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 Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie

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MessageSujet: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime09.01.12 0:17

[et Hop, on inaugure la Galerie What a Face]

« Croyez-le ou non mon cher, mais n’aurait-il attendu qu’une minute de plus et je le défiais en duel ! Ses provocations me sortent par les oreilles, j’en ai plus qu’assez ! » « Allons mon cher Duc, ce n’est pas raisonnable vous le savez bien. Cet homme jouit de la protection du Roi, s’en prendre à lui serait inconsidéré. » « Un gentilhomme ne refuserait pas un duel à la loyale, même le Roi serait d’accord avec ça ! » « Le Roi vous dirait surtout que les duels sont interdits. » « Au diable les édits, et au diable ce damné Fou ! »

Le Duc de Mantoue franchit la porte de la bibliothèque d’un pas furieux, talonné de près par son ami –ou plutôt son sous-fifre- le Comte de Montrouge qui peinait à tenir le rythme en raison d’un embonpoint assez handicapant pour tout ce qui était course à pied, marche, escrime, et même équitation, bref tout exercice un tant soit peu physique. C’était donc un bel effort que le pauvre homme devait fournir pour ne pas déplaire à son acolyte, et surtout ne pas être largué dans la foulé et abandonné dans une partie du château qu’il n’avait pas l’habitude de visiter étant donné qu’il quittait rarement ses appartements.

« Allez, oubliez donc ce maudit baron et allons nous détendre en faisant une partie de cartes. Quelqu’un finira bien par lui clouer le bec un jour ! » « Si seulement Dieu pouvait vous entendre… » « Pour me clouer le bec c’est l’aide du Diable qu’il vous faudrait ! »

Les deux hommes sursautèrent violemment et firent volte-face, l’un rouge de colère et l’autre blême de frayeur. Adossé au mur, les mains dans les poches de son pourpoint, Ferdinand d’Anglerays les toisait avec un sourire insolent et le regard goguenard qui lui était coutumier. Rendu encore furieux par la vue de l’insupportable personnage, le duc de Mantoue fit un pas vers lui mais le comte eut la bonne idée de le retenir en s’accrochant à son bras. Cette vision eut pour effet de faire rire le baron, ce qui eut pour conséquence de rendre le teint du duc encore plus rouge, si cela eût été possible.

« Pour qui vous prenez-vous, monsieur ? » vociféra-t-il. « Pour quelqu’un qui vous trouve très amusant, monsieur le duc. » « Je n’apprécie pas qu’on me rit ainsi au nez je vous avertis ! » « Quel dommage, moi j’adore ça ! »

Cette dernière réplique arracha un cri de fureur au duc que Ferdinand apparenta plus au hennissement d’un cheval en colère.

« Ce n’est pas très malin de votre part de me provoquer ainsi, d’Anglerays ! » cracha-t-il en essayant de recouvrer un semblant de sang-froid. « J’ai déjà tiré avec monsieur de Sandras, le lieutenant-capitaine des mousquetaires, et si je n’ai pas gagné au moins m’en suis-je tiré sans blessure ! » « Il faut bien un début à tout. » rétorqua Ferdinand d’un air dégagé et en faisant un clin d’œil au comte qui se demandait ce qu’il avait fait au Seigneur pour devoir assister à une scène comme celle-ci.

Cependant le duc sembla stoppé en pleine élan. Son regard porcin planté dans celui de Ferdinand, il avait l’air d’avoir aperçu quelque chose dans les yeux du Fou qui réfrénait ses élans meurtriers. Ses narines se dilatèrent alors qu’il prenait une grande respiration pour calmer sa fureur, puis tourna brusquement les talons et sortit à grands pas en bousculant Montrouge et pestant sans retenue contre ce maudit bouffon. Ferdinand les observa s’éloigner, puis fut secoué d’un rire silencieux. Dieu que ce duc était crétin ! Un regard un peu cruel avait suffi à le refroidir… Et peut-être que le médaillon qu’il portait autour du cou et tapotait négligemment avait eu son petit effet. Quand on savait que l’objet avait appartenu à monsieur de Nailloux, un de seuls hommes que le duc considérait comme meilleur tireur que lui… Et que Ferdinand avait dérouillé en duel deux jours plus tôt. D’où la présence du médaillon, ce que le duc avait vite compris étant donné que les relations houleuses entre Nailloux et d’Anglerays n’étaient un secret pour personne !
Une fois ses deux détracteurs hors de vue, Ferdinand tourna les talons à son tour et, croisant les mains dans son dis en arborant un air satisfait, s’éloigna dans les couloirs à la recherche d’une occupation. Il n’y avait rien qu’il détestait tant que l’ennui, et cette journée était hélas bien plate. La famille royale était en réunion familiale au Trianon, et le peu d’amis qu’il avait était introuvable. Ne restait plus que la solution universelle du remède contre l’ennui : déambuler un peu partout en espérant trouver d’autres distractions comme celle que ces deux andouilles venaient de lui offrir.

Ses pas finirent par le mener à la Galerie des Glaces, l’une des plus belles parties de Versailles bien qu’elle laissât Ferdinand à peu près aussi indifférent que la plupart des richesses qui s’étalaient dans le palais. Il n’était pas homme à s’extasier sur la valeur des choses et préférait de loin les immenses jardins, la grande allée, ou encore les différents parcs où il était possible de faire de longues promenades ou de l’équitation. Malheureusement, le temps aujourd’hui ne le permettait pas, comme le confirma le regard morose qu’il jeta par la fenêtre. Quelqu’un avait-il donc décidé qu’il passerait une journée maussade aujourd’hui ? Visiblement oui…
« Qui a fait le coup selon vous, Froulay ? »
… Ou pas. Dressant l’oreille à l’entente du mot « coup » suivi de « Froulay », Ferdinand heureusement dissimulée par une statue grecque attendit en silence la suite de la conversation en risquant un coup d’œil rapide entre les doigts de Poséidon. Il se demandait duquel des deux frères Froulay il s’agissait. Il reconnut rapidement Elodie. Ou plutôt Eric… Esquissant un sourire, Ferdinand se retrancha derrière sa statue et écouta.

« De quel coup parlez-vous ? » « Mais voyons, vous savez bien ! La favorite ! »

Depuis l’anniversaire du Roi, le nom d’Amy était sur toutes les lèvres et tout un chacun se demandait qui avait bien pu avoir l’audace de commettre cet enlèvement. Et la question intéressait particulièrement Ferdinand, à la fois ami de la favorite et espion de ce cher Louis… Mais il doutait fort que Froulay en sache plus que lui sur la question. Selon son rapport, il, ou plutôt elle, n’avait pas appris grand-chose. Il se décida donc à sortir de sa cachette et se dirigea d’un pas leste vers le deux mousquetaires de faction dans la galerie. Son éternel sourire aux lèvres, il les accosta sans ambages.

« Messieurs, bonjour ! Figurez-vous que je m’ennuie profondément, et que je suis à la recherche d’une occupation. Et à ce que je constate, c’est pas folichon pour vous non plus… Dites-moi mon cher ! » s’exclama-t-il en se tourna vers le collègue d’Elodie. « Et si vous alliez faire un tour ? J’ai deux mots à dire à ‘monsieur ‘ de Froulay. »

Ignorant le regard dubitatif de la jeune travestie, il ne cilla pas et soutint le regard très perplexe de l’autre mousquetaire qui ne bougeait pas d’un pouce, surpris par l’arrivée inopinée de ce drôle de personnage qu’était le Fou. Ce dernier, qui n’avait jamais été d’une nature très patiente, commençait à trouver son temps de réaction excessivement long.

« Depuis combien de temps ne vous êtes-vous pas débouché les oreilles, jeune homme ? Allez donc voir du côté du Grand Canal si je n’y suis pas, et s’il le faut plongez dedans pour vérifier ! »

Secoué par la virulence d’un personnage qu’il savait être peu judicieux de fâcher, le mousquetaire salua son collègue et mit les voiles sans se poser de questions. On était si habitué aux excentricités du bouffon dans les parages que le fait de le voir discuter avec un mousquetaire en faction n’avait plus rien de surprenant. Satisfait, il se tourna vers Froulay qui devait se demander ce qu’il lui voulait. A vrai dire ça faisait plusieurs jours qu’il réfléchissait à l’éventualité d’une entrevue avec la jeune femme, dont il avait percé à jour le double-jeu presque dès le début, reconnaissant sous le masque du mousquetaire les traits d’une jeune femme. Le reste n’avait été que déductions lorsqu’il l’avait croisée vêtue en femme à une ou deux reprises… Après tout, n’était-ce pas son métier de tromper et de démasquer ceux qui trompaient ?

« Bien, nous voilà tranquilles maintenant, « monsieur » de Froulay. » s’exclama joyeusement Ferdinand. « Dites-moi mon cher, ne trouvez-vous pas ça curieux cet enlèvement ? On entend toutes sortes de rumeurs sur le sujet, à tel point qu’on ne sait plus où se donner de la tête. A votre avis, à qui en veut-on vraiment : à la duchesse… Ou au Roi ? »

Ferdinand, ou l’art de ne jamais aller droit au but et de faire tourner ses interlocuteurs dans tous les sens avant de les amener là où il voulait aller… Tout un concept.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime15.01.12 19:41

Morne journée que celle, qui s’écoulait à Versailles. Morne, et grise, ce qui n’arrangeait en rien les choses. Le soleil refusait l’éclat de ses rayons au château qui semblait comme piégé sous une lourde chape, et son homologue le roi de France faisait de même, retranché au Trianon avec l’ensemble de la famille royale et les personnages importants qui, semblait-il, donnaient à cette Cour volage l’animation qu’elle possédait ordinairement. Du moins était-ce la sensation que donnaient ces lascives heures et qui en avait poussé beaucoup à préférer à la demeure royale la petite ville qui l’entourait, et même pour certain, les remous de la capitale. Salons et complots ne s’y tenaient-ils pas après tout de concert ? Et ne valait-il pas mieux s’y trouver que de rester à Versailles et risquer d’en être les victimes ? C’était un raisonnement qui se tenait, et qu’Elodie aurait volontiers partagé si elle n’avait pas eu la lourde tâche de veiller sur le château. Depuis l’enlèvement d’Amy de Leeds, hormis les quelques jours de repos – si l’on pouvait les nommer ainsi – forcé que François leur avait imposés à tous deux en voulant se rendre sur les terres de Froulay, toute la compagnie était sur le pied de guerre sans pour autant pouvoir faire quoi que ce soit de concret. Factions et patrouilles s’étaient multipliées, mais il fallait croire que le roi s’en remettait d’avantage à ses inévitables espions en ce qui concernait les véritables actes. Ceux-là même qui avaient laissé la favorite être enlevée ? On le disait, mais la jeune Froulay n’avait cure de ces bruits sans intérêt.

Car toute à sa charge de mousquetaire, elle ne pouvait néanmoins empêcher ses pensées de voler vers sa récente expédition, et toute autres sortes de songes qui n’avaient absolument rien à voir avec les évènements qui secouaient toute la Cour. Egoïste ? Peut-être. Mais en quoi devrait-elle y consacrer ses nuits quand les ses camarades et elle-même avaient la sensation d’être maintenus dans une inactivité chronique et même quelque peu irritante ? Alors parfois elle oubliait, songeuse, les malheurs du roi, pour ses propres amours et la petite escapade que lui avait valu l’entêtement de son frère. L’escapade et surtout, la façon dont elle avait réussi à se tirer d’un piège familial qu’elle n’irait pas jusqu’à le soupçonner d’avoir tissé de toutes pièces, mais pour lequel elle aurait été capable de lui en vouloir s’il n’avait pas accepté de fuir le manoir avec elle. A cette pensée, un sourire mystérieux étira ses lèvres. Elle connaissait son père, elle savait qu’il ne chercherait pas à les rattraper.
« Ce que je dis vous amuse, Froulay ? lança une voix qui sortit soudain le faux jeune homme de ses pensées.
- A vrai dire, j’avais oublié que vous me disiez quelque chose, marquis, répondit Eric, le ton sec. »
Outré, son compagnon dévisagea le cadet Froulay avec de grands yeux, avant de s’éloigner, abandonnant la surveillance d’une galerie déserte pour les salons qui la prolongeaient. Une moue ironique aux lèvres, Elodie l’observa s’en aller, presque soulagée d’être enfin débarrassée d’une si… encombrante conversation. L’espace d’un instant, elle tenta de se souvenir de ce qu’il lui disait une minute plus tôt, mais réalisa qu’il y avait bien plus longtemps qu’elle ne l’écoutait plus.

« Drôle de façon de faire la conversation, mon ami ! »
Fermement, une main s’abattit sur l’épaule de la demoiselle, lui tirant un vague sursaut, puis un sourire lorsqu’elle reconnu l’inratable Vaudreuil.
« Je crains de n’avoir trouvé de façon plus agréable de m’en débarrasser… répondit-elle avec une moue faussement contrite. »
Les deux amis rirent de bon cœur, puis se lancèrent dans une conversation sans grand intérêt, mais qui avait au moins le mérite de ne pas déplaire à Elodie autant que celle de son précédent compagnon. Vaudreuil était un homme qui la laissait perplexe, mais qu’elle appréciait. Drôle de personnage à vrai dire, mais bien moins suspicieux que leurs collègues quant à l’étrange Eric de Froulay ce qui, quoi qu’elle ait tendance à s’amuser plus qu’autre chose des doutes de ses collègues, constituait un certain soulagement pour ce dernier – ou plutôt cette dernière.
« Dieu que Versailles est morne aujourd’hui ! Si je n’étais pas honnête homme, je me ferai en plaisir d’envoyer au diable ces factions ennuyeuses pour aller rendre visite à ces demoiselles de la Rose Blanche…
- Et depuis quand êtes-vous honnête homme, dite-moi ?
- Depuis qu’envoyer au diable une faction est devenu impossible, mon ami ! répondit Vaudreuil, en haussant les épaules. L’affaire de Leeds est décidément une terrible chose… »

Un autre sourire, franchement amusé cette fois-ci, effleura les lèvres de la jeune femme. L’accent avait été, il était vrai, mis sur la discipline depuis la disparition de la favorite, mais elle ignorait qu’il puisse y avoir quelque chose au monde capable d’empêcher son compagnon de se rendre au bordel qui portait l’innocent nom qu’il venait de lui citer. La conversation continua un petit moment, les deux mousquetaires ayant finalement opté pour le semblant de confidentialité que pouvait leur offrir les sculptures qui ornaient la galerie des Glaces. Non pas qu’il se trouvât dans leurs paroles quoi que ce soit de particulièrement secret, mais pouvoir parler sans être écouté était un confort qui ne se refusait pas à Versailles. Alors pour une fois qu’il le leur était offert… du moins, le pensaient-ils.
« Qui a fait le coup, selon vous, Froulay ? demanda soudain Vaudreuil, après un silence.
- De quel coup parlez-vous ?
- Mais voyons, vous savez bien ! La favorite ! »
Le nom était décidément sur toutes les lèvres. Pas une des conversations qu’elle avait eu depuis la désastreuse soirée d’anniversaire du roi n’en avait été épargnée ; et il n’était pas rare que cette même question revienne. Seulement voilà, personne si ça n’étaient les coupables eux-mêmes, n’avait la moindre idée de la réponse à donner. Aussi Elodie se contenta-t-elle de hausser une seconde fois les épaules, lassée d’en revenir au même sujet. Lassée, et surtout frustrée de sa propre ignorance. Il se passait décidément d’étranges choses à Versailles…

« Messieurs, bonjour ! s’exclama soudain une voix bien connue. Figurez-vous que je m’ennuie profondément, et que je suis à la recherche d’une occupation. Et à ce que je constate, c’est pas folichon pour vous non plus… »
Ferdinand d’Anglerays. A la vision enjouée du Fou, Elodie ne put réprimer un sourire. Voilà qui promettait de secouer quelques peu le morne ennui de cette grise après-midi. Et elle n’avait d’ailleurs pas idée à quel point.
« Dites-moi mon cher ! continua le nouveau venu en s’adressant à Vaudreuil. Et si vous alliez faire un tour ? J’ai deux mots à dire à ‘monsieur’ de Froulay. »
Perplexe, la demoiselle haussa un sourcil, non sans avoir échangé un regard avec le mousquetaire qui se voyait ainsi chassé sans ménagement. L’espace d’un instant, le silence se fit, sans que Vaudreuil ne daigne bouger.
« Depuis combien de temps ne vous êtes-vous pas débouché les oreilles, jeune homme ? Allez donc voir du côté du Grand Canal si je n’y suis pas, et s’il le faut plongez dedans pour vérifier ! »
Une fois de plus, l’insistance du Fou avait eu raison de ses interlocuteurs. Réprimant un éclat de rire franc par égard pour la susceptibilité de son ami, Elodie le salua rapidement, avant de revenir à son nouvel interlocuteur. Drôle de façon d’engager une conversation.

