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 Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose

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Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Empty
MessageSujet: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime13.01.12 15:21

« Monsieur le Vicomte ? Votre cheval est prêt. » « J’arrive Auguste. »

Auguste ne bougea pas mais regarda son maître avec un mélange de respect et de gravité qui n’avait jamais l’air de vouloir quitter son visage depuis que le vicomte avait été mis à la retraite par sa Majesté le Roi Louis XIV. Il était d’usage à la Cour de dire que les domestiques étaient à l’image du maître : dans le cas d’Auguste c’était particulièrement vrai. Que le lecteur s’en rende compte par lui-même, et voie de ses propres yeux l’austère maître de Vallombreuse.
Léandre de Vallombreuse se tenait debout devant la fenêtre de sa chambre au campement des mousquetaires, le dos droit dans son costume aux couleurs sombres, le menton fièrement relevé mais quelque chose d’à la fois noble et modeste dans le maintien. Il n’était pas de ces hommes à la fierté vaniteuse qui regardaient les autres de haut et confondaient leur honneur avec leur ego qui grouillaient dans Versailles telle une fourmilière ou une hydre dont les têtes repoussent toujours plus nombreuses. Il appartenait à une autre époque, un autre temps ou respect et dignité voulaient encore dire quelque chose. Il avait passé les dix dernières années hors de la Cour, mais il avait constaté avec amertume que le phénomène amorcé à son départ avait eu le temps de prendre toute son ampleur depuis. Qu’on ne s’étonne guère de le voir si distant et amer avec les autres gentilshommes ; car pour lui, les gentilshommes n’existaient hélas plus.
Sous ses yeux s’étalait le campement, encore bien peuplé malgré l’heure tardive. Une lueur de mépris assombrit brièvement son regard impitoyable en se posant sur cette assemblée pour laquelle il n’avait plus aucune estime. Ils n’avaient que deux idées en tête, tous autant qu’ils étaient : ne pas s’ennuyer, et plaire au Roi, même eux les mousquetaires. Futiles animaux. Dans un mouvement de colère il referma brusquement le rideau et s’empara de son épée qu’il attacha à sa ceinture et se couvrit les épaules de sa cape noire avant de passer devant Auguste sans prendre la peine de lui dire quoi que ce soit ni même de lui jeter un regard. Auguste était habitué, il comprendrait. Il comprenait toujours, et c’était bien le seul. Le valet, toujours fidèle, le suivit sans rien ajouter, refermant derrière lui les portes d’un logement pour lequel le Vicomte n’avait pas plus de goût que pour Versailles. Léandre n’avait plus de goût pour grand-chose, de toute façon. Pour ces lieux encore moins.
Le maître et le serviteur sortirent de l’endroit et traversèrent la cour en ignorant les regards curieux ou perplexes qui les suivaient. Depuis son retour inattendu à la Cour, Vallombreuse avait suscité beaucoup d’interrogations et de curiosité. D’où sortait cet homme que tous croyaient mort depuis une dizaine d’années ? Que venait-il faire à Versailles ? Et surtout, pourquoi parlait-il si peu, pourquoi était-il si sombre, et pourquoi s’affublait-il d’un masque à toute heure de la journée ? Questions qui étaient restées sans réponse, car on ne pouvait interroger le vicomte sans se heurter à son silence hostile et son regard glacial. Un homme peu avenant, mais qui déchaînait les imaginations.
Auguste tendit la bride de son cheval à son maître, qui l’enfourcha d’un bond et attendit que son valet en eut fait autant avec le sien pour éperonner sa monture.

« A Paris, Lupin ! Allez ! »

Le cheval s’élança au galop, et suivi d’Auguste, la silhouette de la monture et du maître s’enfoncèrent dans la nuit noire. Direction, la ville.
Leurs chevaux étaient rapides et ils étaient tous deux d’excellents cavaliers. Ils ne mirent guère de temps à rallier Paris, et ralentirent l’allure en dépassant les premières habitations. Paris était peut-être plus mal famée que Versailles, mais au moins elle ne puait pas l’hypocrisie, le mensonge et la tromperie à dix kilomètres à la ronde. Dans cette ville de toutes les mœurs, on pouvait encore trouver des choses intéressantes à voir et à entendre, rencontrer d’étonnants personnages, oublier le tourbillon infernal de la Cour. Parmi les rares choses que Léandre appréciait encore, les promenades dans Paris étaient du nombre. La nuit les rues étaient moins peuplées mais il y restait quelque chose de fascinant à quoi Léandre ne résistait pas. Paris était un ersatz à Vallombreuse, une bouffée d’oxygène contrefaite mais une bouffée d’air quand même. Descendant de son cheval et le confiant aux bons soins d’Auguste qui, comme d’habitude, ferait chemin de son côté avec les bêtes pendant que Léandre explorerait de son côté, le vicomte disparut dans la foule. A lui la liberté pour quelques heures.
Louvoyant dans la foule comme un navire au milieu des vagues, il passait presque inaperçu avec ses habits sombres. Presque, car un homme d’aussi haute taille, visiblement noble, avec un masque sur la figure, ça ne passait pas non plus inaperçu. Mais au moins les parisiens étaient-ils moins curieux que ces loups de Versailles, et ils se fichaient pas mal de qui ils pouvaient croiser dans la rue. Dans Paris, être anonyme était d’une facilité déconcertante, et peut-être était-ce cela qui le séduisait tant dans la ville, lui qu’on dévisageait sans cesse en se demandant à quelle sauce on allait pouvoir le bouffer. Avant qu’il ne bouffe les autres, du moins. Non seulement son masque intriguait grandement, mais son attitude rebutait ou effrayait. On devinait derrière l’impassibilité des yeux bleus le caractère intransigeant, sévère, impitoyable, inquiétant, ombrageux. La violence sous-jacente. La menace grondante. Bande de sots.
Soudain alors qu’il s’était plus ou moins égaré dans les ruelles, il entendit un cri. Un cri de femme, pour ce qu’il pouvait en juger. Les sens soudain mis en alerte, il tendit l’oreille, en guettant un deuxième afin d’en déterminer l’origine. Il ne tarda pas, et Léandre s’élança aussitôt dans la rue des cinq-mortiers. Il n’avait pas eu l’intention de se battre ce soir-là, mais si l’on menaçait il devait intervenir. N’était-il pas un mousquetaire dans l’âme, même si Louis XIV l’avait forcé à la retraite ? Aussi n’écoutant que ce que lui dictait sa conscience, il fila et suivit un bruit qui se rapprochait, un bruit de verres et de meubles cassés qui ne lui disaient rien de bon. Il déboucha au coin d’une ruelle et le spectacle qui s’offrait à lui le stupéfia.
Il reconnut aussitôt l’uniforme des Cent-Suisses, et dans le même temps reconnut l’éclat brillant de leurs yeux et leurs voix déformées par l’alcool. L’établissement auquel il s’en prenait avait déjà une fenêtre de moins, et à travers celle qui restait le mousquetaire pouvait distinguer des silhouettes qui se déplaçaient vivement et entendre des protestations. Une petite foule s’était amassée devant le bâtiment, mais personne n’osait intervenir. Personne ?
Sans hésiter Léandre franchit le petit groupe de personnes et entra au rez-de-chaussée d’un pas résolu. Aussitôt il comprit la situation, identifiant sans peine ces femmes légèrement vêtues, la maquerelle reconnaissable à son maquillage grossier qui geignait en suppliant les hommes de s’en aller et de les laisser en paix, en vain bien entendu. Les gardes riaient, cassaient, menaçaient dans un chaos indescriptible qu’eux-mêmes étaient sans doute bien en peine de comprendre ou de maîtriser.

« On te l’a dit, la maquerelle ! Ou bien tu nous fais bénéficier de tes filles gratis, ou bien… » L’homme qui avait parlé s’empara d’une chaise et la jeta contre un miroir qui se fracassa en mille morceaux. « Ou bien tu trouves un nouvel endroit où les vendre ! »

Effrayées par la violence déchaînée contre elles, les filles de joie s’étaient regroupées derrière leur maquerelle et certaines sanglotaient de terreur tandis que d’autres juraient contre ces satanés ivrognes. Un des gardes entendit d’ailleurs l’une d’elle les insulter, et l’œil brillant de rage il empoigna ses cheveux et la tira vers lui sans prêter attention à ses cris.

« Tu la boucles ma jolie sinon non seulement je te presse contre le mur mais je te passe mon épée au travers du corps ! » articula-t-il d’une voix lourde de menaces.
« Vous n’en ferez rien, sergent ! »

L’homme fit volte-face et dévisagea avec stupeur cet homme vêtu de sombre qui venait de faire irruption. Léandre ne se déroba pas à son regard et le lui rendit avec encore plus de mépris.

« T’es qui toi, le masque ? » « Vicomte de Vallombreuse mousquetaire au service de sa Majesté. Relâchez cette femme immédiatement et emmenez vos hommes. » ordonna-t-il d’une voix impérieuse qui ne souffrait aucune discussion. « Un mousquetaire ! Dans ce cas nous n’avons rien à faire ensemble monsieur, et mêlez-vous de vos affaires ! » cracha le garde furieux de se voir opposer encore une résistance. « En agissant comme vous le faites, vous déshonorez votre titre de gentilhomme monsieur. Lâchez cette femme et déguerpissez avant que je ne décide de régler votre sort une bonne fois pour toutes ! »

Quelque chose dans la voix de Léandre le statufia et le regard d’aigle de son interlocuteur acheva de le clouer sur place. S’il avait été raisonnable, il aurait obéi. Mais l’alcool ne rendait pas les hommes raisonnables, bien au contraire. Les traits grossièrement déformés par la rage, le sergent dégaina son épée, arracha dans nouveaux cris apeurés aux femmes qu’on semblait avoir oubliées. Ses hommes, qui étaient six, l’imitèrent. Imperturbable, Léandre les dévisagea un par un et sortit lentement son épée de son fourreau. Un éclat étrange illumina son regard, et l’espace d’un dixième de seconde, on aurait pu croire que la perspective du combat à venir l’amusait.

