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 Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]

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MessageSujet: Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]   Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] Icon_minitime23.07.12 16:48

Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] 34px6s6

En se réveillant ce matin-là, Helle eut bien du mal à ignorer la boule de plomb qui s’était logée dans son ventre depuis une semaine et semblait décidée à revenir la tourmenter, une fois encore, une fois de plus. Ouvrant à peine les paupières, elle les referma aussitôt, aveuglée par la lumière qui filtrait par la fenêtre, et grogna de mécontentement en enfouissant sa tête sous son oreiller. Maudite journée, ou journée maudite, comme vous préférez. Pour elle, ça ne faisait strictement aucune différence. Lorsqu’elle entra dans la chambre de sa maîtresse, Birgit ne trouva qu’une masse de cheveux blonds qui dépassaient des draps, le reste ayant disparu sous les couvertures. La vieille servante soupira, alors que la baronne de Sola priait silencieusement et vainement pour qu’elle ne l’ait pas vue ou décide sagement de la laisser tranquille. C’était sans compter son affection et sa rudesse qui allaient souvent de pair et la poussaient à secouer sa maîtresse quand le besoin s’en faisait sentir. Aujourd’hui était un jour comme celui-là. Et il y avait de quoi, pour la jeune femme, vouloir rester au lit… Alors que pour Birgit, il y avait surtout de quoi vouloir en sortir !

« Allons madame, réveillez-vous, le soleil est déjà haut ! » s’exclama la brave femme en tirant suffisamment sur les couvertures pour que Helle redevienne visible aux yeux du monde. « Mademoiselle Ellen vous attend déjà en bas, vous n’allez pas la faire attendre pendant des heures ! »
« … Hmnff… » fit un bruit indéfinissable venant des oreillers.
« Pardon madame ? »
« Je ne veux pas y alleeeeeeeeeeer… » marmonna Helle, le visage toujours enfoui dans son oreiller.
« Il le faut pourtant. »
« Vous ne voulez pas aller lui dire que je suis morte ? »
« Madame ! Pensez à mademoiselle Ellen ! »

Birgit sortit de la pièce pour aller chercher la robe de sa maîtresse tandis que celle-ci se redressait péniblement sur son matelas, les cheveux en bataille et les traits marqués par la fatigue. Pourtant, ses yeux bleus sombres brillaient d’une lueur bien éveillée et surtout inquiète. Bien sûr, qu’elle allait aller à ce rendez-vous. C’était elle qui l’avait initié, il était hors de question de se rétracter. Mais maintenant que le jour J était arrivé, elle sentait son ventre se nouer de peur. Elle n’était plus aussi certaine que c’était une bonne idée. Elle doutait maintenant de la capacité d’Ellen à accepter un père qu’elle avait mille fois eu le temps d’idéaliser en douze ans, elle doutait de la capacité d’Ulrich à accepter une fille dont il ignorait l’existence, elle doutait de sa capacité à lui faire face, elle doutait du bien-fondé de sa venue à Versailles. Qu’est-ce qui lui était passé par la tête ? Pourquoi n’était-elle pas restée en Suède ? Elle soupira, se pinça l’arête du nez comme pour chasser toutes ces mauvaises pensées et inspira un grand coup. Si Helle traversait des périodes de doute, elle n’était cependant pas le genre de femme à se dégonfler une fois sa décision arrêtée. Elle avait résolu de voir Ulrich pour lui présenter leur fille, elle irait jusqu’au bout, et en assumerait les conséquences. Restait à voir si lui les assumerait aussi !

De nouveau résolue, Helle consentit enfin à sortir de son lit et alla s’asseoir à sa coiffeuse où Birgit la rejoignit afin de la préparer. Pendant que sa servante redonnait forme à ses longs cheveux blonds, Helle avait tout le loisir de repenser aux quelques semaines qui avaient passé depuis son arrivée à Versailles. Elle commençait à y prendre ses marques, grâce à sa chère Sofia qui l’emmenait aux soirées huppées, grâce à Jean Racine qui l’introduisait dans tous les cercles littéraires et lui présentait tous les intellectuels de Versailles –sans lui, elle serait vraiment comme un poisson hors de l’eau !- , elle avait rencontré des gens pour le moins intéressants, comme cet énergumène de Francesco di Venezia ou le séduisant Silvestre, et tant d’autres choses encore. A peine arrivée, elle n’avait guère eu le temps de souffler et s’était retrouvée embarquée dans de drôles d’affaires, comme soigner ce jeune abbé étrange ou ce jeune homme blessé au beau milieu de la nuit, ou bien aider son amie Lucy à faire un chantage à l’empoisonnement… Rien que d’y repenser, elle avait l’impression d’être à Versailles depuis une éternité. Et pourtant, elle n’avait toujours pas revu Ulrich. Il était plus que temps. Aussi lui avait-elle envoyé une missive grâce à Sofia la semaine précédente, afin de lui annoncer son arrivée et le prévenir qu’elle lui rendrait visite sous peu. Le jour était venu. Aujourd’hui, s’il n’avait pas lâchement déserté, se feraient les retrouvailles entre la femme et le mari. Avec l’enfant entre les deux, en passant. Mais que diable était-elle venue faire dans cette galère ?

« Tout ira bien, madame. » la rassura Birgit qui semblait lire dans ses pensées.
« J’aimerais en être aussi sûre que vous, Birgit. Et comme il n’y a qu’un moyen de le savoir… »
« Jorge va vous accompagner pour garder la petite pendant que vous parlerez avec le baron. S’il se passe quoi que ce soit… »
« Tout se passera bien, vous l’avez dit vous-même. » déclara Helle sur un ton assuré destiné à affermir encore sa volonté.

Sur ces bonnes paroles, elle se leva et enfila la robe aux tons ocre que sa domestique avait préparée. Une couleur chaleureuse mais pas trop voyante, qui s’accordait avec ses cheveux et faisait ressortir le bleu foncé de ses grands yeux. Juste de quoi la mettre en valeur sans exagération, ce qu’il fallait pour des retrouvailles en somme. Après quoi, elle descendit au salon où elle embrassa sa fille avant d’ordonner le départ. Ces douze années n’avaient que trop duré. Il était temps d’y mettre un terme… Qu’Ulrich de Sola le veuille ou non !

Dans le carrosse qui les mena, avec Jorge, jusqu’au manoir du baron, Helle imagina tous les cas de figures possibles pour ces retrouvailles. Allait-il les accueillir aimablement ? Elle écarta rapidement cette hypothèse, le mot « aimable » associé au nom d’Ulrich étant pour elle quelque chose d’assez difficilement concevable. Assez froidement donc, selon toute vraisemblance. Et ensuite ? Les jetterait-il dehors, finalement ? Dirait-il quelque chose ? Accepterait-il de voir Ellen ? Et s’il devenait violent ? Il ne l’avait jamais frappé pendant leurs deux mois de cohabitation, mais elle gardait en mémoire cette scène le soir de leurs noces où il avait ravagé une pièce pour une obscure raison… Elle frissonna. Elle ne supporterait pas qu’il lève la main sur leur fille. Avant même qu’elle ne puisse s’en empêcher, elle s’imaginait déjà se battre avec lui, levant le bras pour éviter une gifle et lui mordant le bras pour le dissuader de recommencer, pendant que Jorge mettait Ellen à l’abri… Puis le carrosse s’immobilisa, la tirant de ses rêveries aussi absurdes que rocambolesques alors qu’elle se voyait en train de pousser Ulrich par une fenêtre –hypothèse peu vraisemblable, vu leurs tailles respectives il était plus probable que ce fut elle qui passe par la fenêtre. Elle s’ébroua pour se forcer à reprendre pied dans la réalité, sourit à sa fille qui s’impatientait, et descendit. L’heure de la confrontation avait sonné.

Ils frappèrent à la porte, et à sa demande, Jorge et Ellen furent conduits dans une pièce à part alors qu’on l’introduisit, seule, dans la bibliothèque où le baron viendrait la retrouver d’ici quelques minutes. Immobile au milieu de la pièce, Helle se laissa imprégner du calme, mais aussi de la froideur qui régnait dans le manoir. A l’image de son propriétaire, sans doute. Au moins, cette froide quiétude l’aida à recouvrer entièrement son calme, et c’est avec sérénité et détermination qu’elle attendait l’arrivée de son mari. Curieuse, elle alla jusqu’à la fenêtre qui donnait sur le par cet se perdit dans sa contemplation. Il faisait beau ce jour-là. Etrangement beau comparé à la drôle de tempête qui pouvait éclater dans ce manoir sans vie. La tempête des souvenirs et des règlements de compte. Elle ferma brièvement les yeux. Elle devait penser à Ellen. Pour elle, il était hors de question de perdre la face. Après tout, c’était lui qui s’était enfui comme un voleur, laissant derrière lui une enfant de quatorze ans enceinte et livré en pâture aux loups du Danemark… Elle sentit son cœur accélérer de nouveau, mais c’était en repensant aux humiliations qu’elle et sa famille avaient subies après le départ d’Ulrich. Elle avait affronté les dragons de la cour de Frédéric III, elle ne flancherait pas devant son demi-frère ! Forte de cette détermination qui avait été sa marque depuis douze ans, du Danemark à la Suède puis de la Suède à Versailles, elle ne tressaillit pas en entendant la porte s’ouvrir derrière elle, et c’est avec un calme souverain et le regard clair et franc qu’elle se retourna vers lui. Si elle avait paniqué ces dernières heures, toute la peur était oubliée, maintenant que le combat commençait.

Un bref silence s’installa, pendant lequel ils se dévisagèrent mutuellement. Elle fut frappée par la ressemblance entre lui et Ellen, qui semblait être son sosie en version féminine. Au moins ne pourrait-il pas l’accuser de faire passer la fille d’un autre pour la sienne… Elle eut la drôle d’impression d’être revenue douze ans en arrière, ce jour fatal où on le lui avait présenté, ce géant blond aux yeux verts plus glacials que les glaciers du Nord. A la différence près qu’elle n’était plus une enfant impressionnable, mais une mère de vingt-six ans qui en avait vu d’autres, depuis.

