Il y avait en 1639 un gentilhomme d'un âge déjà mur, qui était une vraie figure de ce temps-là: moustaches longues, visage fier, la peau comme du parchemin, l'oeil rond, petit et flamboyant, le justaucorps de buffle, les bottes en toute saison, et la rapière à l'ancienne mode. Il avait vu plus de vingt batailles, et son corps s'était desséché, en plein vent, au service de la République de Gênes. Il était dur et violent, il se serait fait hacher plutôt que de changer d'opinion sur quoi que ce fût, et levait à tout propos la canne sur ses valets; il se nommait Giulio Doria di Genova. A quarante-cinq ans, sa constitution étant ruinée par les rhumatismes, il quitta l'armée, et choisit de se retirer sur ses bonnes vieilles terres Liguriennes d'Uscio; à Gênes plus précisemment pour essayer d'effacer de sa mémoire les horreurs du passé. Satisfait et fier de son retour après tant d'absences, il se décidait enfin à prendre épouse et donner vie à sa lignée. Il partit demander conseil à son vieil oncle le duc de Savoie, Doge de Gênes, pour connaître les meilleurs partis. Ce dernier a rang de roi, et en tant que souverain élu de la République de Gênes à vie, pouvait aisément aider Giulio dans cette tâche,
Ce duc de Savoie était le fameux bâtard de Charles III et Marina Doria, dont on a dit qu'il eût été l'un des plus grands hommes de son temps.
On lui trouva une belle demoiselle de la maison d'Este, issue de la lignée des Obertenghi, vieille dynastie lombarde. Agée de vingt-cinq ans, jolie, bonne et douce. Ils se marièrent, et dès le mois de février 1640, le ciel leur accorda une petite fille qui eut le bon esprit de prendre pour elle la beauté de sa mère, mais qui hérita aussi du caractère endiablé de monsieur son père; ce qui en fît une de ces personnes comme on n'en voit plus, et qu'on appelait alors femmes vaillantes.
Mademoiselle Chiara Doria di Genova montra dans sa petite jeunesse ce qu'elle serait un jour, car elle nageait intrépidement dans la rivière d'Uscio, montait à cheval comme un lansquenet, et se moquait des filles du gouverneur Brignole, qui avaient peur des armes à feu, et n'osaient pas tirer au mousqueton avec elle. Son père lui ayant demandé ce qu'elle voulait apprendre en arts d'agrément, elle le pria bien fort de lui donner un maître d'escrime. Il y consentit, et, au bout d'un an, elle était déjà si habile, que les patriciens et nobles du voisinage venaient joûter au fleuret avec elle, et ne s'en allaient point sans avoir reçu quelque botte dans le corps.
A dix-huit ans, comme elle était d'une beauté remarquable, et qu'au milieu de ses lutineries elle conservait toutes les grâces de son sexe, beaucoup de jeunes gens qui entendirent parler d'elle dans le pays, vinrent rôder à Uscio, non loin de Gênes, pour la rencontrer. Lorsqu'elle allait à la messe, on voyait sur la place de l'église plus de chevaux de selle et de chapeaux à plumes qu'il n'y en avait à deux lieues à la ronde; ce qui prouve qu'on venait de fort loin exprès pour elle. A cette heure-là, elle se tenait modestement à côté de sa mère, et lisait dévotement ses prières; l'on aurait guère reconnu en elle une amazone turbulente. Aussi les jeunes gens que la curiosité ou l'envie de railler avait conduits à l'église s'en retournaient, les uns édifiés, les autres amoureux. Trois ou quatre des ces cavaliers la firent demander en mariage au patricien Doria, sur le point de devenir Doge de "la Superbe"; mais elle supplia son père de ne pas la presser encore, et, comme ces épouseurs n'avaient pas de grands biens, le paternel n'insista point. A force de répondre à ceux qui parlaient amour et mariage pendant que son petit coeur, lui, ne disait rien, fît accélerer chez elle son imagination et s'ordonna qu'elle voulait vivre et mourir vierge: drôle d'idée que les jeunes filles adoptent volontiers, quand elles sont bien sûres d'y pouvoir manquer aussitôt qu'il leur plaira. Soit à cause de ces propos, soit pour ses airs, on l'appelait à Uscio "la Pucelle".
