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| Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. | |
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| Sujet: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 20.09.11 21:19 | |
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ULRICH
DE SOLA
« LE CADAVRE D'UN ENNEMI SENT TOUJOURS BON. »
► 32 ans. ► Baron de Sola ; Prince illégitime du Danemark. ► Danois. ► Marié... paraît-il. ► Hétérosexuel.
♕ PROTOCOLE ♕
► VERSAILLES : PARADIS OU ENFER ?
Un purgatoire. Un lieu d'attente, qui le mènera vers l'un ou l'autre, sans doute. Drôle de considération lorsque que l'on connait l'importance qu'Ulrich donne à la religion, mais l'image est parfaitement bien choisie. Si, dans sa jeunesse, le jeune homme était un noble de Cour, les habitudes se sont quelque peu perdues durant son long exil. Homme des bas-fonds, des meurtres et des mauvaises auberges, il appréhendait peut-être vaguement l'idée de se retrouver à nouveau projeté dans le monde rutilant de la Cour - et celle de France, qui plus est. Néanmoins, il est avéré, depuis les quelques dernières années, qu'il ne s'en sort pas si mal qu'il le pensait. Les courtisans le laissent perplexe, de même que les coutumes instaurées par un monarque voulant décidément en mettre plein les yeux à tout le monde. Mais il ne se sent pas perdu, et c'est là la moindre des choses, pour un futur Roi. Un Roi en attente, comme est censée l'être l'âme au purgatoire... Le temps fera sans doute pencher la balance vers Enfer ou Paradis - si tant est qu'ils existent... ou que le choix soit possible pour un tel meurtrier.
► COMPLOT : VÉRITÉ OU FANTASME PUR ?
Vérité. Et quelle vérité ! Il y a tant de rumeurs qui courent à Versailles qu'on ne sait parfois plus distinguer le vrai du faux. Un complot ? Il y en a toujours un, quelque part, qu'il soit dirigé contre le Roi ou l'un de ses favoris, et autres nobles de la Cour. Seulement celui-ci, celui dont on se méfie sans réellement le voir... bien sûr qu'il existe. Ulrich en fait même pleinement partie, exécutant appliqué de basses besognes se résumant pour la plupart des cas à éliminer les gêneurs. Il sait beaucoup de choses, en soupçonnent d'autres et connait certains noms qui trouveraient beaucoup de tort à être prononcés et divulgués. Ce à quoi Ulrich n'a, pour le moment, pas le moindre intérêt. Le trône de France ne lui importerait que peu s'il ne lui permettait pas, une fois rendu aux Valois, de récupérer celui du Danemark. Alors complot, oui. Mais complot bien plus personnel en ce qui le concerne... L'ambition est décidément un drôle et terrible pêché.
► COLOMBE OU VIPÈRE ?
Ours, sans la moindre hésistations. Les rumeurs, les ragots et les éternelle persiflages des courtisans le laissent froid au possible. Il ne se mêle pas des conversations, ne fait bien souvent qu'écouter, et parfois avec un certain mépris pour ces basses consciences n'ayant rien de mieux à faire que de distiller leur venin. C'est à peine s'il parle, lorsque la conversation dérive au commérages - or si l'on se souvient qu'il ne parle déjà pas beaucoup en temps normal... Certains lui repprocheront ce manque d'enthousiasme, d'autres verront derrière cette façade un homme d'honneur. Mais tous s'accorderont sur une chose : ours, bien plus que colombe ou vipère.
► DES LOISIRS, DES ENVIES A CONFIER ?
Tuer, un loisir ? Peut-être - voire même certainement, dans le cas d'Ulrich. Il faut admettre que si la mort le laisse indifférent, il trouve un certain goût à abattre un homme ; un ennemi s'entend. Tout comme à le traquer, à laisser derrière lui des indices pour pousser ses proies à le redouter sans savoir à qui elles ont à faire. Ce sont là deux arts qu'il n'est pas donné à tout le monde de maîtriser. Deux arts à côté desquels il serait peur aisé de trouver un loisir à Ulrich. Il passe peu de temps à la Cour, y préfère les sombre tavernes mais n'y boit pas plus que de raison, la plupart du temps. Quelques filles se succèdent, il est vrai, mais sans possibilité de rivaliser avec certains grands noms de la Cour.
Sans doute est-il une seule chose à savoir, réellement, sur Ulrich : il compte devenir Roi, et tant qu'il ne le sera pas, rien ne pourra le détourner de sa vengeance.
♕ HOP, RÉVÉRENCE ! ♕
► Schizo EPU. ► 73 ans tout cumulé. ► Indéfectible(s) fidèle(s) ► Code bon (by Steph) (mais lequel ? ) ► Par l'annuaire de forumactif, à l'époque. ► Me faire couronner Roi du Danemark ? Eheh
Dernière édition par Ulrich de Sola le 25.09.11 0:43, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 20.09.11 21:20 | |
| Partie I ; « Un grand homme n'a pas de famille ; il n'a que des héritiers. »
Ah, Rome... ;
Deux prunelles d’un vert si profond qu’il n’en devenait plus troublant, mais effrayant, se levèrent sur le riche marchand romain qui ne put retenir un violent tressaillement. Il n’avait jamais vu ce regard, et ne devinait que difficilement la silhouette dont le miroir qu’il venait de lui confirmer qu’il n’était pas seul dessinait les vagues contours. Derrière lui, l’homme n’eut pas un sourire, pas un seul mot, pas le moindre geste sinon un pas, un seul dans sa direction. Vacillante, la faible et unique flamme qui brûlait encore dans le bougeoir semblait sur le point de mourir. Dans un dernier spasme, pourtant, elle lança une étincelle à peine suffisante pour la faire se refléter dans une lame brillante, dont le marchant devina qu’elle se trouvait dans la main de l’inconnu. A nouveau, il sentit un frisson lui parcourir l’échine, comprenant non seulement le pourquoi de sa présence, mais également le comment ; et pis encore, le but. Ses ennemis étaient nombreux dans la grande cité, mais rares étaient ceux qu’il soupçonnait assez puissants pour se permettre un tel acte, et les conséquences qui en découleraient tout naturellement.