« Messieurs… Je suis votre homme ! »
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Rose Beauregard


Rose Beauregard

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Pas de coeur, cela ne cause des troubles de l'humeur et c'est trop fragile. Car quand on le brise, ça fait si mal, un coeur.
Côté Lit: Je ne compte plus les hommes, seulement les pièces qu'il laisse une fois qu'ils ont fait leur affaire.
Discours royal:



    Ô la belle ÉPINE
    pleine de rose


Âge : 24 ans
Titre : Prostituée ; Princesse de Schwarzenberg (faux titre)
Missives : 351
Date d'inscription : 04/11/2011


Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Empty
MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime17.01.12 17:04

Les soirées parisiennes sont toujours pleines de surprises, du fait qu'on ne sait pas vraiment ce qui peut se passer d'un jour à l'autre. Les clients changeaient, le débit d'alcool aussi. Certaines filles aussi, même s'il restait toujours quelques fidèles au poste. Comme Rose qui, dans la chambre qui lui était réservée, était entrain de se préparer, répétant les mêmes gestes comme tous les soirs. Enfin, les soirs où elle travaillait ici car avec sa double-identité, la brune passait parfois du temps à Versailles et cela lui prenait de plus en plus de temps. La voilà davantage Princesse Marie que Rose , de quoi virer foller parfois ! Et quand elle pouvait s'échapper de l'un et de l'autre, elle devenait tout simplement « maman ». Comme la veille et toute la journée, la jeune femme s'était échappée un jour à Nanterre pour rendre visite à son petit Raphaël, retrouver un peu d'humanité avec ce petit bout de chou, loin de l'hypocrisie versaillaise – qu'elle adorait malgré tout – et ce lieu sordide qui était son gagne-pain et, d'un certain côté, sa famille. Mais pendant un jour et une nuit, ne plus être ni princesse ni putain, juste elle-même et juste savourer l'air de la campagne pas si loin de Paris, profiter de cet enfant qu'elle n'avait pas désirer mais auquel elle s'était attachée en le portant tous ces mois. Aujourd'hui, Raphaël était son joyau, l'amour de sa vie, mais aussi son secret farouchement gardé. Davantage depuis que cet homme inconnu l'avait menacé. Si Rose travaillait ici, c'est parce qu'elle gagnait assez pour payer bien la nourrice et pouvoir mettre un peu de côté pour un jour échapper à cette vie et élever elle-même son fils. Seulement, le train de vie de Versailles coûtait un bras et le prince islandais ne pouvait tout payer. Alors elle revendait des bijoux et puis puisait dans sa cagnotte. Il fallait avouer que Versailles était un enchantement et ce serait stupide de ne pas profiter de mettre un pied à la Cour alors qu'elle n'était même pas noble !

Tout en repensant à cela, Rose avait enfilé sa robe avec grand décolleté et serrer un ruban sous sa poitrine, mis des bas, s'était coiffée un peu négligée et finissait de se maquiller en colorant ses lèvres de rouge. La maquerelle Christine cria du bas de l'escalier. La nuit commençait … Rose descendit et se plaça sur une des méridiennes, attendant qu'un client vienne la chercher. Contrairement à ses collègues qui se mettaient en avant, tout sein et sourire, elle restait le visage fermé, l'air de s'ennuyer ferme. Et dire que cette tête de cochon pas aimable plaisait, ce n'était à n'y rien comprendre des hommes parfois ! C'était donc un soir ordinaire à l'Île d'Or, maison close parisienne. Et assez calme pour l'instant, voilà pourquoi Rose se rendit à la cuisine pour fumer sa pipe en attendant que le temps passe. C'est de cette pièce qu'elle vit arriver des types en uniforme. Mousquetaire, Cent-Suisse ou autre du genre, elle les confondait, ils avait tous un uniforme et une arme de toute façon. Ceux là avaient l'air d'avoir bien bu, à leur façon de tituber et d'arriver tels des seigneurs dans la demeure.

Tu nous fais gratis, la maquerelle ? On travaille assez dur, on peut bien se détendre.
Alors là, mon bonhomme, tu peux toujours courir !

Certains se croyaient tout permis. Rose eut un petit sourire amusé de voir comme Christine, la maquerelle, se dressait face à celui qui semblait être le chef. Seulement, cela dégénérait bien vite. L'homme gifla la tenancière et les autres commencèrent à tout casser. En quelques instants, la fenêtre avait volé en éclat, tout comme un miroir, deux méridiennes furent renversées tandis que les filles tentaient de partir en hurlant comme des hystériques. L'alcool rendait les gens violents, ou fous. C'était exactement le cas ici et Rose était bien contente d'être retranchée dans la cuisine, loin de toute celle agitation.

On te l’a dit, la maquerelle ! Ou bien tu nous fais bénéficier de tes filles gratis, ou bien…

La chaise jetée contre le mur n'annonça rien de bon, et encore moins quand il vit une des filles empoignée par les cheveux pour avoir insulté un des hommes, les autres commençant à étreindre d'autres filles. Un se dirigeait vers la cuisine et Rose eut un instinct de se reculer mais impossible de se cacher, elle était en plein dans le champ du soldat à l’œil brillant de perversité.

Toi t'es pour moi, ma jolie.
Je pense pas, non …


Il voulut se jeter sur elle mais Rose poussa une chaise juste devant elle pour l'empêcher de l'approcher puis se mit à courir, à la recherche d'une arme pour se défendre. Avec les moyens du bord, on peut toujours sauver sa peau, c'est comme ça qu'elle avait toujours vécu. Mais rapidement, l'homme se saisit de son poignet pour qu'elle se retourne vers lui. De l'autre moins, elle lui mit une claque.

J'aime bien quand on me résiste.

Et voilà un pervers éméché, elle avait gagné le gros lot ! Alors qu'il commençait à poser ses mains un peu partout sur la jeune femme, Rose vit non loin de là, une poêle. Parfaite arme de défense, encore fallait-il l'attraper. Elle tendit son bras aussi loin que possible, saisit du bout des doigts le manche, pendant que le soldat avait posé sa bouche sur son cou. Se saisissant de l'instrument de cuisine, elle lui mit un bon coup derrière la tête ce qui eut pour effet de faire reculer l'homme et lui en mit un autre en plein visage, ce qui le fit tomber à terre. Un de moins. C'est là que Rose entendit que cela s'agitait de l'autre côté, un homme était venu leur porter secours.

Messieurs… Je suis votre homme !

Comptant rapidement, ils était sept contre un. Un suicide pour cet homme masqué, il n'allait jamais s'en sortir. Sans réfléchir, la jeune femme sortit de la cuisine, cachant sa pelle derrière le dos et interpella les hommes qui avaient commencé à se battre.

Hé les soûlards ! A sept contre un, vous vous pensez des hommes ?
Tu veux que je te règle ton compte, ma belle ?
Essaye pour voir.

Elle n'avait pas peur. Ou alors le cachait vraiment au fond d'elle. Mais les hommes en général ne lui faisaient pas peur et donc quand celui qui lui avait parlé s'approcha avec un air lubrique, regardant davantage le décolleté que Rose, il ne vit pas arriver la poêle en pleine tête qui le fit s'écrouler à moitié sonner. Et alors qu'un autre voulut faire de même, elle lui donna à son tour un coup au moment même où l'inconnu sauveur venait de lui transpercer le corps.

Sacrebleu ! Vous l'avez tué avant moi !

Puis elle se tourna vers les jeunes filles toutes recroquevillées dans un coin, apeurées. Levant ses yeux bleus au ciel, Rose repartit en ''guerre'' maudissant ces espèces de minettes incapable de se défendre. Elle, sa poêle et le justicier masqué faisaient donc tout le travail. Une bonne équipe finalement !
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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime23.01.12 20:09

L’escrime ressemblait en de nombreux points à la danse, estimait Léandre selon ce que lui avait appris son ancien précepteur et maintenant valet Auguste Pelletier. Il fallait mobiliser tout son corps, pas seulement les bras ou les jambes, savoir coordonner le tout et surtout savoir répondre à son partenaire et agir en fonction de lui. En réalité, la véritable différence entre la danse et l’escrime était le but de manœuvre : dans le premier cas il ne s’agissait que de réagir à la musique pour passer un bon moment, dans le deuxième cas, il s’agissait souvent de réagir à la « musique » de son adversaire pour ne pas se faire tuer et l’envoyer au tapis. Différence tout de même notable.
Cependant il se trouvait que Léandre était aussi bon escrimeur que danseur. Après tout, il le fallait bien pour avoir été lieutenant-capitaine des mousquetaires, et ce n’étaient certainement pas dix années de vie monacale qui allaient lui faire perdre ses extraordinaires facultés, d’autant plus qu’Auguste avait toujours été un excellent partenaire d’entraînement. Il était grand, fort, rapide, et surtout il était sobre. Se débarrasser de ces ivrognes serait un jeu d’enfants, même s’ils étaient sept.
Le premier se fendit, si maladroitement que Léandre n’eut aucune peine à dévier la lame de son épée et lui donner un coup de pied dans le ventre pour le dégager tout en parant l’attaque d’un deuxième. Il contre-attaqua avec une feinte et lui perfora le flanc. Un de moins. Puis il prit à peine le temps de retirer son épée du corps que déjà il faisait volte-face pour contrer un autre de ses assaillants. Ils étaient peut-être soûls, mais visiblement ça leur donnait autant d’énergie que de lourdeur ! La fine fleur de la honte des Cent-Suisses ! Passablement agacé, il dégagea la lame de son adversaire et l’envoya au tapis d’un coup de poing bien senti dans la mâchoire. Et de deux, il pouvait le laisser en vie celui-là, le temps qu’il émerge de nouveau il serait déjà à la Bastille… Il s’attaquait au troisième lorsqu’une fois féminine et narquoise se fit entendre :

Hé les soûlards ! A sept contre un, vous vous pensez des hommes ?
Tu veux que je te règle ton compte, ma belle ?
Essaye pour voir.