« Tolv år har du har næppe ændret sig endelig. Jeg havde forventet at se de forskellige, men de ligner meget til det, de var til vores bryllup. » (Douze ans ne vous ont guère changé, finalement. Je m'attendais à vous voir différent, mais vous ressemblez beaucoup à celui que vous étiez lors de nos noces.) remarqua-t-elle en guise d’introduction sans sourciller face à son regard implacable.

Alors qu’elle ne parlait que français depuis son arrivée à Versailles, elle était naturellement repassée au danois avec lui, langue qu’elle n’avait pas parlé depuis des années, puisqu’avec Ellen elle avait privilégié l’allemand, le suédois et le français. Elle était soulagée de constater qu’elle ne tremblait pas et que sa voix était assurée. Qu’Ulrich voie que sa femme n’était pas une mauviette prête à s’évanouir à tout bout de champ, comme certaines de ces femmes qu’on croisait à la cour de France !

« Je vous remercie d'avoir accepté de me recevoir. Au vu des circonstances, j'aurais compris que vous refusiez. A vrai dire, je n'aurais sûrement jamais entrepris cette démarche si une amie ne m'avait pas prévenue de votre présence à Versailles. Depuis tout ce temps, je vous croyais mort ! » poursuivit-elle d’une voix qui trahissait la surprise qu’elle avait éprouvée à cette annonce. « Mais puisque nous sommes mariés bien malgré tout, j’ai estimé naturel –après bien des hésitations je dois le dire- de venir vous trouver afin d’éclaircir ce mystère. »

Au fur et à mesure qu’elle parlait, elle revoyait les mécanismes qui l’avaient poussée à rallier Versailles. Finalement, sa décision lui apparaissait de moins en moins insensée et de plus en plus justifiée. Quelle femme ne serait pas immédiatement venue afin d’enfin savoir les raisons de son abandon ? Elle releva les yeux vers lui, les mains croisées devant elle.

« Comprenez ma curiosité, baron. Certes, je n’étais qu’une enfant de quatorze ans pour laquelle vous n’aviez visiblement que de l’antipathie. Mais les mariages ratés, on peut les compter par dizaines, et ce n’est pas pour cette raison que les époux disparaissent dans la nature à chaque fois. Je veux donc savoir, et je crois cette requête légitime… » conclut-elle d’un ton ferme. « Pourquoi êtes-vous parti sans jamais donner la moindre nouvelle il y a douze ans ? Etait-ce uniquement à cause de moi, ou bien d’autres raisons ont-elles motivé votre décision ? N’y voyez là aucune tentative de jugement. Je veux simplement savoir pourquoi je me suis battue contre votre famille et une cour entière toute seule. »

Le temps des réponses était venu, qu'il le veuille ou non !

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MessageSujet: Re: Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]   Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] Icon_minitime30.07.12 11:40

C’est un silence pesant que l’on sentait régner sur le manoir du baron de Sola en ce pâle matin d’hiver. L’endroit n’était pas moins bruyant que d’ordinaire, mais l’atmosphère y était, sans hésitation, beaucoup plus tendue, laissant présager l’orage qui se dessinait au fil de l’avancée des heures. La froide bâtisse, si impersonnelle, reflétait pourtant à merveille l’humeur maussade de son propriétaire.

Assis dans l’un des fauteuils de son bureau, celui-là même où il avait eu avec la princesse Farnèse une entrevue fort instructive quelques jours auparavant, Ulrich observait en silence le jour se lever. Les premières heures de l’aurore l’avaient, comme toujours, trouvé éveillé. Il y avait douze ans qu’il dormait peu, n’ayant pas besoin de repos et bien trop à faire pour perdre ainsi ses nuits. Pourtant ce matin, il eut été faire preuve de mauvaise foi en n’imputant ce réveil à la seule habitude. Songeur, Ulrich avait ouvert les yeux comme il les avait fermé : les pensées en grande partie occupées par sa femme, la nouvelle de sa présence à Versailles, et la rencontre qui devait en découler.

Il y avait trois jours maintenant que Sofia Farnèse lui avait annoncée la venue d’Helle. Le lendemain, un billet était venu l’avertir d’une visite et le jour était finalement venu. Ulrich avait eut à faire, entre temps, ses sombres oeuvres ne pouvant souffrir qu’il les délaisse. Mais la veille au soir, l’idée de l’entrevue à venir lui était revenue, et il ne pouvait depuis totalement se défaire des questions qu’elle soulevait. Pour la frêle enfant dont il se souvenait, la baronne de Sola prenait brusquement à ses yeux beaucoup plus d’importance qu’il n’aurait jamais songé lui en donner. Et ça n’était pas là un fait des plus rassurants - pour lui, mais surtout pour elle. Ulrich n’aimait pas voir se dresser sur sa route des obstacles trop gênants, et Helle pouvait rapidement se révéler faire partie de ceux-là.

Car ce n’était pas tant la jeune femme en soi que les raisons qui l’avaient poussée à se rendre à Versailles qui laissaient le Danois songeur. Il ignorait tout de ce qui se tramait à la cour du Danemark et la voir soudain débarquer en France n’était pas sans la rendre suspecte. Venait-elle d’elle-même ? Ou bien chapeautée par un roi qui était pourtant censé croire son demi-frère en exil mort et enterré depuis quelques années déjà ? Là était le principal sujet de préoccupation du baron, qui ne pouvait alors ne serait-ce que soupçonner ce qu’il était réellement advenu d’Helle en douze années d’absence.

Un jour pâle avait fini par se lever quand Ulrich quitta finalement son bureau. Il recommanda à son valet quelques billets écrits la veille, et ne s’en inquiéta pas plus. Chacun de ces courriers avaient pour adresse des endroits qu’Edouard connaissait maintenant bien, et la façon parfois grotesque dont il se comportait avait au moins pour avantage de le forcer à l’excès de zèle ; le baron pouvait alors être certain que les plis seraient remis à qui de droit. Le valet ayant tourné les talons, Ulrich put retourner vaquer à ses occupations habituelle - du moins, celles qui n’incluait pas de cadavre - l’esprit plus ou moins ailleurs.

Si occupé qu’il fut, il ne put d’ailleurs manquer le bruit qui se fit entendre dans la cour du manoir, un moment plus tard. Depuis le bureau où il s’était de nouveau installé, il jeta un regard vers la fenêtre et fit signe à Edouard, revenu quelques minutes plus tôt, qu’il pouvait faire entrer les nouveaux arrivants. Ainsi donc, le moment des retrouvailles était venu. Ulrich se leva à son tour, rangea dans un tiroir fermé à clef les papiers sur lesquels il travaillait, et lorsque le grincement d’une porte lui annonça que l’on avait fait entrer quelqu’un dans le salon attenant à son bureau, passa dans la grande pièce.

Sans détour, ses prunelles glaciales croisèrent celles de la jeune femme. Un court instant, le silence se fit, et les deux époux se dévisagèrent, à peu près de la même façon qu’ils l’avaient fait des années plus tôt, à l’annonce de leur mariage.
« Tolv år har du har næppe ændret sig endelig. Jeg havde forventet at se de forskellige, men de ligner meget til det, de var til vores bryllup. »
Ce fut elle qui parla la première, s’exprimant dans une langue qu’il y avait longtemps que le baron n’avait pas entendue. Ulrich resta aussi froid qu’il semblait possible de l’être, enveloppant d’un regard toute la silhouette d’Helle.
« Je ne puis dire la même chose de vous, madame, répondit-il dans la même langue. »
En effet, s’il ne gardait pas beaucoup de souvenirs de la jeune femme, au moins étaient-ils clairs. Et il dut admettre que s’il l’avait croisée sans savoir qui elle était, peut-être ne l’aurait-il pas reconnue. Helle n’avait, en effet, plus grand chose de l’enfant de quatorze ans qu’on lui avait fait épouser. Elle avait grandi, et ses traits n’avaient plus grand chose de ceux qu’il connaissait. Et pourtant, aucun doute n’était permis. C’était bien elle.

« Je vous remercie d'avoir accepté de me recevoir, reprit-elle. Au vu des circonstances, j'aurais compris que vous refusiez. A vrai dire, je n'aurais sûrement jamais entrepris cette démarche si une amie ne m'avait pas prévenue de votre présence à Versailles. Depuis tout ce temps, je vous croyais mort ! Ulrich hocha la tête sans dire un mot, ni préciser que c’était bien là le but de son absence : qu’on le croie mort. Mais puisque nous sommes mariés bien malgré tout, j’ai estimé naturel –après bien des hésitations je dois le dire- de venir vous trouver afin d’éclaircir ce mystère. »

Un instant, Ulrich songea à Sofia, qui ne pouvait qu’ignorer quelle erreur elle avait commise, non seulement en prévenant Helle, mais en plus en la poussant à venir s’installer ici. Quel diable de hasard avait pu vouloir que ces deux-là fassent connaissance, même séparée par la totalité de l’Europe ?

