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| [Louvre] Une espionne et un corsaire sont sur un bateau... | |
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| Sujet: [Louvre] Une espionne et un corsaire sont sur un bateau... 13.11.12 1:05 | |
| - Oh, monsieur de Roberval, quel honneur de vous voir parmi nous ! Vous venez admirer les marines ?Les... Quoi ? Arthur de Roberval semblait émerger de ses réflexions quand un petit monsieur à la moustache fine et pointue était venu s'adresser à lui de ce ton bien jovial. Le corsaire à la haute stature détacha son regard fixé sur la toile devant lui, toile qu'il observait sans vraiment la voir, et dut baisser les yeux pour examiner celui qui avait eu la mauvaise idée de le déranger alors qu'il se trouvait en pleine mise au point d'une stratégie. Non si l'homme en question connaissait son nom, il lui était inconnu au bataillon. Il se contenta de marmonner une vague réponse qui ressemblait à un « oui » mais son interlocuteur débordait tant d'enthousiasme qu'après lui avoir décrit en long et en large le dernier apport de Charles Le Brun à la collection de l'Académie de peinture, il entreprit de le mener jusqu'au coin de ces fameuses « marines », terme qu'Arthur, au vu de sa méconnaissance des conventions artistiques ne put que supposer être une désignation des peintures de bateaux ou de mer. Avant de s'éloigner du Le Brun devant lequel il s'était arrêté sans le faire exprès, il jeta un dernier coup d’œil à la raison pour laquelle il était venu jusque-là puis suivit son guide improvisé et dont il ignorait toujours le nom, à regret. Car contrairement à ce que semblait penser l'homme, il n'était pas venu là pour admirer les œuvres... Ou du moins pas celles accrochées aux murs. Pourquoi se trouvait-il donc au centre de l'exposition annuelle de l'Académie royale de peinture et de sculpture créée quelques années auparavant et où se pressaient les amateurs et collectionneurs de tout poil ? Et bien pour les charmes d'une collectionneuse toute particulière, car heureusement, tous ne ressemblaient pas à ce vieux garçon défraîchi. La jeune femme en question n'était pas n'importe qui et on la traitait avec beaucoup d'égards à quelques mètres de là, elle n'était autre que princesse d'Empire... Aliénor de Wittelsbach faisait partie de ces femmes qui avaient attiré l’œil du corsaire. Probablement au grand désespoir de celle-ci car c'était quand il cherchait à séduire qu'Arthur était le plus maladroit et le plus goujat. Pour sa défense, il avait plus fréquenté de femmes de mauvaise vie que de princesses mais ce n'était guère une raison pour mettre la main aux fesses de cette pauvre Aliénor qui n'avait rien demandé. Toutefois, celle-ci avait fait preuve de caractère en lui retournant sa goujaterie et en lui demandant d'un ton féroce si cela était plaisant... Arthur l'en avait encore plus appréciée pour sa gouaille et malgré leur rencontre, elle avait fini par lui donner des conseils de bonne conduite avec les dames qui lui plaisaient et qu'il mettait minutieusement à application avec elle. Parmi eux, il y avait quelque chose comme « s'intéresser à ce qui passionne la jeune femme car il faut se trouver des centres d'intérêt commun ». Du moins c'était ainsi qu'Arthur l'avait compris. Et c'était la vraie raison de sa présence ici. Il savait la princesse collectionneuse, il lui fallait donc venir là où se déroulaient les expositions et les achats. Quitte à faire mine de se passionner pour des œuvres d'art auxquelles il ne comprenait pas grand chose mais il n'était pas dupe et savait bien que parmi ces courtisans empressés de faire une bonne affaire, il n'était pas le seul. Sauf que lui ne se donnait pas un air important et reconnaissait bien volontiers ses défaillances. - Admirez ces quelques marines que nous avons choisi d'exposer ! S'exclamait son guide à ses côtés, j'ai été particulièrement impressionné par la finesse des traits de ce tableau-ci, qui est pourtant de si petit format, j'ai entendu dire que le comte de Soissons souhaitait l'acquérir pour son cabinet de travail, pour orner une encoignure de porte, il me semble... Mais vous qui êtes un spécialiste de ces questions, peut-être pouvez-vous me dire si le navire est réaliste ? Le peintre n'en a jamais vu de sa vie, d'après les ouï-dire ce qui est miraculeux pour un tel niveau de réalisme...Au grand soulagement d'Arthur, l'homme ne s'arrêta pas pour lui laisser le temps de répondre et continua à monologuer avec un air inspiré. Heureusement car Roberval n'avait pas envie de lui faire remarquer que ce genre de navire n'avait pas trois mâts ce qui l'aurait bien désillusionné à propos du génie de l'artiste en question. Pourquoi peindre ce que l'on ne connaissait pas ? Voilà bien quelque chose qui dépassait le corsaire. Son regard se détacha des fameuses « marines » pour naviguer de toiles en toiles dans la pièce, visiblement consacrée à l'exotisme. Il eut un petit sourire quand il vit l'image d'un singe en train de titiller un enfant sur l'un d'entre eux et ne put s'empêcher de penser à sa chère petite Haydée. Elle avait grandi avec ces petites bêtes là et parfois, elle lui faisait irrésistiblement penser à ces animaux presque humains avec leurs mimiques, leurs taquineries et... Leur capacité à faire exactement le contraire de ce qu'on pouvait leur dire ! La jeune fille lui manquait parfois et il aurait aimé pouvoir l'amener avec lui à ce genre d'événements pour qu'elle puisse s'imprégner de la culture de son pays d'accueil. Il l'imaginait commenter d'un ton acerbe les croquis de ces bateaux ou ces portraits d'Asiatiques sans n'avoir que faire du jugement des autres... Quelque part, si son caractère buté et affirmé l'amusait grandement, il était également fier d'elle. Comme un père avec sa fille mais cette idée-là, il la repoussa avant qu'elle ne vienne vraiment à sa conscience. Il n'était pas encore prêt à l'accepter. Revenant à la réalité, Arthur s'aperçut que non seulement l'homme s'était arrêté de parler – attendant sans doute la réponse à une question qu'il n'avait pas entendu – mais que surtout Aliénor ne se trouvait non loin. Si peu loin qu'en quelques pas, il pouvait la rejoindre avant qu'elle ne quitte la salle pour retourner aux peintures d'histoire. Il admira sa silhouette gracieuse, sa lourde chevelure blonde et la blancheur de sa peau avant de se résoudre à planter là son interlocuteur pour aller la saluer. Mais au même moment, comme si le destin s'acharnait sur lui, un nouvel obstacle fit son apparition. En tournant les talons, il fit soudain face à une jeune femme aux cheveux noirs, ou du moins fit face au sommet de son crâne, lui arrachant un soupir muet. Que lui voulait-elle... Encore ? Car oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, Maryse d'Armentières, l'épouse de cet important prince de Calenberg semblait trouver un intérêt à sa compagnie. Ou du moins semblait avoir de nombreuses questions à lui poser. Arthur ne se laissait guère impressionner... Par qui que ce soit d'ailleurs mais il trouvait parfois assez gênantes les questions de la dame, surtout lorsqu'elles concernaient