« Bien, nous voilà tranquilles maintenant, « monsieur » de Froulay, s’exclama-t-il joyeusement.
- Votre habile façon de vous faire des ennemis m’étonnera toujours, baron, lança Elodie en guise de salutation, un sourire aux lèvres.
Dites-moi mon cher, ne trouvez-vous pas ça curieux cet enlèvement ? On entend toutes sortes de rumeurs sur le sujet, à tel point qu’on ne sait plus où se donner de la tête. A votre avis, à qui en veut-on vraiment : à la duchesse… Ou au Roi ? »
A ces mots, la demoiselle haussa un sourcil. Etait-ce réellement pour lui parler de ce que tout le monde reprenait à son compte que l’étonnant Ferdinand d’Anglerays était venu lui parler ? Elle en doutait. Mais se prêtant au jeu, elle laissa sur ses lèvres s’étirer une moue énigmatique.
« Eh bien je doute que l’on prenne le risque de se mettre à dos un tel roi en n’en voulant qu’à la favorite, répondit-elle simplement, exprimant ce qu’elle avait pourtant jusque là gardé pour elle, ne trouvant pas d’intérêt à donner son avis. A moins d’être stupide, mais il faut à mon avis avoir rudement bien préparé son jeu pour parvenir à un tel coup de maître. Sa Majesté n’a-t-elle pas à sa disposition des espions qu’il semble difficile de tromper ? »

Elodie ignorait beaucoup de l’étrange personnage qu’était le bouffon du roi, mais était convaincue d’une chose : le Fou ne l’était pas autant qu’il voulait bien le faire croire. Et si elle ignorait son réel rôle auprès de Louis XIV et de ce complot dont on ne savait que penser et s’il existait réellement, elle le soupçonnait de tenter parfois de lui soutirer quelques informations quant à ce qui se passait dans la compagnie. Et on ne cherche pas ce genre de détails sans dessein. Aussi ponctua-t-elle ces dernières paroles d’un sourire mutin, sachant d’avance qu’il lui pardonnerait l’innocente raillerie – s’il se sentait seulement concerné.
« Mais dites-moi, baron, n’avez-vous donc pas quelques autres sujets sur lesquels converser ? Aussi terrible le sort de la favorite soit-il, son nom est sur toutes les lèvres au point d’en devenir redondant. Et voyez-vous, je m’ennuie également. »
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime22.01.12 14:52

- Votre habile façon de vous faire des ennemis m’étonnera toujours, baron.

S’il avait porté un chapeau, Ferdinand l’aurait soulevé pour remercier la demoiselle du compliment qu’elle venait de lui faire. Enfin compliment, façon de parler. Avoir un don pour se faire des ennemis n’était probablement pas ce qu’on pouvait appeler une qualité, mais à la longue il s’y était habitué en avait presque fait un sport depuis qu’il était devenu le Fou du Roi, depuis maintenant dix ans. Dix ans ! Dieu que le temps passait vite. Il songea à envoyer un message à Louis pour souligner l’évènement puis se dit que les circonstances ne s’y prêtaient guère, avec l’enlèvement d’Amy le Roi n’avait plus la tête à grand-chose. En parlant de la favorite d’ailleurs, Ferdinand était bien curieux de ce que Froulay pourrait avoir à lui dire sur le sujet. D’accord, elle n’avait toujours pas compris qu’il avait grillé sa couverture –mais après tout il avait tout fait pour qu’elle ne s’en doute pas, justement- mais à force il s’était rendu compte qu’elle était loin d’être stupide, n’avait pas les yeux dans ses poches, et avait un certain cran. Des qualités qui ne pouvaient que plaire à Ferdinand, surtout depuis que Charles d’Artagnan s’était absenté du camp, que François de Froulay le regardait sans savoir sur quel pied danser avec lui, et qu’Alexandre d’Artagnan semblait l’avoir dans le nez. Oui, Elodie –ou Eric- pouvait décidément lui être très utile, s’il s’y prenait bien et qu’il ne s’était pas trompé dans son pressentiment qu’il pouvait trouver en elle un allié à la fois discret et efficace. Quand on était habile pour se faire des ennemis, mieux valait l’être aussi pour se faire des amis, ne serait-ce que pour équilibrer la balance.
Quant à sa dernière question, à savoir qui de la favorite ou du Roi était la véritable cible de cet enlèvement, elle relevait pratiquement du rhétorique. Ferdinand avait bien entendu construit sa propre hypothèse sur la question et était convaincu que c’était bien le Roi qu’on essayait d’atteindre à travers la femme qu’il aimait –et l’enfant qu’elle portait. Aussi fut-il bien aise de voir que Froulay en était arrivée à la même conclusion que lui, ce qui ne faisait que le conforter dans son idée que la jeune fille pourrait bien lui être utile.

« Eh bien je doute que l’on prenne le risque de se mettre à dos un tel roi en n’en voulant qu’à la favorite. A moins d’être stupide, mais il faut à mon avis avoir rudement bien préparé son jeu pour parvenir à un tel coup de maître. Sa Majesté n’a-t-elle pas à sa disposition des espions qu’il semble difficile de tromper ? »

Ferdinand retint difficilement un rire ô combien sarcastique. Il voulait faire de Froulay son alliée, pas lui donner l’impression que les espions du Roi n’étaient qu’une bande de bras cassés… Fait qui semblait malheureusement se confirmer avec cet enlèvement. Du Perche et Comborn avaient rudement bien raté leur coup. Espions difficiles à tromper, mon œil ! Pour le moment ils étaient tous les deux encore les victimes de la fureur de Louis, mais quand les choses se calmeraient il était bien décidé à découvrir le fin mot de l’histoire… Après tout on apprend autant de ses échecs que de ses succès, et peut-être y avait-il quelques noms ou autres à découvrir là-dessous.
Des noms des noms… C’était ça qu’il manquait à Ferdinand ! Il avait des soupçons évidemment, comme toujours, mais il lui manquait la certitude… Cette affaire était loin d’être finie, et l’après-midi même il comptait rendre une petite visite à la Reynie pour voir si ce dernier avait eu plus de chances que lui. En attendant, il devait faire avec les moyens du bord, à savoir tendre l’oreille. Il ne pouvait pas agir avec autant de liberté que son homologue de la police car il devait garder l’anonymat, mais au moins se méfiait-on moins de lui, et il lui était plus facile de surprendre une conversation, une allusion, une confidence intéressante que s’il avait porté l’uniforme et clamé partout : « regardez, j’enquête sur la disparition de la favorite ! ». Mais Froulay avait raison sur un point : les instigateurs de l’enlèvement avaient très bien préparé leur coup, si bien que personne ne l’avait vu venir et qu’ils n’avaient pas laissé la moindre trace… pour l’instant. Son expérience lui dictait que tout malfaiteur laissait les traces de son forfait, aussi infimes soient-elles. Et il comptait bien mettre la main dessus.

« Vous êtes malin, Froulay. » lança-t-il en faisant quelques pas vers une statue, les mains négligemment croisées dans le dos. « Un coup de maître, c’est exactement ça. Quant à ce pauvre Louis, bigre ! On doit drôlement lui en vouloir pour fomenter un coup aussi bien maîtrisé. Il y a du vilain là-dessous, je vous le dis ! Et de gros vilains ! » continua-t-il en menaçant grotesquement la statue d’Apollon qui lui faisait face, levant un doigt moralisateur et semblant plus s’adresser à elle qu’au mousquetaire.

« Mais dites-moi, baron, n’avez-vous donc pas quelques autres sujets sur lesquels converser ? Aussi terrible le sort de la favorite soit-il, son nom est sur toutes les lèvres au point d’en devenir redondant. Et voyez-vous, je m’ennuie également. »

Interrompu dans le concours de grimace dans lequel il s’était engagé face à Apollon qu’il n’avait jamais porté dans son cœur, Ferdinand dédia un regard réprobateur à Elodie comme si la victoire venait de lui échapper à cause d’elle. Puis il leva le bras et donna une tape sur la tête de la statue –geste qui lui aurait valu les foudres de tous les amateurs d’art du Louvre, ce dont il se fichait éperdument- et revint tourner autour de la jeune fille en considérant les tableaux tantôt d’un œil torve, tantôt avec admiration. Elle s’ennuyait ? Un sourire énigmatique éclaira le visage du baron. Elle n’allait pas s’ennuyer longtemps, foi de d’Anglerays ! Peut-être même qu’elle regretterait son ennui après avoir entendu ce qu’il avait à lui dire. Tout dépendrait de comment il s’y prendrait –il n’avait pas encore arrêté son choix- et de comment elle le prendrait. En tout cas, l’expérience promettait d’être intéressante.

« J’ai toujours d’autres sujets sur lesquels converser Froulay, je suis peut-être affreusement irritant mais gardez-moi au moins cette qualité… Le jour où je deviendrai ennuyeux sera celui où je devrai rendre mon tablier. » fit-il remarquer avec un clin d’œil. « Si vous saviez de quoi je suis capable de parler, vous n’en reviendriez pas… » ajouta-t-il sur un ton plus mystérieux mais toujours avec cet éclat d’humour dans les yeux qui lui était si propre.

S’éloignant de nouveau d’Elodie, il fit mine de s’intéresser à une statue d’Hercule cette fois et pencha le tête sur le côté comme s’il ne comprenait pas par quel sens il fallait la prendre, en fit le tour deux fois en sifflotant et reprit la parole sur un ton léger.

« Voyons, de quoi pourrais-je vous entretenir pour tromper votre ennui ? Je pourrais vous parler des dernières frasques de Monsieur et persécuter ce pauvre Surrey… Ou bien des dépressions répétées de Colbert, toujours à cause de Monsieur, de ses dépenses et de ses insultes… Ou bien de la dernière conquête du duc de Mortemart ? »

Tout en poursuivant son énumération, Ferdinand s’allongea de tout son long sur un des sofas qui jonchaient la Galerie des Glaces et croisa ses longues jambes en regardant le plafond.

« Je pourrais aussi vous parler de cette nouvelle tendance qui semble fleurir à Paris… Saviez-vous qu’on trouve de plus en plus de jeunes femmes qui se déguisent en hommes ? Amusant non ? »

Il marqua une pause volontaire avant de se tourner sur le côté et de la dévisager avec un sourire en coin.

« Je savais que nous avions quelques hommes à Versailles pour se travestir, mais dans le sens inverse… Drôle d’épidémie ! On dirait que personne n’est content de ce qu’il est ! Un jour on appellera les femmes des hommes et les hommes des femmes. C’est Carnaval et le jour des Fous avant l’heure ! »

Se redressant soudainement sur son sofa, il s’assit et planta son coude sur son genou, posa son menton au creux de sa paume et observa Froulay sans aucune gêne comme s’il observait une nouvelle espèce particulièrement intéressant de fourmi à tête verte. Puis il pencha légèrement la tête sur le côté sans détacher d’elle ses yeux devenus inquisiteurs, bien que toujours rieurs et ironiques.

« Ce genre de sujet de conversation vous distrairait-il plus, « monsieur » de Froulay ? » finit-il par demander sur un ton faussement détaché.

La première pierre étaient lancée dans le lac. Restait à voir de quelle taille seraient les ronds qu’elle dessinerait dans l’eau, et si ils n’auraient qu’un impact infime ou au contraire déclencherait un tsunami… Le temps d’abattre son jeu approchait, qu’Elodie le veuille ou non. Et Ferdinand s’en réjouissait d’avance.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime04.02.12 11:44

« Vous êtes malin, Froulay, lança d’Anglerays, tirant à l’intéressée qui leva les yeux au ciel une moue fataliste. Un coup de maître, c’est exactement ça. Quant à ce pauvre Louis, bigre ! On doit drôlement lui en vouloir pour fomenter un coup aussi bien maîtrisé. Il y a du vilain là-dessous, je vous le dis ! Et de gros vilains ! »

Adossée contre le mur qui se trouvait derrière elle, Elodie adressa un regard perplexe à son interlocuteur qui semblait en fait être plus celui de la statue d’Apollon qu’il venait de menacer que le sien. Elodie avait toujours eu une sorte de curiosité mêlée d’humour et d’admiration pour le personnage étrange qu’était le Fou du roi. Digne descendant de son aïeul, à ce que disaient les plus informés, mais la demoiselle était bien trop jeune pour prendre la mesure de ce que cela signifiait. Au reste, peu lui importait l’ancêtre en question. Elle avait sous les yeux un spécimen bien assez mystérieux – spécimen présentement occupé à se livrer à ce qui semblait être une joute grimaçante en compagnie de l’impavide Apollon. A cette vision, le mousquetaire laissa fleurir sur ses lèvres un sourire un brin ironique. D’Anglerays jouait à merveille son rôle de Fou, mais derrière ce masque de bouffonnerie, elle soupçonnait bien plus de sérieux qu’on ne pouvait lui prêter.
Sérieux qu’elle n’avait cependant aucune envie de voir étalé aujourd’hui. La favorite étant le sujet à la mode à la Cour, Elodie comptait vivement sur le baron pour trouver plus intéressant – espérance dont elle ne manqua pas de lui faire part. A ses risques et périls cependant…

Au regard réprobateur qu’elle récolta d’abord en guise de réponse, elle se contenta d’hausser un sourcil, bras croisés contre sa poitrine. Si elle avait fait d’Eric un personnage détaché, Elodie, quant à elle, ne demandait qu’à entrer dans ce genre de petits jeu ô combien divertissants. Les traits d’esprits et conversations détournées qui se tenaient à la Cour la fascinaient autant qu’elle l’amusait – et elle ne comptait plus combien elle avait bien pu en surprendre à l’insu de leurs meneurs, qui oubliaient parfois que les soldats de faction n’étaient, à l’image de leurs domestiques, pas que de simples meubles. Il était de son rôle de mousquetaire, cependant, d’écouter sans rien répondre. Moins Eric se faisait remarquer, mieux elle s’en porterait. Mais face au Fou, la donne n’était pas sans changer.
« Eh bien monsieur, vous aurais-je pris en défaut de conversation ou cherchez-vous sur ces tableaux de quoi vous inspirer ? demanda-t-elle, amusée, alors que le baron s’était plongé dans l’observation circonspecte des toiles accrochées autour d’eux.
- J’ai toujours d’autres sujets sur lesquels converser Froulay, rétorqua-t-il aussitôt, je suis peut-être affreusement irritant mais gardez-moi au moins cette qualité… Le jour où je deviendrai ennuyeux sera celui où je devrai rendre mon tablier. Si vous saviez de quoi je suis capable de parler, vous n’en reviendriez pas…
- Eh bien je ne demande qu’à entendre ! lâcha alors Elodie, sans songer un instant aux révélations auxquelles elle s’exposait ainsi. »