A nouveau, ses yeux remontèrent dans le miroir, pour se poser dans les deux traits verts qui le fixaient en s’avançant, n’affichant rien sinon une froide détermination – à moins qu’il ne s’agisse que d’une pure indifférence. L’assassin prenait son temps. Du moins, c’est la pensée qui traversa l’esprit du romain alors que le plus imperceptiblement possible, il refermait ses doigts autour du pommeau de sa dague. Mais après tout, n’était-ce pas une attention louable que de lui laisser se rendre compte de la façon dont il allait mourir, et de qui allait se charger de lui porter le coup fatal ? Livide, il esquissa néanmoins un sourire presque provocateur. Tant mieux. Lui aussi aimait prendre son temps. Il n’était pas un homme pressé. Alors que les deux émeraudes ne se trouvaient plus qu'à un mètre, il laissa échapper un soupir et, brusquement, se retourna, dague pointée droit devant lui. Il y eut un instant de silence, et l’arme tomba tandis que le marchand portait deux mains bientôt rougeoyantes à son torse. A son tour, il s’effondra.
Froidement, Ulrich se pencha sur le cadavre et, retirant les doigts serrés sur son poignard, extirpa l’arme de la plaie mortelle. Négligemment, il en essuya la lame sur la nappe blanche recouverte de délicats macarons et d’un pas rapide, s’éloigna du marchand. Arrivé à la porte, le danois s’arrêta. Vivement, il fit demi-tour, revint vers la table, jeta un regard perplexe au corps qui gisait, lamentable, dans une marre de sang, attrapa l’une des pâtisseries et s’éloigna à nouveau, y mordant à pleines dent.
Janvier 1630 ;
Ça n’était certes pas la première fois qu’un scandale ébranlait la Cour du Danemark. Il était de notoriété publique que le Roi Christian IV n’était pas plus capable de résister à une jolie paire de prunelles qu’à une gorge élégamment parée ou un charmant sourire. Homme à femme, c’était d’ailleurs bien là l’un des rares défauts que devait concéder le peuple danois à son populaire monarque qui, conscient du crédit qu’il conservait auprès de ses sujets malgré ses nombreux adultères, n’avait jamais trouvé urgent de mettre à terme à ses aventures. Aventures se résumant depuis un an presque exclusivement à la charmante Vibeke Kruse. Sans doute était-ce là une affaire qui, comme de nombreuses autres, aurait pu rester la banale aventure du Roi et d’une des domestiques de sa femme, mais le scandale qui avait d’abord éclaboussé la Reine du Danemark avait le don soudain de rendre cette liaison interdite bien plus intéressante aux yeux de tous. Accusée elle-même d’avoir osé tromper son royal époux, Kirsten Munk n’avait décemment pu nier ce que de trop nombreux et traitres témoins pouvaient appuyer. Alors pour sa défense, refusant d’être répudiée sans autre forme de procès, la Reine n’avait rien trouvé de mieux que l’attaque. Sans doute savait-elle qu’accuser un Roi libertin comme l’était son époux lui serait aussi salutaire que de donner quelques coups de bâton dans le vent. Mais au moins avait-elle la ferme conviction de ne pas être renvoyée sans laisser derrière elle quelques nouvelles querelles – maigre, certes, mais néanmoins plaisante consolation.
Ce qu’ignorait Kirsten Munk, dont la place était restée incontestée durant quinze années, ou sans doute, ce qu’elle refusait de voir, restait néanmoins une évidence aux yeux de tous. Si une femme ne pouvait guère faire pire que de pêcher en se laissant tomber dans les bras d’un autre homme que son époux, ce dernier, en revanche, bénéficiait du très viril avantage de n’avoir aucun compte à rendre à sa femme. Et si Christian IV ne s’épargna pas un accès de colère fulgurant à cette révélation, il fut vite avéré que celui-ci tenait plus de la fureur provoquée par une telle provocation que par la divulgation d’un secret qui n’en avait jamais été un. Vertement, la Reine déchue se vit répondre que sa défense n’avait aucune valeur face au crime dont elle s’était rendue coupable, et deux semaines plus tard, il n’était plus question d’une quelconque Munk à la Cour du Danemark. Triomphante, bien que contrainte à rester maîtresse, et non épouse, Vibeke put non seulement sortir de l’obscurité naturelle à toute domestique dans laquelle elle rongeait son frein depuis un an, mais également exposer à la vue de tous cinq mois d’une grossesse jusque là habilement dissimulés sans craindre que l’on puisse lui en faire le moindre reproche. Elle serait, elle en était certaine, la cinquième et dernière véritable femme à compter dans la vie du Roi ; portait, elle en était convaincue, le dixième fils de Christian IV du Danemark ; et comptait bien pousser cet enfant plus loin qu’il ne lui serait naturellement donné de l’être.
Ce fut une fille qui, le 7 avril 1630, vit le jour à Copenhague. Il fallut à Vibeke attendre quatre ans de plus pour que vienne au monde ce qu’elle appelait de tous ses vœux. Un long et froid vendredi 13 février s’achevait et enfin, c’est d’un ravissant petit garçon blond comme les blés que la danoise put croiser le regard émeraude.
Amen, mon père ;
L’imposante silhouette se glissa tranquillement dans la sombre petite ruelle. Les bas-fonds de Rome, aussi peu sûrs soient-ils, ne l’avaient jamais impressionné et trois années passées à les arpenter l’avaient conduit à en connaître les moindres recoins. Peu à peu, il avait fini par les apprivoiser, et peut-être même appris les apprécier. Il n’y craignait rien – rien de ce que pouvaient y redouter tout naturellement des gens comme ceux auxquels il venait d’y fixer rendez-vous. Les larcins ? Encore fallait-il que les voleurs osent s’approcher de lui. Les coupe-gorges ? Il les tendait lui-même. De l’insécurité chaotique de ces lieux de l’ombre, le jeune homme avait su se faire une alliée sûre et indéfectible dont il était certain qu’elle ne le trahirait pas. « Ah, Ulrich ! appela soudain une voix dont le timbre assuré ne pouvait totalement dissimuler un certain soulagement de croiser enfin les pas du danois. » Sans répondre, l’intéressé s’approcha, passant de l’ombre de la ruelle au fin trait de lumière que parvenait à dessiner la pleine lune sur les pavés abîmés. « Alors ? - C’est fait. Le père Bussone ne vous gênera plus de là où il est maintenant. - Bien, bien… Qu’avez-vous fait du corps ? - Les dévots de Subure auront une surprise demain. » Le commanditaire du meurtre, un riche politique romain, hocha lentement la tête et, dans la main tendue de son exécutant, déposa une bourse rondelette. Ulrich rangea l’argent, et d’un signe de tête, salua signor Romani avant de tourner les talons, tout en constatant froidement la marque rouge sombre dont s’était imprégnée l’une de ses manches. S’il avait à nouveau besoin de ses services, l’homme politique saurait où le trouver.