Haydée. Au début, il avait imaginé qu'elle était juste curieuse, après tout, l'arrivée de Siamois et la disparition de la première d'entre eux avait fait grand bruit. Ce genre de femmes devait bien s'ennuyer et colporter les histoires devait l'occuper à moins que ce ne soit une originale qui aimât à mener ses propres enquêtes. Mais avec le temps, il y avait réfléchi et trouvait cela de plus en plus louche. Il ignorait ce qu'elle voulait à son Haydée mais il n'était pas question qu'elle mette la main sur elle... A Versailles, il cherchait généralement à l'éviter ce qui n'était guère facile car il ne passait pas inaperçu et car elle était particulièrement têtue. Mais il ne s'attendait pas à la trouver ici... A croire qu'elle se donnait un mal fou pour l'exaspérer. - Madame de Calenberg, la salua-t-il avec la plus grande courtoisie du monde, quel plaisir de vous voir ici ! Êtes-vous amatrice d'art ?A son grand désespoir, du coin de l’œil, il vit Aliénor s'éloigner à grands pas, accompagnée d'une petite nuée de peintres venus lui démontrer leur talent. Elle ne s'était pas retournée et ne l'avait pas vu. Encore une occasion ratée ! Et quelque chose lui disait que Maryse d'Armentières n'allait pas lui rendre la tâche facile. - J'étais venu admirer les marines, poursuivit-il en désignant les tableaux d'un geste large, mais je suis toujours déçu de trouver la peinture en-deçà de la réalité. Regardez ce bateau, on croirait qu'il est exécuté avec une grande minutie mais il est entièrement faux et les proportions sont catastrophiques... Et on me dit que le comte de Soissons veut se le procurer ? Quel mauvais goût !Non, il tiendrait et n'aborderait pas le sujet Haydée lui-même... Même s'il aurait aimé savoir ce qu'elle pensait avoir découvert. Restait à voir si elle se risquerait à le faire elle-même, quitte à paraître encore plus suspecte. En tout cas si elle s'attendait à ce qu'il livre des informations, elle rêvait ! - Spoiler:
Arthur dans une exposition de tableaux ? Done
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| Sujet: Re: [Louvre] Une espionne et un corsaire sont sur un bateau... 10.02.13 15:13 | |
| « On dit que le baron de Roberval suit partout Aliénor de…comment est-ce, son nom, je ne m’en souviens plus…-Wittelsbach, madame, vous parliez bien de la princesse d’Empire, l’Autrichienne ? -Oui c’est bien cela ! Pensez-vous qu’elle puisse se contenter d’un baron ? »Les rires fusèrent dans la pièce. Maryse écoutait silencieusement ce que l’on disait du corsaire, une tasse de thé à la main. Son esprit s’éveillait à la moindre mention du baron de Roberval, l’homme qui avait amené Haydée en France. Elle était en ce moment même chez la duchesse de Bar. Matthias s’entendait très bien avec le duc de Bar, ce qui avait favorisé une rencontre entre Flore et Maryse. Si au premier abord elles n’avaient pas beaucoup de points communs, elles avaient rapidement appris à se connaitre et appréciaient la compagnie de l’autre. C’est ainsi que Maryse avait été invitée à boire le thé en compagnie de Flore et de ses amies, dont la marquise de Gallerande, que Maryse connaissait de réputation. Elle savait qu’elle ne pouvait guère s’entendre avec ce genre de femme, mais elle prenait sur elle et était parfaitement hypocrite alors qu’elle détestait cela. Un sourire par-ci, un rire par-là, et la princesse d’Empire pouvait plonger dans ses pensées pendant plusieurs minutes avant de montrer à nouveau signe de vie. Le départ pour Nancy approchait. Maryse savait qu’elle devrait laisser Haydée dans la nature pour suivre son époux. Lorsqu’elle pensait à l’après-guerre, elle se voyait naturellement revenir à Versailles et reprendre ses activités d’espionne. Mais parfois, le doute s’emparait d’elle : reviendrait-elle un jour en France ? Elle l’espérait de tout son cœur mais savait que cela ne dépendait pas d’elle : elle était destinée à suivre Matthias. Chercher Haydée s’était révélé être une mission des plus difficiles. La Siamoise lui échappait toujours. Lors de la réunion des espions, Maryse avait avoué au roi qu’elle ne retrouverait pas Haydée avant la guerre. Louis, bien plus inquiet en ce moment pour la guerre qui arrivait que par la fuite de la Siamoise (du moins, c’est ce qui avait semblé à Maryse), n’avait pas montré le moindre signe de colère. Mais Maryse était tout de même inquiète. Durant la guerre, Haydée aurait le temps de parcourir la France, elle pourrait s’enfuir n’importe où alors que Maryse serait obligée de rester à Nancy. Par orgueil, la Flamande n’avait demandé à aucun espion restant à Paris de mener les recherches pour elle. Non. C’était sa mission, son but. C’était à elle de retrouver la Siamoise et de l’amener devant le roi. Venir à Paris serait bien trop compliqué, même si la jeune femme se promettait de tenter cette aventure. Matthias s’imaginait peut-être qu’elle resterait en compagnie des autres épouses, à attendre le retour du mari guerrier. Mais jamais elle ne tiendrait en place ! Deux jours ainsi, et les ongles de la princesse de Calenberg seraient rongés à sang. A cette pensée, elle observa les doigts qui entouraient sa tasse. Sa mère avait tout fait pour l’empêcher de ronger ses ongles, un défaut gênant pour une jeune fille. Mais rien n’y faisait : à la moindre contrariété, au moindre ennui, la fille du comte de Flandres se retrouvait le doigt à la bouche. « Anne, avez-vous des choses à nous dire sur le roi et la reine de Malte ? -Oh non, je n’ai rien appris de bien intéressant. Je comptais les surprendre en plein devoir conjugal, mais bizarrement, le comte du Perche, pardon, le roi de Malte, ne visite jamais son épouse. Une nouvelle fois, les rires résonnèrent dans la pièce, accompagnés par les jappements du chien (quel chien affreux, pensa Maryse en l’observant) que la marquise de Gallerande tenait sur ses genoux. Celle-ci se tourna vers Maryse et lui demanda : Dîtes-moi, madame, je n’avais pas eu l’honneur de vous voir lors du mariage ! Y étiez-vous ?-Non je n’y étais pas, avoua Maryse. Pardonnez-moi, marquise, je sais que vous êtes à son service, mais pour être tout à fait honnête, je ne porte pas la favorite dans mon cœur. Et puis, les préparatifs pour mon départ occupent tout mon temps, malheureusement.-Comme cela doit être horrible de devoir quitter la France ! J’espère que cette guerre ne va pas durer trop longtemps, répondit Anne, oubliant Amy of Leeds. Tous nos hommes partis ! Les heures seront bien longues à la cour.-Je ne vous le fais pas dire, soupira une autre marquise que Maryse ne connaissait pas personnellement. La perspective de voir s’éloigner mon mari m’enchante, mais à quoi bon être heureuse de le savoir si loin, si tous les hommes sont avec lui ? »La conversation dura ainsi pendant une heure, qui parut une éternité pour l’espionne. Puis la marquise de Gallerande se leva, posa l’immonde créature sur le sol et lorsqu’elle se leva à son tour, Maryse crut que la chose était perdue sous sa robe. Heureusement, les jappements plaintifs lui permirent de retrouver le chien qui s’était caché sous une table. Flore le prit dans ses bras en riant. Maryse se força à sourire, cachant tant bien que mal son dégout. Avant de partir, Anne annonça qu’elle se rendrait, le lendemain, à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Grande amatrice d’art, elle comptait profiter de l’exposition universelle pour dénicher quelques tableaux. « J’espère ne pas y voir cette Aliénor de Wilesbach.