Il était fort dommage, songea-t-elle, que Vaudreuil était été chassé sana ménagement car c’était là une conversation qui, sans nul doute, l’aurait intéressé au plus haut point. D’autant que pour l’heure, bien que la présence du Fou soit en effet un efficace remède à l’ennui, la jeune femme ne voyait pas où il voulait en venir, et la raison pour laquelle il avait annoncé avoir deux mots à lui dire. Il n’y avait dans les paroles qu’ils échangeaient rien qui ne puisse être entendu par le second mousquetaire comme par tout le reste de la Cour – aussi absente du château soit-elle aujourd’hui.
Mais loin de couper court à ce long préambule pourtant, Elodie prenait au contraire un malin plaisir à l’alimenter ; et depuis le pan de mur contre lequel elle était appuyée, ne lâcha pas des yeux le baron, conservant aux lèvres un sourire espiègle.
« Voyons, de quoi pourrais-je vous entretenir pour tromper votre ennui ? se questionnait Ferdinand tout en faisait le tour d’un Hercule de marbre. Je pourrais vous parler des dernières frasques de Monsieur et persécuter ce pauvre Surrey… Ou bien des dépressions répétées de Colbert, toujours à cause de Monsieur, de ses dépenses et de ses insultes… Ou bien de la dernière conquête du duc de Mortemart ?
- Je suis certain que vous pouvez faire mieux… l’encouragea le mousquetaire.
- Je pourrais aussi vous parler de cette nouvelle tendance qui semble fleurir à Paris… Saviez-vous qu’on trouve de plus en plus de jeunes femmes qui se déguisent en hommes ? Amusant non ? »

A ces mots le sourire d’Elodie se figea, et ses traits perdirent sans qu’elle ne puisse rien y faire toute l’expression rieuse qu’ils arboraient une seconde plus tôt. Tendue soudain, elle le dévisagea, cherchant dans ses yeux et sa petite moue sibylline ce qu’il avait en tête, derrière ces paroles bien trop innocentes pour être honnêtes. Bien que son visage en restât à cet air soudain fermé qu’elle n’avait pu réprimer, dans sa poitrine, la demoiselle sentit son cœur faire un bond violent. Crispée, elle se redressa, soutenant du mieux qu’elle le pouvait le regard du Fou qui s’était soudain fixé sur elle. Savait-il ? Avait-il deviné ? La coïncidence serait trop grosse qui l’amènerait à évoquer un tel sujet avec elle tout particulièrement. Et cette chose qu’il avait à lui dire, avait-ce un lien avec le mensonge dont était entouré Eric ? Toutes ces questions, urgentes, se bousculaient dans sa tête alors que, muette, elle attendait que le baron daigne reprendre la parole, comme pendue à ses lèvres.
« Je savais que nous avions quelques hommes à Versailles pour se travestir, mais dans le sens inverse… Drôle d’épidémie ! On dirait que personne n’est content de ce qu’il est ! Un jour on appellera les femmes des hommes et les hommes des femmes. C’est Carnaval et le jour des Fous avant l’heure ! reprit-il, s’étonnant joyeusement du fait qu’il lui contait sans pour autant trahir quoi que ce soit de ce qu’il savait ou non, au plus grand dam de la jeune femme. Ce genre de sujet de conversation vous distrairait-il plus, « monsieur » de Froulay ? »

Une moue, tendue, vint tordre les lèvres de l’intéressée dont l’une des mains jouait nerveusement avec un pan de sa casaque. Ce faux détachement, tout autant que la petite nuance qu’elle ne nota que maintenant lorsqu’il prononça le mot « monsieur » firent prendre un nouveau coup à son rythme cardiaque. Un vague éclat de rire nerveux lui échappa alors qu’elle jetait autour d’eux un regard plus destiné à l’aider à reprendre contenance qu’à réellement observer ce qui se passait dans la luxueuse galerie. Rien ne lui échappa pourtant. Du jeune noble qui dévorait des yeux l’une des dames d’honneur de la reine en pleine conversation avec sa meilleure amie à Vaudreuil qui s’était posté à autre bout de la galerie et les observait l’air perplexe, en passant pas la toute jeune demoiselle dont les pas s’empêtrait dans sa longue robe… Rien, elle ne manque rien. Ce qui ne l’avait pas empêchée de ne pas se rendre compte de ce qu’elle avait sous son nez, à savoir qu’à Ferdinand non plus, rien n’échappait.
Revenant à ce dernier, elle s’avança légèrement, faisant à son tour quelques pas aux côtés d’Hercule. Ce dernier pourrait-il lui concéder un peu de sa chance ? (oui, elle avait toujours considéré son histoire comme une succession d’accès de chance indécents) Elle en doutait.
« Vous êtes décidément de plus en plus surprenant, baron, lâcha-t-elle enfin en essayant de retrouver un sourire digne de ce nom. Que voulez-vous… les temps changent. Mais pas les mœurs. Ce qui pourrait d’ailleurs s’avérer regrettable pour les jeunes femmes que vous évoquez… »

Ayant plus ou moins fait le tour de la statue, elle se planta en face de lui, ses prunelles dans les siennes. Il savait, il n’y avait pas le moindre doute à avoir là-dessus. Il savait tout. Eric, Elodie… et il était l’un des plus fidèles sujet du roi qu’elle connaisse. Or les lois, si elles n’étaient pas écrites, ces fameux mœurs qu’elle venait, à dessein, d’évoquer, tout cela était plus que clair. Elle ignorait le nom que l’on pourrait donner au crime qu’elle commettait, mais quelque chose du goût de la trahison ne lui semblait pas trop mal trouvé.
« Elles risqueraient gros, ce me semble, à être découvertes… continua-t-elle. »
La conversation, bien que biaisée, était devenu beaucoup plus claire que leur petit préambule. Elodie ignorait ce que pouvait bien penser d’Anglerays, mais dans un sursaut d’instant de survie, elle n’avait pu s’empêcher d’évoquer, allusivement, ce qu’elle risquait, en effet, s’il parlait… A cette idée, elle sentit un nœud lui serrer la gorge, tout en se gardant bien d’en laisser paraître quoi que ce soit.
« Mais n’est-ce pas là que rumeur, baron ? demanda-t-elle soudain, pressée d’en finir avec les doutes. Savez-vous quoi que ce soit de ces demoiselles ou n’êtes-vous que l’interprète des bruits de la ville ? Vous avez piqué ma curiosité. »

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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime21.02.12 16:28

Un homme plein de sagesse avait un jour expliqué à Ferdinand, au tout début de sa carrière d’espion au service du Roi, qu’un bon joueur d’échecs n’avait jamais qu’un coup d’avance sur son adversaire mais que c’était toujours le bon. Ce précepte avait fait vive impression sur l’esprit du jeune homme qui s’était dès lors appliqué à toujours le suivre dans quelque situation que ce soit. Il faisait rarement de plans sur la longue durée en se perdant en conjonctures sur les potentiels agissements de ses adversaires, préférant se concentrer sur l’étape suivante, l’anticipation du seul coup suivant afin d’être certain absolument de neutraliser toute tentative de contre-attaque. En somme, plutôt que de tenter en vain de couper toutes les têtes de l’Hydre d’Hercule, il visait plutôt à couper la tête-mère, voire même à toucher au cœur. Un coup d’avance seulement, mais toujours le bon. Ca valait toujours mieux que des plans trop hasardeux pour être certain de leur réussite. Coup de chance, le Fou était à l’image de son aïeul un excellent joueur d’échecs.
Toujours assis dans son sofa, le menton posé au creux de la main comme un élève écoutant avec plus ou moins d’attention son professeur, Ferdinand observait sa proie du moment avec un intérêt qu’il ne cherchait même plus à dissimuler, intérêt qu’elle avait bien saisi s’il en croyait les couleurs qui avaient déserté ses joues et l’expression d’extrême tension qui avait passé sur son visage avant de retrouver une contenance toute précaire. Il l’observait avec une telle attention qu’il aurait pu donner avec exactitude le nombre de fois qu’elle avait cligné des paupières depuis qu’il avait balancé son annonce avec apparemment l’efficacité d’une bombe. Diable, il n’en attendait pas tant mais il en était ravi ! Il avait beau être un bon espion, il n’en gardait pas moins l’esprit d’un véritable gosse ravi de montrer un tour de magie sans en révéler le truc. Peut-être même était-ce en partie parce qu’il était comme un enfant qu’il avait accepté de rejoindre les rangs des espions secrets de Louis XIV : par goût de l’aventure, par goût du jeu –comme les échecs- et une véritable aversion pour l’ennui. Sachant cela, qui s’étonnerait de le voir si bien s’épanouir dans ses deux fonctions, celle d’espion et celle de Fou ? Chacune à leur manière, elles mettaient en valeur ses vrais talents, et surtout elles seyaient parfaitement à sa personnalité. Il ne manquait jamais de le faire remarquer à Louis lorsqu’il le voyait –et même de l’en remercier lorsqu’il était de particulièrement bonne humeur.
Suivant des yeux la jeune mousquetaire, il la vit s’avancer à son tour vers la statue qu’il avait examinée, et plutôt que de se retourner il bascula la tête en arrière pour ne pas la perdre des yeux. L’angle de vue était moins bon, il le concédait volontiers, néanmoins il resta dans cette position peu sérieuse en croisant les bras et conservant une expression tout à fait neutre, illuminée peut-être d’une lueur d’intérêt candide dans le regard.

« Vous êtes décidément de plus en plus surprenant, baron. » lâcha-t-elle enfin. Il ponctua ce compliment –enfin, il le prenait comme tel- d’un grand sourire et d’un geste théâtral de la main. Que voulez-vous… les temps changent. Mais pas les mœurs. Ce qui pourrait d’ailleurs s’avérer regrettable pour les jeunes femmes que vous évoquez… »

Las de cette position inconfortable qui commençait sérieusement à lui donner un torticolis, il se redressa et d’un bond enjamba le sofa pour rejoindre son interlocutrice devant leur statue bien-aimée –ce pauvre Hercule devait se demander ce que lui voulaient ces deux hurluberlus- les mains croisées dans le dos en se tenant légèrement en retrait derrière elle. Restant muet pour le moment, il ne la quittait toujours pas des yeux alors qu’elle continuait à discourir pour son plus grand plaisir : un des points communs entre Elodie et Ferdinand était cette affection pour les dialogues biaisés et les double-sens, comme un jeu de cartes où le bluff est encore le maître du jeu. Soudain elle planta son regard dans le sien. Et si son regard à lui était l’innocence même, le sourire en coin qu’il arborait sciemment était justement fait pour conforter Elodie dans sa position. Le genre de sourire qui veut « oui je sais, et je sais aussi que tu sais que je sais ». L’apogée de la conversation, le moment exact où les mots en eux-mêmes deviennent plus creux qu’un verre de cristal et où tout le sens réside ailleurs, dans un regard, ou une expression, un geste… L’être humain était décidément merveilleux d’ambivalence et d’ambiguïté quand il voulait bien s’en donner la peine. Ferdinand se délectait de ces moments où les deux interlocuteurs parlaient d’une chose tout en pensant à une autre et savaient pertinemment de quoi il retournait. Elodie ou Eric de Froulay était à ce petit jeu une remarquable partenaire, il fallait bien lui rendre cet hommage.
Comme les meilleures choses doivent finir lorsqu’elles atteignent l’apothéose, Ferdinand rompit ce contact visuel en conservant son demi-sourire pour regarder de nouveau Hercule alors qu’elle poursuivait :

« Elles risqueraient gros, ce me semble, à être découvertes…» « Oh certainement. Très gros même. » lâcha-t-il avec une simplicité presque cruelle. « Mais n’est-ce pas là que rumeur, baron ? »

La riposte eut le mérite d’attirer de nouveau l’attention de Ferdinand sur elle. Délaissant définitivement sa chère statue, il posa sur elle un regard amusé qui pouvait aussi bien signifier « ma pauvre fille… Tu le sais aussi bien que moi… » mais il reconnaissait qu’il s’agissait là d’une tentative intelligente. Avec ça, il serait bien obligé de lui livrer des informations sur ce qu’il savait et surtout comment il l’avait su… Il n’avait jamais eu l’intention de le lui cacher mais comme cela elle ne le savait pas, ça restait un joli coup.

« Savez-vous quoi que ce soit de ces demoiselles ou n’êtes-vous que l’interprète des bruits de la ville ? Vous avez piqué ma curiosité. » « Vous de même mon cher, mais je suis sûr que vous vous en êtes déjà aperçu. » répondit-il le plus simplement du monde en tournant les talons et commençant à s’éloigner. Il se contenta de lui jeter un regard par-dessus son épaule pour lui intimer de le suivre.

Il ne l’emmena pas bien loin à vrai dire, se contentant de traverser la Galerie jusqu’à une fenêtre depuis laquelle ils pouvaient apercevoir en contrebas une cour dans laquelle se promenaient divers personnages. Vue de haut, la scène avait des airs de théâtre de marionnettes estimait le Fou, mais il garda cette considération pour lui-même. Il donna une pichenette au bras d’Elodie pour attirer son attention puis fit un geste de la tête pour indiquer le paysage entre contrebas tout en croisant de nouveau les bras.

« Regardez-les Froulay. Ils ont l’air innocent comme ça, ces petits personnages engoncés dans leurs beaux costumes et avec leur beau maintien. Mais nous sommes à la Cour, et personne n’est innocent, personne ! » s’exclama-t-il en levant un doigt moralisateur et d’une voix grondeuse. « Les rumeurs de la ville, dites-vous ? Allons, je suis gentilhomme… Un gentilhomme ne se contente pas de bruits, il a besoin de concret. Se contenter des rumeurs, ça fait poissonnière. » enchaîna-t-il avec une grimace en passant à la fenêtre d’à côté.

Il aperçut juste au-dessous d’eux Nicolas de Ruzé qui allait probablement prendre sa faction quelque part. Un sourire sardonique passa rapidement sur ses lèvres. Non décidément, personne n’était innocent à cette Cour du roi Soleil… Et ce à tous les niveaux, se dit-il en se remémorant cette petite domestique, une certaine Perrine Harcourt en les manières angéliques de laquelle il n’avait jamais eu confiance.
Paranoïaque, Ferdinand ? Peut-être. En attendant, se méfier de tout et de tout le monde lui avait toujours été utile jusqu’à présent et ne l’avait jamais desservi. Pourquoi arrêter, alors ? En ce bas monde, on ne pouvait plus décemment se fier à qui que ce soit, ou alors il fallait être rudement sûr de son bonhomme. Or, il se trouvait justement que Ferdinand avait besoin d’un appui de confiance chez les mousquetaires. D’Artagnan avait plus ou moins disparu du paysage et le Fou voulait absolument avoir un œil partout.