Le duc de Savoie l'aimait beaucoup; il invitait souvent les Doria à venir manger chez lui, et s'amusait à taquiner la demoiselle, en équivoquant sur les mots; mais elle, qui n'aimait pas les discours malhonnêtes, répondait en pucelle et non pas en femme vaillante. Elle relevait si décemment les équivoques du Doge, sans toutefois lui manquer de respect, qu'il finissait touours par être confus de sa grossièreté, et lui donnait quelque petit cadeau pour se faire pardonner.
Cependant l'époque était proche ou cette fière beauté devait se montrer moins inhumaine et trouver un maître. N'ayant peur de rien, elle commençait à s'afficher aux bras d'amants, rien que pour choquer. Surtout en ce moment, histoire de faire scandale et annuler les divers accords de fiançailles qu'on lui proposa. Mais deumeurait un brave patricien nommé Marco Sauli, vingt-huit ans, doté d'une bonne réputation, un nom respecté, et auquel il avait donné récemment de l'éclat en se battant dans la campagne de Corse.
Il était bien fait, généreux et entreprenant; ces qualités-là regardaient la fille, et, pour contenter le père, il avait du bien; mais il était violent, et avait le coeur si haut placé dans la poitrine, qu'au moindre mot il ne se connaissait plus. Cet emportement était dangereux dans le métier de prétendant, avec un beau-père colérique; on le savait si bien aux environs, qu'on disait: Si jamais Doria et Sauli décident d'argumenter ensemble, il y aura du vacarme à Uscio.
La première fois que Chiara vit le patricien Sauli, ce fut chez le duc de Savoie au printemps 1659; ce jeune cavalier se trouvait dans le cabinet du Doge, lorsque les Doria y vinrent en visite un matin. Sauli ne dit mot, mais il ne quitta point la demoiselle du regard, et, au bout de cinq minutes, lorsqu'il se retira, il adressa un salut si courtois à la mère et à la fille, que Chiara en rougit jusqu'aux yeux. D'habitude sûre d'elle, voila qu'elle perdait ses moyens. Cependant, quand elle fut remise de son trouble, elle demanda d'un air scandaleux à une dame, qui était ce gentilhomme qui sortait. Le Doge de Savoie entendit la question, et fit lui-même la réponse:
C'est, dit-il,
un cavalier riche et que j'aime bien; je suis charmé qu'il vous plaise. La rougeur que je vois sur vos joues prouve que vous le trouvez beau, et vous avez le goût excellent. Je lui dirai l'effet qu'il a produit sur vous.On peut juger à ces paroles si la provocante demoiselle devint plus rouge encore; le vieux Doria se mit à rire, et les spectateurs de la scène répétèrent que Sauli avait bonne chance. A quelques jours de là, notre gentilhomme ayant rencontré le père à la chasse l'aborda civilement et fît amitié avec lui. Ils entrèrent ensemble au château d'Uscio, ce qui transporta de joie la demoiselle, qui les vit par sa fenêtre; Sauli resta deux heures, et causa en homme de bonne compagnie. Les jours suivants, il revint encore, et, à l'une de ses visites, il trouva enfin l'occasion de parler en particulier à Chiara, en se promenant dans le jardin.
Excusez-moi, mademoiselle, dit-il;
je suis trop franc du collier pour prendre des détours; cet instant est précieux. Je suis venu pour vous déclarer que je vous aime; bien des fois j'avais juré de ne jamais me marier, et dès que je vous ai vue, j'ai senti qu'il fallait rabattre de mes serments, et tomber parmi les esclaves de l'amour.Chiara ne fit d'abord que balbutier, comme le doit une honnête fille. Elle reprît ensuite ses sens, et répondit que c'était une folie que de jurer de n'aimer jamais; qu'elle avait aussi commis cette faute, mais qu'elle s'en repentait déjà; et le cavalier lui ayant demandé avec fougue si c'était de lui dont elle était éprise en lui prennant les mains en signe de serments de fidélité, comme des gens qui sentent le prix du temps. Et se décida à faire sa demande au père le lendemain.
