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| Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ 11.03.12 10:54 | |
| Le 10 septembre 1666, Bordeaux.
Monsieur le comte, Veuillez me pardonner la liberté que je prends de vous adresser cette lettre. Par faute de vous avoir revu à Versailles avant mon départ pour les domaines de ma famille, je n'ai pas pu vous demander l'autorisation de vous écrire pendant mon absence. Je n'ignore pas que je me montre fort hardie et veuillez croire, mon cher ami, que je ne serais pas blessée que vous refusiez de lire ce qui suit et de me faire la faveur d'une réponse. Vous devez recevoir tant de courriers d'admiratrices et je n'ose croire que vous puissiez me considérer différemment de celles-ci ! Aussi, si vous choisissiez de ne pas faire plus de cas de l'amie que j'espère être pour vous, renvoyez mon messager et brûlez ce papier. Nous n'en parlerons plus ! Mais sachez que si vous préféreriez ne point me laisser dans l'expectative et dans l'inquiétude d'avoir pu vous choquer, vous me causeriez un plaisir immense et me rendriez ma joie de vivre pour le reste de mon exil forcé sur ces routes cahotantes du royaume de notre bon roi Louis.
Ah, je dois vous sembler une bien piètre voyageuse pour vous qui avez vu tant de pays et de contrées éloignées ! Je ne peux que m'incliner face à votre expérience, quant à moi, je n'ai que le souvenir d'aller-retours entre la Normandie et Paris ou entre le domaine de ma sœur, Nemours et Paris. J'entends d'ici votre rire un peu moqueur : comment ? Elle n'a jamais quitté le royaume, elle n'est jamais montée sur un bateau pour voir s'éloigner les côtes françaises, elle n'a jamais respiré les embruns, n'a jamais rien vu de plus exotique que cette bonne ville de Rouen ! Que connaît-elle donc à la vie ? Sans doute, ne suis-je qu'une enfant à vos yeux. Mais là est la triste condition de nous autres, femmes de bonne famille. Il nous faut respecter nos devoirs, servir les souverains, toujours faire excellente impression et attendre patiemment que nos pères daignent porter le regard sur nous pour nous choisir un époux. Il y a quelques mois encore, j'aurais été ravie de pouvoir échapper à la cour pour courir de domaines en domaines des Longueville. Pour quelqu'un comme moi, visiter le sud du royaume, inspecter des châteaux médiévaux sombres et mystérieux, saluer nos tenanciers, tout cela aurait du avoir le souffle de l'aventure. Même les étapes imposées par ma malheureuse mère, le pèlerinage à Saint-Jean-d'Angély sur le chef de saint Jean-Baptiste, les génuflexions à la basilique Saint-Eutrope de Saintes auraient pu être de simples contraintes amusantes, vite passées et oubliées. Mes quelques correspondances avec des amies de Paris qui me tiennent au courant de ce qui se dit dans les salons et des derniers auteurs à s'y être fait remarquer auraient dû me suffire dans ce que j'appelle mon exil, mon voyage de délassement en province.
Je ne vais point vous mentir, en réalité, je m'ennuie. Ce n'est pas tant Paris ou la cour qui me manquent, j'ai appris à mépriser ces plaisirs faciles et futiles que vous offrent les belles toilettes, les danses élégantes, les conversations. Je ne suis pas fâchée d'être loin de tous ces complots qui ne cessent jamais et dans lesquels on doit se méfier à chaque instant de ne pas tomber. Il m'est nécessaire de m'éloigner de tout cela de temps en temps, retrouver les campagnes de mon enfance où la simplicité est une valeur essentielle et dans laquelle je me plais, aussi étrange que cela puisse paraître pour vous qui ne me connaissez que sous l'aspect de cette dame de la cour. Non, la vraie raison est que je m'ennuie de vous. Je vous vois aussi distinctement que si vous étiez devant moi en train de soupirer et de lever les yeux au ciel. Encore de belles phrases, êtes-vous en train de vous dire, quel lieu commun, n'aurait-elle pas trouvé quelque chose de plus original pour s'autoriser à m'écrire ! Je dois avouer que j'aurais aimé vous mentir et trouver un sujet de conversation qui préserve mon honneur mais à vrai dire, tout cela n'a guère d'importance face à la vérité. Si vous saviez comme j'ai hâte de retrouver nos jeux, de revoir votre sourire, de sentir votre regard posé sur moi. Ces derniers temps, lorsque je me rendais à Versailles, c'était pour vous chercher des yeux, je savais où vous trouver, que ce soit à la table des jeux ou au billard, je vous observais à la dérobée. Et ici, sans vous, tout me paraît dépeuplé.