« Tous autant que nous sommes, nous avons nos petits secrets. Même moi, même vous, même le Roi. Et il se trouve qu’un de mes outils principaux pour faire rire notre bon Louis, ce sont les secrets. Donc un de mes passe-temps consiste à… Découvrir les secrets des autres. » expliqua-t-il en joignant les doigts comme s’il était un professeur de mathématiques expliquant un théorème à son étudiant. « Suite à ma longue expérience, j’ai découvert trois sortes de secrets. Petit un : les secrets inoffensifs qui ne font de mal à personne. Petit deux : les secrets très dangereux dont il vaut mieux neutraliser le détenteur… »

Il marqua une pause assez longue en guettant la moindre trace d’expression sur son visage, et une fois satisfait de son examen il enchaîna :

« Petit trois : les secrets qui peuvent se révéler dangereux… S’ils tombent entre les mains des mauvaises personnes. Généralement ils sont plus dangereux pour les objets du secret que pour celui qui le détient, sauf si bien sûr il s’agit de la même personne. Les femmes dont nous parlions tout à l’heure appartiennent naturellement à cette dernière classe. Imaginez que quelqu’un de mal intentionné ne découvre leur véritable identité… Comme vous l’avez si bien dit, ce serait très regrettable. »

Si ses paroles pouvaient très facilement être prises pour une menace à peine voilée, mais son visage n’exprimait qu’une amicale curiosité. C’était une prise de position consciente. La proposition qu’il s’apprêtait à faire à Elodie/Eric n’avait rien d’hostile, bien au contraire… Mais tout en lui faisant comprendre qu’il n’était pas nécessairement son ennemi, il fallait aussi qu’elle comprenne qu’elle avait eu de la chance, beaucoup de chance qu’il ne la dénonce pas… Avant de se lancer dans un quelconque marché, une quelconque alliance avec elle, il voulait avoir la certitude qu’elle savait vraiment dans quoi elle s’était embarquée et qu’il ne s’agissait pas juste d’un caprice d’enfant gâtée comme cela pouvait hélas arriver. Il en doutait, mais on n’était jamais trop sûr de ses alliés… C’est pourquoi il conclut son discours par :

« Dites-moi franchement Froulay. Qu’est-ce que vous feriez, vous ? Que pensez-vous de ces femmes ? »

Peut-être qu’en employant la troisième personne pour parler d’elle-même, Elodie de Froulay aurait plus de facilité à se défendre… Et à le convaincre.

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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime07.03.12 20:04

Combien de fois s’était-elle prise à observer, avec amusement, avec une certaine perplexité même, ce monde qu’elle dupait si facilement ? Bientôt trois ans que le faux jeune homme avait prétendu pouvoir entrer aux mousquetaires, et la liste de ses camarades, des courtisans, des gens tout simplement ayant réussi à percer le secret d’Eric de Froulay ne s’était allongée que de quelques noms à peine. Jamais elle ne s’était trahie – sauf peut-être une fois – seules les situations l’avaient desservie. Trois ans qu’elle parvenait à jongler entre deux vies, à se faire passer pour ce qu’elle n’était pas, et même à échapper à ceux auxquels elle n’avait pu mentir.
Trois ans également qu’elle avait plus que le loisir de se préparer à ce jour, celui où on viendrait lui dire que le masque était tombé, et que la mascarade devait prendre fin. Les premiers mois, elle n’avait eu de cesse d’imaginer ce qu’elle pourrait faire ou dire pour s’en sortir, les échappatoires qu’elle aurait à sa disposition. Et puis avec le temps, rien ne se passant, elle s’était tranquillisée, et sans baisser la garder, s’était mise à jongler entre deux vies jusqu’à ne plus bien savoir laquelle se devait d’être pleinement vécue. Là encore, rien ne s’était passé. Il y avait eu quelques incidents, certes. Il y avait eu Ruzé, mais elle avait réussi à le faire taire. Il y avait eu Megan, et Isabelle, toutes deux bien trop semblables à Elodie pour pouvoir ne serait-ce que la juger. Et qui d’autres ? La liste s’arrêtait là, et même François, malgré sa dernière – et fourbe ! – tentative n’avait pu l’arrêter.
On pouvait le dire : après trois ans, la mascarade Eric de Froulay était un succès. Jusqu’à aujourd’hui.

Jamais elle n’avait fait le moindre faux pas face à d’Anglerays. Jamais, même, elle ne l’avait croisé autrement qu’habillée de l’uniforme des mousquetaires – ou alors, la rencontre n’avait pas du être bien marquante car ne lui laissait aucun souvenir. Et pourtant, son sourire, ses allusions ne pouvaient laisser le moindre doute à la jeune femme. La conversation avait beau être profondément biaisée, sans doute incompréhensible pour toute personne n’en connaissant pas l’objet, ce que voulait dire le baron était clair, bien trop clair à ses yeux. Il savait. Et mieux encore : il savait qu’elle l’avait parfaitement compris. Cela se lisait dans ses yeux, autant que dans ceux de la demoiselle. Tous deux avaient parfaitement compris de quoi il sen retournait mais, l’un par jeu, l’autre par protection, ne pouvaient se résoudre à crever l’abcès. Le jeu, en cet instant, sembla bien cruel à Elodie, bien qu’elle s’appliquât avec acharnement à n’en rien montrer ; tout autant que le détachement que le Fou mit dans ses paroles lorsqu’il lui confirma ce que risquaient ces prétendues anonymes femmes travesties dont ils parlaient. Si elle n’avait su s’accrocher au mince espoir que lui laissait l’idée de tenir le masque, sans doute Elodie aurait-elle encore pâli. Ils s’étaient compris, alors pourquoi diable ne pas en venir à bout tout de suite ? Si elle devait finir dans elle ne savait quelle cellule d’un sordide couvent, elle préférait en finir sans se débattre inutilement.

Par instinct, pourtant, elle se reprit, évoquant l’idée qu’il ne puisse s’agir que de rumeurs. Après tout, l’on parlait beaucoup à Versailles, et Elodie n’était pas seule. Elle ne souhaitait rien de tel à ses amies, mais Isabelle ou Megan, et sans doute d’autres n’étaient pas exempte de donner lieu à quelques soupçons… Et même sans elles, il y avait là de sa part une pointe de fierté, celle de ne pas se laisser abattre au premier coup porté. Le Fou voulait jouer ? Soit, elle appréciait beaucoup leurs petites joutes amicales. L’enjeu était, certes, bien plus grand aujourd’hui, mais pour l’heure, elle était toujours Eric.

« Vous de même mon cher, mais je suis sûr que vous vous en êtes déjà aperçu, répondit simplement le baron, tirant une moue indéfinissable à Elodie. »
Sans répondre, elle l’observa s’éloigner un instant, puis lui emboîta le pas vers l’une des immenses fenêtres qui ornaient la Galerie des Glaces. A l’instar du Fou, elle baissa les yeux sur les jardins. Aussi loin que le regard puisse se poser, tout n’était que splendeur de verdure et de jeux d’eau. Même sous la grisaille, Versailles resplendissait, mais habituée à ces merveilles dorées, la jeune femme se contenta d’un vague coup d’œil aux quelques passants et la pichenette que le baron lui donna fut profondément inutile : il avait toute son attention.
« Regardez-les Froulay. Ils ont l’air innocent comme ça, ces petits personnages engoncés dans leurs beaux costumes et avec leur beau maintien. Mais nous sommes à la Cour, et personne n’est innocent, personne !
- Certes… marmonna la demoiselle au supplice.
- Les rumeurs de la ville, dites-vous ? Allons, je suis gentilhomme… Un gentilhomme ne se contente pas de bruits, il a besoin de concret. Se contenter des rumeurs, ça fait poissonnière. »
Elodie se crispa encore, si tant est que la chose fut possible. Comment savait-il ? Comment avait-il pu percer son secret là où tous n’y voyaient que du feu ? Depuis le temps qu’elle jouait ce rôle, être Eric lui était devenu si naturel qu’elle en oubliait parfois qu’il n’était rien qu’un masque. Comment aurait-elle pu faire une erreur à ce point fatale qu’il puisse avoir tout deviné ?

« Tous autant que nous sommes, nous avons nos petits secrets. Même moi, même vous, même le Roi. Et il se trouve qu’un de mes outils principaux pour faire rire notre bon Louis, ce sont les secrets. Donc un de mes passe-temps consiste à… Découvrir les secrets des autres, continua le baron, comme en écho aux pensées de la jeune femme qui s’appuya contre la fenêtre pour lui faire face. Suite à ma longue expérience, j’ai découvert trois sortes de secrets. Petit un : les secrets inoffensifs qui ne font de mal à personne. Petit deux : les secrets très dangereux dont il vaut mieux neutraliser le détenteur… »
Sans qu’elle n’en ait d’abord conscience, sa main gauche se raidit encore autour de la garde de son épée, sur laquelle, par habitude, elle l’avait négligemment posée. Ses traits, quoi que maîtrisés pour la situation, se tendirent également, teintant l’air perplexe dont elle s’était masquée d’une pointe de crainte qui commençait à percer. Sous le feu des yeux du baron, elle sut que rien de tout cela ne lui échappa, mais cependant, garda contenance et un silence obstiné . Les derniers mots d’Anglerays ne pouvaient décemment la concerner. Ce qu’elle faisait n’avait rien de dangereux si ça n’était pour elle-même. Non, Elodie sentait surtout venir ce qui allait suivre…
« Petit trois : les secrets qui peuvent se révéler dangereux… S’ils tombent entre les mains des mauvaises personnes. Généralement ils sont plus dangereux pour les objets du secret que pour celui qui le détient, sauf si bien sûr il s’agit de la même personne. Les femmes dont nous parlions tout à l’heure appartiennent naturellement à cette dernière classe. Imaginez que quelqu’un de mal intentionné ne découvre leur véritable identité… Comme vous l’avez si bien dit, ce serait très regrettable.
- C’est le risque qu’elles prennent, en effet, répondit aussitôt Elodie, un peu plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. Que nous prenons tous dès lors que nous avons nos secrets, d’ailleurs, ajouta-t-elle. »

Dans les paroles du baron, pourtant amicale, Elodie ne savait démêler la simple conversation de la menace. Voilée, certes, mais à ses yeux, elle existait tout de même. Que voulait-il lui faire sentir ? Qu’elle prenait des risques inconsidérés ? Qu’elle avait de la chance que, sachant tout ce qu’il y avait à savoir, le proche du roi qu’il était ne l’ait pas encore dénoncée ? Elle détestait cette sensation d’être acculée, à la merci du Fou, bien qu’elle ne fut pas sûre de devoir se considérer comme totalement en danger. Et cette conversation qui n’en finissait pas de tourner autour du pot. En finirait-il, ou attendait-il qu’elle abatte ses cartes ? Et alors, qu’en serait-il ? Devait-elle s’attendre à être arrêtée sur le champ, ou plus tard… ou à ce qu’il ne fasse rien ?
« Dites-moi franchement Froulay. Qu’est-ce que vous feriez, vous ? Que pensez-vous de ces femmes ? »
La question la laissa muette, d’abord. Raide, elle se redressa, abandonnant la fenêtre contre laquelle elle s’était adossée pour se planter face à son juge, un sourire – certes, quelques peu forcé – en coin tordant le bout de ses lèvres.
« Ce que j’en pense, d’Anglerays ? répéta-t-elle, pensive. Mais pas trop de mal, ma foi. »
Elodie n’était pas certaine de comprend où il voulait en venir, et pourquoi est-ce qu’il faisait tant de mystère tout en en disant beaucoup. Mais s’il lui laissait de loisir de renverser, ne serait-ce qu’un instant, la situation, alors elle n’allait pas s’en priver. S’il lui fallait se justifier ou se défendre, autant le faire avec panache.

A son tour, elle quitta l’alcôve de la fenêtre, faisant mine de réfléchir. Progressivement, ils avaient fini par atteindre le sud de la Galerie, si bien que les quelques pas silencieux d’Elodie suffirent à les faire pénétrer dans le salon de la Paix – ô douce ironie – dans lequel on ne pouvait trouver âme qui vive. Satisfaite, elle reprit la parole.
« Je pense que l’on ne peut décemment prendre de tels risques sans motifs valables. Rendez-vous compte, baron : plus que leur vie, elles mettent même en jeu le nom de leur famille ! M’est avis que l’on ne se laisse pas entraîner dans une telle mascarade par caprice, ou sur un coup de tête. »
Du bout des doigts, elle effleura le marbre de la cheminée, comme absorbée par les nuances qui s’y dessinaient, puis vivement, leva la tête vers le Fou, non sans planter son regard décidé dans le sien.
« C’est donc qu’elles sont conscientes des risques que vous évoquiez tout à l’heure – du moins, je veux le croire, car dans le cas contraire, ce ne serait que pure folie, continua-t-elle, évoquant pour la première fois le long cheminement des réflexions qu’elle s’était faites avant de quitter les terres familiales. »

A nouveau elle s’éloigna pour aller jeter un coup d’œil à la fenêtre. Son pas était tranquille, mais en réalité, elle ne pouvait tenir en place. Alors qu’elle ne l’avait pas vu plus tôt, elle aperçut rapidement Ruzé, qui prenait sa garde dans les jardins, et à cette vision, une moue lui tordit les lèvres. Fallait-il que le hasard choisisse ce moment exactement pour le remettre sous ses yeux, comme pour lui rappeler ce qu’elle risquait avec ses secrets. Réprimant un frisson, cette aventure là ne lui laissant pas de bons souvenirs, elle se détourna, et revint à Ferdinand d’Anglerays qui se tenait derrière un secrétaire, oublié là lors de la dernière soirée d’appartements donnée dans la galerie – à savoir, la veille. Résolument, elle s’en approcha, et y posa ses deux mains, approchant son visage de celui du Fou. Ce qu’elle allait lui dire ne souffrait aucun témoin. Ce qui tombait bien : ils étaient seuls.
« Mais surtout, baron, je pense que ces jeunes femmes seraient prêtes à tout pour garder leur secret de ces mauvaises mains dont vous parliez. Vraiment à tout, ajouta-t-elle sombrement sans le lâcher du regard. »
Non, ça n’était pas une menace. Ou du moins, pas totalement, en témoignait la moue à la fois amère et cynique qui tordit un instant ses lèvres. Elle marqua une courte pause, observant sa réaction, puis enfin, se décida. Ce petit manège avait déjà bien trop duré. Soudain, elle abandonna la voix grave et admirablement contrefaite d’Eric de Froulay.
« Maintenant, monsieur d’Anglerays, cessons de jouer, voulez-vous ? Je ne suis pas sûre de pouvoir tenir aussi longtemps que vous cette partie, et crains d’en provoquer une issue trop regrettable pour ne pas l’arrêter avant, asséna-t-elle avec une assurance qui n’était pas sans trahir une infime partie de ses craintes. Vous avez découvert la supercherie ? Fort bien. Que me voulez-vous ? »
L’heure était venue de mettre bas les masques et, ignorant le cœur qui tambourinait dans sa poitrine, Elodie venait allègrement d’arracher le sien. La suite était entre les mains du Fou.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime28.03.12 16:21

Parmi les personnages de théâtre que Ferdinand admirait depuis des années, on ne trouvait guère de héros de tragédie ni même de héros tout court, en réalité. Dans une pièce de théâtre, le Fou se désintéressait souvent bien vite du protagoniste dont le caractère et les actions manquaient bien trop souvent d’originalité, les mêmes motifs revenant sans cesse d’une œuvre à l‘autre, inlassablement, et cela l’ennuyait fort. Alors il reportait son attention sur les personnages secondaires, ceux dont il disait qu’ils faisaient « avancer l’histoire ». Souvent, le personnage principal lutte (en vain), subit, et attend le dénouement de son destin déterminé par des puissances qui le dépassent ou les autres personnages de la pièce. Ferdinand n’aimait pas subir. Il préférait de loin provoquer les évènements, faire bouger les choses, être un élément actif de cette scène immense qu’était le monde selon ce cher William Shakespeare. Tant pis s’il n’était pas le centre de l’attention : rester sur le côté et pouvoir circuler et agir à sa guise était bien plus amusant et intéressant. Aussi, en toutes circonstances, d’Anglerays s’efforçait-il de laisser aux autres le beau rôle afin de garder pour lui celui de l’intriguant. Dans une comédie de Molière, il eut fait un admirable valet. Mais le rôle qu’il se donnait à cet instant précis, en face d’Elodie de Froulay –aka Eric-, c’était plutôt celui de Méphistophélès dans le Docteur Faust de Christopher Marlowe. Ce brave Méphistophélès, envoyé par le grand Lucifer afin de récupérer l’âme du pauvre Faust en échange de vingt-quatre années de toute puissance et de pouvoirs illimités… Et l’on continuait à croire que John Faustus avait la part belle dans l’histoire ? Le pauvre bougre était certes sous les feux de la rampe et profitait allègrement des pouvoirs que lui allouait le Diable, mais qui tirait les ficelles dans l’ombre, en attendant la fin de ces vingt-quatre années promises ? Ferdinand était Méphistophélès, Elodie de Froulay était Faust : elle avait profité de la liberté que lui offrait sa double identité, mais il était temps que le personnage de l’ombre vienne lui remettre les pendules à l’heure. Et toute héroïne soit-elle, elle devait le subir lui, qui était tellement resté en retrait qu’elle ne s’était même pas aperçue de sa présence dans son dos. Si elle voulait continuer à agir comme elle le faisait, il était temps de conclure un marché avec l’espion, un marché qu’elle aurait du mal à refuser, il en était sûr.

