CARACTÈRE
Une jeune femme, assise toute seule sur un banc, regarde le ciel. On se demande qu'est-ce qui se passe dans sa tête, qui semble complètement déconnectée de la réalité. Elle contemple l'infini, imaginant mille et un fantasmes. Les nuages, pour elle, ne sont plus ces masses de vapeur d'eau informes. Non. Elle voit la vie à travers eux. Celui-là ressemble à un cygne déployant ses ailes. La femme-enfant a presque envie que ce cygne descende sur la terre et l'emporte dans ses grandes ailes vaporeuses, jusqu'au pays de l'imaginaire, là où, depuis qu'elle est toute petite, elle a vagabondé, refuge dans la difficile vie de sa petite enfance.Pour elle, les fées et le monde réel sont devenus inséparables. Ils ne sont pas seulement une image abstraite, morte, créés par son cerveau. Le merveilleux existe réellement. Il suffit d'y croire de tout son coeur. Elle n'est pas folle. Elle a juste une imagination hyperactive, tout simplement.
Malgré toutes les épreuves qu'elle a pu rencontrer dans sa vie, que ce soit la mort de ses parents, les mauvais traitements de son oncle, le dédain de sa tante, les moqueries de ses cousins, sa séparation d'avec sa nourrice pour aller vivre à Versailles, Rosalie a su garder le sourire, ainsi que son côté sincère et spontané. Aussi voit-elle toujours les choses du bon côté. À travers les fleurs, le soleil, les étoiles, les papillons... elle contemple la beauté du monde sous un oeil innocent, joyeux, se disant que Dieu n'aurait pas créé d'aussi belles choses s'il ne restait pas de l'espoir... L'espoir que toute méchanceté, toute laideur disparaîtrait un jour, pour laisser place... au bonheur pur et simple. Les pessimistes et les adultes diront qu'elle est naïve, inconsciente... mais elle croit fermement qu'un jour, tout mal n'existera plus. Malgré sa très grande jeunesse, elle a déjà une âme noble.
Si sa famille l'a rejetée, elle s'est créé une seconde qu'elle apprécie plus... composée de ses amis. Elle restera toujours fidèle à eux jusqu'à la fin. Un exemple de son attachement est qu'elle gardera toujours un secret confié par quelqu'un de proche. On aura beau l'amadouer, la supplier à genoux, la menacer, elle ne pipera mot. Pour elle, garder un secret est une chose sacrée. Ce qui peut sembler plutôt étonnant, étant donné qu'elle est assez bavarde. Elle peut passer des heures à parler si l'on ne l'en empêche pas. Mais lorsqu'il s'agit d'un secret... désolé, mesdames-messieurs-mesdemoiselles, c'est motus bouche cousue. C'est aussi à cause de son esprit plutôt têtu qu'elle est comme cela. Dès que Rosalie a une idée en tête, impossible de la faire changer d'avis. Décidée, elle tiendra tête à celui ou celle qui l'oppose.
Par contre, les décisions sur lesquelles elle met tant de ténacité peuvent souvent être prises sur un coup de tête. Elle est le genre à avoir la devise "Agir avant, penser après!", ce qui peut lui valoir souvent quelques mésaventures.
Le seul moment où elle peut se montrer réfléchie, c'est en classe, où elle est très appliquée. Ses maîtres ont toujours été surpris de son don pour les études, précoce pour une fillette de son âge. D'autant plus que, sans l'avoir appris de personne, elle joue très bien du clavecin et a une voix... tout simplement angélique.
Rosalie est ce qu'on appellerait aujourd'hui une personne surdouée.
PHYSIQUE
On peut dire que Rosalie est un beau brin de fille, à l'allure qui peut paraître plutôt mystérieuse, avec ses yeux bleu-gris-vert, qui peuvent changer de couleur, et ses cheveux brun-noir qui brillent au soleil. Elle a une peau très pâle, diaphane, avec comme seule couleur ses yeux, ses sourcils arqués, ses joues légèrement rosées et sa petite bouche aussi rose que ses joues, avec les traits du visage qui sont restés enfantins. Elle a une voix douce et calme, très expressive, qui peut émouvoir parfois. Elle est de taille moyenne, et a une démarche légère et aérienne... On peut dire que Rosalie rappelle une fée qui aurait été un peu ténébreuse sans son magnifique sourire...
