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| Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] | |
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| Sujet: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 16.02.10 21:39 | |
| Milena assise auprès du feu, contemplait la bague qui ornait dorénavant son annuaire droit ! Une bague constituée de rubis et de diamants ! Un anneau fin, semblable à celui qu’elle porterait bientôt en tant que jeune épousée, en tant que … marquise de Bragelonne et d’Autevielle ! Cette perspective d’avenir à laquelle elle était confrontée depuis quelques jours, la fit sourire cyniquement. Pourrait-on imaginer à l’Escurial une De Cortès, filleule du Très Puissant Roi d’Espagne s’unir à un simple marquis français ? Certes, il s’agissait d’un gentilhomme, et de surcroît fort plaisant à regarder, néanmoins … si son père ne l’avait point suppliée en écrivant cette lettre, Richard aurait essuyé un refus irrévocable ! Non par orgueil pour son rang et sa position mais tout simplement car elle ne ressentait pour lui qu’un respect … froid. Cependant, ce oui murmuré du bout des lèvres existait malheureusement bien … Elle se devait de l’assumer malgré un tendre penchant pour un autre homme … Gabriel de Gonzague ! Mais fiancé lui-même, que pouvait-elle espérer de sa part ? Peut-être valait-il mieux apprendre à connaître son promis et convoler en mariage de convenance ! Son cœur déjà empli de haine à l’égard de Marie Thérèse ne parviendrait pas à haïr Marguerite de Courville sous peine de dépérir et d’en cesser de battre. Préférant s’en remettre à la raison qu’au suicide, Milena respira profondément, se glissa dans son lit et conclut pour elle-même … " Demain, tu te présenteras donc au bras de Monsieur de Bragelonne lors de la promenade de Sa Majesté, car … c’est désormais ton devoir ! "
Le lendemain …
Ses domestiques l’apprêtaient, pour cette escapade au cœur de l’allée centrale et des bosquets à laquelle le Roi de France ne se dérobait jamais, quel que fut-ce le temps disait-on ! Malgré l’ambiance frénétique régnant au sein du palais, la princesse n’y prenait d’avance aucun plaisir. Le cœur serré malgré ses résolutions, elle fixa à nouveau le bijou qui la liait à cet homme … Elle ne voulait guère philosopher ce matin là, sur le tragique une nouvelle fois de sa destinée bien que l’envie l’en tenailla ! Milena reporta alors son regard sur l’imposant miroir devant lequel elle se tenait, et se surprit à se voir autant … résignée et de si peu en pâtir ! Pouvait-elle avoir enfin accédé à ce haut niveau de la souffrance, où l’âme saigne trop au point de ne plus rien ressentir du mal qui la ronge ? Elle ne savait cela mais elle se persuadait du bienfait de cette situation, sans vraiment la comprendre ! Il fallait accepter, tout accepter, les trahisons, les envies, la malchance, le désespoir et se résoudre à vivre avec eux ! Pourquoi lutter contre l’adversité et la fatalité qui lui avaient donné tant de preuves de leur acharnement ? … Son seul réconfort tiendrait donc, non dans l’amour mais dans la haine …
- Vous êtes magnifique mademoiselle ! Vous ferez réellement sensation cet après midi !
Sa coiffeuse l’admirait manifestement, pourtant son regard éteint demeurait incapable de captiver qui que ce soit ! Il ne s’agissait donc que d’un aspect purement physique ! Tant mieux, n’était ce pas ce qui comptait le plus à Versailles ? Sa beauté, et sa robe de teinte « rose dragée » feraient honneur au Roi, à Richard de Bragelonne et à la cour. L’apparence serait sauve et comblerait ce vide qu’elle dissimulerait le plus possible sous un sourire impassible.
- Je vous remercie, Sofia, mais je pense qu’une fois encore, ce sont vos doigts de fée qui y sont pour beaucoup !
La jeune fille flattée d’un tel compliment exécuta une petite révérence, tandis que Milena se levait et commençait à arpenter la pièce, vraisemblablement nerveuse. Elle ouvrit alors le rideau de soie écru d’une des fenêtres, fixa le cadran solaire et constata que l’heure de la promenade approchait. La princesse prit congé de ses suivantes, descendit fort lentement les escaliers de marbre blanc et guetta … Où se trouvait Monsieur de Bragelonne ? Elle se hissa sur ses souliers, fit quelques pas de plus et l’aperçut un peu plus loin conversant avec plusieurs gentilshommes. Le cœur lourd, Milena le rejoignit et salua avec la plus exquise courtoisie le petit cercle qui s’était formé.
- Puis je me permettre Princesse d’être le premier à vous féliciter pour votre futur mariage ?
Ainsi la nouvelle s’était déjà répandue comme une traînée de poudre ! Elle n’en voulait point à son promis, la faute en revenait aux courtisans bien trop alléchés par toutes les rumeurs circulant à Versailles. Malgré toute sa politesse, la belle hispanique ne répondit rien et offrit simplement sa main à baiser et un très léger sourire à son interlocuteur. Bientôt, d’autres personnes vinrent également leur adresser tous leurs vœux de bonheur. Elle ne put se taire plus longtemps …
- Je vous sais gré Monseigneur de votre gentillesse … Soyez certaine Madame que vos prières à notre égard me touchent !
Le défilé de ces pseudo-amis l’agaçait et l’épuisait ! Comme elle aurait voulu être à des kilomètres de Versailles, sur cette route de Saint Germain par exemple, dans le carrosse du Prince de Gonzague … Gonzague ? Encore lui ! Elle chassa aussitôt cette pensée et reprit ses sourires de convenance. Ce fut alors que le son de quelques trompettes se fit entendre et Monsieur Bontemps annonça …
- Leurs Majestés le Roi et la Reine !
Non ! Pas elle ! Hélas si … et elle devait s’incliner à nouveau devant sa pire ennemie ! Quelle humiliation ! Quel désir de vengeance lui gagnait l’âme dès que le mot Reine retentissait à ses oreilles, dès que la vision de Marie Thérèse se faisait sous ses yeux. Milena se ferma et se retrancha dans sa haine, seul sentiment permis et qui ne lui faisait aucun mal LUI !
Louis XIV mis également dans la confidence de ce mariage sans doute par quelques ambassadeurs, ou par le señor de Colon lui-même, s’avança vers le couple tandis qu’elle demeurait abimée dans sa plus gracieuse révérence.
- Princesse, je vous complimente pour vos récentes fiançailles ! Je porte une inébranlable confiance au marquis, et je gage qu’il saura vous rendre heureuse.
- Sire, je n’en doute … pas. Merci …
Elle ne sut rien rajouter de plus. Ne point la maltraiter ? Certes ! La traiter avec respect ? Plus encore ! Néanmoins, la rendre heureuse ? Le pourrait-il ? La certitude lui manquait … Mais que pouvait-on répondre au Roi de France ? D’ailleurs ce dernier déjà s’engageait et invitait la foule de ses courtisans à le suivre dans l’allée centrale, Milena accepta donc le bras de son promis et se promena à ses côtés. Ce périple éreintant - car le monarque se révélait un grand sportif n’attendant point ses hôtes – dura une éternité. Ce n’est que lorsqu’ils gagnèrent les bosquets et que tout ce petit monde se dissipa à nouveau en petits groupes, qu’elle put enfin se reposer.
Afin de poser les yeux sur autre chose que sur son futur époux, Milena contempla tout d’abord les bosquets, les statues, les bassins dont l’architecture et la beauté lui coupaient maintes fois le souffle. Pourtant, ce qui à cet instant lui prodigua cet effet fut une merveilleuse apparition … Celle du Duc de Mantoue ! Gabriel ! La lueur si étouffée se ralluma tout à coup au fond de son cœur et sans doute au fond de ses yeux, sans qu’elle ne puisse lutter.
Milena combattit cependant contre un sourire par trop démonstratif, mais bientôt … le rêve s’effondra sous le poids de sa triste réalité. Elle était au bras de son futur époux… et n’avait-elle point annoncé à l’intérieur du fiacre, du sire de Gonzague, qu’elle ne possédait ni fiancé, ni mari ! Son visage pâlit, lui devait être au courant par sa bouche et non point par celle mal intentionnée d’un membre de la cour.
La jeune femme offrit un bon prétexte, pria le cercle de faux amis ainsi que Richard de l’excuser, et gagna les bosquets où elle avait aperçu Gabriel. Elle se retint de se précipiter à sa suite, car une seconde suffisait pour la distancer et qu’un autre lui annonçât son regrettable état. Enfin, après mûre réflexion, elle se souciait pour bien peu, n’était-il point sur le point d’épouser la fille du Duc de Forcalquier, lui-même ? L’espagnole ne risquait en aucun cas de le vexer. Que lui importerait donc que la princesse de Cortès se marie sous peu ? Certes, mais il importait en tout cas à Milena qu’il ne l’accuse point de mensonges, il lui importait de ne pas perdre ainsi son amitié … Il lui importait finalement de connaître sa réaction … s’il en avait une ! Elle calma tout de même ses illusions … Pourquoi espérait-elle donc en une certaine jalousie ? Peut-être car cela lui démontrerait qu’il tenait à elle plus qu’à une simple connaissance … Mais dans ce cas pourquoi espérait-elle qu’il lui prouve qu’il tenait à elle ? … Trop de questions submergeaient à nouveau son esprit ! Il fallait que celles-ci se taisent, car tout ceci la menait à songer à un mot qu’elle ne voulait pas entendre ou même prononcer !
Elle contourna un autre bosquet et enfin le revit, au milieu d’une allée, un homme le quittait après un bref salut. Milena s’approcha vers lui à pas lents, comment le lui annoncer ? Elle sentait son courage la quitter peu à peu. Lorsqu’elle fut enfin à sa hauteur, elle lui adressa un charmant sourire bien que crispé.
- Bonjour Votre Grâce, comment … comment vous portez vous? … Et … et … Marguerite … je veux dire … Mademoiselle de Courville ?
Voilà que ses propos se mêlaient, qu’elle rougissait, que les sueurs froides perlaient à son pauvre front … Cela la faisait tant souffrir de lui apprendre que …
- Peut-être avez-vous pu remarquer tout à l’heure, en me voyant au bras de Monsieur de Bragelonne, que … que … je me suis moi-même …
Le mot était si dur à émettre, pourtant elle se devait de se ressaisir. Il ne se montrerait point jaloux, et elle n’était coupable en rien de cette situation ! Elle redressa donc la tête, comme une personne n’ayant aucun reproches et arborant une bonne conscience – tout au moins à ce sujet – plongea son regard dans le sien et déclara avec le plus de douceur possible ...
- Que je suis moi-même fiancée Monsieur depuis quelques jours ! |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 17.02.10 0:50 | |
| 30ans. Il avait tout juste 30ans, et ce matin-là, observant son visage dans ce miroir, Gabriel songea que son passé lui avait donné des années de plus. Deux yeux gris l’observaient froidement dans le reflet du miroir, et se tournèrent instinctivement à droite, où l’on pouvait apercevoir Grivain, une veste à la main, grandir au fur et à mesure qu’il s’approchait de la glace.-Monseigneur, allons, je vais ôter tout ces miroirs de l’hôtel ! Tous les matins, vos yeux disent la même chose, monseigneur ! Allons, vous n’avez que trente ans, monseigneur, songez à votre serviteur qui en a déjà quarante-deux !Le regard de Gabriel brilla un instant, alors qu’il se retournait sur sa chaise, afin d’observer son plus fidèle homme. Un sourire étira ses lèvres fines.-Quarante-cinq, Grivain !Etouffant quelques fausses protestations, il tira la chaise de son maître, arrangeant les derniers plis de sa redingote, avant de lui passer sa veste. Chaque matin, ce rituel reprenait, et chaque matin, avant que son maître ne sorte, Grivain époussetait des poussières invisibles sur l’habit de Gabriel, avant d’arranger les longs cheveux bruns de celui-ci. Grivain était depuis si longtemps au service du prince, qu’il savait qu’il pouvait se permettre quelques familiarités, sans que celui-ci n’en prenne ombrage. Il connaissait que trop bien les raisons de cette mélancolie, et s’il pouvait l’en éloigner, il mettait toutes ses facultés en œuvre pour ce faire.
Un œil malicieux se promena sur la chevelure de Gabriel, alors que celui-ci, les yeux plongés dans le miroir, observait le manège de Grivain, dont les yeux se promenaient étrangement sur ses cheveux.-Monseigneur…..à vrai dire, je crains que vous n’ayez raison….j’entrevois quelques reflets argentés ici et là…-Excellente raison pour ne pouvoir refuser cette invitation à la cour, Grivain ! Tant que ma santé me le permet, et que mes cheveux ne peuvent rivaliser avec ceux de mon père, rien n’empêchera cela, répondit en riant Gabriel, tout en se tournant vers lui. Allons, cesse ce regard étonné, Grivain. Rencontrer le jeune roi est une chose que j’attends depuis de nombreuses semaines, tu le sais. Je ne tarderais pas après cette audience, l’air de la cour m’est toujours aussi peu supportable.Malgré le sourire franc et serein qu’affichait son maître, Grivain savait qu’il cachait toujours cette mélancolie distincte qui ne le quittait plus.
