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| Le Soleil ne le sait pas [PV. Gabriel de La Reynie] | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Le Soleil ne le sait pas [PV. Gabriel de La Reynie] 27.01.16 13:29 | |
| Comme une prière du matin, Jean-Baptiste Lully se répétait les mêmes mots en gagnant le Saint des Saints, où il rendrait ses premiers hommages à son souverain. A chaque domestique qu’il croisait, à chaque ministre ou magistrat né comme lui dans le ruisseau, il se redisait cette litanie qui tenait en un seul sentiment, mais aurait pu se décliner en mille discours, tous plus lyriques, plus enflammés les uns que les autres.
Cet exercice mental le ramenait dans les dispositions qui convenaient à la royale entrevue. Il entrait au palais comme un dévergondé à peine réveillé d’une nuit mouvementée ; et il arrivait au terme des couloirs, des antichambres et des salles dans l’état d’esprit d’un adepte venu rendre grâces à l’esprit suprême qui régnait sur sa vie. Et pour volontaire qu’il soit, l’exercice était sincère ; il ne pouvait, sans sentir s’emballer son cœur, croiser un portier, un laquais, une femme de chambre, sans louer le Ciel – auquel il ne croyait guère, et ne plaçait guère que le destin qui avait mis son roi sur le trône – d’être né en cet âge, et d’en comprendre la portée.
« Mon crime n’est pas mon crime, il est le crime de Louis, l’enfant roi, car c’est lui qui m’a créé, qui s’est créé pour son divin bon plaisir cette armée de jouets qui changera la face de ce monde. Oui, toi qui rampes pour survivre de miettes, ton fils peut un jour être à ma place. Ton fils malade de misère, s’il ne connaît le destin de mon frère, peut connaître le mien ; oui, même ton fils aux traits aigus de Sarrasin égaré, même ton fils fluet aux mains trop fines, incapable de couper du bois correctement, et qui se fait rosser, sans que personne ne songe à intervenir, par les autres palefreniers pleurant de rire, parce qu’il a regardé trop longtemps un beau seigneur qui passe. Même celui-là.
Mon crime est celui de Louis : afficher sur la place publique, au plus ensoleillé de cette place prestigieuse, que même celui-là peut un jour avoir l’oreille du Roi. Mon Dieu, quel rêve : il suffit d’avoir du talent. Pour être reconnu, il suffit d’être le meilleur. Nous entrons dans une ère nouvelle, mon frère, un nouveau monde plus vaste et plus fertile que toutes les Amériques. Et comme le Grec sorti de la Caverne, une fois ce monde découvert, nous ne voudrons plus jamais le quitter ; et si l’on nous y force, nous ne pourrons jamais l’oublier, et la nostalgie lancinante nous y ramènera toujours. »
Alors, une musique de triomphe éperdue de vénération et solennelle comme une procession antique s’élevait dans son âme, tandis qu’il présentait ses respects à Louis du plus gracieux air qui soit. Et il quittait ensuite la salle plein d’une douce euphorie, car il était rare que le monarque n’ait un mot aimable concernant une création passée, ou un mot exigeant concernant une création à venir, ces deux possibilités amenant aussitôt un sourire confiant et déterminé sur la physionomie méditerranéenne du compositeur. Une telle entrevue ne pouvait mal se dérouler que si Louis manifestait une préoccupation douloureuse, et même en ce cas, Lully savait que sa présence fidèle et la promesse de ses compositions déridait toujours un peu le royal front, chassant une partie des nuages qui le tourmentaient.
Ce jour-là, tout s’était passé à merveille, et c’était sur un petit nuage parfaitement immaculé que le musicien quittait le chevet du roi, lorsqu’il aperçut au détour du couloir une silhouette connue sinon familière, et néanmoins pas exactement bienvenue, qui s’avançait dans la direction opposée, c’est-à-dire, s’apprêtait à le croiser. Un salut était de mise. Il n’eut pas à se creuser la tête bien longtemps ; quoique courtisan jusqu'au bout des ongles, Lully était connu pour son caractère entier. Il n'était le chien que d'un seul maître.
