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 "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois

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MessageSujet: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime28.12.15 14:13


Capdebois, Claude François

Dorothée

(Gabriel Garcia Bernal)



37 ans ♔ Forgeron ♔ Champenois ♔
Célibataire ♔ Catholique romain ♔ Casanova réformé
♔ Sujet du Royaume ♔


« Les hommes intelligents ne peuvent être de bons maris, pour la bonne raison qu'ils ne se marient pas. »


Quelques questions de protocole ...  


♔ ÊTES (vous ?) PLUTÔT PARIS OU VERSAILLES ?

J’aimerais Paris si j’en avais l’expérience. Je me contente de me méfier de Versailles comme de la peste, tout en étant sous son charme depuis mon adolescence, car j’ai déjà goûté, quoiqu’imparfaitement, aux labyrinthes de la Cour. Mais j’aimerais certainement Paris pour ses promesses, qui ont le bon goût de ne pas être formulées d’une part, et de se réaliser d’autre part ; quant à Versailles, je sais trop bien qu’on y fait des serments comme on fait pousser des roses, pour les couper net d’un coup de sécateur sans états d’âme, l’instant d’après, pour les beaux yeux d’une altesse ou la bénédiction d’un cardinal. Je redoute Versailles, je fuis Versailles en pensée mais j’y retourne en actes, entraîné par son éternel tourbillon de lumière. Que suis-je ? Paris, que j’aimerais être, que je travaille à être ? Ou Versailles, que je crains d’être au fond, que je me découvre être souvent ? Je n’ai pas la réponse, et tout en la recherchant, j’ai peur de la trouver.

♔ CROYEZ VOUS AU COMPLOT ?

Je n’en serais pas si surpris, mais tant que je n’en ai pas les preuves, je m’interdis de colporter ces folies. Un complot est une chose sérieuse, une force. Avéré, c’est un ennemi public à combattre de toute son âme, ou c’est un sauveur envoyé au pays qui souffre, auquel on doit sacrifier sa vie au besoin. Mais en attendant, ce n’est jamais qu’un bruit. Et l’on ne devrait jamais douter de personnages dont l’échiquier politique nous échappe, dont les sacrifices personnels nous restent inconnus, sur la seule foi d’un bruit, qui n’est peut-être né de rien. Je me permets de juger cette attitude aussi sévèrement que je jugerais mon propre procès en sorcellerie, dût ce jour arriver. Donnez-moi des éléments concrets, et je prendrai pied dans cette guerre comme si elle avait toujours fait partie de ma vie – et en un sens, c’est le cas.

♔ VOUS SENTEZ VOUS PLUS COMME UNE DOUCE COLOMBE OU UNE GROSSE VIPÈRE ?

Je n’éprouve aucun plaisir malsain ou surtout addictif à répandre mon venin gratuitement, en revanche je n’hésiterais pas à discréditer une personne de mon entourage si j’y trouvais un intérêt concret, et particulièrement cet intérêt qui consiste à rétablir la justice. Et dans un tel cas, je dois dire que je puis déployer une certaine virtuosité.

Il faut croire que la calomnie est un art qui court dans les veines des marquis d’Abbas. Mon illustre père en a fait usage à mon encontre, à ce que je sais, car bien des portes se ferment devant moi et je vois mal qui d’autre aurait pris la peine d’en clore les verrous. Il avait d'ailleurs déjà coutume d'en faire ainsi par le passé. Après tout, il avait réclamé qu'on me traitât comme un manant lorsque j'étais en geôle, en sous-entendant que j'en étais le fils.

J’en ferais de même usage contre lui sans un instant de remords, si cela pouvait m’aider, du point de vue de ma carrière ou pour la simple satisfaction de me sentir vengé. Et cela s’applique à tous ceux qui auront le malheur de me le rappeler. Certes, notre livre saint proclame que vengeance n’est point justice ; mais j’y vois un paradoxe, une erreur des scribes, car notre Dieu, lui, est un Dieu juste et également vengeur, et notre justice n’est jamais que vengeance.

♔ QU'AVEZ VOUS A DIRE SUR LA GUERRE ?

En cinq lignes minimum, racontez où était votre personnage durant la guerre franco-lorraine. S'il était sur le front,  l'arrière, resté à Versailles ... et qu'y a t'il fait. Tout le monde fut concerné par la guerre (parent au front, morts, annonces dans Paris et ailleurs ...) et a tout de même eut un impact. ( ?)