En réalité, Grivain ne se trompait pas sur les états d’âme de son maître. Quoiqu’heureux de cette audience royale, qui lui permettrait de présenter ses hommages particuliers au jeune roi en tant que gouverneur de provinces françaises, Gabriel avait toujours à l’esprit cette rencontre hasardeuse, mais délicieuse, avec la princesse de Cortés. Son visage flottait toujours devant ses yeux, et le rire de la jeune femme résonnait encore dans le silence du soir. Depuis ces instants auprès d’elle, dans son carrosse, il avait longuement lutté. Un combat intérieur s’était formé, entre son cœur et sa raison, l’un et l’autre bataillant fièrement. Son cœur avait vu quelques maillons se briser, et au travers de cette faille, se glisser des sentiments qu’il essayait de comprendre. Sa raison, froide, implacable, sa fidèle raison lui intimait cet ordre de rester sourd à ces élans d’affection, remisant au fond de lui ce qu’il n’osait s’avouer. Aller à Versailles, c’était cette possibilité de rencontrer à nouveau Eugenia de Cortés, et éludant les deux combattants dans son esprit, son corps cette fois répondit à ses pensées, se contractant à la seule vision de la princesse.-Monseigneur…votre voiture est prête. Comme je vous l’ai suggéré hier, je resterais ici terminer ce courrier pour monsieur le duc.-C’est parfait, Grivain. Forlazzi conduira le carrosse aujourd’hui.Grivain s’inclina respectueusement devant son maître, et soulevant une tapisserie recouvrant les murs richement décorés, disparu dans son cabinet de travail. Debout, face à ce miroir qui lui rejetait à la figure toutes ces années, Gabriel s’observa un instant. Il ne voyait pas seulement son visage, mais celui de cette femme. Ses cheveux bruns, ses yeux sombres si expressifs, même son sourire et ses dents si parfaites se reflétaient dans cette glace. Gabriel ferma un instant les yeux, chassant cette vision de son esprit. A nouveau, la raison avait pris le dessus, et rouvrant les paupières, son regard avait repris cette froideur habituelle.
A la suite de Grivain, il souleva la tapisserie, et traversant des corridors sombres, déboucha dans le hall de l’hôtel, où Forlazzi, déjà prêt dans la cour, l’attendait dans sa tenue aux couleurs princières.-A Versailles, Forlazzi. L’audience est dans une heure !*** Les jardins de Versailles étaient baignés de cette lumière hivernale, et malgré le soleil, la fraîcheur soufflait encore sur les parterres. L’audience royale avait été plus longue que prévue, mais Gabriel en était ressorti satisfait. Ses attentes quant à ses terres françaises avaient eu les réponses souhaitées. Plus rien à présent n’assombrissait le ciel de Nevers, un temps obscurci par la présence de Philippe Mancini.
Il eu voulu quitter rapidement cette fourmilière, grouillante de courtisans venus au château pour les audiences du jour. Malheureusement, l’heure était à la promenade royale, et il regretta bientôt d’avoir promis sa présence auprès du jeune roi. Dans ces moments il regrettait de n’être né plus simplement, loin de ces fastes obligatoires, loin de ces étiquettes qu’il se devait de respecter. Un instant, les souvenirs de son insouciante jeunesse ressurgirent, et les rires des jeunes femmes lui rappelaient ces endroits si prisés qu’il avait côtoyé, accompagné de Vittoria. Le regard vaguement posé sur le canal ridé par la brise, il récita mentalement ces vers que Vittoria ne cessait de lui demander. Les mains croisées derrière le dos, il avait fait quelques pas distraits, lorsqu’une figure connue le dévisagea un court moment.-Votre Grâce, c’est une joie de vous voir parmi nous aujourd’hui !-Monsieur de Jarrile, profitez, profitez, l’heure arrive où mon coche s’impatientera !-Avez-vous pu rencontrer le roi, comme vous le souhaitiez, demanda alors le marquis de Jarrile, se joignant à la lente marche de Gabriel.Celui-ci n’avait décroisé les mains de son dos, et le visage poli, fit quelques pas vers les bosquets, où les rires et les cris de joies des jeunes courtisans ne se faisaient plus entendre. En effet, et mes questions ont trouvé les réponses attendues. Je m‘en réjouis, car comme j’ai pu vous l’expliquer deux jours auparavant, la disparition de mon défunt frère avait rendue bancale la situation de Nevers.-Je comprends. Mazarin avait beaucoup attendu de ces terres…je crains que vous ne vous soyez fait de nouveaux ennemis, Gonzague ! répliqua en souriant le marquis, tentant de déchiffrer les traits calmes de son ami. Il voulu poursuivre, mais un signe d’un courtisan au loin le stoppa dans son élan. Se tournant vers Gabriel, il le salua pour prendre congé.-Veuillez m’excuser, j’attendais cette personne plus tardivement, mais je ne puis la faire patienter ! Je pourrais avoir peur de vous abandonner dans cet endroit que vous jugez hostile, mon cher prince, mais il me semble apercevoir la princesse Eugenia de Cortés. Peut-être la connaissez-vous déjà, c’est une personne des plus délicieuses ! Jarrile avait penché la tête vers Gabriel, pour que ses paroles ne s’envolent pas plus loin qu’elles ne devaient. Mais le prince n’avait pas prêté plus d’attention que cela aux termes exact, depuis qu’il avait vu la silhouette d’Eugenia de Cortés se rapprocher de lui.
Il salua son compagnon qui le quitta, et un court instant, resta immobile dans la petite allée déserte. Son cœur avait pris le dessus, et il sentait sa raison battre en retrait dans cette bataille. Les battements se faisaient plus fort, alors qu’il entendait les doux crissements des chaussures de la jeune femme sur les graviers de l’allée ; il espérait qu’ils ne fussent pas trop forts, et inspira une bouffée de l’air frais de l’hiver, afin de calmer ce qui l’envahissait à l’instant même.
Ce fut elle qui l’aborda, alors que son tout corps luttait pour que son visage garda cette expression naturelle, et ne rien laisser transparaître de son trouble. Elle était encore plus belle que dans son souvenir, et il regretta que tant de jours se fussent écoulés depuis qu’ils s’étaient quittés. Sa robe d’un rose pâle faisait ressortir son teint chaud, et plus intenses que dans ce reflet du miroir, ses yeux sombres croisèrent les siens.
Pourquoi, alors que tout l’être de cette créature était si parfait, devait-elle prononcer le nom de Courville ? Etait-ce un cruel signe du destin ? Cela devait-il signifier qu’aucun avenir n’était concevable ?Mais…ne ressentait-elle peut-être que de l’amitié envers lui ? A nouveau, sa raison lui avait insufflé ces doutes, et à présent, il ne su que penser, troublé par ce visage si angélique. Nonobstant cette bataille intérieure qui ne trouvait aucune trêve, un sentiment de plénitude l’envahit, et les yeux brillants, il salua la jeune princesse.-Grazia, c’est un plaisir de vous revoir….je me porte…comme un homme placé par erreur dans la cour de France ! Je pense que…la signorina de Courville se…porte…bien. Les mots s’arrêtèrent dans sa gorge, alors qu’il luttait pour les prononcer. Il n’y a pas de fiançailles. Quelques mots si rapides, si concis, mais si difficiles à dire devant cette femme, à qui pourtant il voulait dire toute la vérité. Il ne pouvait la tromper plus longtemps.
De cette lueur heureuse, ses yeux s’éteignirent un court instant, cédant à une vague d’inquiétude. Pourquoi cette soudaine gêne de la part d’Eugenia de Cortés ? Il détourna le regard de la jeune princesse, s’efforçant de ne pas laisser sa raison s’étouffer sous ce sentiment qu’il sentait…..réciproque.-Signorina, je n’ai pus vous le dire auparavant, je….Ses mots, prononcés trop bas, se dissipèrent dans l’air, et il resta un instant muet face à la révélation que la jeune femme lui asséna. Il la reçu comme un coup de rapière au travers du corps. Pourquoi l’avait-elle coupé à nouveau ? N’avait-il pu parler plus tôt ? Et…ce Bragelonne…elle ne pouvait l’avoir connu si rapidement…elle lui avait dit qu’elle n’était ni mariée, ni fiancée. Il sentit tout son corps se refroidir en une seconde, alors que son cœur semblait tomber plus bas que terre. Un poids s’abattit sur son corps, alors qu’il se retournait, fixant Eugenia de Cortés d’un regard perdu.
Cette porte entr’ouverte venait de se refermer. Il avait perdu cet espoir qui s’était formé à son esprit depuis quelques jours. Toute cette joie de ce matin était passée, s’était dissoute par ces mots, cette voix contrite de la sirène qui l’avait attrapé. Elle était promise à ce Bragelonne, à cet homme dont le nom, et même le visage, lui était inconnu. Dans ce carrosse, il aurait du le lui dire, peut-être avait-elle été sincère, et son silence avait donc ôté cet espoir. Lui-même avait refermé cette porte sur un avenir flou et brouillé.
Silencieusement, il posa ses yeux sur elle. D’un regard plus froid qu’il ne l’avait souhaité, dans lequel se mêlait cette sensation de désespoir qu’il ne pouvait faire taire. Il ne su s’il fallait la blâmer, la féliciter, ou simplement, s’il fallait le lui dire. Elle avait cette fierté qui dansait dans ses prunelles, alors que son visage, il le voyait aussi limpidement que dans l’eau des bassins, s’efforçait de paraître heureux.
Il lutta contre son cœur qui le poussait à des folies qu’il ne voulait pas imaginer, et lentement, esquissa un sourire, bien difficile à conserver. Mais plus difficiles encore étaient les mots qu’il se devait de prononcer, comme machinalement.-Oh. Signorina, e ùna notizia…je veux dire…c’est une…..merveilleuse nouvelle. Je vous…félicite.Comme ces mots devaient sonner faux ! Gabriel ne pouvait tenir si longtemps face à ce visage qu’il avait tant rêvé. Son cœur émis alors ce désir qu’il n’avait osé assouvir depuis quelques secondes. Elle le lui avait annoncé avant que le vent de la cour ne le lui souffle, elle s’était montré proche, et honnête. Il fallait lui annoncer l’annulation de ce mariage, même si cela devait lui en coûter plus qu’il ne l’avait imaginé.
Mais des rires s’étaient fait entendre dans l’allée perpendiculaire, et bientôt, des bruits de pas sur les graviers se firent plus forts, et les ombres d’un groupe de jeunes gens s’allongèrent sur le sol de l’allée.
En un mouvement doux, Gabriel se résolu à prendre délicatement le bras d’Eugenia de Cortés, et s’éloigna ainsi des importuns. Il avait cette femme si proche de lui, cette main qu’il avait tenu dans la sienne quelques courtes secondes, lors de leur première rencontre. Il avait tant voulu baiser ces doigts si fins qui s’étaient appuyé sur lui, comme pour chercher un soutien qui ne venait pas.-Ces bosquets, près de ces arbres, seront plus calmes…signorina.Il ne pouvait se résoudre à la regarder à nouveau. Il ne voulait pas voir dans le regard d’Eugenia un sentiment contradictoire, qui aurait pu le pousser à des choses impossibles. Mais inspirant lentement, il se résolu, et tourna son visage vers le sien, fixant ces traits si parfaits à ses yeux. Il resta ainsi une demi-seconde, silencieusement.-Il n’y a pas de fiançailles, signorina. Sa voix était calme, mais le léger tremblement ne pouvait être étouffé. Je veux dire…je…n’épouse pas la signorina de Courville. Il lâcha délicatement le bras d’Eugenia de Cortés, comme si ce contact lui avait donné un courage supplémentaire. Un sourire contrit apparu alors sur son visage tendu. Je pense que…les raisons ne vous sont pas mystérieuses. |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 17.02.10 13:20 | |
| Les yeux mi clos, les mains crispées derrière son dos - afin de dissimuler son anneau - et le cœur battant … de peur si difficile à réprimer, la princesse attendait ! Elle attendait une réaction de Gabriel … qui ne viendrait sans doute point, Milena se rappelait fort bien sa froideur ! Ses espérances de jalousie, s’évanouissaient et faisaient place à la culpabilité ! Pourquoi demeurait-elle terrorisée à l’idée de lui faire ne serait-ce qu’un peu de peine ? " Car il est un ami ! " lui rétorqua sa fidèle raison et justement enchaîna t-elle, " puisqu’il s’agit d’un ami, pourquoi souffrirait-il de ton futur mariage ? En outre n’omets pas qu’il va convoler également ! Ne crains donc pas cela et profites de sa seule présence. "
En effet, la princesse se réjouissait également de le revoir, plaisir d’autant plus fort qu’il restait jusqu’alors inespéré ! Ne lui avait-il point affirmé qu’il ne viendrait que peu à la cour voir jamais ? D’ailleurs, il le lui confirma aussitôt par sa remarque et elle compatit de toute son âme avec lui. Ne se sentait-elle guère autant placée par erreur à Versailles ? A prodiguer des révérences à sa pire ennemie, tandis que celle-ci festoyait, se tenait au bras d’un fort bel époux, et était déjà mère ? Milena trouvait un léger baume à son cœur en la présence de la favorite royale : Amy of Leeds. Cette fière et splendide jeune femme qui supplantait Marie Thérèse en tout ne pouvait lui être qu’agréable, bien que ne l’ayant jamais rencontrée ! Peut-être d’ailleurs devrait-elle l’avertir à propos du machiavélisme de sa rivale… la pauvre comtesse pourrait fort bien un jour ou l’autre se retrouver avec une balle dans le ventre !
