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 Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]

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Arturo Bonaventura


Arturo Bonaventura

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Brisé, hélas...
Côté Lit: On y dort rarement seul
Discours royal:



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Âge : 36 ans
Titre : Voleur, faussaire & faux noble vénitien
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MessageSujet: Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]   Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson] Icon_minitime26.12.16 1:49

« J'me garderai bien de jouer aux cartes avec ce bandit... L'a les yeux du diable celui-là. » grommela le vieux Georges en se signant comme s'il avait vu Lucifer s'asseoir à sa table.

Tout vieux et tordu qu'il était, avec ses quatre dents en moins et son crâne dégarni au dessus des oreilles, l'ancêtre avait un peu de cette sagesse qu'ont – à ce qu'on dit – ceux qui ont vécu plus longtemps que leurs compères. Quoiqu'il n'eût jamais besoin d'être sage pour savoir qu'affronter un escroc lors d'une partie de cartes était non seulement risqué mais surtout la porte ouverte à l'échauffourée. Son neveu, que l'on avait prestement affublé du sobriquet de Georges le Jeune, était un fort gaillard au sang chaud qui mesurait six pieds de haut et qui, hélas, n'avait guère hérité de la sagesse de son aîné. Il aimait la bière, les femmes – et surtout celles qu'on rencontrait dans les bobinards de la capitale – il aimait jouer, et surtout gagner. Alors évidemment, quand un fanfaron d'italien vînt lui dégoiser qu'il était le meilleur joueur des tavernes parisiennes – que dis-je, des tavernes françaises même ! – Georges le Jeune, sentant son cœur gonflé d'orgueil, s'était empressé de lui proposer une partie, n'ayant en tête que le plaisir incommensurable qu'il aurait à le voir pâlir d'effroi quand il subirait une cuisante défaite au jeu de l'Ambigu dont il se considérait le maître. Les avertissements de Georges le Vieux restèrent sans effets et commença alors le duel.
La tenancière, elle aussi toute vieille et tordue, leur fit apporter un jeu de cartes tout en guettant du côté de l'étranger avec une grande curiosité. Très propre sur lui, les bottes récemment cirées, il affichait une sérénité pernicieuse au travers d'un large sourire qui éclairait son visage. Oh, elle l'avait vu se prendre au jeu à maintes reprises, mais elle s'inquiétait de le voir prendre pour adversaire un homme de la trempe de Georges le Jeune, celui-là même qui avait battu Claude Bertin pour lui avoir dérobé un lys d'argent ou qui – selon la rumeur – avait brûlé les cheveux d'une belle-de-nuit quand elle lui avait réclamé son dû. Il y avait certes plus sanguinaire, peut-être plus bête encore, mais elle ne doutait pas que la simple dague dissimulée sous les plis de sa chemise ne suffirait jamais à sauver l'italien. Ce dernier ne semblait pas y penser ; alors que son adversaire s'apprêtait à étaler les cartes faces cachées sur la table, chose qui se faisait avant chaque partie pour désigner le premier donneur, il leva la main pour le couper dans son élan. Il avait une meilleure idée.

« Sauf votre respect, monsieur, pour écarter tout soupçon de triche, je voudrais que le rôle de donneur soit confié à une personne extérieure à la partie. »

Il parlait sans accent, avec l'aisance d'un petit bourgeois de la capitale. Tout le contraire de Georges qui était avare de mots. Ce dernier accueillit froidement sa proposition mais se leva sur l'instant, cartes en main, pour rejoindre l'autre bout de la salle où un marmouset au visage émacié sirotait sa bière comme s'il s'agissait d'un verre de lait. Le colosse se pencha au dessus de lui et lui tendit le paquet sans rien dire avant de retourner s'asseoir à table, suivi de près par cet étrange bonhomme qui venait d'accepter – sans réelle possibilité de refuser – la très estimée charge de donneur.
Sur conseil de l'assistance, il fut décidé que l'ante serait de trois sous, de quoi acheter une bonne douzaine d'oeufs au plus proche marché. La tenancière ajouta à cela le prix des consommations que le perdant devrait lui payer et aussitôt apparût à la table de jeu Louise la serveuse, apportant deux grandes chopes d'étain pleines à ras bord. Elle adressa un sourire à Georges en la déposant devant lui puis fit la moue en se tournant vers son adversaire.

« Louise, mia cara ! » fit sa voix mélodieuse en reconnaissant le visage resté de marbre. Et la jeune femme, dont l'indomptable et flamboyante chevelure était la parfaite métaphore de son tempérament fougueux, lui adressa en retour un sourire bien plus sardonique avant de cracher dans son verre. « Va au diable, Bonaventura. » Et sur ces mots, ponctués d'un ricanement de la part de l'assistance, elle s'en retourna derrière le comptoir.

