidité. »
Là-dessus, elle le salua, regagna le fiacre qui patientait et lui ordonna de la ramener chez elle. Bras croisés contre sa poitrine, elle rongea son frein le temps du voyage, ne sachant exactement de quoi elle s’impatientait, et s’irritait progressivement. Son humeur changea tant et si bien que lorsqu’elle descendit de la voiture, une inexplicable colère l’avait saisie. Colère qui s’éteignit à l’instant où elle croisa le regard de son frère, qui harnachait un cheval dans la cour de l’hôtel.
« Christine ! Bon sang, mais où étais-tu passée ? s’anima-t-il en la voyant.
- Je suis sortie prendre l’air. Je n’aime pas rester enfermée ici.
- Où l’avez-vous amenée ? demanda Claude au chauffeur qui attendait patiemment qu’on le paye.
- Ah, moi, mon bon monsieur, j’suis pas payé pour surveiller mes clients. C’est cinq écus s’vous plaît, mademoiselle. »

Claude paya, puis renvoya l’impertinent qui ne se fit pas prier pour s’éloigner. La dispute qui s’en suivit entre la demoiselle dont la colère était revenue et son frère prouva que le malheureux eut raison de ne pas traîner.
« Père n’est pas encore rentré du Louvre, tu as de la chance que je n’aie pas encore envoyé quelqu’un le chercher, grondait Claude. Où étais-tu ? »
A l’évocation du marquis dont elle ne pouvait qu’imaginer la colère s’il avait été là, Christine frémit, et cessa un instant de s’agiter, la gorge soudain nouée, avant de fondre en larmes dans les bras de son aîné.
« Jamais je ne serai un grand écrivain, sanglota-t-elle, le laissant une nouvelle fois désemparé face à ce brusque changement. Et jamais père ne sera fier de moi… »
Le jeune homme esquissa une grimace, avant de se pencher vers elle pour tenter de la consoler. Le marquis de Bauffremont était un homme dont il était n’était pas aisé de s’attirer l’estime. Il n’avait jamais eu une qu’une piètre opinion de sa fille, et les troubles dont elle souffrait rendaient les choses plus difficiles encore.
« Allons petite sœur, souffla-t-il en lui caressant le menton, ne pleure pas. Je suis certain qu’il est très fier de toi au contraire. »
Christine le dévisagea un instant, et planta ses deux grandes prunelles bleues dans les siennes. Elle resta ainsi un instant, puis détourna la tête. Son frère mentait, elle le savait. Elle n’était que trop douée à ce jeu-là pour se laisser duper.
« Tu es un mauvais menteur, Claude. »
Là-dessus, elle tourna les talons, et monta s’enfermer dans sa chambre. Il ne lui fallut pas une heure pour cesser de pleurer, et retrouver la fébrilité qui était la sienne avant qu’elle ne quitte l’hôtel tandis qu’assis à son bureau, un imprimeur achevait la lecture d’une nouvelle qu’on venait de lui déposer. Songeur il se leva, et retourna vaquer à ses occupations.
Deux jours plus tard, paraissait une petite histoire contant avec légèreté l’histoire de deux cygnes maudits. Son auteure, L'inconnue, connut un bref succès de quelques jours, et l’on fut bien déçu au salon de Mademoiselle de Scudéry de ne pas en savoir plus à son sujet.

***
Scène 4 : 1656
« La mort ne consulte aucun calendrier. »


« Monsieur le marquis ! Monsieur le marquis ! »
Aux cris de Gisèle, le jusque là très calme hôtel de Bauffremont sembla soudain s’éveiller. Christine, qui rêvait à sa fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux, sursauta et se leva d’un bond. Non sans remettre en place quelques boucles blondes échappées de sa coiffure, comme à chaque fois que l’on prononçait le nom de son père, elle jeta un regard sur la cour, mais ne put y distinguer qu’un petit attroupement qui s’agrandissait de secondes en secondes. Sourcils froncés, elle referma son livre et se précipita dans les escaliers. Sur le palier du premier étage, elle s’arrêta, croisant le regard de son frère qui sortait de sa propre chambre. Christine lui adressa un regard interrogateur, mais sans répondre, il secoua la tête. Personne ne savait ce qui poussait Gisèle à appeler le marquis à grands cris, excepté ceux qui se trouvaient déjà dehors.

C’est donc sans plus tarder que les deux jeunes gens, respectivement âgés de bientôt seize et vingt et un ans, sortirent de l’hôtel. D’un geste, Claude François ordonna aux domestiques de le laisser passer, alors que Christine s’était un instant arrêtée en arrière, le regard attiré par une chambrière qui venait de pousser derrière elle un linge couvert de sang. Inquiète, elle hésita un instant puis s’approcha lentement du petit groupe duquel elle vit soudain sortir la haute silhouette de son frère, dont les traits s’étaient brusquement crispés.
« Christine, rentre s’il te plaît, lui demanda-t-il en revenant vers elle. Va faire envoyer un message à père, qu’il revienne tout de suite. »
Bien qu’il essayât de la cacher dans son dos, sa main rougie de sang n’échappa pas à la demoiselle. Blême, elle leva les yeux vers les siens, redoutant le pire.
« Claude… qui est-ce ? demanda-t-elle dans un souffle.
- Personne. Va faire… commença désespérément le jeune homme. »
Sans l’écouter, elle le dépassa, et courut vers la silhouette étendue au autour de laquelle tous se pressaient.

« Christine ! tenta à nouveau l’aîné. »
Trop tard cependant. Ayant impérieusement ordonné à un palefrenier de se pousser, la jeune demoiselle venait de se figer, les yeux fixés sur les traits familiers qui se crispaient de douleur. D’abord interdite, elle retint difficilement un cri, puis se laissa tomber auprès d’Henri, dont le torse était traversé d’un coup de lame.
Difficilement, il tourna la tête vers elle. De là où elle se trouvait, elle pouvait à peine entendre le souffle irrégulier de l’homme qu’elle devait bientôt épouser. Ce qu’elle ne pouvait manquer, en revanche, c’était la plaie béante qui laissait échapper d’incessant flot de sang.
« Que s’est-il passé ? balbutia Christine en ne sachant que faire, la vision troublée de larmes.
- Un duel, mademoiselle ! répondit l’homme dont la chemise maculée de rouge témoignait qu’il avait fait porter le jeune homme jusqu’ici. »
Ignorant ce que cela signifiait exactement, quand Claude François avait brusquement redressé la tête, Christine se pencha vers Henri dont les traits blanchissaient à vue d’œil. Aux faibles mouvements de ses lèvres, elle comprit qu’il souhaitait parler, et s’approcha en serrant convulsivement l’une de ses mains.
« Je suis… désolé. »
C’est tout ce qu’elle put entendre. Arraché à elle par un nouveau soubresaut de douleur, Henri ferma les yeux pour ne plus jamais les ouvrir. Il souffrit de longues minutes encore, minutes durant lesquelles la jeune fille resta immobile à ses côtés, le regard suivant avec difficulté ce qui se passait autour d’elle. Ce n’est que lorsque la main d’Henri se desserra soudain dans la sienne qu’elle baissa à nouveau la tête vers lui, hébétée.

La mort, cette vieille amie, avait une nouvelle fois étendu son sombre manteau sur elle. Comme absente, elle regarda les domestiques soulever délicatement le corps dont elle lâcha la main. Les voix s’étaient mêlées les unes aux autres, et c’est à peine si elle entendit Claude se pencher vers elle pour tenter de la ramener à la réalité.
Deux bras se fermèrent soudain autour d’elle, attirant brusquement son attention sur son frère. Immobile, elle resta un instant inerte dans ses bras, puis s’effondra, une nouvelle fois. Le corps secoué de sanglots, elle finit par s'éloigner et courut vers sa chambre dans laquelle elle pénétra en titubant. Pendant longtemps, elle y erra, fébrile, tremblante, ne sachant que faire, et repoussa violemment toute personne tentant d’y entrer. Elle ne hurla pas, et cessa même de pleurer. Seule demeura une agitation sans pareille à laquelle elle mit fin d’elle-même, appuyée contre un mur. Pour la première fois, elle avait senti la crise venir, avait pris conscience de l’état dans lequel elle était.
Henri était mort. Ce troisième frère, cet homme tendre et qu’elle avait appris à apprécier était mort. Le souffle court, elle se laissa glisser au sol, puis se redressa fébrile à nouveau. Il lui fallait faire bonne figure : père ne tarderait pas.

Si la folie qui la guettait ne vint pas à bout de ses nouvelles et maigres défenses sur le coup, elle n’épargna pas indéfiniment la jeune fille. C’est Claude qui, la nuit venue, fut précipitamment tiré de son sommeil, sa sœur déambulant comme une possédée dans sa chambre en affirmant avoir vu Henri passer avec Charles. Pendant une heure, elle délira et s’adressa aux morts comme aux vivants, sous le regard désolé de son aîné et celui, bien plus sombre, de son père que le tapage avait fini par réveiller. Lorsque le sommeil vint, battant l’insomnie, les deux hommes quittèrent la chambre en décidant qu’il ne ferait pas bon pour elle de rester à la cour pour le moment.

Dès le lendemain, ils firent les malles, et quatre jours plus tard, Christine était de retour chez elle, plongée dans une sévère crise de ce que les médecins appelaient phase de manie. Henri et son adversaire furent dénoncés par un témoin, et la sévérité des édits qui interdisaient les duels ne les épargna pas. Outre le supplice infligé au dernier vivant, les familles furent déchues de leur noblesse et leurs biens confisqués. Ce fut Claude, marquis de Bauffremont - en récompense à ses bons et loyaux services - qui récupéra les terres pour lesquelles il avait souhaité marier sa fille, ainsi que celles que possédait Henri ailleurs en France. Pour cette seule raison, la mort de ce dernier ne l’inquiéta guère : plutôt qu’une alliance qui peut toujours se briser, il devenait seul maître d’un vaste domaine frontalier à la Lorraine. Pour donner plus d’attrait à sa dot, il fit Christine marquise de Listenois, lui confiant ainsi par titre le domaine privé de celui qui ne serait jamais son mari, et ordonna aux médecins de faire ce qu’ils pouvaient pour mettre fin à ses troubles.

Un mois après l’évènement, Christine, qui n’avait évidemment réagi correctement à aucun des traitements, sortit soudain et d’elle-même de sa dangereuse excitation. A nouveau, elle était elle ; agréable, inventive et charmante jeune femme.
Dès lors, plus aucun docteur ne fut appelé pour ses crises. Elles étaient sans remède autre que le temps.


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Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Empty
MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime19.04.12 18:37

Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. 153094545
ACTE

TROIS

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Scène 1 : 1658
« Un mensonge en entraîne un autre. »


C’était l’un de ces mornes jours, de ceux que l’on aimerait pouvoir effacer tant ils semblent gris et dépourvus d’intérêt. Christine les connaissait bien, ces longues heures languissantes, elle vivait avec elles régulièrement, lorsque la folie maniaque ou l’humeur ordinaire la désertaient. Elle avait appris à sentir, à prendre conscience de ces changements, avec le secret espoir que ne plus être ballotée d’un état à l’autre sans s’en rendre compte l’aiderait à chasser le trouble. Mais pour tout changement, elle n’avait obtenu que la faculté de rester impuissante… et d’avoir conscience de cette impuissance, de se savoir incapable de réagir et de devoir regarder passer les jours en appréhendant un soubresaut sans pouvoir le provoquer. Lucide, elle était affreusement lucide. Et dans un jour comme celui-ci, l’insouciance de l’enfance lui manquait cruellement.

