Dime con quién andas, y te diré quién eres
« Paloma, apprends à te tenir correctement dans le Palais. Toi aussi, un jour, tu serviras la famille royale. Tu dois faire honneur à ton père et à moi. »
La mère de Paloma prononçait ces mots en français avec une extrême dureté. Sa mère était en effet française mais s'était bien pliée aux us et coutumes espagnoles. Elle n'avait que 10 ans et ne pouvait en rien décider de son destin. Il était écrit. Elle servira un membre de la famille royale, tout comme sa mère servait la Reine.
Pour tout dire, cela ne l'inquiétait pas trop. Son éducation a été stricte et elle s'était faite à l'idée. Paloma n'était pas une enfant difficile, elle écoutait et faisait ce qu'on lui disait de faire. Elle avait cependant beaucoup de caractère ce qui craignait sa mère. La jeune fille savait se taire quand il le fallait, mais avait beaucoup, et peut être même trop de répartie. Elle ne supportait pas d'être mise en porte-à-faux ou d'avoir tort. Et quand on est destinée à servir l'Infante d'Espagne, ce n'est pas forcément l'idéal.
C'est à l'âge de 15 ans que Paloma Morales entra au service de Marie-Thérèse, fille du Roi Philippe IV d'Espagne et de son épouse, la reine Elisabeth qui était française.
Tout était austère dans le Palais de l'Escurial mais cela rassurait Paloma. Elle aimait que tout soit en ordre, que tout soit prévu. Sa vie était ainsi.
Quant à la femme qu'elle servait, Marie-Thérèse, Paloma n'en faisait pas vraiment de cas. Elle était simple camériste et était loin d'imaginer le destin qui l'attendait.
Paloma a d'abord mis du temps à s'adapter à sa nouvelle vie. Elle ne faisait plus vraiment ce qu'elle voulait, elle avait de nouveaux vêtements qui lui étaient imposés. Les horaires étaient stricts et elle ne voyait pas souvent la fin de sa journée. Interdiction de parler, d'adresser la parole à Marie-Thérèse. Cela n'a pas été facile au début, Paloma rêvait d'autre chose, elle aspirait à une autre vie, et cela ne l'a jamais quitté. Elle trouvait sa condition injuste et se trouvait bien trop belle pour être une simple femme de chambre.
Ce n'est qu'en voyant l'Infante d'Espagne au plus bas après le décès de Miléna de Cortès qu'elle se prit d'amitié pour elle. Elle ne sait pas ce qui s'est réellement passé ce jour-là mais ne supporte pas de voir la femme qu'elle sert avec fidélité dans un pareil état. C'est à ce moment là que les deux femmes se mirent à se parler ce qui marqua le début d'une grande amitié. Avec des mots simples, Paloma avait pu faire retrouver le sourire à la future Reine de France. Elle n'avait pourtant pas fait grand chose, elle avait pris le temps d'écouter Marie-Thérèse, d'être une oreille attentive, ce que toute personne a besoin au final. Elle aimait ces moments privilégiés où elles étaient seules et pouvaient rire des heures de tout et de rien. Marie-Thérèse n'était pas comme les autres, elle n'était peut être pas née avec le bon rang.
Paloma Morales est depuis, toujours liée à Marie-Thérèse et ne peut s'en défaire.
C'est en 1660 que la vie des deux femmes pris un nouveau tournant. Marie-Thérèse devant épouser le roi de France, Louis XIV. Cela signifiait que Paloma allait devoir quitter l'Espagne et accompagner sa jeune maîtresse dans une vie qu'elle ne connaissait pas.
En una hora, se come el pan de la boda.
1660 – Madrid
Paloma Morales se tourne une dernière fois vers le Palais de l'Escurial. Sa mère et son père se trouvent sur le côté pour dire au revoir à la nouvelle Reine de France. Paloma, elle ne regarde pas ses parents. Marie-Thérèse lui a demandé de la suivre, elle n'a pas pu refuser, n'étant pas mariée. Et, elle ne veut pas laisser sa nouvelle Reine seule là bas, à la cour de France que l'on dit redoutable. Beaucoup de nobles parlent et Paloma a appris à les écouter. Il se dit à Madrid que la cour de France est un lieu de débauche sans nom et où les vices règnent plus que la vertu. Paloma a été élevée dans une foi catholique proche du fanatisme et ne s'imagine pas vivre en France.
L'on dit même que le Roi de France, Louis XIV, se fait construire un Palais en plein milieu des marécages.
Bien que triste, elle a pourtant une idée en tête. Elle espère trouver un homme riche, qui fera d'elle sa femme et l'épousera. Après tout, elle est encore jeune et il paraît que tout n'est pas aussi strict …
Les premiers jours ne sont ,en effet, pas évidents. Le roi n'a au final pas grand chose à faire de la reine et Paloma est donc là pour la soutenir. Paloma a du mal à se faire à la cour de France. Il y a beaucoup de soirées, beaucoup de rencontres mais elle finit par se faire une raison et jouer le jeu. Elle n'a qu'une idée en tête : Protéger la Reine. Elle sera donc ses oreilles, ses yeux et ne laissera aucun noble de cette cour pleine de vices dire un mot de travers sur elle. Marie-Thérèse est certainement la personne la plus vertueuse dans ce nid de vipères. Vous me direz, ce n'est pas très compliqué.