Février 1635 ;
« Qu’on m’amène mon fils ! ordonna Christian IV en pénétrant à grand pas, un sourire aux lèvres, dans le salon où l’attendaient quelques valets. » Il y eut un long silence parmi ces derniers. Tous se regardèrent, et sans doute un observateur averti aurait-il pu deviner un vent d’incertitude dans leur soudaine attitude. Notant que personne n’était sorti à l’instant même où il avait exigé la présence du garçon, le Roi du Danemark s’arrêta, dévisageant toute l’assemblée qui s’était brusquement figée. « Eh bien ? Aurais-je prononcé quelques mots dont le sens vous aurait échappé ? Allez-donc me chercher mon fils ! répéta-t-il, à la fois perplexe et sévère. C’est alors, et alors seulement que, d’une voix vaguement inquiète, un jeune homme osa faire un pas en direction du monarque. - Si je puis me permettre, Sire… lequel de vos fils désirez-vous voir ? » Le second silence qui suivit cette question pourtant légitime sembla peser une douzaine de fois le poids du premier. Christian, fronça les sourcils, se demandant s’il devait rire ou se mettre en colère. S’il était bien une chose qu’il fallait admettre, c’est qu’il possédait assez d’enfants pour que le plus appliqués des courtisans puisse en oublier plus d’un en tentant d’en dresser la liste. Bien que les sept filles et six garçons issus de son mariage avec Munk ait été éloignés de la Cour, il n’en restait pas moins au prolifique souverain six descendants présents à la Cour, dont cinq fils – et donc cinq potentiels personnes différentes à aller quérir.
Cette pensée traversa son esprit et Christian (qui n’était pas mauvais bougre…) se contenta d’adresser un regard peu amène au courageux valet. « Frédéric ! Réfléchissez-donc, jeune homme ! répondit-il enfin, causant un intense soulagement à l’ensemble des domestiques. » Celui qui avait osé exprimer tout haut la question que tous s’étaient posé tout bas fila aussitôt, sous le regard déçu de Vibeke qui, une fois le garçon sorti, se leva pour s’approcher de son royal amant. Voilà un an qu’elle avait donné un dixième fils au Roi du Danemark, et si elle conservait sur ce dernier une influence honorable, il n’avait de cesse de se préoccuper uniquement de sa première famille. S’il avait reconnu tous ses bâtards, Christian IV n’accordait une réelle importance qu’aux enfants issus de son premier mariage – enfants peut-être destinés, un jour, à hériter de son trône. « Que désirez-vous, madame ? demanda d’un sourire le Roi à sa maîtresse. - Vous donner des nouvelles d’Ulrich, Sire. Il a dit ses premiers mots, et ceux-ci ont été pour vous et moi, répondit la danoise. - Bien, c’est très bien… » Et ce fut tout. Le silence s’installa à nouveau et, quelques longues secondes plus tard, la porte s’ouvrit et le Prince Frédéric fut annoncé. Vibeke fronça les sourcils mais, sur un geste du Roi, se retira, la gorge nouée de déception et de colère. Nouvel échec, comme chaque jour depuis un an. Pourtant, ni elle ni ses deux enfants, Elisabeth et Ulrich, ne manquaient de rien. Une terre leur avait été octroyée, ainsi qu’une rente plus que confortable. Sa fille s’épanouissait joyeusement, fréquentant assidument les autres rejetons de la Cour, et ses demi-frères et sœur. Elle promettait de devenir une ravissante jeune femme, pleine de grâce et de vie. Son frère, quant à lui, n’avait qu’un an, mais présageait déjà un garçon robuste. L’étoffe d’un Roi, voilà ce que, malgré le désintérêt du monarque actuel, songea à nouveau la mère déçue. Et jamais elle n’en démordrait.