Sauli avait son château à deux lieues d'Uscio. Il ne vint pas le lendemain; Chiara en était furieuse, lorsqu'elle reçut en cachette, par un garçon de ferme, un billet de Zaccaria di Sicilia, grand amoureux de la provocation, comme elle et qui cherchait sans aucune pudeur à la reconquerir.
Ils s'étaient affichés en public, l'été passé, alors qu'il était déjà marié et qu'elle devait se fiancer à un prince hongrois, empoisonné depuis sans aucune pudeur. Leur numéro avait terriblement choqué l'assemblée, puis une partie de l'Europe, et ils en avait bien profité pour se mettre en avant, en affichant cette relation adultère le plus naturellement du monde.
Zaccaria l'attirait encore, mais pour l'amour de Marco elle ne voulait pas se laisser de nouvelles chances avec le sicilien, et rangea la lettre hors de sa vue. Son coeur était tout entier à Sauli et elle serait sa fiancée, elle se le promettait. Mais voila, ou était-il? Il n'était pas là, le soleil commençait à perdre sa place. Voulait-t-il rompre leur engagement? Dépitée, elle partit dans sa chambre et n'en sortit qu'au petit matin.
Un autre billet lui était adressé, et l'arracha des mains de la fillette qui le lui tendait gentiment. Inquiète elle décacheta le plis et dévala les lignes unes à unes. Un billet de son amant, son coeur s'emballa et lui fît tourner la tête. La fillette debout à côté d'elle, lui tendit maladroitement la chaise à côté d'elle, par reflexe, en cas d'évanouissement. Chiara glissa de tout son souffle contre le fond de la chaise, et faillit basculer.
Il lui annonçait avec un grand désespoir que l'ordre de rejoindre son régiment lui était arrivé, et qu'il avait la douleur de partir sans revoir sa maitresse; mais qu'elle entendrait parler de lui, si Dieu le permettait, et qu'aussitôt la campagne achevée, il reviendrait l'épouser. Chiara pleura un peu d'abord, puis elle prit son grand courage, et se réjouit d'aimer un brave militaire, qui rapporterait de la gloire pour lui faire plus d'honneur, et qui penserait à elle au milieu des batailles.
Afin de passer le temps de l'abscence selon ses goûts, elle monta beaucoup à cheval, sauta les fossés et les rivières comme un démon, et tira des coups de mousqueton aux chevreuils, dans le parc du Palais du Doge, ou logeait maintenant son père, élu nouveau Doge de la ville de Gênes, suite au décès du duc de Savoie.
C'était à l'époque de l'affaire de Savoie. La campagne dura environ trois mois, au bout desquels Gênes accueillait ses soldats couverts d'applaudissements, certains devenus capitaines de belles compagnies d'ordonnances portaient fièrement leurs uniformes en se laissant enlacer par la foule. Chiara cherchait son chéri du regard, et n'hésita pas à se meler aux militaires. Ou est-il, mais ou est-il? Elle observait de droite à gauche. Son paternel saluait la foule depuis sa loge, et avait vue sur toute la rue, et savait que Sauli ne reviendrai pas.
Chiara le cherchait pour lui sauter au cou. Ses yeux rougis par les larmes, ses mains tremblantes trahissaient son effroi à l'idée de s'imaginer le pire; Marco ne rentrerait pas de sa campagne de Savoie. Au bout de deux heures d'attentes elle se résigna, et rejoignit son père.
On lui ouvrit donc la porte de la loge ou le Doge, son père, discutait avec un consul. Tous deux assis face à face, visibles à la foule par le balcon, magnifiquement décoré de superbes rideaux aux couleurs de la ville, et cachaient un peu du soleil.
Chiara ne savait pas trop ou se mettre. Comédienne comme à son habitude, mondaine et rusée elle se fît vite remarquer. Ses joues rougies firent remarquer un malaise chez la demoiselle. On lui annonça que son futur fiancé avait disparut et qu'il était très probablement mort au combat de la veille, d'après plusieurs sources fiables.