Mais pour l’heure ses pensées devaient se borner à sa seconde rencontre avec Gabriel de Gonzague, qui ne disait mot … La jeune espagnole osa lever son regard sombre sur lui et lut au fond des yeux gris de son interlocuteur … un certain désespoir. L’étau de la culpabilité resserra aussitôt son cœur, comme la plus pénible des tortures ! Que faire ? Que dire ? Hélas … ses lèvres restèrent muettes, car elle ne savait comment réagir, ni même si ses impressions se révélaient justes. La glace derrière ce semblant de désespoir la déroutait, ainsi peut-être ne ressentait-il rien de la sorte … D’ailleurs …
" Oh. Signorina, e ùna notizia…je veux dire…c’est une…..merveilleuse nouvelle. Je vous…félicite. "
Malgré la courtoisie, le ton trahissait bien une certaine contrariété qu’elle ne sut réellement décrire. Stupéfaction ? Déception ? Jalousie ? Ne désirant en aucun cas s’illusionner davantage, Milena opta pour la première hypothèse, et répondit sincèrement …
- Je ne qualifierai point cette nouvelle de merveilleuse Monsieur … il s’agit d’un mariage de convenance, comme l’exige mon rang… mais je vous remercie néanmoins, de vos bons vœux.
Quelques bruits de pas se firent soudain entendre et rompit quelque peu la communion de leurs retrouvailles. Tant de choses qu’elle désirait lui dire hormis cette précision qu’il ne s’agissait en aucun cas d’épousailles d’amour … comme pour le rassurer ! Mais des choses qu’elle devait taire car tous deux étaient désormais fiancés ! Pourquoi lui faire part que si la situation eût été différente … elle aurait nettement préféré une demande en mariage de sa part et non de celle de Richard de Bragelonne.
Lorsqu’il l’invita à s’engager vers d’autres bosquets pour obtenir visiblement plus d’intimité, elle contint un frisson au simple contact de sa main sur son bras. Cependant, la princesse retint cette douce "chair de poule" fort difficilement … car le souvenir de sa main sur la sienne au sein de l’auberge se fit plus présent dans son esprit. Mais il ne fallait point que son cœur lui s’emballe ! Gabriel était lié ! Elle-même était liée ! Elle se devait de nier cette attirance stupide, cet entretien l’y aiderait certainement, à présent qu’il connaissait sa situation. La jeune femme se laissa guider vers les arbres aux alentours et patienta à nouveau … Le prince ne la regardait guère, il semblait hésitant comme elle-même il y a peu. Elle ne comprenait pas la raison … On aurait dit qu’il désirait également lui annoncer quelque nouvelle … elle pencha la tête de son coté et leva un sourcil d’interrogation comme pour l’encourager à parler !
- Vous paraissez songeur Mons …
" Il n’y a pas de fiançailles, signorina. Je veux dire…je…n’épouse pas la signorina de Courville ! "
Cette annonce lui fit l’effet d’un boulet de canon, lui transperçant l’âme. Pétrifiée, elle ne put s’empêcher de s’écrier …
- COMMENT ???
Pourtant elle se trouvait là bas, à Saint Germain, au sein même de cet hôtel particulier ! Elle n’avait point rêvé tout de même ! Les parents de Marguerite n’attendaient-ils point le sieur de Gonzague pour conclure ce contrat de mariage ? N’avait-elle point laissé le Duc et le prince seuls, tandis qu’elle finissait de rassembler ses effets personnels ? N’avait-elle point vu cette poignée de mains ? Non … il se moquait d’elle ! Hélas à son ton grave, il ne s’agissait manifestement point d’une plaisanterie ! Bouchée bée, elle ne le quittait guère des yeux … Milena ne pouvait y croire !
" Je pense que…les raisons ne vous sont pas mystérieuses. "
Mystérieuses ? A présent qu’elle y réfléchissait quelque peu, elle ne pouvait le blâmer d’avoir refusé cette proposition ... ! Marguerite restait une enfant capricieuse, lunatique, imbue d’elle-même et détestable. La princesse s’éloigna légèrement du Duc et lui tourna le dos pour ne pas montrer la colère et tout le désespoir qui montaient au plus profond de son être.
- Certes, vos motifs sont tout à fait clairs Monsieur ! Consentir à épouser une telle jeune fille relève de la plus admirable abnégation ! Une pimbêche de premier ordre … je comprends donc votre refus ! … Cependant …
Si la princesse pouvait se douter, jamais elle n'aurait admis qu'une autre raison pouvait exister ... comme par exemple qu'il l'aimât elle et non point Marguerite ! Surtout en cet instant où l'emportement la gagnait ! Milena se retourna donc à nouveau vers lui, d’un geste vif. Son regard n’était plus posé du tout, et au fond de ses prunelles luisaient la plus vive contrariété et un grand courroux qu'elle ne contrôlait plus du tout !
- Cependant … pourquoi ne pas m’en avoir fait part plus tôt ??? Vous paraissez au courant de cet état de fait depuis notre départ de l’hôtel des Forcalquier !!! ET vous n’avez pas trouvé un seul instant pour me confier, que vous ne l’épouserez point ???
Oui tout aurait été différent s’il lui avait dit qu’il rejetait Marguerite ! TOUT ! Elle n’aurait pas accepté de se fiancer à Richard par exemple, elle serait libre et peut-être l’espoir de vivre un jour à ses côtés ne serait pas perdu à jamais ! Ce quiproquo la tenaillait et elle en voulait cruellement au prince ! Rares étaient ses débordements et malgré une voix calme, elle n’en était pas moins cassante ! Adieu ses résolutions de fatalité et de résignation ! Une fois de plus, le destin la frappait atrocement mais elle ne se tairait plus … certainement pas !
Elle leva ses bras dans un mouvement d’incompréhension totale, puis les rebaissa dans le même geste, tandis que son visage conservait cet air ahuri, médusé et pétrifié.
- Je suis fiancée depuis quelques jours et je suis venue à vous dès que je vous ai aperçu par purs scrupules …Pour que vous ne l’appreniez d’aucune autre personne que moi ! Tandis que vous …
La princesse de Cortès le désigna de sa main d’un geste fort accusateur et déçu puis reprit dans sa lancée …
- Tandis que vous … n’avez pas jugé utile de me confier cette rupture ! …
Soudain, son visage se referma, adopta une expression dure, face la révélation que venait de lui murmurer sa fidèle raison ! La belle hispanique interdit à quelques larmes de couler même si ses yeux s'embuaient dangereusement !
- Je pensais que vous me faisiez confiance … que vous teniez à moi … que vous étiez mon ami ! Apparemment je me suis trompée ! |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 17.02.10 22:31 | |
| Les mots étaient parfois plus difficiles à entendra qu’à dire, et Gabriel eu préféré que la jeune femme se taise, plutôt que d’enfoncer la dague un peu plus dans son cœur. Lui rappeler ces mariages de convenances, et ce ton si sincère, si franc avec lequel elle lui en faisait part ne pouvait que faire empirer la situation désastreuse qu’il entrevoyait. Rien ne pouvait à présent apaiser cette douleur que chaque battement de son cœur lançait au fond de lui. Même tenant si doucement ce bras qu’il ne voulait lâcher, il la sentait s’échapper, et ne plus jamais lui appartenir.
Comment de tels sentiments avaient-ils pu être aussi forts, alors qu’ils ne s’étaient rencontrés qu’une fois ? Il avait cru qu’il s’était agit de la situation du moment, de la plénitude de cette nouvelle rencontre, qui lui avait donné ces sensations. A présent, maintenant qu’elle était liée, qu’elle ne lui appartiendrait peut-être jamais, il réalisa qu’il l’avait perdu, et que son inclinaison était bien plus forte que sa raison osait le prétendre. Répondant à ce qu’il ressentait, il lui avait annoncé sa nouvelle en toute franchise. Il ne pouvait la laisser croire un tel engagement, même si, au fond des yeux de jais d’Eugenia de Cortés, dansait une lueur qu’il connaissait bien lui-même.
-COMMENT ???
La réaction de la jeune femme le dérouta, et le stoppa dans son élan de sincérité. Il ne pouvait lâcher ce visage soudainement grave, et ses yeux se plantèrent en elle comme deux lames effilées. Elle se contentait de phrases aussi policées que les siennes, mais rien, aucun mot n’expliquait sa réaction. Pourquoi ne parlait-elle donc pas ? Le doute s’insinua petit à petit, lui empoignant les entrailles, et empêchant chaque mot qu’il voulait lui dire, de sortir. Peu lui importait qu’elle n’aime point Courville. Ce nom ne devait par ailleurs n’avoir aucune place dans son esprit, et il s’effaça aussitôt lorsque le regard d’Eugenia de Cortés se détourna de lui.
Comment avait-il pu deviner les élans de la jeune femme ? Rien n’avait été limpide depuis le début de leur rencontre, apparemment placée sous le seul signe de l’amitié. Gabriel n’avait pas d’amis comme Eugenia de Cortés. Elle ne pouvait pas se contenter de ce titre. Elle était bien plus à ses yeux que toutes ces personnes de confiance qui l’entouraient, bien plus que ces femmes, ces hommes qui croyaient le connaître, et avoir ses faveurs. Eugenia l’avait hanté depuis leur séparation. Des nuits d’insomnie en avaient résulté, tant le visage de l’hispanique flottait dans son esprit.
Il avait cru que cette rencontre aurait été une possibilité de lui montrer toute l’ampleur de son affection pour elle, mais plus elle parlait, plus les mots le poignardaient, reléguant au rang de regret toutes ses résolutions passées. Les mots étaient frappés, durement lancés, et l’atteignaient en plein cœur, alors que sa raison battait en retraite. Elle l’accusait, lui, d’avoir gardé le silence ! Elle l’accusait de ne pas avoir pensé que son inclinaison était partagée ! Comment aurait-il pu le sentir ? Pourquoi ne le lui avait-elle pas montré ?
Il l’avait laissée se dégager de lui, comme vaincu par cette colère. Jamais les méandres de la pensée féminine n’avaient été aussi obscures, et face à ce…désespoir dans lequel elle-même semblait sombrer, se rattachant à sa colère, Gabriel ne pu esquisser un seul geste, comme pétrifié par la scène qui se déroulait sous ses yeux. A nouveau, un mur était apparu entre cette femme tant désirée et lui. Elle lui échappait, comme Vittoria avait glissé de son emprise. Les mots assénés cognaient contre ce mur, sans lui parvenir, que par bribes qu’il ne retenait pas. Il revoyait cette chevelure blonde et ce sourire malicieux, ce visage illuminé par le regard vert pétillant de bonheur, alors que ses mains tenaient les siennes fermement, sans les lâcher ne fusse qu’une seconde. Même Vittoria avait dressé un mur entre eux. Elle ne l’avait pas laissé l’approcher, la comprendre, l’aider.
Tout le désespoir qui s’immisçait à cet instant en lui avait ce parfum de rose de Vittoria, son rire résonnait à ses tympans, remplaçant la voix d’Eugenia de Cortés. Un court moment, il ne su lui-même ce qu’il se passait. Il avait fermé les yeux, passant sa main sur son front, pour calmer les pensées les plus noires qui l’assaillaient alors sans répit. Sa raison lui revenait. Sa raison, et tout le cynisme qui l’accompagnait.
Comment pouvait-elle se méprendre à ce point ? Il releva alors la tête, et fit face à cette femme qu’il voyait à présent différemment. Malgré toute la beauté de ses traits, il voyait là l’autre face de la sirène, celle qui faisait sombrer les marins attirés par son chant. Il ne voulait pas s’échauffer comme elle, malgré le sang italien qui bouillonnait déjà depuis quelques minutes.
-Pourquoi aurais-je fais part d’une nouvelle qui me concernait seul, à une femme rencontrée à peine une heure auparavant, signorina ?
Sa question n’attendait aucune réponse. Sa voix était devenue dure, et son regard froid avait ponctué ses courtes paroles. Il lisait toute la contrariété dans celui de la princesse, et résistant à cette envie de s’approcher d’elle un peu plus, et de calmer ce sang espagnol, il voulu prendre à nouveau son bras, pour maîtriser en douceur la belle hispanique. Mais à nouveau les phrases étaient assassines, et il sentit la dague s’enfoncer un peu plus, faisant sombrer son cœur au plus bas. Il lui fallu inspirer longuement, afin de calmer son esprit, champ de bataille de sa raison et de ses sentiments. Il passait de cette froideur contre elle à cette envie de l’avoir contre lui, de l’apaiser par des mots tendres, simples, malgré son engagement.
