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| La guerre est aussi une affaire de couple | |
| Auteur | Message |
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Matthias de Calenberg
► Âge : 30
► Titre : Prince de Calenberg, duc de Hanovre
► Missives : 96
► Date d'inscription : 24/12/2012
| Sujet: La guerre est aussi une affaire de couple 28.03.14 18:56 | |
| Certains diront qu'à Nancy, on y crève d'ennui. Ces gens là ne savaient tout simplement pas s'occuper. Du moins telle était la philosophie de Matthias, lui ne connaissait pas l'ennui car il avait toujours à faire, peu capable de se reposer. Ses journées, rythmées à la minute près, plus précis qu'un anglais ou le roi de France, ne laissait pas de place à se dire qu'il n'y avait rien à faire à Nancy : le matin se découpait entre un petit-déjeuner, la lecture du courrier et la réponse aux missives les plus urgentes, puis rencontrer son frère et autres germaniques avec qui, après quelques banalités d'usage sur le temps et la famille, ils parlaient politique et guerre, le sujet interminable de ce voyage à Nancy. Quand il lui restait un peu de temps, le prince ne disait pas non à une promenade, ou aller saluer sa femme, tout dépendait où il se trouvait. Oui, Matthias ne hiérarchisait pas la priorité entre son épouse et une balade au grand air, ne cherchez pas à le comprendre. Puis après une collation, Matthias reprenait son courrier pour répondre à quelques autres lettres, et se mettait à écrire. Pas de lettre, mais continuait ses critiques littéraires qu'il se plaisait à envoyer à Vienne où il savait sa réflexion appréciée, et en faisait souvent une copie pour son ami Racine, à qui il ne pouvait pas envoyer de courrier en temps de guerre. Cela ne durait jamais bien longtemps, et se poursuivait par une réunion de stratégie pour la prochaine bataille. Oui, tous les jours, parfois seul lorsque ses acolytes étaient occupés à autre chose. Puis le soir, après le dîner, c'était mondanités et retourner dans sa chambre pour un peu de lecture. Rythmé à la minute, vous dis-je. On pourrait penser à une maniaquerie, ou alors une excentricité que le prince de Calenberg faisait, tout comme son manque de politesse, qui était surtout dû à une incompréhension du protocole, mais c'était en partie à cause de son éducation : enfant très intelligent, on lui donnait toujours plus d'études, de choses à apprendre et de précepteurs, chaque jour à une heure précise. Son enfance avait toujours été réglée, et Matthias n'avait jamais perdu cette habitude, même aujourd'hui qu'il endossait la trentaine, et cela durerait sans doute pour très longtemps.
En cette belle journée de mai, rien ne dérogeait à la règle : le déjeuner, le courrier, les discussions. Comme toujours, il retrouvait souvent les mêmes têtes, en particulier son parrain, le duc de Brandebourg, un quadragénaire généralement joyeux, mais qui avait perdu de sa superbe depuis la maladie de son épouse, et semblait bien défaitiste :
Qu'il me tarde de retourner à Berlin, mon cher Matthias. Au rythme où nous allons, ce n'est qu'une question de temps. lança le duc, en soupirant. Mais nous disposons assez d'armées, il n'est question que d'une bonne stratégie pour … Matthias, que vous ai-je appris ? coupa Frédéric-Guillaume, avec un regard plein de sens. A toujours observer, et ne pas rester dans mes retranchements. Regardez moi. Que voyez vous ? Vous avez mauvaise mine, cher parrain. Vous devriez mieux dormir et boire des tisanes le soir.
Frédéric-Guillaume eut quand même le cœur à rire, un peu jaune et peu longtemps certes, mais Matthias n'avait pas ce sens commun qu'on les autres à l'empathie, il s'arrêtait souvent aux faits et s'intéressait peu à la psychologie des gens, sauf dans les romans. Brandebourg posa une main sur l'épaule de son filleul et secoua la tête :
Mon épouse se meurt, voici vingt années que je suis uni à elle. Vous comprendrez un jour … enfin j'espère. Courage. en guise de compassion, il lui tapota la main, puis sortit sa montre de sa poche. Je dois vous laisser, je vais aller me promener.
Et le voici à quitter son parrain pour respecter un horaire fixe dans sa journée. Frédéric-Guillaume ne lui en tint pas rigueur, il connaissait le caractère du prince. Matthias eut l'idée de proposer à son épouse une promenade, cela alliait ses deux occupations pré-collation. Malheureusement, Maryse était déjà sortie et le prince se résolut à se promener seul, sans que cela ne le gêne véritablement. Puis la collation, encore le courrier, quelques lignes de critiques d'un poète allemand, puis il déplia une carte du duché de Lorraine, annotées par endroit par ses soins. Sans doute avait-il oublié que cela lui avait été gentiment prêté par les proches du duc de Lorraine, mais passons, il leur dira qu'il n'a fait qu'apporter des éléments constructifs pour une prochaine fois, rien n'était perdu.
La Lorraine avait l'ambition de battre ces foutus français aux alentours de Neufchâteau, une ville encore à cheval sur l'époque médiéval et la Renaissance, avec quelques fortifications restantes et un terrain propice au combat. Il ne restait qu'à trouver le moyen de créer la surprise pour la bataille, afin de rendre la monnaie de leur pièce après l'attaque surprise à Verdun. Ayant pris quelques notes, ou plutôt dirons nous cinq pages pleines, Matthias tenta quelques stratégies de terrain, sans trouver la bonne solution, notant inlassablement, traçant des traits sur la carte sans aucune gêne, parlant parfois à voix basse et étalant sa paperasserie un peu partout. Un bruit de petits coups sur la porte se fit entendre, puis la tête d'un valet passa dans la pièce, observant le prince qui n'avait pas relevé les yeux de son travers.
Monsieur … Madame la princesse voudrait vous voir. Pourquoi ? demanda t'il, sans lever la tête mais on voyait nettement ses sourcils se froncer Je … je ne sais pas, madame ne m'a rien dit. C'est quand même une base. Faites la entrer.
S'il n'était pas à cheval sur la politesse envers autrui, une vague notion, Matthias avait un sens aigu de l'étiquette quand cela lui était dû. Ponctuel à l'extrême, à la recherche du personnel parfait qui fasse son travail jusqu'au bout, et qu'on vienne pour un motif quand il est dans son heure de réflexion stratégique. Heureusement, le prince de Calenberg n'était pas totalement un goujat, il avait appris – ou du moins on le lui avait expliqué – à être un peu plus attentionné avec son épouse. Sans être un amoureux transi, il avait au moins le mérite de s'arrêter un instant son travail pour saluer Maryse qui venait de faire son entrée, et aller jusqu'à elle pour lui faire un baise-main. C'était déjà beaucoup.
Bonjour madame. Je ne m'attendais pas à vous voir, c'est ce qu'on appelle une surprise. il esquissa un sourire, puis hésita à retourner derrière son bureau pour continuer le travail, avant de décider mentalement de faire un moment de conversation. Je vous ai cherché ce matin à onze heures, je voulais vous proposer une promenade mais vous étiez déjà partie, mais votre servante n'a pas voulu me dire où. Les domestiques ne sont plus ce qu'ils étaient tout de même.
Les Calenberg n'était pas vraiment un couple franchement assorti, Maryse était aussi joyeuse et spontanée que Matthias était … disons le, coincé et raide comme un piquet, elle avait ce côté gaffeuse alors qu'il mesurait ses gestes, elle aimait les mondanités alors qu'il y traînait les pieds … la liste pouvait être longue à dire vrai, mais pourtant, cela fonctionnait bien, ils étaient polis et sympathiques l'un envers l'autre, un mariage de convenance globalement réussi. Pour couronner le temps, toujours selon les conventions, il ne leur manquait qu'un enfant. Mais imaginer Matthias père, c'était comme espérer le voir danser la polka, assez invraisemblable !
Que me vaut l'honneur de votre visite ? Vous venez m'espionner ? lança t'il pour faire un brin d'humour.