Les Précieuses disent qu'une lettre comporte toujours une part de l'âme de celui qui l'a écrite. Aussi, j'émets le souhait d'avoir une réponse de votre part pour avoir l'impression de vous avoir un peu avec moi. Un jour peut-être aurais-je la joie de voyager en votre compagnie, vous m'expliquerez en connaisseur que vous devez être, les us et les coutumes des peuples lointains. En attendant, dites-moi tout ce qui se passe à Versailles, quelles sont les dernières nouvelles du palais et de Paris. Je suppose que lorsque vous recevrez cette lettre, le roi aura déjà fêté son anniversaire : les fêtes grandioses ont-elles été à la hauteur de l'événement ? Que tout me paraît bien fade ici en comparaison, à Bordeaux ! Je ne pense pas m'attarder pendant bien longtemps dans cette ville afin de terminer mon tour de France au plus vite et de rentrer parmi vous. Mais le messager qui vous aura transmis ce courrier est au courant de mes déplacements et de la date de ceux-ci, il saura me retrouver. Mais il est encore temps de brûler cette lettre si vous la jugez trop audacieuse. Je suis néanmoins sûre que cette hardiesse sera facilement pardonnée au regard de notre dernière rencontre où l'homme qui me devait un gage s'est de nouveau enfui après m'avoir dérobé un baiser. Vous jugerez vous-même de son effronterie !
L'en attendant de vos nouvelles, je demeure, monsieur, votre servante dévouée et affectionnée,
Mademoiselle de Longueville. |
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| Sujet: Re: Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ 26.03.12 22:45 | |
| Septembre 1666, Versailles
Mademoiselle de Longueville, Soyez sans crainte, votre hardiesse est toute pardonnée. Elle est même chaleureusement accueillie par un comte qui s'ennuie dans ses appartements, qui ne s'attendait pas à une si belle surprise en cette grise journée. Permettez moi d'oser à mon tour de vous dire que vous êtes l'éclat céleste de ma journée et pour rien au monde je ne pourrais brûler vos mots couchés sur ce papier, cela serait folie de ma part. Quant à mes admiratrices comme vous le dites si bien, elles n'ont pas votre témérité pour m'écrire, alors soyez flattée d'être une demoiselle avec un tel tempérament, que je vois comme une qualité chez une femme.
J'ai ainsi appris votre départ au détour d'une conversation, j'en fus bien peiné car si notre Roi brille par sa présence tel un soleil, vous êtes de ces étoiles qui font que Versailles est aussi beau et attirant, qu'on y revient toujours pour espérer brûler au contact du firmament grisant de la beauté et l'esprit de ces étoiles. Mais comment vous en vouloir alors que vous faites un si beau voyage. L'aventurier que je suis ne peux que vous encourager à voyager, à vous éloigner de votre quotidien pour découvrir la vie et le monde tel qu'il est, loin des faux-semblants et de la poudre aux yeux qu'on peut nous servir à Versailles. Ne vous comparez pas à moi, nous savons si bien qu'il est difficile de mener la même vie, de par notre naissance et notre sexe. Je ne suis qu'un petit comte de province, sans charge politique importante, la vie m'a donné la chance de battre la campagne et passer au-delà des frontières. Eus-je été duc, je n'aurais jamais pu voir de mes yeux la mer et même la traverser, fouler de mes pieds cette Venise dont on parle tant ni pousser mon cheval jusqu'à cette Constantinople si envoûtante. Je pourrais vous raconter tout cela un jour si vous le désirez, à la condition que vous me partagiez vos impressions sur votre propre aventure. Il me tarde de savoir comment vos yeux ont apprécié le sud du royaume, ce qui vous a plu, ou déplu, et pourquoi. Vous seriez mon aventurière et moi celui qui dévorerait vos descriptions et vos impressions, les rôles seraient donc inversés.