Les cadavres sont de généreux donateurs ;
« Combien vous a-t-on payé, mon garçon, pour ce que vous vous apprêtez à faire ? » Surpris, Ulrich cessa sa lente et silencieuse avancée vers le quinquagénaire qui, avec flegme, se retourna vers lui. Du bout de ses doigts bagués, il attrapa un grain de raisin parmi ceux qu’un valet avait déposé devant lui, et y mordit avec un sourire, lançant un regard éloquent à la longue lame que le jeune homme n’avait pas pris la peine de dissimuler. « Alors, dis-moi, combien ? répéta-t-il, avec assurance. Tu comprendras que je sois curieux de savoir ce que peut bien valoir ma tête. » Un sourire glacial étira les lèvres du danois. La moitié de la somme qu’on lui avait versée par avance valait sans doute déjà bien plus que ce vieillard trop sûr de lui. Raffermissant sa prise autour de son arme, il reprit là où les paroles de son contrat l’avaient arrêté, sans prendre la peine de lui répondre. « Sais-tu seulement qui je suis, et ce que je peux t’offrir ? lui demanda l’homme sans rien perdre de son flegme, visiblement certain d’avoir assez à proposer pour échapper à son sort. Regarde ! » Et d’un geste un brin théâtral, il jeta sur la table une bourse aussi ronde que celle qui avait été promise à Ulrich qui ne s’arrêta pas, mais y jeta néanmoins un regard calculateur. « C’est généreux de votre part, commenta-t-il seulement. Mais insuffisant. - Alors, que veux-tu ? - Le trône du Danemark. » Et brusquement, alors que pour la première fois, la surprise se peignait sur les yeux du vieillard, il lança son bras. Le poignard, finement aiguisé, ne lui laissa pas la moindre chance de survie. Et sans même avoir eu le temps de porter ses mains à sa gorge que l’homme s’effondra sur sa table. Du pied, Ulrich retourna le cadavre et récupéra son arme qu’il débarrassa du sang d’une nouvelle victime sur les vêtements de cette dernière. Et sans un regard derrière lui, il tourna les talons, se saisissant au passage de la bourse du vieillard. Attrayant pourboire…
Mars 1641 ;
La porte claqua dans un profond silence. La tension qui émanait de Vibeke, pour le jeune Ulrich, était plus que palpable. Si elle n’avait pas fait le moindre commentaire au palais et sur le chemin, il savait pertinemment qu’elle était furieuse, et que maintenant qu’ils étaient de retour dans le petit domaine que le Roi avait offert à sa mère, l’éclat qu’elle retenait depuis plus d’une heure allait pouvoir exploser. Et le petit, c’était un fait, connaissait bien son impulsive génitrice… « LA GARCE ! s’écria soudain la danoise, tapant du poing contre une commode. » Ulrich n’eut pas un sursaut, se contentant de fixer ses deux grands yeux vers sur elle, en silence. « COMMENT A-T-IL PU OSER ME FAIRE ÇA ? M’oublier, MOI ! Pour une petite putain de Copenhague ! continua Vibeke, dont la fureur semblait allait en s’accroissant. C’est… absurde ! Légitimer ce… bâtard ! Il ne lui ressemble même pas ! Je suis sûre, tu m’entends, sûre qu’il n’est même pas de lui ! » Brusquement, elle s’était retournée vers Ulrich qui, penaud, baissa les yeux. Il n’avait pas dix ans, et la terrible sensation d’avoir fait quelque chose de mal pour mériter un tel éclat. Nerveusement, ses deux mains se tordirent l’une l’autre. « Pardon, mère… souffla-t-il doucement. » Vibeke, qui s’était vivement redressée, prête à laisser éclater le reste de sa colère, se figea soudain, et se baissa une seconde fois vers son fils. Au travers de sa fureur, elle tenta d’adoucir ses traits, une main maternellement posée dans ses cheveux. « Ne t’excuse pas, mon ange. Tu n’as rien fait. Tu es… un Prince parfait. - Alors pourquoi êtes-vous si en colère ? demanda Ulrich en redressant la tête, attirant un sourire crispé sur les lèvres de sa mère. - Ton père est un ingrat, Ulrich. » Cette phrase resterait à jamais gravée dans l’esprit du garçon. Son père était un ingrat. Son père avait pris une nouvelle maîtresse, une certaine Léna de Kiel, qui avait donné naissance à un nouveau fils dont le Roi était fier au possible. Edouard. Et à un an, voilà que cet Edouard venait d’être légitimé, placé dans la succession du trône du Danemark… devant lui. Après tous les efforts déployés par Vibeke pour un faire un garçon tout ce qu’il y avait de plus charmant, de plus… princier. Après toutes ces fois où elle lui avait répété qu’un jour, il connaîtrait la gloire des Roi. Après huit ans quand l’autre n’en avait qu’un. Ulrich n’avait pas dix ans, ce jour-là. Mais cette phrase resterait à jamais gravée dans son esprit : son père était un ingrat.
Dernière édition par Ulrich de Sola le 21.09.11 13:17, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 20.09.11 21:20 | |
| Partie II ; « L'esprit de famille a rendu l'homme carnivore. »
Avril 1648 ;
« Votre mère n’était qu’une arriviste doublée d’une catin ! Et votre absence, mon garçon, ne nous sera pas désagréable, croyez-moi ! » Du parchemin sur lequel il venait de poser les yeux, Ulrich redressa brusquement la tête, dardant un regard assassin sur l’homme qui venait de s’adresser à lui. Il n’avait que 13 ans, et si le fait d’avoir perdu sa mère deux semaines auparavant, puis d’avoir été sommé de se retirer dans le domaine qui avait été octroyé à sa famille ne suffisait déjà pas amplement, il fallait que ce Waldemar Christian ne rajoute ses commentaires de vipères. De dix ans on aîné, le quatrième enfant de Kirsten Munk n’avait pas même eu la décence d’attendre deux jours avant de revenir à la Cour, dès que le décès de Vibeke avait été annoncé. La danoise avait suivi le Roi, son amant et amour malgré toute la rancœur qu’elle pouvait lui vouer, de quelques mois seulement, laissant derrière elle une jeune fille envoyée depuis un an en Angleterre et son cher fils, Ulrich. Désarmé, ce dernier ne put rien faire que graver dans sa mémoire le visage qui venait de s’adresser à lui, se promettant, un jour, de lui faire ravaler ses propos.
Amer, il l’observa s’éloigner. Tout était arrivé si vite. Christian IV avait fini par mourir dans sa chère Copenhague, ne demandant auprès de lui pour ses derniers instants que trois personnes : Frédéric, à qui il léguait le trône du Danemark ; Edouard, appelé à lui succéder s’il quelque chose venait à arriver ; et Vibeke. Laissant de côté toutes les raisons pour lesquelles elle pouvait lui en vouloir, cette dernière n’avait pas même commis l’impardonnable erreur de tenter, une dernière fois, de pousser Ulrich en avant. Et lorsqu’elle était ressortie de la chambre, le jeune garçon n’avait pas manqué les larmes qui perlaient dans les yeux de sa mère. Sans doute avait-ce été là la première fois qu’une moue dégoutée lui échappait à la vision de cette femme qu’il chérissait. Comment pouvait-elle pleurer l’homme qu’elle lui avait tant de fois dit être ingrat ? L’homme qui lui avait préféré une autre femme, au point de légitimer son enfant… à ses dépends à lui. Lorsque Vibeke était morte, deux semaines auparavant, Ulrich n’avait pas, quant à lui, versé la moindre larme. Non, il s’était contenté d’approcher du corps presque sans vie de sa mère, et de lui glisser ces quelques mots : « Je serai grand, mère. Mais je le serai sans vous. » La danoise s’était tu, un étrange et éternel sourire tordu aux lèvres, rendant son dernier soupir sous les yeux secs de son plus grand, mais vain trésor.