Lors de cette guerre, j’étais sur les routes avec mon compagnon, ce même valet que je rossais autrefois pour une broutille en le surnommant Charleville ou L’Ardennais, et qui porte aujourd’hui à égalité avec moi son titre de Charles Ardent. Nous nous efforcions de payer notre voyage en effectuant de petits travaux de forge, réparations et autres services, auprès des relais de poste qui nous rapprochaient de la capitale. Comme si ce n’était pas assez de tracas en soi, un hôtelier criminel tâcha de nous assassiner dans notre sommeil, sans nul doute pour nous dérober notre maigre pécule ; c’était sans compter avec mon insomnie. Le misérable rendit l’âme pendu à sa propre lucarne.

En fouillant sa cave, le guet dénicha quelques effets et crânes appartenant à d’autres voyageurs, ce qui nous innocenta et voua le mort aux gémonies. Son épouse nous maudit cependant ; nul doute que cette vourie était complice de la chose. Je l’épargnai, parce qu’elle était femme, et que je ne fais nul cas des superstitions. Ardent y est plus sensible que moi. Il courut se faire bénir à la première chapelle que nous croisâmes, et je me gaussai de lui sur quelques lieues après cela, le renommant Chapelle Ardente. Il finit par me faire remarquer à quel point il avait été inhumain de lui donner, des années durant, surtout quand nous étions enfants tous deux, un nom qui n’était pas le sien, et je cessai de lui rappeler par mes plaisanteries ces jours de souffrance. Durant tout ce trajet, nous reçûmes bien sûr des nouvelles d’autres voyageurs et priâmes pour les malheureux sujets aux affrontements – davantage pour les paysans dont on brûlait les fermes innocentes, que pour un Pape qui ne l’était sans doute guère, je dois l’avouer.

Je fus touché d’apprendre la capture d’un Prince de France, ce qui me fit sentir que j’étais toujours lié par le cœur à cette grande famille qu’est notre noblesse, et me réjouis d’apprendre mon pays victorieux, mais principalement parce que cela me donnait une occasion de festoyer avec les bonnes gens des faubourgs : je ne pouvais oublier la misère des malheureux que ma sœur chanoinesse tentait de consoler durant mon séjour. Je savais fort bien qu’il en était de même sur les terres de Lorraine. Tout cela me conforta dans mon intention de multiplier les exemplaires du Palmipède, et pour être tout à fait honnête avec vous, je réfléchis désormais à un modèle de guerre. Ce sera le travail de toute une vie, sans garantie de succès, mais cela en vaut la peine. Songez-y : une guerre entièrement mécanique, prompte et propre comme une mécanique peut l’être. Songez aux innocents épargnés. En ce domaine, j’ai totalement abdiqué les vaines fioritures féodales dont sont énamourés mes anciens semblables.

♔ QUELS SONT VOS LOISIRS ? AVEZ VOUS UN BUT PRÉCIS ?

Disons que ces derniers ans, mes loisirs ont été l’étude des sciences physiques, l’apprivoisement d’araignées et de rats, l’observation des mouvements des astres… et plus récemment, la mise au point d’un canot autopropulseur, l’expérimentation plus ou moins heureuse de ses divers prototypes, et la quête de fonds auprès des plus improbables soutiens que puisse receler le Royaume de France. J'aimerais également passer auprès d'un artisan parisien mon brevet de Maître Forgeron, tant qu'à faire ; Maître Capdebois, cela sonnerait assez décemment, et je pourrais ainsi à nouveau employer mon brave Charles avant qu'il soit lui-même en position de m'employer moi-même (ce sont là des taquineries, nous n'y plaçons aucun orgueil excessif.)

Avant cela, j’aimais séduire les demoiselles, mais non pas les attirer dans mon lit. Je suis un chasseur qui dédaigne la mise à mort. J’ai toujours aimé le frisson de l’escrime, je suppose que je l’aimerais toujours, si j’avais l’occasion de la pratiquer sans échouer au fond d’une geôle – je me le suis juré, plus jamais, plutôt mourir... Enfin, l’on m’affirme qu’il est de merveilleux interprètes à découvrir sur les scènes de nos théâtres et de nos opéras, je compte bien faire leur connaissance. J’ai besoin de sortir. J’ai besoin d’air et de liberté.