Georges le Vieux resta toute la partie durant à la table de jeu, posant un œil sévère sur l'homme qu'affrontait son benêt de neveu. Celui-là n'avait pas touché à sa bière depuis que la jeune Louise lui avait joué ce mauvais tour, contrairement à Georges le Jeune qui, après sa cinquième choppe, se retrouva passablement éméché mais envoya paître tous ceux qui tentaient de le dissuader de miser davantage. L'italien avait remporté la majeure partie de l'argent mis en jeu, et sur son visage se dessinait toujours et encore cette mine réjouie qui lui donnait alors des airs presque méphistophéliques. La chemise de lin, les cheveux en bataille, le regard envoûtant étaient purs artifices pour déguiser ce qui sommeillait au plus profond de sa personne, tels une couche de vernis sur un bois moisi ou un soupçon de parfum pour atténuer les émanations d'une charogne à l'abandon. Il avait sa réputation à Paris, Georges le Vieux la connaissait fort bien – son neveu aussi, mais il était bien moins prudent. Un homme de cette trempe... une pareille veine... ça ne pouvait être une simple coïncidence.
De son œil encore valide, l'ancêtre se mit à l'affût de la moindre preuve de tricherie mais si tricherie il y avait, le félon était bien trop agile et rusé pour se faire remarquer. De temps à autres, il jetait un coup d’œil autour de lui ou fixait intensément les compagnons de Georges le Jeune, ceux-là même qui lui offraient leurs conseils dans l'espoir de lui faire gagner une fois pour toute cette maudite partie. Il crût pendant un instant que l'un de ces garçons aurait pu être complice de l'étranger mais ils n'eurent ni regard, ni geste, ni parole pour l'adversaire. Rien dans leur conduite n'aurait permis à ce dernier de deviner quelles cartes se trouvaient dans les mains poisseuses de son neveu. Non, ils étaient innocents.
Il y avait la tenancière, petite bonne femme de faible constitution mais de fort caractère, qui avait ici et là montré à son égard une forme d'affection. Seul le Seigneur pouvait deviner quel genre de relation il y avait là entre ces deux individus mais le vieil homme eut peine à croire qu'il se trouvât quelqu'un dans cette ville, voire même sur cette Terre, qui puisse porter ne serait-ce qu'un semblant d'attachement à un bougre qui avait une réputation de vermine et de charlatan comme Arturo Bonaventura. Cependant, quelles que furent ses suppositions, il se sentit vite obligé de les mettre au placard : la tenancière était restée à son comptoir depuis la première mise et depuis son poste, l'unique chose qu'elle aurait pu voir était certainement le dos du napolitain.
Prudemment, il se pencha à l'oreille de son neveu et lui murmura quelques paroles d'encouragement tout en suggérant qu'il serait plus sage de mettre un terme au jeu avant de perdre jusqu'au dernier de ses deniers. Le garçon était plus entêté qu'une mule et ne se laissa pas influencer, il avala d'un trait le reste de son breuvage, ce qui attira inévitablement la serveuse à la table. Encore une fois, l'indomptable Louise se saisit de sa chope, disparût dans la foule de curieux attroupée autour des joueurs et s'en revînt de l'arrière-salle avec un verre plein d'une cervoise bien mousseuse qu'elle déposa devant un client de plus en plus absent, non sans jeter un regard à son jeu. C'est alors que, essuyant ses mains dans son tablier usé, elle pivota sur elle-même et croisa le regard matois du perfide animal qui n'avait toujours pas touché à une goutte de sa propre boisson. Le vieillard se laissa retomber de stupeur contre le dossier de sa chaise quand, en toute discrétion, elle lui fit un clin d’œil agrémenté d'un des plus jolis sourires qu'on eut su voir. Il aurait pu croire à une vision si Arturo, confortablement installé, les pieds croisés sur la table, n'avait répondu à pareille démonstration de complicité par un hochement de la tête et un sourire complaisant.

« Tricheur ! » scanda le vieux en cognant du poing sur la table. Tous se retournèrent vers lui, stupéfaits. L'italien ne souriait plus. « Te laisse point abuser par c't'écornifleur, neveu ! Il triche depuis l'début d'la partie ! Et elle, c'te sorcière, elle est d'connivence avec lui ! Elle t'fait boire pour t'pocharder, comme ça t'es plus facile à pigeonner ! », il pointa du doigt la pinte qui attendait encore et toujours d'être absorbée, « Elle a craché dans sa bière pour qu'il garde ses esprits, ce scélérat ! »

Le silence absolu ; puis, un par un, tous les yeux se tournèrent vers Georges le Jeune qui écrasait de toute sa force ses cartes entre ses doigts. D'un bond il sauta à la gorge de son opposant, lequel s'écarta vivement de son passage.

« Voyons, Signor, ce n'est qu'un pauvre malentendu ! » tenta-t-il en se relevant. Hélas, le colosse avait la force de caractère d'un taureau et, une fois le sang échauffé, seule la mort de son ennemi pouvait satisfaire pareille bestialité. Un violent coup de poing atteignit la mâchoire de l'escroc qui se laissa tomber dans la foule où quelques spectateurs s'empressèrent de tirer sur ses manches pour en faire tomber une pluie de cartes habilement dissimulées.

Après un tel spectacle, Arturo n'attendit pas que son concurrent lui assène un autre coup : avec l'agilité d'un chat, il se glissa à quatre pattes sous la première table venue pour échapper aux regards accusateurs puis ressortit de l'autre côté pour grimper sur la suivante et sauta ainsi sur celle qui suivit afin d'atteindre la porte de l'arrière-salle, abandonnant ses gains pour ce tour-ci. Il dépassa la tenancière qui tentait de calmer les ardeurs, sans succès. Louise, qui s'était précipitée aux côtés de sa patronne dans l'espoir d'obtenir sa protection, lui ouvrit la porte pour permettre sa fuite mais, avant qu'il ne disparaisse dans la remise, il saisit son visage entre ses mains et planta sur ses lèvres un rapide baiser.

« Je te dois un double Louis d'or, ma vieille ! » et sur ces entrefaites, il déguerpit.

Il ne fit pas cinq mètres dehors que son rancunier adversaire l'y rattrapa, beuglant son nom à travers les rues. Comme un cerf cherche à échapper au chasseur, l'italien tourna à gauche, puis à droite et encore à gauche, priant mentalement le Seigneur de lui prêter main forte. Ses jambes le portèrent aussi loin qu'il le pût jusqu'à ce qu'apparaissent devant lui les sbires de l'homme qu'il s'efforçait de fuir, et ainsi il était pris au piège.
Georges arriva dans son dos avec la délicatesse d'un buffle en train de charger et le plaqua au sol dans un violent fracas. Une énorme main velue attrapa ses cheveux et l'obligea à relever la tête, dévoilant une blessure toute récente causée par la rencontre entre son front et le pavé, dont s'écoulait un long filet de sang. La vue de cet homme si misérable, épuisé par la course, à genoux à terre, le visage sanguinolent, arracha un rire satisfait aux hommes qui s'attroupèrent autour de lui. Ils étaient maintenant trois : Georges qui maintenait notre voleur en position de soumission, et les deux jeunes frères de celui-ci qui regardaient la scène avec beaucoup d'enthousiasme.

« T'aurais pas dû jouer au plus malin, Bonaventura. » grinça l'un d'entre eux – Arturo ne savait pas lequel, le coup sur la tête ayant un peu embrouillé ses esprits.

« J'ai vu pire. » ricana-t-il en crachant le sang qui s'écoulait dans sa bouche aux pieds de celui qui s'approchait un peu trop.