Trésor aujourd’hui chassé sans ménagement du palais. Munk n’ayant pas perdu de temps pour refaire son entrée à la Cour avec quelques uns de ses enfants avait veillé à ce que le corps de son ancienne rivale soit enterré sans la moindre cérémonie, dans le premier cimetière venu. Ultime affront, auquel Ulrich ne prit pas même la peine de répondre. Un oncle maternel s’était déplacé, et seuls, ils assistèrent au vague ersatz d’office donné au nom de Vibeke. Dès lors, il était seul. Sa sœur lui avait écrit qu’elle ne rentrerait pas, et son père, lui, s’était déjà éteint. Seul Corfitz, son oncle, proposa de s’installer avec lui dans la grande maison non loin de la Cour pour accompagner ses dernières années d’enfance. Ulrich, silencieux, s’était contenté d’acquiescer. Tout comme il se contenta, ce jour-là, d’observer Waldemar pénétrer dans la chambre de sa mère. Il était des moments, aux yeux des garçons, où rien ne servait de parler. Les actes, même tardifs, se suffisaient bien à eux-mêmes.
Deux, ça en fait toujours un de trop ;
Deux silhouette se glissèrent furtivement dans la bâtisse, sans même avoir besoin de forcer la porte laissée entr’ouverte par malheureux serviteur dont le corps venait d’être balancé sans ménagement dans un recoin où personne n’aurait sans doute l’idée de le chercher avant qu’il ne se fasse sentir. Sans même lui jeter un regard, les deux hommes, quant à eux, refermèrent la porte derrière eux, soucieux de ne point être vus ni suivis. « Vous êtes un idiot, Ulrich ! lâcha l’un d’entre eux à voix basse. Il n’était pas utile de tuer ce pauvre homme ! - Vous étiez si discret, avec votre lame en main, qu’il aurait donné l’alerte, répondit le danois, souverainement agacé. » Romani avait insisté pour qu’ils soient deux, cette fois, afin de ne pas risquer l’échec de son nouveau plan – plan visant à le débarrasser d’un opposant un peu trop populaire à son goût. Il fallait enrayer sa montée dans l’estime du peuple romain, et une fois de plus, il n’avait guère trouvé mieux que de faire en sorte qu’il ne puisse plus monter en rien du tout. Aussi idiot le raisonnement puisse-t-il lui paraître, Ulrich avait hoché la tête. La récompense en valait la peine, et il se moquait comme de la stèle de sa mère des conséquences qui pourraient retomber sur son client. Il tuerait cet homme, comme il l’avait fait de tous les autres. Seul problème : le complice dont Romani l’avait affublé.
Lâchant quelques insultes étouffées en italien, ce dernier ne trouva rien à redire ai raisonnement incapable de celui qu’il considérait comme une « brute nordique ». Si Michele avait appris une chose depuis une heure qu’il marchait à ses côté, c’était qu’il n’était pas plus utile que prudent de contrarier Ulrich. Il avait la lame facile, et l’idée de finir empalé sur cette dernière comme l’avait été ce pauvre domestique ne le réjouissait guère. Revenant au silence, donc, il le suivit dans la grande demeure dont le danois avait étudié le plan. Une brute, oui, mais une brute prévoyante. Rapidement, donc, ils trouvèrent la chambre du signor Abatucci, y pénétrèrent, et affichèrent un sourire amusé à la mine surprise de leur victime. « Bonsoir, signor… commença Michele. - Que… que voulez-vous ? balbutia celui-ci, livide. - Oh, ne vous avait-on pas prévenu de cette visite de courtoisie ? - Une… visite ? Mais que… oh ! Ne m’approchez pas ! continua le politique en apercevant l’arme d’Ulrich. - Voyons, voyons, ne haussez pas le ton ainsi… nous pourrions avoir besoin de tuer également toute votre… Ulrich ! Mais quelle brute vous faite ! Je n’avais pas terminé ! » Une lame plantée dans la gorge, l’homme s’était soudain effondré, coupant Michele dans son petit laïus. « Ne prenez-vous donc jamais le temps de vous amuser ? continua-t-il en haussant légèrement le ton. Faire peur, menacer, jouer un peu avec eux… N’y a-t-il donc que les cadavres qui vous intéressent ? Mais quel rabat-joie, vraiment ! - Votre mère ne vous a-t-elle jamais appris qu’on ne joue pas avec la nourriture ? répondit simplement Ulrich en enjambant le cadavre. » L’autre, oubliant ce qu’ils étaient, continua à babiller… jusqu’à ce que soudain, un mot ne s’étrangle dans sa gorge. Les yeux arrondis par la surprise, il tourna la tête vers Ulrich… et tomba lourdement, sur une commode, puis au sol, entraînant tout ce qui s’y trouvait dans sa chute. Le danois poussa un profond soupir. Même mort, il était capable de donner l’alerte.
Mai 1654 ;
« Eh bien, baron, que pensez-vous de votre épouse ? » Les doigts crispés autour de son verre, Ulrich se retourna vivement, croisant le regard insolent du Prince du Danemark. Dame Nature et son amie la faucheuse avaient habilement fait leur travail, de sorte qu’il ne restait plus entre cet avorton d’Edouard et le trône du Danemark que Frédéric III et sa possible descendance. Obstacle certes, non négligeable, mais en quatre ans de mariage, le Roi n’avait pas encore eut un seul enfant, et sa santé fragile n’était un secret pour personne. Edouard avait donc toutes les raisons de triompher, et ne s’en privait pas. Or, s’il y avait une chose qu’Ulrich ne pouvait supporter, il s’agissait bien de ses fanfaronnades ; en plus de la façon dont, méprisant, il avait appuyé sur le ridicule titre que lui avait accordé son royal demi-frère. « Je doute que cela vous intéresse, répondit froidement le danois, avant d’avaler d’une traite le contenu de son verre. » Instinctivement, son regard se porta sur la demoiselle qui faisait honneur à ses invités et que l’on venait de lui marier. Helle était, certes, ravissante ; mais le fait de se l’être vue imposer pour cesser de réclamer une place au palais au nom de son sang avait une très forte tendance à la rendre absolument antipathique aux yeux d’Ulrich. Pis encore, il se moquait complètement de cette femme, ne voyant au travers elle que la façon dont Frédéric III tentait de se débarrasser de lui et de ses récriminations gênantes. Et s’il n’y avait qu’elle. Ce titre de baron de Sola lui semblait même une insulte – et sans doute ceci n’était-il pas étranger à la raison pour laquelle le Roi l’avait nommé ainsi. Au sourire qu’il avait affiché en lui annonçant la « bonne » nouvelle, Ulrich n’avait pu que deviner à quel point il se riait de cette humiliation discrète.