- Wittelsbach, Anne. Wittelsbach reprit Flore en riant. Mais pourquoi ne voulez-vous pas la voir à l’académie?-Oh, Wilesbach, Wittelsbach, c’est la même chose. Les prénoms germaniques sont imprononçables! C’est comme cette Marie… Je ne veux pas la voir à l’académie royale de peinture pour la bonne et simple raison qu’elle aime l’art autant que moi. C’est une concurrente. Elle a une collection impressionnante, m’a-t-on dit. -Je pensais que vous ne vouliez pas l’y voir car lorsqu’elle est là, le baron de Roberval n’est jamais loin répartit Flore. -Oh je l’avais oublié, celui-là, parvint à prononcer Anne de Gallerande après avoir ri. Eh bien très chère, je suis sûre en effet de croiser notre corsaire, malheureusement. Je vous raconterai tout ! »~~ C’est ainsi que notre espionne se retrouva à l’académie royale de peinture. Elle aimait l’art mais n’était pas pour autant passionnée par les tableaux. Maryse avait écouté les mesquineries des courtisanes. Elles semblaient certaines que le baron de Roberval serait présent à l’académie. Pourtant, savoir s’il y serait ce jour présent était impossible. Maryse pouvait bien passer ses journées à cet endroit sans apercevoir son suspect numéro un dans l’affaire Haydée. Mais toute chance de revoir le corsaire avant la guerre était à tenter. Maryse savait que le corsaire détenait des informations sur la Siamoise. Elle s’était en effet retrouvée par hasard dans les cuisines du baron, à préparer son repas, non sans difficultés, et avait pu apprendre que la Siamoise avait séjourné chez celui qui l’avait amenée en France. Depuis, elle le suivait, lui parlait dès qu’elle l’apercevait et n’hésitait pas à lui poser des questions, en essayant toutefois de rester discrète (ce qui était difficile pour Maryse). Il était presque impossible de soutirer de telles informations au baron, et l’espionne ne possédait pas de moyens assez coercitifs pour le convaincre de coopérer. Alors Maryse aperçut Aliénor de Wittelsbach. Elle ne put s’empêcher de sourire, se souvenant des mesquineries des courtisanes. Si la collectionneuse était là, peut-être le corsaire ferait lui aussi une apparition. Puis le ballet des personnalités se poursuivit avec la marquise de Gallerande, sans son chien cette fois. Celle-ci la remarqua et vint la saluer. Elles parlèrent quelques minutes puis la marquise partit à la recherche de tableaux, espérant contrer sa rivale. Maryse ne savait que penser d’Anne. Elle savait être charmante mais sa langue de vipère pouvait ruiner votre réputation. L’espionne se promit de se méfier d’elle. En attendant le baron de Roberval (Maryse fit même une prière silencieuse pour que le corsaire arrive rapidement !), la jeune espionne regardait les tableaux. Elle s’approcha de l’un d’eux pour observer les détails, puis voulant avoir une vision d’ensemble, elle recula de quelques pas sans regarder derrière elle. Puis quelque chose l’empêcha de reculer encore. La princesse d’Empire se retourna et son visage s’illumina lorsqu’elle vit le corsaire (non sans avoir levé la tête). Dieu semblait avoir entendu sa prière ! Elle le remercia intérieurement. « Madame de Calenberg, quel plaisir de vous voir ici ! Êtes-vous amatrice d'art ? -Monsieur de Roberval, tout le plaisir est pour moi, répondit Maryse, se disant qu’il ne pouvait pas savoir à quel point elle disait la vérité. Je ne m’attendais pas à vous voir ici. Pardonnez-moi, cela ne veut pas dire que je vous pense insensible à l’art, mais… La jeune femme remarqua que son interlocuteur regardait de l’autre côté de la salle. Elle tourna les yeux dans cette direction et put apercevoir Aliénor, la collectionneuse, s’éloigner d’eux. Je ne voudrais pas vous importuner… Elle se sentait honteuse de retenir ainsi le baron alors qu’il semblait avoir vraiment envie de discuter avec l’amatrice d’art. Mais un regain de détermination décida l’espionne. Elle devait lui parler et avoir des indices, ne serait-ce qu’un détail. Le baron pourrait toujours parler plus tard à son amie. J’aime beaucoup l’art ! J’avais très envie de venir ici avant de quitter la France. Je voulais admirer les tableaux, pour qu’ils m’offrent cette sensation de liberté que malheureusement je ne pourrai pas ressentir avant un long moment… Et vous, qu’êtes vous venu faire ici ?- J'étais venu admirer les marines, mais je suis toujours déçu de trouver la peinture en-deçà de la réalité. Regardez ce bateau, on croirait qu'il est exécuté avec une grande minutie mais il est entièrement faux et les proportions sont catastrophiques... Et on me dit que le comte de Soissons veut se le procurer ? Quel mauvais goût !-Je suis heureuse d’entendre votre avis. Il n’y a que vous, monsieur, pour être aussi pointilleux. Vous connaissez si bien les bateaux ! Malheureusement, je suis obligée de vous avouer que je ne vois pas ce que ces tableaux n’ont pas de réaliste. Et si nous faisions le tour de ces marines ? Vous pourrez me dire tout ce qui ne va pas et je repartirai de cette exposition moins naïve en matière de peinture. »Alors le baron et la princesse commencèrent à faire le tour des tableaux. Le baron disait son avis, sans langue de bois, et la princesse examinait les détails pour comprendre les critiques de son ami. Bien que son but premier fût de récolter des indices sur Haydée, Maryse prenait plaisir à écouter Arthur parler et à apprendre plein de choses sur le monde de la marine. La mer l’avait toujours intriguée. Elle n’avait jamais eu le plaisir de la voir et rêvait de mettre un jour ses pieds dans l’eau. Les canaux de Bruges n’avaient rien à voir avec les vagues de la mer du Nord dont lui parlaient les invités de ses parents lorsqu’ils séjournaient chez eux. « Comme j’envie les femmes qui ont pu mettre les pieds sur de tels bateaux ! s’exclama Maryse devant l’un des tableaux présentés. J’espère avoir cette chance, même si je sais que je n’aurai jamais l’occasion de vivre une telle aventure. Après vingt minutes passées à écouter le corsaire, elle n’avait pas oublié son objectif, et espérait amener les choses subtilement (mission ô combien périlleuse pour l’espionne qu’elle était). La Siamoise qui s’est échappée a du vivre des choses exceptionnelles pendant le voyage, n’est-ce pas ? Avait-elle été dans une situation périlleuse ? L’aidiez-vous beaucoup ?» L’espionne n’avait pu s’empêcher de multiplier les questions. Elle se mordit la lèvre inférieure, regrettant de s’être laissée emporter. |
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| Sujet: Re: [Louvre] Une espionne et un corsaire sont sur un bateau... 04.06.13 16:39 | |