L’inconsciente ! Elle avait peut-être du cran mais ce n’était pas ça qui allait la protéger des épées de ces enragés ! Léandre se préparait donc à se jeter sur l’homme qui faisait face à la fille, mais ses yeux s’agrandirent de surprise en entendant un « BONG » retentissant et voyant l’affreux s’écrouler comme une masse. Une poêle ? L’arme lui sembla tellement incongrue et décalée par rapport à l’air de farouche détermination sur les traits fins de la combattante que pour un peu il se serait presque allé laisser à sourire. Sauf qu’en apercevant l’un des hommes encore valide s’approcher d’elle dangereusement, Léandre réagit à la vitesse de l’éclair et le transperça sur le côté, touchant un organe vital. Au même moment, un nouveau « BONG » résonna.

Sacrebleu ! Vous l'avez tué avant moi !
« Je suis sûr qu’il est mort de peur en vous voyant lever votre poêle ! » répliqua-t-il en se tournant vers le reste de leurs adversaires. A eux deux ils en avaient déjà mis quatre à terre. Plus que trois. Autant dire que la partie était gagnée d’avance.

Déjà il sentait la résistance adverse faiblir. Les hommes que la peur commençait à dégriser se jetaient des regards peu rassurés et devaient certainement se demander qui étaient cet homme en noir masqué et cette folle armée d’une poêle qui étaient en train de proprement décimer leurs rangs à eux deux. Mais ils ne pouvaient pas reculer. Si leurs supérieurs apprenaient qu’ils avaient fui face à un seul homme et une fille de joie, c’en était fini de leurs carrières ! Voyant l’air mauvais que ces trois lascars commençaient à arborer, Léandre sortit une dague de son pourpoint et la tendit à sa jeune acolyte.

« Prenez ça pour vous défendre, face à une épée votre poêle sera peut-être insuffisante… »

Il comptait bien s’occuper seul de ces trois hommes, mais non seulement il fallait parer à toute éventualité, mais en plus il avait comme l’impression qu’elle avait drôlement envie d’en découdre avec eux… Ce qui n’était pas sans forcer l’admiration du mousquetaire. Une représentante du sexe faible avec autant de cran, c’était excessivement rare, en témoignaient ses petites camarades qui s’étaient tapies dans un coin en gémissant de terreur et laissant leur amie se débrouiller toute seule avec lui… Raffermissant sa prise que la garde de son épée, Léandre se mit de nouveau en garde, pieds écartés et genoux fléchis, et attaqua. Les trois reculèrent dans un même mouvement et il en profita pour se fendre de nouveau et en toucher un au bras. Il eut ensuite tout juste le temps de parer l’attaque d’un autre et de lui envoyer un coup de genou dans le ventre en voyant l’éclat menaçant d’une dague dans sa main. Le traître ! Léandre profita de ce qu’il se tenait le ventre, plié en deux, pour lui asséner un coup de garde d’épée sur le crâne et le faire tomber raide. Parfait. Il n’y en avait donc plus que…
Faisant volte-face Léandre réalisa que le dernier homme debout ne s’en était pas pris à lui, mais à sa compagne d’armes improvisée. Celle-ci se défendait avec sa poêle et sa dague, mais l’autre avait l’air sérieusement décidé à en découdre. Avisant le décor ruiné autour de lui, Léandre se souvint d’une mémorable bagarre dans une taverne quelque douze ans plus tôt et s’empara d’une chaise qui de toute façon tombait en morceaux. Il la leva bien haut et la fracassa sur la tête de l’agresseur en même temps que la fille lui assénait son ultime coup de poêle. Il tituba encore avant de s’écrouler, proprement assommé. La bataille était gagnée. Et quelle équipe !
Timidement, les autres filles sortirent de leur coin ou de leurs cachettes pour examiner la pièce salement endommagée. Ce fut à ce moment-là que Léandre entendit le bruit de sabots de cheval, et il eut à peine besoin de tourner la tête pour reconnaître Auguste qui avait dû entendre parler de la bagarre –les bruits allaient si vite dans certains quartiers de Paris. Ne prêtant guère attention à l’air à la fois stupéfait et atterré de son valet, Léandre remit son épée dans son fourreau et lui ordonna :

« Trouve une corde Auguste, et ligote-moi tous ces incapables. Nous irons les livrer à la garde en partant d’ici. » « Vous ne pouvez vraiment pas vous en empêcher hein ? » soupira le serviteur pour toute réponse en partant à la recherche de liens.

Léandre hocha la tête puis se tourna vers la jeune fille si courageuse qui lui avait prêté main-forte dans la bataille. S’inclinant, il lui prit la main et la baisa avec galanterie et se redressa.

« Bravo pour votre courage mademoiselle. Le dernier coup était particulièrement réussi. Je suis le vicomte Léandre de Vallombreuse, pour vous servir. »

Auguste revint, et avec l’aide de quelques-unes de ces demoiselles qui avaient finalement décidé de se rendre utile, ligota les soldats et les laissa dans un coin.

« Puis-je connaître le nom de ma nouvelle camarade d’armes ? Vous ne vous débrouillez pas mal avec une poêle vous savez, mais vous devriez peut-être réfléchir à une technique plus sûre la prochaine fois… »
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Rose Beauregard


Rose Beauregard

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Pas de coeur, cela ne cause des troubles de l'humeur et c'est trop fragile. Car quand on le brise, ça fait si mal, un coeur.
Côté Lit: Je ne compte plus les hommes, seulement les pièces qu'il laisse une fois qu'ils ont fait leur affaire.
Discours royal:



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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime27.01.12 19:10

Je suis sûr qu’il est mort de peur en vous voyant lever votre poêle !

A cette remarque, Rose n'eut qu'un demi-sourire moqueur. Puis repartie à l'attaque. Il n'était pas question que ces sales types la touchent ou fassent du mal aux autres filles. Elles étaient toutes entassées dans un coin, les genoux contre leurs corps, recroquevillées et apeurées, bien loin de ce que Rose pouvait faire en cet instant. Sa poêle pouvait être redoutable, en témoignait un autre qui se la prit sur la tête, avec le son qui l'accompagnait. Rose avait toujours appris à se défendre toute seule et si elle ne savait pas se servir d'une épée, toute arme était bonne à prendre, il fallait juste savoir l'utiliser. Il en restait trois parmi les gardes restants, mais ceux-ci n'avaient pas l'air commode. Serrant un peu plus sa poêle entre ses mains, les yeux bleus de la demoiselle ne sourcillaient pas, elle semblait déterminée que jamais. Mais son partenaire de bagarre lui tendit une dague. Elle regarda l'objet tranchant un instant avant de lever les yeux vers l'homme.

Prenez ça pour vous défendre, face à une épée votre poêle sera peut-être insuffisante…
Vous surestimez ces hommes !


Cela ne l'empêcha pas de prendre l'arme, sait on jamais. Elle n'aimait pas les choses à pointe tranchante, on pouvait rapidement se faire mal mais si ça pouvait faire plaisir au chevalier masqué. Sur les trois, deux foncèrent sur l'homme tandis que le dernier décida en découdre avec la belle. Croyait-il que, parce qu'elle était une femme, elle ne savait pas se défendre ? Ils n'étaient pas à armes égales et lorsqu'il plongea sa rapière la direction de Rose, celle-ci la stoppa net avec sa poêle avant de lui donner un coup de coude sous le menton. Puis, relevant légèrement sa robe, elle lui asséna un bon coup dans le ventre, ce qui le fit reculer quelques instants. Mais l'homme, malgré son haleine prouvant qu'il était bien imbibé d'alcool, était bien tenace et repartit à la chasse. Rose le blessa au bras avec le couteau d'un côté et essaya de le frapper avec l'autre mais il fut un peu plus rapide.

Allez ma belle, laisse toi faire.
Plutôt crever, alcoolique !


Elle tentait de le repousser mais il avait de la force et sa bouche tentait irrémédiablement de se coller à celle de la prostituée qui penchait sa tête en arrière, tout en essayant de dégager une de ses mains. Puis elle vit le chevalier servant arrivé, chaise à la main, et donna un bon coup sur la tête. Elle ferma les yeux pour ne pas se prendre d'éclat et se recula. Des bouts de bois et de paille recouvraient le haut de sa robe, Rose s'épousseta pour paraître un peu moins pouilleuse. Des petits morceaux s'étaient même glissés dans le décolleté, elle n'eut pas de gêne à y glisser sa main alors que certaines personnes regardaient par la fenêtre. Le regard noir lancé par Rose en cet instant fit tourner le regard de quelques uns. Les autres filles se levèrent et sortirent de leurs cachettes, chacune allait de son commentaire à propos des dégâts. C'est vrai que la grande pièce était salement amochée, ce soir il allait falloir faire un sacré ménage. Rose jeta un œil à tout cela, posa son arme de fortune sur la table bancale et mit la dague à sa ceinture, comme s'il s'agissait de la sienne. Elle tenta de réorganiser sa tignasse, la baston aillant mis à mal son chignon, alors autant les laisser tomber librement en cascade sombre. Puis ce qui suivit, la jeune prostituée ne s'y attendait pas ! Voilà que l'homme masqué s'inclina face à elle, et lui fit un baise-main ! Si on lui en avait déjà fait à Versailles en tant que Princesse, jamais son côté Rose n'y eut le droit, ce qui l'étonna.