MY STORY.
Je ne peux pas vraiment dire que mon histoire est un conte de fées, comme ceux à quoi je rêve tout le temps.
Je suis née en 1650, près de Rouen, en Normandie, du comte Philippe du Quesnoy et de son épouse Marie-Louise de Roubier-Aubert. Je ne l’ai jamais connue, parce qu’elle est morte d’une façon… tellement bête. Quand elle m’a donné le jour, elle a eu une infection et elle est morte. Mais juste avant, elle a eu le temps de me donner mon prénom : Rosalie. Comme ses fleurs préférées.
Il ne me restait plus que mon père, qui, d’abord plongé dans un profond abattement, n’a pas tardé à se relever pour me quitter et aller à la Cour du Roi. Il y avait beaucoup d’agitations à ce temps-là. Je le voyais très peu, sauf pour des petites visites éclair où il me témoignait toute son affection et ne manquait jamais de me rapporter quelque gâterie. Pour lui, j’étais le seul souvenir qui lui restait de son épouse bien-aimée. On m’a toujours dit que je lui ressemblais comme deux gouttes d’eau, tant pour le caractère que pour le physique. Ça m’a toujours enchantée, car c’est… comment dire? Comme si par moi-même, je réussissais à connaître cette personne inconnue qui avait donné sa vie pour me mettre au monde.
Par contre, ma nourrice me racontait que ce mariage n’avait pas fait que des heureux. Ma mère, en fait, était la fille d’un chevalier sans argent. Mon père, faisant fi des beaux projets que mes grands-parents avaient bâti pour lui, l’épousa contre leur volonté. En conséquence, il fut déshérité. En revanche, sa charge de militaire lui accordait une rente, de sorte que nous pouvions vivre assez confortablement… mais c’était loin de la vie fastueuse que menait le frère de mon père, mon oncle Robert du Quesnoy, désormais le chouchou des parents.
Je passais mes journées avec ma nourrice, Annette, que, dans ma langue d’enfant encore malhabile, je surnommais Nanette. Cette appellation lui resta. Elle passait son temps à me raconter mille et une légendes, sorties de je ne savais pas trop où, ce qui m’intriguait encore plus.
- Nanette, d’où viennent toutes ces belles histoires?
Je voulais savoir à tout prix. Cela semblait si mystérieux, si magique pour moi. Je voulais savoir d’où venaient ces fées, ces chevaliers, ces dragons, qui devenaient comme des personnages réels pour moi.
- Ce sont des contes que l’on transmet de génération en génération. Parfois, il y a même certaines personnes qui vont en écrire afin de les partager aux autres.
La réponse toute simple avait fusé. Mais ma décision, dans mon cœur d’enfant, était prise. Je voulais, moi aussi, écrire d’aussi belles histoires, qui feraient rêver les gens comme ils me faisaient rêver, moi.
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Ma vie changea lorsque j’eus dix ans.
Mon père était revenu en trombe au manoir. Tout échevelé, l’air complètement épuisé. Il ne m’avait rien dit. Juste deux ou trois mots à Nanette, qui avait perdu son sourire de bonne femme et qui s’était précipitée pour me prendre dans ses bras et m’amener dans ma chambre, en m’ordonnant d’un ton sec de ne pas en sortir. Intimidée par ses manières inhabituelles, je n’osais pas répondre, mais une fois sortie, je me mis à bouder. Je voulais savoir ce qui se passait. Mais je n’eus même pas le temps de mettre à œuvre ma désobéissance, puisque j’entendis un bruit de plusieurs chevaux arriver. Je me précipitai à la fenêtre, me demandant ce qui se passait.