« A quoi songes-tu ? souffla une voix au creux de son oreille, la tirant de ses mornes pensées. »
Christine ferma les yeux alors qu’Adam passait un bras sur ses épaules pour la serrer contre lui. Un instant, elle resta immobile, puis se retourna pour se blottir dans ses bras, une inexplicable mais familière angoisse lui nouant la gorge. Il y avait quelques mois déjà qu’elle avait fait la rencontre d’Adam, un jeune peintre nouvellement débarqué de Hollande. Elle l’avait croisé en ville, alors qu'il offrait à deux jeunes garçons un dessin des paysages de son pays. On ne saurait expliquer ce qui l’avait poussée à lui demander de dessiner son portrait, mais toujours est-il qu’ils s’étaient revus, plusieurs fois, jusqu’à tomber dans les bras l’un de l’autre. Et la jeune Christine, si prompte à s’emballer, si peu maîtresse des élans de son cœur, s’était mise à l’aimer. Elle l’aimait comme on aime à dix-sept ans : passionnément, et ce malgré toutes les réserves que son rang exigeait. Dans les bras d’Adam, elle oubliait facilement qui elle était. Elle l’oubliait si bien que même lui n’en avait pas la moindre espèce d’idée. Du moins, jusque là.

« A mon père, souffla-t-elle. S’il me voyait ici…
- Mais ton père est mort, n’est-ce pas ? répondit un Adam bien plus suspicieux qu’à l’ordinaire. »
Au ton de sa voix, Christine leva les yeux vers lui, sentant poindre le danger. Son père n’était pas mort, loin de là. Mais pour vivre cette aventure, elle avait choisi, une nouvelle fois, de ne pas être Christine. Certes, elle portait le même nom, mais de fille de marquis, elle était devenue petite bourgeoise et n’avait rien de commun avec les Bauffremont si ce n’est qu’elle vivait sur leurs terres.
« Oui. Mais je ne peux…
- En es-tu certaine, Christine ? la coupa le jeune homme. »
Vivement, elle se dégagea de son étreinte, et se redressa sur le lit, les draps remontés contre sa poitrine.
« Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Je veux dire que je me suis renseigné, Christine. Et que j’en ai appris de belles sur ton compte.
- Tu t’es… renseigné ? répéta-t-elle, soudain presque outrée qu’il ait osé mener son enquête sur elle.
- Ai-je eu tort, dis-moi ? Regarde-moi dans les yeux, et dis-moi que j’ai eu tort, que tu n’as rien à me cacher.
- Je n’ai rien à te cacher. »

Elle mentit avec tant d’aplomb que malgré ce qu’il savait, Adam fut un instant ébranlé dans ses convictions. Il en savait beaucoup, pourtant, depuis qu’il avait commencé à se poser des questions. Tout cela avait commencé avec le brusque changement de sa belle qui avait soudain perdu toute sa vivacité, sa soif de vivre et même jusqu’à l’envie de conter des histoires. Ses questions étaient restées sans réponse, alors il avait choisi de chercher ce qui pouvait l’affecter à ce point, ignorant qu’il n’y avait justement aucun point de départ à cet état sinon de lointains traumatismes. Et à force de remuer ce que lui avait confié Christine sur sa soi-disant vie, il avait compris. Tout ce qu’il savait d’elle n’était qu’un tissu de mensonges auquel il n’avait naïvement vu que du feu. Il s’était laissé séduire et elle l’avait manipulé, du début à la fin.

« Tu me dégoûtes. »
Le regard qu’il eut, le mépris et le véritable dégoût, en effet, qui se lisaient dans sa voix plantèrent autant de poignards que de mots dans le cœur de Christine. Sa vision se brouilla mais, lutant contre les larmes, elle tenta de se défendre.
« Je… je suis désolée Adam, je ne voulais pas…
- Quoi ? Qu’est-ce que tu ne voulais pas ? Que je sache qui tu es vraiment ? Ou alors tu ne voulais pas me mentir ? Ca n’était pas toi, c’est cela ? Quelque chose mentait à ta place ?
- Je n’y peux rien, souffla-t-elle simplement, en baissant la tête. »
Elle disait vrai. Elle ne pouvait contrôler ce besoin de raconter des histoires. Les mots lui échappaient. Mais bien souvent, dans le mensonge, on ne peut que s’enfoncer.
De marbre devant ce qu’il trouva être le plus ridicule des arguments, Adam esquissa un rire de mépris, puis pointant la porte du doigt, il exigea qu’elle s’en aille.
« S’il te plaît, Adam, s’anima-t-elle soudain, fébrile. Ecoute-moi ! C’est vrai, je te jure que je n’y peux rien ! Je suis… malade, Adam ! S’il te plaît ! J’ai besoin de toi…
- Tais-toi.
- Je t’aime Adam !
- Et moi j’aimais une fille qui n’existe pas. Va-t-en Christine. »
Là-dessus, il quitta le lit, et sortit de la pièce. Ce fut la dernière image que Christine eut de lui. Luttant contre l’irrépressible envie de l’appeler, ou de le poursuivre, elle se laissa tomber en arrière sur le matelas. Elle n’était pas même capable de pleurer.

De longues minutes passèrent jusqu’à ce qu’elle ne se décide à se rhabiller, et à quitter la maison du jeune peintre. Son retour au château se fit discrètement, mais la crise qui s’en suivit, en revanche, ne passa pas inaperçue. Inquiet de ne la voir descendre pour le dîner, Claude François eut une fois de plus l’occasion de voir sa sœur assise sur son lit, comme hébétée, l’œil vide. Elle n’en voulait à personne d’autre qu’elle. Adam avait eu raison de mettre fin à ce qui n’était qu’une illusion.
Pour la première fois, une pensée l’effleura. Une toute petite pensée, celle qu’elle ne méritait pas de continuer. Charles Louis, mère, eux, n’auraient jamais dû mourir. Pour la première fois, elle songea, sans en dire mot, qu’elle pourrait au moins les rejoindre.

Elle ne tenta rien, cependant. Un mois plus tard, comme à chaque fois, la crise était passée ; et l’annonce d’un départ pour Versailles redonnait aux joues pâles de Christine les couleurs qui étaient les siennes.

***
Scène 2 : 1659
« Dans le vaste champ de l'intrigue, il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un sot. »


« Ah, chère marquise, celles-ci vous vont à ravir ! s’exclama le comte Nicolas de Mirecourt depuis son confortable fauteuil. »
Joignant les deux mains en signe d’excitation, Christine se détourna du miroir en relevant ses cheveux pour lui faire miroiter les boucles d’oreille.
« Elles sont à votre goût ? minauda-t-elle. Je les aime beaucoup, mais ne sais si je ne préfère pas les premières...
- Eh bien ne vous tourmentez point plus longtemps, et prenez les deux, répondit le comte en faisant signe à son valet de payer de joaillier. »
Un grand sourire aux lèvres, Christine remercia l’artisan, et se dirigea à son tour vers le sofa pour s’asseoir à côté du comte. Le regard qu’il posa sur elle durant ce court trajet manqua de lui tirer un sourire satisfait, qu’elle réprima de justesse. Vêtue d’une robe de damas rouge aux épaules dénudées et aux manches relevées de dentelle, elle avait la sensation de lui être irrésistible – ce qui n’était pas bien loin de la réalité – et c’était exactement ce dont elle avait besoin. Car outre les bijoux et magnifiques vêtements qui pleuvaient lorsqu’elle était en sa compagnie, Mirecourt intéressait tout particulièrement la demoiselle.

Depuis son retour à la Cour, cette fois logée à Versailles, elle s’était découvert un petit talent dont elle avait vite saisi tout l’intérêt : la séduction. Sa première et dernière histoire de cœur l’ayant laissée amère, Christine avait résolu de ne plus s’attacher autant, puisqu’elle ne pouvait s’empêcher de mentir. Et quel meilleur terrain que la cour pour faire ses premières armes, et surtout, s’endurcir ? Il y avait bientôt un an qu’elle y était revenue, et déjà elle avait compris que pour obtenir ce qu’elle désirait, il n’y avait parfois plus habile solution que de passer par les hommes. Et non sous les hommes. Car si elle séduisait, Christine rechignait à se donner, et ne cédait que rarement aux implicites promesses qu’elle faisait miroiter à ses conquêtes. Sans doute fallait-il y voir un reste de fragilité, et une certaine répugnance à pousser si loin le vice sans envie. Seul un intérêt souverain, ou un retour de folle manie pouvait l’y amener.

Mais elle se portait à merveille depuis sa rencontre avec le comte, et n’avait pas l’intention de lui céder. Elle nourrissait bien trop de rancœur à l’égard de son pays pour cela, et si elle se trouvait ici, dans ces appartements, c’était uniquement parce qu’elle l’avait entendu, quelques semaines auparavant, se vanter d’avoir rendu de nombreux petits services à Charles IV, duc de Lorraine. Ces simples mots avaient suffi à éveiller une sombre curiosité chez Christine, qui s’était empressée de mettre dans sa poche une nouvelle conquête.
Un instant, elle songea à Claude. Fort heureusement pour elle, il n’était pas présent à la cour. Suite à son récent mariage avec une demoiselle élue à la fois de sa raison et de son cœur, le marquis de Bauffremont avait autorisé son fils à partir quelques mois avec sa jeune épouse en voyage d’agrément. La dernière lettre que Christine avait reçue de Claude François lui racontait son passage à Alexandrie. Quant à son père, il était retourné sur les terres familiales une fois les négociations avec l’Espagne terminées. La guerre était finie, et, libre de ses mouvements, Christine commençait la sienne.

« Parlez-moi de vos fonctions en Lorraine, demanda-t-elle à Mirecourt en lissant un pli de sa robe.
- En quoi cela peut-il intéresser une jeune femme comme vous, dites-moi, mademoiselle de Listenois ? »
Un sourire énigmatique étira ses lèvres. Listenois, un nom derrière lequel il lui avait été bien aisé de se dissimuler puisqu’il lui appartenait également. Le comte ignorait ainsi qu’elle était avant tout une Bauffremont, et put, lorsqu’elle insista, lui conter quelques uns de ces « services » dont il se targuait.
« Cependant et, sans vouloir vous choquer très chère, si j’avais charge de ces quelques menus plaisirs, il m’arrivait aussi de devoir traiter de plus sombres affaires.
- Contez m’en une ! Vous savez combien je suis friande d’histoires… et peut-être pourrais-je trouver quelques places dans les miennes à vos anecdotes. Vous aurez votre part du succès ! »
Amusé de tant de questions, charmé par ce doux sourire qui ne quittait pas la demoiselle, Mirecourt ne se fit plus prier, et lui parla à demi-mots de quelques assassinats qu’exigeait la politique comme s’il ne s’agissait de rien d’autre que de quelques batailles sans conséquences.
« Avez-vous été impliqué dans cette affaire avec un certain… Bauffremont ? osa-t-elle soudain. Ma sœur était de passage chez ce malheureux Vaubecourt à l’époque, et m’en a fait le récit.
- Je ne pouvais être de toutes les affaires, hélas. Mais ce cher Puzieux s’est fort bien chargé de sa tâche. »

Christine eut un frisson à ces mots, frisson que son interlocuteur traduisit comme un certain effroi. Il entreprit de la rassurer, mais avant qu’il n’ait pu poser la main ailleurs que sur son épaule, la jeune femme fut prise d’un effroi opportun à la vue de l’heure et, prétextant un rendez-vous important, quitta les appartements de Nicolas de Mirecourt. Elle avait ce qu’elle voulait, inutile de jamais y remettre les pieds.
Alors qu’elle faisait route vers Paris, elle attendit avec appréhension un quelconque signe de réaction à ce qu’elle venait d’apprendre, mais au bout d’une heure, ni fébrilité, ni anxiété ne s’était emparé d’elle. Satisfaite, elle put donc songer à la raison qu’elle invoquerait pour rentrer chez elle l’espace de quelques semaines et se préparer sans heurts. La vie parisienne battait son plein, malgré l’installation de la cour à Versailles, et les salons ne désemplissaient pas. Lorsqu’elle se trouvait dans la capitale, Christine fréquentait d'ailleurs avec assiduité celui de mademoiselle de Scudéry, dont elle s’était fait une grande amie.
« Ah vous voilà, chère marquise ! lança Sapho à l’arrivée de Christine. Vos derniers vers son délicieux, j’espère que vous nous en ferez une belle lecture ce soir ! »
Les joues de la demoiselle rosirent de plaisir à ce compliment dont elle la remercia chaleureusement, avant d’aller saluer quelques connaissances. Cette fois encore, elle connut quelques instants de succès avec ses écrits, mais ne tarda pas, les pensées bien trop occupées à ce qui allait se tramer du côté de la Lorraine.