Ne croyez pas qu'il n'y a que vous qui soyez terrassée par l'ennui. On peut l'être en plein cœur de la Cour, j'en suis le principal exemple. Pourtant ce n'est pas l'agitation à Versailles qui manque. Vous qui me demandiez à propos de l'anniversaire du Roi, je peux commencer par vous dire que grandiose ne fut pas le mot adéquat. La décoration et les couleurs furent décidées par Monsieur qui – vous le saviez autant que moi – fait toujours des merveilles dans la matière. La grotte de Thetys est un véritable chef-d’œuvre et la Cour fut des plus enchantées. Mais même le jour de l'anniversaire du Roi peut avoir son lot de mauvaises surprises. Cela commença avec monsieur Racine qui nous a présenté un extrait de sa nouvelle pièce et dont un vers malencontreux a fâché le Roi. Je ne pourrais pas vous le réciter précisément mais il parler du monarque courant dans les rues et de la petite vertu de la Reine. La chance pour le dramaturge fut que cet incident fut totalement éclipsé par une bien mauvaise nouvelle : la duchesse de Guyenne, favorite du Roi, a été enlevée ! Cela eut le même effet qu'un boulet de canon et la fête s'est transformée en interrogatoire de toute la population versaillaise. A ce que j'en ai entendu, cela a davantage tourné à la délation entre courtisans qu'à de véritables interrogatoires. On dit le Roi dévasté mais il reste maître de lui-même, digne d'un grand monarque. Cela en viendrait presque à faire culpabiliser d'autres personnes, dont je suis le premier de la liste. Comme vous, je m'ennuie. Me voilà blessé à la jambe après une altercation avec un gueux de mauvaise vie, je ne peux plus me déplacer sans ma canne ni faire quelques pas sans souffrir le martyr. Je sors assez peu et je ne peux même pas dire que je tourne en rond. Si seulement il n'y avait que cela, je peux vous le confesser à mon tour, ne plus vous voir est un véritable déchirement. Ne pensez pas, je vous en prie, qu'il s'agit d'une réponse facile ou que j'écris cela à toutes les femmes, cela serait faux. Vous apercevoir dans les salons, admirer votre sourire, croiser parfois votre regard, entendre votre rire suffit à mon bonheur quotidien à Versailles. Alors si vous n'êtes plus là, comment prétendre au bonheur ?
Je m'excuse de la médiocrité de ma lettre, je ne peux guère prétendre à être un homme de lettres, pardonnez donc mes faussetés ou ma trop grande franchise, qui devrait être une qualité qu'un défaut. Nous voilà l'un l'autre avec un bout d'âme et j'espère en recevoir d'autres, lire votre voyage de votre belle écriture.
En espérant une réponse votre part, mademoiselle,
Guillaume du Perche |
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| Sujet: Re: Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ 20.05.12 15:26 | |
| Novembre 1666 Château de Blagnac, à proximité de Toulouse
Monsieur le comte ou, - l'oserais-je - très cher ami, Aucun mot de notre langue, aucune expression ne pourrait traduire quels ont été mes sentiments au moment où le messager a retrouvé mon équipage sur le chemin pour Toulouse, porteur d'une lettre écrite de votre main. Ainsi vous aviez pardonné ma hardiesse, mieux encore, vous l'encouragiez et cette idée même aurait suffi pour faire de moi une femme heureuse. Cela faisait bien des jours, que dis-je ? Des semaines que je rongeais difficilement mon frein en attendant d'avoir de vos nouvelles. J'avais pensé à tous les cas de figure pour ne point être trop déçue si vous deviez me refuser la faveur extrême de prendre la plume à mon attention mais imaginer votre doux visage empli de désapprobation me rendait si triste et si morose que j'ai fini par me contenter d'espérer. On me faisait reproche de mon manque d'entrain à accomplir les devoirs religieux commandés par madame la duchesse ma mère et mes rêveries fréquentes pendant les fêtes que l'on donnait en l'honneur de ma venue à Bordeaux, Nérac ou Montauban sur la terre de mes ancêtres Condé. Au moment même où j'accomplissais ce que l'on attendait de moi, que je remerciais, que je souriais ou que je dansais, toutes mes pensées étaient tournées vers vous, vous qui êtes si loin de moi et pourtant si présent dans mon cœur. Lorsque le courrier arrivait, je courrais voir s'il y avait un pli pour moi et dans le cas contraire, je désespérais et songeais que j'avais perdu à jamais votre tendre amitié. Il me semble que vous ignorez à quel point une lettre de vous peut me transporter de joie et combien j'ai été de plus agréable compagnie pour mon entourage depuis que je peux serrer cette portion de votre âme que vous m'avez si généreusement offert, entre mes doigts ou contre mon sein, comme si vous voyagiez toujours avec moi.