Oui, il s'y mettait, surtout depuis qu'il traînait un peu trop avec le Wittelsbach, il fallait suivre le second degré, et Calenberg s'y était mis par défaut. S'il savait … |
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Invité
| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 05.06.14 20:16 | |
| Les mois passaient et se ressemblaient tous. Plus ou moins. Les stratèges se réunissaient quotidiennement pour élaborer de nouveaux plans. Les femmes se promenaient dans les couloirs du palais ducal et cherchaient de quoi se changer les idées. Parfois, un bal avait lieu et c'était l'occasion de s'amuser un peu et de faire comme si la guerre n'avait pas lieu. Pourtant, même si les premiers jours avaient été profondément ennuyeux, Maryse n'avaient désormais plus une minute à elle. Ses journées n'étaient pas très organisées, contrairement à celles de son mari qui avait un emploi du temps réglé au millimètre près. La princesse de Calenberg n'aimait pas vivre toujours la même chose, jour après jour. Aussi ne prévoyait-elle jamais rien. Jamais, vraiment ? Non, elle prévoyait parfois ses rencontres avec Christine de Listenois, collègue espionne. Les deux jeunes femmes avaient en effet accès à des documents secrets se révélant fort intéressants pour le roi de France. Certains diraient que c'était de la trahison. Mais Maryse ne voyait pas les choses de la même manière, ce qui ne l'empêchait pas de cacher ses activités à Matthias. Ce-dernier savait que lorsqu'ils vivaient à Versailles, elle espionnait pour Louis XIV, mais il lui avait demandé de ne plus pratiquer cette activité, maintenant que l'empereur de Matthias était en guerre contre le roi de Maryse. Elle lui en avait fait la promesse, mais ne l'avait pas respectée. C'était mal. Très mal. Mais Maryse priait tous les jours pour s'en faire pardonner. Toujours est-il que, à part cette activité secrète, Maryse menait ses journées comme bon lui semblait, allant parfois faire une promenade ou s'installant à son secrétaire pour écrire une lettre (généralement une lettre pour son amie Elisabeth d'Alençon). Mais il y avait une chose qu'elle faisait tous les jours, et toujours à la même heure : une promenade avec Matthias. A vrai dire, ça l'agaçait légèrement parfois, ce rendez-vous prévu et pas du tout spontané. Mais la jeune femme faisait des efforts pour établir une harmonie dans son couple. Elle sentait bien que Matthias de Calenberg en faisait de même, ce qui semblait parfois lui coûter. Aussi la jeune femme prenait-elle son mal et patience et acceptait d'être un horaire dans l'emploi du temps de son époux. Elle faisait ainsi en sorte d'être toujours présente lorsqu'il venait la chercher pour faire une promenade, dans les jardins du palais ducal ou dans les rues de Nancy. Généralement, cette promenade se déroulait juste avant le repas du midi, et Maryse se doutait bien que cet horaire avait été fixé par son époux parce que cela lui était plus pratique (et non parce qu'il avait absolument besoin de voir sa femme pour passer une bonne journée).
Mais en ce jour, Maryse oublia la promenade avec Matthias. Oui, elle l'oublia, tout simplement. La jeune femme avait découvert, dans la matinée, que l'italienne Sofia Farnèse était présente à Nancy, et les chuchotements qui se faisaient entendre sur le passage de l'Italienne ne laissaient rien augurer de bon. La princesse de Calenberg avait donc employé sa matinée à essayer de savoir ce qui était arrivé à la jeune femme, et les nouvelles n'étaient pas réjouissantes. L'Italienne avait perdu tout honneur dans une situation fort fâcheuse, et Maryse fut choquée de la voir débarquer à Nancy, après un passage sur ses terres italiennes. Pourquoi n'était-elle pas restée là-bas ? La princesse d'Empire se promit d'en parler dans sa prochaine lettre à Elisabeth. Vraiment, certaines personnes n'avaient aucune dignité. Il fallait espérer que l'Italienne se soit confessée, même si cela ne pouvait absoudre tous ses péchés, c'était la moindre des choses à faire. Toutes ces considérations (et ces commérages, osons le dire), firent perdre toute notion du temps à Maryse. Lorsqu'elle réalisa qu'il était l'heure de sa promenade avec Matthias, elle quitta ses compagnes de potins pour retrouver ses appartements, mais croisa Christine de Listenois sur le chemin. Sa collègue espionne avait des informations à lui donner quant à une nouvelle bataille que souhaiterait mener la Lorraine. Elle avait découvert certains éléments dans les affaires du duc de Lorraine, mais il lui manquait des détails (comme le lieu de la bataille, par exemple). Maryse promit à son amie de chercher des informations de son côté. La promenade avec Matthias serait une bonne occasion de lui soutirer des détails, l'air de rien. Mais lorsque la jeune femme parvint à ses appartements, il était déjà trop tard.
La duchesse de Hanovre découvrit sa femme de chambre qui s'employait à ranger ses robes. “Monsieur de Calenberg est venu vous chercher, pour faire une promenade. -Il y a longtemps ? -Il y a cinq minutes. Il est venu à la même heure que d'habitude, à la seconde près, si je puis dire.” La femme de chambre avait le sourire aux lèvres, ce qui amusa Maryse. “Il ne supporterait pas que je le rejoigne maintenant. Tant pis, j'irai lui rendre visite plus tard dans la journée.” Maryse réfléchissait tout haut, se demandant quel serait le meilleur moment pour rejoindre Matthias. Après réflexion, elle décida d'aller le voir une heure et demie après la collation qu'il prendrait à la même heure que d'habitude. Elle connaissait l'emploi du temps de Matthias par coeur. Malgré le côté agaçant qu'une telle précision dans les horaires pouvait avoir, cela permettait à la jeune femme de savoir ce que son époux faisait à chaque moment de la journée. Elle savait qu'après une collation, Matthias traitait une partie de son courrier, avant de se plonger dans un livre, ou d'écrire lui-même. Et après cela... Après cela, Matthias réfléchissait à une stratégie pour la guerre. C'était le moment parfait pour le rejoindre. Elle pourrait jeter un coup d'oeil sur les cartes qu'il utilisait, et pourrait retirer quelques informations en faisant la conversation.
Elle occupa son temps comme elle le put, puis quand le bon moment fut arrivé, la jeune femme se dirigea vers les appartements de son époux. Un valet l'accueillit, vaguement blasé, comme si le caractère et la droiture de son maître avaient déteint sur lui. “Monsieur est occupé, il ne reçoit pas à cette heure de la journée. -Oh mais je suis sûre qu'il accepterait de recevoir son épouse. -Vraiment, madame, il est occupé, il ne souhaite pas être dérangé. -Peut-être faudrait-il lui demander s'il souhaite me voir et le laisser décider.” Le ton de Maryse laissait percevoir son agacement. Un valet pouvait-il vraiment l'empêcher de voir Matthias ? Elle était la princesse de Calenberg, que diable ! Le valet entra dans la pièce, la laissant attendre à la porte. Lorsqu'il apparut de nouveau, il laissa la porte ouverte pour la laisser entrer. Maryse ne lui accorda aucun regard et alla rejoindre Matthias. Il porta la politesse jusqu'à lui faire un baise main, ce qui fit naître un sourire sur le visage de l'espionne. Son époux faisait des progrès, c'était agréable de le voir faire de tels efforts !
“Bonjour madame. Je ne m'attendais pas à vous voir, c'est ce qu'on appelle une surprise. -J'espère ne pas vous déranger. J'ai cru comprendre que vous étiez occupé, mais je souhaitais venir vous saluer.”
Maryse imaginait que Matthias retournerait à son bureau, lui laissant l'occasion de le suivre et d'approcher la carte qu'il étudiait, mais il resta près d'elle, semblant d'humeur à faire un minimum la conversation (ce qui était étonnant, de sa part).
“Je vous ai cherché ce matin à onze heures, je voulais vous proposer une promenade mais vous étiez déjà partie, mais votre servante n'a pas voulu me dire où. Les domestiques ne sont plus ce qu'ils étaient tout de même. -Je lui avais pourtant dit de vous prévenir si je ne revenais pas à l'heure pour notre promenade. Vous avez raison, on ne peut plus rien demander à ces domestiques. Maryse leva les yeux au ciel, faussement agacée par sa femme de chambre. A la vérité, cette dernière avait l'interdiction de dire à Matthias où se trouvait Maryse. En échange de son silence, la princesse de Calenberg donnait les robes qu'elle ne souhaitait plus porter à sa femme de chambre. Mais je dois avouer que c'est bien malgré moi que je n'ai pas pu être là lorsque vous êtes venu me chercher. J'ai été retenue par des commérages, une histoire affreusement honteuse qui se serait déroulée à Versailles, on ne parle que de cela dans les couloirs, mais je vais vous épargner les détails. Maryse trouva en effet inutile d'ennuyer Matthias avec l'histoire de Sofia di Parma, d'autant plus qu'il aurait été très gênant pour la jeune femme d'évoquer ce genre de péché devant son époux, elle en aurait rougi de honte ! Elle ne trouva pas non plus utile de lui parler de Christine de Listenois, préférant garder secrète leur conversation.”
Si le couple Calenberg ne semblait pas bien assorti, il n'en restait pas moins que Matthias et Maryse faisaient tout pour que tout se passe bien entre eux. Ils se traitaient l'un l'autre avec respect et apprenaient à se connaître. Loin du vieux mari sénile et pervers, Matthias était un homme agréable, bien qu'il manquât un peu d'humour et de second degrés.
Fort heureusement, Matthias ne sembla pas relever l'histoire des commérages (Maryse s'en était doutée, son mari ne prêtait aucun intérêt aux bruits de couloirs, et il n'avait sûrement aucune envie de parler de ce genre de choses avec son épouse).
“Que me vaut l'honneur de votre visite ? Vous venez m'espionner ?” Maryse lança un regard surpris sur son mari. Il tentait d'esquisser un mince sourire. Savait-il qu'elle espionnait toujours pour Louis XIV ? Avait-il appris que l'attaque surprise de Verdun était due en partie aux informations collectées par Maryse et Christine ? Non, ce n'était pas possible. Matthias était franc et honnête : il disait ce qu'il pensait, même si c'était blessant. S'il avait su ce qu'elle avait fait, il lui en aurait déjà parlé. Non, mais alors, plus étonnant encore, le prince de Calenberg faisait-il de l'humour ? C'était...incroyable. Appréciant l'effort qu'il faisait, Maryse décida d'entrer dans son jeu et de poursuivre avec le second degré. Enfin, dans son cas, c'était du premier degré, en fait. Mais Matthias n'était pas censé le savoir.