J’ai besoin de contacts, mais je suis un amoureux de l’humanité qui a vu son amour déçu, et qui joue désormais les prudes par rancune. Je suis un aigri, qui a déjà usé trop de ses neuf vies. Je regrette mon idéalisme, et j’ai peur du mal qu’il me fera certainement. Aussi les contacts que je tisse sont-ils généralement doux-amers, fondés sur des inimitiés communes, des hostilités consenties, bref, jamais l’amour fou ; je reste malgré moi sur la défensive. Et pourtant, vous le sentirez certainement, votre seule humanité suffit à me passionner.


Derrière le masque ...
♔ Ted ♔ 30 ans ♔ Présence : 7/7 sauf accident
Code : Bontemps a raison
♔ Comment avez-vous connu le forum ? – L’un des premiers à s’afficher sur Google, mes félicitations. Ainsi que pour ce fait notable : dans quelques jours, votre forum entrera dans l'année de ses dix ans. J'espère être parmi vous au moment de souffler les bougies.
♔ Quelque chose à dire? – J’ai craqué. Une semaine sans nouvelles, c’était trop dur pour moi. Si j’ai fait une bêtise, ma foi, j’en serai le seul puni… avec le pauvre diable qui aura parcouru mes écrits pour des nèfles.
Autre chose : c'est assez old school et votre règlement ne le requiert pas, mais à tout hasard, je puis vous confier mes inspirations, du moins celles qui furent conscientes : le chevalier de Fronsac, une pointe de Bergerac, un soupçon de Monte-Cristo bien sûr, du Chicot de Monsoreau, La Fayette selon Dréville, la Bête selon Disney mais aussi Cocteau bien sûr ; les bésicles de ce cher docteur Maturin... et naturellement, ce pauvre marquis Jouffroy d'Abbans, qui a bel et bien existé, quoique dans un siècle ultérieur.




Dernière édition par Claude Capdebois le 29.12.15 23:04, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime28.12.15 14:13


Mémoires du Grand Siècle

~Nothing will ever change, even if I cry blood
For even when alive, his heart was already cold.~

« Claude François ! »
« Chers messieurs… une chose m’échappe. Quel plaisir pouvez-vous bien concevoir de la présence d’un marquis en vos murs, si c’est précisément pour le traiter comme s’il n’en était pas un ? »
« On répond Présent, Claude François ! »

Bah, peu importe. C’était un dialogue de sourds qu’il tenait là avec la garde de sa prison de Sainte Marguerite, laquelle arpentait à grand renfort de bruits de bottes les allées de pierre aux voûtes humides, comme si elle espérait encore l’impressionner à ce stade avancé de leur relation. Dialogue qui lui rappelait beaucoup, d’ailleurs, un autre dialogue tenu jadis en compagnie de son noble père.

« Vous savez que je puis vous offrir les meilleurs précepteurs, mon jeune ami, alors faites votre choix : l’escrime, l’équitation, la musique, la danse, ou encore le latin… Que souhaitez-vous étudier ? »
« La médecine, mon père. »


Tout ça pour se retrouver, six mois plus tard, inscrit au couvent des dominicains en qualité de pensionnaire, avec principalement des cours de latin. C’était bien la peine de poser la question d’une manière si fleurie, si c’était pour haïr sa réponse. L’enfant étudia cependant avec une bonne volonté qui faisait l’admiration de ses professeurs, et suppléait à l’absence de tout talent ; néanmoins, il n’était pas heureux. Tout gamin qu’il fut, cet environnement manquait de femmes à son goût, et il écrivait chaque jour à sa tendre mère combien elle et Marie-Elisabeth, sa douce sœur aînée, lui manquaient.

Il commença par de bénignes fugues, orchestrées avec grand soin et rarement découvertes, pour visiter une petite lavandière voisine ; puis il se tourna vers les amitiés troubles de jeunes adolescents beaux comme des Madones de Leonardo, ce dont il causait avec une égale confiance dans ses courriers à Madame sa mère. Celle-ci intercéda pour que l’on sauvât enfin son héritier de ces périls, et c’est ainsi qu’il entra pour la première fois, à l’âge de treize ans, en le palais de Versailles pour y être présenté. Il entra comme page au service d’une princesse, et n’eût été sa mort prématurée, en serait certainement tombé platoniquement amoureux. C’était l’espoir de sa mère, afin qu’il accueille par la suite avec bienveillance la proposition d’une jeune fiancée qui évoquerait de semblables charmes, une sorte de lot de consolation. Il y était disposé, sa nature romantique ne demandait à vrai dire que de se complaire dans une telle illusion. Il n’en eut pas le temps.