Je rougis de tous les compliments que vous m'adressez, j'en suis absolument indigne. Si j'étais véritablement une étoile, monsieur, ce ne serait que pour vous que je chercherais à briller, ce ne serait que pour attirer votre attention et pour vous guider jusqu'à moi. Mais je ne suis pas l'un de ces astres inaccessibles et froids que l'on ne peut espérer toucher, trop loin de la terre pour nourrir des sentiments humains. Bien au contraire, s'il fallait conserver l’impassibilité d'une étoile pour faire honneur à mon rang, je serais la plus méprisable de toutes tant les sentiments que j'éprouve sont violents et transpercent mon cœur comme milles aiguillons. Vous m'avez montré que je n'avais à avoir honte de ces mots comme nous n'avez à rougir de vos écrits et j'ose me montrer toujours plus téméraire en espérant ne point vous déplaire, même si vous dites que ce n'est là qu'une qualité pour les femmes, ce en quoi je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce ne sont pas l'hypocrisie, le simple jeu de la séduction qui me poussent à coucher mes pensées sur le papier, ce n'est que la vérité que je vous dois. Peut-être me prenez-vous toujours pour un amusement, une demoiselle pleine d'esprit à qui l'on parle pour se divertir, que l'on aime peut-être quelques jours, quelques semaines si la jeune femme a de la chance. Mais moi, au moment où j'écris ces mots d'une main, je dois vous l'avouer, un peu tremblante par peur de votre jugement qui se devrait d'être sévère envers une femme qui s'offre sans apprêts au regard d'un homme avec lequel aucune promesse n'a été échangée, je suis loin du jeu, de l'artifice, de cette carte du Tendre que l'on m'a pourtant présentée si longtemps comme l'idéal à accomplir. Non, je me livre toute entière à vous et je me demande parfois avec inquiétude si j'arriverais à vous revoir sans rougir et baisser les yeux.
Soyez remercié des nouvelles que vous me faites parvenir de la cour. Au cœur de la province, au milieu de la campagne et des champs, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un autre monde, d'une scène de théâtre où se déroulent drames et mélodrames. J'ai également appris par d'autres correspondants ce qui s'était déroulé pendant l'anniversaire royal et cela m'a fort attristée. Il n'est guère besoin de bien me connaître pour savoir que je ne fais pas partie du cercle de la duchesse de Guyenne et que je ne suis pas son amie mais elle est une figure importante de notre cour et sa disparition est un choc qui nous a tous ébranlés. J'espère que les coupables seront vite arrêtés et que madame de Leeds regagnera rapidement Versailles. Cela m'effrayerait presque de savoir que l'on peut être de si haut rang et risquer pour autant d'être enlevé si je ne me savais pas bien protégée par les serviteurs de ma famille. Vous n'êtes pas le premier à me dire que le roi fait preuve d'un sang-froid exceptionnel que je salue avec admiration. Sans doute êtes-vous trop sévère avec vous-même et cette culpabilité de ne pouvoir rien faire pour lui venir en aide ne doit pas vous condamner à vous morfondre. Le roi sait que vous êtes là pour le servir et fera appel à vous si votre aide était nécessaire. Que pouviez-vous donc faire à Versailles ? Quant à la question du dramaturge Jean Racine, je dois vous avouer que j'en ai été personnellement blessée car c'est moi qui l'ai fait entrer à la cour. Mais il est parfois difficile pour des personnes issues de si basse extraction que de se comporter avec décence. J'espère qu'il se fera pardonner par le roi, ses vers si mélodieux manqueraient à mon oreille !
