{A travers la France} Un voyage de noce original [RP Unique]
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Sujet: {A travers la France} Un voyage de noce original [RP Unique] 21.07.11 20:50
« Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur. Au voleur ! Au voleur ! Au voleur ! »
La jeune princesse de Hanovre éclata de rire. Les mains blanches, signe de noblesse incontestable, tenaient un petit livre relié ouvert sur la scène IX de l’unique acte de la fameuse pièce de Molière, Les Précieuses ridicules. Cet exemplaire lui avait été envoyé par le dramaturge en personne, flatté de l’attention que lui prêtait la demoiselle d’Armentières. A vrai dire, tenue au courant des nouveautés de la capitale française, du haut de son château allemand, la demoiselle avait attendue avec impatience de pouvoir découvrir cette pièce qui faisait parler d’elle. Tourner en ridicule les Précieuses, voilà une tâche ardue, qui pouvait vous faire tomber plus bas que terre dans le monde impitoyable des salons parisiens. Pourtant, le succès ne s’était pas fait attendre. Le professeur de Français de Maryse lui faisait lire des œuvres dont la réputation n’était plus à faire, pour qu’elle puisse, une fois arrivée dans le pays, tenir une conversation sans se couvrir de ridicule. Il ne l’avait pas permise de lire une telle pièce, mais, têtue comme elle l’était, la demoiselle le convainquit. Et là, assise dans son carrosse, supportant depuis des heures les cahots de la route, elle lisait, non sans délice, la malice de Molière. Un nombre impressionnant de carrosses identiques suivait celui des époux Calenberg, avec leurs affaires et choses indispensables pour leur venue à Versailles. Mais, leur mariage ayant été célébré depuis peu, et leur voyage connu de toutes les familles importantes d’Europe, ils avaient du entreprendre un long détour à travers les routes de France. Ces imprévus, qui retardaient considérablement l’arrivée de Maryse à Versailles, l’importunaient. Mais elle faisait bonne figure face à son époux qui ne supportait pas les comportements infantiles. Jeune et naïve, trop naïve pour Versailles, elle l’inquiétait. Matthias n’avait que trop entendu de choses sur la vie à la cour de Versailles, et sa jeune épouse lui semblait bien trop fragile pour faire face aux serpents qui rôdaient au palais. Il s’efforçait de le lui faire comprendre, sans vraiment y parvenir.
« Maryse, il vous faudra apprendre à dissimuler de tels sentiments. On ne rit pas de cette façon, sans retenue. C’est d’une inconvenance…, soupira Matthias. Il prit le livre de Maryse et le referma d’un coup sec. Souriez d’un air contenu, cachez-vous derrière votre éventail, et pour rien au monde ne montrez vos dents.
-Mais, c’est tout naturel, de rire. Pourquoi devrait-on se retenir ? On m’a toujours appris à dire ce que je pensais. Je ne vois pas pourquoi je devrais cacher mes pensées aux Français. Après tout, notre rang est aussi élevé que ceux de la cour. J’ai vécu à Paris, je sais à quoi je m’expose…
-Je ne crois pas que vous le sachiez vraiment, la coupa d’un ton sec son interlocuteur. Certes, ceux qui peuplent Versailles peuplent aussi Paris. Mais la vie à la cour est différente. Si vous devenez trop influente, on vous poussera jusqu’à vous faire tomber. On n’aime pas les personnes qui disent ce qu’elles pensent sans réfléchir. »
Maryse se renfrogna et prit un air boudeur, avant de récupérer son livre. Matthias n’en disait rien, mais il ne voulait pas rejoindre la cour de Versailles. Son château lui plaisait amplement, ainsi que sa vie et ses habitudes dans son pays natal. Le couple avait appris à se connaître, et leur vie devenait un peu plus agréable de jour en jour. Mais le prince de Hanovre craignait que la vie de cour ne change tout. Maryse était une rose bien trop fraîche, et il avait peur qu’elle ne fane trop vite, comme les fleurs desséchées qui hantaient les couloirs du palais. Elle avait toujours le sourire aux lèvres, riait sans se soucier des convenances, et ne cachait à personne le fond de ses pensées. Vivre à Versailles serait pour elle bien trop dangereux.
Ils suivaient les routes de France, et s’arrêtaient quelques jours dans certains châteaux, invités par les propriétaires. Le rang de Matthias exigeait de lui d’entretenir des relations qui pourraient lui servir, et il se devait d’accepter chaque invitation. Ils passèrent par l’Est de la France puis par le Centre, où les forêts sont plus nombreuses que les habitants. Le vert dominait partout, dans tous les paysages. Maryse s’ennuyait, mais son devoir était de ne pas le montrer, alors elle remerciait sans cesse, et se montrait courtoise. Le voyage lui paraissait beaucoup trop long. Matthias le sentait, l’entendait soupirer parfois, durant les trajets, mais ne lui en voulait pas. Elle était jeune. Elle avait tout à apprendre. Malheureusement, refuser l’offre de Louis XIV lui était impossible, cela eut été un affront considérable. Il se demandait encore pourquoi il avait reçu une telle invitation. Mais sonder l’esprit du monarque lui était impossible. Son devoir serait alors de préserver l’honneur de sa famille, en essayant de garder Maryse près de lui. Délicate mission…la jeune femme semblait particulièrement heureuse de retrouver la capitale, et surtout le palais dont on parlait à travers l’Europe entière.