L'esprit toujours confus, il réussit à atteindre la lame qu'il dissimulait dans son dos et se dégagea de son opposant en le frappant d'un violent coup de coude dans les côtes.
Il se tenait à présent debout face à eux et les menaçait de sa dague. Malheureusement, il était loin d'être capable de défaire ces trois gaillards avec pour seule arme un simple couteau. Et à cet instant, il espérait qu'un coup de bluff suffirait à lui sauver la vie.
Mais s'il eût la vie sauve cette nuit-là, ce ne fut certainement pas grâce à son incroyable sens du bluff. De l'autre côté de la rue, il entraperçut une forme qu'il lui fut d'abord impossible à identifier, mais c'était comme si quelque chose – ou quelqu'un – les observait en silence, comme si on les avait suivis jusqu'à ce point précis. Bientôt, une silhouette noire se détacha de l'obscurité pour entrer dans la lumière du clair de lune et chacun de ses pas sonnait comme le glas.

« Qui c'est ? » beugla le plus jeune des frères. Et si seulement il avait su, il aurait sans aucun doute choisi ses derniers mots avec un peu plus de soin.
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Richard Sanson


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MessageSujet: Re: Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]   Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson] Icon_minitime27.12.16 23:46

Richard posa le pichet de vinasse bien acide et faisandée sur la table. Deux filets, d'une couleur rouge, s'étiraient en longues traces aux commissures de ses lèvres. Sans se soucier le moins du monde de l'entourage, il laissa échapper un rôt sonore. Personne n'y prêta attention. Comme d'ordinaire, dans cette taverne les clameurs, les rires gras et les disputes allaient bon train. Elles émanaient de poivrots, pour la plupart, de querelleurs aussi. Déjà, dans la salle, le bourreau, sinistre, repérait ceux qui, pour une histoire de regard un peu trop insistant, risquaient fort de déclencher une bagarre. Ils se ressemblaient tous : un air patibulaire, affable, le regard abruti, semblable à celui d'un âne et cette fâcheuse manie de cracher comme un gros dégueulasse par terre, en prenant soin au passage de sa ramoner la trachée comme s'il s'était agi d'un conduit de cheminée bouché. Plus cela faisait du bruit, plus l'olibrius se croyait mâle, fort. Sanson fut tiré de sa rêverie par la venue impromptue d'une serveuse. Son regard bleu, glacé et impitoyable, se posa sur sa poitrine, comprimée dans un corset décidément trop étroit pour elle. Le tavernier l'avait délibérément habillée ainsi pour que les hommes puissent porter sur elle un regard lubrique. Comme bien souvent, elle n'eut pas d'autre choix que d'obéir et de porter cet accoutrement vulgaire, qui plaisait tant à la clientèle. Et le sinistre personnage qu'elle servait ne se privait pas pour la reluquer. Un sourire dévoila ses dents gâtées et elle cilla plusieurs fois des yeux, en se penchant un peu pour se mettre en valeur davantage.

- P'tite chope d'plus, mon bon seigneur ?

- Ce sera bientôt la troisième ! Je vais finir par croire que tu veux me saoûler pour me délester de mes bourses !

Le double sens équivoque fit légèrement rougir la jeune femme. Elle ne semblait pas très habituée à recevoir des allusions aussi directes et aussi franches. Richard possédait une réputation bien ténébreuse. On le qualifiait d'être sans pitié, sans âme, d'incarnation du Malin. Il se gaussait de la crainte qu'il inspirait chez les autres. Vertueux ? Patient ? Las ! Il ne se gênait jamais pour faire et dire ce qu'il voulait. Tant pis si cela ne s'accordait guère à la situation. Il posa sa main épaisse sur les fesses de la demoiselle et lui dit, d'une voix rauque, grave :

- Dis-moi plutôt ton prix au lieu de m’enivrer. Je ne te paierais pas plus cher de toute façon. D'autres gourgandines peuvent très bien faire l'affaire et j'en aurais pour mon argent.

Elle rougit, ce qui confirma les soupçons de Sanson. Décidément, non, elle n'avait pas habitude de séduire les hommes. Elle se retrouvait à racoler sans conviction, maladroitement. Le bourreau du Roi en salivait d'avance. Il prenait un malin plaisir à laisser sa trace dans l'esprit des filles innocentes et idéalistes comme elle. Il aurait volontiers appris la vie à cette gueuse, mais non loin de lui, à quelques mètres, une scène intéressante, sortant un peu des banalités habituelles, se jouait. Georges le Vieux et son stupide neveu semblaient en désaccord sur une partie de cartes qui s'annonçait. Depuis le temps que Richard venait ici, il connaissait à peu près toutes les têtes, une attira son attention, celle d'Arturo, dont il ignorait l'identité, à cet instant là. D'un geste brutal, il donna la chope à la serveuse pour elle aille la lui remplir à nouveau. Il s'enfonça sur sa chaise, plongeant dans la pénombre, ses sens en alerte. Il se trompait rarement sur les gens. A force de tuer, il discernait dans le regard, la véritable nature d'une personne. Et ce bonhomme là, ce petit malin qui défiait les deux Georges, ressemblait à un ignoble petit gradin. Ou alors à un parfait maître en la matière. Son âme était damnée, voilà ce qu'il en ressortait. Absorbé par le spectacle, Richard ne remarqua même pas le sourire aguicheur de la serveurse, il ne daigna même pas la remercier pour cette nouvelle chope de tord-boyaux. Il passa une main sur sa barbe, analysant chaque détail. Sans doute parce qu'il possédait un angle extérieur et stratégique, fut-il le seul à remarquer qu'Arturo sortait des cartes de sa manche, en un geste maîtrisé et précis. De quoi impressionner, même le plus dur des bourreaux. La partie continua. Le jeune commençait à en tenir une sacrée couche maintenant, avec la quantité d'alcool qu'il s'ingurgitait. Mais son oncle, lui, ne perdait pas le nord. A force de victoires, Arturo attira les soupçons sur lui. Tant et si bien qu'à la première occasion, le vieux se mit à vociférer qu'il y avait triche. Évidemment que oui... le jeu fut toutefois rondement bien mené ! Comprenant ce qui allait se produire, Richard prit la chope dans ses mains.