Bravo pour votre courage mademoiselle. Le dernier coup était particulièrement réussi. Je suis le vicomte Léandre de Vallombreuse, pour vous servir. Elle resta un instant silencieuse et le vicomte reprit. Puis-je connaître le nom de ma nouvelle camarade d’armes ? Vous ne vous débrouillez pas mal avec une poêle vous savez, mais vous devriez peut-être réfléchir à une technique plus sûre la prochaine fois…
J'm'appelle Rose. Je sais aussi me battre avec des planches et tout ce qui me tombe sous la main, on a pas tous la chance de prendre des cours !
lâcha t'elle mais sans méchanceté, même si elle n'esquissait qu'un très maigre sourire. En tout cas merci de nous avoir aidé, y a pas grand monde qui l'aurait pas. Hein les trouillards ? lança t'elle en se penchant vers les curieux du dehors.

Rose n'avait jamais prétendu être une fille bien élevée. Elle avait une façon de s'exprimer et un franc-parler bien à elle. Il fallait avoir du caractère pour survivre, ne pas se laisser marcher sur les pieds, voire même se faire respecter. Ce n'était pas facile quand on avait pas d'argent, qu'on était une femme et même prostituée. Et dire que lorsque Rose troquait sa panoplie pour devenir Princesse Marie, cela changeait du tout au tout. Elle était plus souriante, plus sympathique, un peu plus posée et faisait des efforts de langage. Heureusement, peu de monde connaissait cette double facette mais ces personnes devaient bien s'en amuser. Christine, la mère maquerelle des lieux, s'avança, tentant d'enlever tant bien que mal le maquillage qui avait coulé.

Merci monsieur, vous nous avez sauvé la vie, je ne sais pas ce que l'on aurait fait sans vous. Pour vous remercier, restez au moins quelques minutes pour vous restaurer. Rose s'éloigna vers la cuisine. Rose où vas tu ?
Voir le Pape … Tu vois bien que je vais à la cuisine.
Tu nous aides pas à ranger ?
Et puis quoi encore ? Moi aussi j'me suis battue, j'ai pas fait ma feignasse apeurée dans un coin. Vous rangez, moi j'fais la serveuse. Vous v'nez, monsieur le vicomte ?


Elle avait un peu exagérer dans le ton sur les dernier moment, faisant une fausse marque de respect et passa la porte de la cuisine. Cherchant dans les placards et le garde-manger, elle sortit du vin et de quoi manger. Puis, jetant un coup d’œil dans la pièce, elle retrouva sa pipe. Elle méritait bien de fumer après tout ce tapage.

Vous fumez ? lui lança t'elle en tendant son instrument vers Léandre.
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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime08.02.12 16:11

Léandre avait beau avoir passé ces dix dernières années enfermé dans son château à Vallombreuse, il n’en avait pas oublié pour autant ni son éducation ni ses convictions personnelles. A vrai dire ce devait bien être tout ce qu’il restait du Léandre d’avant Valenciennes, de ce jeune et vaillant mousquetaire qu’on n’hésitait pas à citer en exemple et dont l’optimisme et la constante sympathie avaient su rallier ses hommes de son côté et lui attirer l’amitié de tout son entourage. Il avait été un jeune homme accompli, lieutenant-capitaine des mousquetaires à seulement trente ans, fiancé à l’un des meilleurs partis que lui autorisait sa position… Et en quelques minutes de combat tout s’était écroulé. Une blessure à l’épaule qui l’avait handicapé du bras pendant de longs mois, une autre au visage qui l’avait défiguré, et une humiliation sans bornes face à des diables d’Espagnols… Il aurait pu survivre à tout ça, mais il avait reçu le coup fatal par derrière, venant de celui auquel il se serait le moins attendu : le Roi lui-même. Son souverain auquel il avait juré allégeance, auquel il avait dévoué sa vie et pour lequel il avait reçu ses cicatrices… La trahison n’aurait pu être plus cruelle. Diplomatiquement remercié, en réalité déchu de son rôle de lieutenant-capitaine pour se voir redescendre bien plus bas qu’il ne le méritait, Léandre avait refusé la charité et cette ultime humiliation et avait aussitôt quitté les mousquetaires. Décision dont il souffrait chaque jour, mais moins que s’il avait eu à affronter les regards emplis de pitié, de mépris ou d’orgueil de ceux qui avaient été ses hommes. Il était rentré à Vallombreuse et n’en était plus ressorti. Dix ans passés à ruminer cette maudite bataille, dix ans passés à garder pour lui sa rancœur envers la Roi et sa Cour de paons, dix ans de solitude et de regrets… Il en était ressorti assombri, aigri, brisé, mais pas complètement changé. Il avait gardé sa dignité et sa fierté, son sens de l’honneur et celui de la justice, celui-là même qui l’avait conduit chez les mousquetaires à la suite de son père alors qu’il n’avait que dix-huit ans. Et voilà qu’il était de retour, à l’âge de quarante ans, afin de seconder l’actuel lieutenant-capitaine et son second en vue de la guerre qui se profilait à l’horizon. Décidément à Versailles, on oubliait vite et bien… Surtout quand c’était là un avantage.

« J'm'appelle Rose. Je sais aussi me battre avec des planches et tout ce qui me tombe sous la main, on a pas tous la chance de prendre des cours ! »

Léandre considéra sa nouvelle sœur d’armes sans broncher, mais intérieurement il s’étonna. Si à Versailles tous ces courtisans se ressemblaient plus ou moins, avec leur ambition démesurée et leurs futilités, à Paris on était sûr de trouver de beaux spécimens du genre humain dans tout leur naturel. Louis XIV avait concentré autour de lui toute la noblesse française et les avait polis à son image à coups d’étiquette et de ce qui lui semblait parfois être un lavage de cerveau, mais les autres, les gens du peuple, ceux-là restaient bien ce qu’ils étaient comme des diamants bruts. Mais à la différence de la noblesse, il était impossible de les tailler pour les remodeler à volonté. Cette Rose semblait en être un exemple parfait. Fière, franche, et pas une once de couardise ni d’hypocrisie pour ce qu’il pouvait en juger.

« En tout cas merci de nous avoir aidé, y a pas grand monde qui l'aurait pas. Hein les trouillards ? »

Dédiant à son tour un regard réprobateur à l’assemblée de spectateurs massée au dehors, Léandre ne répondit pas. Il avait fait ce qu’il estimait être son devoir, à savoir venir au secours de femmes sans défense –à l’exception d’une, visiblement- à la merci d’une bande d’ivrognes qui déshonoraient les uniformes de la Garde royale. Il ne portait peut-être pas Louis XIV dans son cœur, mais il était toujours très loyal à la figure du monarque et mettait un point d’honneur à le servir avec fierté et surtout irréprochabilité. Les ivrognes dans leur genre n’avaient pas leur place au service de sa Majesté, et dès qu’il en aurait l’occasion il irait en toucher deux mots au chef des Cent-Suisses. Il saurait les reconnaître en les croisant au palais, et là il apprendrait bien leurs noms et obtiendrait leur expulsion. Ce genre d’animal sans foi ni loi une fois enivré le révulsait et ne méritaient qu’une juste sanction.
L’attention du mousquetaire fut ensuite attirée par une femme plus petite que Rose, plus âgée aussi mais mieux habillée malgré son état peu avantageux dû à la bagarre et la frayeur qu’elle avait dû avoir. Il ignorait qui elle était, mais en regardant brièvement les autres filles comprit qu’elle devait être la doyenne de l’endroit, voire même la patronne peut-être ? N’ayant jamais fréquenté ce genre d’endroit mal famé, il ignorait leur fonctionnement, et honnêtement cela lui était complètement égal. En tout cas, ce fut-elle qui servit de porte-parole aux autres.

« Merci monsieur, vous nous avez sauvé la vie, je ne sais pas ce que l'on aurait fait sans vous. Pour vous remercier, restez au moins quelques minutes pour vous restaurer. »

Léandre voulut prendre la parole pour décliner l’invitation –après tout Auguste et lui devaient encore livrer les agresseurs à la police ou la garde- mais la maquerelle avait déjà reporté son attention sur Rose qui s’était éloignée.

« Vous rangez, moi j'fais la serveuse. Vous v'nez, monsieur le vicomte ? »

Hésitant pendant un quart de seconde, Léandre jeta un regard à Auguste qui achevait de ligoter leurs victimes. Ce dernier surpris ce regard et se redressa en s’étirant.

« Ce n’est plus de mon âge ces histoires ! Restez donc ici messire, je vais aller chercher la garde… Prendre l’air me fera sûrement plus de bien que rester ici à admirer ce beau désastre ! » lança-t-il sur ce ton bourru et exagéré qu’il employait sans s’en rendre compte à chaque fois qu’il réprimandait son maître.

Un bref sourire se dessina au coin des lèvres du vicomte, mais il avait déjà retrouvé son masque impassible en rejoignant Rose dans la cuisine.

« Vous fumez ? » « Non merci. » déclina-t-il simplement en s’asseyant en face d’elle.

Portant son regard sur la fenêtre, il se demanda quelle heure il pouvait bien être maintenant. S’il s’était douté que cette petite expédition nocturne se terminerait en expédition punitive pour sauver les occupantes d’un bordel, il ne se serait pas cru lui-même. Le silence s’installa, entrecoupé des bruits et des bavardages allant bon train dans la pièce d’à-côté. Les filles rangeaient sûrement le désordre et commentaient la scène qui venait d’avoir lieu. Qui n’aurait pas dû avoir lieu, se répétait-il depuis le début.

« Je vous présente mes excuses pour le comportement de ces hommes. Dès demain ils recevront le châtiment qu’ils méritent, et nous ferons en sorte que cela n’arrive plus. » déclara le mousquetaire en regardant de nouveau la jeune fille.