Elle ne mit guère plus de quelques jours à préparer son départ, ayant écrit une rapide missive à son père pour le prévenir de son arrivée. Elle quitta Versailles et Paris sans regret, avec la certitude de les revoir bientôt et dans le même état. Mais c’était là un espoir qu’elle savait incertain. L’ombre du trouble ne rôdait jamais bien loin.

***
Scène 3 : 1660
« Les pêchés parlent, le meurtre crie. »


L’année commençait à peine, et pour saluer son arrivée, un vent de tous les diables s’était levé sur tout le pays. Enveloppée dans un long et chaud manteau, Christine ne s’était pas pour autant démontée et, après avoir réussi à se débarrasser de tout chaperon, avait quitté le vieux château familial dans le carrosse sans armes que l’on utilisait parfois pour voyager en toute tranquillité. L’anonymat, pour ce qu’elle avait en tête, lui serait d’une utilité non négligeable ; et le regard étrangement fixe qu’elle arborait, posé sur un point invisible devant elle, n’augurait en effet rien de bon pour les projets qui la poussaient à sortir par un si effroyable temps.
La voiture ne mit guère de temps à rallier la ville, que le soir tombant et le semblant de tempête semblait avoir transformé en ville fantôme. Rares étaient les silhouettes qui se dessinaient dans les rues, et celles que l’on y trouvait se hâtaient toutes, soucieuses de trouver un abri. Christine esquissa une moue indéfinissable, et songea que l’occasion était bonne. L’occasion de quoi, c’était ce qui laissait encore quelques doutes.

Si elle avait une idée précise de ce qui allait se passer lorsqu’elle descendit de la voiture, rien n’était moins sûr. Mais une chose était certaine : la jeune femme, reconvertie en brune pour l’occasion, n’était pas dans son état normal – si tant est qu’il puisse y avoir une norme la concernant. Après plusieurs mois passés sans crise, le contraire eut été étonnant, et elle n’avait pas même été surprise lorsque, cinq jours plus tôt, étaient revenus les commentaires de son père sur son incapacité à tenir en place. Fébrile en effet, elle s’était remise à tourner comme un lion cage jusqu’à ce soir où son esprit enfin arrêté sur une idée moins éphémère que les précédentes. Et quelle idée. Arrêtée devant la petite maison aux fenêtres vaguement illuminées, elle hésita un instant. Elle ne savait de quoi les prochaines minutes seraient faites, ni même s’il ne valait pas mieux qu’elle fasse demi-tour. Une fois de plus, elle ne pouvait s’empêcher de céder à la sensation que rien ne pourrait lui résister et surtout, personne. Encore moins cette personne. C’est finalement sans même y réfléchir qu’elle frappa à la porte.

Depuis qu’elle avait quitté Versailles, avec en poche les informations de Mirecourt, Christine n’avait cessé de se renseigner sur ce Puzieux qu’épisodiquement, au rythme des crises et de sa volonté plus ou moins ferme. Quelques semaines plus tôt, elle avait enfin réussi à trouver quelque chose de concluant, à savoir que son homme était en France, et cerise sur le gâteau, à Bauffremont. On le disait en mission diplomatique, mais ne l’ayant pas vu discuter avec son père ni aucun des grands seigneurs de la région, Christine avait préféré en déduire qu’il espionnait. La maison dans laquelle on lui avait assuré pouvoir le trouver ne fit que la conforter dans cette opinion. Qui élirait domicile dans une masure s’il n’avait quelques trafics à cacher ?

« J’ai des informations pour Puzieux, annonça-t-elle de but en blanc à l’homme qui vint lui ouvrir. »
Réprimant avec difficulté un frisson et le besoin démangeant d’occuper ses mains, elle le dévisagea. Le souvenir de ce qui s’était passé des années plus tôt, sous le couvert des bois ne l’avait jamais quittée, mais les visages des cavaliers lui étaient restés invisibles. A l’observer cependant, elle eut cette sourde impression de l’avoir face à elle.
« Comment savez-vous… ? demanda le Lorrain, surpris.
- Je le sais c’est tout. Vous devriez écouter, c’est un conseil. »
Il y eut un silence, et une hésitation, de la part de Puzieux comme de la sienne. Puis enfin, il s’effaça, lui permettant de pénétrer dans la petite pièce, à peine éclairée. A nouveau, Christine frissonna. Que faisait-elle ici ? Quelle folie l’y avait conduite ? Elle ne le savait que trop bien malheureusement, et mais dans un éclair de lucidité, elle se fustigea silencieusement d’y avoir cédé. Mais bien vite, son esprit se chargea d’effacer les doutes et, revenant à son homme qui attendait qu’elle prenne la parole, la jeune femme esquissa un sourire.

« Vous avez beaucoup d’ennemis, monsieur, déclara-t-elle.
- C’est un risque à prendre en politique. Que voulez-vous ?
- Vous souvenez-vous de cette affaire… c’était il y a huit ans, je crois. Ici même, en France, sur ces terres, commença-t-elle en lui faisant face.
- Bauffremont ? Oui, et alors ?
- Alors c’était bien vous ? s’anima soudain Christine, une étincelle inquiétante au fond des yeux. C’est vous qui l’avez tué ?! »
S’il n’en avait pas déjà douté, Puzieux ne put dès lors qu’être fixé sur l’identité de celle qui se trouvait en face de lui, aussi méconnaissable soit-elle avec sa perruque brune, son maquillage et ses fripes d’un autre temps sous son manteau. Surpris, il eut un geste pour fuir, mais le bruit cavalcade à l’extérieur attira leur attention à tous deux. Ils s’observèrent un court instant. Ni lui ni elle n’attendait qui que ce soit. Rendue muette par la colère, Christine aurait voulu tourner les talons, et s’enfuir, mais un reste de folie la cloua sur place. Dans les plis de son manteau, l’une de ses mains se referma sur le petit poignard qu’elle avait emporté puis tout alla très vite. La porte s’ouvrit, à l’instant où Puzieux fondait sur elle. Elle n’eut guère le temps de comprendre ce qui lui arrivait que déjà, sa main avait jailli de la fourrure.

« Christine, non ! »
Prise d’un sursaut, elle s’éloigna, levant soudain les yeux vers l’entrée. S’y tenait Claude François, qui lui sembla frappé de stupeur. Surprise, elle baissa le regard vers Puzieux et nota seulement qu’il s’était effondré, avec au flanc droit planté un petit poignard qu’elle reconnut pour être le sien. A nouveau, elle recula, les yeux grands ouverts.
« Bon sang, Christine ! Qu’est-ce qui te prend ?
- Il… il a tué Charles, balbutia-t-elle dans un souffle, saisie d’affreux tremblements. »
Claude fronça les sourcils, et observa un instant Puzieux qui, à l’évidence, n’était pas – ou pas encore mort. Sans perdre plus de temps, il attrapa sa sœur par le poignet, et l’entraîna hors de la maison. Dehors, le carrosse attendait toujours. Tel un pantin, il la fit rentrer et ordonna au cocher de ne pas s’arrêter jusqu’au château. Comme dans un mauvais rêve, Christine sentit la voiture s’ébranler, et ne s’éveilla que lorsqu’elle réalisa qu’ils s’éloignaient de la ville.
Puzieux était-il mort ? C’est la première question qui lui vint à l’esprit. Et avec effroi, elle réalisa qu’elle n’en savait rien. Toute fébrilité, toute excitation l’avait quittée. Soudain, elle était lucide – et soudain, elle comprenait ce qu’elle avait fait.
Elle avait peut-être tué cet homme.

Le voyage de retour lui sembla affreusement long. Une fois descendue de la voiture, elle courut dans les bras de son frère, qui suivait de près à cheval. Un long moment, il la serra dans ses bras, étouffant ses sanglots.
« Qu’est-ce qui t’as pris, petite sœur ? murmura-t-il lorsqu’elle se fut calmée, en posant ses mains sur ses épaules. »
Un instant, elle l’observa, et chercha une réponse. Mais comme toujours, elle était toute trouvée.
« Je ne sais pas… souffla-t-elle, sans chercher à retenir ses larmes. »
Claude secoua la tête, et l’étreignit à nouveau avant de la ramener à sa chambre. Elle mit longtemps à s’endormir, cette nuit-là, et ses songes furent hantés de scénarios de toutes sortes dans lesquels on l’accusait d’un meurtre. Mais rien ne se passa. Ni le lendemain, ni les jours, ni les semaines suivantes. Et pas un bruit par la ville, pas une rumeur non plus.
Lorsqu’au mois d’avril, Claude, sa femme et Christine regagnèrent Versailles, l’incident, malgré le doute qui persistait, semblait clos.

***
Scène 4 : 1662
« L'habitude du désespoir est plus terrible que le désespoir lui-même. »


« Mademoiselle Christine ? Mademoiselle Christine ! appela Gisèle en agitant une main devant le visage de la jeune femme. »
Lentement, Christine leva la tête et deux prunelles éteintes vers Gisèle. Assise devant sa coiffeuse, lourdement appuyée contre le dossier de sa chaise, il sembla à la marquise que ce simple geste lui coûtait autant d’efforts que si elle avait dû soulever trois fois son poids, aussi resta-t-elle silencieuse, ne trouvant ni la force ni l’envie de répondre.
« Allons, réveillez-vous : il faut achever cette coiffure, soupira la femme de chambre en se détourna du regard vide posé sur elle. »
Christine hocha la tête, se préoccupant visiblement très peu de ce à quoi pouvaient ressembler ses longues mèches blondes, et revint à son miroir qu’elle fixait sans vraiment le voir depuis quelques minutes déjà. A quoi bon tous ces efforts ? Ici, elle ne les faisait que pour son père, et elle savait d’avance qu’il ne serait pas satisfait. A son tour, elle soupira, puis rassembla ses jambes contre sa poitrine. Pour que le marquis de Bauffremont soit satisfait, il aurait fallu bien plus qu’une coiffure savamment arrangée.

