2 Novembre 1640, Gênes, 18h.
Les cris, que Graziella Doria poussaient, étaient en train de retentir dans tout l'Hotel particulier, piazza Caricamento, de l'illustre famille. Au fur à mesure que Madame Doria hurlait la place se remplissait pour devenir noire de monde. Tout Gênes se trouvait sous les balcons de la résidence. Les servantes courraient dans toute la pièce, serviettes chaudes à la main, le médecin les assistait et pendant que tout ce petit monde s'affolaient sur scène, en coulisse Agostino Doria attendait impatiemment à coté, dans le boudoir de Madame, de savoir si l'heureux enfant sera de sexe mâle.
L'ultime effort de Madame, emporta avec lui la souffrance des contractions pour laisser place à des larmes de joies et d'épuisement qui se mêlaient à des gouttes de sueurs. Alors que les servantes se précipitaient de part et d'autres, pendant que l'une d'elle tenait dans les bras le bébé, le médecin s'écria : " Monsieur Agostino, venez donc voir la ravissante petite fille que le ciel vous a offert !".
Monsieur arriva, les mains dans le dos, sans expressions apparentes sur son visage, adressant un signe de tête à sa femme pour la gratifier de cet effort sur-humain. Quand son regard se posa sur l'enfant, il fronça les sourcils. Une fille, il avait rêvé mieux mais la petite était malgré tout une Doria, partageant son sang elle représentera la famille aux mêmes titres que les autres. Il se précipita de la prendre et la présenta à la foule au balcon.
"Chiara Doria, populace, voici le nouveau corps qui abrite le sang pur de mon illustre famille."
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Chiara évolua dans le plus grand confort et raffinement. Enfant choyée, l'ultime joyaux de la famille aristocrate génoise grandit comme tout enfant de son rang. Pendant que son père politicien exerçait ses fonctions et corruptions, sa mère se prêtait à des mondanités banales à la cour de Gênes. Alors que l'un est l'autre se rêvaient Doge et Dogeresse, Chiara était élevée par sa plus vieille soeur et quelques précepteurs qui lui inculquaient les bases ! Les bases de quoi ? Les bases de savoir vivre, mais surtout les base de savoir être ou même plutôt paraître dans cette société hypocrite. Alors l'enfant-reine apprenait les langues, quand elle n'étudiait pas la musique ou la calligraphie. Toujours très entourée de jeunes amies de son age, la belle Chiara pouvait étaler sa culture et ses bonnes manières. Mettre en pratique ce qu'elle apprenait des heures durant en compagnie intellectuelle toutes ces longues journées que contait l'année.
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Doge.
Les prières de la très pieuse Graziella avaient du être entendu quand son mari fit d'elle la Dogeresse qu'elle avait tant rêvé d'être. Ce titre tant convoité par la famille pour redorer son blason de plus belle. Agostino Doria est au summum de sa carrière politique par ce titre, qui a la fin de ce prestigieux mandat de deux ans, lui assureront une place au Senat de Gênes ou une réélection, ainsi qu'un confortable appartement à vie au Palazzo Ducale, Piazza Matteotti.
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Quelle sombre idiotie ces mariages arrangés. Chiara a toujours, tout au long de sa jeunesse, décrété pouvoir se trouver un bon parti à épouser seule. Encore faudrait-il qu'elle en ait envie ! Mais une chose est sûre, peut être que la belle génoise ne sait pas très bien ce qu'elle veut, mais elle sait certainement ce qu'elle ne veut pas. Manque de chance pour ses parents: "ce qu'elle ne veut pas", a englobé pour le moment tous les fiancés qu'ils lui avaient dégoté. Hormis peut être Gianluca, qu'elle aurait épousé volontiers si il n'avait pas rompu les fiançailles ! C'est ce qui s'appelle, "l'arroseur, arrosé" mais l'arroseuse en l’occurrence est rancunière et ses vengeances se mangent glaciales.
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Chiara est une femme de bon gout, la mode lui plaît et la décoration intérieur aussi. Elle n'hésite pas à se faire remarquer avec ses toilettes, provocatrice dans l'âme, elle n'attend pas que les choses soit à la mode pour les mettre au gout du jour. Ce que Chiara aime après la mode ? L'Argent. Il lui réussit bien, elle l'aime et il l'aime aussi. Elle le dépense sans cesse et plus la belle a à dépenser, plus elle est heureuse. Les fêtes sont son dada aussi, elle adore bavarder des heures durant sur des sofas moelleux, du champagne et des macarons à la main et finir à s'encanailler dans un coin sombre de la pièce. Le plus grand paradoxe, c'est que malgré une vie décousue, Chiara est une fervente Catholique comme sa mère. Son esprit vengeur ne l'a pas fait hésiter une seconde quand l'idée de dénoncer les expériences scientifiques de cet hérétique de Christian de Sudermanie, au Vatican, quand il a refusé ses avances.
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Quand Chiara fut envoyé à Versailles par son Doge de père, ce fut la délivrance. A dieu fratrie, patrie et éthique, bonjour excès et scandale.