Son cerveau luttait contre ces envies contradictoires, mais à nouveau, les mots d’Eugenia de Cortés lui faisaient l’effet d’un sabre passé au travers de son corps. Une amitié ? Quelle amitié ? En avait-elle seulement parlé ? Il n’avait jamais été question d’amitié entre eux, ni même de quelconque autre sentiment ! Il voyait presque pointé sur lui ce doigt accusateur dans les gestes tragiques de la princesse. Ainsi, puisqu’il fallait un coupable, elle avait décidé qu’il s’agirait de lui. Il ne pouvait admettre que sa prévenance avait été une faute, malgré le regret qu’il ressentait à l’heure actuelle. Son orgueil fut piqué par cette femme, par la seule femme qu’il avait pu admirer depuis Vittoria.
-Tandis que moi… ?
Ses yeux avaient à présent un reflet d’incompréhension. Il secoua la tête un instant, tentant de mettre en place toutes les données que lui avait fourni Eugenia de Cortés. Rien. Il ne voyait aucune raison qui aurait pu l’obliger à lui en parler. Aucun des reproches de la jeune femme n’était valable à ses yeux, et petit à petit, ceux-ci reprirent la teinte glacée, alors qu’il fixait la jeune femme.
- Tandis que vous … n’avez pas jugé utile de me confier cette rupture ! …
-En quoi vous en avertir aurait été utile ?!! Comment….
Il se tut. Le visage d’ordinaire si doux et franc d’Eugenia de Cortés s’était mué en une expression ferme, faisant danser quelques flammes dans ses yeux.
Il n’y avait alors plus aucune amitié en cet instant. Il la fixait impassiblement, immobile, les yeux glacés. Gabriel avait finalement prit le bras de la jeune femme, inspirant lentement pour ne pas laisser éclater toutes les pensées qui le tiraillaient depuis les phrases assassines de la princesse. Il adoucit son regard en le détournant quelques seconde, laissant y entrer cette vague d’amertume qu’il ressentait, derrière toutes ces autres émotions qu’il refoulait jusque-là. Il émit un rire sec et amer, et pencha la tête vers elle, malgré la distance qui semblait les séparer. A nouveau, une teinte de désespoir pris place dans sa gorge.
-Votre…ami, signorina ? Ma io non voglio… Il ferma les yeux un instant cherchant les mots qui s’effaçaient de son esprit, comblée par l’émotion qui l’étreignait à nouveau. Comment dites-vous….je…ne veux pas..être votre ami, signorina. Je ne peux pas.
Ne sentant aucune résistance, et voyant s’embuer les yeux de la jeune femme, tous ces sentiments contradictoires fondirent d’un seul coup, laissant place à cette compassion caractéristique, cette envie de l’aider, de la soutenir. Seules les larmes d’une femme pouvait briser toutes ces barrières de raison qu’il avait forgé. Il avait encore sa main sur son bras, ne lâchant pas ce regard si intense. Ses yeux le trahirent, laissant entrer le flot d’émotions qu’il avait jusque-là contenu.
- Je pensais que vous me faisiez confiance … que vous teniez à moi … que vous étiez mon ami ! Apparemment je me suis trompée !
-Non….non. Eugenia de Cortés…je ne peux pas être votre ami. Je me suis tu pour ne pas espérer l’improbable, pour ne pas vous voir souffrir, signorina. Vous êtes la seule…à qui je souhaitais le dire…..Je n’ai pas réussi. Pardonnez-moi.
Elle apparaissait à présent comme cette femme qu’il avait toujours voulu voir à ses côtés. Elle paraissait soudainement plus douce dans son désespoir. La communion de leur douleur les avait fait taire un instant, plongeant l’endroit dans un profond silence.
-Croyez-moi, je vous en prie. Je ne peux avoir l’esprit en paix si je connais votre courroux contre moi.
Il marqua une courte pause, ne sachant dans quel ordre faire passer ses pensées. Elles s’entassaient toutes, formant une pelote inextricable, où se mêlaient tout ces sentiments refoulés quelques secondes auparavant. Il attira doucement cette femme que ses yeux ne pouvaient quitter. Sa fougue, son impulsivité, mais aussi sa douceur avaient conquis son cœur, et malgré tout les reproches qu’elle venait de lui faire, malgré son propre courroux contre ces accusations, il ne pouvait la voir autrement que telle qu’elle apparaissait à ses yeux.
-Je tiens à vous plus que tout, Eugenia de Cortés. J’ai prié chaque jour que Dieu fait pour qu’un avenir que je croyais scellé irrémédiablement puisse s’ouvrir à nouveau…Comment aurais-je pu deviner votre incli…ce que vous ressentiez ? Dites-moi si je dois vous oublier. Je le ferais dans la douleur, mais je ne peux vivre à nouveau avec ce…cette culpabilité.
Il la sentit se dégager, alors que son regard traduisait tout ce que sa gorge refusait de laisser sortir. Il lâcha ce bras gracile à regret, alors qu’il la voyait à nouveau s’échapper, tel un oiseau libre de chacun de ses mouvements. Il ne pouvait que la posséder par ce regard qu’il ne voulait détourner. Un regard où se mêlait toute l’affection qu’il ressentait en cet instant pour elle. |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 18.02.10 1:28 | |
| A la rage presque violente succéda la bise glacée ! Plus aucun mot ne sortit de sa bouche … Bouche qu’elle avait à présent bel et bien refermée, si fermée d’ailleurs que ses mâchoires se crispaient au plus haut point ! La jeune hispanique fixait Gabriel de Gonzague, comme si elle l’apercevait pour la première fois ! Loin de l’image d’Epinal qu’elle en avait fait, il rejoignait au fil de ces douloureuses secondes, le groupe de personnes l’ayant fait souffrir, l’ayant cruellement déçu, et en qui elle ne devait en aucun cas offrir sa confiance ! Fort heureusement, une unique rencontre ne suffisait pas pour gagner ainsi tout crédit auprès d’elle … Bien, ainsi la pénible surprise passée, elle se remettrait de cette mésaventure et poursuivrait le cours de sa misérable existence ! Une leçon de plus allant dans le sens de sa perpétuelle méfiance et elle l’oublierait lui et son charme !
" Pourquoi aurais-je fais part d’une nouvelle qui me concernait seul, à une femme rencontrée à peine une heure auparavant, signorina ? "
La réplique ne put que se frayer un chemin au cœur même de son courroux !
- Parce que … parce que …
Il lui fallait trouver une raison coûte que coûte ! Milena n’aimait pas qu’on ait le dernier mot avec elle et quitte à user de mauvaise foi, elle saurait bien montrer l’étendue de son caractère bien trempé !
- Sangue del Cristo ! Ne l’ai-je donc point fait moi à cette minute ? Ce mariage me concerne seule et pourtant vous voilà au fait !
Il s’agissait d’une vérité ! Pourquoi se sentait-elle obligée de lui annoncer ses prochaines épousailles et pourquoi lui aurait-il eu le droit de ne rien lui dire ? Alors que cela eût tout changé justement ! Et voilà qu’elle l’apprenait à présent, comme si … son aveu excusait le sien ! Beau subterfuge mais hélas bien vain ! Milena ne se calmait point, cette déclaration subite agitait tout son être ! Elle ne pouvait y croire, c’était à en hurler de douleur ! Un mot de lui aurait été si simple, pour créer une situation simple, celle d’un homme, d'une femme, d'une sotte promise mais d'une sotte qui n’existait dorénavant plus entre eux … et elle n'était mise au courant qu'une dizaine de jours plus tard ? A présent tout se compliquait par manque de confidences, à cause de sa froideur et de stupides convenances ! Elle tempêtait … malgré son silence !
" En quoi vous en avertir aurait été utile ?!! Comment… "
Elle s’avança alors vers lui, l’œil luisant de défi et de contrariété …
- En quoi mais en TOUT Señor !
Milena ne réalisa qu’alors à quel point, elle pouvait se trahir sur ses propres sentiments, tant son courroux était vivace ! Car s’il lui avait été si indifférent, s’il ne représentait qu’un simple ami … Pourquoi aurait-elle réagi de la sorte ? Ses espérances déçues l’aveuglaient et lui voilaient un amour naissant qu’elle se refusait à admettre ! Le mot amitié devait régner dans leur relation, oui il le fallait ! Par chance, la princesse n’alla pas plus loin et n’offrit guère le détail du fameux TOUT ! Néanmoins, elle se replongea dans son mutisme mais cette fois-ci plus troublé qu’empreint de colère, et tandis qu’elle n’avait jusqu’à présent fui aucunement le regard de son interlocuteur … elle baissa soudainement les yeux.
Yeux dont elle balaya les herbes de droite, celles de gauche comme pour y trouver … une contenance ! Elle les regardait sans même les voir ! Sa pensée terrible de tantôt annihila à la vitesse d'un éclair, la moindre trace de son emportement. Non elle ne pouvait … l’aim … Ce sentiment sot n’apportait que malheurs et fustigeait l’âme, la princesse obligerait bien sa raison à combattre ce petit avorton qui osait gagner son cœur. Une amitié était possible, un amour ne l’était pas ! Le dernier qu’elle avait ressenti, lui laissait la trace amère de son passage, en la présence d’une cicatrice béante au bas du ventre ! Alors non … plus jamais une telle faiblesse !
" Votre…ami, signorina ? Ma io non voglio… Comment dites-vous….je…ne veux pas.être votre ami, signorina. Je ne peux pas. "
Que disait-il donc ? Elle ferma ses paupières afin ne pas écouter une telle hérésie pour son esprit ! Il ne désirait guère devenir son ami ! Soit dans ce cas …elle ne le retenait point car il ne serait rien d’autre ! Milena condamnait ses oreilles à ne point entendre, son regard à ne point se poser sur ce … tentateur !
" Je me suis tu pour ne pas espérer l’improbable, pour ne pas vous voir souffrir, signorina. Vous êtes la seule…à qui je souhaitais le dire…..Je n’ai pas réussi. Pardonnez-moi. "
Pour ne pas espérer l’improbable ? Quelle sagesse ! Mais ne pas espérer l’impossible aurait été plus juste ! Cependant malgré ce masque de glace qu’elle arborait à présent, elle esquissa un fort léger sourire d’entendement !
- Vous avez raison Señor, je n’ai pas le droit de réclamer de telles confidences de votre part surtout si nous ne POUVONS être amis … Aussi je vous pardonne volontiers et vous prie moi-même de m’excuser pour cette … injustice !
A présent la belle hispanique pouvait partir, quitter les lieux, le quitter, rejoindre Richard et dès le soir … glissée au fond de ses draps, elle entreprendrait de l’oublier ! Elle aurait sauvé la face par de banales politesses et aucun ne garderait le regret d’une dispute, il s’agissait de l’essentiel! Non ?
" Je tiens à vous plus que tout, Eugenia de Cortés. J’ai prié chaque jour que Dieu fait pour qu’un avenir que je croyais scellé irrémédiablement puisse s’ouvrir à nouveau…Comment aurais-je pu deviner votre incli…ce que vous ressentiez ? "
La princesse émit un profond soupir et leva ses yeux sombres vers le ciel tant elle luttait contre elle-même … Elle priait pour une aide divine qui la sauverait de ce mauvais pas mais ce miracle ne vint pas ! Pourquoi les paroles de Gabriel adoucissaient son âme blessée mais torturaient toutes ses résolutions, combattaient son esprit, et remettaient bien des choses en cause ? Elle voulait haïr non pas aimer ! La haine demeurait son unique sel de vie depuis neuf longues années, depuis 3285 interminables journées, et certainement point l’amour … cette mort de tous les instants ! Pourquoi ne voulait-il point comprendre qu’elle ne désirait en aucun cas tomber dans ce piège cruel ? Elle tenta de se défendre et de prétendre qu’elle n’éprouvait que de l’amitié pour lui … mais ces mots ne franchirent guère la frontière de ses lèvres tremblantes. Elle ne put que dégager son bras qu’il tenait toujours …
" Dites-moi si je dois vous oublier. "
Oui il le fallait ! Où était-il conseillé de tenir à une personne maudite sous peine d’en souffrir soi même … Tous les prétextes étaient bons pour le repousser ! Cependant … il lui manquait une chose essentielle pour y parvenir …Le courage ! Elle leva son regard vers le sien pour prendre congé de lui avec courtoisie et fuir tant qu’il en était encore temps …
- Il me faut vous quitter …
Hélas son regard si hypnotique paralysa un à un chacun de ses membres et lui coupa toute retraite ! Dieu qu’elle n’aimait pas ce qu’elle pouvait y lire … Cette insistance l’effraya … Comme menacée par un ennemi qui tentait de s’emparer des derniers remparts de sa résistance, elle fit quelques pas vers l’inconnu, derrière elle. Lentement, doucement ... elle recula à tâtons. Combien de temps ce petit manège durerait-il ? Il se devait de cesser … ce regard en disait trop long sur ses désirs, une flamme trop intense crépitait au fond de ses prunelles grises. Les mains de la princesse se raidirent et se refermèrent en deux poings, tant la crispation la gagnait.