Rose ne faisait pas partie de ces filles au physique vulgaire qu’on pouvait trouver dans les rues ou qu’il avait pu voir dans l’autre pièce. Elle avait peut-être des manières peu gracieuses pour une jeune femme, mais elle avait le port de tête droit et fier, les traits fins et le menton volontaire des femmes de caractère. Son visage était celui d’une sculpture grecque, et ses yeux plus verts que l’Irlande traduisaient une indéfectible volonté qu’il ne pouvait s’empêcher de trouver admirable. Il se demandait de plus en plus ce qu’une jeune femme comme Rose pouvait faire dans une maison de plaisir comme celle-ci. Probablement n’avait-elle guère eu le choix, il garderait donc son début de curiosité pour lui seul. A la place il embraya sur un autre sujet, ne serait-ce que pour meubler le silence qui menaçait de nouveau de s’installer.

« Ce genre d’incident est-il déjà arrivé auparavant ? Vous devriez en référer à la garde, ils pourraient accorder plus d’attention à ce qu’il se passe dans le quartier… Si ça recommence je ne serai sûrement pas là pour intervenir. »

Rappelons-le, Léandre ne fréquentait pas les maisons closes. S’il repassait dans les parages lors d’une prochaine sortie en pleine nuit, il était très peu probable qu’il s’arrête dans l’établissement ! Néanmoins l’incident de ce soir lui avait mis la puce à l’oreille. Si ce groupe s’en était pris à ces pauvres femmes, ce n’était peut-être pas un cas isolé… Et dans ce cas il allait falloir renforcer la surveillance, mais y aurait-il assez d’effectifs ? Et surtout, réussirait-il à convaincre le chef de la garde ? Les quartiers pauvres comme celui-ci étaient malheureusement délaissés par les autorités, qui préféraient veiller au grain aux alentours des hôtels particuliers des riches familles et délaissaient les autres… Encourageant ainsi la criminalité dans les quartiers les plus démunis. Décidément, il fallait faire quelque chose.

« Vous n’avez pas envie de quitter cet endroit ? » demanda Léandre. Après tout, il y avait d’autres maisons closes ailleurs, dans des quartiers un peu mieux que celui-ci… Et elle pouvait tout aussi bien se trouver un autre travail, serveuse par exemple. Rester ici lui semblait une bien drôle d’idée.
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Rose Beauregard


Rose Beauregard

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Pas de coeur, cela ne cause des troubles de l'humeur et c'est trop fragile. Car quand on le brise, ça fait si mal, un coeur.
Côté Lit: Je ne compte plus les hommes, seulement les pièces qu'il laisse une fois qu'ils ont fait leur affaire.
Discours royal:



    Ô la belle ÉPINE
    pleine de rose


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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime17.02.12 19:24

Rose n'était pas une fille des plus distinguées mais son caractère et son côté froid lui donnait une certaine classe, une aura que la plupart des filles n'avaient pas. Sûrement parce qu'elle savait pourquoi elle était là, pour qui elle avançait et avait des buts dans la vie. Enfin un but : être capable de subvenir aux besoins de son fils sans passer par la case prostitution. Ce n'était pas demain la veille, ses économies diminuaient à cause de sa double vie à la Cour et la jeune femme ne savait absolument pas quoi faire une fois qu'elle arrêterait. Il faudrait bien travailler pour ne pas manger toutes ses économies et peu de travail payait aussi bien que la prostitution. Ou alors, il lui faudrait une rente régulière pour mettre du beurre dans les épinards. Et cela passait par retrouver le père de l'enfant, du moins le plus probable et celui qui pourrait bien payer ! Rose avait trouvé le père possible, il était même en tête de la liste, et puis il était dans les bonnes grâces du Roi, parfait … Il faudrait qu'elle aille le voir, cela restait dans un coin de sa tête avant de se reporter sur la situation actuelle.

Le vicomte de Vallombreuse s'était assis en face d'elle dans la cuisine qui n'avait pas été touché par les dégâts des pochtrons, c'était toujours cela de gagner. C'était en grande partie grâce à cet homme qui n'avait pas retiré son masque, jouant désespérément les vengeurs masqués. A moins qu'il ne jouait pas, mais les gens dans Paris sont tellement fantaisistes qu'on ne savait plus vraiment ce qui relevait de la vérité et du jeu. L'homme était honnête et droit dans ses bottes, il pouvait bien avoir un grain et s'amuser à se promener masqué, tout le monde était libre de faire ce qu'il voulait du pendant que ça ne dérangeait pas les autres, telle était la façon de penser sur Rose qui tirait sur sa pipe pour en fumer son tabac.

Je vous présente mes excuses pour le comportement de ces hommes. Dès demain ils recevront le châtiment qu’ils méritent, et nous ferons en sorte que cela n’arrive plus.
Pourquoi vous vous excusez pour ces imbéciles ? Vous n'y êtes pour rien à moins de les avoir fait boire et de leur avoir dit de saccager les lieux !
elle leva les yeux au ciel avant de reprendre. Vous vous excusez toujours pour le comportement d'idiots ? Si oui, vous en avez du boulot à longueur de journée !

Ses yeux verts perçants scrutèrent quelques instants le vicomte, cherchant une émotion dans son visage non caché par ce masque, mais rien, il restait impassible. Il était donc sérieux alors que Rose n'avait pas vraiment caché l'ironie dans sa voix, sans pour autant avoir souri. D'où sortait cet homme ? D'un autre siècle, cela ne pouvait en être autrement, rares étaient les hommes de sa trempe, prêt à secourir les opprimés, même si cela n'était que des prostituées !

La logique voudrait que j'vous remercie plutôt ! Sans vous, je ne pense pas que j'aurais pu faire grand chose. Ces hommes sont des chiens féroces … elle servit un vers de vin à Léandre et le lui tendit. Tenez, vous l'avez bien mérité.

Il était impossible de lui donner un âge avec ce masque. A vue de nez, il avait la trentaine bien entamée, quarante ans au maximum. Il n'était pas de ces nobles qui se couvraient de bijoux par dizaines pour étaler leur richesse. Non, il ressemblait presque à ces chevaliers de contes, simple en apparence malgré leur haute naissance, mais riche de leur honneur et de leur âme. Le genre d'homme en voie de disparition, Rose n'en avait jamais croisé, à part ce soir.

Ce genre d’incident est-il déjà arrivé auparavant ? Vous devriez en référer à la garde, ils pourraient accorder plus d’attention à ce qu’il se passe dans le quartier… Si ça recommence je ne serai sûrement pas là pour intervenir.

Rose eut un rire sarcastique avant de lui répondre.

Vous n'devez pas sortir beaucoup pour poser cette question. Paris est un repaire de pourris, dans toutes les sphères de la société, tout le monde rend service à ses « amis » en échange d'argent ou autre. On ne ferme pas les bordels car des parlementaires y trouvent leurs plaisirs, la police, les mousquetaires et autres ferment les yeux contre quelques avantages … Et beaucoup se pensent même au-dessus des lois. Alors oui, cela arrive fréquemment, pas aussi violent mais c'est la loi de Paris, les plus petits subissent. Elle prit une autre bouffée de tabac. Alors on peut prévenir personne, juste tenter de résister.

Il ne devait pas comprendre, il fallait le vivre, se battre au quotidien pour savoir ce que Paris était vraiment. Si certaines choses avaient changé avec l'arrivée de La Reynie, tout n'était pas prêt de se régler ! Certes, les rues étaient plus sûres mais cela n'empêchait pas les magouilles et la corruption. Il y avait tant à dire sur Paris que Rose pourrait faire une saga en douze tomes. Quand on est une gueuse doublée d'informatrices d'espions, on se doit de savoir beaucoup de choses. Peut être qu'un jour, cela lui retombera dessus …

Vous n’avez pas envie de quitter cet endroit ?

Cette phrase la tira de ses furtives pensées et la jeune femme tourna la tête vers son interlocuteur, surprise d'une telle question. Ce n'était plus une question qu'elle se posait en fait, elle connaissait ses rêves mais aussi la réalité de la vie. Avec un visage blasé, elle haussa les épaules.

Et pour aller où ? Et faire quoi ? Vous semblez pas savoir la difficulté de la vie ici-bas ! Je préfère mieux être ici qu'être payée à coup de lance-pierre dans une taverne où les soûlards tripotent les serveuses ! Et puis il faut de tout pour faire un monde, j'suis pas la fille la plus à plaindre dans ce monde. Y a des filles à la Cour plus malheureuses que moi.

Rose ne pouvait pas dire qu'elle était heureuse ici, mais elle n'était pas malheureuse non plus, elle se sentait chanceuse par rapport à d'autres, même par rapport à des filles du bordel. Son plus gros souci était de trouver du temps pour voir son fils à Nanterre. Elle ne mourrait pas de faim, avait un toit et avait même la chance de paraître à la Cour sous les traits d'une princesse allemande, avouez qu'il y a pire ! Et puisque l'homme face à elle lui faisait la conversation, Rose posa une question qui lui brûlait les lèvres :

Pourquoi vous portez ce masque ?

S'il lui répondait, c'était bien, sinon elle n'irait pas mener d'enquête, chacun ses fantaisies en ce bas monde !
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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime04.03.12 20:33

Drôle de tableau que ces deux personnages assis à la même table ! Le noble et la fille du peuple, le mousquetaire et la prostituée, deux antagonistes et pourtant deux êtres qui par moments semblaient pouvoir se refléter comme dans un miroir par leurs silences, le mur qu’ils semblaient dresser naturellement entre eux et les autres, la pierre qui constituait leurs cœur fermés et le regard lointain qu’ils posaient sur les gens et les choses, comme si par tous les moyens ils cherchaient à s’en détacher afin de ne plus se faire écorcher. Ca n’était pas grand-chose, un écho lointain d’armure à armure, mais pour ces deux solitaires patents c’était déjà quelque chose. Pour la première fois depuis bien longtemps, Léandre s’intéressait à un de ses congénères humains. Qu’il s’agisse d’un duc ou d’une fille de joie, qu’importait ? Cette Rose n’avait rien de commun avec ses consoeurs sinon le langage. Elle n’était pas l’aguicheuse, la prévisible qu’on pouvait trouver à chaque coin de rue. Avait-elle seulement conscience qu’elle était « différente » ? Léandre aurait répondu oui, pour la seconde d’après revenir sur son jugement et dire que non. Il avait le sentiment que cette fille était aussi insaisissable qu’un courant d’air. Tant mieux : il n’était pas le genre d’homme à courir après du vent pour essayer de le retenir, pas plus qu’il n’aimait ceux dont la présence était trop écrasante et épuisante. Une présence discrète, voire distante, il n’aurait rien accepté de plus et cet accord tacite semblait les satisfaire tous les deux.