Quelques secondes plus tard et la bagarre commença. Arturo passa sur la table de Sanson, comme s'il s'était agi d'une piste de danse. Heureusement qu'il suscitait l'admiration, sinon le sinistre personnage l'aurait attrapé par la jambe pour qu'il se fracasse par terre et soit à la merci des autres. Personne ne souillait de ses bottes l'espace personnel du bourreau. En tout cas cela n'était guère exempt de conséquences ! Il suivit la scène, vida la chope d'une traite et se leva. Sa haute stature le rendait imposant. Il n'eut aucun mal à se frayer un passage jusqu'à la porte de derrière, sans payer. Avec sa carrure et son air lugubre, personne n'osait l'arrêter. A l'extérieur, il tendit l'oreille pour suivre les bruit de pas. L'avantage des rustres, c'est qu'un sourd pouvait les entendre ! Il suivit la "cohorte" de rageux et observa silencieux dans l'ombre ce qui se jouait devant lui. Bonaventura... voilà qui était bien agréable à l'oreille, ça sonnait voyou, charlatan... mais ingénieux. Il fallait être un génie pour parvenir à cacher de tels tours de passe-passe à Georges le Vieux. Seulement voilà, le gredin semblait en bien mauvaise posture. Face à trois bovins, il ne durerait guère bien longtemps. Et ce malgré une belle intelligence. Sanson attendit, se délectant du spectacle. Malgré la quantité d'alcool qu'il avait ingurgité, il tenait debout et il avait les idées très claires. La preuve : il se sentait d'humeur à transmettre beaucoup de souffrances ce soir. Au bout de quelques minutes, tandis que les trois brutes encerclaient Arturo, il se mit en mouvement. Il sortit de l'obscurité. Vêtu d'un accoutrement noir, il portait sa capuche, masquant ainsi partiellement son visage. Une hache à la ceinture, il s'arrêta à quelques mètres du groupe. Et tandis que l'un se mit à beugler en questionnant les autres sur son identité, un silence s'installa. Richard se mit à siffloter et à entonner, sur un ton effroyable.

- En lambeaux, il débita, comme du petit bois. En morceaux, il découpa, ces petits tronçons étroits. Décapitées ou arrachées, à sa ceinture les têtes furent accrochées...

Il ne faisait pas très froid et pourtant, la température baissa soudainement. Les trois gaillards, surpris, ne tardèrent pas à reprendre du poil de la bête. Et puis finalement, Georges le Jeune finit par le reconnaitre et s'exclama :

- Bon sang d'Dieu ! V'là le bourreau !

- L'bou-quoi ?

- L'bourreau, imbécile !

Il y eut un sifflement dans l'air. D'un geste précis et violent, Richard envoya sa hâche sur le plus jeune des frères. La tranche se planta dans sa cuisse lui arrachant un cri terrifiant. Il tomba à genoux, en hurlant. Ses deux aînés affichaient une mine déconfite.

- MAITRE Bourreau.

- C'est avec Bonaventura que nous avons un problème, pas avec toi.

- Tu te substitues à la Justice du Roi, à moi. Donc c'est bien avec moi que tu as un problème désormais, mon petit cochon lardu...

- Mais attends, Georges, il n'est plus armé !

Avant même que l'homme ait pu lui sauter dessus, Richard se pencha et lui fonça dans les jambes. L'homme tomba en avant, et s'éclata la mâchoire sur le pavé. Sanson arracha la hâche de la jambe du plus jeune et posa la lame sur sa nuque. Malsain, il reprit sa chanson :

- Sanguinolentes et répugnantes, elles se mirent à balotter... Souillant de sang et de bêtise, fauchées, taillées et découpées...

- Arrête, bourreau...

- Comment, déjà ? Mais je n'ai même pas égorgé...

Le pire ça n'était pas son air complètement détraqué, mais bien son ton déçu. Georges le Jeune leva les mains, comme un signe de reddition et il lança :

- Nous partons, bourreau... mes frères et moi, nous partons, sans histoire...

Sanson hocha la tête. En quelques minutes, il se retrouva seul avec Bonaventura. Se tournant vers lui, il caressa le tranchant de sa hâche :

- A nous deux, Bonaventura. As-tu déjà croisé la Justice au clair de lune ?
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Arturo Bonaventura


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MessageSujet: Re: Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]   Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson] Icon_minitime29.12.16 20:12

Une sinistre mélopée émergea progressivement des ténèbres de la nuit, une chanson qui parlait de meurtre et de mutilation. Les trois frères s'immobilisèrent à ce son grinçant qui interrompait leur bien-aimée exécution car leurs cheveux commençaient à se dresser sur leurs têtes, leurs cœurs manquèrent un battement et leur sang à tous – sans exception – se glaça dans leurs veines. Arturo lui-même, alors qu'il espérait un miracle pour lui sauver la vie, songea que l'humour du Seigneur frôlait la déviance : qui aurait pu croire qu'il enverrait pareille créature à sa rescousse ? Une créature en effet, puisque si l'être qui venait de surgir de l'ombre avait bien apparence humaine, les mots qui sortirent de sa bouche étaient dignes du Démon. L'image de Georges le Vieux se signant au début de la partie de cartes lui revînt à l'esprit, il pensa que celui-ci aurait peut-être du le garder pour cet instant précis, et si la situation n'était pas si angoissante, il aurait même pu en rire.
Hélas, la surprise fut de courte durée. Les trois frères, prenant leur courage à deux mains, se tournèrent comme un seul homme face à l'inconnu enveloppé de sa cape noire corbeau. Sous l'épais tissu, le voleur devina un visage marqué, pâle sur lequel semblait transparaître une expression proche de l'enchantement. Sauf qu'il ne s'agissait pas d'une expression ordinaire, non. Cet homme-là – si tant est qu'il était bien humain – semblait prendre un malin plaisir à se comporter comme le Diable mais il n'y avait sur ce visage aucun signe de bonheur ou de satisfaction. On aurait dit que la chose était pour lui des plus normales. Quand, enfin, Georges le Jeune le reconnut, Arturo comprit enfin d'où venait une telle attitude. C'était donc lui, Sanson, le bourreau de Sa Majesté. On en racontait des histoires sur cet étrange personnage en ville, l'italien avait quasiment eut l'impression qu'il le connaissait et pourtant, au moment où il s'était mis à chanter, Arturo avait pu se rendre compte à quel point il avait tort. Il n'était pas inquiétant comme certains avaient pu le dire, il était effroyable, déroutant et plus il se rapprochait, plus le vent semblait glacial.
Brusquement, un bruit strident fendit l'air suivi d'un hurlement à en réveiller les morts ; sous les regards horrifiés de tous ceux qui étaient présents, Sanson venait d'enfoncer la lame de sa hache dans la jambe d'un des assaillants, le plus jeune. Le napolitain n'était pas un saint, certes, et il avait marché sur quelques cadavres pour en arriver à ce point précis de sa vie, mais la hache n'était définitivement pas un instrument qu'il appréciait et la scène à laquelle il assistait était proprement répugnante ; il remercierait cependant ce désaxé pour ce service qu'il lui rendait. Une brève empoignade suivit durant laquelle Georges se retrouva promptement à terre, le sanguinolent tranchant de la hache précédemment arraché de la jambe de son benjamin posé sur sa grasse nuque. Et le bourreau, monstrueux au possible, reprit son chant ponctué des suppliques de ceux qu'il était désormais tentant d'appeler ses victimes. Néanmoins, après quelques secondes qui parurent être des heures, dans ce qui sembla être un élan de commisération, il les laissa fuir sans leur faire davantage de mal. Che peccato... pensa alors Arturo à la vue des deux aînés disparaissant au loin en traînant derrière eux le benjamin qui n'avait plus la force de pleurer sa mauvaise fortune.
Ils étaient désormais seul à seul, le voleur et le bourreau. Le second pivota sur lui-même après s'être assuré que la fratrie d'imbéciles s'en était allée vers de nouveaux horizons, dévoilant à la lumière de la Lune son arme encore toute teintée de rouge. Il fit quelques pas vers l'étranger dont la vision venait enfin de se rétablir parfaitement, tout en caressant du bout de ses doigts et d'une façon bien plus qu'inquiétante sa lame aiguisée.