« N’avez-vous pas trouvé la robe de notre invitée fort jolie aujourd’hui ? babilla Gisèle que chaque silence de Christine inquiétait un peu plus.
- Très jolie, oui, répondit celle-ci d’une vois atone.
- Je suis certaine que ces couleurs vous iraient à ravir. Ce genre bleu se marierait très bien avec vos yeux, mademoiselle. Nous avons reçu quelques étoffes de Paris, peut-être pourriez-vous…
- Tu me donne la migraine, Gisèle. »
A ces mots, la camériste n’eut d’autre choix que de se taire, et de ravaler ses soupirs. Lorsqu’elle était dans cet état, tout effort restait définitivement inutile. Christine elle-même ne pouvait qu’attendre, et s’enfoncer un peu plus dans ses sombres songes en constatant que son humeur ne changeait pas. Un véritable cercle vicieux, en somme, dans lequel elle avait plongé quelques jours auparavant, et ce malgré la présence d’Eléonore Sobieska.

Il y avait un moment maintenant que le château de Bauffremont résonnait d’une nouvelle voix. Lorsqu’elle était arrivée, Christine s’en était montrée ravie, et avait rapidement noué d’agréables liens avec Eléonore, ainsi que son ravissant garçon. Toutes deux s’étaient fort bien trouvées, et malgré leur différence d’âge, s’étaient sans doute à révélées bien plus épuisantes pour leur entourage que seule chacune de leur côté. Constamment actives d’un bout à l’autre de la journée, elles avaient apporté un peu d’agitation dans la vieille demeure, jusqu’à ce que le mal n’ait une fois de plus raison de la vivacité de Christine. Même le petit Marek, qui était tombé sur l’un de ses vieux cahiers et s’était amusé des milles histoires qui s’y trouvaient, n’avait plus réussi à lui tirer le moindre véritable sourire. La veille au soir, les hallucinations étaient revenues avec les noires pensées, et la marquise n’avait pas quitté ses appartements de la journée, restant abattue et languissante, au plus grand désespoir de son frère et de sa femme de chambre. Et dieu qu’elle se détestait de ne pouvoir rien y faire…

C’est d’une humeur particulièrement sombre, triste, et même anxieuse qu’elle acheva de se préparer. Il avait fallu toute la persuasion de l’indéfectible Gisèle pour la pousser à s’habiller, et à descendre passer le reste de la journée en compagnie de son frère et de leur invitée. Redoutant d’avance le moment – qui arriverait, fatalement – où elle se retrouverait face à son père, elle avait néanmoins fini par quitter sa chambre et fut attirée vers le grand salon par de brusques éclats de voix qu’elle reconnu sans mal comme étant ceux de Claude et du marquis. Les mots lui échappaient, mais elle ignorait en s’approchant qu’il aurait mieux valu qu’ils lui restent inintelligibles.

Ce ne fut pas la silhouette d’Eléonore, appuyée contre la porte, qui poussa Christine à se figer sur place. La situation prêtait largement à confusion, pourtant, et aux doutes. Mais avant qu’elle n’ait pu le réaliser, les mots de son père lui parvinrent.
« Elle n'est qu'une malheureuse folle, qui voudrait épouser une femme comme elle ? »
Les sentiments de Claude de Bauffremont à l’égard de sa fille n’étaient un secret pour personne, y compris pour elle. Mais jamais elle ne l’avait entendu le dire clairement, et encore moins de cette façon. Stupéfiée avant d’être blessée, elle eut tout le mal du monde à contenir le nœud qui lui enserra soudain la gorge.
« Elle n'est pas folle, père, elle est lucide !
- Et comment appelles-tu ses hallucinations ? Elle n'est rien d'autre qu'un poids pour nous désormais... »
Cette fois, elle ne put retenir un sanglot, provoquant immédiatement la réaction d’Eléonore. Mais bien loin de se préoccuper de sa présence derrière cette porte, Christine se contenta de la dévisager un instant, les yeux grands ouverts sur une douleur sans nom. Avant que la polonaise n’ait pu dire quoi que ce soit, elle avait tourné les talons, et s’était à nouveau enfuie vers sa chambre.

Un fardeau, elle n’était qu’un fardeau. Les mots résonnaient, la heurtaient comme autant de poignards acérés. Une folle qui pesait sur la famille, n’était plus même bonne à marier. Renvoyant manu militari toutes les dames qui se trouvaient dans la pièce, Christine s’abandonna contre le premier mur venu. Les premiers sanglots passés, elle constata avec une étrange froideur qu’elle n’était pas même capable de pleurer. Folle. Au point que même son propre père ne pouvait la voir autrement.
Au fil des minutes, revinrent les sombres pensées, la sensation vide et creuse de n’être qu’un fardeau, en effet. Elle n’avait pas eu besoin qu’on le dise à voix haute pour s’en douter. Calme, étrangement calme, elle se redressa, promenant deux prunelles allumées d’un fol éclat sur la chambre dans son ensemble. Rapidement, elle discerna ce qu’elle y cherchait et se saisit du coupe-papier que l’on avait abandonné sur un secrétaire. Un instant, elle le fit tourner entre ses doigts. L’idée était là, insidieuse, à la fois violente et rassurante, après être venue roder tant de fois. A quoi bon continuer ? Personne n’avait besoin d’une pauvre folle, d’un fardeau, d’un boulet à traîner.

Soudain, le sang s’écoula de ses poignets. Doucement d’abord, puis de plus en plus vivement au fil des entailles qui s’ouvraient. Quelques minutes passèrent, Christine se laissa glisser au sol, et fixa les filets rougeâtres. Encore, et encore. Jusqu’à ce que sa vue se brouille, et se ternisse. Voilà, père, c’en est fini du fardeau.

Une voix hurla, loin, très loin. Et puis à nouveau, ce fut le noir.

Ce fut sur le visage défait de son frère que Christine ouvrit les yeux. Si sa mémoire lui faisait encore défaut, elle n’eut qu’à lire dans ses yeux pour comprendre d’où elle revenait. La douleur dans ses poignets se chargea de toute façon de le lui rappeler. Elle échangea à peine quelques mots avec lui, et se contenta de s’excuser sans trop savoir que dire. Jamais elle n’aurait pensé aller jusque là, et elle sentit bien que le regard de Claude avait changé. Prendrait-il à nouveau sa défense, si une nouvelle dispute venait à éclater ? Elle en doutait. Quant au marquis, c’est à peine s’il passa prendre de ses nouvelles, du bout des lèvres et l’air plus renfermé encore que d’ordinaire.
Restait Eléonore. Christine ne savait si elle devait lui en vouloir ou non de ne pas l’avoir laissée, en avait presque oublié la position dans laquelle elle l’avait trouvée. L’épisode se serait sans doute effacé de l’esprit de la jeune femme… sans cette nuit.

Saisie d’une angoisse sans nom après n’avoir pas réussi à trouver le sommeil, elle s’était levée et faisant fi du froid qui y régnait, s’était mise à déambuler dans le château, tremblante et entre deux états. C’est une voix étouffée qui l’attira vers le bureau de son père, dans lequel brillait une torche.
« Je sors, je sors… assurait une voix familière alors que la demoiselle approchait. »
Comme dans un rêve, Christine vit soudain Eléonore brandir un chandelier, et l’abattre sur le crâne d’un domestique. L’espace d’un instant, elle crut avoir crié, mais réalisa avec surprise qu’elle s’était simplement figée face à la scène, et ce jusqu’à ce que la polonaise ne lève les yeux vers elle. Parcourut d’un frisson, elle s’éloigna brusquement, faisant au passage tomber un haut chandelier qui lui sembla résonner à l’infini dans le château jusque là silencieux.

C’est dans la chambre de Claude que la mena sa course affolée. Celui-ci, vaguement éveillé par les bruits qui commençaient à se faire entendre à l’étage, mit un certain temps à comprendre ce qui se passait. Mais le visage affreusement pâle et la panique dont semblait être saisie sa sœur eurent tôt fait de lui rendre ses esprits.
« J’ai vu… commença-t-elle, haletante, mais sans pouvoir aller plus loin. »
Qu’avait-elle vu, au juste ? Eléonore, dans le bureau de son père, abattant un domestique sans raison apparente ? Brusquement, son regard changea du tout au tout, passant de l’effroi à un éclat profondément désespéré. Avait-elle vu… ou halluciné ? Dans les yeux de Claude, elle put à nouveau lire cette désolation maintenant familière, celle qu’il arborait chaque fois que son mal revenait la hanter. Sans un mot, il se leva, et la prit dans ses bras.
« Calme-toi, petite sœur, c’est terminé, murmura-t-il en la berçant, alors qu’elle se laissait doucement fondre en larmes. »

L’incident n’eut guère de suites. L’on déduisit sans trop se forcer que le domestique retrouvé mort au pied du château avec une lettre de l’Empereur en poche s’était suicidé, et que les traces laissées dans le bureau du maître étaient les siennes. Eléonore put quitter la demeure des Bauffremont blanche comme neige aux yeux de tous, excepté ceux de Christine. Ce qu’elle avait vu ou cru voir ne cessa pendant longtemps de la tourmenter. Tout lui avait semblé si… vrai. Mais à chaque fois qu’elle voulait parler, ce qu’elle avait vu dans le regard de Claude cette nuit-là l’en décourageait. Qui croirait une pauvre folle comme elle ?



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Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Empty
MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime21.04.12 1:36

Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. 731503510
ACTE

QUATRE

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Scène 1 : 1663
« Mieux vaut être fou avec tous que sage tout seul. »


Il y avait de cela deux semaines que Christine s’était à nouveau installée à Versailles, mais de façon bien plus définitive cette fois – du moins, elle l’espérait. Les années passées et leurs évènements avaient fini par réussir à lui faire prendre en grippe le château familial, auquel elle préférait le petit domaine de Listenois et, bien évidemment, la cour.
Versailles, qu’elle retrouvait chaque fois avec la même joie, avait bien changé en son absence. La ville, autant que le magnifique palais dont elle n’avait de cesse de s’émerveiller depuis son retour. Tout n’y était que luxe et dorures, et chacun y rivalisait de tenues d’apparats, et ce soir ne faisait pas exception.

C’est Enola of Dorset, une jeune anglaise avec laquelle Christine était en passe de nouer une belle amitié, bien que tâchée de nombreux mensonges, qui l’avait conviée à ce bal costumé. Vêtue d’une robe aux couleurs sombres pour jouer le mystère et d’un loup de velours noir, Christine ne s’était évidemment pas fait prier. Un bal masqué, quoi de plus propice à ses petits jeux d’invention ? Pour une fois, puisque les mensonges lui échappaient seuls, elle les provoquerait. Et elle ignorait à son arrivé qu’elle ne saurait trouver à ce jeu meilleur compagnon que celui que les hasards de la soirée placeraient sur sa route.

Adossée contre un mur, alors qu’Enola l’avait quittée au bras d’un charmant gentilhomme, Christine observait la foule sans mot dire, y cherchant une quelconque distraction, quand une silhouette se dressa soudain à ses côtés.
« Laisser une aussi jolie demoiselle seule alors que la fête bat son plein, j'appelle cela un crime ! Si vous êtes esseulée, me permettriez-vous de vous tenir compagnie ? la salua joyeusement un homme au visage évidemment masqué. »
Christine le dévisagea un instant, avant d’arborer un franc sourire.
« Mais avec plaisir, monsieur ! Mon cavalier semble avoir trouvé meilleure danseuse que je ne le suis, soupira-t-elle faussement en levant les yeux au ciel, faisant évidemment fi du fait qu’elle n’avait pas le moindre mari. A qui ai-je l'honneur ?
- Votre cavalier est un âne, mais finalement c'est à moi que le bénéfice revient de tomber en charmante compagnie. Baron d'Anglerays, pour vous servir, répondit-il en s’inclinant. Et à qui dois-je d'avoir brisé mon ennui en quelques mots à peine ?
- A la comtesse d’Epinay, qui est ravie de vous être d'une quelconque utilité. »
A son tour, elle s’inclina gracieusement. Ce nom d’Anglerays appelait quelque chose en elle, mais elle dut se résoudre à ne point trouver quoi. Fronçant les sourcils, elle s’appliqua à nouveau à deviner les traits de son interlocuteur, sans succès.