« Comprenez ma curiosité, baron, continuait Helle. Certes, je n’étais qu’une enfant de quatorze ans pour laquelle vous n’aviez visiblement que de l’antipathie. Mais les mariages ratés, on peut les compter par dizaines, et ce n’est pas pour cette raison que les époux disparaissent dans la nature à chaque fois. Je veux donc savoir, et je crois cette requête légitime… Pourquoi êtes-vous parti sans jamais donner la moindre nouvelle il y a douze ans ? Etait-ce uniquement à cause de moi, ou bien d’autres raisons ont-elles motivé votre décision ? N’y voyez là aucune tentative de jugement. Je veux simplement savoir pourquoi je me suis battue contre votre famille et une cour entière toute seule. »

A ces mots, enfin, le baron sortit de son masque de froideur, et fronça les sourcils. Il était parti sans la moindre considération pour qui que ce soit - sa femme moins que les autres, mais n’aurait jamais imaginé que ces chiens galeux de Munk fussent enragés au point de changer de cible, et de reporter leurs attaques sur une insignifiante enfant. Il n’en éprouva pas de remord, non, mais cela lui confirma de quels idiots il s’agissait.
D’un geste, il invita la jeune femme à s’asseoir, tandis que lui-même prenait appui sur le dossier d’un fauteuil. Il plongea son regard dans celui d’Helle, avant de prendre la parole.
« Je n’accordais pas assez d’importance à ce mariage pour qu’il me fasse fuir, et m’éloigne si longtemps, lâcha-t-il enfin d’un ton égal. Vous n’êtes pour rien dans mon départ. Mais il me paraît étrange qu’on ne vous ait pas appris qu’il s’agissait d’un exil, madame... continua-t-il, sans hausser la voix. »
Il ne l’avait pas quittée des yeux, cherchant dans son regard une trace de mensonge, ou de dissimulation. Ne savait-elle réellement rien de ce qui s’était passé ?

Quittant le fauteuil, il se redressa, fit quelques pas, et se planta devant elle, souhaitant liquider immédiatement tout soupçon s’ils devaient disparaître. Sans quoi, rien ne pouvait assurer l’issue de cette conversation.
« Que faites-vous ici ? interrogea-t-il sans détour. Pourquoi avoir quitté le Danemark, madame ? Je sais par qui, et comment vous avez eu vent de ma présence à Versailles, mais les raisons de votre déplacement restent obscures. Et suspectes. »
Certes, Sofia lui avait assuré avoir prévenu elle-même Helle, et l’avoir accueillie. Mais ce que la jeune femme avait pu faire de cette information entre temps restait un mystère.
« N’essayez pas de me mentir, vous ne le pouvez pas, lâcha-t-il en guise d’avertissement. »


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MessageSujet: Re: Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]   Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] Icon_minitime15.08.12 15:57

Jamais, au grand jamais, la famille royale danoise n’aurait dû réunir ces deux-là ni les lier par les saints sacrements du mariage. D’abord parce qu’au premier coup d’œil, il n’y avait rien de commun entre ce géant glacial aux instincts meurtriers et cette jeune femme à l’imagination débordante et toujours prête à faire preuve de solidarité et de compassion. Ensuite, parce qu’ils n’avaient pas pu prévoir les conséquences que ce mariage forcé avait engendrés. L’exil d’Ulrich d’abord, pendant lequel il était devenu un assassin aguerri, puis celui –volontaire- de Helle qui l’avait menée droit chez l’ennemi suédois et avait fait d’elle une traîtresse à sa patrie, et surtout une femme qui n’hésiterait pas à trahir quiconque se révèlerait être contre elle. Une résolution qui ne correspondait pas à son caractère mais qu’elle avait développée par prudence, par habitude. Elle n’irait pas jeter un ami aux loups, mais un faux allié, un obstacle, un traître, pour ceux-là, elle n’hésiterait pas une seconde. Elle avait déjà pris sa revanche sur Frédéric III en aidant Charles X Gustave à mettre son armée en déroute à Rügen, en payant le prix de la destruction de l’île de son enfance, de toute façon désertée depuis longtemps. Le prix affectif avait été lourd, mais la satisfaction qu’elle en avait tirée était sans commune mesure… Une île sans ses habitants contre une victoire contre le Danemark, le prix était bien acceptable… Et après ce premier exploit de duperie, elle avait décidé que, s’il le fallait, elle userait des mêmes subterfuges avec tout son entourage. Elle était prête à accorder sa confiance, mais si elle était trahie, elle était toute prête à rendre la pareille, et au centuple. En cela, peut-être, n’était-elle pas si différente d’Ulrich. En cela peut-être Frédéric III et ses acolytes avaient-ils eu tort de les unir : car leur rancune commune, leurs exils respectifs et leur froide détermination pourrait bien un jour les réunir. Et ce jour-là, mieux valait ne pas appartenir à la famille royale danoise ou ses alliés.

Mais pour l’heure, l’instant était aux retrouvailles, pas à la réunion. Des retrouvailles sur le fil du rasoir, avec deux protagonistes aussi tendus l’un que l’autre et chacun prêt à sortir les armes au moindre signe d’hostilité de la part de l’autre. Les regards étaient directs, acérés, inquisiteurs. Leurs armures pour l’instant sans faille. Mais dès que la brèche serait ouverte, l’assaut serait donné. Il ne tiendrait alors qu’à eux de se déclarer la guerre ou conclure un accord de paix comme Helle en avait l’intention, comme ils auraient dû le faire douze ans plus tôt. L’invitation d’Ulrich à s’asseoir après son discours lui semblait être un premier pas vers une éventuelle trêve. Peut-être qu’ils n’auraient pas besoin de se jeter mutuellement par la fenêtre, finalement.

« Je n’accordais pas assez d’importance à ce mariage pour qu’il me fasse fuir, et m’éloigne si longtemps. » finit-il par dire, première phrase véritablement constructive qu’il avait prononcée depuis le début de leur entretien. Helle, pour sa part, avait croisé les mains sur ses genoux et le regardait alors qu’il parlait, attentive à chaque mot d’explication qu’il profèrerait, et à la moindre expression qui franchirait ce masque impénétrable qu’il affichait sur son visage. Il avait froncé les sourcils. C’était déjà un début. Mais Helle ne se doutait pas que d’ici quelques secondes, ce serait elle qui serait surprise par les quelques révélations qu’il avait à lui faire. « Vous n’êtes pour rien dans mon départ. Mais il me paraît étrange qu’on ne vous ait pas appris qu’il s’agissait d’un exil, madame... »

Moins entraînée que son mari pour dissimuler ses émotions, un éclair de surprise passa dans son regard et son visage exprima, l’espace d’un instant, l’étonnement complet. Ulrich, exilé ? Voilà bien une nouveauté : elle à qui l’on avait toujours répété qu’il l’avait abandonnée à coups de sous-entendus blessants et de piques perfides, voilà qui éclairait l’affaire sous un tout autre jour. Elle baissa les yeux un instant, absorbée dans ses pensées. Si Ulrich avait été exilé, voilà qui changeait pas mal de choses. Cela signifiait d’abord qu’elle n’était pas responsable de son départ et que peut-être il ne la haïssait pas comme elle avait pu s’en convaincre ces douze dernières années. Ensuite, cela voulait dire que Frédéric III, Munk et leur clique étaient bien plus redoutables qu’elle ne l’avait pensé. Ils ne s’étaient pas contentés de persécuter une gamine sans défense. Ils avaient agi, politiquement, et avaient forcé à la fuite un homme qui n’était pourtant pas du genre à se laisser faire. Elle ignorait encore pourquoi pour le moment, mais cette nouvelle donnée lui permettait d’entrevoir enfin les mailles du filet au travers duquel elle avait miraculeusement pu passer : un complot dirigé contre Ulrich et dont elle n’avait été qu’un dommage collatéral dû à la cruauté de ses instigateurs.

« Aussi étrange cela puisse-t-il vous paraître, j’ignorais tout de la situation. Rappelez-vous, j’avais alors quatorze ans, il était facile pour vos détracteurs de me faire croire n’importe quoi. Le roi et ses complices m’ont affirmé que vous étiez parti de votre plein gré, que peut-être vous étiez mort… On m’appelait fort aimablement « la veuve Sola » quand j’étais encore à Copenhague. Si j’avais su de quoi il retournait… » répondit-elle pensivement. Alors quoi ? Si elle avait su, cela aurait-il changé quelque chose ? Peut-être que oui, peut-être que non. En tout cas, elle n’avait eu aucun moyen de le savoir, c’était une certitude. Après tout, le principal concerné ne s’était pas embarrassé de le lui révéler avant de partir…

Un mouvement d’Ulrich lui fit relever les yeux, et elle constata qu’il s’était rapproché d’elle avec un air peu amène sur le visage. Que cela signifiait-il ?

« Que faites-vous ici ? Pourquoi avoir quitté le Danemark, madame ? Je sais par qui, et comment vous avez eu vent de ma présence à Versailles, mais les raisons de votre déplacement restent obscures. Et suspectes. »

Helle tiqua sur ce dernier mot. Elle n’en revenait pas. En plus d’être parti sans dire le moindre, allait-il maintenant rejeter les soupçons sur elle ?

« N’essayez pas de me mentir, vous ne le pouvez pas. » conclut-il. Sans le savoir, il venait du même coup de frapper Helle exactement là où il n’aurait pas fallu. Elle qui était venue en toute bonne foi, afin de mettre les choses à plat pour essayer de repartir du bon pied, ne supportait pas qu’il ose mettre en doute son honnêteté. Car des deux, c’était probablement elle la plus sincère. Une flamme de colère dansa dans son regard et elle se redressa d’un bond, se moquant bien de savoir si Ulrich pouvait voir qu’il l’avait mis en colère. Qu’il le voie même : qu’il voie que s’il l’accusait de mentir, au moins sa fureur n’était pas feinte.