« Ce que j’en pense, d’Anglerays ? Mais pas trop de mal, ma foi. » répondit-elle à sa dernière question biaisée, une parmi tant d’autres. Puis à son tour elle s’éloigna, comme il l’avait fait lui-même quelques instants auparavant, poursuivant l’étrange ballet de fuites et d’esquives qu’ils avaient commencé lorsqu’il avait fait déguerpir l’autre mousquetaire.
Un léger sourire flottant sur les lèvres, les mains dans les poches, il la suivit sans dire un mot, se doutant qu’elle n’allait pas s’en tenir là alors qu’il lui offrait une si belle occasion de contre-attaquer. Ils étaient trop semblables pour qu’il ne puisse pas le prédire : comme lui, elle était tenace et n’aimait pas la défaite. Preuve en était qu’elle continuait à lutter et tenait le rythme de la conversation, alors que beaucoup auraient probablement cédé sous la pression qu’il mettait volontairement sur ses épaules. La peur d’être découvert en poussait beaucoup à se trahir au moment le moins opportun, alors que souvent la meilleure technique était de continuer, continuer même si c’était fichu, continuer parce qu’il n’y a que ça à faire et que tant qu’on tient, l’autre n’a aucune preuve, n’est-ce pas ? La différence avec Elodie, c’est qu’elle serait très facile à démasquer : il suffirait de demander une vérification. Mais sa ténacité, aux yeux du Fou, n’en était que plus admirable et la lui rendait d’autant plus sympathique… Et fiable.

« Je pense que l’on ne peut décemment prendre de tels risques sans motifs valables. Rendez-vous compte, baron : plus que leur vie, elles mettent même en jeu le nom de leur famille ! M’est avis que l’on ne se laisse pas entraîner dans une telle mascarade par caprice, ou sur un coup de tête. » lança-t-elle une fois qu’ils furent arrivés dans le Salon de la Paix, désert à cette heure-ci. Croisant les mains dans son dos, Ferdinand se dirigea vers un secrétaire oublié là la veille et feuilleta le carnet sur lequel on avait noté les résultats d’une partie de cartes. « C’est donc qu’elles sont conscientes des risques que vous évoquiez tout à l’heure – du moins, je veux le croire, car dans le cas contraire, ce ne serait que pure folie. »

Etait-ce le mot « folie » si familier au Bouffon ou le ton de la voix de Froulay qui lui fit lever les yeux vers elle ? N’importe, le discours qu’elle tenait l’intéressait. Parlait-elle donc de son « parcours » personnel ? Elle ne le précisa bien évidemment pas, mais le silence qui s’ensuivit parut assez équivoque au Fou pour qu’il mène sa conclusion. Tournant une page du carnet, il répliqua :

« Pure ou pas, prendre un tel reste une folie. Une jolie folie, ma foi, et je m’y connais. »

L’avait-elle entendu ? Rien n’était moins sûr, absorbée qu’elle semblait être dans ses pensées. Mais ça n’était pas fini. Du moins l’espérait-il, car finir une aussi jolie partie sur une note aussi hésitante, voilà qui serait fort dommage. Il y avait longtemps qu’il ne s’était pas autant amusé en conversant avec quelqu’un, alors quitte à mêler travail et plaisir, autant en profiter, non ? C’était bien entendu dommage pour la personne qui faisait les frais de ce divertissement, mais elle était une adversaire de valeur trop appréciable pour qu’il la laisse filer aussi facilement. Restait à voir qui abattrait ses cartes en premier, mais il avait le sentiment que l’issue du duel n’était plus très loin. Il allait falloir songer à passer à l’étape suivante, se dit-il en tapotant du doigt sur la table, obéissant à un rythme perçu de lui seul dans le silence qui s’était installé entre eux. Il y songeait tant qu’elle réussit à le surprendre en s’approchant soudainement de lui, leurs deux visages n’étant plus qu’à quelques pouces l’un de l’autre.

« Mais surtout, baron, je pense que ces jeunes femmes seraient prêtes à tout pour garder leur secret de ces mauvaises mains dont vous parliez. Vraiment à tout. »

Oh la belle réplique ! se serait-il exclamé avec enthousiasme s’il avait voulu briser le sérieux de la scène. Mais il retint sa langue au dernier moment, trop heureux de ce sursaut, feinte et attaque de la seule mousquetaire de Louis XIV. Une flamme ravie dansa dans le regard du Fou, mais elle ne lui laissa pas le temps de répliquer, achevant son admirable passe sur ce qui devait rester, dans l’esprit de Ferdinand, le plus beau moment de cette joute verbale :

« Maintenant, monsieur d’Anglerays, cessons de jouer, voulez-vous ? » asséna-t-elle en retrouvant soudainement une voix bien plus féminine, la sienne, celle d’Elodie de Froulay. Le masque était tombé ! « Je ne suis pas sûre de pouvoir tenir aussi longtemps que vous cette partie, et crains d’en provoquer une issue trop regrettable pour ne pas l’arrêter avant, asséna-t-elle avec une assurance qui n’était pas sans trahir une infime partie de ses craintes. Vous avez découvert la supercherie ? Fort bien. Que me voulez-vous ? » « BRAVO ! » s’exclama le Fou avec un grand sourire et en frappant une fois ses paumes l’une contre l’autre d’un air absolument ravi.

Ce n’était probablement pas le genre de réponse à laquelle mademoiselle de Froulay s’attendait. Mais quel panache ! Quelle virtuosité ! Quel sens du timing ! Racine et Molière ensemble n’auraient pu trouver dénouement plus stupéfiant que celui-là. A couper le souffle, littéralement !

« Bravo, bravissimo ! Non, sincèrement je ne m’attendais pas à un si joli revirement de situation, vous avez dépassé de loin mes attentes… Ce qui n’est évidemment pas pour me déplaire. Jouter avec vous a été un réel plaisir, ma chère… »

Utilisant pour la première fois le féminin pour s’adresser à elle, il mettait effectivement un point final lui aussi à cette petite mascarade à laquelle ils s’étaient si vivement livrés. Etait-ce donc la fin ? Pas tout à fait, que nos lecteurs se rassurent. Ce n’était que le premier acte qui s’achevait, le deuxième pouvait commencer. Après la comédie, l’intrigue, n’était-ce pas là le meilleur des programmes ? Détachant son regard du sien, il referma le carnet d’un coup sec et s’éloigna du secrétaire à pas lents, frottant ses mains l’une contre l’autre comme le marchand qui vient de réaliser une très bonne affaire ou le ministre qui vient de décrocher une excellente alliance avec le pays voisin. Il s’arrêta et tourna la tête vers elle, et son expression changea radicalement. De railleur, son visage se fit grave et son regard inquisiteur. Il garda le silence quelques secondes, avant de déclarer :

« Passons aux choses sérieuses. »

Si cette petite phrase pouvait présager de bien mauvaises choses si elle était venu d’un être en colère, ou implacable, ou cruel, ou les trois en même temps, le doute était de nouveau justifié avec le Fou puisqu’il changea de nouveau de masque, quittant son air trop sérieux pour lever les yeux vers le plafond d’un air détaché, comme s’il pesait les mots qui allaient suivre en observant les fissures de la peinture. C’est que le sujet n’était pas facile à aborder, mais après tout, tout n’était qu’une question de mise en forme. Comme toujours.

« Je ne vous ai pas dérangée dans votre faction pour le simple plaisir de vous torturer avec mes questions tortueuses, ni pour me moquer de vous à vos dépends. Non seulement il n’y a personne pour regarder, mais j’ai d’autres chats à fouetter pour le moment. Voyez-vous, je suis venu vous trouver parce que j’ai besoin de votre aide. »

Sans quitter Elodie des yeux, il marqua une pause pour lui laisser le temps d’enregistrer ces informations et préparer la suite de son petit discours, pour n’en dire ni trop, ni pas assez. Juste ce qu’elle aurait besoin de savoir. Tout dans le dosage. Il reprit :

« Voyez-vous, mademoiselle de Froulay, je suis un sujet dévoué à notre bon roi Louis. Mon rôle est de le faire rire, certes, mais comme je suis un grand insatisfait, faire le pitre ne me suffit pas. Alors j’essaye de lui rendre service, discrètement. Mais je ne suis ni garde, ni mousquetaire, pas de titre officiel pour agir en son nom, mais voilà, je suis le Fou… Je dois faire rire, mais pour faire rire je dois savoir. »

Encore une fois il ne pouvait s’empêcher de tourner autour du pot, brouillant les traces sans les effacer tout à fait, révélant un peu de son rôle sans l’énoncer clairement… Pas étonnant qu’on ne sache pas vraiment à quoi s’en tenir avec lui : le personnage même de Ferdinand d’Anglerays était trop flou pour qu’on puisse savoir avec certitude où son rôle commençait, et où il s’arrêtait.

« J’ai de bons yeux et de bonnes oreilles, mais certains endroits me restent inaccessibles… J’ai donc besoin de passer par quelqu’un d’autre. Quelqu’un de fiable, courageux, un comédien endurci, un malin qui sait esquiver les pièges, quelqu’un de tenace et de suffisamment prudent pour tenir son rôle longtemps. »

Elodie de Froulay ne venait-elle pas de lui prouver qu’elle réunissait toutes ses qualités ? Loin de vouloir la faire chanter, le Fou n’avait mené cette discussion tendue que dans le seul but de la tester, de voir jusqu’où elle se laisserait pousser dans ses retranchements, et comment elle s’en sortirait. Et selon lui, elle avait passé l’épreuve haut la main. Restait à voir si elle accepterait le marché ou se montrait intéressée… Auquel cas lui aussi arrêterait de jouer le comédien et ferait tomber les masques. Alors seulement, l’acte final de la pièce pourrait commencer.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime12.05.12 15:43

Ils auraient pu continuer longtemps encore, à se tourner l’un autour de l’autre à coup de répliques biaisées et d’échappées furtives au travers des salons du château. Elodie avait de la ressource, et peu de scrupules à mentir lorsqu’il s’agissait de protéger son secret. Les sous-entendus du Fou pouvait être impressionnants – elle le reconnaissait aisément – et la pression croissante, mais en puisant dans les réserve inépuisable de l’instinct de survie, la jeune femme aurait pu tenter de le faire abattre ses cartes en premier, et l’obliger à dire clairement ce qu’il voulait. Mais face à un homme tel que le baron d’Anglerays, rien n’était moins sûr que cette issue, or Elodie avait besoin de maîtriser la situation ; autant que faire se pouvait du moins. Elle devait reprendre la main et, ne serait-ce que pour un instant – car il s’agissait de l’instant critique – être celle qui déciderait du tournant que prendre cette étrange situation. En se révélant comme elle venait de le faire, abandonnant la voix et l’attitude qui étaient l’apanage d’Eric, elle renversait les choses. Oh, elle n’en doutait pas un instant, le Bouffon du roi ne tarderait pas à reprendre le dessus car il était le seul à savoir quel était le véritable objet de cette longue joute, mais au moins, elle avait décidé de la façon dont ils mettraient les choses à plat – car cette issue-là était inéluctable. Ferdinand savait, le doute n’était pas permis. Et dire qu’une heure plus tôt à peine, elle s’ennuyait…

Appuyée sur le secrétaire qui les séparait, le regard planté dans celui du Fou, Elodie avait dans les yeux deux flammes indéfinissables qui dansaient, témoins de sa détermination, de la rudesse des combats qu’elle était prête à mener s’il le fallait. Mais ces deux lueurs ardentes se muèrent brusquement en profonde perplexité lorsque soudain, le traits de Ferdinand d’illuminèrent.
« BRAVO ! s’exclama-t-il en frappant une fois dans ses mains. »
Si elle devait avouer n’avoir aucune idée de la réaction que son coup de majesté allait tirer au baron, jamais Elodie n’aurait imaginé celle-ci. Elle ignorait quel était le but de son adversaire – car il ne faisait jamais rien sans but – mais comment s’attendre à pareille situation ? A la fois méfiante et terriblement surprise, elle se redressa, et le dévisagea. Cette fois, après l’avoir entraînée sans le moindre mal dans son petit jeu, il avait tout aussi facilement réussi à la perdre. Que signifiait cela ?
« Bravo, bravissimo ! continua-t-il sous le regard interloqué de la belle. Non, sincèrement je ne m’attendais pas à un si joli revirement de situation, vous avez dépassé de loin mes attentes… Ce qui n’est évidemment pas pour me déplaire. Jouter avec vous a été un réel plaisir, ma chère… »

Quelles attentes ? Les traits soudain fermé, elle croisa les bras devant sa poitrine savamment dissimulée sous la casaque aux armes du roi, alors qu’à son tour à nouveau, il s’éloignait, le nez en l’air. Elodie, quant à elle, resta immobile devant le secrétaire à se demander à quoi elle devait s’attendre ensuite.
« Vous me pardonnerez de ne pas avoir partagé ce plaisir, répondit-elle plus sombrement. Ça n’est pas chose facile, sans savoir ce que vous attendez de cette conversation. »
Il sonnait presque étrangement à ses oreilles d’entendre résonner ici la voix féminine qui correspondait si peu à la fois au costume et au lieu. Jamais elle n’avait franchi les murs du château autrement que dans le rôle du mousquetaire, et jamais elle ne pensait avoir l’occasion d’y paraître autrement. Mais pensant cela, la jeune femme ignorait que le destin avait pour elle bien d’autres desseins, tout comme il ne songeait pas à ce qu’elle redoutait le plus de cette conversation avec Ferdinand.