“Oui je viens effectivement vous espionner. Comment l'avez-vous deviné ?” Elle lui offrit un grand sourire pour lui montrer qu'elle blaguait. Son époux débutait dans l'art du second degré, il ne fallait pas qu'il prenne au sérieux ce qu'elle venait de dire. “Ah, c'est une blague, n'est-ce pas ? -Oui, bien sûr. Je ne vois pas pourquoi je viendrais vous espionner, si ce n'est pour vérifier que vous ne travaillez pas trop. Je suis venue pour vous présenter mes excuses concernant mon absence à l'heure de la promenade. Mais je vois que vous étiez occupé. Maryse lança un regard vers le bureau de Matthias, où reposait la carte sur laquelle il travaillait. Oh, je vois que vous étudiiez une carte. Puis-je la regarder avec vous ? J'aimerais tellement voir quelles sont les terres qui entourent Nancy. Je serais incapable de dire où nous nous trouvons. Je me trouve bien inculte.”
Matthias accepta à contre-coeur que son épouse s'approche du bureau. La jeune femme savait qu'il détestait être dérangé plus de cinq minutes durant son heure de réflexion stratégique, mais c'était le moment ou jamais de glaner quelques informations utiles. Elle lui posa une multitude de questions, mais feignit de n'être là que pour passer du temps avec lui.
“Et là, pourquoi avez-vous entouré Neufchâteau ? Je ne connais pas cette ville. […] Et là, qu'avez-vous écrit ? Que signifie cette expression que vous avez mise, là ? […] Oh mais vous dessinez bien, mais pourquoi ce dessin à cet endroit ?”
Au bout d'une heure, son mari devenant de plus en plus bougon (il avait déjà fait beaucoup d'efforts, il ne fallait pas lui en vouloir), Maryse décida qu'elle avait assez d'informations concernant la prochaine bataille. Elle quitta son époux pour vaquer à ses propres occupations, telles que s'entretenir avec Christine, par exemple. Elle retrouverait Matthias plus tard, dans la soirée.
Non, la vie à Nancy n'était pas de tout repos ! |
| | | Matthias de Calenberg
► Âge : 30
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► Missives : 96
► Date d'inscription : 24/12/2012
| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 15.12.14 16:36 | |
| Il faut avouer que Matthias ne s'y connaissait pas beaucoup au niveau de l'humour, il avait souvent du mal à le comprendre, voici pourquoi le prince allemand s'ennuyait dans les comédies de Molière, ou ne comprenait rien aux blagues spirituelles, notamment celles du Wittelsbach. Il avait décidé de faire des efforts, notamment grâce à son épouse qui se tenait devant elle. Le mariage devait bien servir à cela, non ? Enfin en plus de fonder une famille pour prospérer sa dynastie, bien sûr. Maryse était une jeune femme joviale et pleine de bonne volonté, cela était plaisant à voir, et Matthias devait bien avouer qu'elle insufflait une certaine touche de douceur et de bonne humeur dans son quotidien … même si là, il était entrain de travailler et n'aimait pas qu'on le dérange.
Oh, je vois que vous étudiiez une carte. Puis-je la regarder avec vous ? J'aimerais tellement voir quelles sont les terres qui entourent Nancy. Je serais incapable de dire où nous nous trouvons. Je me trouve bien inculte. C'est simple, nous sommes ici, où il est écrit Nancy, et il ajouta le geste à la parole en montrant Nancy au bout d'une règle. Les frontières de la Lorraine sont ici et, là, ce sont les batailles qui se sont déroulées.
Il montrait tout avec sa règle, histoire d'apprendre à sa femme quelques bases de cartographie. En général, il aimait être seul, ou à la rigueur discuter avec une autre personnalité avec qui établir des stratégies, mais passer son heure à expliquer à sa femme ne faisait pas partie de ses priorités. Puisqu'elle faisait des efforts, Calenberg décida pour une fois qu'il devait faire des efforts. Mais Maryse devenait de plus en plus envahissante, avec toutes des questions. Il répondit pourtant, avec un ton qui se voulait amical, mais au fil des questions, Matthias devenait un peu plus sec et tendu. Surtout que Maryse touchait à ses affaires, froissait un peu la carte. Il souffla, un peu trop fort pour la bienséance.
Ce dessin est pour indiquer que le terrain est impraticable pour la bataille … Vous n'avez pas une promenade ou autre avec quelques amies ? J'ai besoin de me concentrer. Il s'était montré un peu brutal mais il avait atteint ses limites de patience, et même au-delà. Maryse s'en allait vers la porte, quand Matthias l'interpella. Madame … merci … d'être venu.
Et il fit un petit sourire poli, puis Maryse quitta la pièce. Il ne pouvait vraiment pas lui en vouloir, c'était une bonne intention. Malgré tout, enfin seul, Matthias pouvait reprendre sa cartographie et ses rapports stratégiques qu'il rédigeait avec une minutie et un détail un peu trop précis, mais au moins il était satisfait du travail bien fait.
Puis la vie reprenait son cours à Nancy, dans un rythme quasiment immuable pour le prince de Calenberg, il aimait que tout soit précis et ponctuel. Entre ses promenades, ses écrits, correspondances et moments avec son épouse, Matthias avait des journées bien remplies ! Cela aurait pu continuer comme cela, facilement et sans gros soucis. Seulement voilà, pendant plusieurs jours, Maryse semblait plus distante, prise à diverses occupations. Au début, Matthias ne s'en formalisait pas, son épouse trouvait des occupations, elle passait beaucoup de temps avec quelques amies, semblait joyeuse et pleine d'énergie, ce qui était toujours plaisant, car Matthias n'était pas vraiment un joyeux luron, elle contrastait donc avec lui, c'était l'élément joyeux du couple, un bon équilibre. Seulement voilà, à force de délaisser l'époux, il en devenait bougon. S'il aimait bien les promenades en solitaire et ne pas toujours à avoir d'obligation de mari à honorer ! Mais tout de même, à force, c'était malpoli ! Oui, lui qui s'insurge de l'impolitesse d'autrui, c'était un comble ! Et puis vous savez, il y a toujours des racontards. C'était son parrain, le duc de Brandebourg qui vint le voir, un peu embarrassé mais n'osait rien dire.
Vous parlez peu, mon parrain, et vous êtes pâle. Malade peut être ? Si vous êtes constipé, j'ai un médecin qui … Non, Matthias, mon colon ne me fait pas souffrir, je suis tracassé à ton sujet. … pourra vous soigner. Il tenait à finir sa phrase. A mon sujet ? Non, moi, mon colon va bien. Arrête de parler de colon, ce n'est pas un problème de santé dont je veux te parler mais de ton épouse … et encore une fois, ce n'est pas de son colon ! Il prenait les devants, il connaissait son filleul à force. Maryse ? Pourquoi voulez vous en parler ? Je n'ai pas à me plaindre d'elle, bien au contraire. Sais-tu ce qu'elle fait de ses journées ? Oh, aller à la messe, parler avec mademoiselle de Listenois, avec d'autres dames, peut être broder ou jouer aux cartes, la charité … je n'ai pas son emploi du temps exact, j'ai assez à faire avec le mien. Mais elle est tellement occupée que j'ai bien du mal à la croiser. Ah … Brandebourg était un peu gêné. Je ne comprends pas. Matthias, je sais que tu n'écoutes pas les ragots, mais j'ai entendu plusieurs fois des choses sur ton épouse. Et puis je l'ai vu de mes yeux, à partager du temps avec un homme, à rire et se faire des confidences. Ce n'est pas son genre, mon parrain. Je te dis ce que j'ai vu, après chacun est libre d'interpréter.
Les deux hommes continuèrent leur promenade avant de se séparer. Dans la pièce lui servant de bureau, Matthias restait assis dans un fauteuil à réfléchir. Et il sentait une sensation en lui qu'il ne connaissait pas : le cœur serré, une certaine colère, tendu, c'était comme s'il ressentait … de la jalousie. Jaloux, lui ? Il vira cette idée de la tête, et se décida à reprendre ses correspondances, cela lui occupera l'esprit, de faire autre chose que de penser à des bêtises. Seulement voilà, il n'y arrivait pas, cela lui tournait dans la tête sans cesse. Qui était cet homme ? Que voulait-il à sa femme ? Il n'était pas contre que son épouse fréquente des hommes, mais dans un cadre strictement amical, pas pour la séduire ou pour faire des confidences ! Dans quel monde vit-on ? Non, clairement, il n'arrivait à rien et ronchonnait tout seul, tournait en rond dans son bureau. Vite, il fallait une solution rationnelle, plutôt que de se bouffer l'esprit. Matthias ne la trouva que le lendemain : une invitation en bonne et due forme d'un souper entre époux. Il l'invitait le soir même, et cela ne laissait pas la place à un refus. Au moins, en tête à tête, ils pourraient discuter calmement.
Ou non. Le soir, l'époux semblait un peu tendu et restait silencieux au début du repas, alors que Maryse badinait comme si de rien n'était. Froid et renfrogné, il passait plus son temps à décortiquer ce qu'il avait dans son assiette. Puis, sans crier gare, Matthias coupa son épouse en pleine conversation pour lui poser une question :
Dites moi, qui est cet homme avec qui vous passez beaucoup de temps ?