« Votre nom ne m'est pas inconnu... auriez-vous eu votre heure de gloire à la cour ? Ou dans les salons ? Pardonnez mon ignorance, mais je reviens à peine d'un séjour fort long sur les terres de mon père, et je crains d'en avoir manqué beaucoup ici...
- Epinay, dites-vous ? questionna le baron sans répondre à sa question. Ce nom ne m'est pas inconnu, pourriez-vous me montrer votre mari si vous le voyez ? Il me semble l'avoir déjà rencontré, mais diable, impossible de me rappeler de son visage ! »
Si Christine n’était pas en reste de mensonges, et plus qu’habituée à ce genre de petits imprévus, elle ne put s’empêcher de hausser un sourcil sous son masque, devinant implicitement une difficulté. Sans se démonter, néanmoins, elle afficha le sourire le plus naturel qui soit, tout en faisant mine de chercher dans la foule. Lorsque ses prunelles rencontrèrent la silhouette d’un homme qui n’était visiblement pas une personnalité connue, elle le désigna de sa main gantée.
« Le voilà, et en belle compagnie comme je vous l'avais prédit ! Le pauvre homme ne marque décidément guère les esprits : vous n'êtes pas le premier à vous souvenir du nom sans le visage. Soutenant son rôle à merveille, elle afficha une moue digne de la plus déçue des épouses. Mais, baron, cela ne répond à mes propres questions... »

Un sourire enjôleur lui échappa. Charmer, toujours charmer.
« Pardonnez-moi, de même que je pardonne votre ignorance à mon sujet. Vous avez peut-être entendu parler de moi car j'ai, il y a quelques temps il est vrai, découvert un coffre plein d'or enfoui dans la forêt qui borde notre chère Versailles, sur les terres mêmes du Roi, en m'adonnant à ma passion de la botanique. Cette histoire vous dit-elle quelque chose ? »
Christine resta un instant songeuse face à cette drôle d’histoire, un rictus amusé lui tordant les lèvres. Tout cela ne lui disait rien, et elle ne put que se demander s’ils n’étaient pas deux à jouer au même jeu. Naturelle, pourtant, elle attrapa une coupe de champagne sur le plateau d’un domestique qui passait, et la fit un instant tourner entre ses doigts avant de répondre.
« Oh, bien sûr, le fameux découvreur... J'étais absente de Versailles, mais croyez bien qu'on m'a plusieurs fois raconté cette histoire ! Enfin, vous connaissez la cour : il s'y dit tant de choses que lorsqu'on ne s'y trouve pas, on ne sait jamais où s'arrête la vérité et où commence le fantasme.
- Vous marquez un point, comtesse, répliqua-t-il en saisissant une coupe à son tour. Mais n'est-ce pas là le côté le plus amusant de l'affaire ? Pour ma part, j'aime mélanger réalité et rêves, car j'aime faire de mes fantaisies la réalité, et tant pis pour elle si elle me résiste ! Qu'est-ce qu'on s'ennuierait sans un peu de mystère dans ce palais. Et puis parfois, les inventions sont bien plus intéressantes que la vérité... Alors pourquoi s'en priver ? »

La jeune marquise eut un sourire amer derrière son loup. Elle vivait bien trop souvent dans la fiction pour ne pas acquiescer, aussi désolante la chose lui parut-elle soudain.
« A qui le dites-vous ! confirma-t-elle avant de lever son verre. A la fiction, alors, si vous le voulez bien. »
Ils trinquèrent, et Christine porta son verre à ses lèvres, un instant songeuse. A qui n’avait-elle pas joué le petit jeu des mensonges, depuis son retour à Versailles ? Les noms se comptaient, hélas, sur les doigts de la main. Volontairement – parce qu’il était bien plus facile de charmer lorsqu’on se faisait exactement conforme aux attentes de son interlocuteur – ou non, rares étaient les conversations qu’elle menait de bout en bout sans faire un détour par la fiction. Mais à ce jeu-là, on peut facilement se perdre. C’est ce qui ne manqua pas d’arriver lorsqu’une troisième silhouette se dessinant à leurs côtés.

« Eh bien, mademoiselle de Listenois, je vois que vous avez la connaissance de ce bon d'Anglerays ! lança un gentilhomme de sa connaissance. Méfiez-vous, très chère, il ne faut jamais trop en dire au Fou du roi ! »
Christine se serait sans doute étouffée avec son champagne, si elle n’avait pas eu la présence d’esprit d’attendre de l’avoir salué avant de porter sa coupe à ses lèvres. Avec un rictus, elle leva les yeux au ciel, et eut la surprise de voir d’Anglerays en faire autant.
« Mordious, les gens ne savent plus tenir leur langue dans ce pays ! marmonna-t-il, avant de lui tendre la main. Honnêtement, vous avez cru à mon histoire ? »
La demoiselle fronça les sourcils, d’abord muette, alors que le troisième larron, sentant qu’il interrompait une conversation dans laquelle il n’était pas le bienvenue, s’excusait et allait retrouver un autre groupe. Avec un drôle de sourire, et un soupir, Christine serra la main du baron.
« Je dois avouer avoir douté : la botanique n'est pas d'ordinaire un art qui rapporte autant, admit-elle avant de s’octroyer une gorgée de champagne. Quelle erreur ai-je faite, dites-moi ?
- Détrompez-vous, je suis sûr qu'en cherchant bien on pourrait réellement déterrer un trésor par ici... Mais certaines fantaisies sont faites pour le rester, apparemment. Pour vous répondre, la seule erreur que vous ayez faite fut de me montrer un vieil ami à moi en lieu et place de votre supposé mari... Mais eussiez-vous désigné son voisin, j'aurais probablement marché. Très bien joué, en somme ! »

C’est sur cette étrange conclusion que Ferdinand d’Anglerays et Christine se quittèrent pour le reste de la soirée. Les semaines suivantes leur offrirent de nombreuses occasions de se croiser à nouveau, et bien nombreux furent les moments où le Fou du roi garda un œil sur cette habile menteuse. Il eut le temps de la voir passer par tous ses états habituels, avant de venir la trouver un soir, alors qu’elle flânait dans un salon. Et malgré tout ce qu’il avait pu voir, le baron fit à Christine la proposition qui allait changer de nombreux aspects à sa vie Versaillaise. Celle de rejoindre les rangs des espions du roi.

***
Scène 2 : 1664
« Un père en punissant, Madame, est toujours père : un supplice léger suffit à sa colère. »


« Enfin, te voilà ! Il y a une heure que je te cherche ! »
Brusquement, Christine sursauta, croyant être seule. Ayant néanmoins reconnu la voix de Claude François, elle se retourna, une interrogation dans les yeux. Elle ignorait ce pourquoi il pouvait bien la chercher, mais à voir la façon dont ses traits s’étaient crispé, elle devina rapidement qu’une tout cela n’augurait rien de bon.
Fébrile, elle se remit à se tordre les mains. Elle ne s’attendait pas à le trouver là, alors qu’elle revenait à peine d’un périple versaillais dont il valait mieux qu’il ignore tout, et encore moins pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. L’air de rien, elle referma plus soigneusement son manteau par-dessus les vêtements peu glorieux que nécessitaient la dernière mission qu’elle s’étai vue confier par le Roi.
« Où étais-tu passée ? interrogea Claude, en fronçant les sourcils. »
Christine eut un faux sourire, tout en se dirigeant vers sa chambre. L’honnêteté aurait dû la pousser à avouer qu’elle avait passé quelques heures à Versailles, empruntant pour l’occasion les traits et la vie d’une certaine Charlotte Auray qui n’était pas plus réelle que l’héroïne de sa dernière nouvelle. Mais elle doutait que son frère apprécie une telle vérité, et n’avait de toute façon aucun droit de lui parler de ses activités d’espionne.
« J’étais chez Enola, répondit-elle vaguement en s’agitant pour trouver un vêtement plus décent. Nous parlions bijoux, si tu veux tout savoir. »
En silence, elle fit signe à sa fidèle Gisèle de l’aider à s’habiller, ordre auquel la camériste dut retenir un soupir, sachant d’avance que, vu l’état de la demoiselle, ce ne serait pas là une partie de plaisir. Car après un long moment de tranquillité, Christine avait de nouveau cédé à la manie, et tenait moins en place encore qu’à l’ordinaire.

Tout en se débarrassant de sa robe terne, elle tenta de se concentrer sur ce qu’elle avait réussi à apprendre d’Arturo Bonaventura. Une fois de plus, il avait fallu y mettre le prix – et ce voleur vendait cher ses fausses (sans aucun doute) informations – mais le temps passant, elle finissait par retrouver quelques informations avec un véritable intérêt et surtout, elle espérait arriver à le berner. En lui faisant croire qu’elle se laissait manipuler, Christine comptait bien lui rendre la pareille, et parvenir à le faire arrêter. On ne lui avait pas donné d’échéance pour cette mission-là, autant faire en sorte que le coup final soit assuré, et n’échoue pas. C’est pour cette raison qu’elle prenait son temps, autant que parce qu’elle espérait pouvoir lui tirer du nez des vers intéressants. Cet homme avait de la ressource, et en savait sûrement bien plus qu’il ne le laissait paraître.

« Tu me cherchais ? lança-t-elle depuis sa chambre, alors que Gisèle achevait de lacer un corsage qui avait pour principal mérite d’être plus rapide que les autres à enfiler.
- Père est mourant. »
A ces mots, Christine se crispa brusquement, et se redressa.
« Mourant… tu veux dire que… balbutia-t-elle en sortant de sa chambre, livide. »
Gravement, Claude hocha la tête, alors qu’une terrible angoisse s’emparait de la demoiselle. A nouveau, elle se tordit les mains, et fit plusieurs fois l’aller-retour entre sa coiffeuse et le siège derrière lequel se trouvait son frère, sans savoir que faire, oubliant à chaque fois un élément, bijou, ou autre dont elle avait besoin. Soudain, elle s’arrêta, et planta son regard dans le sien.
« A-t-il… demandé à me voir ? souffla-t-elle. »
Avant qu’il ne dise quoi que ce soit, elle devina la réponse. Non, évidemment. Il y avait bien longtemps qu’il n’y avait à ses yeux plus qu’une personne digne de son attention dans la famille Bauffremont. Saisie d’un frisson, elle se détourna.
« Christine, il faut que tu viennes avec moi. Il n’en a plus pour longtemps… »

Lentement, elle s’entailla les lèvres, puis hocha la tête, mue par un dernier espoir, peut-être. Abandonnant Gisèle, les deux jeunes Bauffremont quittèrent les appartements de Christine et le château. Le marquis se trouvait à Paris, où il avait souhaité séjourner pour les jours à venir. Claude expliqua brièvement à une Christine de plus en plus en proie au trouble qu’il avait été saisi d’un fulgurant accès de fièvre la veille, que les médecins convoqués ne parvenaient à expliquer.
Rapidement, ils furent à l’hôtel, et gagnèrent la chambre dans laquelle il reposait. Arrivée sur le seuil, Christine contempla un instant cette silhouette lourdement couchée sur son matelas. Ainsi, même autour de cet homme qu’elle avait toujours redouté, la mort pouvait rôder ? L’espace de ce court moment, elle réalisa que jamais elle ne l’aurait pensé mortel, mais cette idée ne lui tira qu’un bref e étrange rictus. Elle avait vu disparaître trop d’êtres chers pour céder à de vives émotions face à celle de son père.
Doucement, elle approcha du lit auprès duquel se tenait déjà Claude. Le front couvert de sueur, le marquis tourna légèrement la tête vers elle, et plissa un instant les yeux.
« Ah, Christine, c’est vous. »

Ce furent là les seuls mots que Claude, marquis de Bauffremont, accorda à sa fille en ces funestes heures. Après quelques minutes de silence, elle renonça, et quitta la pièce pour aller tourner en rond dans celle d’à côté, sous le regard déçu d’un père qu’elle n’avait jamais su combler. Elle attendit une éternité, se tordant les mains, rongeant son frein, que son frère ne vienne la trouver. Il se passa près de deux heures avant que la porte de l’antichambre ne s’ouvre sur lui. Le visage fermé, il l’attira à lui, et la serra dans ses bras. Inutile de prononcer le moindre mot : elle avait compris. Sans qu’elle ne puisse dire pourquoi, une boule lui noua la gorge, et elle n’osa remettre les pieds dans la chambre où reposait le mort.