Elle chercha à nouveau à droite et à gauche une quelconque aide, pria pour qu’au loin retentissent à nouveau des pas de courtisans, ou des rires … Qu’un oiseau chante trop fort … que le vent se lève, qu’en somme quelque chose brise cette possession optique qu’il avait d’elle … Son cœur s’emballa sous la peur et ses battements ne firent que redoubler lorsqu’elle butta … contre un arbre. Elle aurait pu le contourner, ou même prendre les jambes à son cou mais elle ne put … Adossée contre ce tronc, Milena se sentit alors si vulnérable que dans un dernier sursaut, ses forces murmurèrent à l’encontre du Prince…
- Non …
Non à quoi ? Elle ne le savait exactement ! Non à cet amo … à cette sottise qui lui faisait tant de bien et tant de mal ! Non à cette faiblesse qu’elle ressentait plus les secondes passaient ! Non à ce regard ! Non à tout mais finalement oui … Car son âme semblait heureuse elle ! Sa raison tenta de reformuler néanmoins ce non, dans une voix qui n’était plus qu’un susurrement tant une boule d’appréhension lui nouait la gorge …
- Le Roi … sa promenade … J’y suis invitée et …
Une nouvelle fois, la belle hispanique dévia la portée de son propre regard vers un autre élément de ce décor naturel, mais plus elle fuyait celui de Gabriel, plus ce dernier lui paraissait encore plus intense tandis qu’il s’approchait … trop dangereusement à son gout. Elle s’empêcha de déglutir tandis que la question qui la hantait s’interposait …
- Pour quelle raison me dévisagez-vous ainsi ? Pourriez-vous … cesser … s’il vous plait … Non …
Encore ce non inexplicable, mais qu’elle se sentait forcée de prononcer, tant la lueur régnant dans les yeux du Prince la tenaillait, l’hypnotisait, la submergeait … tant et si bien d’ailleurs que désormais elle ne voyait plus qu’eux, ne pouvant même plus les fuir. Le monde aux alentours n’existait plus ! |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 18.02.10 13:10 | |
| Comment une femme pouvait-elle retourner ainsi son cœur ? Quel pouvoir exerçait-elle sur lui, pour qu’il ressente autant d’émotions contradictoires ? Il supportait mal la douleur qu’elle lui infligeait à l’instant même, alors qu’une minute auparavant, le désir de l’avoir si près de lui le pressait. Chacun des mots qui sortaient de la bouche d’Eugenia de Cortés semblait le frapper en plein ventre, et l’envie d’effacer soudainement son visage, son sourire, tout ce qui l’avait hanté, le prit à la gorge. Elle-même ne trouvait les mots dans sa colère ; peut-être même ne savait-elle pas ce qui la provoquait !
Les femmes. Il s’était méfié de tout ce qu’elles lui apportaient. Il n’avait, depuis 10ans, que refusé toutes ces avances, de peur d’être prisonnier de filets invisibles. Elles étaient loin du monde qu’il avait construit tout autours de lui depuis la mort de Vittoria, il les avait tenu à l’écart de son cœur, afin qu’elles ne puisse l’approcher, le toucher, le briser à nouveau. Mais Eugenia de Cortés avait trouvé cette faille. Peut-être même avait-elle su manipuler sa raison, afin que la garde soit baissée. Elle avait à présent enfoncé ce long couteau effilé au plus profond de lui, et sans cette froide raison qui l’avait jusque là maintenu hors de l’eau, ses forces l’auraient quitté. Elle l’avait touché au point le plus faible, et à présent, l’en accusait.
Qui était la victime aujourd’hui ? Ses entrailles se contractèrent, alors que la réponse de la princesse cingla l’air.
-Sangue del Cristo ! Ne l’ai-je donc point fait moi à cette minute ? Ce mariage me concerne seule et pourtant vous voilà au fait !
-Ce sont vos propres décisions, signorina, ne les soumettez pas aux autres…et surtout pas à moi.
Aucune femme n’avait su lui dicter ses choix, et la princesse de Cortés ne serait pas celle qui ferait rompre cette volonté. Surtout pas en cet instant, où il ne voyait d’elle que ce serpent qui s’enroulait autours de son cou, cherchant à y planter ses crochets. Elle n’était pas une ennemie, elle était celle qu’il devait oublier, celle pour qui il ne devait plus rien ressentir s’il voulait l’ôter de son esprit. Ni haine, ni amitié, ni rancœur ou colère. Il fallait qu’il la voit comme une femme pour qui son cœur avait eu cette faiblesse, et non celle vers qui sa raison l’avait poussé.
Mais plus il l’observait, plus ce désir de ne plus la voir était annihilée. Malgré ce visage dur qui le fixait, malgré ces mots, tout son corps trahissait les réels sentiments qu’il éprouvait pour elle. Non. Il ne devait pas laisser sa raison faiblir. Il devait agir avec froideur, justement, et fermement. Plus il tentait d’étouffer ces émotions, plus Eugenia de Cortés réapparaissait comme il l’avait toujours admiré. A nouveau, chacune de ses fermes résolutions fut brisée, dissipée, ôtant de son esprit la colère sourde qui avait chauffé son sang.
- En quoi, mais en TOUT Señor !
-En tout ?! Que voulez-vous dire ? Vous…
Ses mots avaient dépassé ses pensées. Il s’arrêta un instant, fixant ce visage échappant à son regard trop pénétrant. Non. Cette expression de défi ne correspondait pas aux pensées qui devaient habiter Eugenia de Cortés. Sa dernière phrase, ce seul mot de « tout » avait traduit tout les espérances de Gabriel, faisant rejaillir en lui cette vague de sentiments qui l’étreignit. Pourquoi ne lui montrait-elle pas ce « tout » ? Pourquoi se défilait-elle ainsi ? Il l’observait, perdu devant cette femme qui un instant auparavant avait levé un coin de voile, le relâchant aussitôt. Il voulu la prendre contre lui, relever ses yeux de jais vers les siens, lui demander ce que signifiait ce « tout ».
Elle le faisait se perdre dans les dédales des sentiments. Il s’ouvrait à elle, plus sincèrement qu’il ne l’avait fait avec quiconque, mais son regard baissé l’éloignait de lui. Il voulait qu’elle rouvre ses paupières, qu’elle adoucisse ces prunelles, qu’elle vienne vers lui, comme la femme qu’il avait rencontré à Saint Germain. Où étaient sa douceur, sa prévenance, cette timidité qui avaient fait tomber les maillons de la chaîne entourant son propre cœur ? Elle devait le regarder, voir en lui toute l’inclinaison qu’il ressentait, tout cet….ce sentiment, dont le nom se refusait à son esprit.
- Vous avez raison Señor, je n’ai pas le droit de réclamer de telles confidences de votre part surtout si nous ne POUVONS être amis … Aussi je vous pardonne volontiers et vous prie moi-même de m’excuser pour cette … injustice !
Pourquoi ne comprenait-elle donc pas ? Ou pourquoi ne VOULAIT-elle pas comprendre ? Que cherchait-elle en lui ? Ses rougeurs, lors du retour en carrosse, sa gêne lorsque l’aubergiste s’était méprit sur leur relation…tout ceci n’était que par pure amitié ? Avait-il réellement laissé choir ce mince lien qui les unissait ? Il se maudit un court instant d’avoir ouvert son cœur à cette femme qui ne semblait attendre de lui uniquement ce qu’elle avait décidé, rejetant l’affection qu’il lui dévoilait. Mais cette affection laissait parler son cœur, alors qu’un peu plus, la pointe de la dague se retournait en lui, torturant son esprit encore un peu plus.
Elle ne s’échappait pas seulement de ses pensées, mais aussi de ses bras. Plus elle reculait, plus il sentait monter en lui ces élans qu’il ne pouvait retenir que par la raison. Pourquoi ce regard perdu ? Pourquoi le fuyait-elle, alors que ses mots, que ce « tout » avait dévoilé ce que son cœur semblait hurler ? Qu’avait-elle vécu pour réagir ainsi, alors que tout en lui ne cherchait qu’à l’apaiser ?
Chacun des mots qu’elle prononçait sonnait faux aux oreilles de Gabriel, trahi par le regard perdu, teinté de désespoir, de crainte, mais où dansait une flamme, quoique faible, qu’il voulait maintenir allumée. Plus elle reculait, plus ce désir de l’avoir plus près de lui montait. Simplement la tenir contre lui, passer sa main dans ses cheveux sombres, sur sa nuque fragile. Il ne voulait rien de plus que la proximité de cette femme, comme s’il pouvait par sa seule présence comprendre ce qu’il se passait en elle.
Il ne voulait pas que cet arbre soit l’obstacle à sa fuite ; elle apparaissait comme prise au piège, murmurant ce « non » si douloureux pour lui. S’il devait la quitter définitivement, si leur avenir devait être séparé, s’il devait finalement épouser cette enfant qu’il détestait à présent, elle devait savoir ce qu’il ressentait réellement pour elle. Il devait, une seule fois, faire ce que son cœur lui intimait doucement.
Il l’avait laissée seule, éloignée de lui, mais maintenant que cet arbre barrait sa retraite, il s’approcha doucement d’elle, fermant son esprit à ses murmures. Son regard ne pouvait être plus doux, plus…aimant…qu’il ne l’était alors. Sa raison ? Quelle raison ? Elle avait battu en retrait, et semblait se complaire dans les sentiments de Gabriel. Il avait doucement prit la main d’Eugenia de Cortés, malgré la résistance de celle-ci, et serrait doucement ses doigts dans les siens, évitant de toucher cet anneau qui les séparait. Quelques pas légers l’avaient rapproché d’elle, jusqu’à sentir l’étoffe de sa robe contre lui, alors qu’il passait sa main lentement sur la joue de la jeune femme.
Sa peau était plus douce qu’il l’avait imaginé, et un instant dans le silence troublé qui pesait sur le bosquet, il contempla ce visage qu’il ne voulait plus quitter. Ses yeux criant de désespoir, ce nez si fin, cette bouche sensuelle qui l’attirait instinctivement…tout en elle consumait petit à petit Gabriel.
-Signorina…
Sa voix était si basse que seule la princesse pouvait l’entendre. Lentement, ses doigts avaient glissé sur la nuque d’Eugenia, approchant son visage du sien. Son pouce caressait ses traits, calmant les battements de son cœur qui cognait contre sa poitrine, affaiblissant les dernières résistances de sa froide raison. Il avait penché sa tête vers elle, jusqu’à toucher ce visage si doux, si ferme, sans qu’il ne pu contrôler le léger tremblement de sa main sur sa peau. Et sans qu’il ne sache lui-même ce qu’il se passait à l’instant, il ferma les yeux, et ses lèvres effleurèrent celle de la princesse, jusqu’à les presser doucement. Il sentait les dernières résistances d’Eugenia lutter contre ce baiser inattendu, mais cet instant qu’il avait tant imaginé ne pouvait être rompu si tôt. Il rapprocha encore son visage du sien, passant sa main dans les cheveux de la jeune femme, tout en embrassant tendrement cette bouche si douce, si parfaite.
Plus rien ne comptait à présent, que cette femme qui l’avait envoûté, jusqu’à briser les dernières résistances de son cœur. |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 19.02.10 14:58 | |
| [Attention, interdit aux moins de 10 ans ! ]
Il ne l’écoutait absolument pas! Toutes ses supplications et ses non se révélaient vains ! Il ne parlait pas et … ce regard persistait, toujours aussi captivant ! Ce silence ajoutait d’autant plus aux craintes de Milena! Jamais après plus de vingt sept ans, un homme ne l’avait dévisagé de la sorte ! Certains l’avaient contemplé avec lubricité, d’autres avec admiration – comme son père – mais avec amo … avec ce sentiment, jamais ! La princesse décontenancée au plus haut point ne lutta plus, adopta l’attitude d’une condamnée connaissant sa peine, sauf que … loin d’être désagréable, il s’agissait d’un rapprochement plaisant avec le bourreau ! Car Gabriel semblait vouloir dérober son cœur pour y lire ce TOUT si imprudemment prononcé par ses propres lèvres.
La belle hispanique désira une dernière fois baisser les yeux, les lever, ou les reporter ailleurs … malheureusement cette volonté déclinait tant ses mains crispées devenaient moites au fil des secondes ! Cette sensation ne fit que redoubler lorsqu’il lui prit l’une d’entre elles et la serra délicatement. Il ne s’agissait plus d’un frôlement comme celui que Gabriel s’était permis au relais, mais bien d’une douce étreinte. Où cela les mènerait-il ? Milena se complaisait à nier l’évidence, elle entamait l’ultime combat de sa raison, il ne fallait surtout pas qu’il tente de l’embra … Elle ne lui offrirait que déception et se sentirait si misérable par la suite ! L’espace d’une seconde, elle se reprocha même de ne pas être plus exercée … de ne pas être plus encline au badinage physique. Qu’allait-il donc penser d’elle s’il osait … Lui, certainement homme aux multiples conquêtes, et qui songeait bien à lui dérober un baiser tant cela apparaissait clairement au fond de ses prunelles grises.