« Sont-ce là les belles manières que vous nous ramenez de Versailles ? Des larmes de fillette et des plaintes à ma table ? »
« Père, je vous prierai de respecter mon deuil ! »


Le soufflet fit moins mal que le regard méprisant qui l’accompagnait. L’expression désormais fermée du jeune Claude vint s’ajouter à la galerie des proies mortes qui s’alignaient au long des couloirs de pierre froide, fixant le vide de leurs grands yeux de verre. Sa sœur était entrée au couvent à son tour pour parfaire son éducation, et sans doute se laisserait-elle bientôt marier à quelque godelureau sans âme, ce dont Claude se sentait jaloux par avance. Morose et mal luné, il se contenta de seller son cheval sans un mot lorsqu’on l’envoya rejoindre le régiment de Bourbon, où lui était offert le poste de lieutenant. Le comte d’Artois, qui l’avait côtoyé à Versailles, s’était souvenu de lui et souhaitait le prendre sous son aile, l’estimant prometteur.

Il reconnut à peine le jeune échalas taciturne et traîne-la-patte qui lui revint de sa province, mais en quelques semaines d’entraînement militaire, de beuveries et de chansons, il le remit sur pied. Mal lui en prit ; Claude n’avait aucune indulgence pour les figures paternelles de substitution, bien au contraire, il n’aspirait qu’à les défier, et à les battre sur leur propre terrain. Le temps passant, le garçon suivit son protecteur au-delà des manœuvres et de la stratégie : il le supplanta même un temps dans le lit de sa maîtresse du moment, à laquelle le comte n’accordait en réalité aucune espèce d’attention sentimentale, mais à laquelle il tenait comme on tient à un bon chien de meute. Lorsqu’il apprit cette incartade, sa colère fut terrible. Sans se démonter, Claude essuya ses remontrances et y répondit par une provocation en duel. C’était le test ultime de sa valeur en tant qu’adulte, et égal des grands de ce monde qui l’avaient jusqu’à présent traité en enfant sage. Le comte hésita, craignant de le tuer, mais n’eut d’autre choix que de relever le gant.

Finalement, tous deux, l’un inhibé par son affection, l’autre désespérément inexpérimenté, s’en tirèrent avec de vilaines écorchures et furent emmenés par les médecins de la troupe. Mais le bruit en courut aussitôt. La riposte du pouvoir fut vive et cinglante : l’embastillement, immédiat et sans date d’échéance, et le renoncement à tout espoir de carrière militaire. Ses deux seules satisfactions, alors qu’on le conduisait sous bonne escorte à travers le pays de France, en direction de l’île de Sainte-Marguerite où il serait incarcéré, furent d’imaginer son père furieux de cette nouvelle déception qui couronnait toutes les autres, et sa sœur trouvant la paix au couvent, où elle avait choisi de demeurer pour le restant de ses jours. Ils s’écriraient beaucoup, de cellule à cellule, comme ils s’étaient jadis consolés, de chambre à chambre, par de douces chansons échangées, lorsqu’ils étaient punis.

« Claude François ! »
« Présent. »


Le pas traînant du garde s’avança jusqu’à la grille, suivi du cliquetis du chariot. L’œil morne du jeune marquis s’alluma d’une lueur d’intérêt prudent, pas de quoi le faire lever de son banc, cela dit ; mais pour son plus grand plaisir, il avait vu juste. Un paquet déchiré passa le rempart de piliers métalliques, et s’avança vers son visage où se peignait, malgré lui, un large sourire d’enfant. Le titre de l'ouvrage annonçait un traité de médecine.
« Ta sœur t’a encore envoyé de la lecture. »

Les années passèrent ainsi, et avec elles, les efforts de ses nobles parents pour reconnaître publiquement leur parenté ; cependant, à sa sortie, Claude avait une toute nouvelle destination en vue, et éprouvait à vrai dire un soulagement sans mélange à se tourner vers de parfaits inconnus, au lieu d’affronter une nouvelle fois la galerie d’ancêtres au grand complet qui l’attendait « à la maison ».