Abandonnant ce Prince qu’il abhorrait, le jeune homme fendit la masse des nobles que le père de son épouse avaient tenu à inviter afin de célébrer cette union, et pénétra dans la grande maison qui lui revenait en même temps qu’Helle. Quelques domestiques s’écartèrent sur son passage, lisant sans mal sur ses traits crispés qu’il n’était pas temps de contrarier leur maître. Ulrich les ignora, grimpant quatre à quatre les marches de l’escalier, avant de claquer derrière lui la porte d’un petit bureau. Là, enfin, il céda à sa colère, écrasant un poing violent contre la première commode venue. Le meuble encaissa, et le danois, vaguement soulagé, se redressa. Le Roi lui paierait cette offense, il y était résolu. S’il pensait pouvoir le faire taire en le mariant et en l’anoblissant, il s’enfonçait le doigt dans l’œil jusqu’à s’en rendre aveugle. L’espace d’un instant, son regard noir se glissa pas la fenêtre d’où il devinait aisément les différentes silhouettes. Même Munk était là, accompagné de l’actuel héritier de la couronne. Eux aussi paieraient. Pour leurs insultes, pour le simple fait d’être en vie. Ici… ou ailleurs.
« Comment se porte monsieur mon époux ? demanda soudain une voix enjouée derrière lui. - Cela ne vous regarde pas, madame. Et ne m’appelez jamais ainsi, rétorqua sèchement le nouveau marié en se retournant vers sa femme. » Cette dernière, si elle avait plus qu’eu le temps de se rendre compte de l’animosité d’Ulrich à son égard, avait au moins le mérite de savoir à merveille faire comme si de rien n’était. Hochant simplement la tête, elle s’excusa, et sortit du bureau. Silencieux, Ulrich suivit des yeux sa frêle silhouette de jeune fille de dix huit ans s’éloigner. Malheureuse Helle.
La vengeance est un plat qui se mange froid ;
Lorsqu’il avait appris qu’un membre éminent de la Cour danoise se rendrait prochainement à Rome, Ulrich n’avait pas douté un seul instant que Munk serait du voyage. Cet avorton persuadé que tout lui était dû après le long exil auquel l’avait contrait, lui et sa famille, la présence de Vibeke était évidement de la plupart des voyages impliquant la noblesse danoise. Du moins était-ce là ce que le jeune homme en exil avait longuement espéré. Et lorsque le jour où tout ce beau monde devait prendre ses quartiers à Rome, confirmation lui avait été donnée. Waldemar Munk était bel et bien présent ; mais hélas, ne le serai plus pour plus de quelques heures. Beau prince, Ulrich lui laissa même deux jours pour profiter des splendeurs romaines, prenant un plaisir sadique à le suivre de nuit, et à le voir s’inquiéter de cette ombre qui ne cessait de planer autour de lui. Un homme lui avait demandé un jour s’il ne s’amusait jamais avec ses victimes. S’il avait été encore vivant pour le voir, ces quelques heures de filature lui auraient donné sa réponse. C’était la première fois qu’Ulrich ne poignardait pas directement sa victime. Et voir Munk être peu à peu gagné par l’angoisse lui procurait une indicible satisfaction, et ce, jusqu’au moment où il se montra enfin.
Une fois de plus, il avait choisi d’agir de nuit. Engoncé dans une ample cape noire, et couvert de façon à ce qu’on ne puisse pas le reconnaître, Ulrich pénétra sans la moindre difficulté dans la maison choisi par Waldemar pour ses quelques semaines romaines. Evitant soigneusement toute trace de vie, il se repéra grâce à l’emplacement de la fenêtre d’où il avait pu observer la silhouette du danois ; et ce ne fut que lorsque qu’il eut écouté quelques secondes à la porte qui l’intéressait qu’il posa la main sur la poignée. Munk était seul. Parfait. « Bonsoir, Waldermar, annonça-t-il sombrement en entrant dans la spacieuse pièce. » Aussitôt, l’homme qui s’y trouvait, face à cette même fenêtre par laquelle il n’avait de cesse de se sentir observé, eut un sursaut et se retourna. Ulrich eut un sourire trivial et retira la capuche qui dissimulait son visage. Munk allait mourir, il ne pourrait donc répéter à personne où se trouvait le baron de Sola. Et ce dernier tenait à ce qu’il sache qui allait mettre fin à sa misérable vie. « Sola ? Que faites-vous ici ? demanda Munk, après avoir pris une seconde pour reconnaître son interlocuteur. - Je viens vous faire payer mon exil, Munk. »
Le fils de Kirsten, la Reine déchue, n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit à cette sombre annonce. Avant qu’il ne puisse crier, Ulrich était sur lui et c’est avec un sourire qu’il enfonça son poignard dans son torse, à un endroit qu’il savait mortel… mais pas immédiatement fatal. Il y avait maintenant six ans qu’il avait été chassé du Danemark. Six ans pour quelques minutes seulement d’agonie : il était bonne âme. « La vôtre ne valait pas mieux, souffla le jeune homme à l’oreille de sa victime. - De quoi… parlez-vous… ? - De votre mère, Munk. » Et enfin, il le lâcha, l’observant froidement s’effondrer lamentablement. Voilà qui faisait une fin parfaite et harmonieuse à sa misérable vie. Avec une moue agacée, Ulrich nota la large tâche sanglante qui s’était répandue sur sa propre chemise. Prudent, il s’enroula dans son manteau et sans attendre, tourna les talons. Une bonne chose de faite, certes. Mais il n’était pas vengé pour autant.