Un cri voulait s'expulser de ses tripes, mais elle n'y arrivait pas et son ventre se tordait de douleurs. Aucune larme n'arrivait à couler sur ses joues. Jamais elle n'avait imaginé vivre une situation pareille. Pourquoi elle? Etait-ce une punition contre sa vie de femme libérée et délicatement provocante? Pourquoi Marco? Elle implorait le ciel de lui répondre.
Mais rien. 1660, un an venait de passer, et il lui fallait tourner la page. Elle transforma son chagrin en provocations et scandales. Existant par tous les moyens, même les pires, et s'en fichait. Son objectif: Elle devait d'en mettre plein la vue à chaques apparitions. Ses frasques , elle ne les comptaient plus! Déjà cinq ans qu'elle s'amusait à la cour de Gênes, qui n'avait plus de secrets pour elle. Peur de rien ni de personne, c'est pour cela qu'elle fera sensation à Versailles! Car oui, elle s'organisait à quitter Gênes au plus vite, pour changer d'air et briller de milles feux dans un monde qui lui plaît bien. Automne 1665, l'italienne arrive en France, puis à Versailles ou elle aimera se mettre en avant jusqu'à l'absurde parfois, par des torrents de pierres précieuses, somptueuses robes brodées et coiffures des plus incroyables...
Zaccaria di Sicilia!FLASHBACK
La cour de Gênes, pendant l'été 1658, dégageait d'onctueuses senteurs d'agrumes jumelées à d'intrépides courants d'airs chauds qui égayaient les coeurs et libéraient les moeurs. Chiara avait vu Zaccaria pour la première fois alors qu'il lisait des vers, assis dans les jardins du palais, et elle s'était dit alors: " Quel homme!"Puis il avait disparu pendant deux jours, et elle n'osait pas se renseigner sur lui, craignant qu'il ne fût tué. Puis il apparût de nouveau, la nuit, à la surprise générale, et elle l'entendit dire qu'il était parti, par provocation. Provocation à quoi? Elle voulait savoir, il l'intriguait. Il était revenu, et visiblement il avait bien fait. En s'éloignant le prince de Palerme passa devant elle sans même la regarder, elle en fut d'abord attristée, puis elle se mit en colère et à se dire : "Espèce d'idiot"
Une autre fois, elle entendit au loin une conversation entre plusieurs hommes. Ils discutaient pour savoir qui aurait le plus de chances de finir dans les beaux draps de Chiara. L'un dit : "C'est clair, le duc de Pavie". Un deuxième protesta :" Ce n'est pas encore du tout cuit. Mais à coup sûr, le dernier de la liste, c'est le duc de Ferrare. Les filles, plus elles sont jeunes, et plus elles se sentent attirées par les hommes d'expérience."Chiara écoutait encore la conversation et les plaisanteries qui avaient pratiquement cessés, et reconnut la voix du prince de Palerme. Ce dernier laissait clairement voir qu'il n'appréciait pas que les autres courtisans entreprennent Chiara. Rose aux joues, elle ne pût se retenir d'exploser intérieurement à l'idée de lui plaire, lui l'homme mystérieux.
Zaccaria venait de se marier à une espagnole; qu'il n'aime pas, d'ailleurs il s'etait fait une sale réputation : car pour tromper son ennui et toujours embêter ses ennemis, le prince s'amusait à séduire les filles des grands des royaumes, dur de résister. Sa vie d'adultère, il ne s'en cachait absolument pas, à l'évidence, sûr de son fait et Chiara sentait cette assurance.
Il ne lui avait rien fait, il ne lui avait pas dit un seul mot grossier ou équivoque mais elle avait eut un peu peur. Assis à ses côtés dans uns des salons du palais, il avait laissé peser sur elle un regard lent et attentif, et elle avait eu peur, de ce regard calme et lent."Mademoiselle di Genova, permettez-moi de passer quelques minutes à vos côtés ", avait-il ajouté. On aurait pu croire qu'il n'y avait pas de lien entre ces mots et ce qu'il venait de dire, à propos de son goût probable pour elle et de son fameux tableau de chasse; mais ce lien existait et elle l'avait compris et ferma la porte à double tours.
Dans sa mémoire, il ne ressemblait pas aux hommes qu'elle avait vus. Il parlait sans crier ni menacer et tout le monde lui obéissait. Il était là, assis avec les autres en train de fumer, de raconter, d'écouter. Il avait une autorité immense.