Il gagna Londres, et se rendit au siège de la toute nouvelle Royal Society, dont il avait parcouru avec avidité les publications. Il avait quelque chose à leur annoncer, et il espérait que cela les intéresserait ; ce fut la dernière fois, dans sa vie, qu’il fit aveuglément confiance à la nature humaine pour reconnaître ses mérites et lui offrir une place, où il se sente sincèrement le bienvenu. Il déploya les plans dessinés dans sa cellule, qui montraient avec quelle avidité – celle du désespoir – il avait observé le passage des galères sous ses fenêtres, et laissé s’imprimer dans son âme d’enfant surprotégé l’horreur du labeur humain forcé, ainsi que la nécessité qu’un esprit intelligent s’attelle à y mettre fin pour toujours.

Boyle prit la parole le premier, dans un silence atterré, et lui déclara qu’il vaudrait mieux détruire ces plans par le feu avant d’y plonger lui-même. Et il ne parlait pas de l’inquisition. Il parlait de ce qui risquait de l’attendre au-delà. Son Palmipède était propulsé par une force aux manifestations démoniaques ; les rames articulées autodépliantes fleuraient les charmes trompeurs de l’antéchrist à vingt lieues, et surtout l’idée de suppléer à une souffrance humaine qui était infligée aux pécheurs n’avait rien de bien chrétien, quoiqu’il en dise. Sur ce point, catholiques, protestants et sans-Dieu s’avouèrent réconciliés. Sa machine infernale ne devait point remplacer les galères royales, il en allait de bien des principes, et avant toute chose, de la souveraineté de la justice sur une société civilisée.

C’est donc Gros-Jean comme devant que notre rescapé de Sainte-Marguerite s’en revint en pays de France. Le laquais qui l’avait fidèlement suivi dans ses aventures, et avait miraculeusement réchappé des pestilences de la geôle, lui souffla tout bas que c’était tant mieux. Il n’avait pas osé critiquer ses décisions auparavant, mais à présent, il pouvait bien le dire : c’était folie que de livrer à des Anglais les prémices d’un projet qui pouvait devenir machine de guerre. L’argument pesait son poids, et Claude grava la leçon en son âme au feu de cette cuisante déception ; elle ne s’en effacerait plus jamais. Il s’en alla donc dans l’Est du pays saluer sa bonne sœur Elisabeth, désormais chanoinesse d’une belle abbaye où il se savait toujours le bienvenu… et en termes plus que chrétiennement bons, en tout bien tout honneur naturellement, avec l’abbesse de ces dames.

« Eh bien, il y a un chaudronnier qui vient parfois, un compagnon : un nommé Baumois La Vertu… il me semble qu’il a une forge. Une petite, bien sûr, mais nous pourrions le convaincre. Il serait heureux de se prêter à l’expérience, pour l’amour de nous. »
« C’est heureux, car je n’ai guère plus sonnant à lui proposer. »
« Croyez-vous, cher Claude ? Nos dames ont sondé leurs entourages, et levé une petite fortune qui vous est toute dédiée, avec leurs compliments. A une seule condition : que vous en usiez de la manière avisée et désintéressée que nous vous connaissons. »


Le soleil brillait, comme jamais il n’avait brillé depuis l’entrée du jeune marquis en prison, lorsqu’il atteignit la surface et reprit une goulée d’air salvatrice, déployant ses poumons compressés par le poids de l’eau glacée comme les ailes d’un phénix. Ce fut une seconde naissance. Il riait comme un damné lorsque Charles et Baumois le sortirent du bassin, eux-mêmes jurant de dépit et tremblants de froid. Le prototype gisait au fond de la pièce d’eau trouble, pour la plus grande surprise des poissons et autres batraciens, mais il avait navigué sur quelques mètres, et cette sensation avait transporté son créateur sur des sommets d’euphorie inégalés, car c’était la sensation de la liberté, d’être maître de soi, d’avoir ouvert sa propre voie. Il pouvait désormais mourir, comme il le déclara inconsidérément à sa sœur alors qu’elle le soignait ; une fluxion de poitrine n’était rien en regard de la fierté qu’il avait reconquise, et qu’il ne devait à aucun privilège de naissance.

Bien qu’on le considérât dès lors comme un parfait inconscient, à surveiller en toute occasion, on s’accorda également pour le décrire comme bien plus agréable à vivre ; il n’était plus le fantôme d’un vieillard aigri, mais celui d’un jeune fou autodestructeur. Ses démons n’étaient cependant pas écartés, et refaisaient surface à chaque occasion, notamment à chaque mention de son père. Mais il avait désormais en lui une force capable de les combattre, et de les mettre à terre pour un temps. Il redoubla de travail, et alla jusqu’à participer à la vie de l’abbaye en soignant malades et blessés qui affluaient de la campagne voisine, exerçant la vile tâche de barbier auprès des miséreux qui avaient besoin d’une saignée. Sa sœur lui accorda ce caprice en constatant la recrudescence de la foi chez ces désespérés, lorsqu’ils apprenaient le rang de celui qui s’abaissait à les secourir, tel un Christ venu leur laver les pieds.