Juin 1654 ;
« Le Roi ne peut vous recevoir, baron, je suis navré… protesta le jeune valet. - Il me recevra ! Je ne suis pas un manant que l’on fait jeter dehors par ses gens ! Hors de mon chemin ! » Le valet pâlit, mais recula, abandonnant avant de l’avoir mise en pratique l’idée de barrer la route à cet imposant et furieux jeune homme. Ulrich, qui n’avait mis guère plus de quelques secondes à se mettre en colère face au jeune homme qui tentait l’empêcher d’entrer poussa brusquement la porte du bureau dans lequel travailler Frédéric III, Roi du Danemark, et demi-frère de celui qu’il avait tenté de faire taire en le mariant et en lui offrant un ridicule titre. Aussitôt, les têtes des quelques conseillers présents et celle du monarque se levèrent vers lui. « Sola ? Comment osez-vous… - Taisez-vous, Munk ! C’est à mon autre frère que je m’adresse ! »
Imposant le silence, l’homme austère et fermé qu’était Frédéric se leva pour faire face au danois, visiblement plus agacé qu’en colère de cette soudaine entrée. Patient, il ne haussait presque jamais le ton, sauf lorsqu’on le poussait dans ses retranchements. Froidement, il toisa son demi-frère. « Encore vous, Sola ? lâcha-t-il. Qu’est-ce, cette fois ? - Comment pouvez-vous prendre à vos côté cet avorton de Munk et me laisser végéter hors du palais en m’affublant d’une épouse ?! s’exclama Ulrich, véhément. - Il ne me semble pas vous avoir permis un quelconque avis sur les personnes dont je m’entoure. Que voulez-vous ? - La place qui me revient. » Il y eut un silence, suite à cette réplique. Un long silence durant lequel même Munk se retint d’ajouter un commentaire. Insolent, loin d’être impressionné, Ulrich soutint sans ciller le regard royal. La place qui lui revenait, oui, auprès de lui, dans le château, à défaut de pouvoir en trouver une dans la succession. Tendu, il attendit, quelques secondes, la réponse du monarque. Mais ce dernier, après l’avoir jaugé sans mot dire, se détourna simplement de son demi-frère. Avec flegme, presque, il lui tourna le dos. Et se dirigea vers la table de travail qu’il avait quitté. La réponse, finalement, était claire.
C’est à cet instant précis qu’Ulrich fit une erreur. Sous le coup de cette nouvelle humiliation, il resta d’abord figé. Puis brusquement, sans prendre le temps de réfléchir, abattit une main sur l’épaule du Roi pour le forcer à se retourner. Aveuglé par la colère, il en oublia le reste de l’assistance et presque même le statut de l’homme qui, à ce moment, n’était plus pour lui que le sujet d’une haine sans pareille. Il leva la main, mais plus rapide, Munk le ceintura et, aidé par les autres nobles présent, parvint à éloigner Ulrich de Frédéric qui, comme revenu à la réalité, se dégagea des conseillers et tourna lui-même talons, sortant la tête haute du bureau. Il le savait, cette passade ne serait pas sans conséquence. Et pourtant, pas un seul instant, la voix du Roi n’ordonna, en sa présence, quoi que ce soit à son encontre… jusqu’à ce qu’il passe les porte du palais.
Dernière édition par Ulrich de Sola le 21.09.11 23:57, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 20.09.11 21:21 | |
| Partie III ; « Si tu négliges un complot, c'est qu'il a été tissé en ta présence. »
Juillet 1660 ;
L’exil, voilà le moyen qu’ils avaient trouvé pour le faire taire. La lettre qu’il avait reçu quelques jours à peine après son altercation avec le Roi n’était pas directe, mais c’était bien ça. On lui « recommandait » de s’éloigner « quelques temps » du royaume du Danemark. De fureur, Ulrich pouvait encore se souvenir avoir fait de cet outrageant morceau de papier un ridicule tas de lambeaux avant d’exploser de rage devant une Helle pétrifiée sur place. La crise avait été courte, mais violente. Pendant de longues minutes, le danois n’avait cessé de blasphémer, d’injurier et en était même venu à menacer sa femme qui avait tenté une approcher pour le raisonner. Ça n’est que lorsqu’elle avait fuit, claquant derrière elle la porte de ce même bureau où elle avait compris, quelques mois plus tôt, à quoi se résumerait son mariage que le jeune homme s’était tu. L’espace d’un instant, comme interdit, il avait fixé la fenêtre par laquelle s’éloignait le coursier royal qui venait de lui remettre l’infamante lettre. Un instant, seulement. Et puis il était parti. Sans rien dire à personne, sans prévenir le moindre valet. Il était parti avec son arme à la ceinture, l’argent qu’il avait pu récupérer dans son bureau et un habit sombre qui lui permettrait de passer inaperçu. Il ne laissa rien. Pas une explication, pas un mot, encore moins à l’intention de sa femme. Ah, on souhaitait l’exiler ? Fort bien. Il ne ferait pas le plaisir à ces misérables de le chasser. Cette fois, il avait pris le devant… et mis les voiles.
Et ce pour dix ans. Dix longues années durant lesquelles il avait sillonné les Provinces Unies d’Italie, ruminant sa vengeance et sa haine envers quelques parvenus qui devaient déjà l’avoir oublié. Mais Ulrich, lui, n’oubliait rien. Les jours, les mois, les années étaient passées, et il avait su se forger une rancune à toute épreuve en plus d’une froideur et d’une indifférence monstrueuse. L’argent qu’il avait récolté dans les tiroirs de son bureau danois ne lui avait guère suffi que quelques semaines. Ensuite, il avait fallu survivre. Truander n’avait jamais effrayé Ulrich – et moins encore si sa vie en dépendait. Alors il avait commencé par quelques larcins, plus ou moins importants, dérobant dans les plus riches maisons de quoi s’assurer quelques jours, et parfois quelques semaines de plus. Apprendre l’italien n’avait pas été une mince affaire, et aujourd’hui encore, malgré dix ans de pratique, il ne parvient pas à se défaire de son terrible accent danois, tranchant durement dans la mélodie des mots qui avaient bercé son exil. Cela dit, la langue lui avait finalement été d’une grande utilité. Pour marchander, pour tromper… et enfin, pour tuer. Sans doute se souvenait-il encore de son premier cadavre. Un jeune gentilhomme, malheureux aux jeux comme pas deux. La chance lui avait souri ce soir-là, et il était rentré chez lui la sacoche remplie, gonflé de joie autant que d’alcool. Ulrich, qui n’avait pas perdu de temps avant de comprendre l’intérêt que pouvaient représenter les salons de jeu, avait suivi le jeune imprudent. Comme toujours, il l’avait menacé, une lame à la main. Mais le malheureux s’était débattu et pour éviter ses cris, le danois n’avait eu d’autre choix que de mettre un terme à sa courte chance – ainsi qu’à sa vie. Il était reparti les poches pleines, ne laissant derrière lui qu’un corps inerte baignant dans une mare de sang, premier, tout premier d’une longue série.