Vous vous intéressiez à mon voyage malgré son peu d'exotisme, je m'en vais donc vous conter ce qui m'est arrivé ces quelques derniers jours. Malgré les mauvaises nouvelles venues de la capitale, malgré mon humeur assombrie et mélancolique, je n'ai pu que trouver cette province charmante. Je suis accueillie partout avec la même politesse. Je vous avoue que ce qui m'étonne le plus, ce sont les différentes langues que parle le peuple avec leurs accents chantants qui me font rêver au Moyen Âge au temps où les troubadours venaient chanter de châteaux forts en châteaux forts, comme ceux dans lesquels je loge, pour charmer les oreilles de leurs belles. On se moquerait de moi si je venais à parler de cela dans les salons dans lesquels on n'accorde d'importance qu'à l'Antiquité, à ses mœurs austères et à ses lignes épurées. Mais à vous, je peux bien l'avouer. Malgré cette fin d'année, le soleil reste bien accroché au firmament et la douceur qui règne ici ne m'a point encore obligée à sortir mes fourrures. Je pense avoir parfois l'air d'une enfant à ouvrir grand les yeux devant tant de merveilles. Il règne ici comme un passé qui ne s'est jamais envolé, j'ai l'impression que vont galoper les chevalier en armure dans les plaines et que des armées vont mettre le siège devant les forteresses. Vous qui avez tant vu de paysages dans votre existence, avez-vous déjà voyagé dans ces contrées ? Vous me faites rêver d'aventures en parlant de Venise et de Constantinople et je serais ravie de vous écouter en parler à défaut de pouvoir m'y rendre moi-même. Attendez-vous donc à ce que je vienne vous importuner dans ce but dès mon retour !
Mon retour ne devrait, par ailleurs, pas être trop long. Maintenant que j'ai atteint Toulouse, mon équipage va faire volte-face pour reprendre la route vers Paris, passant vers le centre de la France jusqu'à Nemours où je rendrais visite à ma sœur la duchesse Marie avant de rentrer parmi vous. J'en ai hâte, encore plus maintenant que je m'inquiète pour vous. Vous êtes blessé, dites-vous ? N'est-ce point trop grave ? Pourrez-vous bientôt remarcher comme auparavant ou devez-vous encore rester alité longtemps ? Je regrette de n'être pas là pour vous distraire, vous tenir compagnie même si j'avoue que le plaisir de vous voir serait bien plus important pour moi et que cela serait une excuse un petit peu facile pour venir vous rendre visite. Au moment où je conclus cette lettre, je tiens à vous assurer que votre santé est tout ce qui me préoccupe. Ne me laissez donc point dans l'inquiétude, j'attends vos explications dans le prochain courrier,
Mes plus tendres amitiés du fond de ma lointaine province,
Votre servante dévouée et affectionnée, Mademoiselle de Longueville |
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| Sujet: Re: Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ 01.07.12 13:41 | |
| Novembre 1666 Château de VersaillesChère mademoiselle de Longueville, Me voici transporté de joie lors que j'ai reçu votre réponse. Et de savoir que ce plaisir est réciproque, il n'est pas possible de décrire avec des mots ce que je ressens au plus profond de moi. Joie, bonheur et autres synonymes ne sont pas assez fort, il faudrait inventer de nouveaux mots rien que pour qualifier ces sentiments qui se bousculent en moi. Je ne savais pas que vous attendiez ma lettre avec autant d'impatience, pardonnez moi d'avoir tardé et de vous avoir donné tant de chagrin et avoir manqué à vos devoirs et d'être le responsable de votre manque d'entrain. Mais sachez que de mon côté, je me montrais tout aussi impatient de recevoir votre réponse, tel un enfant attendant un présent promis. Si ma jambe le pouvait, j'aurais sautillé dés que mon valet venait à moi, lettres à la main. Bien triste déception chaque jour, sauf en cette magnifique matinée où j'ai décelé votre sceau sur un pli. Par magnifique jour, je ne parlais pas de grand soleil au-dessus du château mais davantage dans mes appartements et dans mon cœur. Je dois vous avouer que je n'ai pas pris attention au reste des lettres, la plupart n'ont pas été encore décachetées, vous êtes mon absolue priorité.