« Monsieur le Lieutenant Général… Mais vous êtes d’une pâleur, mon cher ! Il ne faudrait pas que votre santé ait à souffrir de vos activités nocturnes, le royaume a trop besoin de vous. »
Il taquinait ainsi volontiers ceux qui ne se doraient pas aussi aisément que lui à l’éclat du moindre rayon de soleil, quoique la roseur délicate des dames de porcelaine soit davantage prisée du tout un chacun ; les rimeurs des faubourgs le décoraient du surnom d’Héliotrope ; il préférait traiter ce défaut comme une qualité que de s’en plaindre. Ici, en revanche, il avait une idée derrière la tête, mais il comptait poser ses jalons petit à petit, sans brusquer sa stratégie.
« Vous me faites penser… Allons bon, qui était-ce… Mais pardon, je ne veux pas vous retenir dans l’exercice de votre devoir. »
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| | | Gabriel N. de la Reynie
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!Discours royal:
Justicier en chef La perfection au masculin
► Âge : 41
► Titre : seigneur de la Reynie, lieutenant général de police
► Missives : 260
► Date d'inscription : 26/10/2012
| Sujet: Re: Le Soleil ne le sait pas [PV. Gabriel de La Reynie] 07.02.16 0:57 | |
| - Spoiler:
Voilà, je t'ai répondu plus tard que prévu mais je t'ai répondu quand même ^^. Je n'ai pas beaucoup avancé dans l'intrigue mais j'ai cru sentir que tu avais ton idée, donc je te laisse foncer avant d'aller plus loin. Passer la nuit à travailler n'avait jamais été un problème pour le lieutenant de police. Il trouvait toujours la nuit plus productive et plus propice à la réflexion vu que personne ne venait le déranger par de nouvelles plaintes ou revendications. Il arrivait parfois à Gabriel, lorsqu'il rentrait seul d'un dîner ou d'un bal, de retourner au Châtelet pour recommencer à travailler. Souvent, il retrouvait son fils endormi dans son bureau, après s'être servit du passage entre les bâtiments officiels et le logement privé des la Reynie.
Aussi cette nuit ne semblait pas différente des autres, excepté qu'il était satisfait: lorsque la nuit avait débutée, son équipe avait effectuée un beau coup de filet: des faussaires avaient organiser un trafic de fausse monnaie dans Paris et Gabriel se félicitait d'y avoir mis bon ordre rapidement: il avait déjà suffisamment à faire ces derniers temps pour ne pas avoir en plus à s'occuper d'une affaire pareille. Il avait tué ce commerce dans l'oeuf avant même que cela ne pose un problème éventuel dans la ville et ne contrarie le roi. Heureux de son succès, il avait emprisonné les bandits, emmener ses hommes à la taverne afin de leur servir à boire et, finalement, fait appeler un carrosse afin de le conduire à Versailles: il voulait avertir Colbert que, grâce à ses services efficaces, une sombre affaire particulièrement pénible avait été arrêtée avant même de voir le jour. Le lieutenant de police aimait faire savoir au ministre que son service de police était une véritable avancée et réellement utile pour la population.
