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| [INTRIGUE] Charivari, avril 1667 | |
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| Sujet: Re: [INTRIGUE] Charivari, avril 1667 22.11.13 19:21 | |
| Il était étonnant de voir Émilie de Vendières aussi sérieuse et aussi vindicative, elle qu'on ne connaissait que sous le jour de la scientifique un peu illuminée qui défendait avec autant de conviction (que d'exaspération de la part de ses interlocuteurs) la dernière pièce de monsieur Molière, la cause de celles qui voulaient contraindre le port de vêtements plus simples pour éviter que les femmes ne se fassent happer par les cheminées quand elles passaient à leurs côtés ou la circulation sanguine auprès de ces imbéciles de la Sorbonne. Malgré la joie qu'elle ressentait à l'idée de retrouver la petite Blandine Pisdoe, c'était l'horreur et la colère qui s'étaient emparées de la jeune femme quand elle avait vu l'affreuse mutilation que l'on avait fait subir à celle qu'elle n'avait jamais réussi à retrouver, elle qui se targuait pourtant d'aider la lieutenance de police quand celle-ci ne parvenait à résoudre les affaires par elle-même (ce qui arrivait beaucoup plus souvent qu'on ne pouvait penser, la police avait beaucoup de qualités mais pas celles de savoir régler les crimes, ce qui réduisait de beaucoup leur efficacité). Mais si ces gens-là devraient payer pour avoir ôté une fille à son père, avoir contraint ce dernier à vivre des années dans l'attente – puisque chaque jour, l'espoir de revoir son enfant le poussait à se lever et à passer des heures à la fenêtre comme si la silhouette de Blandine allait finir par se dessiner dans les rues de Paris où enfant, elle jouait parfois à sauter par-dessus les flaques –, s'ils méritaient sans doute de passer à l'échafaud (Émilie trouvait ça un peu barbare mais il fallait dire que ça offrait une coupe anatomique parfaite), la jeune femme ne voulait pas que l'envie de vengeance s'empare toute entière de Blandine et ne finisse par l'aigrir. Elle ne voulait pas voir la petite fille qu'elle imaginait toujours en la petite Pisdoe, l'enfant même aux joues encore un peu rondes, souhaiter la mort de ses ravisseurs. Qu'avait-elle donc souffert pour qu'ils l'aient autant transformé ? Émilie se promit néanmoins de poursuivre son enquête, seule, avec peut-être les quelques éléments que Blandine pourrait lui révéler, cette dernière pourrait alors tourner la page et passer au reste de la vie qui l'attendait. Et ce reste-là, après les années de douleur et d'absence, ne pourrait qu'être encore plus beau. La dame de Vendières était en tout cas loin d'imaginer qu'elle était déjà sur la piste du ravisseur, que déjà des indices convergeaient sur un Allemand qui fréquentait les bas-fonds et tuait les hommes dans la pleine force de l'âge et dont Blandine pourrait lui apporter le nom. Mais Émilie de Vendières, retrouvant son éternel sourire, chassa très vite ces pensées noires et se laissa à nouveau envahir par le bonheur de ces retrouvailles inattendues. On aurait bien le temps de reparler de ce passé, ce qui importait maintenant, c'était de savoir ce que la jeune fille était devenue, comment elle s'en était sortie toute seule. Et comment après avoir échappé à ses ravisseurs, elle en était venue à arborer ce costume de Colombine et à se promener dans cette fête que son charmant petit abbé avait qualifié de diabolique. Et si Émilie s'attendait à tout et n'était en général pas surprise pour deux sous (c'était elle qui avait l'habitude de surprendre, pas l'inverse), elle ne put s'empêcher de marquer un instant d'étonnement devant ce que lui répliqua Blandine : - Je suis devenue comédienne chez monsieur Racine par passion, c'est comme ça que j'ai eu ce costume.- Monsieur Racine ? Souffla-t-elle en songeant à tout le mal que son frère Charles disait du dramaturge, j'espère qu'il te traite bien, cet avorton.