D’autres autorités, en revanche, décidèrent que c’était la dernière fois que leur héritier montrait tant d’ingratitude envers son héritage. Un lointain cousin, qui avait le bon goût d’être marié et père et de tenir son rang, eut le plaisir d’apprendre qu’il était désormais l’unique bénéficiaire du testament du vieux marquis d’Abbas. Cependant, il n’y avait eu aucun enterrement : Claude François Dorothée était mort au monde sans l’avoir quitté. C’était la dernière condition nécessaire à sa renaissance effective. Son cher associé Baumois le décora d’un nom affectueux, comme il en était l’usage parmi les compagnons du devoir, lorsqu’un maître adoptait un apprenti : Capdebois, par quoi il entendait « tête de pioche », éternel obstiné. Et le soir, en buvant un coup autour du feu, ils plaisantaient sur l’époque où les grands navires à vapeur, qu’on nommerait les capdebois, remonteraient sans effort d’homme ou de bête les rivières des cinq continents, pour y porter le progrès et la civilisation. Mais pour cela, bien sûr, il fallait mener au moins un prototype au stade fonctionnel. Et il fallait obtenir de la couronne le privilège de lancer la production.

Cette fois, il allait peut-être mourir. Il passa la nuit à gratter fiévreusement le papier d’une plume enragée. Un jour, quelqu’un trouverait ce plan : un véritable navire, en effet. Cinquante mètres de long, et un nom digne de son usage guerrier – éventuel uniquement, mais il tenait à ce que son œuvre soit aussi universelle que possible – le Pyroscaphe. C’est l’esprit en paix qu’il se mit en route à l’aube pour les rives où les bonnes gens de la campagne, prévenues à la messe précédente, s’étaient rassemblées. Le Palmipède, modeste et décoré uniquement de ses rivets, l’attendait, semi-immergé parmi les roseaux qui chantaient à voix douce dans un restant de brume. Charles fit un pas en avant pour monter à bord à ses côtés, mais il l’arrêta : si les choses tournaient mal, il resterait l’un des seuls témoins ayant véritablement compris son entreprise et ses implications.

Cette fois, il s’embarquait sur la rivière, et ce serait, probablement, la victoire ou la mort. Incrédule, le sang battant à ses tempes, il prit peu à peu conscience que ce ne serait pas la mort. Il remontait la rivière et à chaque tournant, d’autres miséreux ajoutaient leurs mains noires, d’autres clameurs en patois couronnaient sa réussite. Le Palmipède remontait le courant, sans effort humain, sans effort animal, sans entraîner dans son sillage la moindre souffrance. Enfin, Claude se sentait l’esprit libre. Il poursuivit son avancée tant que le petit vaisseau voulut bien le porter, et lorsque la vapeur faiblit, il reprit pied à terre en héros, sous les acclamations – et quelques huées contenant le mot redouté de « sorcellerie ». Mais ce n’était plus si effrayant : après tout, l’heure était venue de quitter la campagne et d’aller quêter l’autorisation de monopole à la capitale. Et là-bas, sous le rayonnement de Versailles, les gens ne pourraient être si bornés, n’est-ce pas ?
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Philippe d'Orléans


Philippe d'Orléans

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Il a été brisé, piétiné et maintenant celui qui était à mes côtés est devenu mon ennemi. Quelle cruelle destinée !
Côté Lit: Le lit de mon palais est si confortable et accueillant !
Discours royal:



ADMIN TRAVESTIE
Monsieur fait très Madame

Âge : 27 ans
Titre : Prince de France, Monsieur le frère du Roi, Duc d'Orléans, de Chartres, d'Anjou, seigneur de Montargis
Missives : 10014
Date d'inscription : 03/01/2007


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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime30.12.15 22:39

Bonsoir !