| Au bal des princesses d'Empire (à croire que le pauvre baron de Roberval qui ne possédait qu'une malheureuse terre au fin fond de la Bretagne avait un lien particulière avec ces dernières... Ne me demandez pas pourquoi), Arthur avait récolté celle qu'il désirait sans doute le moins rencontrer. Il aurait été prêt à se passionner pour les peintures d'histoire si cela lui avait permis d'approcher un peu la dame allemande qui avait attiré son attention. Au lieu de cela, il faisait face à la plus agaçante des ressortissantes du Saint Empire qu'il croisait depuis désormais des semaines et qui s'intéressait beaucoup trop à lui et à ses activités suite à la « disparition » d'Haydée de Lopburi. En voyant le visage de la princesse en question s'illuminer en le voyant, il se demanda ce qu'il avait pu faire au Ciel pour mériter cela (Dieu n'était décidément pas de son côté) et poussa un soupir, prenant brusquement conscience qu'elle n'était sans doute pas prête à le lâcher, comme lorsqu'elle tombait « par le plus grand des hasards » sur lui dans les couloirs de Versailles. Encore heureux qu'il ne fréquentât pas tous les divertissements d'une cour qui s'attendait à voir apparaître Maryse de Calenberg sinon on aurait pu croire qu'ils se poursuivaient mutuellement. D'ailleurs, elle ne lui avait jamais fait part de sa passion pour les arts et n'était guère connue pour ses collections au contraire de quelqu'un comme Aliénor de Wittelsbach ou même cette détestable Anne de Gallerande – qu'Arthur pensait bien connaître désormais, après toutes les enquêtes qu'il avait effectuées sur elle pour mieux la piéger. Maryse d'Armentières était-elle venue là dans le but de pouvoir le voir ? Allons, c'était ridicule, décréta le marin en prenant son mal en patience, même si la princesse n'avait rien d'autre à faire que de le pourchasser (c'eût été décevant de la part des femmes bien nées... Ou alors flatteur), elle n'avait pas pu apprendre qu'il avait choisi de venir à l'Académie de peinture où, décidément, il n'était pas à sa place. A la réflexion, personne n'aurait pu se douter, ce matin-là même qu'il allait sortir alors qu'il ne lui restait que quelques jours avant de quitter Paris surtout pour aller à un tel endroit, même Félicie, sa gouvernante attentionnée n'avait pas pu s'empêcher d'être surprise lorsqu'il lui avait expliqué le programme de sa journée (tout en mangeant avec circonspection son petit déjeuner composé par les bons soins de sa cuisinière soupçonnée d'empoisonnement – au moins celle-ci n'avait pas encore fait de petits pois à la farine). En voyant du coin de l’œil le fameux comte de Soissons dont on lui parlait en boucle depuis plusieurs minutes s'extasier devant une croûte, Arthur se fit la réflexion qu'après tout, il n'était pas le seul à se trouver là sans y être à son aise. Maryse d'Armentières elle-même semblait bien contente d'avoir trouvé quelqu'un à qui parler au lieu de faire mine de regarder des tableaux plus ou moins réussis. Comme quoi, se dit le marin après avoir fait quelques pas pour s'éloigner de son précédent interlocuteur (quant à choisir entre la peste et le choléra, valait encore mieux la peste, au moins, elle était plus charmante et plus jolie), même la vie des princesses allemandes pouvait être d'un ennui si profond qu'on en venait à s'adresser à un pauvre corsaire breton.
- Je ne m’attendais pas à vous voir ici. Pardonnez-moi, cela ne veut pas dire que je vous pense insensible à l’art, mais… Roberval leva un sourcil, amusé. Au moins, elle était directe et il ne put s'empêcher de répliquer dans un éclat de rire qui ressemblait à un grognement : - Il paraît qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre ! Pensez-vous que les pirates sont à ce point peu civilisés qu'ils ne peuvent pas reconnaître une belle chose quand ils en voient une ? Il n'avait pas dit cela pour la mettre mal à l'aise ou la taquiner, c'était juste qu'il venait de voir partir Aliénor avec un certain regret. C'était peut-être la dernière occasion pour lui de lui adresser la parole et madame de Calenberg venait de gâcher en beauté cette opportunité (Arthur ignorait alors encore qu'Aliénor avait une façon bien à elle et fort peu bienséante de dire adieu à ses connaissances – et que par-dessus le marché, il allait pouvoir se débarrasser de son charmant perroquet). Devant lui, Maryse ne se démonta pas et continua la conversation avec un enthousiasme pour deux, qu'il fallait mettre à son crédit car il n'était pas facile de dérider le silencieux corsaire qui fit néanmoins l'effort pou détourner la discussion sur les fameuses « marines » dont il venait d'apprendre l'existence. - Vous connaissez si bien les bateaux ! S'exclamait Maryse, en réponse, malheureusement, je suis obligée de vous avouer que je ne vois pas ce que ces tableaux n’ont pas de réaliste. Et si nous faisions le tour de ces marines ? Vous pourrez me dire tout ce qui ne va pas et je repartirai de cette exposition moins naïve en matière de peinture. Un instant, le corsaire envisagea de lui refuser cette faveur et de la planter là, entre l'affreux bateau à trois mâts, le comte de Soissons et le petit bonhomme moustachu qui avait un don pour les monologues, ce qui n'aurait pas été digne d'un gentilhomme mais la jeune femme semblait si sincère qu'Arthur poussa un soupir intérieur et accepta de cesser de se débattre et de regarder les toiles avec elle. - Je ne suis pas certain que vous repartirez moins naïve en matière de peinture, la prévint-il néanmoins, je ne serais guère habilité à vous faire des commentaires sur les manières de tel ou tel artiste, ne sachant pas tenir le pinceau moi-même. Mais en revanche, vous pourrez peut-être en apprendre sur le monde maritime. Cela ne parut pas pour autant la faire fuir, aussi firent-ils tous deux le tour des tableaux de la pièce, permettant à Arthur de donner son point de vue de professionnel de la mer, de la guerre de course et des pillages. Après quelques critiques sur les formes adoptées pour les bateaux, le marin ne put s'empêcher de s'attarder plus longuement sur les scènes représentant des batailles navales ou amphibies, s'arrêtant de temps à autre pour raconter une ou deux anecdotes qui émaillaient sa longue carrière. - Regardez cette petite goélette, elle n'a pas grand chose à faire dans un tel combat mais le peintre a dû vouloir représenter plusieurs types de navires pour montrer sa maîtrise. En réalité, elle ne fait pas une seconde le poids face à un navire de ligne possédé par les Espagnols ou les Anglais. Nous avons de petits bateaux mais pas aussi fragile que cela... Un jour, après mon évasion d'Angleterre, après le naufrage de mon bateau, un ami a voulu m'offrir... Et il racontait et racontait, se laissant un peu aller dans la conversation, quitte à en perdre le point de vue de la situation dans laquelle il se trouvait. Mais ces scènes de bataille qui semblaient si héroïques et presque belles sous le pinceau de ces peintres courtisans, il serait bientôt amené à les revivre lui-même. Et il ne put s'empêcher de penser qu'il manquait quelque chose à ces tableaux, comme s'ils manquaient leur sujet et passaient à côté. Ce ne fut qu'arrivé à la fin de la pièce qu'il sût ce qui l'avait gêné : c'était l'absence de sueur, de douleur et de sang. Comme si on ne voulait montrer que ces grands bateaux majestueux en laissant de côté la vérité de la guerre.