Pourtant la réplique suivante de ce dernier, le ton grave et le regard qui l’accompagnait firent prendre un nouveau coup au rythme cardiaque d’Elodie, qui se tendit à nouveau.
« Où voulez-vous en venir, baron ? interrogea-t-elle, le ton bine plus ferme qu’elle n’était assurée. Mais pour rien au monde elle n’aurait laissé entr’apercevoir ce qu’il en était de ses sentiments réels. »
Elle n’eut d’abord pour toute réponse que le silence, mais n’ajouta pas un mot. Elle n’avait pas l’intention de le supplier de lui révéler ce qu’il voulait et préférer dans ce domaine penser que tout vient à point à qui sait attendre. Fort heureusement, elle n’eut cette fois pas tort de laisser passer ces quelques secondes de silence.
« Je ne vous ai pas dérangée dans votre faction pour le simple plaisir de vous torturer avec mes questions tortueuses, ni pour me moquer de vous à vos dépends, reprit enfin le Fou. Non seulement il n’y a personne pour regarder, mais j’ai d’autres chats à fouetter pour le moment. Voyez-vous, je suis venu vous trouver parce que j’ai besoin de votre aide.
- Mon… aide ? répéta-t-elle en haussa un sourcil perplexe.
- Voyez-vous, mademoiselle de Froulay, je suis un sujet dévoué à notre bon roi Louis. Mon rôle est de le faire rire, certes, mais comme je suis un grand insatisfait, faire le pitre ne me suffit pas. Alors j’essaye de lui rendre service, discrètement. Mais je ne suis ni garde, ni mousquetaire, pas de titre officiel pour agir en son nom, mais voilà, je suis le Fou… Je dois faire rire, mais pour faire rire je dois savoir. »

Cette fois, quoi que toujours aussi peu avancée sur ce qu’il lui réservait, Elodie laissa échapper une moue satisfaite. Imaginer le Fou rendre quelques services au roi n’avait rien de très farfelu, à tel point qu’elle avait déjà nourri des doutes à cet égard. Ne le penser que Bouffon aurait été en faire un personnage bien trop innocent pour être honnête. Et il l’avait dit lui-même : il n’était pas une personne à la cour qui n’avait pas de secret. Certains les cachaient mieux que d’autres, voilà tout…
« J’ai de bons yeux et de bonnes oreilles, mais certains endroits me restent inaccessibles… J’ai donc besoin de passer par quelqu’un d’autre. Quelqu’un de fiable, courageux, un comédien endurci, un malin qui sait esquiver les pièges, quelqu’un de tenace et de suffisamment prudent pour tenir son rôle longtemps. »
Voilà qui était dit. Toujours immobile, Elodie fronça les sourcils, et resta d’abord muette. Elle voulait, avant de répondre à ce qu’elle commençait à deviner, être certaine de ce qu’il fallait penser de tout cela. L’aide dont il lui avait parlé, la voulait-il en échange de son silence sur sa véritable identité ? Devait-elle y voir un chantage ?

Une fois de plus, elle s’éloigna, quittant sa posture trop raide pour revenir vers la première fenêtre venue. Pensive, elle observa un instant le ciel gris, puis se tourna à nouveau vers Ferdinand.
« Dois-je voir mon portrait dans cette description, baron ? demanda-t-elle avec une moue indéfinissable au coin des lèvres. J’avoue en douter, étant donné la facilité avec laquelle vous semblait avoir découvert qui est réellement Eric… »
Elle eut un sourire amer, toujours aussi peu renseignée sur la façon dont il avait tout compris. Ils étaient rares ceux qui arrivaient à percer le mystère du plus jeune Froulay, et ceux dont les noms lui venaient à l’esprit n’avaient jusque là bénéficié que d’une erreur de sa part, ou d’un sordide concours de circonstances.
« Je ne sais pas quelle aide vous voulez de moi, reprit-elle, ou du moins je n’en suis pas certaine, mais sachez que… toute information sur l’enlèvement de la favorite, toute piste est bonne à suivre baron. Hélas, on parle tant à Versailles qu’il est bien difficile de démêler le vrai du faux. »
Interrompue par le discret bruit de deux voix s’approchant du salon, Elodie avait reprit au milieu de sa phrase, sans difficulté ni transition, l’attitude et la voix d’Eric. D’un signe de tête, elle salua les deux courtisans qui leur adressèrent un regard curieux, mais ne s’attardèrent pas, visiblement absorbé dans une conversation tout aussi intéressante que celle qui tenait en haleine le Fou et le faux jeune homme.

La jeune femme attendit qu’ils soient passé pour s’approcher à nouveau de Ferdinand, et s’appuyer contre le mur proche, jouant négligemment avec la garde de son épée.
« … sachez que je suis avant tout très curieuse de savoir comment est-ce que vous avez su, et depuis combien de temps, continua-t-elle en reprenant là où elle s’était arrêtée. Je me suis révélée baron, il semble que c’est à votre tour. A moins que vous n’ayez l’intention de m’imposer l’aide dont vous avez besoin contre mon silence, sans aucune information en retour. Dans ce cas… sachez que je n’ai pas pour habitude de me laisser dicter les règles de la sorte, et que mon épée serait ravie de rencontrer la votre. »
Elle avait lâché ces mots avec un naturel déconcertant, tout en plantant un regard déterminé dans celui de son interlocuteur. Les duels étaient gravement punis par le roi, elle en était parfaitement consciente. Mais que le Fou n’aille pas lui faire croire qu’il était le plus scrupuleux à respecter ce genre de règles…
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime20.06.12 14:25

Elodie de Froulay, Ferdinand en était de plus en plus persuadé, était quelqu’un de solide et d’endurant. L’échange qui venait d’avoir lieu en était la preuve formelle à ses yeux attentifs. Malgré toutes ses attaques, toutes ses feintes, ses mouvements de retraite pour mieux la réattaquer de côté-là où elle ne s’y attendait peut-être pas, elle reste coite, dressée dans l’adversité, ébranlée peut-être puisqu’elle avait d’elle-même fait tomber le masque mais pas démunie de munitions et encore moins abattue. Même s’il l’acculait au mur en coupant toutes les issues, elle continuait à l’affronter en répliquant avec ce qui se présentait à elle, et refusant bien entendu de reconnaître la défaite si défaite il y avait. Combien de femmes se seraient effondrées sachant leur secret révélé, l’auraient supplié de ne rien dire au roi, auraient pleuré toutes les larmes de leur corps ? Le pathos et le l’effondrement n’étaient pas du ressort d’Elodie de Froulay, et Ferdinand n’en ressentait que plus d’intérêt pour elle. Il avait déniché là une perle rare… Et il était sûr que personne d’autre que lui ne s’en rendait compte. Il eut une pensée amusée pour Sandras, se demandant s’il savait la valeur de cette recrue dans ses rangs. Décidément, les mousquetaires pouvaient être des gens pleins de surprises ! Il était donc temps de passer à l’étape suivante en lui exposant les motifs de cet entretien, mais les explications pour le moins floues qu’il venait de lui fournir ne semblèrent pas la satisfaire. Etonnant non ?

« Dois-je voir mon portrait dans cette description, baron ? J’avoue en douter, étant donné la facilité avec laquelle vous semblait avoir découvert qui est réellement Eric… »

Bien sûr qu’il l’avait découverte avec facilité, mais uniquement parce qu’il était lui-même un expert en la matière ! Il n’était pas sûr que Versailles soit vraiment peuplé de maîtres du déguisement et de la voix, Elodie de Froulay et lui-même étant les seuls exemples en la matière qu’il connaissait. On n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace, n’est-ce pas ? Il aurait pu l’interrompre et lui expliquer tout ça sur-le-champ, mais il préféra se taire, juste encore un peu. Il s’agissait là d’un pur caprice de la part de celui qui depuis des années est habitué à faire tourner son monde en bourrique et ménage toujours ses effets quelle que soit la situation, même la moins appropriée. Déformation professionnelle. Si Elodie n’aimait pas cette habitude, elle devrait aller se plaindre au bon roi Louis, c’était lui le patron après tout !

« Je ne sais pas quelle aide vous voulez de moi, ou du moins je n’en suis pas certaine, mais sachez que… toute information sur l’enlèvement de la favorite, toute piste est bonne à suivre baron. Hélas, on parle tant à Versailles qu’il est bien difficile de démêler le vrai du faux. »

Si Ferdinand fut surpris d’entendre aussi subitement la voix d’Eric de Froulay de nouveau, il n’en montra rien, apercevant du coin de l’œil le couple qui l’avait alertée. Et en plus de cela, elle avait de bons réflexes ! Ca c’était ce qu’on pouvait appeler de la bonne graine !

« Je laisse aux hommes de monsieur de la Reynie le soin de faire le tri et de suivre les pistes qu’il faut. » objecta-t-il avec un haussement d’épaules nonchalant. « Qu’ils fassent leur travail, moi je fais le mien de remonter le moral de Sa Majesté. » Bon d’accord, ce n’était pas tout à fait vrai. Qui était mieux placé qu’un policier de la Reynie pour démêler le vrai du faux à Versailles ? Un espion bien sûr. Mais ça, Elodie n’était pas obligée de le savoir, par encore du moins. En ces temps pour le moins agité, moins le reste du monde en savait, mieux il se porterait. Le réseau des espions du roi était extrêmement étroit et sélectif, et chacun mettait tout en œuvre pour protéger sa double-identité. Le propre des espions n’était-il pas d’être invisible justement ? Bien peu de gens, hors de ses collègues, étaient au courant de la véritable fonction qu’il occupait auprès du roi : Eric Clit, parce qu’il avait été maladroit, mais finalement cette erreur s’était avérée payante puisqu’il l’avait mené sur la piste du mystérieux et inquiétant Joigny et… Et c’était tout. C’est pourquoi Elodie de Froulay devait, pour l’instant, demeurer dans l’ignorance la plus complète possible, même si cette entrevue provoquerait peut-être chez elle quelques soupçons. Des soupçons ne constituaient ni des preuves ni des certitudes, n’est-ce pas ?

« … sachez que je suis avant tout très curieuse de savoir comment est-ce que vous avez su, et depuis combien de temps. » reprit-elle alors qu’il remarquait avec étonnement et amusement qu’elle jouait avec la garde de son épée. Geste inconscient ou avertissement ? L’un valait bien l’autre ! « Je me suis révélée baron, il semble que c’est à votre tour. A moins que vous n’ayez l’intention de m’imposer l’aide dont vous avez besoin contre mon silence, sans aucune information en retour. Dans ce cas… sachez que je n’ai pas pour habitude de me laisser dicter les règles de la sorte, et que mon épée serait ravie de rencontrer la votre. »

Une provocation en duel, rien que ça ? Ferdinand haussa deux sourcils surpris, il avouait volontiers qu’il ne s’était pas attendu à ce retournement de situation-là mais… Pour un peu, il aurait accepté uniquement par esprit de jeu ! Deux fois provoqué en duel en une seule journée, diable, si ce n’était pas le Ciel qui lui envoyait un signe il voulait bien être pendu ! Mais un signe de quoi ? Qu’il devait se battre pour dérouiller un peu ? Qu’il devait faire attention, parce qu’à être trop agaçant il finirait par vraiment devoir se battre ? Qu’il risquait de s’attirer des ennuis ? Comme s’il avait besoin du Ciel pour savoir ça ! On était bien gentil de se préoccuper de lui là-haut, mais il estimait pouvoir encore se débrouiller tout seul pour un temps… Et un duel n’entrait pas dans son planning du jour. Un sourire provocateur aux lèvres et une flamme de défi dans le regard, il s’avança jusqu’à n’être plus qu’à quelques centimètres d’elle, et soudain sa main se greffa à celle de la jeune fille qui jouait avec sa garde, forçant l’épée sortie de quelque centimètres à rentrer dans son fourreau. Le « clac » autoritaire retentit dans la pièce, mais il n’y avait personne pour les voir. Il ne retira pas sa main, forçant l’épée et Elodie à rester sagement en place.

« En d’autres circonstances, le plaisir aurait été réciproque, mais comme je viens de le dire j’ai besoin de vous. Ce n’est pas en nous escarmouchant mutuellement que j’arriverai à ce but, vous ne pensez pas ? Alors pour une fois, le Fou va être raisonnable… Et le mousquetaire aussi. » chuchota-t-il cette fois sans la moindre trace d’humour dans la voix presque à son oreille, leurs deux regards s’affrontant à peine à quelques pouces de distance. En un tournemain, la potentielle alliée pouvait devenir une ennemie implacable, il le savait. Sauf qu’il avait le dessus, parce qu’il savait. Et face à un adversaire, les meilleures armes n’étaient ni les poings ni l’épée : c’était la connaissance qu’on avait de lui. Sur ce plan-là, Ferdinand avait une longueur d’avance sur Elodie, et ils le savaient tous les deux. C’est pourquoi il retira sans crainte la main de la garde de son interlocutrice et recula de quelques pas en enfonçant les mains dans ses poches, son air goguenard de retour sur son visage trop expressif, trop malléable, trop changeant.

« Vous me demandez de me révéler, Froulay, et vous avez raison. Ce ne serait que justice, après tout. Et comme vous avez l’air de penser que je ne vous veux que du mal, je vais vous détromper en accédant fort aimablement à votre requête, sans que l’un de nous ait à subir la moins égratignure. Satisfaite ? »

Probablement pas, du moins pas pour l’instant. Mais cela ne saurait tarder : comme tout bon comédien, Ferdinand savait quand tirer sa révérence et révéler la chute du récit ! Il était temps d’arrêter de la mener en bateau et d’aller au cœur du sujet, maintenant qu’il s’était assuré de sa capacité à résister à la pression et aux assauts d’un adversaire coriace. Il s’éloigna en jetant un coup d’œil par la porte du salon entr’ouvert, s’assurant machinalement qu’il n’y avait personne là-derrière et alla d’un bond s’asseoir sur le rebord d’une fenêtre, le dos collé à la vitre, jambes croisées et le ton de la voix faussement léger par rapport à la conversation qui allait suivre.

« Nous vivons dans une monarchie. Ce qui signifie que nous obéissons à un roi, notre bon ami Louis, que quelqu’un là-haut et un bon coup de chance de naître avant son frère ont placé sur le trône de France. Or, il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec les décisions du destin, et qui sont bien vexés de ne pas pouvoir faire de réclamation à ce dernier. Que font-ils alors ? Ils s’en prennent au roi. Le pauvre n’a déjà pas un rôle bien rigolo à jouer, alors si en plus on veut l’embêter… ! Vous imaginez un peu le travail que c’est pour lui remonter le moral ? Même moi j’en finirai par devenir chèvre, vous verrez ! »

Il marqua une pause, réfléchissant à comment présenter la suite, puis planta un coude sur son genou et son menton dans la paume de sa main, arborant un air très concentré en fixant Elodie de Froulay droit dans les yeux. Et lorsqu’il ouvrit la bouche… Le timbre de sa voix était exactement celui de la jeune fille.

« J’ai compris tout de suite qui vous étiez parce qu’on n’apprend pas ses propres tours au magicien ! Louis aime les imitations, il se trouve que j’ai toujours été doué pour ça… Je sais repérer une fausse voix quand j’en entends une ! » Il reprit sa voix normale. « Quant à votre déguisement, je n’ai fait que deviner en me demandant pourquoi un toute jeune homme aux traits de fille prendrait une fausse voix… Forcément, il n’y avait qu’une réponse possible. Rassurez-vous, je ne pense pas que quelqu’un d’autre ne puisse deviner votre jeu aussi facilement, sinon vous seriez déjà à la Bastille. Pour en revenir à ce que je vous disais… »

Ne tenant pas en place, il sauta de son perchoir et attrapa sur le secrétaire une plume avec laquelle il joua, la faisant tourner entre ses doigts, alors qu’il poursuivait son récit presque comme s’il parlait tout seul :

« Je ne suis pas policier, et la politique me barbe autant qu’un sermon. Mais je m’inquiète, et je sais que je ne suis pas le seul. Ici, j’arrive à peu près à savoir qui fait quoi et qui pense quoi, mais au campement des mousquetaires, c’est tout de suite une autre paire de manches. Ce que je vous propose donc… »

La plume s’immobilisa dans ses mains, et il la regarda de nouveau dans les yeux, cette fois sans la moindre ironie, ni le moindre sarcasme, ni la plus petite provocation, mais comme quelqu’un à qui l’on fait suffisamment confiance et que l’on respecte assez pour lui demander un service important.

« … C’est de m’aider à être sûr que le roi ne court pas de grand danger. Il serait facile pour un ennemi chez les mousquetaires de s’approcher de sa Majesté. Je sais que vous êtes loyale, fidèle à la couronne, et que malgré le danger on peut vous faire confiance –vous venez de m’en donner la preuve au cours de cette discussion. Vous n’avez pas besoin de faire grand-chose : juste ouvrir les yeux et les oreilles lorsque vous êtes avec vos collègues. Je ne veux vous forcer à rien, ni vous faire le moindre chantage malgré ce que vous pouvez penser. Toutes les prétendues menaces n’étaient qu’un test, vous avez ma parole. Tout ce qui a été dit ici ne sortira pas de cette pièce. Le choix est entièrement vôtre… »

Et alea jacta est.