- Mais il me fallait quand même un autre métier pour échapper à l'excommunication qui touche tous les comédiens (Émilie eut un geste de compréhension même si en réalité, en bonne libertine qu'elle était, être excommunié était plutôt bon signe, cela interdisait en plus de se rendre à l'église et permettait de longues grasses matinées les dimanches matins en conséquence), pendant quelques heures, je suis aussi comptable chez le duc d'Orléans et je remplace Colbert auprès de lui.Dire que son beau-frère avait retrouvé Blandine avant elle ! Elle ne se pardonnerait jamais et se promit par ailleurs de vérifier la liste de tous les collaborateurs de sa chauve-souris de beau-frère car visiblement, il pouvait y avoir quelques personnes plus intéressantes que Charles Perrault ou le stupide Paul Pellisson. Mais la suite du discours de Blandine lui fit tendre l'oreille et oublier un instant son projet de se faire de nouveaux amis. - J'ai l'impression qu'il veut se venger sur le prince de ce qu'il n'aura jamais : la beauté et le sens de l'esthétique. Mais enfin, même si leurs accrochages quotidiens me rendaient la vie dure avant la guerre, j'apprécie beaucoup les deux. Je ne vais pas me plaindre ! Après tout ce qui m'est arrivé, j'ai eu de la chance.- Oh, prononça Émilie en agitant à nouveau la main (si ça continuait comme ça, elle allait finir par avoir un problème musculaire – et Hippocrate seul savait à quel point c'était dangereux et mortel), poussée par le désir de défendre vaguement celui dont elle portait le nom, certes, il n'a pas le sens de la mode – il a tenté de m'interdire de porter des pompons, imagine un peu ! – mais il lui arrive d'être bien conseillé, c'est lui qui décide des décors du Louvre et de Versailles et crois-moi, il pourrait presque avoir la folie des grandeurs, à croire qu'il bénéficie de réductions sur la couleur dorée.La dernière fois qu'elle avait surpris ses deux frères en compagnie de Colbert, ils étaient d'ailleurs en train de comploter à voix basse pour écarter le Bernin du projet du Louvre et pour imposer leurs propres idées, c'était dire que Colbert détestait autant la personne de Monsieur que ses folles dépenses. - Mais il est formidable que tu sois parvenue à faire ta vie et à travailler avec ce que tu sais faire, je suis si fière de toi, Blandine et ton père le sera encore plus.- Et si tu préparais mon père à ça et que tu programmais nos retrouvailles ? Rebondit Blandine, chez toi peut-être ? Et demain qui sait ? Je ne voudrais pas lui provoquer un malaise et et c'est ce qui se passerait si nous allions tout de suite chez lui. Je sais que malgré tes airs d'illuminée que j'adore toujours autant, tu sauras le ménager ! Ça ne te dérange pas de faire ça pour moi, pour nos ? Et puis une fois chez toi, tu pourras aussi me raconter ce que toi, tu deviens, car j'y compte bien ! Accepte Émilie...Émilie ne tiqua même pas le terme d'illuminée et lâcha Blandine pour battre dans ses mains. Avait-on besoin de la supplier pour organiser de grandes retrouvailles entre un père et sa fille et pour rendre service à une demoiselle pour laquelle elle avait une sincère affection ? Certainement pas et un instant, elle était encore plus enthousiaste que la petite Pisdoe, imaginait déjà des projets grandioses où tout le monde finissait en pleurs sous une nuée de fleurs. Peut-être pourrait-on même lancer quelques feux d'artifices pour fêter cette journée-là ? La dame de Vendières, dont l'inspiration était digne des pires romans du XVIIe siècle, se résolut à quelque chose de plus sobre tout de même, pour épargner le pauvre homme dont le cœur risquait déjà bien de lâcher en voyant son enfant en vie et en parfaite santé. En parlant de cela d'ailleurs, elle répondit, la larme à l’œil, tout en reprenant les paumes de Blandine dans les siennes : - Comment te refuser quoi que ce soit ? Je serai tellement heureuse de vous permettre de vous retrouver, et je te promets que je le préparerai de la meilleure des façons pour atténuer son