Sujet: Orgueil, poison de l'amitié [Guillaume] 30.12.12 19:54
La réunion terminée, les espions s’étaient dispersés dans les couloirs du palais comme une volée de moineaux silencieux. Evangéline s’était vue approchée par Maryse d’Armentière qui lui proposait de s’entretenir ultérieurement de son affaire, proposition chaleureusement accueillie par la vicomtesse tout en se demandant toutefois si la jeune femme à qui l’on ne confiait jusque là que des missions subalternes pourrait lui être d’une grande aide… Dans sa position et malgré son honneur meurtri, l’espionne ne pouvait faire la fine bouche cependant. Pour l’instant, ses esprits étaient par ailleurs occupés par une présence bien plus qu’envahissante et indésirable. Que n’avait-elle été surprise en entendant s’élever du clair-obscur de la pièce la voix bien familière pourtant depuis longtemps oubliée du comte d’Artois. La vicomtesse était restée de marbre, n’osant jeter aucun regard en sa direction, encore moins tourner la tête. Comme elle aurait aimé croire une hallucination auditive… Hélas, elle aurait pu reconnaître entre mille ses accents arrogants, emplis de morgue. Aussi, pressait-elle le pas dans les couloirs, courant presque, priant tous les Dieux de tous les Panthéons de ne pas croiser dans l’ombre, le fantôme de ses démons.
Alors qu’elle sortait, quelque peu tremblante, de son aumônière la clé ouvrant ses appartements, elle se sentit happée par derrière, retenue par une poigne invisible mais ferme. Evangéline n’était point de celles à s’effaroucher pour un rien, pourtant elle laissa échapper un léger cri de surprise et fit volte-face, prête à en découdre avec celui qu’elle imaginait être le comte d’Artois, la pourchassant comme il le faisait jadis il y a dix ans et dans les cauchemars qui avaient suivis leur brève passion. Elle se trouva alors nez à nez avec le fourbe. Du Perche… Comborn laissa échapper un soupire de soulagement, portant sa main sur son cœur durement éprouvé. Il allait bien finir par lâcher un jour, fatigué de tout ce qu’elle lui faisait endurer…
Mais soudain, comme elle reprenait pied dans la réalité, elle se souvint de l’animosité qu’elle nourrissait à son égard depuis quelques jours et qu’elle lui avait clairement signifié par sa distance peu coutumière tout à l’heure. Depuis plusieurs semaines, le cœur de l’espionne pesait lourd de remords, d’échecs, d’amitiés ébranlées, de doute, d’ultimatum. Jamais dans toute sa carrière de femme de cour et d’espionne sa position n’avait été autant menacée, précaire, Evangéline était une femme aux abois. Du Perche, ami de toujours et binôme solide quoique souvent fantasque, n’y était évidemment pour rien ; il avait lui-même essuyé l’ire royale, que dis-je divine !, du roi, de concert avec Evangéline lorsqu’Amy avait été enlevée et en avait partagé la défaveur dans les mois qui suivirent. Un sort similaire en somme, qu’Evangéline ne lui souhaitait pas, néanmoins elle devait bien reconnaitre que le fardeau était plus supportable à deux.
Sort similaire oui, à ceci près que pour Guillaume, le vent semblait avoir tourné dernièrement de manière nettement plus favorable. Alors qu’Evangéline craignait la disgrâce, Mr le comte s’apprêtait à revêtir un tout nouveau titre qui le mettrait fort certainement bien à l’abri de connaître de nouveau les rats de la Bastille. Cela la vicomtesse avait assurément bien du mal à passer outre et Guillaume allait s’en trouver fort rapidement informé :
- Allons, que me voulez-vous à cette heure ? N’avez-vous pas… Voyons, quel était votre terme exact ? « Votre » armée à lever, là-bas à Malte ? Pressons Mr le comte, Sa Majesté n’attend pas…
Maudite clé ! Les doigts de la vicomtesse avaient beau draguer minutieusement le fond de son petit sac, elle ne parvenait pas à mettre la main dessus. Sa fureur présente n’y était sans doute pas étrangère. Son ton léger était pourtant aussi cinglant que le vent d’hiver qui balayait ces jours-ci Versailles.
- Vous m’excuserez de ne pas vous donner du « Votre Grâce », « Sire » ou « Majesté ». Vous, que j’ai vu recracher sa soupe par le nez…
Autrefois, la pitrerie amusait fort la petite Evangéline autant qu’elle lui arrachait une moue dégoutée, à présent ce temps de l’insouciance lui semblait fort lointain.