Il voulait rester..." Restez à mes côtés..." mais elle ne répondit pas. Il lui prit la main. Elle lui serra les doigts. Leurs têtes se rapprochèrent. Il l'étreignit et elle ferma les yeux. - C'est sérieux, hein? demanda-t-il. Chiara lui serra la tête entre les paumes, l'obligeant à se tourner vers elle.
- C'est pour toute la vie, dit-il lentement.
- C'est extraordinaire, fit-elle, j'ai peur que quelqu'un entre...
Il lui embrassa le cou, défit son corset et effleura de ses lèvres le creux de ses épaules, il n'hésita pas à embrasser sa poitrine. Elle lui caressait ses cheuveux comme s'il était un enfant, elle savait déjà que tout ce qui se passait était inéluctable, qu'il fallait qu'il en fût ainsi. Il regarda le cadran lumineux de l'horloge.
- Qui vous conduit demain, demanda-t-elle, le duc de Pavie?
- Pourquoi parler de cela?Nous irons nous mêmes, pas besoin de nous conduire.
Il l'étrignit à nouveau et, soudain un frisson de froid lui traversa la poitrine, il était résolu. Elle était à moitié couchée, on aurait dit qu'elle ne respirait plus. Il sentait sous ses doigts le tissu souave et délicat de sa robe et de ses jupons, la matière satinée de ses souliers. Il sentit sous sa main la chaleur du corps. Elle tenta de se rasseoir mais il l'embrassa à nouveau.
- Chiara!
- Oui?
- Rien, je voulais entendre votre voix. Pourquoi ne me regardez-vous pas?
- Pardonnez-moi, dit-elle
Il ne la comprit pas.
- Ne craignez rien
Ils s'endormirent, dans les bras l'un de l'autre, sa main la tenait par le dos comme s'il avait eu peur de la perdre. Le sommeil était calme et immobile.
Zaccaria sentit frémir les doigts de la jeune fille et il les serra, et elle sentit que les doigts du prince tremblaient. Il sourit dans le vague
- "Je suis un insolent, voilà ce que je suis" murmura-t-il
- "Ce n'est rien" dit la petit voix de Chiara, rassurant Zaccaria.
Il regarda en l'air. C'était étrange cette sensation de sécurité.
Il était habité par la certitude absolue qu'il était en train de vivre un tournant heureux de sa destinée. Il croyait voir un avenir dans les beaux yeux de Chiara, il vivraient cachés dans un engagement total de son intelligence, de sa volonté, de sa passion de Prince. Mais ce ne fût qu'extravagances et ne pût s'empêcher d'afficher aux yeux de tous sa relation adultère. Le sentiment de joie et d'assurance se mêlait à la tristesse d'avoir déjà une épouse. Quelqu'un frappait à la porte. Chiara était prête à se relever, mais il fût plus rapide qu'elle et lui ordonna de rester assise. Elle remit de l'ordre dans sa chevelure et réajusta son corset d'un rapide coup de main.
- "Qui est-ce.." lui demanda-t-elle
- "Chut" lui rétorqua-t-il d'un coup d'oeil. Zaccaria trompait son monde comme personne.
Une jolie petite bouille blonde dépaçait de la grande porte, il s'agissait d'une lingère du Palais
- "Zut" fit l'inconnue avec dépit
Un blanc s'installa. Chiara tourna lentement son regard sur elle, quelques instants plus tard ses épaules se mirent à tressauter: elle riait
- "Ne restez pas plantée là, petite sotte"
Tout, en lui, le regard, les gestes rapides, tout respirait l'insolence. Il riait
- "Ca ne fait rien !" lança-t-il distraitement d'un beau sourire à la lingère
Sourire trop beau au goût de Chiara qui essaya de surmonter son sentiment d'infériorité, mais n'y arriva pas et écria "Sortez!" d'un ton tyrannique qui fît fuir la pauvre rivale.