« À nous deux, Bonaventura. As-tu déjà croisé la Justice au clair de lune ? »

Arturo était bien forcé de le reconnaître, ce drôle d'oiseau là savait soigner ses entrées. Il essuya du revers de sa manche le sang qui lui coulait sur le visage, sans quitter un seul instant des yeux l'homme qui avait très certainement les moyens de mettre violemment un terme à sa vie. Et pourtant, au vu de l'agilité et de l'insensibilité dont celui-ci avait fait preuve en mettant à terre les trois assaillants, le voleur ne douta pas une seconde qu'un bain de sang aurait très bien pu avoir lieu à l'endroit même où il se tenait encore. Il les avait néanmoins épargnés, à l'exception du plus jeune d'entre eux qui ne survivrait probablement pas à une telle blessure. Georges, en revanche, était à sa merci, genoux à terre, la mort frôlant son cou mais le bourreau s'était fait violence puis l'avait laissé prendre la fuite. C'était une forme de réconfort pour Arturo qui n'imaginait pas qu'un homme doté de telles capacités de combat aurait pris la peine d'affronter trois gaillards sans envergure pour tuer l'homme que ceux-là s'apprêtaient à laisser pour mort au coin d'une rue. À moins qu'il s'agît d'un maniaque – même le napolitain ne pouvait tout prévoir.

« La Justice ? », ce premier mot lui arracha un rictus amer. « Jamais entendu parler, navré. Là d'où je viens, ce mot n'existe pas. » répondit-il en soutenant son regard, bien que l'interlocuteur lui provoquait des sueurs froides. À présent qu'il était plus proche de cette nouvelle connaissance, il crut reconnaître quelques traits entraperçus furtivement lors de sa fuite quelques minutes plus tôt. Cet homme là – il en était presque sûr – se trouvait à la taverne quand tout avait commencé, il se souvenait être passé devant lui en se précipitant vers l'arrière-salle. « Vous étiez à la taverne ce soir... vous nous avez suivis, monsieur le bourreau ? »

Avant même d'avoir reçu sa réponse, Arturo sentit la tête lui tourner. Il ne s'était pas encore remis de sa chute et, très rapidement, ses jambes chancelèrent. Par chance, il se trouvait à présent dos à la façade d'une habitation contre laquelle il vînt trouver appui, laissant échapper au passage un long soupir fatigué. Se montrer aussi faible devant un homme aussi lourdement armé, c'était presque un appel au meurtre et il en avait conscience mais ça avait été une dure soirée, il espérait secrètement que cet argument jouerait en sa faveur. La prochaine fois qu'il devrait faire face à une situation de ce genre, il ferait mieux d'être prêt à se battre. Peut-être n'était-il pas déraisonnable de retravailler ses talents de bretteur, ceux-là même qu'il avait mis de côté il y a des années de cela pour se concentrer sur le vol et l'escroquerie.

« Je sais qui vous êtes. » commença-t-il en se forçant à le regarder dans les yeux – bien que l'obscurité ne l'aidait en rien à les distinguer sous l'épaisse cape qui lui servait de vêtement. « Et je doute fort que votre intervention de ce soir – pour laquelle je vous remercie cela dit – soit le fruit du hasard, bien que j'en ignore les vraies raisons. Et je n'aime pas ne pas savoir alors dîtes-moi : y a-t-il quelque chose que je peux faire pour vous ? » articula-t-il en relevant la tête tant bien que mal.

Car dans ce bas monde, on n'a hélas rien sans rien. Il paraissait presque burlesque qu'un bourreau, qui plus est un homme aussi morbide que l'était Richard Sanson, vienne sauver la vie d'un escroc connu à travers la capitale pour ses tromperies et pour la haine qui en résultait. Cet homme là se présentait comme un justicier et pourtant Arturo était encore là, toujours en vie, toujours libre malgré ses diverses infractions à la loi. Cet homme là... tenait encore et toujours l'horrible hache qui lui avait servi à trancher – presque – la jambe d'un garçon qui se trouvait à cet endroit même quelques minutes auparavant, et qui ne marcherait probablement plus jamais droit, si tant est qu'il survive à cette redoutable attaque. L'italien laissa ses yeux aller de la lame rougie par le sang au visage dissimulé du bourreau puis, prenant une grande bouffée d'air frais, il demanda :

« Excusez-moi, mais pourriez-vous poser cette... » il fit un geste de la main pour désigner l'objet en question. « …hache ? Je suis de très mauvaise compagnie quand je suis sous pression. »
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MessageSujet: Re: Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]   Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson] Icon_minitime15.04.17 7:52