Mine de rien, Rose était son premier véritable contact humain depuis qu’il était arrivé à Paris. Son premier contact humain en dehors d’Auguste qui ait duré plus de dix minutes depuis près de dix ans. Elle l’ignorait bien entendu, mais cette pensée venait de frapper Léandre d’étonnement. C’était donc si facile de renouer contact avec les autres ? Mais d’un autre côté, pourquoi ressentait-il ce serrement au cœur comme s’il se rétractait de lui-même à la seule idée que les autres étaient de nouveau là ? Ces autres qui l’avaient trahi, délaissé, abandonné alors qu’il n’aurait à l’époque rien désiré d’autre qu’une main tendue, lui qui ne pouvait tendre la sienne ! Alors oui, le contact était difficile, réticent, fuyant. Mais il était là, et pour lui c’était déjà un renouveau énorme.

Pourquoi vous vous excusez pour ces imbéciles ? Vous n'y êtes pour rien à moins de les avoir fait boire et de leur avoir dit de saccager les lieux ! Vous vous excusez toujours pour le comportement d'idiots ? Si oui, vous en avez du boulot à longueur de journée !

Pourquoi ? Certainement pas pour les excuser eux, en tout cas. Mais en tant que lieutenant-capitaine des mousquetaires rappelé à la Cour, il se sentait le devoir de faire régner l’ordre où on l’y enverrait, mais AUSSI parmi les hommes du Roi. Son rôle n’était pas seulement de les envoyer au casse-pipe pendant la guerre. Austère et très à cheval sur son devoir, il prenait chaque écart d’un militaire comme le sien, et s’il était intraitable avec ses propres mousquetaires, il estimait que les autres corps armés de sa Majesté ne devaient pas non plus faillir à leur tâche et ternir l’image de la royauté. Les militaires étaient les premiers représentants de Louis XIV parmi le peuple, ceux qu’on voyait partout ; ils se devaient de donner l’exemple, que diable !

La logique voudrait que j'vous remercie plutôt ! Sans vous, je ne pense pas que j'aurais pu faire grand chose. Ces hommes sont des chiens féroces … Tenez, vous l'avez bien mérité.

Faisant dériver ses yeux bleus indéchiffrables sur elle, Léandre attendit une seconde avant d’accepter le verre qu’elle lui offrait. Des chiens féroces, l’image était juste. Les chiens de garde du Roi ! Ils aboyaient fort, et malheureusement ils mordaient régulièrement aussi… Il allait sérieusement falloir leur passer la muselière. Dès le lendemain, il irait trouver son homologue des Gardes pour lui rapporter l’incident et demander à ce que des mesures soient prises afin que cela ne se reproduise plus, aussi sceptique puisse sembler son interlocutrice.

Vous n'devez pas sortir beaucoup pour poser cette question. Paris est un repaire de pourris, dans toutes les sphères de la société, tout le monde rend service à ses « amis » en échange d'argent ou autre. On ne ferme pas les bordels car des parlementaires y trouvent leurs plaisirs, la police, les mousquetaires et autres ferment les yeux contre quelques avantages … Et beaucoup se pensent même au-dessus des lois. Alors oui, cela arrive fréquemment, pas aussi violent mais c'est la loi de Paris, les plus petits subissent. Alors on peut prévenir personne, juste tenter de résister.

Cri du cœur résigné que le discours qu’il venait d’entendre là. Léandre n’aurait jamais cru que la vie parisienne fut si difficile, mais au fond ça ne l’étonnait pas. Plus rien ne pouvait l’étonner désormais, si dans les hautes sphères de la noblesse la cruauté était dissimulée sous le masque des politesses, pourquoi n’existerait-elle pas aussi parmi le peuple ? La brutalité à l’état pur, sans tous ces artifices dont on pouvait se parer à la Cour. A Paris, les poignards sortaient au détour d’une taverne, à la Cour, de sous le pourpoint, où était la différence ? L’être humain était une créature répugnante, s’était souvent dit Léandre depuis Vallombreuse, cette image résolument négative encore accentuée par son imagination qui compensait l’absence de ses semblables. Au lieu de les idéaliser, il les avait peint plus noirs qu’ils ne l’étaient, probablement, mais il allait lui falloir du temps avant de se rende compte de son erreur, et surtout de changer d’avis –si tant est qu’il change d’avis un jour. Léandre était un pessimiste convaincu, un Schopenhauer avant son temps, mais il n’y avait pas besoin d’être un philosophe reconnu pour comprendre qu’il y avait dans ce monde quelque chose de pourri. Rose en était la preuve, puisqu’elle l’avait parfaitement compris alors qu’elle était probablement illettrée…

C’est alors qu’il lui demanda si elle ne voulait pas quitter cet endroit, ce à quoi elle répondit avec non moins de « sagesse » :

Et pour aller où ? Et faire quoi ? Vous semblez pas savoir la difficulté de la vie ici-bas ! Je préfère mieux être ici qu'être payée à coup de lance-pierre dans une taverne où les soûlards tripotent les serveuses ! Et puis il faut de tout pour faire un monde, j'suis pas la fille la plus à plaindre dans ce monde. Y a des filles à la Cour plus malheureuses que moi.

Si le vicomte avait été homme à faire de l’ironie, il lui aurait sûrement fait remarquer que les hommes qui la tripotaient ici ou dans les tavernes ne devaient pas être bien différents les uns des autres, voire pouvaient bien être les mêmes pour certains. Mais il admirait sa capacité à relativiser. Combien se seraient plaintes à sa place ? Combien de « filles à la Cour » justement se plaignaient pour beaucoup moins que ça ? Il ne le disait pas à voix haute, mais un sentiment d’admiration naissait en lui, comme en tout homme qui sait reconnaître la valeur de l’autre lorsque celle-ci est indiscutable. Rose était une fille de joie, certes. Mais elle avait le cran, le sang-froid, et une certaine forme d’intelligence mêlée de sagesse qu’il n’était pas sans apprécier chez ses congénères et qu’il avait si rarement eu l’occasion de trouver.

Pourquoi vous portez ce masque ?

… Mais tout sage qu’elle puisse être ou non, elle venait de poser la mauvaise question. Comme à chaque fois qu’on évoquait son masque ou ce qui pouvait se trouver derrière, il ressentit cette sensation atroce de brûlure sur son visage, à l’endroit exact où il savait que la cicatrice se dessinait, comme si la lame de l’épée espagnole le labourait une nouvelle fois. C’était le risque en revenant, il le savait, mais il se refusait catégoriquement à retirer ce damné masque qui le protégeait tout en le torturant de la pire des manières. L’espace d’une seconde il revit le visage de son espagnol, celui qui était le responsable de cette hideuse blessure, le responsable de sa disgrâce, de tout le reste dans son esprit ! Une bouffée de colère lui brûla les poumons, il vit rouge l’espace d’un instant et il ferma brièvement les yeux afin de se contenir. Rien n’avait transparu sur ses traits, excepté peut-être ces yeux fermés deux ou trois secondes et une lueur étranges qui était passée dans ses prunelles comme un éclair, un éclair de fureur et douleur mêlées. Parfois il craignait de devenir fou… Mais il s’y refusait, et s’y refuserait toujours ! Jamais il ne tomberait dans cette dernière déchéance, il se l’était juré !

Finalement il répondit sur le même ton monocorde à Rose qui attendait :

« Il y a des choses si laides qu’il vaut mieux les garder cachées. »

Une réponse évasive au possible, mais il refusait d’en discuter plus avant. C’était son démon, son fantôme, sa honte et son désespoir, il était inutile de remuer tout cela ici, dans cette cuisine, en présence d’une presque parfaite inconnue. Comprendrait-elle ? Peut-être. Dans tous les cas, qu’elle ne l’interroge pas, il lui en serait reconnaissant. Portant le verre de vin à ses lèvres, il but en silence, songeur, se remémorant ce comédien qui avait voulu plaisanter sur son masque plusieurs mois auparavant. Cet incident allait-il se renouveler à chaque rencontre ? Allait-il devoir faire comme si de rien n’était ou éviter les questions à chaque conversation ? Si c’était ça, il préférait encore rentrer à Vallombreuse !

« Vous n’êtes pas banale. Vous ne ressemblez pas aux autres filles qui travaillent avec vous… » dit-il encore en posa de nouveau ses iris bleus sur elle. « J’espère sincèrement que vous vous en sortirez, malgré ce que vous dites… Vous avez suffisamment de caractère pour ça. »

Le caractère ne faisait certes pas tout mais… Il jouait un rôle suffisamment important pour tout provoquer. Léandre admirait la volonté, et il avait le sentiment que Rose en avait. Suffisamment pour se battre contre une bande d’ivrognes, et suffisamment pour se sortir d’une vie dont elle ne voudrait un jour peut-être plus.