Qu'il est agréable de lire votre récit de voyage, je voyage un peu à travers vos mots. Grâce à vous, je revois Toulouse, magnifique cité où il y a tant à raconter, tant d'histoires. Il n'y a qu'à suivre la ligne de ces anciens châteaux, à la fois inconfortable pour notre époque mais d'un système défensif à toute épreuve. Vous parliez de ces accents venus d'un autre temps, je partage votre avis de les trouver harmonieux. Dans cette région de notre belle France, il y a une impression d'un retour en arrière, d'une autre vie, un autre royaume. Vous me donnez l'envie de partir à nouveau, bien que ma future destination ne sera sans doute pas celle-ci … Vous avez la chance d'y voyager sans doute sous un climat clément, profitez des derniers rayons de soleil avant de retrouver la froideur de Versailles. Profitez aussi de l'innocence de cette population, bien loin des intrigues de cette Cour qui ne sait plus où donner de la tête.
Après l'affaire de la favorite, voici que la guerre aussi s'en mêle. La princesse de Lillebonne est venue réclamer des terres lorraines sous menaces d'une guerre. Notre bon roi Louis le Quatorzième a saisi l'occasion pour mettre en marche une guerre que certains attendaient depuis longtemps. Versailles voit les alliances se faire et se défaire, chaque ambassadeur cherche le meilleur allié, celui qui sera le grand vainqueur et qui pourra rapporter plus de victoires, d'honneur et d'or. A votre retour, vous subirez un hiver sous le signe de Mars, vous si belle Vénus. J'ose espérer que vous trouverez meilleure occupation, loin de ces tristes affaires qui ne conduiront qu'à des morts.
Puis-je me montrer audacieux, puisque vous l'avez été envers moi ? En ces temps troublés, un peu de paix serait le plus beau cadeau qu'on puisse me faire sur Terre. J'ose me montrer téméraire en vous demandant la permission de vous revoir à votre retour. Il me tarde tant de revoir votre visage, entendre votre voix enchanteresse et me plonger dans la profondeur de votre regard. J'espère que cela ne vous offusquera pas, mieux, j'ose penser que vous accepterez. Il me tarde tant de vous revoir.
Mes plus sincères sentiments, Guillaume du Perche |
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| Sujet: Re: Je m'ennuie de vous... /Guillaume-Gabrielle/ 11.07.12 22:01 | |
| Décembre 1666, Possessions du duché de NemoursMon cher ami, Je n'ose croire en la vérité des mots que vous m'adressez mais ils me procurent tant de félicité que je n'ai d'autre choix, je suis incapable de garder la retenue qu'il conviendrait. J'avoue que j'avais envoyé ma première lettre sans véritable espoir, me répétant que moi, pauvre jeune fille sans autre expérience que celle de la cour, je n'avais aucune chance d'intéresser un homme tel que vous, que vous me méprisiez sans doute, que les baisers que nous avions échangés n'étaient que des illusions provoqués par la fête et la boisson. Dieu, que j'aie été mille fois récompensée de ma témérité ! On m'a dit que vous étiez un amoureux des femmes, que vous vous lassiez des demoiselles qui sont prises dans vos filets... Mais au moment où je vous écris, je ne veux plus considérer tous ces racontars de vipères médisantes. Je veux tout oublier sinon les mots qui m'ont causé tant de bonheur. Vous n'avez rien à vous faire pardonner. Rien que l'idée que vous puissiez attendre mes missives, que vous preniez la plume en pensant à moi, rien qu'à moi sont assez de sources de plaisir pour que je sois pleine d'entrain jusqu'à mon retour à Versailles. J'ai en effet la joie de vous annoncer officiellement mon retour à la cour. Mon séjour en province a été très enrichissant et tous les détails en sont gravés en ma mémoire. Mais si j'ai pu supporter l'éloignement de toute