Gabriel avait donc terminé sa nuit dans un carrosse à presser le cocher car il voulait arriver avant que débute les activités prévues par le protocole afin que Colbert ne soit pas encore trop occupé pour le recevoir. Étant donné l'avancée du lever du soleil, ce n'était pas gagné. Le Soleil de Versailles n'allait pas tarder à ouvrir les yeux pour darder les courtisans de ses rayons, rendant les membres de la Cour plus difficiles à atteindre étant donné leurs obligations journalières. Et ce que Gabriel redoutait se produisit: il arriva en plein pendant la cérémonie du Grand Lever durant laquelle Colbert était déjà occupé. Pestant contre le temps qu'il allait perdre à devoir attendre pour faire son rapport alors qu'il pourrait être chez lui, à faire une toilette rapide avant de reprendre le travail, le lieutenant de police fit bonne figure et ordonna à un valet de faire prévenir le ministre de sa visite et de lui faire apporter une collation en attendant. Tout en se restaurant, le lieutenant observa la faune alentour.*Curieuse chose qu'un courtisan, pensa-t-il tout en les analysant, ils se plaisent à mener la ville la plus futile possible sachant que cela ne leur permettra jamais d'espérer autre chose.* - Monsieur le Lieutenant Général… Mais vous êtes d’une pâleur, mon cher ! Il ne faudrait pas que votre santé ait à souffrir de vos activités nocturnes, le royaume a trop besoin de vous.Sortant brusquement de sa rêverie, Gabriel vit apparaître devant lui un énergumène aussi coloré que sa voix.- Monsieur Lully, c'est très aimable à vous de surveiller ma santé mais, si je passais mes nuits à ne suivre que mon bon plaisir, le roi n'aurait aucune raison d'avoir besoin de moi.Le lieutenant avait été un peu plus sec que ce qu'il aurait voulu mais, connaissant le compositeur de la Cour, il trouvait qu'il avait tout de même un sacré toupet de lui faire une réflexion sur sa vie nocturne. Néanmoins, ce n'était pas là une raison suffisante pour perdre son calme face au turbulent personnage.*Diable, serait-il possible que la fatigue ait raison de moi? J'espère qu'il ne me faudra pas y remédier trop rapidement, je n'ai pas le temps en ce moment!* Pourtant, Lully n'était pas qu'une relation de Cour, il était également une relation de travail. Comme il s'en souvenait de cette première rencontre au Lion d'Or - probablement la taverne la plus malfamée de Paris. Il avait déjà remarqué que l'Italien était suffisamment impertinent pour le taquiner alors qu'il n'était pas exactement en position de force face au lieutenant de police, qu'il lui était même - oserait-il seulement le lui rappeler - redevable. - Vous me faites penser… Allons bon, qui était-ce… Mais pardon, je ne veux pas vous retenir dans l’exercice de votre devoir.Aucun doute là-dessus, il avait la ferme intention de le faire tourner en bourrique. Gabriel n'aimait pas perdre son temps avec ce genre d'enfantillages. Mais il n'avait aucune raison polie de pouvoir y échapper. Où était donc Colbert? Décidément, le ministre n'était jamais là lorsqu'on avait même besoin de lui, même si la raison pouvait sembler dérisoire. Aussi, le lieutenant de police prit son air professionnel mais sans oublier de rester sur ses gardes:- Allons, j'ai bien un petit instant à vous accorder, si toutefois le jeu en vaut la chandelle. Si vous avez réellement quelque chose d'utile à partager avec moi, vous avez toute mon attention monsieur Lully.Le seigneur de la Reynie devait admettre qu'il était tout de même très intrigué: c'était la première fois qu'il croisait le compositeur sans que celui-ci ne soit dans une position compromettante pour lui ou que son honneur ne soit perdu. Il ne tenait qu'à Gabriel pour que la réputation du musicien ne soit définitivement entachée. Le voir jouer sur le fil comme il le faisait amusait beaucoup le lieutenant de police et - il devait bien l'avouer - il se demandait jusqu'où il était capable d'aller dans une situation contraire à son intérêt. L'Italien était joueur? Gabriel avait la prétention de penser qu'il était capable de répondre. Ah, il était moins fier le soir où il l'avait surpris au Lion d'Or. Tout en l'écoutant, Gabriel rassemblait successivement ses souvenirs de cette première entrevue, au combien mémorable. *Amuse-toi donc, bonhomme, mais surtout ne fais pas l'erreur d'oublier que je te tiens dans le creux de ma main et que je peux te détruire à l'instant où je te trouverais déplaisant. |
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