- "venez donc avec moi ma douce"
- "Ou cela ?" surprise pas tant de gentillesses, elle le suivit jusqu'à chez lui. Il logeait dans une auberge, le temps de son séjour à Gênes. Loin, très loin de son devoir conjugal. Elle regarda la lune. Elle était encore assez haut, mais disparaissait vers l'ouest. Il était donc minuit passé. Le repas de l'auberge fût remarquable, il y avait même du vin, vin blanc, frais. Ils vidèrent plus d'un verre avant de monter guillerets dans la chambre. Chiara rêvait et s'allongea délicatement sur le lit, elle sentit la chaleur de Zaccaria contre sa cuisse. Soudain elle eût très chaud et il considéra cela plutôt comme une invitation et se glissa à ses côtés. Etait-ce le vin? Sans aucun doute, mais cela ne la dérangeait pas plus, elle y trouvait même un certain plaisir. Il lui embrassa l'épaule avec tendresse, le vin faisait encore si bien son effet et la lune était si ronde. Tout son corps se mit à frémir. Il faisait chaud et ils étaient allongés nus, dans le lit un peu étroit de cette petite auberge. La lune, bienveillante, les observait. Elle respira profondément, sourit. Il s'approcha d'elle pour l'embrasser et d'une main douce elle le prit dans ses bras. Il la regarda droit dans les yeux, soudain.
- "Chiara, je crois que je t'aime"
- "Vraiment?"
- "Vraiment. Parole d'honneur"
- "Oh!..dit-elle
- "Qu'y a-t-il, Chiara, ce n'est pas bien?"
- "Oui, si..si!Enfin, cela complique les choses. Tu es peut-être bien marié?"
- "Marié? Qu'est-ce qui te fait dire cela ?"
- "Oui, c'est à dire, hier soir.."
Il sourit
- "Non, c'est dans ma nature, Chiara. Non, je ne suis pas marié, je n'ai même jamais eu de femme. Tu es la première fille que je vois nue. Vanozza évidemment aussi, mais d'abord toi. Je l'ai fait parce que je t'aime, Chiara, je le sens, au fond de moi."
Il était attendrissant, mais il mentait. Il était bel et bien marié et était déjà père de nombreux bâtards.
- "Tu me mens"
Il la saissit par les épaules et la fit glisser contre lui.
- " Je ne veux pas te perdre"
- "Dis moi la vérité"
- "Je ne peux pas.."
- "tu ne peux pas quoi!?"
- Chiara, Chiara je suis marié, voila"
Elle s'en doutait bien, la rumeur circulait à la cour, effectivement.
- "Tu me l'aurais caché!"
- "D'accord, mais comprends moi un peu.."
- "J'aime les interdits Zaccaria, cela ne me déranges pas que tu sois marié"
- "Vraiment ?"
- "Oui, vraiment, Je la connais? Est-elle en voyage avec toi?"
- "Non, nous vivons séparement, du moins de mon côté"
Elle se cacha dans ses bras musclés, elle se sentit lasse, mais elle était rayonnante. Elle ne pouvait cacher son bonheur.
- "Oh! Chiara, ma bien aimée"
- "Zaccaria, mon amour, mon cher amant" murmura-t-elle.
Le lendemain, de bonne heure, elle glissa du lit pour s'habiller. Il dormait profondément. Chiara et Zaccaria auraient pu se marier. Ils s'aimaient!
Elle se tourna vers lui et prit sa main.
- "Adieu mon chéri, c'était une très belle histoire.."
Elle était sur le point de sortir de la chambre
- "Oh! Ma Chiara.." Il dormait à moitié et s'était levé en sursaut pour ne pas la laisser partir. Elle portait sa robe légère, de couleur orangée, il ferma les yeux un instant, et lui sourit. Sous le charme, elle n'arrivait plus à se résigner à partir. Elle hésita et céda à tant de charmes.
- "Rassure-toi, mon tendre amant..je ne pars pas loin, mon voyage était prévu depuis quelques jours déjà, je retourne à Uscio cet été.."
- " Je t'écrirais!Ne m'oublie pas.."
- " Jamais, je ne t'oublirai jamais!"