Pendant les quelques minutes de silence qui suivirent la fuite des frère napolitains, il régna dans la ruelle une atmosphère assez pesante qui ne contribuait pas à réchauffer les coeurs. Richard resta impassible. S'il avait voulu finir le travail et abattre Arturo, il l'aurait fait depuis un moment. Il ne trouvait aucun intérêt quelconque à faire souffrir davantage une homme. Encore moins si cet homme était quelqu'un de réputé pour ses larcins. Oui, le bourreau avait "pitié" des âmes damnées comme la sienne. Et quand il devait tuer des personnes perfides, il le faisait, bien souvent à contrecoeur. Ne considérez pas qu'il éprouvait le moindre regret. Jamais. Le plaisir de tuer prenait toujours le dessus sur les émotions, sur les sentiments. Lorsque Bonaventura répondit à sa question, il planta son regard glacial dans le ciel, sans desserrer les dents. Un homme qui ne connaissait pas la Justice ? Vraiment ? Il manifesta un peu plus d'intérêt pour le gaillard, dont il se moquait éperdument de l'état. Il le laissa chanceler puis s'appuyer sur le mur, sans faire le moindre geste pour l'aider. Il éprouvait bien du plaisir à admirer la souffrance. Et si l'état d'Arturo ne lui permettait pas de survivre ? Ca n'était absolument pas son problème. Comme dirait l'autre, un brigand de perdu et dix de retrouvés. Il suffisait de marcher dans les rues de Paris, pour trouver un olibrius capable de faire l'affaire. Au pire s'agirait-il de le former pour en faire quelqu'un de valable. En d'autres termes, la survie de l'homme qu'il avait en face de lui, en bien fâcheuse posture, ne demeurait guère indispensable. Cependant, lorsque Arturo avoua qu'il le connaissait, un sourire carnassier passa sur son visage.

Richard possédait un égocentrisme exacerbé, il aimait qu'on parle de lui, en mal de préférence, parce qu'il haïssait les compliments autant que les sentiments. D'ailleurs, son visage se fendit d'un rictus lorsque son interlocuteur le remercia. L'avait-il remarqué dans l'obscurité ? Difficile à dire et de toute façon, à y réfléchir, mieux valait éviter de visualiser en direct sa réaction sur le moment. Car le visage de Sanson possédait tout du tueur. Le silence restait pesant. Il faut dire qu'avoir un homme à moitié psychopathe devant soi, dans une ruelle sombre, avec sa hache sortie et son air pas franchement amical, ça ne mettait pas beaucoup de chaleur dans un dialogue. Quand Arturo désigna sa hache, il baissa la tête pour la regarder, releva les yeux lui, rebaissa à nouveau le regard... et répéta ce petit manège angoissant pendant quelques instants. Il se sentit revivre à la simple idée de terroriser un esprit. Et puis, d'un geste rapide et brutal, il leva la hache pour la fracasser dans un volet en poids déployé sur le mur, à quelques centimètres à peine de Bonaventura. Si près d'ailleurs qu'elle coupa un petit bout d'une mèche de cheveux. Dans le souffle, ceux-ci volèrent doucement sous leurs nez et tombèrent en petits cercles sur le sol. Sanson laissa la hache plantée. Il doutait que Bonaventura parvienne à l'extirper, pas dans cet état. Et de toute façon, il n'avait pas que cette arme là, en stock. Après le claquement sinistre du bois, un nouveau silence terrible s'installa, qu'il finit par briser, d'une voix, tout sauf aimable :

- Je doute que tu aies été un jour de bonne compagnie. Dans l'usage courant, on ne peut guère dire qu'un voleur, menteur et tricheur soit agréable à côtoyer.

Il marquait un point. Arturo, comme lui, n'inspirait ni la confiance, ni la bienséance. Aussi, on le rejetait de la même façon. Évidemment, entre se faire voler par lui ou dépecer par Sanson, le choix devenait plutôt facile ! Richard reprit, sur un ton dénué de sympathie mais dont l'aspect menaçant s'atténuait.

- Je dois bien admettre que tu es habile, même si cela n'a pas suffi ce soir. Il va falloir te perfectionner ou tu vas finir par te faire prendre. Ne trouverais-tu point dommage que j'eusse à te décapiter ? Un oeil attentif comme le mien n'a aucun mal à voir ce qui échappe aux imbéciles. Malheureusement, en ce bas monde, ce sont les imbéciles qui mènent les autres à l’échafaud. Et moi qui exécute.

Sans doute que le propos serait vexatoire. Il ne s'en souciait pas. S'il avait été admiratif, maintenant qu'Arturo était bien amoché, il présentait une valeur un peu moindre à ses yeux. La faiblesse, très peu pour lui. Il torturait les faibles mais ne les appréciait pas. Le fait qu'il continue de parler témoignait du fait qu'il s'intéressait au faussaire. Il plongea sa main à l'intérieur de sa cape, pour chercher dans une poche intérieure une petite boite en fer. Il la sortit et l'ouvrit. D'un geste précis, pour la quantité d'alcool qui circulait dans ses veines, il prit une petite fiole. Il récupéra dans une autre poche une flasque, dans laquelle il versa le liquide verdâtre et mélangea vigoureusement. Il finit par tendre la boisson à Arturo :

- Ca devrait te redonner de la contenance, tu parais bien fragile.

Il ne donna aucune autre information sur le mélange et notamment sur son amertume. La prévenance, très peu pour lui. Déjà, il fournissait un gros effort en lui donnant cette potion improvisée, destinée à le maintenir sur ses deux jambes. Un revigorant, ni plus, ni moins. Heureusement que sa soeur possédait tout un stock. D'ailleurs, brut de décoffrage, il enchaina :

- Te sens-tu de taille à mettre ton maigre talent au service d'une cause plus grande que le détroussage de pouilleux à l'intelligence de porcinets. Je ne te parle pas la Justice, car tu as raison. La Justice n'existe pas. Ce n'est qu'un prétexte, un peu comme celui que trouve un mari pour baiser une catin dans le dos de sa femme. Non, je te parle d'un projet bien plus grand. Un projet qui requiert ton goût inné pour l'argent et ton agilité.