choc. Nous allons organiser cela de la meilleure manière possible et... Il pourra enfin te serrer dans ses bras, Blandine, l'imagines-tu ? Peux-tu seulement te figurer à quel point il sera heureux ?Malheureusement, dans les grands moments d'émotion, il y a toujours un imbécile qui vient tout mettre à terre et gâcher tous les effets. Cet imbécile se matérialisa tout près des jeunes femmes en la personne de l'abbé Malingre qui, il fallait l'avouer, faisait figure d'imbécile de service ou d'idiot permanent, ce qu'il prenait très à cœur. - Madame Colbert ! Madame Colbert, vous êtes là ! S'écria en s'élançant vers les dames, l'air bouleversé, le lapin dans les bras, je vous ai cherchée dans toutes les Bavaroises de cette fêtes du diable mais vous étiez nul part, et toutes les Bavaroises ne sont pas de la plus grande vertu, je peux vous le dire.La Bavaroise en question, qui n'était pas de la plus grande vertu non plus, se détacha de Blandine qu'elle avait prise dans ses bras et haussa un sourcil perplexe devant son petit abbé auquel il en fallait peu, décidément, pour perturber. - Et qui êtes-vous ? Continua-t-il en se tournant vers la Colombine, vous n'êtes pas bien d'enlever des nobles dames comme ça ! Madame est la belle-sœur du grand Colbert, vous allez voir ce qu'il en coûte !- Ah oui, j'ai également des choses à te raconter et je veux absolument te présenter mes enfants, souffla Émilie, réjouie à Blandine avant de faire taire son abbé en lui disant que les Colombines et les Bavaroises s'entendaient forcément. - D'ailleurs, conclut-elle, vous allez tracer le chemin pour nous jusqu'à l'hôtel de Vendières, nous avons encore beaucoup de choses à nous dire et une fête de retrouvailles à organiser. Vous préparerez votre plume pour l'échevin Pisdoe, mon petit Malingre, je dois le voir.Lequel pâlit devant sa toute nouvelle responsabilité et ne releva pas, même s'il devait songer qu'il s'était inquiété pour rien si sa maîtresse songeait déjà à organiser des fêtes. En un instant, Émilie avait saisi le bras de sa petite protégée et elles se mirent à suivre l'abbé au lapin. Elle n'avait toujours pas très bien compris ce qu'était exactement cette fête mais une chose était certaine : on y avait vu s'y dérouler un miracle ! - Spoiler:
Je me suis permise de conclure, à toi de voir si tu as quelque chose à ajouter
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| | | Jean de Baignes
Quid Coeptas?
► Âge : 27 ans
► Titre : Aumônier de la reine et exorciste
► Missives : 202
► Date d'inscription : 16/04/2012
| Sujet: Re: [INTRIGUE] Charivari, avril 1667 04.12.13 23:46 | |
| Jean avait connu un grand nombre d'évènements saugrenus à la cour mais jamais n'avait-il entendu d'une telle mésaventure, et par tous les saints, jamais il n'avais pu songé en être le principal acteur! Il n'avait pas vraiment eu le temps de penser ni d'agir pour contenir la foule qui se pressait pour le pousser vers l'estrade de fortune, et d'ailleurs, il savait d'avance qu'il ne pouvait parvenir à leur échapper. La seule idée de devoir être marié - même hérétiquement! - lui faisait horreur et il guettait de tous côtés la moindre silhouette d'un garde ou d'un exempt. A peine s'était-il redressé après avoir trébuché sur la dernière marche, que l'on colla de l'autre bout de l'estrade une pauvre jeune fille à la peau brune, le regard aussi perdu que lui et tâchant en vain de se libérer de la foule bruyante et gesticulante.
Elle cria quelque chose d'inaudible aux hommes qui la portaient jusqu'à l'autel païen de fortune et alors que Jean se croyait enfin libéré des bras des gueux sortis de la Cour des Miracles, qu'il senti à nouveau des bras puissants le pousser vers la mauresque - ou d'où qu'elle vienne - qui leva vers lui un regard d'excuse. - C'est la fête, ton prince ne nous f'ra pas la guerre pour ça. Les lorrains s'en chargent déjà bien assez, hurla-t-on à la jeune femme, avant d'être repris en choeur par tous les autres!