C’était des soldats. Je n’en avais jamais vu de ma vie, et je les contemplais, fascinée. Puis, en bas, j’aperçus mon père qui sortait calmement par la porte. Les bras en l’air, très droit, avec une expression de noblesse que je n’avais jamais vue sur son visage et qui m’émut jusqu’au fond de l’âme. Il leva soudainement la tête. Il m’aperçut.
- VA-T-EN!
Surprise, dans un état d’abattement par sa voix trop forte, lui qui avait toujours été si doux avec moi, comme par un réflexe de survie, je me baissai et me couchai à terre.
Une détonation retentit.
Je ne sais combien de temps j’ai passé couchée à terre, n’osant pas me relever, tremblant nerveusement pour je ne sais quelque raison. Puis je sentis une main sur mon épaule. Relevant la tête, je vis Nanette. Son visage de bonne femme était ruisselant de larmes. Elle me prit par la main et m’amena vers la chambre de mon père. Intimidée, j’entrai avec répugnance, n’ayant pas le droit d’entrer là en temps normal.
Mon père était allongé dans son lit, plus pâle que la mort. J’ignorais ce qui se passait. Je n’avais que dix ans, après tout. Je me dis qu’il était simplement très malade. Qu’il guérirait.
- Rosalie…
Sa voix était rauque et on l’entendait à peine. Rien à voir avec la voix de basse qui parlait toujours fort, avec un accent joyeux dans l’intonation.
- Rappelez-vous d’une chose… Soyez fidèle au Roi… comme je l’ai été jusqu’à la mort!
Sa tête roula sur son lit. Je me tournai vers ma nourrice.
- On va le laisser dormir, maintenant? Pauvre père…
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Père était mort. Je devais me rendre à l’évidence.
J’ai pleuré et pleuré pendant des jours. J’ai pleuré durant les funérailles. J’ai pleuré quand un homme qui prétendait être mon oncle était venu me chercher. Je n’aimais pas son visage dédaigneux et fermé. Je n’aimais pas non plus l’immense manoir ancestral, froid comme lui. Je n’aimais pas les petites manières de ma tante, qui me traitait comme une petite brebis galeuse. Je n’aimais pas les moqueries de mes cousins à longueur de jour. Pour eux, j’étais la disgrâce de la famille, issue d’un mauvais mariage et d’un frère déchu. Un fardeau. Rien de plus.
J’allais me réfugier dans les jupes de Nanette à chaque fois. Puis je vieillis. Et peu à peu, je les affrontais seule. Mais j’avais toujours l’impression de perdre, malgré tout.
Pour mon anniversaire de treize ans, j’eus droit au plus beau cadeau qu’il soit, bien que ce soit dans des circonstances assez malheureuses. Mon oncle Robert décréta que je n’avais plus besoin de Nanette, et avait donc décidé de la renvoyer. Je ne sais combien de temps j’ai passé dans ses bras, à sangloter sur son départ. Puis, juste avant de partir, elle m’avait tendu une magnifique plume d’oie, plus blanche que la neige.
- Je l’ai prise pour toi, dans la basse-cour. Garde-la en souvenir de moi, et écris ta première histoire avec.
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J’avais seize ans. J’étais devenue éduquée, grâce à la gouvernante que j’avais reçue et qui m’ennuyais pendant de longues heures avec ses manières brusques et ses punitions au fouet, malgré ses grognements indiquant qu’elle était satisfaite de mon travail acharné. Quand on a seize ans, qu’on est jolie, spirituelle, bien élevée, c’est le meilleur moment pour se débarrasser d’un poids.
Mon oncle avait fait des démarches pour que je devienne demoiselle d’honneur de la Reine Marie-Thérèse. Sans m’en parler. Et de plus, il était arrivé un beau matin, afin de m’annoncer cela en trombe. Je ne peux pas vraiment dire que cela m’a affectée. Je tournais une nouvelle page de ma vie. J’allais de l’avant. Et j’allais quitter cette affreuse maison.
Mais j'ignorais ce qui m'attendait à Versailles...
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