Il arracha la hâte du volet pour l'accrocher à sa ceinture. Richard avait un véritable instinct pour trouver des gens aussi sombres que lui. Il savait que parler d'argent au faussaire serait un bon moyen pour capter son attention. Et comme s'ils taillaient une bavette autour d'un bon feu de camp, Richard ajouta :

- As-tu déjà tué, Bonaventura ? Des êtres humains, pas de animaux. Il parait que les voleurs aux mains sales n'accordent plus la moindre importance au sang qui pourrait couler dessus. Parce qu'ils n'arrivent plus à le distinguer. Fais-tu partie de ceux-là ?

HRP : Je suis sincèrement désolé pour le temps que j'ai mis à te répondre. J'ai eu beaucoup de mal à écrire ces derniers mois... pas parce que le sujet ne m'inspire pas ou plus, mais parce que je n'arrive pas à aligner des phrases.
J'espère qu'en dépit de cela ma réponse te conviendra.
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MessageSujet: Re: Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson]   Jeu de main, jeu de vilain [PV Richard Sanson] Icon_minitime13.09.17 15:49

Le coup fut net, précis et d'une violence effroyable. Le temps d'un demi-soupir et la hache sanguinolente se plantait férocement à quelques centimètres de son visage, lui arrachant quelques cheveux au passage sans qu'Arturo n'y prête attention – la possible imminence de sa mort semblait accaparer toutes ses pensées. Sanson, large silhouette ténébreuse, s'était approché de lui avec la férocité d'un prédateur tous crocs saillants et prêt à mordre pour asseoir sa supériorité. Dans sa mouvance, un faible rayon de lumière dévoila son regard déterminé, un regard qui avait tout d'un être humain. Alors, puisant en lui-même une force de caractère qu'il croyait avoir perdu dix minutes plus tôt, le napolitain se sentit brusquement rassuré. Point de créature surnaturelle, ni d'Ange de la Mort, rien qu'un homme. Un homme prêt à tuer certes, mais rien de plus qu'un homme.
Un homme qui, outre sa violence et son goût prononcé pour le macabre, émettait de vives critiques quant à la compagnie de notre voleur.

« Je doute que tu aies été un jour de bonne compagnie. Dans l'usage courant, on ne peut guère dire qu'un voleur, menteur et tricheur soit agréable à côtoyer. »

Arturo ne pût réprimer un sourire. Il recevait rarement des plaintes, des menaces de mort oui mais des plaintes, presque jamais. Le bourreau fit un pas en arrière, impassible, tout en énonçant d'une voix grave une espèce de laïus sur son manque de précaution qui, tôt ou tard, le mènerait très certainement au billot. Il n'était certainement pas le premier à lui en faire la remarque mais force est de constater qu'il était le plus convaincant.
Il utilisa sciemment des mots qui, aussi durs et froids que le marbre, eurent tôt fait d'effacer son rictus du visage italien. Non, ce n'était pas les mots, c'était son intonation, ses yeux, sa nonchalance... comme si tout son être, de son enveloppe charnelle jusqu'aux tréfonds de son âme – si tant est qu'il en eût une – posait sur lui un regard inquisiteur. Que l'on juge ses méfaits ne l'empêchait pas de dormir mais c'était ici un jugement d'une toute autre sorte. Cet ignoble personnage qui se revendiquait justicier avec sa hache et son habit de bourreau s'adressait à lui avec une condescendance à laquelle Arturo avait rarement été confronté. Bien sûr, il n'apparaissait pas sous son meilleur jour devant lui mais pour qui donc se prenait-il, ce prétentieux sans vergogne, pour ainsi le regarder de haut ? Il n'était rien de plus qu'un homme lui-même, un assassin également. Blessé dans son orgueil, l'italien se redressa du mieux qu'il pût pour se grandir un peu, geste vain il est vrai mais qui gonfla son cœur d'un tout nouveau sentiment à mi-chemin entre le courage et la fierté, et lui donna du même coup une expression sérieuse qu'il gardait pour les grandes occasions. En l'occurrence, c'en était une.
Lorsque le silence de la nuit refit surface, l'assassin tout drapé de noir plongea une main sous sa cape. Arturo, sur ses gardes, supposa pendant l'espace d'un instant qu'il allait en sortie une dague. Quand, enfin, émergea de l'obscurité une boîte de fer dans laquelle reposait une fiole remplie d'un liquide verdâtre, l'idée qu'elle pourrait contenir du poison effleura son esprit mais il n'en tînt pas compte : qui se donnerait tant de mal pour tuer un brigand de sa trempe quand, de toute évidence, d'autres pouvaient faire le travail à sa place ? De sa main libre, Richard – qui n'avait pas une seconde prêté attention au trouble que son geste venait de causer – se saisit d'une flasque et y versa le contenu de sa fiole. Tandis qu'il mélangeait le tout, le voleur songea qu'il fallait être un fou pour boire ce genre de préparations, lesquelles lui paraissaient peu orthodoxes. Il ne fût qu'à demi-surpris de savoir que c'était à lui que ce douteux mélange était en vérité destiné.

« Ça devrait te redonner de la contenance. » s'exclama-t-il en lui tendant la flasque. Arturo hésita un bref instant avant de s'en saisir. Il la porta à son nez, fronça les sourcils d'un air de dégoût et considéra la possibilité de renverser le tout au sol, mais sa conscience lui rappela qu'il n'était pas en état de faire dans la provocation. Alors qu'il s'apprêtait à avaler cul sec l'immonde breuvage, Richard ne put s'empêcher d'ajouter un « Tu parais bien fragile. » qui ne manqua pas d'échauffer l'esprit de son interlocuteur.

Pourtant, malgré cette dernière remarque qui se voulait acerbe, Arturo se montra imperturbable. Peut-être valait-il mieux que le bourreau juge son efficacité générale à l'état pitoyable dans lequel il se trouvait cette nuit-là... L'acqua cheta rovina i ponti, comme on dit. Il but d'une traite le contenu de la flasque, se crispa un peu quand il sentit la boisson âpre couler dans sa gorge et reprit une bonne bouffée d'air avant de rendre l'objet à son propriétaire. Encore une fois, l'idée de la jeter à ses pieds lui traversa l'esprit. Encore une fois, sa conscience lui commanda de se tenir tranquille.
La mystérieuxe mixture ne tarda pas à faire son effet. Une grande chaleur gonfla sa poitrine et il se sentit un peu plus léger qu'il n'avait pu l'être auparavant. Nul doute qu'une heure plus tard, il ne resterait plus une trâce de ce brève malaise qui s'était emparé de tout son être – exception faîte de la blessure frontale qui depuis lors avait cessé de saigner. Celui à qui il devait son salut n'avait cependant pas attendu que ses forces lui soient rendues pour dévoiler les raisons de ce sauvetage impromptu. Arturo tendit une oreille attentive, espérant secrètement que l'affaire serait des plus juteuses car il y avait déjà longtemps qu'il n'avait rien eu de bien appétissant à se mettre sous la dent. Détrousser les passants étaient un loisir fort agréable, mais répétitif. La perspective d'un complot ou d'une arnaque finement pensée le remplissait d'une forme d'enthousiasme secret. Quand Richard ajouta, avec une certaine perspicacité, qu'il y aurait de l'argent à la clé, le voleur pencha un peu la tête de côté, les yeux brillant avec intérêt.