Ils restaient deux ou trois jours chez leurs hôtes, puis reprenaient la route. C’est ainsi qu’ils découvrirent une grande partie de la France. A côté des magnifiques demeures où ils dormaient, ils découvraient aussi la pauvreté, la misère qui touchait le peuple. Maryse découvrait des choses qu’on ne lui avait jamais apprises. Alors Matthias lui montrait le revers de la médaille. Il lui parlait politique, révoltes, économie et maladie. Il voulait que sa femme se rende compte de l’extraordinaire chance qu’elle avait, et il voulait qu’elle puisse utiliser cette chance pour aider ceux qui ne l’avaient pas. C’était une bien grande entreprise, mais qui pouvait être amplement bénéfique pour le peuple. Maryse avait un cœur en or, il le savait, le sentait. Il ne lui restait plus qu’à espérer que cet or ne devienne pas du fer à Versailles.
Ce voyage fut l’occasion pour le couple d’apprendre à se connaitre, un peu plus chaque jour. Partager un carrosse durant des heures et des heures apporte une grande complicité. Parfois, Matthias autorisait Maryse à monter à cheval. Elle se défoulait ainsi, dépensait une énergie contenue trop longtemps. Elle suivait les carrosses mais parfois ne pouvait s’empêcher de partir loin devant au galop. Elle n’aimait pas Matthias de cet amour dont elle avait rêvé, petite, à Bruges. Elle ne l’aimait pas comme elle avait pu aimer, en idéalisant, certes, ce jeunes promis auquel elle était destinée. Mais elle le respectait, l’appréciait, et lui savait gré des libertés qu’il lui laissait. Elle le remerciait sans cesse, en prière, de ce qu’il lui apprenait chaque jour, et du respect que lui-même lui accordait.
Un soir, ils s’étaient arrêtés chez une famille proche des Calenberg : l’hôtesse était une cousine, lointaine, de Matthias. Maryse l’apprécia rapidement, ce qui n’était pas toujours le cas avec les femmes qu’elle rencontrait tout au long de ce voyage. Les hommes s’étaient retirés pour parler politique, et elles se retrouvèrent seules, devant une cheminée dont les flammes caressaient délicieusement les chevilles de notre Flamande. Elles parlaient de leur vie, de leur mariage respectif, et Maryse apprenait que le bonheur n’était pas au rendez-vous pour cette nouvelle amie. Son mari était sec, autoritaire et souvent violent. Les yeux baissés, Maryse se rendait compte de la chance qu’elle avait.
« Vous avez bien de la chance, Maryse, que votre mari accepte le déplacement jusque Paris. Comme j’aimerai y aller ! Plusieurs de mes amies y résident. Cela fait bien des années que je ne les ais pas vues, car mon mari refuse que je m’y rends.
-Comme cela est dommage ! Vous auriez pu venir avec nous, nous avons suffisamment de place avec nos carrosses. Paris est une ville extraordinaire. J’aimerai tant que vous veniez ! s’exclamait Maryse, avec sa spontanéité habituelle.
-J’aimerai tant aussi. Mais mon époux refuse dès que je le lui demande. Il a Paris en horreur. Pourriez-vous me rendre un petit service, une fois arrivée là-bas ? J’hésite à vraiment vous le demander, mais vous me semblez si généreuse…et j’en ai vraiment besoin…
-Bien sûr, la coupa Maryse sans réfléchir. Elle prit les mains de son interlocutrice, touchée par l’émotion qui humidifiait ses yeux. Dîtes-moi ce que vous voulez.
-Une amie que j’ai connue au couvent vit à Paris. Nous entretenons une correspondance qui m’est très chère. Elle devait m’envoyer un produit de..de beauté que je ne trouve pas ici. Seulement, son mari, pour une raison qui doit rester privée, refuse qu’elle ne sorte de chez elle. Ses domestiques n’ont pas même le droit de l’aider à entretenir des liens avec l’extérieur. Elle ne peut donc pas m’envoyer ce produit, que j’attends avec impatience. Elle m’a dit, dans sa dernière lettre, que son mari l’autorisait à recevoir la visite d’un prêtre ou de toute autre personne du domaine religieux, pour la paix de son âme. Alors, je pensais que…vous pourriez être cette personne. Vous n’auriez qu’à vous faire passer pour l’envoyée d’un prêtre. Mon amie pourrait vous recevoir, et ainsi vous transmettre le produit de beauté à m’envoyer. , la jeune femme, les yeux baissés, se tortillait les mains, tant et tant qu’elle aurait pu s’en briser les doigts. , Bien sûr, si vous refusez, je comprendrais.
-Ne vous inquiétiez pas. Dès mon arrivée, et dès que j’aurai un peu de temps, j’irai chez cette amie. Ecrivez-moi son adresse sur un petit bout de parchemin que je garderai avec moi. »
Maryse se faisait rassurante pour son amie. Dans ce château entouré de forêts, la jeune femme ne pouvait pas avoir de liens avec le monde extérieur. Même un produit de beauté lui était inaccessible. Lorsqu’ils partirent, Maryse embrassa, comme une amie, cette femme qui avait su l’émouvoir. Elles se promirent une correspondance entretenue, et elles ne purent empêcher des larmes de tomber, sachant qu’elles se voyaient pour la dernière fois. Alors le temps passa, comme les kilomètres. Et le couple arriva, enfin, à Versailles. Je vous passerai les étoiles dans les yeux de Maryse, le malaise de Matthias face à tant d’hypocrisie que ne remarquait pas sa jeune épouse. Toujours est-il qu’ils s’installèrent dans leur hôtel particulier, et découvrir la vie à la cour, sur laquelle circulaient tant de rumeurs. Alors Maryse mis en place le plan de son amie mentionnée plus haut. Quelques mois plus tard, Matthias lui annoncerait que le mari de cette chère amie était décédé… La demoiselle d’Armentières devrait alors consoler, par lettres, une veuve éplorée…
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