C'était clair au moins, il avait assez tourné autour du pot à jouer au bébé boudeur, il était temps de jouer carte sur table, et avant même de la laisser parler, il reprit.
Il paraît qu'il y a des ragots à votre sujet. Si mon parrain en vient à m'en parler, c'est que vous n'êtes pas discrète. Tout de même, vous avez une belle réputation de femme pieuse, vous ne pouvez pas partir dans des badinages avec un homme ! Et puis pensez à notre mariage, je ne peux pas tolérer cela.
Maryse tenta sans doute de l'arrêter mais il était lancé.
Ce n'est pas convenable pour une femme mariée d'aller faire des confidences à un homme, de rire avec et même plus. C'est si bas de votre part, je sais que je ne suis pas un homme des plus amusants, mais les liens du mariage tout de même !
Qu'on le fasse taire ! |
| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 17.01.15 20:14 | |
| Si les parents de Maryse avaient voulu lui trouver un époux à l'opposé de son caractère, ils n'auraient pas pu mieux trouver. Pourtant, en bonne épouse qu'elle se devait d'être, la jeune femme multipliait les petites attentions et faisait en sorte d'être l'épouse idéale. Si au début Matthias était toujours bougon et souriait peu, il s'ouvrait un peu plus davantage à sa femme, au plus grand plaisir de cette dernière qui le sentait plein de bonne volonté. Dans le bureau du duc de Hanovre, penchée sur l'immense carte des alentours de Nancy, l'espionne avait honte de trahir ainsi la confiance de son mari. Le mensonge était un péché, elle le savait bien, mais elle faisait cela pour la France, n'était-ce pas une bonne raison ? Peut-être pas. Mais pour se faire pardonner, elle priait tous les jours et assistait à l'office. Ces petits moments passés à côté de Matthias lui permettaient par ailleurs de se rapprocher de lui. Ce jour-ci, alors qu'elle lui posait une multitude de questions, lui demandant où se trouvait telle terre, et pourquoi il avait fait une croix à certains endroits sur la carte, Maryse trouva le prince de Calenberg attentionné, agréable, patient...
“Vous n'avez pas une promenade ou autre avec quelques amies ? J'ai besoin de me concentrer.”
Maryse recula de la table et tenta de lisser une partie de la carte qu'elle venait de froisser à cause de sa robe. Elle aurait voulu avoir une information supplémentaire, un point sur la carte qui lui semblait étrange, mais elle n'osa pas poser de question supplémentaire. Matthias semblait avoir atteint son quota de politesse. La jeune femme ne lui en voulait pas, il avait déjà beaucoup pris sur lui en l'acceptant dans son bureau alors qu'elle était venue à l'improviste.
“Il me semble que la marquise de Listenois voulait me voir aujourd'hui. J'ai déjà pris beaucoup trop de votre temps. Travaillez bien. Nullement vexée, bien qu'un peu déçue (il y avait tellement de choses qu'elle aurait voulu savoir !), elle se détourna pour rejoindre la porte lorsque Matthias, sur un ton d'excuse, lui lança : Madame … merci … d'être venue.” C'était une grande avancée pour Matthias ! Fière de lui, elle se retourna, lui sourit, puis sortit de la pièce.
Les jours passaient à Nancy, et la guerre se poursuivait, avec son lot de batailles, de morts, de survivants, de héros, de victoires et de défaites. Maryse y prenait part, dans l'ombre, en divulguant des informations au camp français. Si elle faisait toujours en sorte d'être disponible pour la promenade quotidienne de Matthias, (la vie de son époux était réglée à la minute près, ce qui ne plaisait pas vraiment à la jeune femme, mais elle faisait avec), il y eut une période où, la France préparant une bataille et ayant besoin d'informations régulièrement, elle ne put respecter cet engagement. L'espionne avait bien sûr des excuses toutes prêtes pour se faire excuser auprès de son mari : elle devait consoler une amie en peine, écrire à Elisabeth d'Alençon, faire des travaux de couture... La routine commençait néanmoins à l'accabler lorsqu'elle eut vent d'une bonne nouvelle : le comte de Gan était venu pour un court séjour à la cour de Nancy. Quelle joie de revoir son ami ! Le sachant très occupé, elle ne lui avait pas écrit de lettre depuis son arrivée à Nancy mais elle avait tellement de choses à lui raconter, et elle était certaine que lui venait avec des nouvelles toutes fraiches de Versailles. Trop heureuse, elle ne pouvait cacher sa joie lorsqu'elle était avec lui. Matthias n'avait rien à craindre, Cédric n'était qu'un ami, un ami très cher certes, mais pas plus. Comme il ne devait pas rester longtemps, elle lui accordait tout son temps (lorsqu'il n'était pas occupé par quelque mystérieuse affaire dont il avait le secret), ne se doutant pas un instant que le manque d'attention envers son mari rendait ce-dernier bougon. Comme il n'aimait pas être dérangé à l'improviste et aimait passer du temps à réfléchir, seul ou entre hommes, la jeune femme se disait que le temps qu'elle passait avec Cédric serait un peu de répit pour son époux. Maryse en était toute à sa joie qu'elle en oublia les règles de bonne conduite et ne se rendit pas compte que les courtisans observaient les deux amis.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir le valet de son mari lui livrer une lettre : une invitation à souper en compagnie de Matthias. Que lui valait-il cet honneur ? Le ton était sec, mais Maryse étant habituée à ce ton, n'en fut pas étonnée. Elle se demandait toutefois quelle raison avait pu pousser le prince de Hanovre à l'inviter ainsi. Ce souper n'était pas prévu dans son emploi du temps. Pourquoi Matthias bousculait-il ainsi ses habitudes et son emploi du temps ? Se disant que son époux faisait peut-être un effort incommensurable pour lui faire plaisir, la jeune femme enfila une robe particulièrement belle et s'apprêta de manière à être en beauté pour le remercier de cette invitation. Cela n'était pas vanité, non, c'était pour Matthias qu'elle faisait cela, en bonne épouse qu'elle était.
Manque de chance, Matthias de Calenberg ne semblait pas d'humeur à faire la conversation, au grand damn de Maryse qui n'aimait pas les silences pesants. La jeune femme en vint donc naturellement à parler pour deux. Elle sentait que son époux était d'humeur bougonne, il n'y avait qu'à voir la manière dont il coupait sa viande pour comprendre que quelque chose le tracassait. Se disant qu'il avait des soucis et que peut-être il avait recherché sa compagnie pour se divertir, la princesse d'Empire décida de détendre l'atmosphère en racontant les ragots que lui avait dits Cédric.
“On raconte que les mignons de Monsieur font n'importe quoi à Saint Cloud. Imaginez donc la tête du prince lorsqu'il reviendra ! Ses cygnes sont maltraités par les mignons qui profitent de l'absence du maître des lieux pour faire tout ce dont ils n'ont pas le droit. On m'a dit aussi que...” Contre toute attente, Matthias la coupa dans son phrase, et ce qu'il dit n'avait rien à voir avec les cygnes de Monsieur.
“Dites moi, qui est cet homme avec qui vous passez beaucoup de temps ?” Maryse quitta des yeux son assiette pour regarder son époux. Ce qu'elle vit sur son visage n'était pas pour la rassurer. Il semblait fâché. “Je ne... Une nouvelle fois, il ne la laissa pas finir sa phrase. -Il paraît qu'il y a des ragots à votre sujet. Si mon parrain en vient à m'en parler, c'est que vous n'êtes pas discrète. Tout de même, vous avez une belle réputation de femme pieuse, vous ne pouvez pas partir dans des badinages avec un homme ! Et puis pensez à notre mariage, je ne peux pas tolérer cela.”
Maryse ne savait que répondre. Des ragots ? On parlait d'elle ? Elle, la femme la plus vertueuse (avec Elisabeth d'Alençon et leur nouvelle amie, Aliénor de Wittelsbach) de la cour, badiner avec un homme ? Mais elle n'avait rien fait ! Et pourquoi le parrain de Matthias se mêlait-il de leur couple ? Affligée par tant d'accusations non fondées, elle voulut répliquer mais son époux ne lui en laissa pas le loisir. “Je ne... -Ce n'est pas convenable pour une femme mariée d'aller faire des confidences à un homme, de rire avec et même plus. C'est si bas de votre part, je sais que je ne suis pas un homme des plus amusants, mais les liens du mariage tout de même !”
Matthias était fâché, et déçu. Et c'est peut-être cette déception qui toucha le plus la jeune femme. Elle pensait qu'il lui faisait confiance mais visiblement, il était plus enclin à croire des ragots. Il n'y avait qu'un homme à Nancy avec qui on eût pu la voir rire plusieurs fois : Cédric. Si la situation n'était pas si gênante, Maryse en aurait ri. Elle était partagée entre l'envie de tout expliquer à Matthias, et celle de se lever de table et de partir. Partagée entre l'envie de s'excuser pour son comportement (après tout, peut-être qu'effectivement il pouvait porter à confusion), et celle de dire à quel point elle était déçue de son manque de confiance. Elle décida de rester à table et de rassurer Matthias. Elle lui mentait déjà concernant l'espionnage, c'était bien assez.