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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime10.08.12 12:15

Lorsqu’elle avait fait à Versailles ses premiers pas de mousquetaires, Elodie savait pertinemment que le duel, quoi que farouchement interdit par les édits, était une extrémité à laquelle elle risquait de devoir se résoudre si elle voulait protéger son secret. En trois ans, cette prédiction avait eu le temps de se vérifier, mais peut-être pas aussi fréquemment qu’elle ne l’avait imaginé : elle s’était avérée bien plus habile dissimulatrice qu’elle ne le pensait. Des quelques fois où l’occasion s’était présentée, Elodie avait toujours su prendre l’avantage. Meilleure bretteuse ? Peut-être, elle n’était pas mousquetaire pour rien. Mais il y avait plus efficace encore que toute la techniques dont elle savait faire preuve : il y avait cette peur, viscérale, de ce que pourrait entraîner une défaite. Dans ce genre de situation, ou elle gagnait ou elle perdait, certes, mais elle perdait bien plus qu’un peu de sang. Et c’était bien là le genre de peur qui pouvait s’avérer un bien meilleur stimulant que tout le savoir faire du monde. Alors non, Elodie n’hésitait pas à provoquer le duel lorsqu’elle le jugeait nécessaire. Et même face au baron d’Anglerays, qu’elle soupçonne de ne pas avoir la lame aussi folle et légère que la parole, elle comptait se défendre. Personne n’avait réussi à la percer à jour, en bientôt quatre ans de mascarade. Elle ne laisserait pas le Fou du roi, si doué qu’il soit, commencer maintenant.

Le défi qui brilla dans le regard du baron laissa un instant croire à la jeune femme qu’il acceptait sa proposition. Elle laissa un sourire cynique étirer ses lèvres, sourire qui se mua rapidement en circonspection lorsque d’Anglerays s’approcha, forçant l’épée qu’elle avait légèrement sortie de son fourreau à force de jouer avec à y retourner.
« En d’autres circonstances, le plaisir aurait été réciproque, mais comme je viens de le dire j’ai besoin de vous. Ce n’est pas en nous escarmouchant mutuellement que j’arriverai à ce but, vous ne pensez pas ? lâcha-t-il finalement, à quelques maigres centimètres d’Elodie. Alors pour une fois, le Fou va être raisonnable… Et le mousquetaire aussi. »
Et là-dessus, il s’éloigna et le sérieux que la jeune femme avait pu lire sur ses traits quelques instants plus tôt avait déjà disparu lorsqu’il fut à nouveau face à elle.
« Ce qui ne serait pas raisonnable, baron, c’est de continuer à tourner autour du pot, soupira-t-elle en croisant les bras devant sa poitrine, toujours appuyée contre le mur. Je vous propose donc d’en venir au fait... maintenant.
- Vous me demandez de me révéler, Froulay, et vous avez raison. Ce ne serait que justice, après tout. Et comme vous avez l’air de penser que je ne vous veux que du mal, je vais vous détromper en accédant fort aimablement à votre requête, sans que l’un de nous ait à subir la moins égratignure. Satisfaite ? »

Elodie leva un sourcil perplexe, sans répondre. Satisfaite ? Pas exactement, non. En revanche, elle osait espérer qu’il ne tarderait plus à faire en sorte qu’elle le fut. La patience, hélas, n’était pas sa principale qualité - tout comme le fait d’être raisonnable, d’ailleurs. Mais il était des situations dans lesquelles sa vivacité habituelle n’avait d’autre choix que de se museler elle-même. Les dernières années avaient au moins eu le mérite de lui apprendre, sinon la patience, du moins à en donner l’impression.
« Nous vivons dans une monarchie, reprit enfin le Fou après s’être installé sur le bord d’une fenêtre. Ce qui signifie que nous obéissons à un roi, notre bon ami Louis, que quelqu’un là-haut et un bon coup de chance de naître avant son frère ont placé sur le trône de France. Or, il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec les décisions du destin, et qui sont bien vexés de ne pas pouvoir faire de réclamation à ce dernier. Que font-ils alors ? Ils s’en prennent au roi. Le pauvre n’a déjà pas un rôle bien rigolo à jouer, alors si en plus on veut l’embêter… ! Vous imaginez un peu le travail que c’est pour lui remonter le moral ? Même moi j’en finirai par devenir chèvre, vous verrez ! »

Elodie fronça les sourcils, sans relever la dernière partie de cette petite diatribe. C’était donc bien cela ? Un complot. Le mot n’avait pas franchi les lèvres du Fou - qui s’avérait être bien plus que cela, d’ailleurs - mais il aurait fallu être idiot pour ne pas comprendre. Or la jeune femme ne l’était pas. Il y avait bien assez longtemps qu’elle sentait, comme d’autres sans doute, que quelque chose se tramait et en tenait beaucoup en éveil pour ne pas faire le lien. Elle ne s’était donc pas trompée en estimant que l’on tenait les mousquetaires un peu plus sur le qui-vive que d’ordinaire.
Lentement, elle se décolla du mur et s’approcha du secrétaire, témoin impassible de cette étrange conversation. De là, elle songea répondre, mais d’Anglerays lui coupa l’herbe sur le pied... et pas de n’importe laquelle des façons.
« J’ai compris tout de suite qui vous étiez parce qu’on n’apprend pas ses propres tours au magicien ! La voix qu’avait alors emprunté le fou était exactement la même que la sienne. Elodie sursauta, dardant sur lui un regard peu amène. Louis aime les imitations, il se trouve que j’ai toujours été doué pour ça… Je sais repérer une fausse voix quand j’en entends une !
- Arrêtez cela, d’Anglerays, je crois que j’ai saisi, siffla-t-elle.
- Quant à votre déguisement, je n’ai fait que deviner en me demandant pourquoi un toute jeune homme aux traits de fille prendrait une fausse voix… Forcément, il n’y avait qu’une réponse possible. Rassurez-vous, je ne pense pas que quelqu’un d’autre ne puisse deviner votre jeu aussi facilement, sinon vous seriez déjà à la Bastille.
- Et encore... marmonna Elodie plus pour elle-même que pour le Bouffon en levant les yeux au ciel. »
Au moins était-elle certaine, maintenant, de ne pas avoir commis d’erreur, et que Ferdinand était le seul à pouvoir percer si facilement son costume.

« Pour en revenir à ce que je vous disais… reprit ce dernier en revenant à son tour vers le secrétaire, je ne suis pas policier, et la politique me barbe autant qu’un sermon. Mais je m’inquiète, et je sais que je ne suis pas le seul. Ici, j’arrive à peu près à savoir qui fait quoi et qui pense quoi, mais au campement des mousquetaires, c’est tout de suite une autre paire de manches. Ce que je vous propose donc… C’est de m’aider à être sûr que le roi ne court pas de grand danger. »
Elodie, qui avait laissé son regard errer vers les fenêtres, tourna brusquement la tête vers lui.
« Rien que cela ? laissa-t-elle échapper en se redressant. Et comment-
- Il serait facile pour un ennemi chez les mousquetaires de s’approcher de sa Majesté, la coupa Ferdinand. Je sais que vous êtes loyale, fidèle à la couronne, et que malgré le danger on peut vous faire confiance –vous venez de m’en donner la preuve au cours de cette discussion. Vous n’avez pas besoin de faire grand-chose : juste ouvrir les yeux et les oreilles lorsque vous êtes avec vos collègues. »
Cette fois-ci, ce fut la jeune femme qui s’éloigna, pensive, lui tournant le dos. Il se passait, en effet, bien des choses à la caserne, et le Fou n’avait sans doute pas tort en songeant que ces choses pourraient se révéler moins innocentes qu’elles en avait l’air - ou du moins, pour un oeil extérieur, Elodie étant (trop ?) bien placée pour savoir qu’il ne se produisait jamais rien de totalement bénin chez les mousquetaires.
Ce fut en aucun cas les doutes du baron qui la laissèrent songeuse, mais ce qu’impliquerait une réponse positive à sa demande. Elle en ignorait encore la teneur, mais la demoiselle pouvait se targuer d’avoir déjà beaucoup de chances de s’attirer des problèmes.
« Je ne veux vous forcer à rien, ni vous faire le moindre chantage malgré ce que vous pouvez penser. Toutes les prétendues menaces n’étaient qu’un test, vous avez ma parole. Tout ce qui a été dit ici ne sortira pas de cette pièce. Le choix est entièrement vôtre… »

Drôle de test, songea-t-elle en se remémorant leur conversation, mais dont la fin justifiait sans doute les moyens. Et dire qu’elle s’était crue perdue... Un sourire mystérieux effleura ses lèvres. Ce Fou était décidément le plus habile manipulateur de la cour.
« Je me dois de vous féliciter, baron, vous savez tromper votre monde, lâcha-t-elle en se retournant. A tous... points de vue, ajouta-t-elle, le regard perçant. Elle savait que Louis XIV avait des espions, et voulait bien croire maintenant qu’elle en avait un face à elle. »
Elle s’appuya contre une fenêtre, et se composa un visage neutre. Les railleries et petites suppositions avaient fait leur temps, et puisqu’il avait enfin été honnête...
« J’admets que je suis surprise : je me voyais déjà reléguée au fin fond d’un couvent, reprit-elle avec une moue amère. Peu enthousiasmant, n’est-ce pas ? Pour cela, je vous prie d’excuser mes petites... provocations. Vous en savez beaucoup, et je n’ai définitivement aucune vocation religieuse. »
Certes, elle venait de songer qu’il était temps de mettre fin aux conversations biaisées. Mais il l’avait tant fait attendre et tourner autour du sujet qu’elle ne pouvait s’empêcher de prendre une petite revanche. Comme pour corroborer celle-ci, un nouveau couple pénétra dans le salon. Elodie - ou plutôt Eric - salua un gentilhomme de sa connaissance, et s’inclina devant la duchesse qui l’accompagnait, avant de revenir à Ferdinand une fois qu’ils eurent disparu dans la Galerie.

Elle s’approcha du secrétaire, et du Fou et baissa légèrement la voix. Ce qu’ils se disaient là n’avait pas vocation à être entendu des courtisans qui babillaient non loin.
« Je serais honorée de veiller à ce qu’il ne se trame rien contre le Roi, finit-elle par répondre. J’irais même jusqu’à dire que je ne vous ai pas attendu pour cela. Vous seriez surprise d’apprendre tout ce qui se dit, ou se passe chez nous. Les ordres trop flous de ces derniers mois en intriguent plus d’un... »
Elle comprise, évidemment, mais elle doutait avoir besoin de le préciser.
« Je peux même vous rapporter quelques ragots et rumeurs qui se répètent en ville. Mais soyez franc une dernière fois avec moi, baron, et précis : que cherchez-vous exactement ? Car vous savez aussi bien que moi qu’il n’y a qu’à ouvrir les yeux et tendre un peu l’oreille pour surprendre un complot à Versailles... »
Elodie ne savait pas précisément dans quoi elle mettait les pieds, mais elle le faisait de bon coeur - voilà qui n’avait d’ailleurs rien d’étonnant venant d’elle. Ce qu’elle ignorait également, c’est qu’elle côtoyait de bien plus près qu’elle ne le songeait quelques uns des artisans de cette menace que voulait surveiller d’Anglerays. Terrible ironie.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime04.09.12 11:52

Au fond, Elodie de Froulay n’était pas la seule à prendre des risques au cours de cette discussion. Si elle avait découvert que son petit jeu avait été percé à jour, le fou lui, venait tout bonnement d’abattre ses cartes devant elle, du moins en partie. Il était facile pour tout un chacun de soupçonner un proche du roi d’espionner pour son compte, mais de là à acquérir une certitude, il y avait un monde. Surtout quand le proche en particulier n’était somme qu’un clown de première, assez peu crédible en apparence dans le rôle d’un soldat de l’ombre. Un anonymat qui lui avait toujours été utile, voire salvateur dans certains cas, et auquel il venait de renoncer devant la jeune fille. Pour une histoire d’équité : elle était trop maligne pour accepter de baisser le masque sans que lui-même ne tombe le sien, et s’il voulait obtenir ce pour quoi il était venu, ma foi il n’avait pas le choix ! Heureusement, il avait soigneusement mené sa petite enquête au préalable et était certain que sa couverture ne courrait aucun danger avec la mousquetaire. Elle ne connaissait que trop bien ce mot et les risques qu’il comportait pour le trahir, surtout maintenant qu’elle découvrait qu’au fond, ils étaient du même côté. Donc non, malgré les risques que l’entreprise aurait pu présenter, Ferdinand était désormais sûr qu’ils étaient réduits à zéro.

« Je me dois de vous féliciter, baron, vous savez tromper votre monde. A tous... points de vue. » finit-elle par répondre. Compliment qu’il accueillit d’une petite révérence, comme l’artiste satisfait d’avoir réussi son petit tour. Si l’on pouvait qualifier la belle frayeur qu’il venait de lui infliger de « petit tour ». « J’admets que je suis surprise : je me voyais déjà reléguée au fin fond d’un couvent. Peu enthousiasmant, n’est-ce pas ? Pour cela, je vous prie d’excuser mes petites... provocations. Vous en savez beaucoup, et je n’ai définitivement aucune vocation religieuse. »
« Rassurez-vous, vous me serez beaucoup plus utile hors des murs d’un couvent que dedans. Du reste je vous comprends, à part regarder voler les mouches, je me suis toujours demandé ce qu’on pouvait bien faire dans ce genre d’endroit. »

Une remarque un brin blasphématoire qui aurait sûrement fait bisquer cette chère Elisabeth d’Alençon. Tiens, et s’il gardait cette réplique en mémoire pour leur prochaine rencontre ? Après un petit temps de réflexion il décida que non ; un bon acteur ne recyclait pas ses plaisanteries. Ce point réglé, il se concentra de nouveau sur la jeune sœur Froulay. Quelle victoire s’il parvenait à la rallier aux rangs du roi ! Il était rare de tomber sur des gens comme elle, qui soient à la fois jeunes, loyaux et malins. Souvent il manquait une ou deux de ces qualités, et il fallait déployer des trésors d’ingéniosité pour y pallier. Pourtant, le service des mousquetaires aurait dû en grouiller… Mais hélas, même le corps d’élite du roi était un véritable panier à crabes si l’on voulait bien se donner la peine d’y regarder d’un peu plus près. Charles d’Artagnan n’avait pas déserté Versailles pour rien, et ses messages d’avertissement avaient été clairs. Il ne fallait se fier à personne, surtout pas aux gens qui en principe étaient les plus proches du roi. Ferdinand, en demandant son aide à Elodie, optait pour la stratégie inverse : la rallier à son camp avant que quelqu’un d’autre ne le fasse, à des buts nettement moins louables… La menace était trop sombre et pesante pour se permettre de passer à côté du moindre allié. Alors en avoir un de cette trempe, qui puisse se faufiler partout à la caserne incognito et observer… Quelle aubaine !