Face à Jean, ces visages grimaçants semblaient sortis de la comedia dell'arte. Des dents gâtées, des visages jaunis aux traits grossiers, des cheveux emmêlés, collés par la sueur provoqué par la densité de la foule....Toute la basse populace de Paris investissait la ville, livrée pour la journée aux pires des crasseux de France. Il avait connu le peuple, mais celui, paisible et pieux, des campagnes! Jean détestait ces masques païens qui ne respectaient ni Dieu ni foi et qui aujourd'hui avaient décidé ce simulacre de mariage....ou alors était-ce ce spectacle dont il était l'acteur principal qu'il exécrait autant! Alors qu'on le collait à la jeune fille, il se rassura un court instant en se rappelant que la reine ne pourrait heureusement le voir en cette posture! -Pardon monsieur, fit-elle d'une voix désemparée face à la situation, alors qu'un Arlequin apportait voile et bouquet de fortune pour "embellir" la mariée. -Et voilà! Et vous m'sieur l'curé, une mître pour épousailler la mauresque? Un éclat de rire ponctua cette pique alors que Jean se dégageait courageusement - selon ses dires - pour éviter un chapeau de bouffon royal digne de la cour de Louis VII de France. Nous n'étions plus au temps des Plantagenêts! -Fichez-moi la paix, râla Jean en repoussant une nouvelle tentative! Je ne suis pas le bouffon d'Henri Plantagenêt! -Henri qui, demanda Arlequin? Qui plantait quoi? Des genêts? -Des genêts, reprit un autre! Quelle bonne idée! APPORTEZ DES GENETS, cria-t-il aux autres qui s'exécutèrent dans un indescriptible brouhaha!
Mais les fleurs n'eurent pas le temps d'arriver, car Arlequin céda sa place à celui qui sembla être le prince des fous. Perruque énorme et de travers, des coussin lui gonflaient le ventre et il tenait une cane immense, pour railler le symbole du monarque de Versailles. Des mains s'appuyèrent soudainement sur les épaules de notre pauvre aumônier qui ploya sous la force, se retrouvant à genoux devant ce roi de pacotille, alors que la fatidique question étaient déjà lancée à sa compagne de galère. - Par les lois du carnaval, toi ma fille, acceptes tu de prendre cet homme comme époux ? La foule scanda alors que Jean tentait de se relever par tous moyens, pestant et maugréant. - Bon tu dis oui! La pauvre jeune fille du hocher la tête par complaisance, car on entendit la foule pousser un "OOOoooooh" de contentement, avant un nouveau silence. -Et toi, curé! Acceptes-tu de prendre cette femme comme épouse, ou préfères-tu un homme, puisque ton dieu en est un? Jean ne pu retenir un juron scandalisé devant tant d'hérésie, alors que la foule hurlait de rire. -Allez, beau curé, dis oui, lança au bord de l'estrade une none au regard aguicheur! Et quand tu seras marié, tu pourras tromper ta femme, ça se fait chez les gens de bien! Viens me voir au couvent de la rue des Perdreaux, demande Nicole-Reine! Elle lui lança un clin d'oeil qui acheva de l'étouffer alors que la gueuse reprenait avec ses congénaires "DIS OUI, DIS OUI!" -AH, MAIS JAMAIS, s'agaça-t-il, provoquant du même coup le silence autour de l'estrade! Au loin, l'on entendait encore la musique du reste du charivari. -Le curé veut pas ! -Pardon, mademoiselle, s'excusa Jean précipitamment en se tournant vers la jeune fille, le regard scandalisé, ça n'est pas contre vous, mais c'est inconcevable! Dans votre pays, peut-être, mais ici, jamais! -Que lui fait-on, demanda le prince aux gueux?! -L'EMPALE, cria-t-on en réponse! -Ah, agonisa Jean! Et à la jeune fille qui ne comprenait peut-être pas, il précisa: comme le disait Monsieur le frère du roi : le supplice de l'empale est un jeu qui commence si bien et se finit si mal !