« Vous m’accusez de mensonge parce que vous trouvez étonnant que je n’aie rien su de votre exil. Mais souvenez-vous, monsieur, que vous ne m’en avez rien dit non plus avant de partir. Entre les mensonges de vos ennemis et votre silence, qu’étais-je censée déduire ? Ne m’accusez pas de mentir alors que de nous deux, c’est vous qui avez été le plus malhonnête ! » répliqua-t-elle d’une voix vibrante de colère. Oubliée, sa peur de se retrouver face à cette brute d’Ulrich ! Sous le coup de l’impulsion et maintenant que la machine était lancée, elle n’éprouvait aucune peur à se dresser face à lui. Certes, elle était obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux mais elle n’en avait cure. Pour un observateur extérieur, le spectacle de ce petit bout de femme faisant bravement face à un homme de deux têtes –ou trois- de plus qu’elle avait quelque chose de comique. Mais elle aurait fusillé sur place quiconque le lui aurait dit… Non, face à ce colosse qui l’aurait brisée en deux d’une poignée de main, Helle n’avait pas peur. Au contraire, elle se sentait bien plus grande et plus forte qu’elle ne l’avait jamais été. D’un seul coup, le souvenir amer des douze années qui venaient de s’écouler lui revenait en mémoire. La découverte du départ d’Ulrich, les regards moqueurs des courtisans, les mots suaves et perfides de Frédéric III et ses hommes, les sourires cruels derrière les éventails, sa grossesse solitaire et difficile, la naissance d’Ellen qui avait bien failli se solder par la mort de l’enfant, les sobriquets ridicules, la solitude, l’aide hélas inutile du duc de Funen, la nouvelle assassine de l’exclusion de sa famille de l’île de Rügen, son départ précipité pour la Suède, les regards méfiants des courtisans de Charles X Gustave, alors même qu’elle faisait tout pour gagner leur confiance et alla jusqu’à faire tomber Rügen entre leurs mains, livrant les lieux de son enfance à la guerre, aux soldats et au sang, les complots auquel elle avait pris part ou qu’elle avait déjoués, son apprentissage des plantes, sa découverte des poisons, sa courte liaison avec Richmond qui lui avait rappelée plus que jamais son statut de veuve maudite, la mort du roi de Suède, les nouveaux efforts pour rester en faveur, Versailles… Non, Ulrich n’avait pas le droit de la traiter de menteuse, pas après tout ce qu’elle avait enduré après sa disparition. Le prix à payer était bien trop élevé.

« Vous me demandez pourquoi j’ai quitté le Danemark, ‘mon cher’. Ouvrez donc bien vos oreilles, je pense que cette fois c’est vous qui serez surpris. » Elle attendit quelques secondes que sa colère se soit apaisée pour raconter, d’une voix plus calme et plus neutre. « Après votre départ comme je viens de vous le dire, j’ai été la cible de tous les partisans de Frédéric III. J’ignore pourquoi et ne tiens pas à le savoir. Toujours est-il que les moqueries, les insultes, les humiliations ont plu. On a même tenté de me reprendre nos terres par un complot : mais grâce avec l’aide de mon seul allié, le duc de Funen, nous les fîmes échouer de peu. Mais j’appris ensuite que le Danemark avait envahi l’île de Rügen où vivait ma famille et que notre château de Barkenow avait été pillé. Ma famille en fut chassée et dut se réfugier chez nos cousins à Meckelbourg. Comprenant qu’ils ne reculeraient devant rien pour nous chasser aussi, je pris les devants et deux ans après vous, je quittai le Danemark. »

Son visage se contracta sous le coup de la colère qui revenait, mais elle se contint et ne lâchait toujours pas Ulrich du regard. S’il pensait pouvoir lire en elle, qu’il le fasse ! Il verrait bien qu’il ne pouvait mettre en cause ce qu’elle lui apprenait. C’est donc sans hésitation qu’elle poursuivit :

« Je vous passe les détails inintéressants. Je partis pour la Suède, où je réussis à gagner la sympathie et la protection du roi et de son entourage. Par chance, il appréciait les belles lettres et j’aimais écrire : j’écrivais donc, pour le distraire, et il me garda à ses côtés comme une amie. Je dus affronter la défiance des suédois, mais j’y parvins en aidant le roi à remporter une bataille contre Frédéric III en utilisant Rügen comme pivot stratégique. Voilà comment j’ai quitté le Danemark, et comment j’ai passé ces douze dernières années. La suite, vous la connaissez sûrement grâce à la princesse Farnèse. Si je suis venue, c'est uniquement parce qu'elle me l'a proposé, et parce qu'après douze ans j'ai cru, naïvement peut-être, que nous pourrions parler en adultes et peut-être repartir sur de meilleures bases. J’espère avoir satisfait votre curiosité et dissipé vos doutes. »

Cette dernière phrase fut prononcée sur un ton sec et cassant, et même teinté d’une once de défi. Satisfaite d’elle-même, fière de ne pas avoir failli, elle releva légèrement le menton en guise de petite provocation et lança pour conclure sa tirade :

« Alors, baron ? Si vous pensez que je ne suis qu’une menteuse qui tente de vous manipuler pour une raison que j’ignore, n’hésitez pas à me le dire, je connais le chemin de la sortie. Mais si vous accordez crédit à mon récit, c’est à votre tour d’éclairer ma lanterne sur votre parcours depuis douze ans… »
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MessageSujet: Re: Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]   Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] Icon_minitime06.09.12 15:16

« Aussi étrange cela puisse-t-il vous paraître, j’ignorais tout de la situation. Rappelez-vous, j’avais alors quatorze ans, il était facile pour vos détracteurs de me faire croire n’importe quoi. Le roi et ses complices m’ont affirmé que vous étiez parti de votre plein gré, que peut-être vous étiez mort… On m’appelait fort aimablement « la veuve Sola » quand j’étais encore à Copenhague. Si j’avais su de quoi il retournait… »

L’éclat qui était passé dans les yeux de la jeune femme à l’instant où Ulrich avait évoqué la véritable et seule raison de son départ, et la tirade qui s’en suivit auraie,t pu dissiper les doutes de ce dernier quant à sa sincérité. Sola, avant même de devenir un assassin de haut vol, avait toujours su lire dans le regard de ses interlocuteurs, conséquence inéluctable de sa tendance à se taire pour mieux observer. Il aurait pu, donc, se contenter de cette surprise totale et apparente et ne pas accabler Helle de ses soupçons et menaces. En effet, qu’était-elle qu’une enfant lorsque l’évènement s’était produit ? Une enfant sans doute - il ne la connaissait pas assez pour en jurer - impressionnable à laquelle il n’aurait pas été difficile de faire tout et n’importe quoi sur le départ précipité de son époux - sa mort étant sans doute la moins improbable des rumeurs qui devaient avoir été lancées. La cour danoise, à l’image de celle dont s’entourait Louis XIV, n’était pas exempte de langues de vipères aux mensonges acérés, à commencer par Munk et la ribambelle d’enfants - de bâtards - qu’elle traînait avec elle. Helle, lors de ses noces avec le baron de Sola, n’était sans doute pas préparée à affronter cette véritable meute de loups prêts à se partager les restes comme n’importe quels animaux affamés. Ulrich imaginait fort bien pour les avoir vécus - avec plus de froideur, sans doute - les sobriquets et autres persiflages dont sa femme pouvait avoir été victime. Il connaissait ses frères, Munk, et le roi. Rien n’aurait su l’étonner de leur part si la jeune femme avait pris le temps de lui dénombrer les insultes qui avaient plu. Oui, le froid Danois aurait pu prendre en considération tous ses souvenirs, et la sincérité dont semblait faire preuve la baronne. Mais voilà, c’était elle qui lui racontait cela. Et de la part du Danemark, on l’a dit, il s’attendait à toutes les fourberies. Même bien jouées.

Raison pour laquelle il se dressa ainsi devant elle, afin qu’elle comprenne clairement ce dont il la soupçonnait, et les risques qu’elle courait si sa méfiance n’était pas infondée. Ulrich n’avait pas le genre de scrupules qui arrêtaient parfois le bras de ses complices. Toute femme qu’elle fut, il n’hésiterait pas à se débarrasser d’Helle si elle s’avérait finalement être une ennemie, et il n’y avait qu’à les observer un instant pour se douter qu’il n’aurait aucun mal à cela. Difficile d’imaginer la frêle jeune femme résistant au géant (des steppes) qui lui faisait face. Sola n’aurait pas à aller bien loin, ou ruser bien longtemps : il avait rangé un poignard dans l’imposant meuble qui occupait l’un des murs de la pièce, à trois enjambées de l’endroit où il se trouvait. On n’est jamais trop prudent lorsque l’on travaille dans l’ombre à renverser deux rois et un pape à la fois. Et encore, ça n’étaient là que les plus importantes de ses petites besognes. Bref, debout face à Helle, un regard sombré vrillé dans le sien et ses menaces proférées, Ulrich était à peu près certain qu’il obtiendrait ce qu’il souhaitait : des aveux, ou une parfait sincérité.

C’était bien mal connaître la jeune femme - ce qu’on ne pouvait lui reprocher d’ailleurs. Là où il s’attendait à la voir s’enfoncer dans son siège, Helle se redressa d’un bond, le regard brillant de colère. S’il n’en montra rien, le baron fut néanmoins fort surpris de la flamme qui brilla soudain dans ces deux yeux qu’il ne se rappelait avoir vus que baissés, et son étonnement redoubla lorsqu’elle prit la parole, sur un ton vibrant d’une colère non feinte.
« Vous m’accusez de mensonge parce que vous trouvez étonnant que je n’aie rien su de votre exil. Mais souvenez-vous, monsieur, que vous ne m’en avez rien dit non plus avant de partir. Entre les mensonges de vos ennemis et votre silence, qu’étais-je censée déduire ? Ne m’accusez pas de mentir alors que de nous deux, c’est vous qui avez été le plus malhonnête ! »
Ulrich haussa un sourcil, plus surpris que moqueur, quoi qu’il fût toujours difficile de démêler quelles émotions paraissait sur ce visage si froid. Il ouvrit la bouche pour répondre, peut-être prêcher le faux pour savoir le vrai - bien qu’il lui semblât de plus en plus évident que la jeune femme ne mentait pas - mais elle lui coupa la parole avant même qu’il n’ait pu la prendre.