Vu que je suis seule dans le staff, je n'ai pas eu de retour du staff pour ton personnage, il fallait attendre avant de t'inscrire, ça aurait été plus sympa. Et il faudra patienter encore, le forum se déserte de ses admins, merci les vacances et fêtes de fin d'année Green

Désolée de l'attente !
Bonne soirée !
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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime30.12.15 22:52

Bonsoir ! Navré d'apprendre que votre Altesse ne s'est pas sentie au mieux de sa forme, j'espère que l'année qui vient arrangera les choses.

Quant à attendre, je puis vous affirmer, me connaissant, que si je l'avais fait, je serais déjà en train de jouer un autre personnage ailleurs et ne supporterais plus l'angoisse de visiter chaque jour ici un sujet à l'abandon. Surtout pour un embryon dont l'existence même est encore floue. Désormais, je me suis construit une bonne raison de revenir. Les fins d'année sont difficiles pour tout le monde, comme Monseigneur s'en doute Wink

J'ai toutefois mis un point d'honneur à mettre en application, de la manière la plus radicale qui m'a été possible, tous les conseils que vous m'aviez dispensés. Et comme je l'ai dit, s'il y a des conséquences négatives, ce sera un moindre mal que j'accepterai sans broncher. Tout est un moindre mal comparé à la démotivation.
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Paris de Longueville


Paris de Longueville

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Côté Coeur: Une servante de ma connaissance...
Côté Lit: la servante sus-citée l'a déserté, profitez-en!
Discours royal:



ADMIN BIZUT
Phoebus
ৎ Prince des plaisirs

Âge : 20ans
Titre : Prince de Neuchâtel
Missives : 4041
Date d'inscription : 12/01/2010


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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime31.12.15 11:06

Bonjour Claude, et bienvenue sur ATV Smile

Je te réponds de mon téléphone et de mon travail, afin de ne pas trop te faire attendre: en effet, ton dernier message n'est pas très agréable à lire... Désolé de Lisa il n'était peut-être pas méchant, mais je ne l'ai pas très bien pris :/

Je comprends tout à fait ton impatience, ton envie de rédiger, de jouer, etc... Mais comprends également que nous sommes en périodes de vacances et pas de simples petites vacances, mais des vacances familiales, avec un week-end prolongé pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir des congés... Wink
Je n'allais pas dire à ma famille "je vous laisse, je dois aller m'occuper de mon forum!" ...je les vois trois fois par an, je profite un peu, je suis sur les forums toute l'année

mais ce qui m'a le plus titillée, c'est l'idée du sujet à l'abandon...
On est en vacances, tu as du voir que nous passions très rapidement sur les autres sujets d'invités, attendre 3 jours n'est pas considérer un sujet comme à l'abandon! Suspect faut pas être trop pressé, surtout quand un admin te fait patienter en t'expliquant la situation actuelle... Désolé de Lisa

Si attendre trois jours en période de fin d'année te semble un enfer, euh....ne continue pas le RPG, car tu n'aura pas toujours de réponse à tes rp dans la journée! Razz


Bref... Passée cette petite mise au point polie, on va repartir sur le bon pied. Clin d'Oeil (et puis j'ai faim, là, alors je prends les choses à coeur...Razz )
Je comptais reprendre mes activités rpgiques ce week-end, donc je regarderai ta proposition de personnage demain ou après-demain selon ma gueule de bois Wink

J'espère qu'il n'y a pas d'erreur sur la Fronde sinon je serais obligée de sévir What a Face

À très vite....et merci de ta patience pour ces quelques heures supplémentaires Wink
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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime31.12.15 13:54

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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime11.01.16 18:02

Bonjour,
Je souhaite abandonner ce projet de personnage et supprimer mon compte.
Merci !
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Amy of Leeds


Amy of Leeds

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Mère enfin apaisée et femme comblée mais pour combien de temps encore ?
Côté Lit: Le Soleil s'y couche à ses côtés.
Discours royal:



♠ ADMIRÉE ADMIN ♠
Here comes the Royal Mistress

Âge : A l'aube de sa vingt septième année
Titre : Favorite royale, comtesse of Leeds et duchesse de Guyenne
Missives : 7252
Date d'inscription : 10/09/2006


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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime12.01.16 12:05

Bonjour Claude,

Nous regrettons cette décision mais si c'est ce que tu souhaites ... Désolé de Lisa

Bonne continuation !
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MessageSujet: Re: "Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois   "Au brasier du passé, forger un avenir."  Claude Capdebois Icon_minitime

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"Au brasier du passé, forger un avenir." Claude Capdebois
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