« Vous avez toute mon attention. » glissa-t-il, captivé.

Les bras croisés sur son ventre, c'est à peine s'il remarqua qu'on retirait la hache du volet où elle s'était figée. Toute l'inquiétude qu'elle avait su faire naître chez lui venait de s'envoler, il savait qu'il n'allait pas mourir ce soir-là, point besoin de se faire du souci. Le bourreau attacha nonchalamment l'arme à son ceinturon, et poursuivit :

« As-tu déjà tué, Bonaventura ? Des êtres humains, pas de animaux. Il parait que les voleurs aux mains sales n'accordent plus la moindre importance au sang qui pourrait couler dessus. Parce qu'ils n'arrivent plus à le distinguer. Fais-tu partie de ceux-là ? »

Il Napoletano resta silencieux pendant un temps, songeant qu'il était peut-être peu judicieux de confesser un meurtre – voire plus – au bourreau de Sa Majesté.

« Je prends ce qui me plaît, quand il me plaît, comme il me plaît. Nul homme ne peut vivre ainsi sans marcher sur une montagne de cadavres. » puis, voyant que son sauveur attendait de lui un peu plus de précisions, il ajouta : « Je n'ai recours au meurtre que lorsqu'il s'impose, mais il est vrai que j'ai cessé de compter mes victimes depuis bien longtemps. »

Un doute l'assaillit : venait-on le recruter comme assassin ? Il avait fait ses preuves dans ce domaine, mais il était loin de surpasser d'autres qui maniaient la dague ou le poison – ou bien la hache – avec deux fois plus de dextérité qu'il n'en avait. Agile, il l'était. Fourbe, il l'était. Meurtrier, il aurait préféré ne pas avoir à l'être, mais de deux maux on choisit le moindre : entre tuer et être tué, le dilemme n'était pas bien difficile. Certains racontent que l'on n'oublie jamais son premier meurtre, Arturo l'avait longtemps cru lui-même. Les années passant, le nom de sa toute première victime avait fini par disparaître, puis le souvenir de son visage l'avait suivi, et tous les détails sordides de ce premier homicide s'étaient effacés les uns après les autres. À près de quarante ans, il ne parvenait pas à se remémorer d'un temps où il n'aurait pas eu de sang sur les mains. Sa mère, après tout, n'était elle pas morte de l'avoir mis au monde ?
Richard lui semblait être son contraire : il fallait des nerfs d'acier pour trancher les têtes de tous ceux qu'il plût à Sa Majesté de voir morts, lui y trouvait vraisemblablement son bonheur. Non, vraiment, il ne s'intéressait pas à lui pour ses capacités de tueur, il l'avait bien fait comprendre. C'était un voleur qu'il voulait, un voleur et un escroc. Un manipulateur, un homme qui change d'identité comme on changerait de chemise. Et de surcroît, un homme qui aimait cela.

« Mais j'imagine que le sang sur mes mains est le cadet de vos soucis, car il y en a moins que sur les vôtres, m'a-t-on dit. »

Il baissa les yeux sur les mains en question. Des mains larges, un peu calleuses mais rien de bien étonnant pour un individu de sa trempe qui devait jouer de la hache aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle. Arturo les avait un peu moins rugueuses, malgré quelques brûlures et égratignures qu'il héritait de petites escapades quotidiennes, quand il se devait de grimper, se faufiler et se cacher pour mener à bien ses méfaits. Il se devait de ne pas trop les user s'il voulait pouvoir continuer à tromper son monde. Les cicatrices et les marques, si elles plaisaient à certains qui croyaient ainsi démontrer leur bravoure, étaient de piètres menteuses ; Arturo ne pouvait prétendre être quelqu'un qu'il n'était pas si ces dernières criaient la vérité au moindre paysan qui aurait l'intelligence de regarder où il fallait regarder. Le bourreau, de toute évidence, faisait peu de cas de ces frivolités.
Reprenant un peu d'aisance, l'italien s'écarta du mur qui le soutenait jusqu'alors et se réjouit intérieurement de ce brusque regain de vigueur. Il se tenait enfin debout et droit, cette ignoble blessure à la tête ne le tourmentait plus – si ce n'est pour le côté esthétique, il espérait au moins qu'elle ne laisserait pas trop de trâce de son passage et que Louise, aussitôt qu'il irait la voir cette nuit, pourrait l'aider à recoudre la plaie. D'un pas soudainement assuré, il contourna son interlocuteur pour s'avancer dans la ruelle. Au sol, au milieu d'une flaque d'un rouge presque noir, gisait la dague qui lui avait échappé des mains plus tôt dans la soirée, quand Georges s'était rué sur lui. Il considéra la lame maculée d'un sang qu'elle n'avait pas versé, puis se pencha pour la ramasser. Son esprit vagabonda un instant, imaginant que le petit frère, avec sa jambe presque arrachée, avait désormais rendu son dernier souffle. Georges devait être furieux, nul doute qu'il l'en tiendrait tout autant responsable que l'homme qui avait véritablement planté sa hache dans cette cuisse si familière. Il essuya consciencieusement la lame puis la rangea dans le fourreau qu'il cachait sous son vêtement.

« Souhaitez-vous m'engager à tout hasard ? Parlez sans détour, je vous écoute. »




HRP : Je m'excuse aussi du temps que ça m'a pris ^^' Et comme tu auras pu le constater, il m'arrive de glisser un peu d'italien dans mon texte donc au cas où, "L'acqua cheta rovina i ponti" c'est un peu l'équivalent italien de "Il faut se méfier de l'eau qui dort".
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