« Je serais honorée de veiller à ce qu’il ne se trame rien contre le Roi. J’irais même jusqu’à dire que je ne vous ai pas attendu pour cela. Vous seriez surpris d’apprendre tout ce qui se dit, ou se passe chez nous. Les ordres trop flous de ces derniers mois en intriguent plus d’un... »

Une lueur passa dans le regard du Fou, ravi de constater que sa nouvelle pupille n’avait pas perdu de temps à attendre qu’il veuille bien venir la trouver pour ouvrir grand les yeux et les oreilles. Il n’en attendait pas moins d’elle. Avec un peu de chance même apprendrait-il quelque chose dès aujourd’hui, mais pour le moment, là n’était pas la question. Les ordres trop flous en question devaient probablement émaner de d’Artagnan, qui avait encore la mainmise sur les mousquetaires malgré son exil volontaire, à moins que ce ne soit Louis lui-même qui ait donné des consignes précises à Sandras en lui intimant de garder le silence. Si on pouvait bien reconnaître une qualité au lieutenant-capitaine des mousquetaires, c’était son efficacité et sa discrétion. Un allié certain dans la lutte difficile et complexe que représentait la protection du roi… Elodie de Froulay ne tarderait pas à s’en apercevoir. En tout cas, les paroles de la jeune mousquetaire ne furent pas sans effet sur le Fou qui enfin avait accès à des informations qu’il n’avait pu avoir jusque-là. Il avait vaguement pressenti à l’anniversaire du roi que d’Artagnan-fils ne le portait pas dans son cœur, il n’avait absolument aucune confiance en Ruzé, et François de Froulay ne semblait guère s’intéresser aux intrigues de cour. Quant à Vallombreuse, il était de retour depuis trop peu de temps. Restait Elodie de Froulay, un morceau de choix dont il pressentait déjà les futures performances…

« Je peux même vous rapporter quelques ragots et rumeurs qui se répètent en ville. Mais soyez franc une dernière fois avec moi, baron, et précis : que cherchez-vous exactement ? Car vous savez aussi bien que moi qu’il n’y a qu’à ouvrir les yeux et tendre un peu l’oreille pour surprendre un complot à Versailles... »

Bien. Les cartes étaient maintenant sur la table, il était grand temps de parler à cœur ouvert. Désormais certain que le soutien d’Elodie lui était acquis, il alla s’adosser à une cheminée en songeant qu’il n’avait pas complètement perdu sa journée et se tourna de nouveau vers elle.

« Je vois que le métier commence déjà à rentrer. Vous avez compris que ces ordres flous ne cachaient rien de bon, et l’honnêteté me force à ne pas vous contredire. Il se trame quelque chose à Versailles, Froulay, je ne peux vous dire quoi puisque je l’ignore encore, mais il se passe quelque chose, là dans l’ombre. Ce que le roi veut et que je veux aussi, c’est y faire la lumière. J’ai un œil à Versailles, l’autre à Paris ; vous serez mes yeux chez les mousquetaires. C’est le seul endroit à Versailles auquel je ne puis avoir accès sans éveiller les soupçons, et c’est bien cela qu’il faut éviter… »

Le ton avait baissé, la mine s’était faite soucieuse. Il réfléchissait presque à voix haute, s’adressant parfois plus à lui-même qu’à Elodie. Il ne pouvait pas lui donner de détails sur ce qu’il savait ; cela les aurait mis en danger tous les deux pour au final peu de résultats. Malheureusement, Elodie de Froulay allait devoir se contenter d’en savoir le moins possible pour le moment et se contenter du rôle d’informatrice plutôt que celui d’informée. Quoique si elle était aussi observatrice qu’elle en avait l’air, elle ne tarderait pas à surprendre elle-même quelques bizarreries qui ne manqueraient pas de lui mettre la puce à l’oreille. Comme elle le disait si bien, Versailles était un vivier à complots ; mais celui qui savait qu’il fallait chercher était plus à même de mettre à jour les complots les plus dangereux, ceux qui échappaient à la surveillance commune des commères de la cour… C’était de ceux-là dont il fallait le plus se méfier, car s’ils étaient secrets, c’est qu’il y avait danger pour leurs instigateurs, et s’il y avait danger pour leurs instigateurs, c’était qu’ils préparaient quelque chose de gros, auquel cas, le danger pour le roi et le royaume n’en était que plus grand.

« Ce que je cherche, c’est de tout. Et plus particulièrement les détails qui n’ont l’air de rien mais que leurs émetteurs ont à cœur de cacher. Cela peut être un message, une discussion, un rendez-vous tout ce qui peut vous paraître suspect et que la personne ne voudrait surtout pas voir découverte. N’oubliez pas que c’est le roi et la royauté que nous cherchons à protéger, ses ennemis seront d’autant plus discrets… Et d’autant plus dangereux s’ils venaient à se méfier. Soyez prudente, il ne s’agit pas là d’une cabale destinée à décrédibiliser une demoiselle d’honneur… »

C’était maintenant à son tour de jouer avec le pommeau de son épée, comme si ce geste l’aidait à rassembler à ses idées. Le sourcil froncé, il semblait fixer un point dans le vide et l’atmosphère était tout à coup devenue bien sérieuse dans ce salon désert, qu’une force surnaturelle semblait protéger de l’arrivée d’autres importuns comme ceux qui avaient débarqué quelques minutes plus tôt. Ce conciliabule et son contenu devaient rester secrets ; et quelqu’un là-haut semblait vouloir les y aider. Tant mieux.

« Observez vos petits camarades. Voyez s’ils fréquentent des gens que des mousquetaires ne devraient pas fréquenter, qu’il s’agisse de personnes louches du petit peuple ou au contraire des gens de la cour qui n’ont rien à faire avec des soldats… Voyez les allées et venues, habituelles ou inhabituelles, notez les changements, même mes plus anodins, dans les comportements, les rentrées d’argent des uns et des autres, tout ce qui vous passera sous les yeux. Je fais confiance à votre jugement pour décider de ce qui est normal et ne l’est pas, vous connaissez mieux les mœurs des mousquetaires que moi. »

Ces consignes données, il tourna de nouveau la tête vers elle et la dévisagea avec un mélange de curiosité et d’interrogation, qui laissa peu à peu la place à l’amusement. Cette Froulay n’était pas sans surprise. Il était certain qu’il obtiendrait des résultats, avec elle. Et les résultats, c’était ce qui manquait cruellement aux espions du roi en ce moment.

« Au fond vous n’avez qu’à continuer à faire ce que vous semblez avoir déjà si bien fait : garder votre curiosité en éveil et noter tout ce qui vous semble bizarre. La seule différence c’est qu’au lieu de garder tout ça pour vous, vous le partagerez avec moi. Vous verrez, c’est bien plus intéressant à deux ! »

Il se décolla de la cheminée où il était resté adossé et, en passant devant Froulay, lui tapota amicalement l’épaule, avant de lui glisser à l’oreille.

« Un dernier conseil. Méfiez-vous de tous, et ne parlez jamais de tout ceci à qui que ce soit qui ne soit moi-même, en personne, pas de messager. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et comme je ne suis pas un ingrat, si jamais vous « fonctions » vous attiraient quelqu’ennui… Arrangez-vous pour me faire prévenir. Vous verrez, je ne suis pas trop mauvais dans le rôle du sauveur inattendu ! »

La roue était lancée. Et avoir un allié sûr chez les mousquetaires était une véritable victoire qui, il en était sûr, aboutirait très vite à de nombreuses péripéties… Il n’imaginait pas encore lesquelles.
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MessageSujet: Re: Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie   Dupe ou pas dupe, telle n'est pas la question ! | Elodie Icon_minitime05.01.13 16:44

Ainsi, le Fou du roi était bel et bien moins fou qu’il voulait bien le faire croire. La grande curieuse qui dormait - pas toujours profondément - en Elodie ne pouvait que s’avouer assez satisfaite et fière de l’avoir deviné avant cette petite conversation, de la même façon que d’Anglerays avait percé à jour son propre secret. Et maintenant qu’ils étaient quittes elle devait également admettre que le savoir au courant de son double jeu n’était pas si déplaisante qu’au premier abord. Elle n’estimait pas avoir besoin d’un protecteur - son frère remplissait aisément ce rôle, aussi bien (trop bien) que dix personnes réunies - mais avoir une personne telle que le baron de son côté valait bien mieux que l’inverse. Si rien ne devait jamais rester secret bien longtemps à la cour, elle aimait autant savoir sa véritable identité entre les mains des bonnes personnes. La conversation avait failli tourner court, plusieurs fois, mais maintenant qu’ils avaient abattu les cartes, Elodie ne doutait pas un instant de pouvoir compter d’Anglerays au nombre de ces bonnes personnes. Si tous ces détours n’avaient été q’un test, elle n’était au fond pas la seule a voir été testée. Il lui avait juste fallu plus de temps que son interlocuteur pour s’en rendre compte.

« Je vois que le métier commence déjà à rentrer, lança le baron, comme en écho à ses pensées. Vous avez compris que ces ordres flous ne cachaient rien de bon, et l’honnêteté me force à ne pas vous contredire. Il se trame quelque chose à Versailles, Froulay, je ne peux vous dire quoi puisque je l’ignore encore, mais il se passe quelque chose, là dans l’ombre. Ce que le roi veut et que je veux aussi, c’est y faire la lumière. J’ai un œil à Versailles, l’autre à Paris ; vous serez mes yeux chez les mousquetaires. C’est le seul endroit à Versailles auquel je ne puis avoir accès sans éveiller les soupçons, et c’est bien cela qu’il faut éviter… »
Elodie hocha la tête. On ne se baladait pas dans les pattes des m
ousquetaires sans éveiller les curiosités. Il y avait plus de commères que l’on ne pourrait le penser parmi ces glorieux soldats, qui n’occupaient pas uniquement leurs gardes à parler lames et duels. Rattrapée par quelques souvenirs de ragots qui n’avaient rien à envier à ceux du palais, elle esquissa un sourire amusé puis leva les yeux vers le Fou dont la mine, au contraire, s’était faite plus pensive. Elle le dévisagea un instant, et s’appuya contre les secrétaire.
« Vous en dites moins que ce que vous en savez, baron, vous ne ferez pas croire le contraire, fit-elle avant de balayer l’air d’un geste de la main, mais soit. Je serai vos yeux, et même vos oreilles s’il le faut. Que cherchez-vous ?
- Ce que je cherche, c’est de tout. Et plus particulièrement les détails qui n’ont l’air de rien mais que leurs émetteurs ont à cœur de cacher. Cela peut être un message, une discussion, un rendez-vous tout ce qui peut vous paraître suspect et que la personne ne voudrait surtout pas voir découverte. N’oubliez pas que c’est le roi et la royauté que nous cherchons à protéger, ses ennemis seront d’autant plus discrets… Et d’autant plus dangereux s’ils venaient à se méfier. Soyez prudente, il ne s’agit pas là d’une cabale destinée à décrédibiliser une demoiselle d’honneur… »

Protéger le roi... C’est ce qu’Eric de Froulay s’était engagé à faire lorsque les mousquetaires l’avaient accueilli comme l’un des leurs, mais jamais Elodie, l’aventureuse et téméraire Elodie, n’avait imaginé que cet engagement pourrait prendre la forme qu’il prenait aujourd’hui. À nouveau, elle sourit. Tout cela n’avait rien d’un jeu, elle en était pleinement consciente, mais elle était également trop insouciante pour ne pas sentir quelque chose comme de l’excitation à cette idée.
« Observez vos petits camarades, poursuivit le fou. Voyez s’ils fréquentent des gens que des mousquetaires ne devraient pas fréquenter, qu’il s’agisse de personnes louches du petit peuple ou au contraire des gens de la cour qui n’ont rien à faire avec des soldats… Voyez les allées et venues, habituelles ou inhabituelles, notez les changements, même mes plus anodins, dans les comportements, les rentrées d’argent des uns et des autres, tout ce qui vous passera sous les yeux. Je fais confiance à votre jugement pour décider de ce qui est normal et ne l’est pas, vous connaissez mieux les mœurs des mousquetaires que moi.
- En ont-ils seulement ? soupira-t-elle avec une pointe d’amusement, non sans lever les yeux au ciel. Drôles de moeurs que ceux qui lui venaient à l’esprit, si l’on pouvait les appeler ainsi.
- Au fond vous n’avez qu’à continuer à faire ce que vous semblez avoir déjà si bien fait : garder votre curiosité en éveil et noter tout ce qui vous semble bizarre. La seule différence c’est qu’au lieu de garder tout ça pour vous, vous le partagerez avec moi. Vous verrez, c’est bien plus intéressant à deux ! »

Voilà quelque chose dont elle ne doutait pas un instant non plus. Enfin, elle allait prendre part à quelque chose de plus utile que les patrouilles dans Versailles, quelque chose de plus grand. Toujours en quête d’aventures, Elodie ? Peut-être. C’est qu’elle ignorait encore que celles-ci ne tarderaient pas à tomber d’elle-même, sans même qu’elle n’en fasse la demande, et que les derniers conseils du Fou n’avait pas vocation à rester uniquement des conseils.
« Un dernier conseil. Méfiez-vous de tous, et ne parlez jamais de tout ceci à qui que ce soit qui ne soit moi-même, en personne, pas de messager. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
- Je pense que vous me savez assez bien placée pour savoir qu’un secret n’en est plus un s’il passe par de trop nombreuses mains, répondit-elle sur le même ton. Vous n’entendrez jamais parler de moi autrement que de ma propre bouche. Si quelqu’un vient vous prétendre le contraire, vous saurez à quoi vous en tenir...
- Et comme je ne suis pas un ingrat, si jamais vous « fonctions » vous attiraient quelqu’ennui… Arrangez-vous pour me faire prévenir. Vous verrez, je ne suis pas trop mauvais dans le rôle du sauveur inattendu ! »
Elodie eut un nouveau sourire, peut-être moins rieur que les précédents. Les ennuis traînaient avec eux une aura qu’elle avait appris à reconnaître depuis le temps, et qu’elle soupçonnait fort de rôder autour d’elle, de Philippe, de François et de bien d’autres ces derniers temps.
« Nous vous avancez pas trop là-dessus, baron, vous n’avez pas idée des histoires dans lesquelles vous pourriez mettre les pieds, répondit-elle avec un soudain sérieux. »

Là-dessus elle s’éloigna d’un pas. Elle lança un regard vers la galerie, qui s’emplissait lentement. Le soir ne tarderait plus à tomber, et le soir à Versailles était toujours bien plus animé, surtout lors de ces journées si mornes et si grises que même les courtisans les plus ingénieux parvenaient à s’y ennuyer. Au loin, elle aperçut Vaudreuil, qui lançait autour de lui des regards inquisiteurs, puis revint à Ferdinand, auquel elle désigna son collègue du regard.
« Si nous sommes d’accord, nous pouvons nous tenir là pour aujourd’hui, ou non seulement ce cher Vaudreuil va vous détester de l’avoir envoyé faire sa ronde seul, mais en plus il pourrait se mettre à me poser des questions. Elle sourit, songeant que cet abandon lui vaudrait sans nul doute un verre. Vous aurez de mes nouvelles, baron. »
Là-dessus, elle retrouva comme si elle ne l’avait jamais quitté tout ce qui faisait l’attitude d’Eric, y compris sa voix, salua le Fou et s’éloigna, non sans lui avoir adressé un dernier regard entendu.
« Eh bien Froulay, qu’avait à vous dire ce... bouffon qui vous pris si longtemps ? lança en effet son camarade dès qu’elle fut revenue vers lui, tirant un sourire à la jeune femme.
- Une affaire de duel, figurez-vous, répondit-elle en sachant que c’était là un argument que respectait tout véritable soldat. »
Vaudreuil fronça les sourcils et hocha la tête, visiblement satisfait.
« Le Fou se bat ? Surprenant personnage, marmonna-t-il.
- En effet... »
Songeuse, Elodie fit mine de hausser ses épaules et entraîna son compagnon vers le salon de la guerre.
« Vous me revaudrez ça Froulay. Ce soir, c'est vous qui m'invitez ! »

FIN.


(je suis désolée de ce retard et en plus ce post est pitoyable, mais fallait finir xD)
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