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Sujet: Re: Orgueil, poison de l'amitié [Guillaume] 20.01.13 16:29
Mais c'est qu'elle devait marcher vite pour la perdre de vue de la sorte ! Guillaume n'avait pourtant pas traîner à la fin de la réunion. Mais discrétion oblige, on évitait de faire partir en même temps une douzaine de personnes dans un Versailles endormi. Il fallait toujours se montrer prudent, bien qu'il n'y avait plus personne dans les couloirs après le coucher du Roi. Mais cela ne voulait pas dire que tout le monde dormait. Certains courtisans prolongeaient la soirée dans leurs appartements, à discuter, jouer et bien d'autres choses encore, il fallait donc avancer avec légèreté mais rapidité tout de même. Heureusement que du Perche connaissait suffisamment le château pour passer par les bons couloirs et ne pas tomber à cause de marches fourbes, cachée par la quasi-obscurité du château à cette heure avancée.
Il aurait pu remettre à demain cette discussion, Evangeline se trouvant régulièrement au château, il n'était pas bien difficile de la retrouver. Ils étaient les deux espions de la Cour qui jouaient sur leur statut de courtisans, ils avaient leurs cercles, leurs sources et les deux se connaissaient depuis assez longtemps pour savoir où l'autre se trouvait. Mais parler en plein jour ou alors proposer à la vicomtesse de parler en privé ne serait pas bien vu par le reste de la noblesse qui assisterait à cela. Il les entendait déjà dire « à peine marié, déjà il l'a fait cocu ». Non, il fallait la jouer finement et l'après réunion était le parfait moment pour lui parler. Car Evangeline eut l'air distante pendant la réunion, ne répondant pas à son sourire amical. La dernière fois qu'ils s'étaient parlés, c'était au mariage où elle lui avait offert un chien. Belle bête mais il n'y eut que peu de mots échangés. Ce mariage n'avait pas été aussi joyeux qu'il en avait l'air : Guillaume avait vu Gabrielle s'éloigner de lui, il avait senti pour la première fois son cœur se briser de voir celle qu'il chérissait ne plus vouloir de lui ; son épouse n'était pas celle qu'il voulait et Amy of Leeds avait toujours une dent contre lui ; sans oublier les invités qui raillaient de le voir devenir le plus grand cocu de France …
Mais mettons cela de côté et concentrons nous sur ce dédale de couloirs que Guillaume parcourait à vive allure avant d’apercevoir enfin son amie à quelques mètres de lui. Il était temps car elle arrivait non loin de ses appartements. Alors pour le retenir, il s'élança et lui attrapa le bras pour la stopper dans sa marche. Il lui fit peur sans le vouloir car la jeune femme eut un cri de frayeur. En même temps, quelqu'un qui vous fait cela en pleine nuit, il y avait de quoi s'en effrayer. Mais à l'instant où elle le reconnut, un soupir s'échappa de sa bouche. L'espace d'un instant, Guillaume crut que son amie était contente de le voir. Mais point du tout.
[color=crimson]Allons, que me voulez-vous à cette heure ? N’avez-vous pas… Voyons, quel était votre terme exact ? « Votre » armée à lever, là-bas à Malte ? Pressons Mr le comte, Sa Majesté n’attend pas… Nous venons de quitter Sa Majesté, je doute qu'elle veuille nous revoir encore. commença Guillaume alors qu'il voyait Evangeline chercher désespérément sa clé. Vous m’excuserez de ne pas vous donner du « Votre Grâce », « Sire » ou « Majesté ». Vous, que j’ai vu recracher sa soupe par le nez…
Non, en fait Evangeline n'était pas du tout ravie de le revoir. Et du Perche n'étant pas un idiot, comprit rapidement que cette histoire de mariage et de titre ne pouvaient qu'avoir creusé un fossé entre eux deux. Loin de s'offusquer, Guillaume fut blessé de cette phrase et de cette attitude et sa gorge se serra.
Je ne vous demanderais jamais de m'appeler par ces titres stupides que je n'ai jamais voulu. Vous me connaissez Evangeline, vous savez pertinemment que je ne souffre d'aucune ambition, du moins pas aussi élevé que devenir maître d'un « bout de caillou » comme disent les autres. Il soupira avant de lever les yeux au ciel. Allez dites le, que je suis un vendu, que j'ai vendu mon âme au roi pour cela … Mais vous savez que ce n'est pas vrai. Vous connaissez le roi aussi bien que moi et qu'une proposition de sa part est un ordre. Il vous aurait bien proposé la place mais je ne pense guère que Rome aurait apprécié votre mariage avec la favorite.
La dernière phrase fut un peu moqueuse, mais il était blessé de l'attitude de son amie, même s'il la comprenait en un sens. Ils avaient tous les deux fait une bourde cette journée là, à cause d'eux qu'Amy of Leeds fut enlevée, à cause d'un moment d'égarement pour lui. Et il est vrai qu'il était injuste que seul lui soit à nouveau dans les bonnes grâces et pas l'autre …