Il se lamentait alors que la foule hurlait, mais un mouvement se fit soudainement dans la foule et l'on vit quelques gueux grogner, pester, râler avant de laisser le passage à des hommes qui enfin, n'étaient pas costumés. Dès que Jean aperçu les casques des gardes de la ville, il poussa un soupir de soulagement. -Halte, lança celui qui semblai-être le capitaine! On m'a rapporté que vous aviez pris de force l'aumônier de sa majesté la Reine! -Oh! C'était l'aumônier de la reine, s'exclama le prince des fous dans une mimique qui provoqua un rire général! Toutes nos excuses monsieur l'exempt! Reprenez votre bien, allons! De toute façon, il a refusé de prendre épouse aujourd'hui, laissons-le à la reine qui en fera ce qu'elle voudra, y compris son bouffon! Un nouveau rire salua la pirouette irrévérencieuse de l'homme qui fut vite écarté par le garde alors que Jean, debout, époussetait déjà son habit, furieux. -Mon père, venez avec nous, votre cocher nous a prévenu, lança le capitaine alors que la foule le huait à pleins poumons. -Ah! Dieu vous le rendra au centuple capitaine, souffla-t-il soulagé de s'en tirer ainsi! Mademoiselle, venez donc, proposa-t-il à sa compagne en lui tendant la main afin de descendre de l'estrade. Ils vous trouveront bien vite un nouveau mari dans la foule et cette fois, ça ne sera peut-être pas un homme recherché par des gardes!
Alors que tous deux quittaient enfin la foule sous bonne escorte - et échappant à quelques lancers de salades et de tomates pourries - il sentit sur son épaule une main bien trop douce et se retournant vivement, reconnu avec horreur la bonne soeur maquerelle. -Vous ne m'oublierez pas, j'ai beaucoup de novices à envoyer se faire confesser! -Vade retro, murmura Jean, les yeux apeurés! Allons-nous en vite, mademoiselle, tant que nous sommes sous bonne garde! Ils arrivèrent enfin au carrosse qui attendait dans une rue plus calme, et furent accueillis par le cocher qui soupira de soulagement en voyat réapparaître son maître entier. Jean ne s'attarda pas de paroles inutiles et saluat l'exempt, grimpa à la suite de la jeune fille.
Il pris quelques secondes pour souffler, enfin au calme, avant de desserrer son col. -Par tous les saints! Plus jamais, fit-il, plus jamais! Mais d'où venez-vous, mademoiselle? Êtes-vous perdue? Doit-on vous ramenez chez une personne qui prendra soin de vous dans cetteville où l'hérésie est la seule maîtresse! |
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| Sujet: Re: [INTRIGUE] Charivari, avril 1667 20.02.14 1:28 | |
| La mauresque ? La plaisanterie avait assez duré ! Ces gens là non seulement la contraignaient à un simulacre de mariage avec un aumônier, mais qui plus est, ils l'insultaient. Haydée dut se contenir pour ne pas dévoiler qui elle était. En effet, très peu habituée à être traitée ainsi, elle aurait bien voulu à cet instant, pouvoir appeler la garde royale de son mari à la rescousse. A n'en pas douter, au Siam, ces paysans auraient été embrochés vifs pour avoir osé toucher un seul bout de peau de l'auguste personne qu'elle était. Mais plutôt que de leur faire état de son identité, la jeune femme leur lança des jurons salés typiques de son pays et que bien entendu, ils ne comprirent pas le moins du monde.
-AH, MAIS JAMAIS!
La réponse de l'inconnu à la demande en mariage, fut sans équivoque. Haydée jusque là tête baissée par la force des choses et surtout à cause de la pression d'une main qui lui remettait son voile en place, sentit son cœur bondir de peur. Qu'allaient-ils faire ces marieurs terriblement frustrés de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout ? Allaient-ils les lyncher ? On peut tout attendre d'ivrognes ou d'un rassemblement d'individus. Il suffisait qu'un donne un ordre, pour que le troupeau suive malheureusement en tout.
-Pardon, mademoiselle, ça n'est pas contre vous, mais c'est inconcevable! Dans votre pays, peut-être, mais ici, jamais!
Le visage d'Haydée s'empourpra de honte. Pauvre ecclésiastique qui se confondait encore en excuses ... C'était tout de même un monde ! Elle ne parvenait pas encore à croire que l'on traitait les représentants du Dieu chrétien ainsi, dans ce pays dit si civilisé.
- Ca est pas grave, normal est votre refus! -Que lui fait-on ? -L'EMPALE !