- Comme j'envie les femmes qui ont pu mettre les pieds sur de tels bateaux ! S'exclama Maryse à ses côtés, à mille lieux des pensées du corsaire, j'espère avoir cette chance même si je sais que je n'aurai jamais l'occasion de vivre une telle aventure... - Qui sait ? Répliqua Arthur, sans en croire un mot, toutefois, car après tout le pont d'un navire n'était pas un lieu pour une princesse, il ne le savait que trop. - La Siamoise qui s'est échappé a dû vivre des choses exceptionnelles pendant le voyage, n'est-ce pas ? Avait-elle été dans une situation périlleuse ? L'aidiez-vous beaucoup ? En un instant, la situation avait changé du tout au tout et Roberval ne put s'empêcher de se crisper et de se rembrunir. On y était enfin ! Cette Maryse à toujours vouloir obtenir des informations sur Haydée lui paraissait définitivement suspecte. Elle n'avait pas été la seule à chercher à se renseigner sur Haydée qui avait alimenté les conversations pendant un certain temps à la cour mais tout le monde a fini par se lasser. Tout le monde sauf elle. Et face à Maryse et à ses questions, Arthur avait comme l'impression d'être un protestant au plein cœur de l'Angleterre catholique de Mary Tudor, comme si on cherchait toujours à l'accuser d'avoir fait un acte répréhensible – c'était sans doute le fait que sa conscience n'était pas totalement tranquille. Encore heureux que Maryse n'ait pas les moyens des agents de la reine sanglante pour lui faire avouer. Arthur n'était pas effrayé par la princesse Calenberg mais il n'avait guère envie que cette histoire remonte aux oreilles du roi qui lui avait accordé sa confiance. Et si le père d'Haydée avait réussi à les surprendre tous les deux, rien n'était impossible. - Vous voulez parler d'Haydée, l'épouse du roi du Siam ? En effet, nous avons dû faire face à une longue traversée, répondit-il, sur la défensive, elle se trouvait sur mon navire, L'Orientale, en tant qu'hôte de marque. Il serait exagéré de dire que je l'aidais ou que je la voyais beaucoup, nous avons nos propres obligations en tant que capitaine. Mais elle était très effrayée par les tempêtes et restait cloîtrée dans sa cabine. Roberval se demandait qu'ajouter de plus pour satisfaire la curiosité de Maryse sans mettre Haydée en danger quand il vit une silhouette bien connue pénétrer dans la salle. Elle n'avait pas son affreux petit chien blanc mais la marquise de Gallerande était reconnaissable entre toutes avec son port de tête aussi majestueux que celui d'une souveraine, ses cheveux blonds et... Sa voix sèche et agaçante. Le baron de Roberval n'avait guère envie de lui parler devant Maryse d'Armentières, qui ne manquerait pas de s'étonner de l'inimitié qui les liait, aussi prit-il d'autorité le bras de la jeune femme pour l'entraîner dans la salle suivante, avec une décontraction feinte pour cacher ce qui ressemblait à une fuite.
Ils se trouvaient désormais dans une nouvelle salle du Louvre, consacrée aux portraits. En un instant, ils furent cernés par une foule de gentilshommes et de femmes vêtus de leurs plus beaux atours et qui semblaient les regarder avec suspicion. Seul l'un d'entre eux, exposé au centre dénotait particulièrement : - Albert II du Saint-Empire, lut Arthur sur le cartel, dans une volonté de détourner la conversation, voilà un homme bien affreux, je me demande bien pourquoi il a choisit de se faire représenter ainsi et de laisser une telle image à la postérité ! Son menton est bien allongé, son nez... Un peu trop aussi et alors quels yeux ! Tout simplement affreux ! Le corsaire était plutôt fier de lui, il lui semblait avoir réussi à faire oublier Haydée à Maryse et une petite foule semblait lui indiquer où se trouvait Aliénor. Il était plus que temps d'abandonner la princesse d'Empire pour passer le reste de l'après-midi au bras d'une autre. Mais il semblait que le destin n'était pas avec lui cette journée-là. A croire que Maryse avait passé un pacte avec le diable. - Oh, vous êtes charmants tous les deux ! S'écria un jeune peintre derrière un énorme chevalet, restez exactement là où vous êtes, je vais faire un rapide croquis de vous deux et vous l'offrir, un couple tel que vous ! - Mais nous ne sommes pas... Nous n'avons pas le temps, protesta Arthur. - Allons, allons, ce sera très rapide, lui assura le jeune homme déjà parti dans son dessin, ne bougez surtout pas ! Et voilà le baron de Roberval contraint de poser pour un peintre en compagnie de la princesse de Calenberg. Il était bloqué là et ne pouvait échapper aux questions qu'elle ne manquerait pas de lui poser. Il choisit donc de prendre ce mal pour un bien et d'engager lui-même la conversation sur le sujet. Après tout, peut-être Maryse pourrait-elle l'informer sur les rumeurs qui courraient sur Haydée ? - La petite Siamoise a été très courageuse pour autant. Nous avions du mal à communiquer car elle ne parlait guère le français malgré sa mère française. Vous savez, la vie au Siam n'est guère facile, elle a vécu au sein d'un véritable sérail et à son âge, on rêve bien souvent de liberté, avec réflexion, cela ne m'étonne pas qu'elle ait quitté la cour. A moins qu'elle n'ait été enlevée, croyez-vous que cette hypothèse soit juste ? J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas eu de demande de rançon ? Il tentait désormais de la sonder pour savoir ce qu'elle avait appris à force de fouiner partout : - J'espère que les hommes du roi vont vite la retrouver, elle était plutôt attachante comme gamine, cela serait dommage qu'il lui arrive du mal. Avez-vous appris la disparition de son père qui l'avait accompagnée dans la délégation ? Ses hommes de main ont été retrouvés morts mais lui-même avait disparu. Il n'est jamais bien prudent de se promener dans les rues parisiennes la nuit, j'en ai parfois fait l'expérience... Ne pas trop en dire mais assez pour endormir les soupçons de Maryse d'Armentières. Un jeu d'équilibriste qu'Arthur de Roberval n'était pas sûr de maîtriser à la perfection. |