« C’est un drôle de quotidien que vous devez avoir. Vous devez voir passer de drôles de personnages dans cette… Maison, non ? »

Un éclair de curiosité, mais c’est vrai qu’ils parlaient de la Cour, comment ne pas faire l’amalgame entre les énergumènes plus qu’étranges qui pouvaient s’y trouver et ceux qu’elle était susceptible de croiser ici ?
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Rose Beauregard


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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime22.03.12 12:07

Rose n'avait jamais voulu de pitié et affrontait la vie comme elle le pouvait, avec une bonne dose de courage et assez de caractère pour ne pas se laisser marcher sur les pieds. Elle n'était pas des plus bavardes en général mais le vicomte lui avait posé les bonnes questions, où trois mots ne suffisaient pas. Paris était une jungle où la loi du plus fort régnait, il fallait tous les jours prendre les armes pour se battre, résister. Et ceux qui pensaient que les duchesses et autres comtesses avaient la belle vie, c'était une brave utopie. Ça, la prostituée n'en parlait pas, mais elle avait vu les différents aspects de la Cour grâce à sa fausse identité de princesse. Là-bas aussi il fallait se battre mais cela était plus subtil, les coups se faisaient derrière les éventails et on étouffait dans de la soie, là où dans Paris on ne prenait pas de gants pour étrangler un homme au coin d'une rue pour quelques écus. La vie était pourrie, voilà aussi pourquoi Rose avait peu d'amis, les gens n'étaient que peu sincères, souvent mesquins et avaient toujours une idée ou un service derrière la tête. Les gens qu'elle fréquentait – en tant que Rose, et non pas en princesse Marie – se comptaient sur les doigts de la main. Comme Claire, son amie de toujours. Mais surtout son petit ange, son petit Raphaël qui était sa lumière sur le monde, un modèle d'innocence et de pureté qu'elle protégeait autant que possible.

La vie parisienne, la jeune femme pourrait en parler durant des heures. Des gens irrespectueux, ceux qui se croient tout permis, les fous, les tueurs, les voleurs, les escrocs, les malheureux, les sans logements, la condition de la femme … Tant à dire mais il ne fallait pas s'égarer, elle parlait de la difficulté de la vie parisienne dans son ensemble à ce vicomte qui ne semblait pas connaître cet aspect sombre de la capitale. On en apprend tous les jours après tout …

Ou alors on ne saura jamais. Rose a eu l'audace de demander à propos du masque de Léandre. Un homme masqué dans Paris, ce n'était pas banal, pensez vous ! En guise de réponse, elle obtint un long silence et comprit qu'elle avait mis le doigt sur un sujet sensible. Si son visage restait impassible, Rose s'en voulait de mettre les pieds dans le plat de la sorte. S'il ne répondait pas, elle n'insisterait pas, ils n'étaient pas amis, se connaissaient à peine et chacun portait des secrets à ne pas dévoiler, ainsi allait la vie, n'est ce pas ? Sa réponse fut à la hauteur du silence finalement :

Il y a des choses si laides qu’il vaut mieux les garder cachées.

Comme promis, elle n'insista pas. Sous son masque, il y avait quelque chose à cacher et le vicomte devait vraiment ne pas aimer la vérité nue pour la cacher. Libre à lui, il était assez grand pour cela et ce n'était pas Rose qui allait le blâmer de garder des choses secrètes, elle qui passait son temps à mentir : à ses parents sur son métier, à la Cour sur son statut … Chacun portait sa croix et elle ne fit qu'hocher de la tête, d'un air qu'elle ne voulait pas en savoir plus. S'il parlait, tant mieux, sinon ce n'était pas la mer à boire. Il changea même de sujet, Rose tourna le regard vers lui, toujours le visage d'une neutralité absolue.

Vous n’êtes pas banale. Vous ne ressemblez pas aux autres filles qui travaillent avec vous… J’espère sincèrement que vous vous en sortirez, malgré ce que vous dites… Vous avez suffisamment de caractère pour ça.
Disons que je me bats suffisamment pour mener mon chemin. Je sais pas où la vie m'emmènera mais c'est sûr que je baisserais pas les bras. J'laisse ça pour les faibles et les couards.


Si elle n'avait pas son caractère, où serait-elle aujourd'hui ? Bonne question, mais la situation serait sûrement pire que maintenant. Même si son métier n'était pas le meilleur du monde, il lui garantissait un salaire assez convenable, un toit et une certaine sécurité. Vraiment, il y avait des personnes en situation plus précaire que la sienne, malgré certains soirs, comme celui-ci, ou selon les clients, car certains étaient vraiment des cas en puissance ! Il était amusant que Léandre lui pose la question au moment instant :

C’est un drôle de quotidien que vous devez avoir. Vous devez voir passer de drôles de personnages dans cette… Maison, non ?
Vous n'avez pas idée !
lâcha t'elle en roulant des yeux puis eut un léger sourire en coin en se remémorant quelques uns. Si on met de côté les pervers habituels, on peut croiser des hommes du monde, le genre d'homme qui vient côtoyer les bas fonds pour s'encanailler … ceux là sont d'un pathétique. Il y a ceux avec leurs envies aussi tordues que leur regard malsain mais c'est rien comparé à un qui bat tous les records. Déjà un homme d'église ici, c'est pas courant ! Mais si vous voyez son visage, à la fois terrifiant et lubrique … continua t'elle, l'air dégoûtée et elle eut un petit frisson d'horreur. Cet homme est terrifiant et je mettrais ma main à couper qu'il est louche, il a la bonne tête du type une tête à égorger en messe noire !

Si elle savait à quel point elle avait raison, Rose prendrait ses jambes à son cou, elle qui n'était pas du genre à s'enfuir pour un oui ou pour un non. Ravoir en tête le visage de l'abbé malsain était juste bon pour faire des cauchemars.

Et qu'est ce qu'un vicomte vient faire dans les mauvais quartiers de Paris ? Vous non plus vous êtes pas banal, y a bien longtemps que je croyais les gentilshommes disparus de Paris !

S'ils ne sont pas à Paris, ils sont à Vallombreuse. Et il faut dire que les vrais gentilshommes ne fréquentent pas les bordels et n'ont rien à faire avec Rose …

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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime24.04.12 15:58

Avait-on déjà vu duo plus dépareillé dans Paris que celui formé par le vicomte et la prostituée ? Et pourtant c’était un fait : ces deux êtres que rien au monde ne devait rapprocher étaient attablés dans la même pièce et partageaient un verre de vin en dissertant sur la vie parisienne et la scène qui s’était produite quelques instants plus tôt. La scène aurait pu faire sourire un de nos contemporains –nul doute que Marc Lévy ou Musso se seraient empressés d’en faire la trame d’un nouveau livre- mais au XVIIème siècle, la scène paraissait surtout surréaliste. Le plus amusant ? Ni l’un ni l’autre ne semblaient s’en formaliser, ni même s’en rendre compte. Si voir un ancien mousquetaire, un gentilhomme de la vieille école comme Vallombreuse dans un bordel aurait pu en choquer plus d’un, l’idée de s’effarer de la situation ne lui était même pas venue à l’esprit : lui qui n’avait pas vu la ville depuis près de dix ans se fichait maintenant éperdument de ce qu’on pourrait bien lui dire, car il savait son honneur sauf. Il n’était pas venu ici dans le but de courir à la débauche, mais pour porter secours aux habitantes de la maison. Qui donc irait le lui reprocher ? Quant à Rose, elle n’avait pas l’air d’être le genre de femme à se poser des questions inutiles, s’encombrer de réflexions qui n’aboutiraient à rien, et encore moins à s’offusquer de quoi que ce soit. Une pierre brute, un alien elle aussi dans ce monde étrange que constituaient les bas-fonds de Paris.

Disons que je me bats suffisamment pour mener mon chemin. Je sais pas où la vie m'emmènera mais c'est sûr que je baisserais pas les bras. J'laisse ça pour les faibles et les couards.

Léandre hocha la tête, approbateur. Voilà bien une attitude qu’on ne s’attendait guère à trouver chez les gens du peuple, qu’on imaginait plus facilement baisser les bras et courber l’échine en attendant en silence que vienne leur heure, résignés et parfois même abrutis par le travail et la vie miséreuse qu’ils sont condamnés à mener. Mais Rose semblait avoir adopté une attitude tout à fait différente : elle avait fait le choix de la lutte, de la pugnacité, alors que comme elle le disait si bien elle-même, elle n’avait aucune idée de où tout cela pourrait l’amener. Peut-être à un superbe revers de fortune qui la sortirait de cet endroit ? Peut-être à y plonger encore plus, au contraire ? Peu importait : qui ne tente rien n’a rien disait le proverbe, et quitte à échouer, autant le faire en ayant au moins la fierté d’avoir tenu jusqu’au bout. Attitude fière et courageuse que Léandre avait maintes fois appliquée au cours de sa carrière de mousquetaire mais qu’il avait eu tendance à oublier ces dix dernières années… Et Rose, sans le savoir, venait de lui rappeler ces préceptes qui étaient siens en mémoire. Ceci étonna Léandre, qui prenait soudainement conscience du changement qui avait opéré en lui depuis Valenciennes. Lui qui pensait n’avoir rien fait d’autre que sombrer dans la solitude et l’isolement, voilà qu’il découvrait que ce faisant, il avait perdu –ou failli perdre- ce qui autrefois avait été sa principale force… Il ne fallait pas se mentir, cette découverte lui causait un choc. Et curieusement, mais indéniablement, il en ressentait de la honte. Depuis quand s’était-il à ce point aliéné de ce qu’il avait été auparavant ?

Perdu dans ses pensées, il ne se rappela qu’il avait posé une question à Rose que quand elle lui répondit :

Vous n'avez pas idée ! Si on met de côté les pervers habituels, on peut croiser des hommes du monde, le genre d'homme qui vient côtoyer les bas fonds pour s'encanailler … ceux là sont d'un pathétique. Il y a ceux avec leurs envies aussi tordues que leur regard malsain mais c'est rien comparé à un qui bat tous les records. Déjà un homme d'église ici, c'est pas courant ! Mais si vous voyez son visage, à la fois terrifiant et lubrique … Cet homme est terrifiant et je mettrais ma main à couper qu'il est louche, il a la bonne tête du type une tête à égorger en messe noire !