Une année après la naissance du dauphin Louis, en 1662 Marie-Thérèse tomba à nouveau enceinte ce qui fit le bonheur de toute la maison de la reine ainsi que du royaume de France. Une petite fille fragile était née, Anne-Elisabeth. Jamais Paloma n'avait vu la reine aussi heureuse. Elle ne cessait de s'occuper de sa fille. Paloma prenait le relais lorsque celle-ci allait se reposer. L'enfant était calme mais pourtant malade. La jeune femme de chambre savait que le destin de l'enfant était scellé. Pourtant, la reine voulait y croire, alors elle ne lui disait rien et continuait à s'occuper de la petite princesse.
C'est au mois de décembre que le malheur tomba sur le couple royal. La petite venait de mourir. C'est Paloma qui entra dans les appartements de la reine pour lui annoncer la nouvelle. Elle n'eut pas à dire quoi que ce soit, Marie-Thérèse avait deviné.
Cette scène, Paloma s'en souviendra toute sa vie. Celle d'une mère qui court dans les couloirs du Palais, elle à sa suite. Celle d'une mère qui hurle de douleur en voyant que sa fille ne respire plus. Elle avait fait alors sortir tout le monde de la chambre et était restée seule en serrant sa reine contre elle et en priant Dieu de cesser cet acharnement. Bien maigre consolation en comparaison de la perte qu'elle était en train de vivre.
« No llores … Mi Reina … No llores … No llores ... »
Ne pleurez pas, c'est tout ce qu'elle était capable de lui dire. C'est très certainement à ce moment précis que Paloma cessa de croire en Dieu et pris la décision de vivre comme une vraie française le ferait. Désormais, elle aussi sera vicieuse, hautaine et n'accordera rien aux autres. Elle va vivre pour sa reine, et pour elle.
Paloma voit à nouveau la reine se morfondre et le chocolat et les paroles réconfortantes n'y font rien. Le Roi n'est pas celui que l'on imaginait en Espagne et la Reine n'est pas heureuse. Paloma va alors se retrouver témoin des amours de la Reine avec Hector de Valois. Jamais Paloma ira le dire à qui que ce soit. C'est elle qui menait Hector aux appartements de la Reine et qui était l'oreille de la Reine dans de tels moments. Marie-Thérèse refusait de s'offrir à lui, Paloma préférait ne rien dire de peur d'être accusée de trahison si cela était amené à se savoir. Pourtant elle ne voulait que le bonheur de sa Reine. La mort d'Hector a été terrible pour la reine mais une autre surprise arrivait et elle risquait bien de mettre la reine en danger. Elle était enceinte. Enceinte oui ! Mais de qui ? Marie-Thérèse ne cessait de confier ses doutes à sa femme de chambre. Paloma doutait fortement qu'en une nuit, Hector de Valois avait pu mettre enceinte la reine de France. Cela se verra avec le temps … Mais Paloma saura garder le secret.
De esperanza vive el hombre
Nous parlons beaucoup de la reine, mais Paloma a elle aussi des ambitions. Elle ne rêve que d'une chose : devenir noble elle aussi un jour. Et pour cela, elle a déjà des idées en tête. Etant discrète, elle a pu obtenir quelques informations dont elle espère se servir un jour. Elle n'en parle à personne, elle est tiraillée entre deux choses : sa liberté et son amitié avec la reine. Elle ne peut se résoudre à l'abandonner.
Elle a rencontré Victor d'Amboise il y a peu qui lui a demandé de donner des cours d'espagnol à ses enfants. Paloma a de suite accepté, cela la change. Elle ne connait pas beaucoup l'homme mais elle se méfie. Il semble beau parleur. Pourtant, elle commence à croire certaines de ses promesses, baissant peu à peu sa garde. La jeune femme de chambre est prête à tout pour changer sa condition, et le baron semble avoir compris quelque chose dans le caractère froid et déterminé de la jeune femme.
Froid et déterminé oui. Paloma n'a pas le sourire facile et n'aime pas parler pour ne rien dire. Elle est très pessimiste sur le monde qui l'entoure et pourtant a une estime de sa personnalité assez démesurée. Il est vrai qu'elle est intelligente pour une femme de chambre, elle a appris à lire avec sa mère, qui avait elle même appris en écoutant la leçon des enfants royaux. Elle ne supporte pas toutes ces courtisanes que l'on peut voir évoluer à Versailles et encore moins ces hommes qui leur font la cour. C'est son côté espagnol qui fait certainement cela mais elle préfère paraître pour une femme hautaine plutôt que pour une dévergondée.
La jeune femme a pourtant une amie avec qui elle rit. Oui, oui, ça lui arrive. Il s'agit d'Isabeau Lacassagne. A les voir on ne veut pas y croire tellement elles sont différentes et pourtant elles s'entendent à merveille ! Et elle a tellement de belles robes que Paloma ne peut que l'aimer.
La vie à Versailles suit aujourd'hui son cours. Paloma est lâchée depuis maintenant quelques années dans cette arène où elle a su faire sa place dans la maison de la reine. Tout le monde sait qu'elle répète tout ce qu'elle voit et entend à la reine. Pour le moment inoffensive viendra le jour où la rose va se servir de ses épines, et cela risque de faire mal ...