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| Sujet: Re: [Louvre] Une espionne et un corsaire sont sur un bateau... 29.01.14 16:22 | |
| Espionner n'était pas une activité de tout repos. Il fallait suivre les personnes jugées inquiétantes, se faufiler dans des ruelles sombres et désertes de la capitale, de préférence une fois le soleil couché, ou se pavaner à la Cour pour laisser trainer ses oreilles et surprendre des bribes de conversation qui pourraient se révéler intéressantes. Tout cela prenait beaucoup de temps et d'énergie, surtout pour une princesse d'empire qui devait également respecter ses obligations, comme présenter ses hommages à des personnes plus titrées qu'elle ou paraître à la Cour tout simplement. En tant qu'espionne du roi, Maryse d'Armentières se retrouvait parfois dans des situations improbables. Elle s'était retrouvée dans la cuisine du baron de Roberval, dans un couvent, et dans le camp des mousquetaires, cette dernière situation étant désormais un lointain souvenir de notre espionne qui avait subi les blagues du comte du Perche (elle lui en voulait toujours, d'ailleurs). Cette fois-ci encore elle était dans une situation tout à fait étrange, discutant peinture avec le baron de Roberval au beau milieu de tableaux convoités par les collectionneurs d'art qui les entouraient. Maryse ne s'était jamais vraiment intéressée à l'art, et d'ailleurs elle soupirait toujours d'ennui quand on l'obligeait à poser devant un peintre, soit-disant pour immortaliser son éblouissante beauté (c'est ce que lui disait sa mère pour la persuader, petite, de ne pas bouger pendant que l'artiste dessinait sa silhouette, un vieux souvenir qui faisait sourire la jeune femme qu'elle était devenue). De même, observer un tableau durant de longue minutes pour analyser ce qu'avait fait le peintre ne l'enchantait guère et elle trouvait rapidement une excuse pour s'éloigner dudit tableau, oubliant deux secondes plus tard ce qu'elle y avait vu. Non, on ne pouvait pas dire que Maryse était intéressée par cet art, et pourtant elle était venue volontairement en ce lieu, ceci pour une seule et unique raison : rencontrer le baron de Roberval, tout à fait par hasard bien entendu, et entamer avec lui une conversation des plus banales (ou des plus intéressantes, au choix). Aussi ne fut-elle pas du tout honteuse de lui mentir en lui assurant qu'elle aimait beaucoup l'art (un péché qu'elle se ferait pardonner lors de sa prochaine confession, elle était sûre que le père Jean ne lui en tiendrait pas rigueur, ni Dieu non plus d'ailleurs) dans le but de rester en la compagnie du corsaire. Certains auraient pu être outrés de la voir ainsi suivre le baron, croyant sûrement qu'elle avait des desseins cachés, se rendant coupable d'infidélité morale et peut-être même d'infidélité physique, et Maryse n'aurait pas pu leur en vouloir car si elle s'était elle-même observée dans cette situation, elle aurait été choquée de son attitude. Heureusement, les divers collectionneurs d'art et amateurs qui parcouraient les pièces ne prêtaient pas plus attention à l'étrange couple que formaient le baron et la princesse d'empire qu'au vase absolument affreux qui était censé décorer un coin de la pièce.
Lorsque le roi avait demandé, ou ordonné, à Maryse de retrouver Haydée de Lopburi, Maryse ne s'était pas douté que cela la mènerait tout droit entre les murs du Louvre. Pourtant, c'était bien la Siamoise qu'elle recherchait lorsqu'elle était entrée dans la demeure des rois, espérant que le baron lui donnerait quelques indices qui lui seraient utiles. Les rumeurs de guerre étaient devenues réalité et la princesse d'empire savait très bien que dans quelques temps, elle partirait pour Nancy, et le baron pour Dunkerque, rendant une prochaine rencontre lointaine et hypothétique. En attendant, la Siamoise pourrait se promener tranquillement dans les rues de la capitale sans avoir à s'inquiéter. Il apparaissait en effet qu'elle se faisait peu à peu oublier, le roi lui-même ayant des problèmes plus urgents à régler, comme gagner une guerre par exemple. Néanmoins, Maryse prenait sa mission à coeur et tentait d'en apprendre le plus possible avant de rejoindre Nancy qui était, à ses yeux, le bout du monde. Un conflit avec le Siam était la dernière chose qu'il fallait souhaiter au bon roi Louis XIV.
Heureusement, lorsque la princesse de Calenberg proposa au marin de lui parler des tableaux et des navires, il ne refusa pas sa proposition à la grande joie de la jeune femme qui avait cru lire dans le regard de son compagnon un profond ennui. Elle avait très bien remarqué qu'il voulait juste rejoindre Aliénor de Wittelsbach et qu'elle l'en empêchait mais elle ne pouvait pas faire autrement que de l'obliger à accepter sa présence. Le baron fut néanmoins agréable et guida Maryse à travers la pièce, s'arrêtant devant des tableaux pour y pointer des détails qu'elle n'aurait pas remarqué toute seule. Observer les tableaux tout en écoutant les remarques de son compagnon était beaucoup plus agréable que de rester plantée en silence devant les peintures. Le baron de Roberval donnait vie aux tableaux, il faisait trembler les navires qui subissaient des tempêtes, il faisait courir sur le pont les matelots qui tentaient de rester en vie malgré une mer houleuse. Maryse, oubliant sa mission, buvait les paroles du corsaire qui décrivait avec passion ses propres aventures en prenant comme appui les tableaux qu'il commentait. Il lui faisait remarquer des détails contradictoires dans les tableaux, des choses qui ne correspondaient pas aux scènes et que seul un marin pouvait connaitre. La princesse de Hanovre avait l'impression de découvrir le vrai Arthur de Roberval, qui n'était pas un homme taciturne, sombre et désagréable comme pouvaient le laisser croire certaines personnes comme la marquise de Gallerande, mais un homme passionné par ce qu'il faisait et qui, au fond, n'avait qu'une envie : celle de retrouver la mer. Il avait vécu tant d'aventures, affronté tant de dangers, rencontré tant de personnes incroyables ! Maryse en était impressionnée.