« Vous me demandez pourquoi j’ai quitté le Danemark, ‘mon cher’. Ouvrez donc bien vos oreilles, je pense que cette fois c’est vous qui serez surpris, reprit-elle, comme emportée par l’élan de sa colère, après quoi Ulrich se garda finalement bien de prononcer le moindre mot. Voilà qui devenait intéressant. Après votre départ comme je viens de vous le dire, j’ai été la cible de tous les partisans de Frédéric III. J’ignore pourquoi et ne tiens pas à le savoir. Toujours est-il que les moqueries, les insultes, les humiliations ont plu. On a même tenté de me reprendre nos terres par un complot : mais grâce avec l’aide de mon seul allié, le duc de Funen, nous les fîmes échouer de peu. Mais j’appris ensuite que le Danemark avait envahi l’île de Rügen où vivait ma famille et que notre château de Barkenow avait été pillé. Ma famille en fut chassée et dut se réfugier chez nos cousins à Meckelbourg. Comprenant qu’ils ne reculeraient devant rien pour nous chasser aussi, je pris les devants et deux ans après vous, je quittai le Danemark. »
Il y eut un court silence, durant lequel, tout comme elle, il ne quitta pas des yeux la jeune femme. Quelle que devait être l’issue de cette entrevue, Sola devait s’admettre étonné, et peut-être un brin admiratif. Si ce qu’elle disait était vrai, Helle était bien loin de l’enfant fragile qu’il avait imaginé retrouver lorsque Sofia lui avait annoncé sa présence à Versailles. Et pour tout dire, ça n’était pas là une désagréable surprise. Surtout si, comme elle le laissait entendre, la baronne partageait contre leur royale (belle-)famille la même rancoeur que lui.

« Je vous passe les détails inintéressants. Je partis pour la Suède, où je réussis à gagner la sympathie et la protection du roi et de son entourage. Par chance, il appréciait les belles lettres et j’aimais écrire : j’écrivais donc, pour le distraire, et il me garda à ses côtés comme une amie. Je dus affronter la défiance des suédois, mais j’y parvins en aidant le roi à remporter une bataille contre Frédéric III en utilisant Rügen comme pivot stratégique. Voilà comment j’ai quitté le Danemark, et comment j’ai passé ces douze dernières années. La suite, vous la connaissez sûrement grâce à la princesse Farnèse. Si je suis venue, c'est uniquement parce qu'elle me l'a proposé, et parce qu'après douze ans j'ai cru, naïvement peut-être, que nous pourrions parler en adultes et peut-être repartir sur de meilleures bases. J’espère avoir satisfait votre curiosité et dissipé vos doutes. »
De tout ce long récit, ni l’un ni l’autre n’avait ne serait-ce que songé à détourner les yeux. Un rictus à peine perceptible étira finalement les lèvres d’Ulrich, voyant le menton de son épouse fièrement relevé. Le baron n’était pas homme à accorder facilement foi aux histoires de ce genre, et sa confiance aux autres êtres humains encore moi. Mais il fallait admettre qu’elle se battait avec véhémence pour obtenir l’une comme l’autre.
« Alors, baron ? Si vous pensez que je ne suis qu’une menteuse qui tente de vous manipuler pour une raison que j’ignore, n’hésitez pas à me le dire, je connais le chemin de la sortie. Mais si vous accordez crédit à mon récit, c’est à votre tour d’éclairer ma lanterne sur votre parcours depuis douze ans… »

Cette fois, le fin sourire - de ceux qui ne présageaient rien de bon pour ses (futures) victimes - qui parut sur le visage d’Ulrich, il ne chercha pas à le dissimuler. Il la dévisagea un instant, en silence, avant de se détourner pour finalement aller s’asseoir sur un fauteuil qui lui faisait face. Sa méfiance n’était pas totalement retombée - pour cela, il n’y aurait de meilleur remède que le temps - mais elle avait réussi à laver la plupart de ses soupçons. Et ne pouvant décemment suspecter Sofia d’avoir fait venir sa femme dans le but de la manipuler, ce qui aurait été habile, mais lui semblait hors de portée des idées de Frédéric, il décida finalement de ne pas brandir plus haut la hache de guerre.
« J’admets, madame, que je suis surpris, lâcha-t-il enfin en l’observant presque pensivement. Je ne m’attendais certainement pas à une telle histoire et, si elle est vraie, je ne peux que vous en féliciter. Sinon, songez à écrire des romans, ajouta-t-il avec une pointe d’humour noir. »
Rares étaient les femmes d’une telle trempe, il n’en avait jamais connu qu’une avant Helle et préférait en effet l’avoir de son côté que dans le camp adverse. Il la dévisagea un instant de plus. Le pari était risqué, mais il voulait croire que finalement, il ne serait pas celui qui regretterait ce mariage hâtif et l’idée de montrer à Frédéric III qu’il avait commis une erreur en les liant tous deux lui plaisait assez.

« Je veux vous croire, baronne, confia-t-il enfin. J’espère, pour vous comme pour moi, que personne n’aura à le regretter. Menace, certes, mais menace bien moins palpable que la précédente. Quant à mon... parcours, comme vous l’appelez, il se résume à un long voyage. Je suis parti moins d’une heure après avoir reçu une lettre plutôt claire, avant qu’on ne vienne me chasser. J’ai passé six ans partout en Europe, avant de m’installer à Rome, où j’ai croisé un Munk d’ailleurs. Un rictus lui échappa. Il l’avait croisé, et tué, inutile de le préciser. Je gage que vous regretteriez de savoir ce que j’y ai fais, alors contentons-nous de parler d’affaires, assez rentables pour tout dire. »
Un spadassin tel qu’il l’était devenu - à croire qu’il y était prédisposé - gagnait en effet assez bien sa vie, et ce fait-là n’avait d’ailleurs pas changé, quoi qu’il se contentât de peu et eut une dent contre le luxe superflu. Mais il jugea, non sans raison, qu’il n’était pour l’heure pas utile de détailler ses activités à la jeune femme qui, du reste, devait en avoir deviné la teneur. Il la pensait maintenant bien assez intelligente pour cela.
« C’est un hasard qui m’a conduit à Versailles, il y a un an. J’ignorais que tout le Danemark avait prévu de s’y retrouver, ajouta-t-il, plus sombre, en songeant à Kiel et sa petite famille. »
Mais ça n’était pas là pour lui déplaire autant qu’il en avait l’air. Au contraire, son projet s’en trouvait d’autant plus avancé qu’il avait accès à l’héritier du trône. Un héritier qui en avait lui-même un, là était tout le problème.
« Il n’y a rien de plus à dire là-dessus, conclut le baron, laconique. Nous voilà à égalité. »
Et réunis... ce dont il ne savait encore que penser. Et encore, Ulrich ignorait n’êtres pas arrivé au bout de ses surprises.
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MessageSujet: Re: Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich]   Les retrouvailles, la pire conséquence d'une séparation ! [PV Ulrich] Icon_minitime06.10.12 17:08

L’avait-il crue ? L’avait-il crue, comme elle espérait –priait- qu’il le fasse ? Après le coup d’éclat qu’Helle venait de mener en montant au front pour affronter Ulrich droit dans les yeux sans trembler, elle sentait sa colère retomber, lentement, et avec elle revenir sa lucidité. Avait-elle perdu l’esprit, l’espace d’un court instant d’emportement ? Il suffisait à Ulrich, s’il le voulait, de tendre la main pour lui briser le cou de sa poigne qu’elle imaginait facilement de fer. Sans compter qu’elle était venue avec l’intention de régler toute cette histoire de manière pacifique, sans hostilités, sans bataille acharnée. Et voilà qu’elle était la première à perdre son sang-froid, elle qui s’était juré d’être la première à enterrer la hache de guerre. Malheureusement pour elle, il semblerait qu’elle ait surestimé ses propres capacités de self-control et sous-estimé celles de l’inconnu qui lui faisait face et pourtant était son mari. Un inconnu face auquel elle ne savait comment se comporter pour gagner sa confiance et en venir à une conclusion plus ou moins heureuse et pacifique. Si au moins il avait été de ces hommes aux nerfs à fleur de peau, peut-être colériques mais dont au moins les émotions étaient facilement déchiffrables, elle aurait pu s’y adapter sans plus de difficultés ! Mais Ulrich de Sola était un mur, un mur opaque et immuable qui se contentait de la regarder, quoi qu’elle fasse, de la regarder en semblant la jauger sans qu’elle ne puisse avoir la moindre idée de ce qu’il pouvait penser. Ce constat mettait Helle terriblement mal à l’aise, même si elle refusait de le montrer ; mais le fait était là. Elle avait couplé avec tout une palette de personnalités différentes depuis douze ans, s’adaptant, se coulant dans le moule attendu ou dominant son adversaire tout en douceur et en diplomatie, mais avec lui, il était impossible de deviner quelles étaient ses attentes, de viser ses points les plus souples, de savoir dans quelles circonstances elle l’amènerait à la considérer d’un point de vue positif. Elle avançait à l’aveuglette, au hasard, sans avoir aucune certitude de ses chances de succès. Et elle détestait ce sentiment. Au lieu de voir que tout allait bien ou mal, elle devait fermer les yeux et se fier à son instinct, ou à la chance la plus complète. Elle n’avait jamais eu l’intention de mentir à Ulrich et de fait lui disait toute la vérité, rien que la vérité ; mais elle aurait aimé savoir de quelle manière l’amener, fallait-il les pleurs, la colère, le sourire, l’impassibilité ? Elle n’en avait pas la moindre idée ; et par conséquent, se laissait complètement porter par son ressenti, et alea jacta est. Tant pis s’il n’appréciait pas le ton qu’elle employait. Au moins elle aurait fait de son mieux…

Forte de cette certitude, Helle ne fit pas dévier son regard et affronta celui d’Ulrich sans se démonter. Même si intérieurement, elle mourait d’envie de se laisser tomber sur un fauteuil. Mais la réaction d’Ulrich la prit par surprise : sans commenter, il alla lui-même s’asseoir et reprit après quelques secondes :

« J’admets, madame, que je suis surpris. Je ne m’attendais certainement pas à une telle histoire et, si elle est vraie, je ne peux que vous en féliciter. Sinon, songez à écrire des romans. »

Si elle avait encore été assez en colère, elle lui aurait sûrement rétorqué qu’elle ne l’avait pas attendu pour s’atteler à l’écriture, mais le semblant de soulagement qu’elle éprouvait l’emporta sur son irritation passagère. Si elle refusa de soupirer de soulagement, ses épaules néanmoins se détendirent, légèrement, et elle décrispa les poings. Pourtant la bataille n’était pas terminée, n’est-ce pas ?