vie mondaine et littéraire, si j'ai pu supporter l'absence de toutes les personnes qui me sont chères, c'est bien grâce à vos lettres. Elles m'ont été un soutien indispensable et comme je l'écrivais il y a des semaines, j'avais l'impression de vous avoir avec moi, d'entendre votre voix si douce et si rassurante. Peut-être est-ce que je parviens à vous faire rougir... ! Vous n'en seriez que plus charmant. En tout cas, cette lettre que je vous envoie sera la dernière, mon retour se fera à bride abattue et je crains que mon messager ne puisse me retrouver. Mais si cela m'attriste, d'une certaine manière, cela me réjouit également car si je ne recevrais plus d'écrits de votre part, je sais que je pourrais bientôt vous faire face et lire sur votre visage, dans vos yeux tous ces sentiments sincères que vous me faites l'honneur d'éprouver à mon égard. Sur vos conseils, j'ai profité au maximum de mes quelques semaines passées dans le sud du royaume pour m'emplir le cœur de souvenirs. Sans doute, voudriez-vous en entendre le récit. De toute façon, je n'oublie pas que vous m'aviez promis de me raconter vos voyages en Orient. J'ai tellement hâte ! Grâce à vous, j'ai l'impression de briser les carcans de ma position. C'est sans doute paradoxal de dire cela mais en se retrouvant ma place à la cour qui me permettra de vous retrouver que j'aurais l'impression d'être plus libre. Mais je le suis déjà assez pour vous assurer que vous êtes la première personne que je souhaite revoir dès mon retour. Promettez-moi de libérer un peu de temps parmi vos occupations au service de Sa Majesté pour me l'accorder. Cela n'a rien d'une faveur, c'est mon désir le plus cher. J'accepte donc votre proposition avec le plus grand enthousiasme. Il me semble que cela fait une éternité que je ne vous aurais revu. Vous apporter un peu de paix est mon vœu le plus cher. Par ailleurs, vous ne me dites rien de la blessure dont vous m'aviez parlé dans votre précédente missive. Est-ce dans le but de ne pas m'inquiéter ? Je vous assure que je suis prête à tout entendre de votre part et que c'est au contraire l'absence de ces nouvelles qui m'angoisse. Cela augmente encore mon impatience, je veux m'assurer de mes propres yeux que vous ne souffrez pas. Je sais bien qu'un homme tel que vous ne pourrait se plaindre, quand bien même votre fierté ne serait pas si grande, votre sens de l'honneur vous l'empêcherait. La confirmation par d'autres de mes correspondants de notre prochaine entrée en guerre, par ailleurs, me plonge dans les tourments. Je sais qu'il est de votre état d'aller combattre et de récolter les lauriers au service du roi mais je ne peux m'empêcher de souhaiter que vous ne partiez pas aussi vite de la cour dès mon retour. Vous m'êtes particulièrement cher, je vous en prie, veillez sur vous, prenez soin de votre santé, surtout pendant mon absence lorsque je ne peux moi-même m'en enquérir. Mais laissons-là ces tristes et graves paroles, vous devez me trouver bien ennuyeuse soudainement ! Je profitais d'une étape pour vous écrire, je reprends justement la route et il m'est impossible de rédiger mes lettres à cause des cahots de ces chemins de terre. Je ne pourrais sans doute pas vous envoyer plus de nouvelles d'ici mon retour mais soyez assuré que vous serez le premier au courant de mon retour à Paris puis à Versailles, je vous ferai parvenir une note. J'ose espérer que d'ici là votre désir de me revoir ne se sera pas émoussé et que votre impatience sera égale à la mienne – bien que cela me paraisse impossible ! En attendant de vous dire ces paroles de vive voix, je reste, monsieur, votre servante dévouée et affectionnée, Mademoiselle de Longueville FIN |
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