Malgré tout, il fallait à tout prix qu'elle récolte quelques indices et, se laissant embarquer dans les aventures d'Arthur de Roberval, elle ne put s'empêcher de s'exclamer pour montrer qu'elle enviait les femmes qui avaient mis les pieds sur un navire. Alors elle tenta le tout pour le tout et parla d'Haydée. Elle ne prit pas de précaution pour parler d'elle, pas de sous-entendu ni de remarque implicite sur la Siamoise, non, elle y alla franchement et posa ses questions de but en blanc. Cela amènerait sûrement le baron à se méfier d'elle mais elle avait déjà tenté les remarques et questions implicites, sans résultat. L'espionne du roi changeait donc de tactique en espérant que celle-ci aurait plus de succès. Le baron de Roberval se trouva pris au dépourvu (croyait-il vraiment qu'elle ne lui poserait pas de question sur Haydée ? C'était mal connaître la détermination de Maryse qui se transformait souvent en entêtement) et les traits de son visage se durcirent à nouveau sous l'effet de ces questions. Il lui répondit néanmoins, mais on pouvait sentir qu'il était sur la défensive.
“Vous voulez parler d'Haydée, l'épouse du roi du Siam ? En effet, nous avons dû faire face à une longue traversée, elle se trouvait sur mon navire, L'Orientale, en tant qu'hôte de marque. Il serait exagéré de dire que je l'aidais ou que je la voyais beaucoup, nous avons nos propres obligations en tant que capitaine. Mais elle était très effrayée par les tempêtes et restait cloîtrée dans sa cabine.
-J'imagine en effet que vous n'aviez pas le temps de vous soucier de ce que souhaitait cette jeune femme, répliqua évasivement Maryse en observant son interlocuteur. Quel triste sort que le sien. Qui pourrait lui en vouloir de s'être enfuie ? S’apitoya Maryse, qui prenait volontairement le parti de défendre celle qu'elle recherchait. Vraiment, je pense que si j'avais pu, je l'aurais aidé à fuir une telle vie, bien que cela ne soit pas du goût du roi. Quelle...” Maryse ne put finir sa phase car le baron prit son bras pour l'emmener vivement vers une autre salle. La jeune femme n'eut que le temps d'apercevoir, de loin, la marquise de Gallerande (Dieu merci sans son horrible monstre – Maryse demanda pardon pour avoir blasphémé) et comprit qu'Arthur de Roberval souhaitait éviter de la rencontrer. Il lui présenta néanmoins ses excuses pour lui avoir coupé la parole et précisa qu'il avait eu envie de voir la salle des portraits. Si Maryse n'avait pas aperçu Anne de Gallerande, elle aurait pu croire qu'il avait voulu échapper à la conversation sur Haydée.
Maryse se sentait observée par un nombre incalculable de paires d'yeux dans cette salle des portraits. Des femmes et des hommes qui avaient posé et qui désormais étaient condamnés à observer les visiteurs, le regard suspicieux et agacé ou fier et arrogant. Toujours au bras du corsaire, la jeune femme ne savait pas où donner de la tête lorsqu'il la mena vers un tableau bien étrange. Jamais Maryse n'avait vu une telle horreur. Le baron s'approcha du cartel et lut à voix haute :
“Albert II du Saint-Empire, voilà un homme bien affreux, je me demande bien pourquoi il a choisit de se faire représenter ainsi et de laisser une telle image à la postérité ! Son menton est bien allongé, son nez... Un peu trop aussi et alors quels yeux ! Tout simplement affreux !
-Croyez-vous qu'il soit affreux à ce point ? Je me demande si la personne qui a fait ce tableau n'était pas un piètre peintre. Il me semble impossible d'avoir une si grosse tête, disproportionnée par rapport à son corps. Je ne pourrais pas donner de conseil en peinture mais cet Albert II du Saint-Empire a bien mal choisi son peintre. Et puis, s'il est moche à ce point, le peintre aurait pu l'avantager un minimum sur ce tableau, en omettant quelques détails pour le rendre plus beau.”
N'ayant jamais vu Albert II du Saint-Empire en réalité, Maryse ne pouvait dire s'il était vraiment affreux ou si le peintre avait eu quelques soucis pour le représenter. Elle espérait néanmoins que la deuxième solution était la bonne car il lui paraissait très difficile de vivre avec une telle laideur. Mais si elle paraissait avoir oublié la Siamoise, cela n'en était rien car elle était prête à reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée, c'est-à-dire avant que le baron ne l'emmène dans cette salle des portraits. Un peintre vint malheureusement l'interrompre dans son élan (lui rendant néanmoins service mais cela, elle l'ignorait) et voulut peindre le “couple” qu'ils formaient. Le baron refusa mais, même derrière son chevalet, le peintre eut assez d'autorité pour les persuader de poser. Maryse se crut alors obligée de demander une faveur au peintre : “S'il vous plait, ne nous peignez pas comme cet Albert II du Saint-Empire... -N'ayez aucune crainte, madame, vous êtes tous les deux tellement beaux qu'un tableau vous représentant ne peut pas être raté”.
Contre tout attente, après cet échange avec le peintre, c'est le baron qui évoqua le premier Haydée de Lopburi. Voulait-il montrer à Maryse qu'il n'avait rien à voir dans la fuite de la Siamoise ?
“La petite Siamoise a été très courageuse pour autant. Nous avions du mal à communiquer car elle ne parlait guère le français malgré sa mère française. Vous savez, la vie au Siam n'est guère facile, elle a vécu au sein d'un véritable sérail et à son âge, on rêve bien souvent de liberté, avec réflexion, cela ne m'étonne pas qu'elle ait quitté la cour. A moins qu'elle n'ait été enlevée, croyez-vous que cette hypothèse soit juste ? J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas eu de demande de rançon ?
-Je ne sais pas si une demande de rançon a été faite, seul le roi et ses proches pourraient répondre à cette question, j'imagine, répondit Maryse en restant évasive, voulant montrer qu'elle n'avait pas beaucoup d'éléments en main. Elle savait qu'elle paraissait étrange aux yeux du baron à cause de toutes ses questions et espérait endormir ses soupçons. Peut-être lui posait-il des questions pour savoir à quel point elle s'était intéressée à Haydée et les informations qu'elle détenait.
-J'espère que les hommes du roi vont vite la retrouver, elle était plutôt attachante comme gamine, cela serait dommage qu'il lui arrive du mal. Avez-vous appris la disparition de son père qui l'avait accompagnée dans la délégation ? Ses hommes de main ont été retrouvés morts mais lui-même avait disparu. Il n'est jamais bien prudent de se promener dans les rues parisiennes la nuit, j'en ai parfois fait l'expérience...”
Étrangement, le baron paraissait plus enclin à parler que de coutume. Les fois précédentes, il avait lâché quelques bribes, montrant clairement qu'il ne souhaitait pas s'appesantir sur ce sujet. Et tout à coup, il s'épanchait lui-même sur la question. Si Maryse semblait naïve, elle ne l'était pas tout à fait et faisait assez preuve d'esprit pour deviner que quelque chose n'allait pas. Certes, elle ne pouvait pas accuser le baron sans preuve et d'ailleurs, elle ne le soupçonnait pas vraiment d'avoir aidé Haydée à fuir. Mais elle se disait qu'il savait quelque chose qu'il ne voulait pas avouer. La Siamoise lui aurait-elle fait part de son envie de partir ? Lui aurait-elle parlé de personnes qui pourraient l'aider sur place ?