Guillaume du Perche!Versailles, 1665,
- Vous connaissez le jeu du "ni-ni" demanda t-elle. Elles pouffèrent de rire tandis que Guillaume faisait mine de bouder en bourrant sa pipe. Il pleuvait des trombes d'eau et les éclairs brisaient la nuit noire. Par moments, des rafales violentes s'abattaient sur le toit du château comme des roulements de tambour sourds et continus. Ils avaient discuté et plaisanté longtemps encore.
Guillaume se leva et déclara qu'il allait se coucher. Elles poursuivirent leur conversation. A son tour, Chiara se leva. Elle déposa un baiser affectueux sur le front de Petra et alla se coucher.
La chambre plongée dans l'obscurité s'illuminait régulièrement de la lueur des éclairs. La foudre tombait non loin de là dans un fracas assourdissant. Guillaume ne dormait pas. Les yeux mi-clos, il appréciait au gré des éclairs la silhouette de son amante qui se dénudait lentement. Elle sentit sur son corps la caresse du regard dans lequel elle ne décelait aucune vulgarité. Chiara nue s'accouda rêveuse à la fenêtre. Les éclairs donnaient à sa peau une couleur bleu cuivre en accusant d'avantage ses formes irréelles. Splendide apparition surgissant instantanément de la nuit dans sa vérité de chair. Elle posa sa tête sur son bras et se laissa porter par l'orage. Elle frémit, les lèvres de son amant effleuraient son épaule. Elle se détendit d'avantage. Il dégageait délicatement les longs cheuveux. Il humait sa nuque offerte se déléctant de ses senteurs et l'embrassait avidement. Elle accusa la morsure avec délice en soupirant. Les mains chaudes de l'homme frôlaient ses douces épaules, soulignaient la base des seins, épousaient ses hanches. Il remontait vers son ventre plat et souple. Chiara se cambra. Grisée, elle s'absorbait dans les caresses.
La pluie tambourinait et le grondement roulant du tonnerre accentuait leur transe érotique. Il la griffait avant de prendre ses rondeurs fermes à pleines mains. Il dessinait, pétrissait et sculptait ce corps de Chiara qu'il chérissait.
Il posa ses lèvres entre ses épaules. Lentement il descendait en parcourant son corps frémissant. La poésie de ses gestes la bouleversait. Il l'étreignit avec force en chuchotant des mots qu'elle goûta comme du miel. Ils glissèrent dans le sommeil sans que leurs bouches ne se quittent.
Quand il y a de la passion dans l'air, impossible de s'en défaire. Chiara est littéralement séduite par l'audace du Comte, envoûté par sa beauté, les deux amants ne peuvent résister à la tentation de la chair. Les années ne changent rien à leur liaison, c'est toujours la même chanson. Ils savent qu'ils n'ont aucun sentiments amoureux, juste un désir fort, obsédant lorsqu'ils se retrouvent dans la même pièce.
Petra de Limbourg!Versailles, 1665,
Petra, la petite bavarde, la réconfortait. Quand Chiara l'interrogeait sur les courtisans, elle l'amusait. Sur la comtesse de C..., femme du capitaine, mort au champ d'honneur, elle connaissait toutes les rumeurs. La belle Petra habitait Versailles et les deux amies se voyaient souvent, très souvent même.
La marquise de Maastricht marchait en avant. Toutes deux arrivèrent dans un petit salon décoré avec simplicité et goût. Elles aimaient tout ce qui est original et cherchaient le moindre potin à se mettre sous la dent....
Aussi blonde que l'autre est brune, tous les opposent et pourtant elles s'adorent ! Les deux femmes sont snobs et adorent les scandales, les ragots, la préciosité ... Lorsque Petra et Chiara sont ensembles, les méchancetés fusent autant que les mesquineries ! Tout le monde peut être leur cible, les deux terreurs de Versailles et il ne faut pas qu'elles vous prennent en grippe !
Louis XIV!Louis XIV est paraît-il le plus grand Roi du monde, à elle de se confirmer; ou pas, à cet astre et d'exister de milles feux à la cour de France.
Gianluca di Modena!Vexée, Chiara avait été préferée à une certaine Angela par Gianluca, ce dernier n'appréciait pas les frasques de Chiara et avait promit à sa famille de trouver un meilleur parti. Indignée reussira-t-elle à détruire ce mariage de papier..?
