Invité
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| Sujet: Les voyages forment la jeunesse et parfois même des mariages ... (Lettre unique à Léandre) 16.01.14 23:02 | |
| Paris, 15 avril 1667, Cher monsieur de Vallombreuse,
Dois je vous gronder ? Nous nous étions promis d'échanger quelques lettres, mais à ce jour nulle missive ne m'est parvenue de vous ! Mais néanmoins, je ne vous ferai aucun reproche, je n'en ai pas l'envie. Je n'ignore pas que vous êtes magnifique de bravoure sur le champ de bataille et que le roi ne tarit pas d'éloges sur vous. Vous devez être si occupé, et votre cœur doit être si lourd face à ce spectacle de désolation ! Comme je le comprends ce cœur meurtri, ce cœur qui ne peut consoler ces autres qui battent encore dans la poitrine des blessés et des mutilés. Comment aurais-je le cœur à vous faire la moindre critique tandis que je suis encore si loin de tout ce bourbier ? Moi qui ne vis pas ces temps de misère depuis plusieurs mois, j'en serai bien impolie, et bien ingrate lorsque je sais que vous défendez nos frontières avec autant d'ardeur. Ne voyez donc dans ma première interpellation qu'une frustration, due simplement à l'affection, voire à l'amitié que je vous porte. J'attends si impatiemment de vos nouvelles. Nous nous sommes rencontrés deux fois certes, mais ce sont là des rencontres que l'on oublie pas. Ainsi, j'en viens à espérer de toute mon âme de vous revoir bientôt. Lorsque cette lettre vous parviendra, je serai déjà certainement en route pour le front où je devrais arriver dans quelques jours. Que viens je y faire, allez-vous me dire ? Je dois vous paraître bien stupide ou pire très écervelée à entreprendre ce voyage. Quand on a pas de tête, il faut avoir des jambes dit le proverbe et a contrario c’est cruellement fatiguant d’être intelligent, il faudra que j'essaye un jour, mais ni aujourd'hui, ni demain. Comment pourrais je rester à Paris à ne rien faire, sans aider les autres ? Même si mon rôle se cantonne à faire sourire un mourant par une boutade de comédienne ou à l'aider à écrire quelques phrases pour sa famille, j'aurai au moins cette sensation de me rendre utile !
Rassurez-vous malgré tout, je ne serai pas seule, mon père m'accompagne. Un père que j'aie retrouvé, il y a si peu de temps alors que je ne l'espérais plus. Dieu doit me juger bien coupable d'être aussi heureuse, de croquer la vie à pleines dents, quand le pays est aux portes de l'abîme, mais si vous connaissiez les tourments que j'aie dû endurer ... Je ne vous les détaillerai pas, car je ne veux pas me montrer égoïste. Jugez simplement de l'allégresse qu'une jeune femme peut ressentir au fond d'elle lorsqu'elle est séparée de son père pendant presque dix ans ! Je voudrais qu'aujourd'hui vous fussiez aussi comblé que moi, mais que dis je vous, vous devriez arrêter de sourire. J'vous promets; ça devient vraiment malsain. Vous la joie incarnée ! Pardonnez-moi monsieur je vous taquine sévèrement je l'avoue! Mais il me semble avoir assez de bonheur pour vous le transmettre, vous qui ne souriez justement jamais, vous toujours si grave, si austère. Comme j'aimerai apprendre à vous connaître. Peut-être, le pourrais je dans peu de temps donc ? Sachez que mon père meurt d'ailleurs d'envie de vous remercier en personne pour m'avoir sauvée de si fâcheuse posture, le jour de l'an. Ses occupations de banquier qui vont se limiter à verser de l'argent à l'armée, devrait faire qu'il se présentera à vous sous peu après notre arrivée. J'espère que sa visite ne vous importunera pas, je ne suis pas certaine de pouvoir l'accompagner à ce moment là, si je suis au chevet des malades. Je m'en excuse par avance mais je ne doute pas que nous saurons trouvé un moment pour parler. Nos emplois du temps bien que chargés devraient nous le permettre.
Espérons le ainsi,
A très bientôt, cher monsieur de Vallombreuse,
Que Dieu vous garde,
Avec toute mon amitié,
La Belle Iole. |
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