Il n’y eut cette fois pas de violente crise. Ni pleurs, ni hurlements, ni profonde dépression. La disparition du marquis eut même pour effet de faire passer sa folie du moment, et c’est on ne peut plus lucide qu’elle assista à ses funérailles. Etait-elle triste ? Nul ne put le dire, pas même elle.
« La seule chose que je regrette, père, c'est de ne vous avoir jamais plu. »
Ce fut là la seule parole qu’elle eut au-dessus de la dernière demeure de son père, avant de lui tourner définitivement le dos. La vie devait reprendre son cours, et il fallut bien vite se rendre à l’évidence : qu’il soit mort ou vivant, celle de Christine n’avait rien de différente.

***
Scène 3 : 1665
« Où l'on fait appel au talent, c'est que l'imagination fait défaut. »


L’Hôtel de Bourgogne bruissait d’animation lorsque Christine s’y présenta. Un sourire gagna ses lèvres, comme à chaque fois qu’elle passait la porte de la grande bâtisse. Ici, tout sentait le théâtre, et semblait, même en dehors des répétitions, résonner des vers du fameux Racine.
Alors qu’elle observait avec une curiosité sincère passer une comédienne les bras chargés d’étoffes qui serviraient sans doute à la confection des costumes de la nouvelle pièce du dramaturge, Christine fut détournée de ses observations par une jeune demoiselle qui, à force de fréquenter ces lieux, ne lui était plus inconnue.
« Il n’est pas encore revenu, mais il a demandé à ce que je vous fasse monter en l’attendant, l’informa Charlotte avec un sourire qui en disait plus ou moins long sur les instructions qu’elle avait reçues. »
La marquise de Listenois la remercia et, quittant la pièce principale de l’hôtel, gagna l’étage auquel se trouvait la chambre de Jean Racine, car c’était bien lui qu’elle venait y voir.

Il y avait quelques mois que durait cette relation, commencée à l’issue d’une représentation autour de quelques mots d’esprit, et d’une histoire qu’on avait demandé à Christine d’improviser pour épater le dramaturge. Comme elle le faisait jadis pour ses frères, elle avait réclamé à celui-ci une simple phrase, la première qui lui passait par l’esprit et avait ensuite brodé de longues minutes durant l’épique récit de trois compagnons à la recherche de gloire dans la lointaine Constantinople. Le charme avait opéré, et elle ne comptait maintenant plus le nombre d’histoires qu’elle avait narrées à Racine, de même que le nombre de nuits qu’ils avaient passées ensemble.

Une fois Charlotte partie, Christine se laissa légèrement tomber sur un fauteuil, jetant un regard curieux autour d’elle. Sur le bureau, trainaient de nombreux feuillets couverts de la fine écriture de Jean. Jamais il ne lui avait réellement parlé de la pièce qu’il écrivait, ou alors très vaguement, malgré ses nombreuses questions. Tout ce qu’elle connaissait de cette nouvelle œuvre, c’était le sujet, et quelques détails sans importance. Laisser le manuscrit ainsi ouvert alors qu’elle se trouvait seule dans la chambre était digne de la plus cruelle des tentations ; tentation à laquelle elle se hâta d’ailleurs de céder. Juste quelques vers, et il n’en saurait rien.
Un sourire mutin aux lèvres, elle se leva donc, et sans rien toucher de ce qui se trouvait sur le bureau, laissa ses yeux errer sur les tirades couchées sur le papier. Elle avait toujours, bien avant de le connaître comme elle le connaissait maintenant, aimé les vers de Racine. Rares étaient les représentations qui ne l’avaient pas émue, quelque soit l’état dans lequel elle se trouvait alors. Le théâtre, et quand ça n’était pas le théâtre, les lectures avaient sur elle un pouvoir apaisant dont elle avait parfois bien du mal à se passer. Ne pas réussir à tenir en place lors d’une représentation aurait été pour elle la dernière des catastrophes.

Comme l’on pouvait s’y attendre, Christine dépassa de très loin les quelques vers qu’elle s’était promis de découvrir. Mais plus elle lisait, plus elle perdait de son sourire et de sa malice, plus la colère semblait la gagner. Elle était même absolument furieuse lorsque la porte de la chambre s’ouvrit sur un Racine visiblement ravi, mais qui perdit rapidement son sourire en la voyant installée à son bureau.
Vivement, elle se retourna, et lui adressa un regard assassin qui l’aurait foudroyé sur place si ses yeux en avaient eu ce pouvoir. Avant qu’il n’ait pu dire un mot, la marquise se leva, et fit deux pas dans sa direction.
« Comment as-tu osé ? l’invectiva-t-elle, en serrant les poings. »
- Permet-moi de te retourner la question. Depuis quand fouilles-tu dans mes papiers ?
- Depuis que j’ai appris qu’il s’y trouvait quelque chose qui m’appartient, figures-toi ! »
D’un geste brusque, elle se saisit de l’une des feuilles qu’elle avait lues quelques instants plus tôt, et la brandit sous le nez du dramaturge, qui ne semblait pas comprendre grand-chose à ce qu’elle venait de lui dire. Fort heureusement pour la clarté de la dispute qui allait suivre, Christine se chargea sans délais de lui donner une claire explication.

« Très bon personnages, vraiment. Bravo ! Surtout celui d’Axiane, je ne l’aurais pas vue autrement… Mais attends, peut-être parce qu’Axiane sort tout droit de mes histoires… qu’en penses-tu ? asséna-t-elle durement avant de pointer un doigt accusateur sur lui. Tu m’as volé mon personnage, et tu espérais que je ne m’en rendrai pas compte, peut-être ?
- Je ne t’ai rien volé, tu… tenta de se défendre le dramaturge, mais sans grand succès.
- Rien ? Tu as la mémoire bien courte, mon cher ! »
Là-dessus, elle lui lança la feuille froissée au visage, ignorant avec superbe tout ce qu’il pouvait bien vouloir lui dire, et lui tourna le dos. Inutile de dire qu’elle ne comptait pas rester, et encore moins revenir. Mais à l’instant où elle se dirigeait vers la porte de la chambre, une idée l’arrêta, et la poussa à lui faire à nouveau face, le regard brillant d’un nouvel éclat. Eclat qui ne devait, pour Jean, n’avoir rien de très rassurant.

« Mais peut-être devrais-je me sentir flattée, dis-moi ? Considérer comme un honneur qu’un auteur tel que toi s’inspire de mes modestes récits ? ironisa-t-elle, non sans un certain mépris. Et puis je pourrais même en tirer profit ! Imagine un instant le scandale : le grand, le magnifique Racine qui subtiliserait les personnages de sa maîtresse… J’aurais tort de m’en priver, n’est-ce pas ? »
Elle eut un petit rire rauque. Le scandale était une solution envisageable, en effet, mais bien trop facile pour une demoiselle à l’imagination si vaste que la sienne. De plus, une espionne se devait de ne pas se faire trop remarquer – or il lui était déjà bien assez difficile de se faire toute petite lorsqu’elle traversait une crise. Aussi avait-elle une autre idée, en ce qui concernait Racine.
« Mais ne t’en fais pas : tu vas voir dévoiler ta pièce en grande pompe sans être inquiété. Tu n’entendras simplement plus parler de mes histoires… avant qu’elles soient publiées. Et crois-moi, elles seront bien meilleures que tes ridicules vers. »
Là-dessus, Christine claqua la porte, et sortit en trombe de l’Hôtel de Bourgogne sous les regards étonnés de quelques habitués. Le défi n’était pas mince, mais elle était capable de s’y entêter.

Enveloppée dans on long manteau, elle annonça à son cocher qu’elle allait marcher, et qu’il n’avait qu’à s’en retourner. Ça ne serait pas la première fois qu’elle arpenterait Versailles, loin de là, et elle avait besoin de laisser à la colère le temps de disparaître.
Elle retomba d’ailleurs bien vite. Profitant de sa promenade improvisée pour faire son travail, et surprendre quelques conversations anodines, Christine ne manqua pas d’apercevoir cette silhouette familière, installée parmi un groupe de lingères auprès d’un lavoir. Un instant, elle se figea. La jeune femme était rousse, et bien plus chichement habillée que la dernière fois qu’elles s’étaient croisées. Mais depuis le temps qu’elles se couraient après, la jeune marquise ne pouvait que reconnaître les traits d’Adélaïde de Vogüé, dont elle ignorait jusqu’au nom.

Leurs regards se croisèrent, mais bien vite, Christine fit le choix de disparaître. Elle n’était pas grimée, simplement couverte de son manteau, et ne souhaitait pas perdre son principal atout dans cette course-poursuite sans fin : son anonymat. Tournant au coin de la rue, elle ne put toutefois s’empêcher de glisser un regard derrière elle. A son tour, la mystérieuse inconnue s’était hâtée de se glisser hors du petit groupe. Une fois de plus, elles se croisaient, mais ne pouvaient s’atteindre. Pour Christine, il ne faisait nul doute qu’elle était liée, de près ou de loin, au complot qu’on soupçonnait de se monter contre le roi. Il n’y avait que les espions pour changer ainsi d’identité. Hors, ceux qui se trouvaient du côté du roi se connaissaient. Par exclusion, ne restait pour cette fille qu’une seule possibilité. Et la jeune marquise avait depuis longtemps bel et bien décidé qu’elle finirait par la découvrir.

Sans plus tarder, son altercation avec Jean étant presque oubliée, Christine reprit le chemin du château. Il serait toujours temps de s’occuper de cette affaire.

***
Scène 4 : 1665
« La vie est une maladie mortelle. »


Son installation définitive à la cour, son engagement auprès des espions du roi, ses frasques et défis en tous genres avaient, certes, changé beaucoup de choses à la vie de Christine. Elle comblait sa passion en fréquentant assidument les salons, exerçait ses talents en s’inventant mille identités, avait toujours de quoi occuper son imagination débordante et s’amusait des hommes comme bon lui semblait. Elle jouissait même de plus de liberté que jamais depuis la mort de son père. Claude François ayant hérité des épineux problèmes posés par la situation de Bauffremont en même temps que du titre de marquis, avait rapidement dû y retourner avec sa femme enceinte de leur premier enfant, et souhaitait de plus rester aux côtés de celle-ci durant sa grossesse. Les choses, en somme, auraient pu difficilement aller mieux.