Léandre fronça les sourcils en dardant un œil inquisiteur sur son interlocutrice. Un homme d’église, dans ces lieux de perdition ? Décidément, il n’y avait pas que les gardes, qui s’avilissaient. Le monarque était-il au courant de ce qui se passait au sein de son propre Royaume, ou bien était-il trop occupé à réunir toute la noblesse de France autour de lui ? Il soupira. La France n’était décidément plus ce qu’elle était. Lui qui avait connu le régime strict de Louis XIII mené par la main de fer du cardinal de Richelieu, il était persuadé que sous son joug jamais ces gardes n’auraient osé faire ce qu’ils avaient fait ce soir-là. Pour la première fois, Léandre se sentit d’une autre génération : cette pensée éveillait en lui un soupçon d’amusement.

Et qu'est ce qu'un vicomte vient faire dans les mauvais quartiers de Paris ? Vous non plus vous êtes pas banal, y a bien longtemps que je croyais les gentilshommes disparus de Paris !

Léandre regarda Rose et… Esquissa un sourire. Très bref, qui ne dura pas plus d’un quart de seconde –il ne fallait pas exagérer non plus- mais c’était déjà un début. Finalement, comme premier contact avec la civilisation après dix ans d’isolement, il n’aurait pu mieux imaginer que cette fille qui disait tout ce qu’elle pensait et ne prenait offense de rien ; ni de son silence, ni de son apparence. Il n’était pas sûr qu’il en serait allé de même s’il avait croisé quelqu’un de la Cour, ou pire, quelqu’un qui l’avait connu avant Valenciennes. En quelque sorte, il lui était reconnaissant.

« Je me suis égaré avec mon valet. Il y a bien longtemps que nous n’avions eu l’occasion d’aller dans la ville, nous avons perdu nos repères depuis… » se contenta-t-il de répondre en se levant, mettant ainsi un terme à la discussion. Non seulement il estimait inutile et inopportun d’en dire plus –d’en dire trop- mais quelque chose encore le retenait et le retiendrait pour un bon moment de trop parler, de s’éloigner de ce silence qui constituait désormais son armure contre le monde extérieur. Et à trop abaisser le bouclier, il finirait par oublier de le relever. Ce qu’il fallait à tout prix éviter.

A nouveau, il se tourna vers Rose et s’inclina avec toute la prestance du gentilhomme qu’il n’avait jamais cessé d’être.

« Ces hommes recevront la punition qu’ils méritent, soyez-en assurée. Je vous souhaite une bonne soirée mademoiselle… Et maintenant que vous connaissez mon nom, n’hésitez pas à m’informer si un tel incident venait à se reproduire. » conclut-il sans se départir de son immuable ton monocorde.

Il tourna les talons et, empoignant deux des hommes ligotés par les bons soins d’Auguste, les emmena dehors pendant que le fidèle valent se chargeait des autres encore bien assommés et qu’à eux deux ils les fichaient dehors, avec la ferme intention de les mener tout droit au chef des Gardes afin de réclamer leur sentence.
Comme prévu, le chef des Gardes écouta attentivement leur histoire et s’emporta violemment contre ses hommes. Il remercia le vicomte d’être intervenu et l’assura de sa redevance, avant de le féliciter de sa reprise de position à Versailles dont le bruit avait couru au sein des corps d’armée du Roi. Léandre resta impassible derrière son masque, mais le remercia avant de son sortir, suivi d’Auguste, et d’enfourcher de nouveau sa monture. Dès le lendemain, ils retourneraient à Versailles se présenter à Sa Majesté.

Léandre de Vallombreuse était de retour.
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Rose Beauregard


Rose Beauregard

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Pas de coeur, cela ne cause des troubles de l'humeur et c'est trop fragile. Car quand on le brise, ça fait si mal, un coeur.
Côté Lit: Je ne compte plus les hommes, seulement les pièces qu'il laisse une fois qu'ils ont fait leur affaire.
Discours royal:



    Ô la belle ÉPINE
    pleine de rose


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MessageSujet: Re: Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose   Où il est dit qu'être gentilhomme n'est pas qu'une question de naissance | Rose Icon_minitime07.05.12 20:04

Quelle drôle de situation et aucun des deux ne semblait s'en sentir mal à l'aise. Mais il est vrai qu'on ne pouvait pas tous les jours voir un honorable vicomte faire la discussion avec une prostituée dans la cuisine d'un bordel pendant que les autres rangeaient. Ainsi allait Paris, les aléas des rencontres plus originales les unes que les autres, il fallait bien que quelque chose se passe pour que les gens aient quelque chose à se mettre sous la dent à raconter. Pourtant, Rose voyait bien du monde passer ici, mais les hommes honorables ne passaient jamais la porte … sauf ce soir où le vicomte de Vallombreuse avait sauvé les filles de soûlards. Et leur discussion, sans le savoir, venait de redonner un peu de vie à Léandre. En effet, ils n'étaient pas bien bavards chacun de leur côté et Rose n'a jamais été une fille à mâcher ses mots, peu importe le sujet. Elle menait sa vie en se battant parce que ce n'était pas en restant à genoux qu'on arrivait à quoi que ce soit, il fallait faire sa place et toujours essayer de tenter de vivre mieux. Elle faisait ça pour son fils, sa raison de vivre, la jeune femme ne voulait pas que son petit garçon voit sa mère simplement comme une prostituée, une femme qui donne son corps contre quelques pièces, mène une « mauvaise vie » comme on disait si bien. Elle voulait lui inspirer autre chose, montrer que malgré sa petite condition, on pouvait faire de grandes choses. Le petit Raphaël n'avait que deux ans pour l'instant, il ne comprenait pas grand chose de la vie, mais c'était dés le plus petit âge qu'il fallait inculquer les bonnes valeurs. Puis Rose a toujours eu un tempérament un peu frondeur et tête-brûlée, se laisser aller n'était pas son genre, il fallait qu'elle fonce et qu'elle avance jour après jour, ne pas rester sur place.

Des belles paroles dites vous, plus facile à dire qu'à faire. Mais Rose n'a jamais dit que c'était facile, au contraire, elle connaissait bien la lutte et ne voulait pas se laisser faire, peu importe les forces qu'il fallait lancer dans la bataille. Et il y avait du boulot, rien qu'avec les personnes qu'elle pouvait croiser entre ces murs. Les clients n'étaient jamais des garçons de bonnes vies, ou alors ils venaient timidement s'encanailler avant de ne jamais revenir. Les grands du monde, les nobles, venaient rarement ici, ou alors ils étaient des libertins mais ils n'étaient pas la grande majorité de la clientèle. Il s'agissait souvent de personnes du peuple, des bourgeois ou des types qui dépensent leur salaire pour un peu de joie entre les mains d'une jolie fille. Enfin jolies … Elles n'étaient pas toutes de première fraîcheur, Rose pouvait bien se féliciter d'être encore jeune et belle, cela attirer les clients. Puis sa grossesse ne l'avait pas déformée, elle avait perdu ses rondeurs maternelles. Elle en voyait, des filles de rue qui avaient l'âge d'être sa mère, rongée par la vérole et vraiment répugnantes. Elles prenaient moins chers pour appâter les clients et gagner un peu leur vie. Tu parles d'une vie … Enfin, Rose ne disait pas que sa vie à elle était mieux, il n'y avait qu'à se souvenir de cet homme d'église qu'elle décrivait en cet instant qui lui faisait froid dans le dos.

Et puisqu’il fallait faire un peu de conversation, la jeune femme demanda ce qu'un homme comme Léandre pouvait bien faire ici. Elle osa même un compliment, sincère comme toujours, car il est vrai que des hommes de sa trempe, on n'en voyait pas tous les jours. Elle le vit sourire et le lui rendit, un léger elle aussi. Ce n'était pas tous les jours que l'un et l'autre souriait, il fallait tenir cela du miracle.

Je me suis égaré avec mon valet. Il y a bien longtemps que nous n’avions eu l’occasion d’aller dans la ville, nous avons perdu nos repères depuis…

Il se leva et elle fit de même. La soirée se terminait, leur conversation aussi. Elle ne fut pas des plus longues mais assez intéressantes, surtout pour Rose qui n'avait pas toujours l'occasion de disserter sur la vie et le genre humain en temps normal.

Paris change chaque jour. Puis finalement, vous perdre vous a amené à faire une bonne action et jouer les preux chevaliers. Vous ne devez pas faire cela tous les jours …

Heureusement pour lui, même s'il devait être valorisant de mener justice, de sauver son prochain, même si le prochain en question était une bande de prostituées.

Ces hommes recevront la punition qu’ils méritent, soyez-en assurée. Je vous souhaite une bonne soirée mademoiselle… Et maintenant que vous connaissez mon nom, n’hésitez pas à m’informer si un tel incident venait à se reproduire.
Avec plaisir monsieur le vicomte, vous trouverez ici un compagnon d'armes prêt à se défendre avec son arme, originale mais efficace.
répondit-elle avec le même ton.

Elle regarda le vicomte et son valet partir avec les salopards ligotés. Il y avait encore un peu de justice dans ce Paris tortueux et dangereux, c'était toujours bon à savoir. Rose referma la porte, en prenant soin de verrouiller à clé, sait on jamais ce qui pouvait se produire. Puis sans même jeter un œil à la pièce, Rose grimpa les escaliers avant d'être interpellée par une de ses consœurs.

Même pas tu viens nous aider !
Hé ho la Martine, j'ai fait mon boulot, tu fais le tien.
lâcha t'elle acerbe.

La dénommée Martine baissa les yeux et reprit le rangement où il y avait encore du travail à faire. Rose monta à son étage et ferma la porte de sa chambre avant de se laisser tomber sur le lit. Quelle soirée ! Elle ne ferait pas cela tous les jours mais cela lui a permis de savoir qu'elle savait bien se défendre et que le genre humain n'était pas totalement perdu …

FIN
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