“Ne croyez pas que je serai un jour capable d'agir contrairement aux voeux que j'ai prononcé à votre égard devant Dieu. Vous semblez déçu de mon comportement. Moi, je le suis que vous ayez cru de tels ragots. Je vous pensais indifférent aux bruits de couloirs mais apparemment vous y prêtez attention. Matthias voulut répondre mais Maryse le coupa. J'ai peut-être pu paraître trop proche d'un homme, et si ce comportement vous touche, je m'en excuse. Le comte de Gan est arrivé il y a quelques jours et ne l'ayant pas vu depuis notre départ de Versailles, j'en ai profité pour passer du temps avec lui. C'est un ami qui m'est cher, mais croyez bien que jamais je n'ai trahi votre confiance. Comme vous êtes très occupé avec les stratégies à mener pour la guerre, j'ai pensé que je pourrais vous laisser tranquille en passant du temps avec le comte. Mais si vous jugez que cela est indécent, je ne le verrais plus. Si telle est votre volonté.”
Une domestique vint annoncer à Maryse que la marquise de Listenois la faisait chercher. L'heure étant aux explications entre les époux, il était hors de question de quitter la table maintenant. Après avoir demandé à la domestique de dire à Christine qu'elle n'était pas disponible, Maryse reprit : “D'ailleurs, je ne passe pas tant de temps que cela avec le comte de Gan. J'ai d'autres occupations.” Elle regretta d'avoir prononcé cette phrase mais trop tard. Trop gênée, ne pouvant mentir en regardant son époux dans les yeux, elle baissa les yeux sur son assiette.
La discussion concernant ses prétendus badinages avec un homme, Matthias ne lui demanderait peut-être pas quelles étaient ses occupations. Il était déjà déçu d'elle, Maryse s'en voudrait d'ajouter à cela la déception d'avoir une femme qui l'espionne. |
| | | Matthias de Calenberg
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► Titre : Prince de Calenberg, duc de Hanovre
► Missives : 96
► Date d'inscription : 24/12/2012
| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 14.04.15 17:39 | |
| Ce dîner tournait un peu au règlement de compte. Matthias aurait voulu se montrer plus posé, plus enclin à la discussion, comme il l'était d'habitude, un homme de conversation, réfléchi et posé, loin de cet homme qui s'emportait, du moins à sa manière. Non, il ne jetterait pas de verre contre un mur, ni ne hurlerait, mais le ton de sa voix, sèche, trahissait ce qu'il pensait, ou plutôt ressentait. Il avait bien du mal à l'admettre, mais il était jaloux ! Un sentiment qui n'était bon que pour ces gens trop spontanés et dont le cœur prenait le pas sur la raison. Ces gens là, souvent Matthias les méprisait, ils ne comprenaient rien, s'emportaient au moindre tracas et en venaient à élever la voix dans une discussion sensée être posée et entre adultes. Et aujourd'hui, c'était à son tour de faire parler ses sentiments, sans vraiment se rendre compte que cette jalousie l'aveuglait. Une jalousie absurde d'ailleurs. Maryse n'avait jamais rien eu à se reprocher, une femme bien sous tout rapport, pieuse et attachée à de principes. C'était sans doute la dernière femme sur terre qui irait voir ailleurs en toute impunité. Et quand même elle l'aurait fait, une ancienne espionne était sensée se montrer discrète, non ? Toutes ces pensées créaient une cacophonie dans la tête de Calenberg, lui si habitué à une pensée logique, linéaire et sans grand bouleversement. Cela devint tel qu'il commençait à en avoir mal à la tête et il appuya ses tempes de ses doigts tandis que son épouse avait décidé de répliquer. Ne croyez pas que je serai un jour capable d'agir contrairement aux voeux que j'ai prononcé à votre égard devant Dieu. Vous semblez déçu de mon comportement. Moi, je le suis que vous ayez cru de tels ragots. Je vous pensais indifférent aux bruits de couloirs mais apparemment vous y prêtez attention. Hé bien, je … mais elle le coupa sans ménagement, prête à se défendre. J'ai peut-être pu paraître trop proche d'un homme, et si ce comportement vous touche, je m'en excuse. Et elle continua, donnant le nom de cet apparent galant, un nom vaguement connu aux oreilles de Matthias, un petit comte du sud de la France mais avec des amitiés avec les grands – un pique-assiette sans doute – venu à Nancy quelques temps et dont Maryse connaissait l'existence, elle en était même l'amie. Drôle d'amitié à dire vrai, mais pourquoi mentirait-elle ? Ce serait prendre Matthias pour un imbécile et il aurait pu vraiment se fâcher. Mais le ton de son épouse, calme et son visage sincère ne pouvait dire de mensonge. A cet instant, pendant qu'elle parlait, Calenberg se sentit tout d'un coup stupide d'avoir écouté des ragots de pacotille, les ''on dit'' n'étaient pas sa tasse de thé de manière générale, mais si son parrain venait lui en parler, il ne pouvait qu'accorder crédit à Brandebourg, cet homme adorable, droit et qui n'avait pas non plus un penchant pour les histoires sur autrui. Pris entre son parrain et sa femme, Matthias avait préféré laissé son cœur parler à la place de son esprit, cela lui apprendra … Il y eut un silence de quelques instants, le prince allemand cherchant les mots pour s'excuser et surtout reprendre un peu de contenance après ce petit monologue sincère. Je ne voulais pas vous fâcher, ni vous mettre dans l'embarras, il est vrai que je n'écoute jamais ces sornettes … Il cherchait ses mots quand un domestique passa la porte : la marquise de Listenois cherchait la princesse. Maryse avait l'occasion parfaite de quitter la table, mais elle ne le fit pas, preuve une nouvelle fois de sa bonne foi. D'ailleurs, je ne passe pas tant de temps que cela avec le comte de Gan. J'ai d'autres occupations. D'un geste, il congédia le domestique qui referma la porte doucement derrière lui. Matthias attendit que la porte soit totalement fermée pour répondre : Je l'espère bien, et je m'excuse de mon comportement, vous m'êtes bien trop bonne pour se laisser aller à un tel comportement. Il est vrai que voir des amis n'est pas un crime.Puis il leva les yeux vers l'horloge indiquant qu'il était plus de 21h passée, ce qui le fit froncer les sourcils. La marquise vous mande bien tard. Aviez vous prévu une sortie en ville ? Rien n'est prévu ce soir au palais. Jamais il n'aurait pu imaginer le pourquoi de ce rendez vous. Pour lui, la marquise de Listenois était une femme un peu galante, un peu vieille fille bientôt mariée à un homme qui en aimait un autre, peut être de quoi faire un drame au théâtre, ou pleurer dans son boudoir, mais pas à déranger les princesses germaniques durant leur dîner tout de même ! Quel culot tout de même … Puis il regarda Maryse, la vit dans un certain état de gêne … et la curiosité le piqua ! Vous voyez souvent la marquise, et je suis contente que vous ayez ici des amis avec qui vous distraire, vous n'étiez pas vraiment à l'aise de partir avec moi. Mais je ne vous ai jamais demandé ce que vous faisiez. Puisque nous sommes à parler de vos occupations … La curiosité est un vilain défaut, Matthias allait l'apprendre par lui-même, il aurait mieux fait de se taire et continuer à ne pas savoir. Au fil de la conversation, cela en devint même une confession. Le prince en perdit même son latin, ne sut quoi dire, resta muet de stupeur. Puis il se leva et s'approcha de la fenêtre, la main sur la bouche. Il y a des soirs où on ferait mieux de se taire … Ce silence en devint pesant, Matthias bouillonnait à l'intérieur, mais il n'avait pas pas envie de se laisser aller à ses sentiments. Mais l'autre poing serré, il était tellement tendu qu'il aurait pu s'envoler. Puis d'un coup, dans la surprise, il se tourna vers la table et tapa du poing. ÊTES VOUS DEVENUE FOLLE ? hurla t'il. Puis il se mit à faire les cent pas, soupira, ne sachant pas quoi faire de ses mains. L'homme si calme habituellement, cela le rendait encore plus impressionnant lorsqu'il se mettait en colère. Mais là, il y avait de quoi, sa femme le trahissait sous son nez, le rendait complice ! Je vous avais dit d'arrêter. Non seulement, vous me trahissez mais en plus, vous me mentez … - Spoiler:
J'ai fait un peu avancé et devancé l'aveu de Maryse mais si ça te plait pas, je modifierais
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| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 04.07.15 19:21 | |
| Jamais Maryse n'aurait cru vivre une telle scène conjugale. Elle, la vertueuse, que certains disaient bigote, elle, qui faisait tout pour être un modèle de vertu, était accusée de tromperie. Non seulement cette accusation n'était que le fruit de rumeurs, mais en plus, elle venait de Matthias de Calenberg, son mari. Comment pouvait-il croire de telles choses ? Ce que ressentait Maryse pouvait se résumer en deux mots : déception et injustice. Oui, elle était déçue d'apprendre que son époux attachait de l'importance à des bruits de couloirs et qu'il puisse la croire infidèle. Elle s'efforçait d'être une épouse modèle et de lui faire honneur, de faire en sorte qu'il n'ait pas à se plaindre d'elle. Injustice, parce que Matthias ne lui avait pas laissé le temps de s'expliquer, qu'il l'avait accusée sans preuve, sans savoir si ce qu'on lui avait dit était vrai. C'était comme si elle avait reçu une gifle, bien que Calenberg ne l'ait pas frappée. C'est pourquoi la princesse de Calenberg prenait tant à coeur les explications qu'elle fit à son mari. Elle ne le laissa pas parler pendant plusieurs minutes, l'empêchant de prendre la parole (ce qui était difficile, Matthias ayant souvent le besoin de s'exprimer) pour le convaincre qu'il ne devait pas croire son parrain. Certes, le parrain de Calenberg était un homme honnête sur qui l'on pouvait compter, mais n'importe qui pouvait se laisser conter des sottises, même les grands hommes. Blessée, Maryse tenait à prouver à Matthias qu'elle n'avait rien à se reprocher, et lui parla ainsi de Cédric. Matthias semblait la croire puisqu'il s'excusa, ce qui rassura la jeune femme. Et lorsqu'un domestique vint la chercher au nom de Christine de Listenois, elle le renvoya, faisant montre de sa bonne foi : elle ne quitterait pas la pièce tant que le problème ne serait pas résolu. Le prince de Calenberg fit signe au domestique de quitter la pièce, puis, une fois qu'ils furent seuls, reprit la parole :
“Je l'espère bien, et je m'excuse de mon comportement, vous m'êtes bien trop bonne pour se laisser aller à un tel comportement. Il est vrai que voir des amis n'est pas un crime.”