Mais il y avait une chose sur laquelle rien ne pouvait plus avoir de prise tant elle était ancré en elle. Ce mal qui la rongeait, et ressortait toujours, sans prévenir, après s’être fait oublié quelques temps. Pendant un long moment après la disparition de son père, Christine crut en être débarrassée, comme s’il pouvait avoir emporté avec lui ce qui avait rendu sa fille si peu digne d’intérêt à ses yeux. Mais ça n’était qu’un vain espoir, et un espoir brusquement brisé lorsqu’un matin où le ciel lui paru bien morne, et le simple fait de se lever un effort surhumain, elle réalisa dans quel état elle avait peu à peu replongé. C’est ce constat, cette dure lucidité qui acheva l’œuvre de maladie en l’enfonçant un peu plus dans ses sombres pensées. Le cercle vicieux avait repris, et ce plus violemment que jamais.

Les jours s’égrenèrent lentement. Envers et contre les successifs états angoissés, fébriles, amorphes ou même apathiques par lesquels elle passait, Christine tenta de continuer comme si de rien n’était. Les salons, cependant, la virent bien moins assidue. Elle cessa même l’écriture de ce pamphlet à l’encontre de Racine. Restait le complot, et les missions auxquelles elle ne pouvait se dérober. La chance voulut que ce soit Ferdinand qui ait affaire à elle – Ferdinand qu’elle soupçonnait d’en savoir bien plus sur son compte qu’elle ne lui en avait dit. Il ne lui fut certainement pas difficile de comprendre que quelque chose n’allait pas, et ce moins encore lorsqu’ils partirent ensemble pour Paris, afin de tirer quelques informations à un groupe de marchands suspect. Christine s’exécuta, mais sans l’entrain habituel qu’elle mettait à mentir et se faire passer pour une autre en toute impunité.

Ce ne fut cependant pas là le plus sévère de la crise. La mission remplie, ils rentrèrent à Versailles et rien de plus ne se passant durant les deux jours qui suivirent. Christine s’enfonça un peu plus dans son état, avec la sombre sensation de se débattre en vain. Elle avait beau tout tenter, rien n’y faisait, et il ne fallu guère plus que quelques heures en tête à tête avec elle-même pour que revienne les songes qui l’avaient déjà poussée à manquer de commettre l’irréparable. Sauf qu’il n’y avait rien cette fois. On ne lui avait pas arraché un proche, pas plus qu’elle n’avait à nouveau entendu son père disserté sur sa folie et le boulet qu’elle était pour la famille. Seuls les souvenirs demeuraient.

Christine avait rendez-vous avec un autre espion, ce soir-là. Mais, prostrée dans ses appartements, c’est à peine si elle s’en souvenait. Au fil de la journée écoulée, elle n’avait cessé de sentir une inexplicable et irraisonnée angoisse lui nouer la gorge, si bien qu’elle avait fini par se recroqueviller sur un fauteuil. Gisèle n’était pas là, il y avait plusieurs heures déjà que Christine l’avait renvoyée, souhaitant être seule. De moins en moins lucide, elle n’avait pu faire qu’observer les minutes passer, le cœur battant à la chamade sans savoir ce qu’elle redoutait. La migraine qu’elle avait lentement sentit venir s’était mise à lui vriller les tempes, et peu à peu, elle sombra.

Est-ce parce que, dans un élan de clarté, elle entrevit l’état dans lequel elle était capable de plonger, ou un accès de folie ? Ni elle, ni personne ne pourra jamais le dire. Mais toujours est-il brusquement, elle se leva. A la fois tremblante et brûlante, la respiration saccadée, elle se mit à chercher fiévreusement autour d’elle de quoi éclairer la pièce, tâtonnant en vain dans le noir. Mais avant une bougie, c’est sur une petite dague dont elle avait récemment fait l’acquisition qu’elle s’arrêta. Un instant, elle se figea, alors que ses mains se refermaient sur la lame. Il y eut en elle un terrible moment d’incertitude. Lentement, elle la souleva alors que des filets de larmes s’étaient, sans qu’elle ne s’en aperçoive, mis à rouler le long de ses joues. C’est en goûtant soudain à leur goût salé qu’elle raffermit sa prise sur l’arme, et baissa les yeux sur d’anciennes marques qui n’avaient pas disparu de ses poignets. Au fond, elle le savait pertinemment, il n’y avait qu’une chose à faire.

A nouveau, le sang ne tarda pas à couler. Ignorant la douleur grandissante, elle se laissa glisser contre un mur, en rouvrant avec rage des plaies depuis peu refermées, et jusqu’à ce que la force lui fasse défaut. Alors seulement, elle lâcha la lame, et contempla les yeux grands ouverts les longs filets rouge qui gouttaient sur le sol, poussant même le vice jusqu’à lutter contre les tâches noires qui lui obscurcissait la vue. Et la lutte dura, encore, et encore.

Elle avait sombré dans l’inconscience lorsque la porte de ses appartements s’ouvrit brusquement sur Ferdinand, et son rendez-vous oublié. Une fois de plus, on la trouva à temps, et l’hémorragie put être arrêtée avant d’avoir eu raison de la jeune femme.

Christine resta alitée plusieurs jours après l’incident, qui fut miraculeusement étouffé. Elle passa pour malade, et la pâleur de ses traits lorsqu’elle parut à nouveau à la cour, les poignets soigneusement gantés, ne fit que confirmer ce nouveau mensonge. Longtemps, elle s’en voulut de cet épisode, mais n’en souffla pas mot. Elle se contenta de présenter ses excuses aux deux espions, en leur faisant promettre de garder le silence.
Et à nouveau, la crise passa. Mais elle emporta cette fois avec elle l’espoir de voir un jour le mal disparaître.

***
Scène 5 : 1666
« L'espérance fait plus de dupes que l'habileté. »


« Avant que vous ne me quittiez, chère amie, pensez à reconsidérer ma proposition ! lança la duchesse d’Alençon alors que Christine s’apprêtait à quitter ses appartements. »
Réprimant un soupir, celle-ci se retourna, et afficha un sourire ne trahit en rien ses véritables sentiments.
« Hélas, duchesse, ma charge auprès de la favorite m’oblige à décliner, vous le savez bien. Et je serais bien ingrate de me dégager de celle-ci quand j’ai été recommandée par le roi lui-même ! »
Elisabeth balaya l’air d’un geste de la main, en soupirant qu’elle ne pouvait que s’incliner devant une si haute volonté. Christine, sans épiloguer, salua pour de bon la duchesse, et se hâta de quitter la pièce dans laquelle se tenait une réunion de bigotes qui avait bien failli avoir raison d’elle, et la rendre folle - sans mauvais jeu de mot.

Ça n’est qu’une fois la porte refermée derrière elle qu’elle se permit de lever les yeux au ciel. Depuis qu’elle avait fort opportunément fondu en larme sur le passage de cette royale cousine dans un but qui lui semblait désormais terriblement vain, la jeune marquise avait bien du mal à se débarrasser de la trop grande amitié que s’était mise à lui vouer Elisabeth d'Alençon. En aucun cas elle n’y avait songé, lorsque le chagrin causé par la perte de son amie, Enola of Dorset, l’avait prétendument gagnée au point de lui faire manquer à tous les devoirs de l’étiquette. Certes, elle avait réellement été attristée par les découvertes de l’anglaise à son sujet, par la façon – ridiculement idiote – dont elle avait appris combien fausse était la vie que prétendait avoir vécue Christine. Certes, elle avait cherché à ce que la duchesse d’Alençon essaye de les réconcilier, jouant de sa réputation sans tâches de bonne chrétienne. Mais de là à devenir officiellement la nouvelle « très chère amie » de celle-ci… il y avait un gouffre. Raison pour laquelle elle déclinait depuis bientôt six mois la proposition d’Elisabeth visant à la faire intendante de sa maison. Passer sa vie entourée de bigotes ? C’est trop, bien trop demander à son impatience naturelle ! D’autant qu’il n’était – pour une fois ! – pas un mensonge que dire qu’une autre charge la retenait. Même si la favorite s’était absentée de la cour, Christine restait l’une de ses dames d’honneur, fonction hautement plus intéressante à ses yeux.

Sans plus attendre, donc, elle s’éloigna, les pensées rapidement détournée de la duchesse d’Alençon pour en venir au rendez-vous qui l’attendait. Ce brusque changement d’idée ne la trompait plus, et la façon dont elle se tordait les mains non plus. Mais c’est en réprimant autant que possible cette nouvelle et récente crise qu’elle se devait de se rendre aux ordres du roi, qui l’avait une nouvelle fois convoquée. Aussitôt, une moue expressive tordit ses lèvres. Depuis que le baron d’Anglerays l’avait recrutée en tant qu’espionne, elle n’avait clairement vu Sa Majesté Louis XIV qu’une fois. Dès leur second entretien, elle ne l’avait plus aperçu que dans la pénombre de pièces situées à l’écart du cœur du palais.
Si ce manège l’étonnait, il avait aussi le mérite – non négligeable – d’avoir réussi à duper Christine. Elle ignorait tout de la supercherie, du fait qu’il s’agissait de Ferdinand et non du roi qui, chaque entretien, lui donnait ses ordres ; mais il y avait une chose dont elle était certaine : dans cette étrange ambiance, celui qu’elle pensait être le roi la traitait de façon bien trop… intime pour être honnête. Et comme elle ne saurait imaginer la mascarade, Christine n’avait pu que se laisser bercer par la douce illusion qu’il voyait en elle plus qu’une espionne parmi d’autres.

C’est donc le cœur battant, l’esprit troublé tant par la maladie que par ce qu’elle croyait être la faveur royale qu’elle se rendit au lieu dit, réprimant tant bien que mal l’excitation si particulière de ces moments de crise.
« Christine ? appela une voix qu’elle connaissait bien. »
Aussitôt, elle eut l’un de ces sourires ravageurs dont elle savait si bien faire usage, oubliant un instant que dans l’obscurité, il ne pouvait le voir.
« Je suis là, votre Majesté, répondit-elle doucement en saluant respectueusement la silhouette qu’elle devinait dans l’ombre.
- J’ai une mission à vous confier Christine, reprit le roi. Je vais avoir besoin de toutes vos facultés, et surtout de savoir que je peux vous faire confiance.
- Votre Majesté sait que je lui suis entièrement dévouée, corps… et âme. »
Sur ces mots, elle osa s’approcher légèrement. Jamais, dans son état normal, elle n’aurait osé faire ou dire une chose pareille. Mais les mots lui échappèrent, et elle fut même assez folle pour ne pas les regretter. Ignorant qu’elle signait là le début d’un long, très long quiproquo, elle donnait allègrement dans le piège.