Gênes, 1657
Il était parti d'un éclat de rire tonitruant, incontrôlable, dévastateur, débordant de cette énergie trop longtemps tendue à se contenir elle-même et qui le vengeait de toutes les humiliations subies.
- "J'annule notre mariage ! Je n'apprécie plus tes frasques; j'ai promis à ma famille de trouver un meilleur parti que le tiens!"
Chiara était immobilisée, les yeux baissés, pâle, horriblement vexée, tentant de porter beau en gardant au coin des lèvres comme un sourire crispé, ah non! elle ne prenait pas ce rire à la légère, elle attendait la fin de l'orage pour reprendre l'avantage, il suffisait de ne pas perdre patience, et d'ailleurs les cascades s'espaçaient; il y avait des reprises d'averse, mais brèves, plus nerveuses, presque inquiètes maintenant, comme des restes de sanglots. Puis le silence était revenu. Elle était terrifiée. Alors, comme une enfant, elle cherchait à se rassurer. Elle l'aurait giflé. Mais il avait le dernier mot.
Gianluca ne supportait plus ses assauts de tendresse, n'approuvait plus ses frasques. Il ne voulait plus endosser ses décisions sans rien dire, elle blâmait sa jalousie. Toutefois, alors même qu'elle se joignait à lui en amoureuse, dans ses gestes perçait admiration secrète : il y avait, dans cette chérie ingouvernable, cette ange terrible, une obstination de martyre, une témérité d'aventurière dont il avait été complètement dépourvu tout au long de sa jeunesse, et qu'il lui enviait.
Un jour, sous l'impulsion d'un mouvement de colère, Gianluca quitta son infidèle fiancée et vint s'installer à Rome. Il partit de Gênes, comme cela, aussi simplement que cela est dit, par caprice, sans avoir pensé à quelque plan, avec la soudaineté des grandes décisions. Personne ou presque ne donna la moindre bénédiction à ce voyage qui s'apparentait manifestement à une fugue. Lorsqu'il épousa Angela di San Giovanni à Rome, Chiara hurla à l'indignation et se mit en tête de détruire ce mariage. Elle s'informe et apprend que les oncles des deux époux, cardinaux tous deux, ne peuvent pas se voir. Alors elle s'engouffre dans cette dangereuse brèche avec grand plaisir, tout en tournant toujours autour d'un Gianluca qui ne cesse de la repousser.
Que fera Gianluca lorsque Chiara lui apportera fièrement la lettre "preuve de traitrise" qu'elle à volatilisé chez l'épouse et que son oncle Rinaldo d'Este se déplacera en personne pour s'occuper de son cas ?
Christian de Sudermanie!Personne ne se refuse à elle, telle est la devise de Chiara qui se croit irrésistible. Sauf pour Christian, le dernier homme en date sur lequel la croque d'hommes à jeté son dévolu. Plus attentif au sort des étoiles qu'à celui de son lit, le suédois a poliment rejeté les invitation de l'italienne, ne répondit pas à ses lettres et la regardait à peine en société. Outrée d'un tel comportement et jalouse que sa pire ennemie, Mathilda, soit dans les bonnes grâces du scientifique, Chiara décide de se venger : il y a peu, elle envoya une missive à Rome pour expliquer les expériences de cet hérétique et espère qu'il sera enfermé pour de bon.
Mathilda de Cologne!Chiara et elle en sont venues aux mains et se sont battus. L'italienne l'avait traitée de "traînée" d'après des rumeurs qui circulaient et de "parvenue" à cause de son histoire. Mathilda a senti son sang ne faire qu'un tour et a lui a répondu que Chiara était la véritable traîné, qu'il n'y avait que le Pape qui ne lui était pas passée dessus. La génoise s'est jetée sur elle et se sont battues, heureusement dans un lieu à l'abri des regards mais chacune en est ressortie bien amochée, Mathilda a toujours une boucle d'oreille en signe de victoire.
Marco est-il toujours vivant? Si elle savait que ses parents cherchaient encore à la fiancer, sa colère serait terrible !
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Sujet: ► ♕ Chiara di Genova ♕ 
16.02.12 19:09