“Oh je ne savais pas que son père faisait partie de la délégation, et qu'il a disparu qui-plus-est ! Ses hommes de main, morts, vous dîtes ? Quelle tragédie ! J'espère aussi que les hommes du roi vont la retrouver. Paris n'est pas une ville accueillante pour une jeune étrangère comme elle, qui ne parle pas couramment le Français comme vous l'avez souligné à l'instant.” Maryse, oubliant qu'elle se faisait peindre, porta la main à ses cheveux pour remettre en place une mèche qui la gênait. Alors le peintre s'énerva “Cessez de bouger ! Je ne peux pas vous peindre correctement si vous bougez ainsi.” Alors Maryse soupira et reprit, sans répondre au peintre : “Mais en plus, si quelqu'un s'en est pris à son père et à des hommes de sa délégation, cela veut dire qu'elle est d'autant plus en danger ! Comme je la plains ! Comme vous l'avez précisé, les rues parisiennes sont infréquentables le soir. Je ne l'ai heureusement jamais découvert par moi-même mais je serais terrifiée si cela m'arrivait un jour.”
Toutes ces phrases n'étaient qu'un tissu de mensonges. Maryse avait bien évidemment appris que le père de la Siamoise et ses hommes de mains avaient fait face à une attaque. Et elle savait, accessoirement, que les rues de Paris étaient dangereuses le soir, mais ce détail n'était pas très important pour le baron de Roberval qui n'avait pas grand intérêt à savoir ce que faisait la duchesse de Calenberg une fois la nuit tombée (ni toute la journée, en fait).
Après ces longues minutes à poser en compagnie de Roberval et qui avaient été bénéfiques finalement puisqu'ils avaient pu discuter de la Siamoise, le peintre apparut, ou plutôt sa tête que les deux amis purent voir à côté du chevalet. “J'ai fini, vous pouvez venir voir !”. Maryse fit une moue dubitative, il lui semblait peu probable que le peintre ait fini son tableau en si peu de temps. Elle accompagna néanmoins le baron derrière le chevalet pour admirer le chef d'oeuvre. Mais en fait de chef d'oeuvre il y avait en réalité une peinture...affreuse. La princesse de Hanovre toussa pour étouffer un cri. Le baron de Roberval quant à lui avait l'air à la fois amusé et blasé, s'il était possible d'être les deux à la fois. Sur la toile blanche avaient été dessinés des traits noirs dans tous les sens et il était a priori impossible de deviner ce qu'ils représentaient. “Alors, qu'en pensez-vous ?” demanda le peintre (mais Maryse se dit qu'il était aussi peintre qu'elle était cuisinière), un grand sourire aux lèvres et fier de présenter son travail. Il avait l'air réellement fier de lui et l'espionne ne voulait pas briser ses rêves en dénigrant son travail. Elle décida de prendre la parole avant que le corsaire ne se moque du tableau. “Oh, comme c'est...joli en effet. -N'est-ce pas ? Répondit le peintre, heureux d'être ainsi complimenté. Je sais que ça ne ressemble pas vraiment aux portraits qui nous entourent, mais ils se ressemblent tous et je les trouve ennuyeux. Monsieur Séraphin, ayant découvert mes talents, m'a dit que je pouvais l'aider à créer ses théâtres d'ombres chinoises. Il a eu un grand succès lors de la cérémonie du Nouvel an organisé par le roi, vous savez. J'espère que ça ne vous dérange pas d'apparaître ainsi lors du prochain théâtre d'ombres de Monsieur Séraphin.”
La duchesse de Calenberg se rassura en se disant qu'on ne pouvait pas les reconnaître, le baron de Roberval et elle, sur cette toile. Elle assura donc le peintre que cela ne les dérangeait pas et, avec Arthur, ils s'éloignèrent rapidement de lui pour le fuir, non sans rire, alors qu'ils marchaient, de cette toile pleine de traits noirs. Après s'être remis de cette aventure pour le moins originale, ils s'arrêtèrent devant le portrait d'une jeune fille de moins de vingt ans dont le regard mélancolique prêtait à une multitude d'interprétations.
“Combien de jeunes femmes trouvent leur vie brisée à cause de décisions qu'on leur a imposées ? Commença Maryse, trouvant là un sujet potable pour amener la conversation sur Haydée, pour changer. C'est notre devoir d'obéir à nos parents puis à notre mari, mais quand même, la vie peut parfois être injuste. J'ai eu beaucoup de chance d'avoir épousé le duc de Calenberg mais d'autres n'ont pas cette chance. Cette pauvre Siamoise... Maryse avait remarqué que le baron n'utilisait pas son prénom pour parler d'elle, mais cette expression : la Siamoise, qu'avaient utilisée tous les courtisans pour la désigner lors de sa fuite, avant de l'oublier. Il voulait peut-être montrer qu'il ne l'avait connue que de loin, lui dans sa cabine et elle dans la sienne. Mais l'espionne de Louis XIV ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait prêté attention à Haydée, qu'il l'avait peut-être protégée lors du voyage et qu'il s'était attaché à elle. Ce n'étaient que des suppositions, mais il fallait exploiter cette idée jusqu'au bout car le corsaire était le seul lien qui la rattachait à Haydée. Elle reprit : J'espère que si des personnes ont des informations, ils en feront part à qui de droit. Si elle est seule, à Paris, qui sait ce qu'il peut lui arriver ? Les brigands sont si nombreux. Elle doit être terrorisée. Bien sûr, Maryse lançait un message implicite au corsaire, espérant qu'il y répondrait. L'espionne décida alors de lui faire peur pour le pousser à réagir. Vous savez, j'ai su par mon époux, qui connait un ami d'un proche du roi, que des assassins rôdent dans les rues de Paris, le soir. Elle baissa la voix pour lui faire croire que c'était une information confidentielle. Ils auraient déjà tué quatre personne, de ce que j'ai pu apprendre. Mon époux, bien que sachant que je ne promène jamais seule à Paris, et encore moins le soir, m'a quand même dit de faire attention, on ne sait pas de quoi ils sont capables. Les autorités n'ont aucun indice sur eux. Tout ce qu'ils savent, c'est que les corps de quatre femmes ont été retrouvés. J'espère sincèrement que quelqu'un aidera le roi à retrouver Haydée car elle est en danger. Imaginez qu'elle tombe sur cet ou ces assassins. La pauvre fille, elle ne mérite pas cela, j'en suis certaine.”
L'espionne n'était pas sûre que cette idée apporterait des résultats mais elle manquait cruellement d'indices et il fallait à tout prix qu'elle en ait. “Je sais que ça peut paraître étrange que je m'intéresse autant à cette Siamoise, alors que tout le monde l'a oubliée, mais je me sens un peu coupable d'avoir une vie si facile alors que la sienne ne l'est pas du tout. Mon profond attachement à la religion me pousse à faire le bien, et je fais ce que je peux pour aider ceux qui sont dans le besoin."
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