« Je veux vous croire, baronne. J’espère, pour vous comme pour moi, que personne n’aura à le regretter. » lâcha-t-il finalement. Helle, qui ne l’avait pas quitté des yeux, sentit son propre corps se détendre comme soulagé d’un énorme poids. Il la croyait. Peut-être n’était-ce encore que le début d’un embryon de confiance mais… Elle ne demandait pas plus pour le moment. Elle savait intérieurement qu’elle ne pouvait pas lui demander plus. Sans répondre à cette dernière menace voilée, elle alla s’asseoir elle aussi sur un fauteuil, en face de son mari. Si elle avait cédé à un moment d’emportement, elle avait au moins réussi à ne pas manifester son anxiété à l’idée qu’il ne la croie pas. Maintenant que ce moment d’inquiétude était terminé, elle arborait un air attentif, ses yeux bleus sombres le dévisagea avec curiosité alors qu’enfin, elle obtenait les réponses qu’elle avait tant attendu pendant toutes ces années : à savoir ce qu’il était devenu alors que tout un chacun au Danemark et en Suède le disait mort.

« Quant à mon... parcours, comme vous l’appelez, il se résume à un long voyage. Je suis parti moins d’une heure après avoir reçu une lettre plutôt claire, avant qu’on ne vienne me chasser. J’ai passé six ans partout en Europe, avant de m’installer à Rome, où j’ai croisé un Munk d’ailleursJe gage que vous regretteriez de savoir ce que j’y ai fait, alors contentons-nous de parler d’affaires, assez rentables pour tout dire. »

C’était bien peu pour la jeune femme qui avait eu douze années pour imaginer tout un tas de scénarios farfelus, en dehors de l’hypothèse selon laquelle Ulrich aurait été mort, bien entendu. Néanmoins il allait bien falloir qu’elle s’en contente : il ne paraissait pas du genre à être très expansif, et effectivement elle ne tenait pas réellement à connaître la nature de ces affaires, bien que se doutant qu’il ne s’agissait de rien de très honorable, voire même d’affaires pour le moins… Dangereuses. Elle ne se doutait juste pas encore à quel point. Elle se contenta donc de hocher la tête, partiellement satisfaite. Elle aurait tout le temps de l’interroger de nouveau plus tard, de toute façon. Un jour peut-être, quand ils se connaîtraient mieux… Si pareil jour venait à naître, bien sûr. Ce dont elle doutait encore. Il était grand, fort, effrayant, froid, impitoyable… Curieusement, elle l’imaginait merveilleusement bien en mercenaire. Ou en tueur. Mais elle préférait ne pas penser à cette dernière hypothèse, sans se douter un seul instant qu’elle avait vu juste.

« C’est un hasard qui m’a conduit à Versailles, il y a un an. J’ignorais que tout le Danemark avait prévu de s’y retrouver. »
« Sur ce point au moins vous m’en voyez aussi surprise que vous. » murmura Helle en songeant à Gisela et Edouard. Ce que ces deux-là fabriquaient à Versailles était un mystère, mais elle était loin d’être ravie de les avoir retrouvés. Les cachotteries de Gisela lui avaient laissé un goût amer dans la bouche et elle n’était pas sûre d’avoir envie de lui pardonner de si tôt.
« Il n’y a rien de plus à dire là-dessus. Nous voilà à égalité. » conclut-il.

Voici donc le fin mot de l’affaire. Des voyages, des affaires peu scrupuleuses, et des retrouvailles dans un manoir froid et sans vie de Versailles. L’histoire aurait pu se conclure là-dessus, et ils auraient pu se séparer sur ces mots, pour réfléchir à tout cela chacun dans leur coin. Mais il y avait encore quelque chose qu’Helle n’avait pas dite à Ulrich. Une nouvelle de taille qui l’attendait dans une pièce attenante avec un domestique. Une nouvelle qui bougeait, respirait, était faite de chair et de sang –les leurs. Une nouvelle de la forme d’une petite fille de douze ans et répondant au doux nom d’Ellen… Lorsque l’image de sa fille lui revint en mémoire, Helle sentit l’angoisse qu’elle croyait partie revenir à toutes jambes. Et pourtant, elle n’avait pas le droit de faillir. Et surtout pas maintenant.

« Presque à égalité, à vrai dire. Il y a encore une chose que je dois vous dire, baron. » commença Helle d’une voix plus assurée qu’elle ne l’aurait cru. Pourvu que ça continue. « Rassurez-vous, ça n’a rien à voir avec vos frères ou que sais-je encore… Mais je vous prie de m’accorder votre attention encore quelques minutes. Cela ne sera pas long. »

Comme pour rassembler ses pensées, elle se leva et, les mains jointes comme pour les réchauffer –en réalité c’était plus un geste de nervosité que de froid- alla jusqu’à la fenêtre. Le parc était calme, immobile. Silencieux. Seul le crépitement du feu dans la cheminée venait perturber le silence qui régnait sur le manoir. Helle rassembla tout son courage, le prit à deux mains, voire trois, et se lança dans un nouveau récit.

« Il y a douze ans quand nous nous sommes mariés, nous n’avons guère eu le temps de nous connaître. Deux mois exactement jusqu’à ce que vous partiez. Vous étiez un parfait inconnu pour moi et pourtant… Deux mois furent suffisants pour que vous me laissiez un souvenir impérissable. » Devinant plus ou moins que le suspense la desservirait plus qu’autre chose, elle enchaîna aussitôt, un léger vacillement dans la voix : « Peu après votre départ, je me suis aperçue que j’étais enceinte. Une enfant de quatorze ans n’ayant évidemment pas d’amant, j’ose espérer que vous me croirez quand je vous dis que l’enfant est de vous. »

Encore une fois, elle le regardait droit dans les yeux. Ne pas le regarder dans les yeux aurait pu être interprété comme un signe de faiblesse, ou pire, de mensonge. Tout ce qu’elle voulait précisément éviter. Elle poursuivit sans se démonter, préférant continuer sur sa lancée plutôt qu’attendre une réaction –qu’au moins il l’écoute jusqu’au bout !

« N’ayant aucun moyen de vous contacter, je n’ai pas pu vous faire prévenir. J’ai donc donné naissance à l’enfant, et je l’ai élevée avec l’aide de mes deux domestiques les plus fidèles au Danemark, puis avec l’aide de mes nouveaux amis en Suède. C’est une enfant à la santé fragile, mais accomplie et très intelligente du haut de ses douze ans. Depuis longtemps elle ne cesse de demander à vous rencontrer, sans savoir si vous étiez en vie ou non, alors quand j’ai reçu la lettre de Sofia… Je n’ai plus hésité et je suis partie à Versailles avec elle. Elle brûlait tellement de vous rencontrer que je n’ai pas pu le lui refuser. »

Cela sonnait peut-être comme un aveu de sa faiblesse en tant que mère, mais au moins elle avait le mérite de se cantonner à la pure vérité. Elle poursuivit, précisant qu’Ellen savait pertinemment qu’il ignorait encore jusqu’à son existence jusqu’à il y a quelques instants, mais la veille au soir quand sa mère lui avait dit à qui elle allait rendre visite, Ellen ne l’avait plus lâchée jusqu’à ce qu’elle accepte de l’emmener avec elle. Elle l’avait bien prévenue, qu’elle ne savait pas comment le baron réagirait, si il accepterait de les rencontrer, s’il accepterait de rencontrer sa fille… Mais rien à faire : Ellen avait assuré que quoi qu’il arrive, elle voulait venir. Et si son père refusait de la rencontrer, eh bien tant pis… « pour lui ! » avait-elle ajouté en relevant fièrement le menton. Ce souvenir arracha presque un sourire à Helle alors qu’elle le racontait à Ulrich, clôturant ainsi son dernier récit. Comme en accord parfait, un rire enfantin résonna dans une pièce à proximité. Helle prit cela comme un signe. Bien décidée à ne pas reculer alors que le moment critique était arrivée, elle alla ouvrir la porte et jeta quelques mots en danois dans le couloir. Aussitôt, des pas se firent entendre, et Birgit fit son entrée, accompagnant une petite fille assez grande pour son âge, très mince, à la peau très blanche et aux longs cheveux d’un blond plus pâle que la normale. Ses deux yeux verts au regard aigu se posèrent immédiatement sur Ulrich. Et cette fois-ci plus que les autres, Helle fut frappée par la ressemblance flagrante entre son mari et sa fille –leur fille. Au moins, il ne pourrait pas prétendre qu’elle essaye de faire passer pour sa fille celle d’un autre…

« Baron, je vous présente Ellen. Notre fille. » conclut Helle en posant sa main sur l’épaule frêle de la petite. Tout désormais reposait entre les mains de l’heureux père…

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Quoi qu’il n’en montrât rien, Ulrich, qui savait tirer profit de toute chose, commençait à entrevoir qu’il pourrait ne pas sortir que du mauvais de cette rencontre - ou plutôt, de ces retrouvailles, quoi que les deux époux fussent parfaitement étrangers l’un à l’autre. La femme qu’il avait devant lui était en effet fort différente, semblait-il, de l’enfant qu’il avait laissée au Danemark, sans même la gratifier d’une pensée en douze années d’exil. Il aurait été prématuré, et bien trop ambitieux de parler de confiance à ce stade : l’imposant Danois n’était encore que méfiance et froideur. Mais il devait bien admettre qu’Helle le surprenait par son aplomb, quoi qu’il devinât ses hésitations derrière l’assurance qu’elle affichait avec fierté. Ulrich savait terriblement bien déceler l’angoisse, en chasseur habitué à sentir la peur de ses proies. Mais face à lui, la jeune femme se débattait si bien qu’un oeil moins averti s’y serait sans doute laissé prendre. C’est ce constat qui tira au baron un sourire qui lui était propre, entre mystère songeur et satisfaction effrayante. Qu’elle dise vrai ou non, cette demoiselle avait du cran, et l’idée de ne pas avoir pour épouse une niaise éperdue n’était pas pour lui déplaire, aussi artificiel ce mariage fut-il. Il ne pouvait, dans l’immédiat, vérifier son histoire mais il choisit néanmoins de s’en tenir à ce qu’elle disait, pour l’heure. Si elle mentait, cela n’en serait pas moins une belle partie à mener, et une partie dans laquelle il n’avait pas trop à perdre - il n’y avait qu’à observer leur stature respective - d’autant qu’il s’en rendrait rapidement compte. Si elle disait vrai, alors il gagnait une alliée manifestement aussi douée que parfaitement bien disposée à l’encontre de sa famille - pour les projets qu’il nourrissait à leur égard, évidemment : tout est une question de point de vue.