Haydée n'écouta que d'une oreille la définition du supplice de l'empale de la part de l'aumônier. Elle ne le connaissait que trop bien. Il se pratiquait également au Siam, entre autres tortures typiquement orientales. Et comme, elle avait à l'esprit cette image absolument affreuse, elle blêmit à entendre ainsi scander la foule. Allaient-ils vraiment en arriver là, ces fous furieux ? On aurait pu se croire au temps de Mary Tudor, où les catholiques se pressant sur les lieux des bûchers, hurlaient pour la mort des protestants. Elle était venue ici dans le but de s'amuser et de danser et non pas pour assister à la mise à mort d'un homme ! Elle qui avait souri et même ri malgré tout, la farce prenait un tournant très désagréable, elle n'avait plus qu'une boule dans la gorge. Le peuple parisien était-il sérieux ? Ses yeux hagards balayaient tout ce petit monde devant leur estrade de fortune, à la recherche d'une réponse claire. Que faisait-donc le guet pour les tirer enfin de là ? Les hommes de la Reynie faisaient toujours des rondes autour de l’île d'or, mais aujourd'hui, jour de fête, n'y avait-il rien? Bouddah l'entendit-elle à peine avait-elle pensé à ça ? Toujours est-il que soudain, l'avenue où ils se trouvaient pris, se remplit de gardes. N'osant pas encore respirer tout à fait de soulagement, elle les vit bousculer et faire évacuer peu à peu toute cette vilaine troupe. L'inconnu à ses côtés en était bien aise et remerciait déjà de tout cœur, le capitaine venu à sa rencontre.
- Mademoiselle, venez donc,. Ils vous trouveront bien vite un nouveau mari dans la foule et cette fois, ça ne sera peut-être pas un homme recherché par des gardes!
Sans plus attendre, Haydée prit la main que Jean lui tendait et le suivit. Des légumes alors volèrent dans leur direction. Elle ramassa une tomate pourrie et la renvoya avec force à la tête d'un de ces malotrus, tandis que l'aumônier lançait de son côté, une élocution latine à une nonne. Une formule peu aimable d'ailleurs, dont on se servait pour faire fuir le démon en terres chrétiennes ! Curieux pays que la France décidément ! Était-ce avec si peu de sympathie que l'on se traitait entre religieux ici ? Haydée n'était vraiment pas au bout de ses surprises ! Mais pour l'heure, sa surprise se tut pour laisser parler le "sauve qui peut". Il fallait filer. Aussi, ne monta t-elle pas dans le carrosse mais plutôt y sauta littéralement. Lorsque le cocher fit claquer son fouet, elle put enfin souffler.
-Par tous les saints! Plus jamais, plus jamais! Mais d'où venez-vous, mademoiselle? Êtes-vous perdue? Doit-on vous ramenez chez une personne qui prendra soin de vous dans cette ville où l'hérésie est la seule maîtresse!
Que lui répondre à cet homme de Dieu ? Qu'elle était prostituée et qu'il devait la raccompagner sans doute à l'île d'or, ce lieu de perdition ? A vrai dire, elle ne voulait ni lui confier cela, ni y retourner dans l'immédiat. C'était sans doute un péché que de mentir à un aumônier, mais elle n'était pas catholique après tout !
- Moi suis seule, monsieur le moine. Les rues, c'est là où je vis. Mais moi veux quitter ces fous qui sont partout et attendre que nuit tombe sur Paris. Alors moi peux attendre avec vous, je vous prie ?
N'étaient-ils pas à l'abri maintenant ? A la nuit tombée, la fête aurait sans doute battu son plein, les parisiens cuveraient leur vin, et il ne lui resterait plus qu'à rentrer à pas de loup. Mais l'inconnu allait-il accepter ? Elle osa lui prendre les mains et les lui baiser, elle avait vu une telle attitude de la part des chrétiens à la sortie des messes. Son regard se fit d'ailleurs suppliant.
- Votre Dieu est grand, lui nous avoir sauvés. Si moi suis sous protection à vous, moi serai aussi sous la sienne. Moi Haydée vous demande votre asile pour les quelques heures à venir, monsieur ? ... Oui quel est votre nom, presque mari à moi ? |
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