« Que dois-je faire ? questionna-t-elle à voix basse.
- Votre aide m’est infiniment précieuse, ma chère Christine, se contenta de répondre le faux roi. J’aimerais vous récompenser à la hauteur des services que vous me rendez. Dites-moi, est-il une chose au monde qui vous ferait plaisir ? »
Il y eut un instant de silence, durant lequel elle hésita. Un infime moment de lucidité, qui aurait pu la dissuader de prononcer les mots qu’elle avait en tête. Mais la situation s’y prêtait bien trop, et malgré tout ce qu’elle pouvait risquer, il aurait été fou – à ses yeux – de ne rien tenter…
« Mon Roi sait très bien ce qui me rendrait heureuse… souffla-t-elle alors, la voix pleine de sous-entendus, en s’approchant encore. »
Le cœur battant, elle s’attendit à être repoussée, ou à devoir s’éloigner d’elle-même voyant que rien ne se passait. Mais bien au contraire, la main du roi se posa soudain sur son visage, lui arrachant un tressaillement. Et avant qu’elle ne puisse y songer, les lèvres du monarque se posèrent sur les siennes. Un instant de stupeur plus tard, elle lui rendait son baiser son hésiter.

« Mon… mon roi, je… balbutia-t-elle en s’éloignant légèrement, lorsque la réalité de ce qui venait de se produire s’imposa à elle.
- Ne dites rien, Christine. »
Le royal doigt posé sur ses lèvres la força à obtempérer. Il se passa ainsi quelques secondes de silence, puis sa mission lui fut confiée, et l’entretien, terminé. Lorsqu’elle quitta la petite pièce, Christine n’avait en rien perdu de son agitation, mais brillait en plus dans son regard un fol espoir qu’elle ne confia qu’à sa fidèle Gisèle. Fidèle… mais bavarde. De la confidence d’un baiser, le bruit se transforma, mua, grossit comme toutes les rumeurs qui naissent à la cour et bientôt, on entendit se murmurer partout que la jeune, étrange et surtout très imaginative marquise de Listenois se pensait, preuves à l’appui, la nouvelle favorite royale.
Le bruit en l’état l’effraya, mais par fierté tout comme poussée par ce familier sentiment d’invincibilité, elle ne démentit rien. Après tout, Amy of Leeds avait disparu de la cour, et elle était certaine de n’avoir pas rêvé ce baiser. Si le souvenir de ses trop réelles hallucinations, celles dans lesquelles elle voyait Eléonore tuer un domestique, ne manqua pas de revenir la hanter, Christine était dans un état tel qu’elle choisit de se croire dans le vrai.
Le vrai, finalement, n’était pas bien loin. Seul le roi était faux.

***
Conclusion : 1666
« C’est souvent comme ça avec la féerie : l’horreur n’est jamais loin. »


Avez-vous été attentifs, chers lecteurs, au conte de cette vie troublée ? Ainsi, vous voilà au fait de ce que furent les aventures et mésaventures passée de mademoiselle Christine, marquise de Listenois. Elles n’ont rien d’un joli conte, et tiennent bien plus souvent de l’horreur que de la féérie. Mais enfin, vous les connaissez, et vous en retiendrez l’essentiel. Vous voilà, chers lecteurs, fort bien prévenus.


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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime22.04.12 23:33

Une semaine, 34 pages et 22 441 mots plus tard, je crois pouvoir dire que j'ai - enfin - terminé ma fiche Laughing
Désolée pour le pavé les filles, et pour ceux qui voudront se plonger dans la lecture de toute cette histoire Razz

Je suis passée plus rapidement sur les liens non présents sur le forum, mais j'espère que ça vous vas quand même.
Bon courage cheers

Amy, sois pas vache, je suis victime d'une horrible machination Boude
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Amy of Leeds


Amy of Leeds

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Mère enfin apaisée et femme comblée mais pour combien de temps encore ?
Côté Lit: Le Soleil s'y couche à ses côtés.
Discours royal:



♠ ADMIRÉE ADMIN ♠
Here comes the Royal Mistress

Âge : A l'aube de sa vingt septième année
Titre : Favorite royale, comtesse of Leeds et duchesse de Guyenne
Missives : 7252
Date d'inscription : 10/09/2006


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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 2:00

TU ES VALIDÉE !
BIENVENUE A VERSAILLES

Ce message est un fake, en fait tu ne l'es pas ! SBAAAAAAAAF ! PTDR Bon alors j'attends toujours que tu me fournisses au bout de la cinquième fiche un petit quelque chose pour te permettre de jouer tes schyzos Razz Bon allez trêve de bêtises et passons aux choses sérieuses ! Christine petite, une graine de tarée. Christine ado, une graine de mytho, Chrisine adulte : Une tarée doublée d'une mytho. Ah nan, juste une bipolaire et une mytho. T'es servie en plus d'Elodie qui va pas tarder à voir son coupain foutu dans un asile ? ça va, tu as une affinité avec les hôtels Dieux ? * sort* Enfin c'est bon t'as cerné le perso écoute PTDR Son histoire rocambolesque je l'adore ! Comme tu le sais Christine je l'adorais et tu la rends super bien sans doute vachement mieux que je ne l'aurais jouée d'ailleurs. Smile Je vais encore me le jouer jury de la Nouvelle star, mais c'est encore un grand ouiiiiiiiii ! cheers Pas grave pour tes liens pas encore présents tu sais. Tu verras ça avec eux quand ils pointeront le bout de leur nez, l'essentiel est là et l'essentiel est très bien ! Bienvenue une énième fois parmi nous ! Amuse toi bien avec tes déguisements ! Razz Amy est couchée et si elle a bien accueillie Athé, c'est pas pour t'agresser toi What a Face Tu connais le chemin What a Face

Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Versai11
PENSE PAS BÊTE ; Qui est qui ? Petit topo des personnages sur le forum.Fiches de liensFiche de rpsDemandes de rangs et de logementsProposer un scénario.



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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 10:17

Merci beaucoup chère déesse pour cette validation express... à deux heures du matin o__o You CRAZY ! (bon, okay, j'étais connectée à 2:40, j'avoue.)

Je suis certaine que je vais bien m'amuser, avec tous les liens tordus de base et ceux qui n'attendent qu'à se trouver What a Face

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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 10:19

On parle de liens tordus ? What a Face

Reeeeeeeeeeeeeeee-bienvenue parmi nous très chère ! cheers cheers cheers Bon, je t'ai déjà fait savoir un million de fois combien ta fiche était méga-chouette, alors je ne vais pas m'étendre sur le sujet Razz Mais mordious, voilà une Christine de choc ! On va faire de grandes choses ensemble, foi de gascon ! Twisted Evil

Amuse-toi bien avec ce nouveau perso' qui déchire tout ! cheers
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 10:33

Bienvenue Christine Dangereux


Franchement, je crois que je vais arrêter de te dire à quel point cette fiche est géniale et à quel point j'ai adoré la lire ** . Tu as été abominable avec cette pauvre Chris mais c'est ça qu'on aime Razz . Et nos liens sont top, on va bien s'amuser (Racine fait la gueule - pour changer - mais Elé plussoie) Twisted Evil

Que dire de plus sinon que tu es notre schizo en chef (pour le moment) PTDR ? Profite bien de ce titre PTDR
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 11:53

Merci à vous deux ** I love you
Je suis contente que la folle Christine vous plaise I love you

Ferdi - Quelle épique, en effet Héros (Ferdigi) On va faire la chasse aux méchants en mentant en toute impunité, c'est cool What a Face

Elé Dangereux - Pardon pour les passages ignobles... ça va, au final, tu ne me déteste pas trop ? Razz Là encore, on va bien s'amuser. Racine n'a qu'à bien se tenir Twisted Evil Quant à Elé... Boude
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Francesco Contarini


Francesco Contarini

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Je m'aime tellement ! Quoique, il est possible que je l'aime elle aussi...
Côté Lit: C'est open bar ! Entrée gratuite pour les libertins
Discours royal:



• DON JUAN •
Revenu des Enfers


Âge : 27 ans
Titre : Nobilis Homo vénitien, Ambassadeur déchu, Banquier de la Main de l'Ombre & bras droit de Victor d'Amboise
Missives : 710
Date d'inscription : 16/01/2011


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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 12:02

Un cinquième compte...Ralalaa je m'en remet toujours pas XD
Ouais comme dit Adeline tu es notre schizo en chef pour l'instant PTDR *remet une statuette en or à Marie* Félicitations ! Razz

Cette fiche I love you !!! Vraiment super !! J'admire ^^
Est ce que Christine serai intéressée pour avoir un lien avec l'un (ou plusieurs XD) de mes moi ? Pervers (comme un jeune freluquet anglais par exemple !!! PTDR)
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Alvise Di Venezia


Alvise Di Venezia

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: J'aime l'idée même de la beauté. Une vraie personne? Euhh.. non. Pas encore.Ah si... j'aime bien les filles fréquentées par mon frère, c'est normal ça?!
Côté Lit: rêves érotiques avec un idéal féminin mais ça reste très abstrait(forcément)
Discours royal:



Tout pour la Galerie

Âge : 20
Titre : Fils du doge de Venise, Capitaine au sein de la Garde Suisse Pontificale et garde du corps de l'Ambassadeur de Rome Michele Barberini
Missives : 257
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 12:42

5e compte et toujours autant d'inspiration, je suis en admiration totale!!!!(mode Vivise)

Heureuse de voir que quelqu'un est venu sauver Christine du suicide en fin de compte Razz Razz
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 14:51

Quelle fiche affraid J'aime les bains de sang What a Face PTDR

J'me devais quand même de te souhaiter la bienvenue en raison de ma vision d'hier avec les passages de Claude François PTDR Maintenant que j'ai l'image en tête, j'ai bien du mal à me l'enlever PTDR
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime23.04.12 15:01

Je ne suis pas la seule à avoir 5 comptes... si ? Suspect

Merci à vous tous cheers I love you

Alvise - Comment ne pas être inspirée ? La folie des ATViens, c'est l'inspiration même **

Francesco - Des liens avec tes moi ? Mais avec plaaaaisiiiiiiiiir Pervers J'attends ta prochaine connexion sur msn Rock on

Joigny - Étrangement, ce sont les bains de sang que tu as retenu... PTDR Oh oui, on fera Cloclo et ses Claudettes sur les choeurs de l'église avec des enfants derrières (mais vivants, hein, les enfants Boude )
On est cons PTDR
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Megan Campbell


Megan Campbell

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Côté Coeur: Après mon pays et un souverain, vient le visage d'un français un peu trop maniaque.
Côté Lit: Après le passage d'un souverain, je suis devenue bien difficile. N'espérez rien de ce côté!
Discours royal:



    Caledonia you're calling me
    And now I'm going home


Âge : 25 ans
Titre : Baronne de Campbelltown et espionne très personnelle de Charles II
Missives : 335
Date d'inscription : 26/02/2012


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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime24.04.12 21:29

Un jour....un jour peut-être je lirais entièrement ta fiche, mais en attendant, bienvenue à toi, spice di foldingue Razz

(je la lirais juste pour Claude François PTDR )
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime24.04.12 22:23

Rien ne t'y oblige très chère, j'avoue que c'est un peu long Razz
Claude François est partout, tu peux sélectionner si tu veux (a)

Mais merci - et je prends le fol'dingue pour un compliment What a Face
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MessageSujet: Re: Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.   Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. Icon_minitime24.04.12 22:29

Je ne peux lire ton discours royale sans penser à l'imitation d'Isabelle Adjani par Florence Foresti (j'imagine bien que c'est voulu) du coup, je me marre à chaque fois !

(re)bienvenue (j'avoue que je suis complètement larguée dans tout les DC TC, QC ... scratch ).

Les espions ont tous leur tares personnelles à ce que je constate ! J'espère que Christine et Alaina pourront se croiser à l’hôpital psychiatrique !
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Christine de Listenois ; souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie.
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