Toutefois, Ulrich ne pouvait laisser le doute subsister éternellement, et peut-être songeait-il déjà aux mesures à prendre afin de s’assurer de la bonne foi d’Helle dès cet entretien terminé quand celle-ci sembla se troubler légèrement. Le Danois, qui ne l’avait pas quittée des yeux, ne manqua pas de noter le soudain et court silence qui se fit à la suite de sa dernières réplique, et fut dès lors à peine surpris de la voir reprendre la parole.
« Presque à égalité, à vrai dire. Il y a encore une chose que je dois vous dire, baron, commença la jeune femme. A ces mots, un éclat glacé fit un instant briller le regard de son époux qui pourtant, bien que méfiant, se contenta de la dévisager en s’enfonçant dans le dossier du sofa. Rassurez-vous, ça n’a rien à voir avec vos frères ou que sais-je encore… Mais je vous prie de m’accorder votre attention encore quelques minutes. Cela ne sera pas long.
- Je vous écoute, madame, répondit-il, froid et laconique. »
Cherchant visiblement ses mots, la baronne se leva et alla puiser l’inspiration dans le parc qui s’étendait derrière le manoir. Ce silence, Ulrich ne fit rien pour l’écourter, se contentant de darder sur Helle ces prunelles à la froideur que l’on qualifiait généralement d’effrayante. Ce qui allait venir, pourtant, était loin de le laisser indifférent. Si sa femme, abandonnée douze ans plutôt sans la moindre indication l’avait retrouvé là, à Versailles, d’autres le pouvaient également. Et par ces autres, il entendait l’actuel avorton qui se trouvait sur le trône danois ; avorton qui lui posait d’ailleurs plus de problèmes que Kiel, le spadassin ne malmenant celui-ci que parce qu’il avait la (mal)chance d’avoir été placé dans l’ordre de succession et non lui. Pour cette raison, pour la discrétion qu’il souhaitait conserver malgré son demi-anonymat seulement, Ulrich ne pouvait qu’accorder une grande attention à tout ce qui franchirait les lèvres d’Helle. Paroles qui ne lui seraient guère utiles si, comme elle le prétendait, la jeune femme arrivait bel et bien de Suède. Mais Ulrich n’était pas homme à laisser les choses se faire au hasard et il valait mieux, à ses yeux, prévenir que guérir - formule d’ailleurs fort mal choisie quand l’on connaissait les activités du Danois.

Il s’attendait donc à peu près à tout, mais dès qu’Helle reprit la parole, fronça les sourcils. Oui, Ulrich s’attendait à tout... sauf à cela.
« Il y a douze ans quand nous nous sommes mariés, nous n’avons guère eu le temps de nous connaître. Deux mois exactement jusqu’à ce que vous partiez. Vous étiez un parfait inconnu pour moi et pourtant… Deux mois furent suffisants pour que vous me laissiez un souvenir impérissable. Peu après votre départ, je me suis aperçue que j’étais enceinte. Une enfant de quatorze ans n’ayant évidemment pas d’amant, j’ose espérer que vous me croirez quand je vous dis que l’enfant est de vous. »
Il y eut ce qui put passer pour un long silence suite à cette révélation, troublante s’il en est. Ulrich s’était vivement redressé et depuis le sofa, fixait la baronne sans que l’on pût dire quel effet semblait avoir eu la nouvelle. A vrai dire, il ne le savait pas exactement lui-même et se prit à songer qu’il s’agissait là d’un stratagème, certes habile, mais bien trop gros pour passer inaperçu ; stratagème qui viendrait appuyer tous ses doutes concernant Helle. Il ne put totalement s’en convaincre toutefois, à moins d’avoir face à lui une comédienne pour le moins excellente et obstinée, au regard de la façon dont elle continua à s’expliquer.
« N’ayant aucun moyen de vous contacter, je n’ai pas pu vous faire prévenir. J’ai donc donné naissance à l’enfant, et je l’ai élevée avec l’aide de mes deux domestiques les plus fidèles au Danemark, puis avec l’aide de mes nouveaux amis en Suède. C’est une enfant à la santé fragile, mais accomplie et très intelligente du haut de ses douze ans. Depuis longtemps elle ne cesse de demander à vous rencontrer, sans savoir si vous étiez en vie ou non, alors quand j’ai reçu la lettre de Sofia… Je n’ai plus hésité et je suis partie à Versailles avec elle. Elle brûlait tellement de vous rencontrer que je n’ai pas pu le lui refuser. »
Songeur, le visage soudain plus fermé encore que quelques secondes plus tôt, il ne prononça pas un mot, tandis que la jeune femme lui narrait les prémices de cette visite qui, d’inattendue, venait de se faire absolument surréaliste.

La nature faisait parfois de drôles de calculs - quoi que «drôle» ne soit pas le mot le plus adapté à la situation. Leur mariage n’avait guère duré que deux mois, comme l’avait justement fait remarqué la jeune femme, sans compter qu’Ulrich n’avait pas particulièrement pris à coeur de consommer ses noces. Et il aurait fallu que ces rares moments suffisent à laisser un enfant à Helle ? Difficile à croire, c’était le moins que l’on puisse dire. Le baron s’apprêtait d’ailleurs à le faire remarquer lorsque de l’autre côté du mur, un bruit que cette vieille bâtisse n’avait dû entendre résonner depuis un bon nombre d’années se fit entendre : un rire d’enfant. Aussitôt, Ulrich se leva, dardant sur la porte et sa femme un regard perplexe. Il aurait volontiers cru à une mauvaise farce, et pourtant...
« Baron, je vous présente Ellen. Notre fille. »
A ces mots, Helle fit entrer une fille silhouette dont la pâleur faisait honneur à ses terres d’origines. Du haut de ses douze ans, la jeune fille leva la tête vers la haute silhouette qui se trouvait non loin et Ulrich, en la dévisageant sans mot dire, ne put que constater avec quelle exactitude la nature avait reproduit ses propres traits sur ce visage enfantin. Cette demoiselle était, du haut de ses douze ans, le portrait craché de son père et pour une fois, cet homme que rien ne semblait jamais impressionner ou émouvoir, ne guère que que rester planté là à observer cette enfant qui, à l’évidence, était la sienne. Voilà qui était fort troublant.