Un petit sourire de satisfaction se dessina sur les lèvres de Maryse. Elle avait ramené Matthias à la raison. La soirée prenait une tournure plus agréable.
“Cela ne fait rien. C'est déjà oublié.” Offrant un tendre sourire à son époux, Maryse réfléchissait à la manière dont elle pourrait occuper sa soirée. Elle pourrait peut-être rejoindre Christine de Listenois. Mais le duc de Hanovre semblait décidé à poursuivre leur discussion.
“La marquise vous mande bien tard. Aviez vous prévu une sortie en ville ? Rien n'est prévu ce soir au palais. -Oh non il est trop tard pour une sortie en ville. La marquise voulait sûrement...discuter. J'imagine.”
Un mensonge. Encore. La jeune femme leva les yeux au ciel pour présenter ses excuses. Mais à bien y réfléchir, ce n'était pas vraiment un mensonge. Les deux jeunes femmes avaient vraiment l'intention de discuter. Il fallait juste cacher à Matthias l'objet de leurs conversations. Néanmoins, même si elle avait appris à mentir dans le cadre de ses activités d'espionne, la jeune femme ne parvint pas à regarder Matthias dans les yeux. Aussi, lorsque celui-ci l'observa, elle ne put soutenir son regard et baissa les yeux. Grave erreur. Fin observateur, Matthias ne pouvait qu'en être intrigué.
“Vous voyez souvent la marquise, et je suis content que vous ayez ici des amis avec qui vous distraire, vous n'étiez pas vraiment à l'aise de partir avec moi. Mais je ne vous ai jamais demandé ce que vous faisiez. Puisque nous sommes à parler de vos occupations …”
Mais pourquoi l'espionne l'avait-elle mené sur ce terrain-là ? Pourquoi avait-elle évoqué ses occupations ? Elle aurait dû se contenter de parler de Cédric. Le mari et la femme étaient toujours assis à table, face à face, comme n'importe quel couple, mais ils ne ressemblaient en rien à un couple banal. Lui avait du mal avec les relations sociales. Il prenait tout au premier degré et avait des difficultés avec l'humour. Il était cependant très intelligent et avait une soif d'apprendre intarissable. Elle, attachait une très grande importance à la religion et faisait sa vie en fonction de ce que lui dictait l'Eglise. Mais elle faisait quelques entorses, non sans prier pour s'en excuser. Elle aimait rire, bien que ce ne soit pas bien vu par l'Eglise. Et elle espionnait pour le roi de France. Même en pleine guerre franco-lorraine, quand son mari était du côté...lorrain. Couple étonnant. Détonant. Qui tentait de vivre comme un couple normal. Personne de sensé n'aurait pu penser à les marier. Sauf leurs parents. Ils avaient eu des difficultés à communiquer, au début, mais chacun faisait des efforts.
Aussi étrange que celui puisse paraître, c'est en espionnant Matthias à son insu, depuis leur installation à Nancy, que Maryse avait ressenti un rapprochement entre eux deux. Une complicité naissait et grandissait peu à peu. L'espionne savait que révéler la vérité à son époux briserait cette complicité mais elle se sentait coupable, coupable de cacher ce terrible secret alors que Matthias venait de lui dire qu'il lui faisait confiance.
“Mes occupations ? Eh bien, j'ai les mêmes occupations que toutes les femmes ici, commença Maryse, laconique, tout en jouant avec un mouchoir en tissu qu'elle avait posé sur la table. Les motifs bleus sur fond blanc du mouchoir étaient soudain devenus passionnants. Puis, pensant aux femmes infidèles, elle se ravisa vivement. Enfin non ! Je veux dire, je ne fais pas comme toutes les femmes. Pas comme celles qui ont des comportements douteux...” Quittant des yeux le mouchoir, elle tenta de regarder Matthias mais ne parvenait pas à le regarder dans les yeux. A la place, elle observa son front sur lequel on pouvait voir des lignes dessinées par la surprise. Puis ses yeux croisèrent ceux de Matthias avant qu'elle ne les baisse brusquement. C'était de plus en plus difficile de lui mentir. Il lui faisait confiance. Il croyait avoir une femme bien sous tout rapport alors qu'elle l'espionnait. Une vague de honte envahit la jeune femme. Elle se tritura les doigts, ne sachant que dire. Avouer ? Mentir ? Mais quels mots choisir, comment parler à Matthias ?
“Comme je vous disais, je parle au comte de Gan. Et à la marquise de Listenois. Elle a besoin de parler. Beaucoup. C'est pas facile, la vie avec le duc de Lorraine. Et euh....” Maryse eut un coup de chaud. Elle aurait pu en profiter pour faire semblant de s'évanouir et échapper à cette conversation embarrassante, mais Matthias n'était pas idiot, il avait déjà vu qu'elle se sentait coupable. La jeune femme but une gorgée d'eau avant de reprendre. “J'espionne toujours pour le roi de France”. Ca y est. C'était dit. Elle avait parlé très vite pour ne plus avoir le choix, pour ne plus reculer. Surpris, le prince de Calenberg se leva pour se diriger vers la fenêtre. Les coudes sur la table (les règles de savoir-vivre ne comptaient pas dans ce moment critique !), Maryse se prit la tête dans les mains, les yeux fermés. Elle n'osait pas regarder Matthias, n'osait pas affronter sa déception et sa colère. Ils n'avaient jamais vécu ça, aussi Maryse n'avait aucune idée de ce que serait la réaction de son époux. Elle attendait, le coeur battant à tout rompre, priant pour que ce ne soit qu'un nuage menaçant qui passait au-dessus d'eux, et non un terrible orage. Elle était dos à lui, ne sachant ce qu'il faisait, ce qu'il regardait, ce qu'il pensait.
Et soudain, l'orage éclata. Maryse n'avait pas entendu Matthias se rapprocher à nouveau de la table, aussi fut-elle surprise lorsqu'il tapa du poing sur celle-ci. Le verre de Maryse, heureusement vide, se renversa. Ce coup fut agrémenté d'un cri de colère, d'une question qui n'en était pas vraiment une : “ÊTES VOUS DEVENUE FOLLE ?” La jeune femme leva la tête et vit la lueur de colère qui animait le regard de son époux. L'espionne préféra ne pas répondre, se disant qu'il n'attendait pas de réponse. De toute évidence, il était persuadé qu'il était folle. Et peut-être l'était-elle, en effet. Quelle femme irait donner des renseignements stratégiques au camp opposé de celui de son mari ? Faire perdre la Lorraine, c'était faire perdre Matthias, et se faire perdre elle-même par la même occasion. Mais comment expliquer à Calenberg qu'elle se sentait plus française que germanique ? C'était bien plus qu'une trahison conjugale.