Le prince se trouvait à présent si proche d’elle, que la respiration de Milena ne se fit alors que difficilement. Pourquoi le ciel n’intervenait-il pas en sa faveur ? Pourquoi Richard ne cherchait-il point à la rejoindre ? Pourquoi était-elle venue à lui ? Pourquoi l’avait-elle suivi au sein de ses bosquets où nul ne passait ? Et pourquoi ce doigt effleurant sa joue brûlante et rougissante lui prodiguait un tel sentiment de plénitude et de bien être ?
" Signorina … "
Cette voix empreinte de tendresse se fraya un chemin jusqu’à son cœur et enfin tous les méandres de sa raison ne la torturèrent plus. Tout à coup, ses interrogations s’évanouirent, ainsi que les ruines de sa colère et même sa haine! Il ne s’agissait plus que d’une osmose totale entre deux âmes éprises ! Oui, elle l’avait dit ou tout au moins pensé et si étrange que cela parût, elle ne luttait plus ni contre l’idée, ni contre le mot ! Elle aimait Gabriel de Gonzague, malgré une rencontre de quelques heures, malgré le fait qu’elle ne connaisse presque rien de lui, malgré le fait qu’il ne connaisse presque rien d’elle. Milena se surprit à penser qu’il s’agissait tout bonnement d’un coup de foudre entre les deux jeunes gens, ces élans passionnés dont on disait qu’ils ne duraient guère !
Alors puisque ces craintes provenaient directement du cœur, Milena ne parvint pas à les taire ! La peur de s’enflammer trop vite, la peur de le désenchanter, la peur qu’elle ne soit qu’une de plus dans un tableau de chasse féminine, fut l’unique rempart qui ne céda pas à cette main qui descendait sur sa nuque tandis qu'elle le suppliait dans un bref souffle …
- Por favor …
Et tandis que le Prince avançait son visage du sien. Elle tenta à nouveau de murmurer ce non mais ce dernier mourut sur ses lèvres au même instant où un baiser y naissait ! Son regard se ferma à ce contact délicieux, délicat, et respectueux, et ... les bosquets disparurent, mais aussi Versailles, la cour, Richard, cette bague de malheur… la princesse s’assimila aux étangs gelés de Nouvelle Espagne qui se liquidifiaient au printemps, aux premiers rayons chaleureux du soleil. Son âme si froide à cause de trop de maux, vit ainsi fondre un à un ses glaciers au contact de cette bouche sur la sienne. L’oiseau qui ne désirait point chanter pour la secourir, égrena alors plusieurs notes au plus profond de son être. Un volatile n’existant que dans son cœur, mais dont la mélodie était ô combien charmante !
Néanmoins stupéfaite et gauche de surcroît, elle ne tenta aucune résistance et se laissa aller … goûtant avec la plus grande timidité à cette parfaite nouveauté. A n’en point douter, cet instant se grava dans sa mémoire et elle s’en voulut terriblement de ses pensées de tantôt … jamais elle n’aurait voulu être embrassée par un autre que lui ! Contre toute attente, Milena se blottit quelque peu contre sa poitrine - virile ? - au même instant où Gabriel passait sa main dans ses cheveux de jais ! Elle se sentit frissonner jusqu’à l’échine !
Pour ne pas paraître dévergondée, la jeune hispanique lutta contre le tambour qu’était devenu son cœur, et ses pauvres mains entreprirent des gestes qu’elle réfréna. Elle aurait tant voulu enrouler ses bras autour de son cou, se presser d'autant plus contre lui, lui sembler plus … amoureuse, mais sa piété, son éducation le lui interdirent. Il ne demeurait plus qu’entre eux cette barrière infranchissable de la religion et des valeurs qu’on lui avait enseignées. En outre, il ne fallait point oublier sa maladresse en un tel instant, cette crainte de le dépiter de sa personne, et elle ne sut quelle attitude adopter ! Quel geste était le bon ! Il en rirait bientôt et elle éprouverait une telle humiliation ! La princesse profita de quelques secondes de répit où la bouche du Duc ne se pressait plus sur la sienne pour balbutier et le contempler de ses yeux tourmentés …
- Par … Pardon …
Pourtant, toujours adossée à cet arbre, la princesse ne combattit rien de cette si agréable étreinte à laquelle tous deux n’avaient guère le courage de mettre fin si tôt. Grâce au nouvel élan de douceur de Gabriel, elle se permit alors quelque chose qui la stupéfiât elle-même. En effet, la jeune espagnole ouvrit peu à peu ses lèvres aux siennes … comme si tout ceci se révélait être un acte parfaitement naturel.
C’est alors qu’une vague de passion la submergea dont elle se débattit tant bien que mal, telle une future noyée ! Elle ne comprenait guère ce qui se passait, s’il s’agissait d’une autre sorte de baiser, ou encore des prémices ! La pauvre princesse se sentit à nouveau si gauche, que ses bras battirent une fois de plus l’air ne sachant où se poser ! Milena se maudit intérieurement ainsi que tous ses préceptes religieux et se permit simplement … de poser ses mains - toujours aussi moites d’ailleurs - sur les épaules du Prince de Gonzague.
Quelle heure était-il ? Le Roi poursuivait-il sa promenade ? Les observait-on ? Toutes ses questions n’avaient plus cours dans son esprit. Qu’importait son fiancé ! Comment se prénommait-il déjà ? Toute sa raison enivrée comme son cœur, par le parfum si présent de Gabriel, par ses bras qui encerclaient à présent son dos menu, la faisaient chavirer ! Dieu qu’elle avait pu être sotte de reculer et de prononcer ce non ! Dieu qu’elle était sotte de ne pas vraiment répondre à cet appel d’amour, pour des valeurs chrétiennes, et pour des frayeurs toutes féminines. Comprendrait-il le tremblement de ces membres, évocateurs d’une timidité certaine - normale pour une demoiselle élevée à l'Escurial - mais également d’un trouble évident ? Saurait-il discerner l’émoi paralysant du refus catégorique ou s’en vexerait-il ? On prétendait les italiens fort chrétiens certes mais également si débauchés et ne parlait-on pas de l'homosexualité comme du "mal italien" ? Elle doutait qu'il fasse parti de ces véritables libertins mais entendrait-il cette retenue, fruit de cette différence de nationalité ?
" Tais toi " lui intima alors une petite voix inconnue, peut-être celle de ses sentiments ! Tu as le droit légitime après tant de souffrances de connaître quelques secondes de bonheur, saches ne pas les perdre à t’interroger vainement et profites donc !
Comment pouvait-elle réellement profiter … Cela lui paraissait si impudent, si digne d’une gourgandine ! Devait-elle lui offrir une telle image d'elle dès leur seconde rencontre ? Cependant la jeune espagnole obéit sans broncher et parvint peu à peu aux portes du Paradis tandis que ce baiser aux multiples facettes se poursuivait … faisant fi de tout ! La seule pensée qui lui vint, fut une folle espérance ... Gabriel éprouvait-il semblable béatitude ? |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 19.02.10 23:28 | |
| Etait-ce son cœur ou celui d’Eugenia que Gabriel sentait battre contre lui ? Il avait abandonné toute idée de les réfréner, tant ce qu’il ressentait à l’instant brisait toutes ses résistances. Il n’y avait plus aucune barrière à présent pour l’empêcher de se rapprocher encore d’Eugenia, plus aucune chaîne qui repousserait les élans de son cœur. Rien ne pouvait rompre le charme qui s’opérait alors. Il sentait ce parfum si doux, cette peau velouté sous ses doigts, alors qu’Eugenia lui offrait à son tour ses lèvres. Cette bouche si fraîche, si innocente, était comme une nouveauté qu’il redécouvrait à chaque seconde. Jamais il n’avait ressenti une telle plénitude depuis si longtemps, depuis que son cœur avait cessé de battre pour d’autres femmes. Il se sentait à nouveau si jeune, découvrant un délice dont il ne pouvait se passer. Elle s’ouvrait à lui, elle lui donnait tout ce qu’il attendait d’elle. Ce bonheur l’envahissant petit à petit, dissipant chaque pensée qui eu pu rompre cet instant.
Eugenia lui offrait tout ce qu’il avait vainement recherché. Elle était si pure, si douce, il la sentait si frêle sous ses doigts, qu’il eu envie de la serrer un peu plus contre lui, comme pour la rassurer. Un élan de tendresse l’envahit un peu plus, alors qu’il sentait que leurs deux âmes communiaient soudainement, comme si l’une et l’autre avait trouvé la sœur qu’elle attendait. Les battements s’étaient comme emballés, pris par cette passion soudaine, alors qu’il sentait un peu plus le corps d’Eugenia se rapprocher, pressant contre lui sa poitrine qu’il sentait se soulever au rythme du cœur de la jeune femme. Elle partageait avec lui ce baiser. Plus qu’il ne l’avait espéré, plus longtemps qu’il ne l’avait attendu. Entièrement à lui, sous ses mains, sous ses douces caresses sur sa nuque, sur ses joues. Ressentait-elle ce qu’il vivait lui-même ? Etait-ce par faiblesse, par goût de la nouveauté qu’elle se donnait ainsi à lui, alors qu’ils ne se connaissaient qu’à peine ? Etait-ce la Providence, guidée par la main de Dieu, qui avait placé cet ange sur son chemin ? Tout ce qu’il avait vécu s’évanouissait plus il goûtait à ce tendre parfum sucré. Il était à elle, tout son être n’était qu’à elle.
Eugenia avait rompu un instant ce partage, mais rien en lui pouvait le lui reprocher. Ces minutes étaient si parfaites qu’aucune chose ne pouvait briser complètement le charme qui s’était fait dans ces bosquets. Pourquoi lui demandait-elle pardon ? Rien de ce qu’elle lui avait offert n’avait fait faiblir ce sentiment qui grandissait en lui. Il avait passé sa main sur son front, caressant doucement ses tempes, ses joues, descendant jusqu’à son menton, sans quitter un instant ce regard si intense qui, à nouveau, implorait ce pardon. Non ! Non, il n’avait rien à lui pardonner ! Elle était si…parfaite ! Il n’avait eu le courage de lâcher ce doux visage, et se rapprochant encore, ne pu que murmurer pour la rassurer.
-Non….c’est…très bien.
Parler eu été laisser éclater en morceau la cage qui les enveloppait. Dans un mouvement, il avait à nouveau joint ses lèvres à celles si douces d’Eugenia. Savoir s’il était le premier, le dernier, ou un de plus à qui elle donnait toute cette douceur ne l’intéressait pas. Elle était contre lui en cet instant, offrant ce qu’elle avait, ce que son cœur acceptait en s’ouvrant totalement.
La passion se mêla à la plénitude, alors que tout son corps ne cherchait qu’à amener Eugenia plus près encore. Aucune résistance n’avait trouvé sa place, aucune barrière n’avait su rester debout lorsque ce flot de….d’amour…avait déferlé en lui. Il ne luttait plus contre ce sentiment, tant le bonheur l’avait étreint. Elle s’ouvrait à lui, elle l’avait laissé faire, lorsqu’il avait doucement, lentement ouvert ses lèvres aux siennes, comme pour parfaire cette communion. Il ne pouvait retenir ce léger tremblement, alors que ses mains avait glissé le long du dos de la jeune femme, l’attirant un peu plus à lui. Il ne pouvait la laisser s’échapper maintenant, il ne voulait pas que cette…osmose ne se termina. Jamais depuis dix ans son cœur n’avait battu si fort, cognant contre sa poitrine, comme pour demander à rejoindre celui qui se pressait alors contre lui.
Il avait senti ces mains…ces fines mains si douces qu’il avait tant voulu serrer dans les siennes. Elles s’étaient alors posé sur ses épaules, resserrant encore leur étreinte. Il sentait sous les siennes ce dos, ces hanches si fines, si menues qu’il eu peur de les briser, et qu’il ne pouvait que frôler. Il la sentait trembler légèrement contre lui, et cette envie de la rassurer le prit encore, faisant doucement remonter ses mains vers le dos d’Eugenia. Peut-être ses gestes étaient-ils de trop, mais seul son cœur les lui dictait. Son esprit était vide de toute raison, et la passion, …l’amour qu’il avait alors pour Eugenia consumait les résolutions qu’il pouvait avoir.
Gabriel avait remonté sa main sur la nuque de la jeune femme, relevant son visage vers le sien, rapprochant un peu plus leurs lèvres déjà scellées. Il ne pouvait aller plus loin. Cela était inutile, tant le bonheur qui l’habitait était total. Il caressait à nouveau ces joues à la peau si douce, ces cheveux, décoiffant quelques mèches brunes autour du front d’Eugenia. Il passait ses doigts sur ses temps, s’imprégnant de cette douceur, de ce contact qu’il ne connaitrait peut-être plus.