Le silence qui s’était installé dans la vaste pièce témoignait assez bien de la surprise - et le mot est faible - du Danois. Tout le discours d’Helle jusque là ne l’avait absolument pas préparé à une telle nouvelle, et le temps qu’il lui fallut à assimiler les choses... Ellen le mit à profit pour vaincre sa timidité première. Elle jeta un regard vers sa mère, s’avança d’un pas en retenant mal le grand sourire qui voulait lui échapper et, rendue à quelques pas d’Ulrich :
« Je suis très heureuse de vous rencontrer enfin, monsieur mon père ! lança-t-elle soudain. »
Et là-dessus, après ce qui semblait être une dernière, mais courte hésitation, elle courut enlacer son père sans plus se poser de question. Celui-ci, de plus en plus surprise, haussa un sourcil, baissa les yeux sur elle et les leva à nouveau sur Helle. Avait-il pensé «femme surprenante» ? Sans doute allait-il falloir revoir cet adjectif à la hausse. Alors que cette fille inattendue l’étreignait, Ulrich se pencha pour être à sa hauteur, l’observa un instant et laissa un rictus étirer très légèrement le coin de ses lèvres. Lentement, il l’éloigna, geste qui la poussa à s’excuser en balbutiant et en rosissant légèrement.
« Ne vous en faites pas mademoiselle, lâcha-t-il simplement, le ton neutre, en se redressant. »
A nouveau, il baissa les yeux sur Helle. Son rictus n’avait pas disparu, et sans doute était-il le meilleur témoin possible de ce qu’il pouvait songer en cet instant, partagé entre l’incrédulité, et une forme (effacée, certes) d’amusement face à cette histoire hautement surréaliste.
« Eh bien, madame, vous êtes une femme pleine de surprise, lança-t-il en se dirigeant à son tour vers la fenêtre. Et je ne peux nier une évidence aussi criante, ajouta-t-il presque pour lui-même en observant à nouveau Ellen. »
En effet, une telle tentative aurait été de fort mauvaise foi, et n’aurait mené à rien sinon à perdre du temps et de l’énergie en palabres inutiles. Et pourtant... il avait été tellement loin de ce genre de considérations, des années durant, que l’idée d’être père - si l’on pouvait vraiment appeler ça ainsi - lui restait terriblement improbable.
« Vous n’allez donc pas vous mettre en colère ? lança innocemment Ellen qui les observait tous deux en ayant l’air ravie d’être là où elle se trouvait. »
Ulrich s’adossa au rebord de la fenêtre et dévisagea tour à tour sa fille (quoi qu’il eut du mal à le formuler ainsi) et sa femme. Il aurait pu se mettre en colère, et exiger des explications - qu’il avait déjà eues - ou leur demander de sortir. Mais à quoi bon ? Le baron n’était pas homme à faire des éclats inutilement.
« Non, répondit-il simplement, avant de se tourner vers Helle. Les présentations sont faites, madame. Que comptez-vous faire maintenant ? »
Il n’avait, pour l’heure, pas grand chose d’autre à dire, et ce malgré le regard neutre qu’il ne put s’empêcher de tourner à nouveau vers la fillette. Au fond, toute cette histoire ne lui sembla pas si préoccupante qu’il l’avait d’abord pensé...
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Le cœur de Helle tambourinait terriblement fort dans sa poitrine, si bien qu’elle craignit un instant qu’Ulrich ne l’entende. Et au même moment son cerveau lui rappelait que c’était là chose impossible, l’empêchant donc de porter une main à son cœur pour en calmer l’agitation, geste qui aurait trahi son état d’esprit à un moment où elle devait justement paraître maîtresse d’elle-même et en pleine possession de ses moyens. Mais c’était plus fort qu’elle : dès qu’il s’agissait d’Ellen, elle pouvait devenir d’une inquiétude maladive. Elle avait failli la perdre à la naissance, et depuis, l’enfant avait toujours été d’une santé fragile qui avait causé bien du souci à sa jeune mère, l’habituant à vivre dans cet état d’anxiété qui heureusement ne se manifestait que lorsque la petite ne regardait pas ou était absente. Alors bien sûr, bien sûr qu’au moment où le vœu le plus cher d’Ellen était sur le point de se réaliser ou de s’effondrer comme un château de cartes elle devait faire de violents efforts pour ne pas faire marche arrière et lui éviter une potentielle déception –qui, connaissant le baron, ne serait peut-être pas très diplomate. Au lieu de ça, elle croisa les mains par devant elle et fixa résolument son regard sur sa fille. Sa petite fille, âgée de douze ans déjà… Elle s’étonna encore de la ressemblance plus que flagrante avec son père. Elle voulut y voir un signe, elle qui parfois se surprenait à croire encore en Dieu : qu’Il ait fait la petite à l’image exacte d’Ulrich n’était-il pas un signe que les liens du sang étaient indéfectibles ? Qu’elle avait bien fait de partir à sa recherche ? La réplique au féminin d’Ulrich ne signifiait-elle pas cela ? Helle n’en avait au fond aucune idée, mais elle priait de tout son cœur pour que ce soit le cas. Elle releva les yeux sur Ulrich, les prunelles brillant d’un éclat indéchiffrable, à mi-chemin peut-être entre la provocation –voilà, elle l’avait dit ! Qu’il réagisse maintenant !- et une sorte de prière muette –s’il vous plaît, ne lui brisez pas le cœur, c’est la seule chose que je vous demande. Elle n’était pas venue avec l’intention de lui demander quoi que ce soit, pas même de les reprendre avec lui, de lui payer des dédommagements pour toutes ces années difficiles, rien, aucun souhait –sinon celui de le voir accepter de dialoguer avec sa fille, leur fille, sans la rejeter sous prétexte que ces histoires ne l’intéressaient pas. Elle se doutait bien qu’il n’avait probablement pas grand cas à faire d’une gamine dont il avait toujours ignoré l’existence, mais qu’au moins il fasse semblant, l’espace de quelques minutes. Il leur devait bien ça, après tout.
Ce fut Ellen évidemment qui rompit le silence, avec son innocence coutumière totalement ignorante du combat intérieur qui se livrait entre ses deux parents, alors qu’elle brisait la glace en s’approchant d’Ulrich le menton relevé et un sourire aux lèvres.

« Je suis très heureuse de vous rencontrer enfin, monsieur mon père ! »

Helle cette fois ne put s’empêcher de faire un léger mouvement en avant lorsque sa fille s’élança sur Ulrich pour l’enlacer avec une spontanéité qui lui étreignit le cœur. Elle se tendit aussitôt ; et si Ulrich réagissait mal ? Et s’il la repoussait sans ménagement, certainement peu enclin aux démonstrations d’affection surtout d’une fille dont il n’avait certainement jamais voulu ? Elle visualisait la scène d’ici : lui la prenant par les épaules et la détachant de lui avec brusquerie, le regard dur, évidemment sans mot dire à part peut-être lui intimer de sortir et ne jamais revenir. Et malgré tout ce que lui avait promis Ellen, qu’elle ne serait pas déçue quoiqu’il arrive, elle savait que sa fille en serait dévastée. Les yeux de Helle à cet instant là se chargèrent d’une sorte d’avertissement pour Ulrich, bien qu’il ne la regarde pas. S’il osait faire du mal à sa fille, il le regretterait amèrement. Viking ou pas viking. Elle retint pratiquement son souffle lorsqu’il se baissa à la hauteur d’Ellen qui parut soudain plus intimidée et demanda si elle avait fait quelque chose de mal, mais se sentit revivre –et de fait, recommença à respirer- lorsqu’elle entendit la voix de son mari répondre :

« Ne vous en faites pas mademoiselle. »

Si elle n’avait pas eu peur de se trahir plus encore, Helle aurait laissé échapper un soupir de soulagement. Au lieu de cela, voyant qu’Ulrich se redressait et la fixait de nouveau, elle se retint et soutint son regard inquisiteur. S’il voulait sonder ses pensées, qu’il le fasse, elle avait fait ce qu’elle avait à faire et ne le regrettait pas !

« Eh bien, madame, vous êtes une femme pleine de surprise. Et je ne peux nier une évidence aussi criante. »
« Vous me voyez heureuse de votre bonne foi, monsieur. Ce voyage à Versailles n’aura pas été inutile finalement. » se contenta-t-elle de répondre presque pour elle-même alors qu’elle baissait les yeux sur Ellen qui dévisageait avec curiosité ce père qu’enfin elle pouvait découvrir à loisir. Au moins pendant les quelques minutes qu’il leur restait.
« Vous n’allez donc pas vous mettre en colère ? » demanda Ellen d’un air ravi, comme si elle avait lu dans les pensées de sa mère. Qui allait d’ailleurs lui répondre quand, à sa grand surprise, Ulrich prit l’initiative.
« Non. Les présentations sont faites, madame. Que comptez-vous faire maintenant ? »

Helle eut l’impression qu’on lui retirait une enclume des épaules, lesquelles d’ailleurs parurent se détendre de même que les muscles de son visage. Qu’importait ce qui arriverait désormais : Ellen avait rencontré son père comme elle l’avait souhaité et tout s’était passé infiniment mieux qu’elle ne se l’était imaginé. Il fallait l’avouer, Ulrich avait laissé sur elle une impression tellement tétanisante des années plus tôt qu’elle s’était plusieurs fois imaginé les pires scénarios possibles, venant de ce mari dont elle ne connaissait rien à part les silences terribles, la pièce dévastée le soir de leurs noces, et le souvenir des leurs très rares nuits ensemble –souvenir flou mais qu’elle savait peu agréable. Alors oui, elle était soulagée qu’au final les choses se passent mieux, sans éclat, sans colère, et même avec une ébauche de tentative de dialogue. C’était mille fois mieux que tout ce qu’elle avait pu s’imaginer. Pour un peu, elle lui en aurait été reconnaissante, à ce géant des steppes dont l’ombre du souvenir avait parfois hanté ses mauvaises nuits comme une présence non pas agressive, mais glacée et intimidante. Aujourd’hui, douze ans plus tard, alors qu’enfin ils faisaient de nouveau (ou peut-être pour la première fois) « connaissance », elle sentait qu’il lui faisait moins peur. Au fond, l’on n’a peur que de ce qu’on ne connaît pas, n’est-ce pas ?
C’est donc plus détendue et même avec un sourire qu’Helle releva les yeux sur lui et s’approcha à son tour de la fenêtre pour voir Birgit qui attendait près du carrosse aux armoiries de Sofia.

« Maintenant ? Ellen et moi allons retourner chez la princesse Farnèse qui a la bonté de nous héberger. Ne vous inquiétez pas, je n’avais pas l’intention de vous imposer notre présence. » Elle jeta un regard à Ellen qui s’était lancée dans l’exploration de la pièce, déchiffrant maintenant les titres des livres de la bibliothèque. « Quant à la suite, je vous laisse en décider. Je vous suis déjà reconnaissante d’avoir accepté de nous rencontrer –et surtout elle- alors que, je l’avoue, je m’attendais à un refus catégorique de votre part. Je ne peux que vous proposer la paix, baron. Nous avons certes été mariés chacun contre notre gré et je comprends que ma présence et celle d’Ellen puissent vous déplaire. Néanmoins j’aimerais que nous fassions contre mauvaise fortune bon cœur et que, si nous ne devenons pas amis, au moins nous restions en aussi bons termes que possible. Pour nous aussi bien que pour Ellen. Cela vous semble-t-il acceptable ? »

S’il répondait par l’affirmative, alors cette journée serait à marquer d’une pierre blanche comme a journée où tous les miracles ont semblé possibles. Des retrouvailles avec son mari, des explications, la présentation de sa fille, un pacte de non-agression, le tout sans effusions de sang ni éclats de voix ni passages intempestifs par la fenêtre. Une véritable victoire pour la jeune femme. C’est donc avec un sourire soulagé et serein aux lèvres qu’elle s’éloigna de la fenêtre et appela Ellen. Il était temps de rentrer. Elle aida sa fille à enfiler son manteau et fit de même avant de se tourner une dernière fois vers Ulrich qui les avait escortées sur le pas de la porte.

« Merci de nous avoir consacré un peu de votre temps, monsieur. Si vous désirez reprendre contact avec nous vous savez désormais où nous logeons. Je n’exigerai plus rien de vous ; la suite est entre vos mains ! » conclut-elle sur un ton joyeux, avant de lui tendre la main. Comme un signe ultime de, si ce n’était pas une réconciliation, était au moins la fin de douze années de silence et d’incompréhension. Pour peut-être débuter quelque chose de plus supportable pour eux tous.

FIN.

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