Benoît de Courtenvaux
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Une fois offert et mis à lambeaux, il est pour l'heure tout entier à son roi.Côté Lit: Je n'y tiens pas une collection ! Mais il n'est pas glacé non plus.Discours royal:
ϟ La Main au collet ϟ
► Âge : 32 ans et des poussiè... (Non pas ce mot maudit)
► Titre : Marquis de Courtenvaux, Magistrat parlementaire et avocat
► Missives : 371
► Date d'inscription : 10/04/2012
| Sujet: Lorsque comme le corbeau de la fable, on laisse échapper sa proie pour en trouver une autre ... 02.03.13 15:20 | |
| Benoît était un courtisan jusqu'au bout des ongles. Marquis de naissance, ayant été élevé dans les meilleurs salons grâce à sa tante et étant prodigieusement maniaque, il dégageait le raffinement par tous les pores de la peau. On le voyait assez peu en cour à cause de ses responsabilités de parlementaire, mais lorsqu'on l'y voyait, il ne passait pas inaperçu. Et d'ailleurs, il ne se faisait pas prier d'y paraître dès que le roi n'avait pas besoin de ses services au cours de la nuit, et dès que sa charge lui en laissait donc l'occasion. Dans ces moments là, il était fréquent de le trouver au cercle de jeux. Assez sage pour ne pas se faire ruiner et pour se retirer de la partie, il n'en prisait pas moins l'adrénaline que les jeux de hasard lui procuraient. C'était une toute autre sensation que de faire usage de son nœud coulant ou de rester dissimulé à l'affût d'un quelconque conspirateur à l'angle d'une rue, mais cela pouvait donner quelques frissons.
Ce soir là, de nombreuses personnes et de la plus belle race s'étaient pressées autour des tables comme des vautours autour d'une proie. Les jeux d'argent ont le même pouvoir que la drogue sur les toxicomanes. L'appât du gain reste une obsession constante. Mais Benoît n'était pas pressé, il avait tout d'abord attendu, laissant tel prince ou telle duchesse de haut rang comme l'exigeait le savoir-vivre à la cour, se faire plumer par leurs adversaires. Il avait conversé avec les uns et les autres tout en dégustant l'un des meilleurs crus, et avait abordé avec plaisir les derniers cancans. Puis lorsque les augustes joueurs se furent levés et dirigèrent vers la sortie, la mine fort contrariée, il put enfin prendre place. D'un geste à la fois élégant mais empreint de défi, il venait de faire tinter sur les rebords en bois de la table, quelques deniers pour sa première mise. Se jouait alors, une partie du jeu de l'Ambigu, ancêtre du poker actuel et très apprécié par Louis XIV. On lui fournit donc quatre cartes, avec lesquelles il devait faire des combinaisons stratégiques.
Au cours des trois quarts d'heure qui s'en suivirent, il bluffa à n'en plus finir avec un sourire qui ne le quittait jamais dans ce genre d'occasions. Il perdit deux fois et remporta quatre manches. Ce qui n'était pas si mal, puisqu'il avait fait du bénéfice. Du coin de l'œil, il aperçut que certaines personnes attendaient à leur tour patiemment et sachant donc se contrôler, il décida que six parties de ce jeu étaient amplement suffisantes. Il quitta la table de jeu et regagna l'une des fenêtres de la pièce, une flûte à la main. Il admira un instant l'extérieur et les jardins de Versailles recouverts de neige. Malgré la beauté de cet horizon immaculé, la réalité lui revint en mémoire, le roi était parti, ainsi que son frère, et sans la présence de la reine et de la favorite, le palais aurait eu véritablement une atmosphère lugubre. Un instant, Benoît se renfrogna et songea au front, les premières batailles avaient-elles déjà eu lieu ? Il ferma les yeux et récita du bout des lèvres une prière pour son souverain. Sans nul doute celui-ci se battrait vaillamment, mais peut-être au point d'en mourir, or cela ne se devait pas. La France avait besoin d'un grand roi, un roi qui graverait son nom dans la légende, il en était persuadé ! Des sentiments d'admiration et de regret le submergèrent tout à coup. Pourquoi était-il à l'arrière ? Satanée blessure reçue à Valenciennes, il la maudissait chaque jour depuis le départ des troupes, mais hélas il ne pouvait rien y faire. Le fragment de lance était toujours là coincé entre deux côtes et il n'aurait servi à rien sur le champ de bataille, sinon à retarder.
- Monsieur le marquis ! Venez donc vous joindre à nous ! Nous avons besoin de vos lumières !
Cette interpellation joyeuse venait d'un comte assez âgé qu'il connaissait depuis l'affaire Fouquet. En effet, l'homme avait pour le moins abandonné l'ancien surintendant, qu'il comptait jusqu'alors dans ses amis. Benoît au moment du procès, était allé l'interroger, voilà environ cinq années bien comptées. Ce dernier était à présent presque aveugle, et c'est sans doute ceci qui expliqua qu'il puisse se retrouver en compagnie ... de la fille de Fouquet, sans le savoir très certainement le moins du monde. Tandis qu'il s'était approché de leur table de jeu, la mâchoire de Benoît en l'apercevant s'était terriblement contractée. Que faisait-elle ici et en compagnie d'un homme qui avait trahi son père ? Cela ne lui disait rien qui vaille. Leurs regards se rencontrèrent et ils restèrent ainsi figés pendant quelques secondes.
- Bonsoir cher Souvré, je ne crois pas que vous connaissiez la marquise de Valbrune ! - Non en effet, ce que je regrette fort d'ailleurs. Maintenant que je peux mettre un nom sur la beauté que l'on m'a dépeinte pendant des semaines, oui je regrette d'avoir été dans l'ignorance aussi longtemps. Je m'en veux terriblement même. Tout était en sous entendus qui ne présageaient rien de bon, sur la suite des évènements. Lorsqu'il lui baisa la main en toute galanterie, ils se dévisagèrent une nouvelle fois avec animosité, surtout elle d'ailleurs.
- Voilà que le mal est réparé. Nous discutions avec cette chère marquise des travaux de Pascal au sujet de la répartition équitable des gains, et nous nous en sommes venus à parler du grand homme. La marquise me soutient que ce sont des coefficients de proportionnalité qui sont dans la formule du triangle arithmétique; je lui soutiens que ce sont des coefficients binomiaux. Qui de nous deux a raison ou tort ?
Le marquis eut à nouveau un sourire et arbora une mine faussement contrariée envers Marie Fouquet.
- Quitte à passer pour rustre mademoiselle, monsieur le comte a parfaitement raison. Mais cette erreur est tout à fait compréhensible, nous nous doutons bien que vos journées ne tournent pas autour des mathématiques. Vous devez avoir d'autres occupations bien plus intéressantes, n'est ce pas mademoiselle ?
Comme la vengeance par exemple ? Si Marie Fouquet avait décidé de prendre comme cible, le comte, il ne la laisserait pas s'en tirer aussi facilement. Une guerre froide semblait s'être déclarée entre les deux jeunes gens et Benoît dans ses souvenirs, savait que la fille Fouquet n'était pas dépourvue d'intelligence ni de répartie. Leur affrontement s'annonçait terrible. |
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