Un silence pesant s'installa mais ce n'était pas un ange qui passait. La jeune femme observait Matthias faire les cent pas dans la pièce. Elle n'osait pas prendre la parole, de peur d'attiser sa colère. Jamais elle ne l'avait vu comme cela. Il n'avait jamais été violent envers elle, mais elle était tout de même effrayée. Elle se demanda un instant s'il allait la frapper. Non, pas lui, ce n'était pas possible. Mais il était si furieux… Elle était toujours assise, comme une condamnée attendant la sentence. Le silence était troublant. Elle en vint à préférer des cris plutôt que l'absence de mots. Enfin, Matthias reprit la parole :
“Je vous avais dit d'arrêter. Non seulement, vous me trahissez mais en plus, vous me mentez …”
Il n'avait pas crié, avait parlé d'un ton accusateur, certes, et déçu, mais il n'avait pas hurlé. Un peu rassurée, la jeune femme, toujours assise, se tourna vers son époux. “Je vous prie de m'excuser. Vraiment. Acceptez mes excuses. Je ne voulais pas vous décevoir. J'avais l'intention d'arrêter d'espionner, mais ce fut plus fort que moi. Je ne voulais pas que la France perde cette guerre, bien que je doive fidélité au St Empire. J'ai laissé parler mon coeur au lieu d'écouter ma raison. En aucun cas je n'ai voulu vous porter préjudice. Si quelqu'un l'apprend, je porterais toute la responsabilité de mes actions et affirmerais que vous n'étiez pas au courant.” Il valait mieux que tout ceci reste secret. Maryse avait été prudente mais si quelqu'un apprenait ses activités, Matthias serait la risée de la Cour, lui, le mari qui ne savait pas tenir sa femme, et il serait tenu responsable de tout. L'espionne s'en doutait bien mais elle voulait apaiser la situation. Lire la déception dans le regard de son mari l'avait accablée. Tout ce qu'ils avaient construit au fil du temps venait de s'écrouler, et tout cela par sa faute. Et ce n'était pas Louis XIV qui allait arranger les choses personnellement pour aider une de ses plus fidèles espionnes. Calenberg ne parlait toujours pas. Impossible de savoir ce qu'il pensait et ce qu'il comptait faire. Maryse reprit : “Je ne peux rien dire d'autre pour m'expliquer. J'ai commis une faute très grave. Je vous le redis, je vous présente mes excuses. C'est à vous de prendre une décision pour sanctionner mon comportement. Enfermez-moi dans votre domaine ou dans un couvent, empêchez-moi de sortir et de voir mes proches. Vous avez tous les droits. Je suis fautive.”
Irait-il jusqu'à demander le divorce ? Ce serait terrible. Ce serait la fin. Oui, la fin. Maryse ne pourrait pas se donner la mort, c'était contraire à sa foi, mais ce serait tout comme. Elle vivrait recluse dans un couvent en attendant que son heure vienne. Effrayée quant à la sentence, elle leva des yeux où la peur se mêlait à l'espoir vers Matthias. “Quelle que soit votre décision, je ne ferai plus rien sans demander votre avis, et ce dès maintenant.”
Tout s'effondrait. Elle avait failli dans son devoir d'épouse, avait bafoué ses voeux, alors même qu'elle les avait prononcés devant Dieu. Elle n'avait même pas envie de se défendre car se savait coupable. Elle comprenait la colère et la déception de Matthias et en était peinée. Elle voulait réparer tout ce qu'elle avait brisé mais c'était impossible.
Elle n'avait plus rien à dire. C'était à son époux maintenant de parler. |
| | | Matthias de Calenberg
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| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 02.09.15 22:11 | |
| Comme je vous disais, je parle au comte de Gan. Et à la marquise de Listenois. Elle a besoin de parler. Beaucoup. C'est pas facile, la vie avec le duc de Lorraine. Et euh.... J'espionne toujours pour le roi de France.
Autant dire que cette phrase, Matthias ne s'y attendait pas. Pas du tout même ! Il avait appris la double-vie de son épouse lorsqu'ils se trouvaient encore à Versailles. S'il avait pris sur lui la première fois, le prince avait fait promettre à Maryse d'arrêter cela tout de suite. Ce qu'elle avait fait, du moins le croyait-il. Et voici qu'à Nancy, au cœur du pouvoir lorrain et des ennemis de la France, elle espionnait à nouveau ! Matthias, d'habitude si impassible et affable, n'arrivait pas à maîtriser ses émotions. Il détestait cela, considérant que les sentiments exprimés à haute voix étaient pour les faibles et les idiots. Mais comment aurait-il pu rester calme alors que sa femme, celle qu'il pensait quasi-irreprochable, venait de lui planter un couteau dans le dos ? Métaphoriquement bien sûr, et c'était amplement suffisant. Ce coup de poing sur la table, ce n'était pas lui habituellement, pas du tout même, il se disait au dessus de ça. Seulement, c'était trop et la trahison qu'il subissait était totale en cet instant. Il fixait Maryse avec un regard dur et sombre, que peu de personnes ont du voir sur le visage si neutre de Calenberg.
Puis un long silence. Maryse ne savait sans doute pas quoi dire, Matthias tentait de se contenir un peu pour poursuivre la conversation. Il n'avait pas imaginé une seule seconde ce qu'il se déroulait dans cette pièce, il suspectait sa femme de se laisser courtiser par un homme, voire de flirter avec lui, il n'envisageait même pas que la jeune femme puisse coucher avec un autre. Alors trahir sa nouvelle patrie, il en était à des kilomètres … Après avoir fait les cent pas dans la pièce, allant de la fenêtre au mur, puis inversement, enfin il parla à nouveau. Un ton plus calme mais toujours aussi dur, et les mots, simples, sonnaient cinglantes. Sa femme tenta de se justifier, n'en menant pas large.
… J'ai laissé parler mon cœur au lieu d'écouter ma raison. En aucun cas je n'ai voulu vous porter préjudice. Si quelqu'un l'apprend, je porterais toute la responsabilité de mes actions et affirmerais que vous n'étiez pas au courant.
Matthias était fidèle à l'Empire, à sa famille et à l'Empereur, il ne voulait pas tomber en disgrâce à cause des écoutes du cœur de la jeune femme. Il ne disait rien, pensait déjà à quelle conduite adoptée envers Maryse, mais aussi dans le cas où cela se saurait. Tandis qu'elle s'excusait à nouveau, Calenber l'observait : elle semblait si sincère, il pensait qu'elle allait pleurer, mais elle était terrifiée. Peur de lui ou du reste ? Peut être des deux, mais lui n'arrivait pas à parler, tout était bouleversé au fond de lui, et il détestait ça, il lui fallait l'ordre et la discipline sinon plus rien n'allait. Maryse émit des hypothèses de couvent ou d'enfermement, il est vrai que certains maris se réduisaient à cela pour avoir la paix et ne plus avoir le poids de la souffrance. Il y avait l'annulation de mariage, ou divorce aussi, toutes ces solutions tournaient dans sa tête alors qu'il observait Maryse.
Quelle que soit votre décision, je ne ferai plus rien sans demander votre avis, et ce dès maintenant.
Il l'observa encore quelques instants, avant enfin de parler après ce monologue de pardon.
Allez vous coucher, madame, nous reparlerons de cela demain. Une heure de l'après midi, j'aurais fini mes affaires.
Que pouvait-il d'autre ? Il semblait incapable de prendre une décision à chaud, là de suite. Il lui fallait réfléchir, essayer de dormir, la nuit portait conseil. Maryse le salua et partit, sans doute elle non plus n'arriverait pas à trouver le sommeil. Après ce dîner mouvementé, Matthias préféra se mettre au lit, il était plus que l'heure après tout. Seulement voilà, il ne pouvait pas fermer l'oeil, toutes les propositions lui tournaient dans la tête. Avant de tomber dans les bras de Morphée, il avait tout de même exclut les sentences les plus graves, il ne voulait pas mêler le Pape à tout cela et n'avait pas envie que cette histoire d'espionnage se sache. Maryse échappait au divorce donc …
Il réussit à dormir trois heures environ, avant de reprendre le cours de sa journée plutôt immuable : au petit-déjeuner, il ouvrait les lettres fraîchement arrivées mais n'arrivait pas à se concentrer totalement, ce qui le mettait de bien méchante humeur. Même humeur qu'il traîna en rencontrant son frère et quelques germaniques avec qui il prenait pourtant plaisir à discuter habituellement. Mais son esprit, concentré sur Maryse, n'arrivait pas à la solution adéquate. Même sa promenade ne lui apportait pas la paix. Ce ne fut qu'à l'heure de la collation qu'il eut enfin une idée et, après avoir abandonné sa table à manger, il se précipita à son bureau pour en ressortir quelques documents qu'il plaça sur une console, griffonna quelques petites choses et finit son petit repas. Il était presque une heure. Il n'avait donc que quinze minutes de répit dans son esprit après cette affreuse nuit et cette longue matinée.
A treize heures pétantes, Maryse se présenta chez Matthias, d'une parfaite ponctualité. Malgré le maquillage et un beau travail des domestiques, le prince vit de suite qu'elle avait mal dormi, voire pas du tout, qu'elle arborait une mine un peu chiffonnée. Peu adepte des convenances, il ne se leva pas, et laissa la jeune femme debout. On aurait pu voir cela comme une punition, mais pas pour le germanique.
Prenez les documents sur le meuble, je vous prie.
Il y avait là sept ou huit feuillets d'écriture, avec quelques ratures et un plan assez grossier, techniquement rien à voir avec leur discussion d'hier.
Ce sont des lettres, rapports et un plan qui a été validé hier par quelques hommes et moi-même, envoyé à l'empereur juste après. Ceux-ci sont des copies … tronquées. Il se leva et prit une inspiration pour continuer. Il manque environ trois pages de fin de rapport, j'ai modifié quelques chiffres et positionnement sur le plan, et vous allez garder ces papiers. Mieux, vous allez les faire passer en France, en les présentant comme authentiques.
La jeune femme ne semblait pas comprendre et avant qu'elle ne puisse demander quoi que ce soit, Matthias reprit la parole.