A la seule pensée qu’elle ne serait peut-être pas sienne, il serra un peu plus les paupières, comme pour chasser la pensée qui troublait cet instant. L’once de culpabilité qui montait insidieusement en lui fut estompée lorsqu’il sentit que ses moindres désirs étaient partagés par Eugenia. Elle l’avait laissé la guider, l’amener doucement à se libérer de toutes ses craintes. Elle était si tendre dans ses bras, elle semblait un enfant cherchant le réconfort, et laissant une main sur son visage si pur, il fit glisser l’autre délicatement sur ses hanches, rapprochant leurs corps dans une étreinte étroite. Rien ni personne n’ôterait ce plaisir qu’il ressentait, cette félicité qu’il ne voulait rompre à aucun prix.
Pourquoi devrait-il culpabiliser ? Devait-il se mentir à lui-même, trahir son cœur, et Eugenia ? Il ne pouvait pas. Sa raison-même ne pouvait accepter cela. Plus il songeait à cette culpabilité, celle de voler ces instants à l’homme qui partagerait à présent la vie d’Eugenia, plus cette sensation de désespoir naquit à nouveau en lui, et plus son désir de goûter encore aux lèvres d’Eugenia se faisait pressant.
Quelques secondes encore, il voulait trouver des réponses dans les yeux si intenses d’Eugenia. Il voulait savoir si tout ce qu’il sentait sous ses mains était réel, si ce sentiment, qui se faisait entendre de plus en plus fort, était partagé. Il voulait à nouveau plonger son regard dans le sien, y trouver autant d’apaisement que dans ce doux baiser qu’elle lui offrait.
Il recula un instant la tête, et doucement, caressa les tempes d’Eugenia, comme pour lui indiquer ce qu’il désirait. Ces prunelles flamboyantes l’avaient fixé, alors que ces mains qui l’avaient rapproché d’elle glissaient doucement sur ses épaules le long de ses bras. Aucun mot ne venait, son regard seul suffisait à lui montrer combien ses sentiments étaient sincères, que ce qu’il ressentait alors était bien plus qu’une inclinaison, bien plus qu’une attirance. Il ne pu que sourire doucement à cette pensée qu’enfin son cœur semblait guéri de toutes ces années. Son esprit était baigné dans les yeux d’Eugenia, et tout s’effaçait. De cette chevelure blonde à ce rire cristallin. Même cette bouche mutine, la dernière qu’il avait pu effleurer, semblait lui sourire une dernière fois, comme un adieu.
Eugenia de Cortés. L’évocation de ce nom, alors qu’il contemplait ces traits sans défaut, recélant une âme qu’il ne demandait qu’à connaître, faisait naître en lui cette passion, mêlée de cet amour qu’il ne voulait plus taire.
Sans quitter son doux sourire, posa doucement son front sur celui d’Eugenia, relevant doucement sa tête vers lui, sans quitter ces pupilles envoûtantes.
-Ne me demandez plus pardon….
Il pencha un peu plus son visage vers le sien, refermant à nouveau ses lèvres sur celles d’Eugenia un court instant. Le dernier, peut-être. Il ne voulait avoir aucun regret, aucun remords. Quoique fut-ce son avenir, avec quelle femme, il garderait à jamais le souvenir brûlant de ce baiser. |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 21.02.10 18:50 | |
| " Non….c’est…très bien. "
L’était-ce réellement ? Milena si maladroite aurait pu en douter légitimement, cependant submergée par cette déferlante vague d’amour et de passion, ses interrogations s’évanouissaient. Ces mains hésitantes posées sur ses hanches, ce doux contact sur son dos, lui prodiguaient des effets plus qu’inattendus pour une personne de son sang froid. Une chair de poule envahissait tout son corps et elle remercia le ciel que le Prince n’ait guère de toucher avec sa peau nue.
Après avoir franchi les portes du Paradis, elle plongea aux confins de son royaume céleste tandis que leur étreinte se poursuivait. Elle y croisa quelques petits angelots et y chercha l’archange de la lumière qui ne pouvait être que Gabriel de Gonzague. L’homme qui la pressait si délicatement contre lui !
Le baiser fut une fois de plus interrompu mais cela ne la gêna guère, ces tendres doigts posés sur ses tempes et sur son visage ne pouvaient que lui être agréables ! En outre, quel amour débordant au fond de ses yeux ! Milena n’osait y croire, il ne s’agissait pas d’un coup de foudre, d’une simple passade qui mourrait bien vite! Elle pouvait le lire mais pouvait-elle s’en convaincre ? … En outre, pouvait-elle lui montrer la même chose ? Sa timidité, ses peurs ne purent soutenir malheureusement ce regard trop plein d’un sentiment, et malgré elle, Milena dut baisser le sien. Son cœur réclamait certes de l’affection, du baume pour ses blessures … il s’ouvrait déjà à lui, ébranlait ses remparts de pierre pour lui, mais ce dont il avait surtout besoin, c’était de temps ! S’il aimait vraiment, ils apprendraient à se connaître et peut-être comprendrait-il mieux ses réserves ?
Tandis qu'il posait son front sur le sien, cette complicité lui gagna d’autant plus l’âme. Elle aurait pu demeurer ainsi ses yeux dans les siens, des heures durant !
" Ne me demandez plus pardon…"
Milena esquissa un sourire empreint de plénitude et quelque peu de malice.
- J’essaierai …
Et un autre baiser vint s’interposer entre eux. Jamais elle n’avait été plus heureuse en dix années d’existence, seules quelques instants avaient suffi pour la combler de bonheur ! Jamais elle ne voulait connaître de séparation … Vivre sans lui n’était pas vraiment vivre ! …
- PRINCESSE DE CORTES !!! Êtes-vous là ?
Quelle était donc cette voix venue tout droit de l’enfer afin de briser ce merveilleux instant ? Tout d’abord Milena ne la perçut que fort lointaine, elle ne désirait guère quitter ce rêve éveillé, ce moment de magie où le bien être l’enveloppait toute entière malgré quelque réticences dues à sa pudeur … Non elle ne le voulait pas ! Il fallait chasser ce maudit fantôme venu de l’autre monde, pour les séparer …
- PRINCESSE ???
Le fantôme devint malheureusement réel, et tel un mort retrouvant ses os et sa chair, cette voix reprenait ses intonations hélas bien vivantes, tout comme l’autre monde qui regagnait ses bosquets, ses arbres, ce Versailles … La belle hispanique ouvrit alors les yeux et la première chose qu’elle vit fut sa main droite sur l’épaule de Gabriel, ou plus précisément son annuaire droit où brillait LA bague … Sa raison revint alors et lui asséna un terrible coup, un fouet ne lui aurait guère fait plus mal ! En une fraction de secondes, la culpabilité vint engloutir toute cette paix intérieure, toute cette osmose enchanteresse, et elle se déroba à ses lèvres tandis qu’elle se retirait fort précipitamment des bras du Duc de Mantoue … Désunion qui coûta fort à son cœur mais qu’elle entreprit sans aucune brusquerie bien qu’avec détermination ! Elle eut voulu réfréner la honte qui s’empara de ses joues et de son regard sombre … Mais elle ne put réfréner ni sa honte ni ses mots.
- Ce n’est pas possible …
Milena se fraya alors un passage au devant du prince, s’écarta de lui et lui tourna le dos. Dans un geste de forte contrariété, elle mit alors son pouce et son index entre ses dents, .
- Mais qu’ai-je donc fait ?
Elle ne pouvait faire taire ses murmures, ses reproches dont elle se fustigeait elle-même. Ce sentiment d’avoir failli à tous les préceptes de son éducation la fit même cacher son visage dans ses mains. Milena aurait pu en pleurer tant elle se jugeait avec sévérité. Elle ! Une De Cortès ! Elle fiancée, promise à un autre homme voilà qu’elle … se permettait un tel comportement digne d’une gourgandine de bas étage !
La princesse apercevait son père, fruit de son imagination, défiler l’air austère devant ses yeux clos, puis sa mère, puis ses préceptrices dont elle se rappelait les enseignements.
- Il est des actes qu’une jeune fille de votre rang ne peut se permettre … le seul contact que vous devez avoir avec un homme avant vos épousailles doit se limiter à un baisemain COURTOIS ! En outre, il est bien entendu inconcevable de songer à prendre un amant, une femme doit demeurer fidèle à ses engagements !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce baiser tendre, langoureux et quelque peu passionné ne correspondait en rien à ses critères … Non seulement, elle se permettait de telles effusions mais de surcroît elle ne respectait en aucun cas ses liens avec Richard de Bragelonne ! Ces leçons de morale achevèrent de lui briser l’âme et étouffèrent l’amour qui quelques minutes plus tôt paraissait casser les coquilles de son œuf ! Elle avait elle-même tâché son nom par la " boue " de son acte inadmissible si loin de l'honneur de la parole donnée ! Elle n’en voulait guère à Gabriel, elle était en tout coupable, la force de fuir lui avait manqué ! Faiblesse cruelle ! Faiblesse amère ! Ultime faiblesse ! Il fallait s’excuser auprès du prince de Gonzague, lui jurer que tout ceci ne se reproduirait plus, qu’ils se devaient de ne plus se revoir ! Elle se retournait déjà vivement pour lui en faire part …
- PRINCESSE ???
Une nouvelle fois, cette voix maudite zébra le silence, qui de romantique se faisait à présent lourd ! Vite, vite, elle arrangea sa chevelure si délicieusement décoiffée par Gabriel, replissa sa robe de soie rose alors qu’elle y ressentait encore le frôlement des habits du Duc, et grâce à neuf ans de mensonge à nier son identité, elle arbora un visage … ou plutôt un masque des plus trompeurs et des plus naturels. Exercice malheureusement d’une simplicité d’enfant tant elle en connaissait l’usage ! Elle sourit donc à Gabriel et dirigea son regard et son doigt vers un des bosquets.
- Vous aviez raison Señor, ces espèces rares d’arbre forment un fort beau spectacle !
- Ah vous voilà enfin chère Eugenia !
Un homme d’une quarantaine d’années grandi par une haute perruque apparut soudain au bout de cette discrète allée. Milena se retourna alors vers lui et lui adressa un sourire de convenance.
- Certes cher Comte … Le prince de Gonzague et moi-même herborisions ! Mais pourquoi tant de hâte ?
Le nouvel arrivant s’inclina avec la plus exquise des politesses, devant Gabriel. Le mot prince y fut certainement pour quelque chose. Tandis que ces banalités de protocole étaient échangées, Milena malgré son zèle en duplicité ne s’en trouvait pas moins vivement … anéantie. Elle regarda cet homme chéri entre tous du coin des yeux, tentant de lui faire comprendre qu’elle ne pouvait qu’agir ainsi ! Une De Cortès, une filleule de Roi et de Vice Reine se devait de montrer l’exemple … et hélas elle n’avait pas suivi sa raison ! Seule sa résolution de désormais le fuir pour de bon calmait quelque peu cet outrage fait par elle-même aux valeurs de sa famille ! Elle serait dorénavant une héritière digne de son titre !
- Votre fiancé m’envoie vous quérir Princesse afin que vous puissiez admirer les derniers arrangements apportés à l’obélisque. Il a été retenu quelques minutes par le Roi mais à présent devrait nous rejoindre.
Milena acquiesça de la tête et s’avança vers le messager. Blanche comme le plus immaculé des linges, elle salua Gabriel, n’osant pénétrer ses regards … Comme il devait mal la juger, elle éprouvait même la douleur qu’il devait ressentir à cet instant, depuis la communion de leurs deux âmes, son propre coeur battant cruellement à ses propres dires. La princesse s’en tint rigueur et eut désiré une seconde de plus pour réclamer son pardon, bien qu’il lui ait demandé de taire à jamais ce mot. Hélas, sa raison l'appelait ...
Elle rejoint donc le comte, bifurqua, poursuivit sa marche de quelques pas et … son sang se figea. Richard arrivait au devant d’elle, au bout de l’allée. Il adopta une démarche pressée afin de la rejoindre. Milena ne pouvait voir mais frissonnait à s’imaginer le regard bleu de Gabriel posé sur ce tableau qu’elle n’aurait jamais voulu lui imposer. Plus encore lorsque son promis prit ses deux mains dans les siennes et en déposa une sur ses lèvres, comme la bienséance l’y autorisait, selon la Señora de la Cruz.
- Marquis, je crains que vous ne connaissiez encore le Prince de Gonzague ! PRIN …
Milena l’avait arrêté dans son appel en posant brusquement sa main libre sur le bras de leur accompagnateur. Jamais elle n’infligerait une telle rencontre au Duc de Mantoue !
- Cela est-il nécessaire ?
La jeune espagnole dont le ton se faisait plus sec qu’elle ne l’aurait voulu enchaîna rapidement …
- Le prince m’a dit vouloir regagner l’hôtel de Nevers, cette rencontre peut se remettre, ne l’importunons point …
Derechef, elle se permit de jeter un petit coup d’œil en direction du Prince qui ne se tenait pas loin et devait entendre.
- En outre, j’avoue brûler d’envie de voir cet obélisque !