Votre idée d'enfermement, j'y ai pensé. Je me suis dit aussi que je pouvais vous laisser avec ma mère dans la demeure familiale. Mais la meilleure solution, pour moi et pour vous, c'est de rester ici ensemble, et que je vous donne des informations. Elles seront fausses ou obsolètes mais ce sont les informations que vous transmettrez. Si vous m'avez menti à moi, vous pouvez bien mentir au roi, après tout.
L'idée aurait pu être diabolique chez quelqu'un d'autre, elle était stratégique chez Matthias. Il n'avait pas envie de perdre sa femme, pas envie d'un scandale, et ne voulait plus qu'elle espionne, donc il contrôlait tout. C'était une bonne tactique de guerre, de la bonne désinformation contre garder sa place, loin du déshonneur.
Vous voulez manger quelque chose ?
Et les choses reprenaient son cours, Calenberg avait trouvé la solution equilibrée entre tout ce qu'il voulait, le cours de sa journée pouvait reprendre … |
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| Sujet: Re: La guerre est aussi une affaire de couple 18.09.15 11:39 | |
| Jamais Maryse n'avait vécu nuit si longue. Après avoir entendu ses excuses, Matthias n'avait trouvé meilleure idée que l'envoyer se coucher. Comme si elle pouvait dormir. Son futur se déciderait cette nuit, mais elle n'avait plus aucun moyen d'influer sur la sentence de son époux. Elle savait qu'il allait passer la nuit à réfléchir et à trouver la meilleure solution, la solution la plus adaptée à leurs intérêts et à leur situation. Matthias était un homme raisonnable et réfléchi, mais elle ne lui avait jamais menti et n'avait donc aucune idée de ce qu'il comptait faire. L'espionne ne cessait de s'agiter dans son lit, essayant de réfléchir comme Matthias pour deviner ce qu'il allait lui dire le lendemain. Mais il était difficile, voire impossible, de réfléchir comme le prince de Calenberg. Allait-elle devoir le quitter ? Leur mariage était certes arrangé, et ce n'était pas un grand amour passionné qui les unissait, mais la jeune femme s'était attachée à son mari et, au fil du temps, avait appris à le connaître. Malgré son côté froid et distant, elle avait découvert un homme d'une grande intelligence et doté d'un sens du devoir que l'on rencontrait rarement. Jamais il n'avait été violent avec elle. Jamais il ne lui avait donné une raison de se plaindre de lui. C'est au moment où elle risquait de le perdre que Maryse se rendait compte qu'elle voulait rester son épouse. Mais elle ne voulait pas non plus abandonner ses activités d'espionne. Elle aimait agir pour la France et se sentir utile. Qu'allait-elle faire de tout son temps libre désormais ? Le réveil le lendemain fut des plus difficiles. Maryse n'avait pas beaucoup dormi, et ses quelques heures de sommeil avaient été peuplées de couvent, de signature de divorce, de personnes la pointant du doigt et du roi Louis XIV l'envoyant au bagne. La princesse d'Empire serait bien restée plus longtemps au lit mais elle avait des obligations à tenir, comme rendre visite à des connaissances. Garder le sourire n'était pas mince affaire et on lui dit plusieurs fois qu'elle avait l'air très fatigué. Le plus difficile fut de parler à Christine de Listenois et de trouver une excuse pour son absence à leur rendez-vous de la veille. Puis, enfin, la (trop) longue matinée prit fin et à treize heures, la duchesse de Hanovre se trouvait dans les appartements de Matthias. Le visage marqué par la fatigue, son époux était assis près d'un meuble où s'étalaient des papiers. Il ne fit pas les politesses de convenances et salua à peine la jeune femme. Maryse en avait l'habitude et avait appris que cela n'était pas une marque de colère ou d'indifférence mais plutôt un désintérêt pour les règles de bienséance. Il était dès lors impossible de deviner quelle était la décision de Matthias. Ce-dernier ne perdit pas de temps et en vint directement à ce qui les intéressait. “ Prenez les documents sur le meuble, je vous prie.” A peine avait-il regardé la princesse. Sans mot dire, elle obéit et se dirigea vers le meuble avant de jeter un œil sur les papiers qui s'y trouvaient. Elle tenta de déchiffrer rapidement l'écriture mais ne vit pas très bien où Matthias voulait en venir. “ Ce sont des lettres, rapports et un plan qui a été validé hier par quelques hommes et moi-même, envoyé à l'empereur juste après. Ceux-ci sont des copies … tronquées. Il manque environ trois pages de fin de rapport, j'ai modifié quelques chiffres et positionnement sur le plan, et vous allez garder ces papiers. Mieux, vous allez les faire passer en France, en les présentant comme authentiques.” Ne comprenant pas très bien ce qu'il voulait dire, Maryse avait observé son époux se lever puis faire quelques pas dans la pièce. Puis elle comprit. Il voulait qu'elle fasse de la désinformation. Pas une fois la jeune femme n'avait imaginé ce genre de punition. C'était... intelligent, ça oui, c'était très intelligent. Digne de Matthias. Elle voulut lui demander en quoi cela l'arrangeait mais il reprit la parole : “Votre idée d'enfermement, j'y ai pensé. Je me suis dit aussi que je pouvais vous laisser avec ma mère dans la demeure familiale. Mais la meilleure solution, pour moi et pour vous, c'est de rester ici ensemble, et que je vous donne des informations. Elles seront fausses ou obsolètes mais ce sont les informations que vous transmettrez. Si vous m'avez menti à moi, vous pouvez bien mentir au roi, après tout.” A choisir, Maryse ne savait pas très bien si l'enfermement ou la retraite avec sa belle-mère n'étaient pas de meilleures solutions. Mentir au roi. Certes, Matthias n'avait pas tort : elle lui avait menti, alors pourquoi pas mentir à Louis XIV ? Se faire pardonner un mensonge par un nouveau mensonge. Elle ne pouvait pas refuser, et Matthias en était conscient. Si elle refusait, elle s'exposait à l'enfermement. L'espionne n'était pas en position de force et ne pouvait pas négocier. Néanmoins, c'était sa vie qui était en danger si le camp français apprenait son rôle dans la contre-information. Ne sachant que répondre, elle fit semblant de lire les papiers exposés devant elle. Plongée dans la contemplation des ratures, elle réfléchissait à ce qu'elle pouvait bien dire à son époux. Son idée était très bonne : c'était une punition sévère qui pouvait aider le St Empire à gagner des batailles. Mais Maryse craignait pour sa réputation et sa vie. Elle abandonna les feuilles et alla s'assoir. Matthias l'observait silencieusement, attendant sa réponse. La jeune femme se triturait les doigts, ne sachant par où commencer. “ Vous avez su trouver une solution juste, juste pour nous deux. Mais si l'on apprend que je fais de la désinformation, au mieux nous ne pourrons plus retourner en France, au pire, je serais en danger, et vous aussi. Et si nous ne pouvons plus aller en France, vous perdrez vos investissements, notamment ceux conclus avec Jean-Baptiste Colbert... Maryse y avait réfléchi cette nuit, gardant cet argument pour se défendre. Elle voulait retourner en France après la guerre, quel que soit le vainqueur. Elle s'était alors souvenue que Matthias avait investi en France et y avait même acheté un domaine. Ne croyez-vous pas que nous serions plus forts en assurant de bonnes relations avec le St Empire et avec la France ? Vous êtes proche de l'empereur. Et si, de retour en France, je reprends mes activités d'espionnage pour le roi, nous y serions bien vus aussi. Maryse aperçut le pli barrant le front de son époux. Il réfléchissait. Bien sûr, reprit-elle rapidement, si vous acceptez que je reprenne l'espionnage une fois de retour en France, je n'agirais pas contre le St Empire et ses intérêts. Et si vous le souhaitez, je vous parlerais de mes missions. En attendant, je vous obéirai et transmettrai ces fausses informations au camp français. Mais il ne faut pas qu'elles viennent officiellement de moi. Je pourrais les donner à Christine de Listenois, elle ne serait que trop heureuse de se faire bien voir en transmettant des informations importantes. Elle pourrait dire qu'elle a pris ces informations dans le bureau de son mari, le duc de Lorraine. Qu'en pensez-vous ?” Matthias réfléchit durant quelques minutes (trop longues minutes aux yeux de la princesse de Calenberg). Puis il approuva les idées de Maryse, sans toutefois trop s'épancher, comme à son habitude. La jeune femme ressentit toutefois une certaine fierté à avoir convaincu Matthias. Certes, elle devrait mentir à Christine, et le mensonge était un péché très grave. Mais arrêter de mentir à son époux pour mentir à quelqu'un d'autre, était-ce si grave ? Dans tous les cas, elle mentait. La jeune femme se rassura en se disant qu'elle ferait une prière de plus chaque soir pour se faire pardonner. Ils avaient réussi à surmonter une grave crise de couple grâce à leur sens de la réflexion et du compromis. Maryse devrait se tenir à carreaux pour retrouver la confiance du duc de Hanovre mais désormais, leur couple partait sur de nouvelles bases. “ Vous voulez manger quelque chose ?” Matthias, fidèle à lui-même, montrait de cette façon que le sujet était clos. Maryse accepta de bon cœur, et la vie chez les Calenberg reprit son cours. FIN |
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