Richard lui offrit alors son bras où elle s’appuya gracieusement. Tandis que le comte et le marquis de Bragelonne conversaient de leur côté, Milena détourna le visage en direction de Gabriel. L’espace béant entre eux paraissait être celui de la raison sur laquelle elle se tenait, et celui de l’âme, vers qui ses yeux se rivaient avec désespoir. Jamais plus elle ne le reverrait ! " Car le cœur a ses raisons que la raison doit ignorer ! " |
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| Sujet: Re: Quiproquo et comedia del'arte [Milena°Gabriel] 22.02.10 22:42 | |
| -Princesse de Cortés ! Etes-vous là ?! Cet appel avait rompu ce charme comme un coup de poing en plein ventre de Gabriel. Non, cet instant ne pouvait ainsi s’arrêter si brutalement ! Cela devait être un fruit de son imagination ! Ils devaient encore rester là, seuls, à terminer doucement cet…entretien. Il ne pouvait la laisser partir de cette étreinte, la voir s’éloigner, savoir que ces minutes seraient écoulées à tout jamais. La voix était réelle, et appela à nouveau, sans savoir qu’elle était responsable de la fin de cet instant sans pareil. Il avait senti Eugenia se crisper à cet appel, il l’avait senti se dérober à lui, et à présent, alors qu’elle lui faisait face, il se rendit compte de la situation. Une vague de culpabilité coula en lui. Comment avait-il pu…se laisser ainsi aller ? Comment avait-il pu détourner cette femme de son fiancé ? En une seconde, toute cette félicité qui l’avait transporté hors du temps s’évanouit, et un étau comprima ses entrailles. Eugenia de Cortés, si douce, si parfaite…comment lui, dont l’honneur n’avait jusque-là failli, s’était-il fourvoyé ainsi ? Elle était fiancée! Elle ne pouvait lui appartenir, et il venait de voler cet instant à ce fiancé, ce….marquis! Aucun mot ne sorti de sa gorge, alors que ses yeux voyaient la princesse de séparer de lui. Jamais ses mains ne le toucheraient ainsi à nouveau, jamais ses lèvres ne sentiraient les siennes à nouveau. Elle ne serait plus à lui. Jamais. Le contact se dissipait, et la réalité détruisit ce rêve éveillé des minutes précédentes. Il se voyait, lui, Gabriel de Gonzague, détournant ainsi une jeune fiancée. La seule femme qui avait fait taire sa froide raison. Sa respiration se fit difficile aux pensées qui le hantaient à cet instant. Il fallait cependant qu’il se retourne, qu’il s’excuse de cette attitude ou…peut-être ne devait-il pas le faire. Elle lui avait offert ce baiser, à aucun moment elle ne s’était montrée contrainte. Seuls leurs propres sentiments les avaient mutuellement liés. C’était cela. Ses sentiments. Eux, toujours. Un instant encore, il sentit la présence d’Eugenia derrière lui, alors qu’il écoutait les battements de son cœur. Ils ne battaient plus pour elle, ils battaient sous le poids de cette culpabilité grandissante, qui prenait alors un tout autre visage. Pourquoi pouvait-elle être là, s’il ne ressentait aucun besoin de s’excuser pour ce geste ? N’était-ce pas une tout autre culpabilité, destinée à lui-même ? Les sentiments l’avaient à nouveau trahi. Il avait cru un instant leur faire confiance, mais il avait fait là une erreur qu’il regrettait amèrement. Ils l’avaient poussé à ce geste, à forcer Eugenia à oublier sa promesse, à oublier son engagement. Mais les pas se faisaient entendre, se rapprochant. Rien ne devait évidemment transparaître, mais la peur d’avoir été surpris le tenailla, et lorsqu’il se retourna enfin, il du laisser sa raison diriger ses gestes et ses paroles. Mais son regard ne pu éviter celui, fuyant, perdu, éhonté, d’Eugenia, et son ventre se contracta. Pourquoi avait-il agit ainsi ? Il voulait lui demander pardon, lui prendre la main, faire tout ce qu’il fallait pour qu’elle ne garde pas de lui un tel souvenir. Il ne voulait pas que ces sentiments soient à nouveau la cause de l’abandon de celle pour qui son cœur battait si fort. -Mais qu’ai-je donc fais ? -Tout est….tout est ma faute…pardonnez-moi. Seuls ces mots, murmurés, purent être prononcés sous ce choc de la réalité. Il sentait ses mains trembler légèrement, et cette incessante contraction…allait-elle s’arrêter ?! Il eu voulu se réveiller, oublier tous ces instants, n’avoir jamais connu Eugenia. Non pas pour elle, mais pour ce qu’elle lui faisait éprouver, pour cet amour qu’il ressentait si fortement. Il l’avait follement espéré un instant, mais Eugenia ne pourrait jamais être à lui, tout comme…..elle . Tout comme Vittoria. S’il n’avait jusque là osé poser un long regard sur la jeune princesse, il tourna la tête, mais à ses traits se mêlaient à présents ces yeux verts et rieurs qu’il avait voulu laisser partir. Il ne devait pas y songer. L’oublier. Elle était partie, tout à l’heure ! Cela devait être définitif ! Elle ne pouv…-Vous aviez raison Señor, ces espèces rares d’arbre forment un fort beau spectacle ! La voix si sûre et déterminée d’Eugenia avait brisé les pensées qui accaparaient Gabriel. Ce seul timbre de voix savait lui redonner dans cette situation une certaine confiance. Il se ressaisit, et masqua sous un air courtois le combat qui s’engageait dans son esprit, et pour se donner cette contenance, croisa les mains derrière le dos, rentrant dans ce manège non-désiré.
Il se tourna légèrement vers les arbres qu’avait regardés en hâte Eugenia de Cortés, et la voix plus blanche qu’il ne le souhaitait, entra dans ce jeu obligatoire.-A Versailles, le roi de France sait en effet s’entourer des plus….beaux…spécimens…ce parc est enchanteur.Pourquoi ces mots étaient-ils sortis sans qu’il ne pu les retenir ! Pourquoi cette phrase ? Tout dans ses pensées revenait vers Eugenia, et quoiqu’il fasse chaque mot, chaque bruit lui paraissait lever le doute sur ce qu’il venait de se passer. Il serra les dents, mais les feuilles mortes avaient crissé, indiquant que le courtisan était désormais prêt d’eux.
L’angoisse avait fait place à l’inquiétude, et malgré les mots d’Eugenia de Cortés, toujours présente pour sauver ces situations de gêne, il ne pu l’étouffer. Seule son habitude à masquer ses ressentis lui permit de garder la raison, et d’agir avec ce comte dans le plus grand naturel. Il le salua brièvement, mais ses mots se perdirent rapidement, tant l’esprit de Gabriel était accaparé par ces sombres desseins.
Ses yeux gris, dans lesquels plus aucune passion ne se reflétait, avaient arboré cet habit froid, tout en se posant sur le visage d’Eugenia. Peut-être devait-il lui en vouloir ? Elle agissait avec tant de simplicité, tant de naturel, qu’il eu un instant pu penser que ce jeu théâtral pouvait être chez elle un passe-temps. Et malgré la barrière qui l’avait jusque-là empêché de connaître les tréfonds de l’âme de la princesse, il pouvait lire en elle ce que lui-même ressentait à l’heure actuelle.
Son cœur se réchauffa un court instant à cette pensée. Quoique fussent les inclinaisons de la jeune femme, elle vivait en ce moment-même cette situation identique.
Pourquoi le destin les avait-il séparés ? N’y avait-il donc aucun repos pour son âme ? Devrait-il toujours agir avec froideur, sans laisser à nouveaux ces sentiments le pousser au-delà de ses propres limites ? Gabriel, écoutant d’une oreille les salutations du comte, se sentait déchiré entre deux émotions qu’il voulait étouffer l’une et l’autre. Eugenia lui souriait…d’un sourire quelque peu contrit, au vue de la situation, mais son regard ne le quitterait pas, et ces instants ne seraient jamais enfouis. Vittoria hantait à nouveau son esprit. Cette sensation de perdre à nouveau ce qu’il aimait, celle dont le visage peuplait ses pensées.
Comment Vittoria pouvait-elle éclipser ainsi Eugenia de Cortés ? Pourquoi la laissait-elle ainsi le troubler ?
Un instant il détourna la tête de cette vision, de ces deux personnes qui ne semblaient pas comprendre ce qu’il pouvait ressentir à ce moment précis, observa distraitement les arbres du bosquet. Comment auraient-ils pu comprendre ?! Vittoria avait resurgit à son esprit, une fois que son regard fut détourné de l’espagnole.
Pour effacer cette image, et les sons qui lui revenaient en mémoire, il posa à nouveau ses yeux sur Eugenia. Il ne fallait pas qu’elle s’excuse, tout était de sa propre faute ! Il n’aurait jamais du songer un instant qu’il laisserait Vittoria le quitter si aisément. - Marquis, je crains que vous ne connaissiez encore le Prince de Gonzague ! PRIN …Ce mot de marquis tira Gabriel de ses pensées. A nouveau, il se devait de respecter cette image qu’il donnait de lui-même. Aucune faiblesse ne devait transparaître, et la froideur reprendrait sa place. Cela fut plus difficile que Gabriel l’avait prévu, mais néanmoins, il inclina à nouveau brièvement la tête lorsqu’il aperçu ce marquis de Bragelonne.-Mademoiselle de Cortés m’a annoncé l’heureuse nouvelle, monsieur. Je vous félicite pour cet engagement !Encore une fois, ces mots devaient sonner bien faux, malgré sa voix assurée, et remerciant d’un signe de tête Eugenia pour la sortie libératrice qu’elle lui offrait, il ne pu s’empêcher d’observer un court instant ce Bragelonne. Son cœur s’était tu. Les battements étaient réguliers, mais il sentait cette boule rouler dans son ventre à la seule pensée que la femme qu’il admirait tant lui était fiancée. Il sentit dans le regard du jeune homme cette fierté et cette assurance. Ce marquis était de toute évidence un homme droit, qui saurait rendre sa femme heureuse.
Il ne pouvait détester Bragelonne, même en se forçant, rien ne le poussait à haïr ce fiancé. Seule l’idée que cet homme lui enlevait ce qu’il chérissait alors lui était insupportable. Pourquoi laissait-il soudainement ses fantômes resurgir ? Pourquoi, alors qu’il l’avait ôté de ses pensées, Vittoria le regardait à nouveau ? Il vit tout à coup ce qu’il redoutait le plus. Cet homme était pour Eugenia ce que…la mort avait été pour Vittoria. Ce facteur qui ôtait à son cœur ce qui pouvait l’apaiser.
Les mots lui venaient comme lointains, et instinctivement, il salua la princesse, qui s’était éloignée. Il ne regardait pas ce bras, passé à celui du marquis. Il ne fallait pas qu’il voit celui-ci enlever ce qu’il ne pourrait plus aimer. Les sentiments parlaient à nouveau, poussés par les souvenirs qui l’envahissaient…..et par ce dernier regard, comme un adieu, lancé par Eugenia.
Il ne devait pas la revoir. Il devait quitter la cour, s’éloigner de tout ce qui pouvait anéantir ses dernières barrières de raison. Il avait eu tort d’accepter de se joindre à la promenade royale, et même, tort de venir à Versailles. Rien de tout cela ne serait arrivé sans cette promenade dans les jardins.
Seul à présent, il sentait le flot d’émotion le submerger, l’étouffer jusqu’au vertige. Un court instant, il tenta de se dégager de tout ce qui envahissait son esprit, et trouva un soutien sur cet arbre qui avait été le seul témoin de la scène qui le hantait.
Pourquoi Vittoria ne quittait-elle pas son esprit ?! Ne pouvait-elle pas le laisser un instant, partir pour de bon, assumer le geste qu’elle avait commis? Mais fermer ses paupières n’avait servi à rien à Gabriel, qu’à entrevoir un peu plus le sourire railleurs de Vittoria qui semblait l’appeler.
Il respira lentement, oubliant son esprit dégorgeant de ces pensées noires qu’il souhaitait voir annihilées. Dans un dernier effort de sa raison, il sortit des jardins, évitant cette foule de courtisans pressés auprès du roi, et rejoignit le carrosse, sur lequel Forlazzi bavardait avec quelques comparses.-Immediatamente a Pariggi. Grazie.Face au visage blême de son maître, Forlazzi avait sauté de sa banquette, et ouvert précipitemment la portière du véhicule. Il savait son maître sujet à quelques sautes d’humeur, mais jamais, en 5ans, il ne l’avait vu dans un tel état. Il soutint le bras tremblant de Gabriel, et d’un mouvement, claqua la portière, et se précipita sur son siège, faisant claquer le fouet au-dessus des chevaux.
Ne prêtant aucune attention aux roues cahotant sur les pavés, les yeux clos, Gabriel avait laissé toute raison l’abandonner. Il avait toujours été faible face à ce sentiment-là, et Vittoria avait toujours su prendre le dessus, écrasant toutes ses volontés. Dans les yeux gris de Gabriel, la tristesse avait remplacé sa froideur habituelle.>>>>> |
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