C’est au bout de sept ans qu’il avait gagné Rome, lassé de Naples, où il venait de passer quelques mois. Là, il trouva rapidement un moyen efficace de survire : tuer. Les romains souhaitant voir disparaître quelques unes de leurs connaissances ne manquaient pas, et les bas-fonds de la cité regorgeaient de spadassins en tous genres. Ulrich en dû même en éliminer quelques uns, gênants pour leurs clients car en sachant trop long, ou tout simplement pour… faire table rase de la concurrence. Trois ans de plus passèrent. Trois ans au bout desquels, finalement, il pénétra dans la vaste demeure du signor Romani et lui fit, en gage d’amitié, la fleur de mettre fin à ses jours dans son sommeil. Rome regorgeait de romains souhaitant voir disparaitre quelques unes de leurs connaissances… plus offrant que Romani.
Et puis il y eut ce jour, dont allaient découler… tant d’autres – jours et cadavres.
La curiosité est un vilain défaut ;
Une chose était certaine, aux yeux du danois : Rome et Paris se valaient bien. Les mêmes ruelles sombres, les mêmes quartiers mal famés fricotant avec les plus beaux endroits, les mêmes âmes errantes et surtout, les mêmes cadavres. Ce qu’il faisait dans la ville Lumière ne différait pas beaucoup des dix dernières années qu’il avait passé entre la Toscane et la capitale papale. Seulement, il le faisait pour… d’autres raisons que l’argent qu’il pourrait bien en tirer. Certes, il en gagnait – il avait beau rester totalement indifférent à la mort, il ne se salissait pas les mains par pure bonté d’âme – mais il y avait autre chose. Un but, une véritable cause. Et s’il se moquait bien de la personne qui pouvait poser son royal fondement sur le trône de France, la donne changeait, si cette possiblement personne lui offrait d’aller se mettre à l’aise sur celui du Danemark. Paradoxalement et contrairement à sa mère, sans l’exil auquel on l’avait contrait, jamais il n’aurait réellement ambitionné la place de Frédéric III. Mais puisqu’on la lui promettait en échange de basses besognes si insignifiantes à ses yeux… Ulrich n’allait certainement pas cracher dessus.
C’était la seule et unique raison qu’il avait eu d’abattre ce messager. S’il portait justement ou non un message ce soir, on n’avait pas pris la peine de le lui dire, et c’était bien là la dernière chose qui le préoccupait. Il l’avait attendu, au coin d’une rue, sachant de source sûre qu’il passerait par là. Puis sans lui laisser le temps de faire ou dire quoi que ce soit, lui avait soigneusement enfoncé sa lame dans le torse. Encore une fois, pas le moindre espoir de survie pour le jeune garçon qui eut à peine de quoi gémir quelques minutes. Ulrich s’était déjà éloigné lorsqu’une intuition l’arrêta. Et si, justement, il portait un message ? Non pas que faire du zèle l’intéresse particulièrement, mais après tout, un Valois sur le trône de France, s’il lui offrait le Danemark, lui convenait parfaitement. Et il était bien placé pour savoir à quel point les agents des espions du Roi pouvaient être prodigues d’informations… Tranquillement, persuadé que personne n’irait chercher le corps là où il se trouvait avant un moment, il retourna sur ses pas, afin de vérifier qu’il ne manquait rien. Ça n’est qu’à quelques mètres du cadavre qu’il remarqua soudain cette silhouette. Féminine, bien frêle même et surtout… tenant entre ses doigts une lettre. « Rendez-moi ça, ordonna-t-il, arme en main. Il ne comptait pas tuer une femme… si elle se montrait coopérative. » Mais bien loin d’obéir, la jeune fille détala sans demander son reste, et en gardant la lettre. Lâchant un juron, Ulrich abandonna un cadavre maintenant dépourvu d’intérêt et se mit à la poursuivre, exigeant plusieurs fois qu’elle s’arrête, sans succès. Très bien. Cette demoiselle venait de signer son arrête de mort et, gagnant du terrain, le danois s’apprêtait à le lui faire savoir quand soudain… elle disparut. Porte dérobée, aide impromptue ou passage invisible, il n’en sut rien. La demoiselle s’était envolée… avec sa lettre. Ulrich jura longuement, tournant en rond dans le quartier, en vain. Il n’a pas recroisé Joséphine La Grange depuis ce soir. Mais si la chose devait arriver… alors inutile de vous expliquer quel sort il lui réservait.
Juillet 1660 ;
Jusqu’à ce jour dont allaient en découler… tant d’autres – de jours et de cadavres.
Main dans les poches, Ulrich songeait à Romani, qu’il venait de laisser dans un piètre – sinon mortel – état à l’entrée de sa demeure. Dans sa poche, sonnait une bourse remplie et sous ses pas, se dessinait la direction d’une auberge qu’il s’offrait pour une nuit lorsque c’était jour de chance. Auberge dont les chambres n’allaient pas sans les filles, cela s’entend. La nuit s’annonçait paisible, donc, lorsque des gémissements et des plaintes étouffées le sortirent de ses pensées. Vivement, le danois bifurqua dans une petite ruelle, suivant d’instinct ces bruits qu’il connaissait si bien – et souvent pour en être la cause. Ce qu’il vit, dans cette impasse, ne trompait pas. Un homme, tout de noir vêtu, et un autre, dans une bien mauvaise posture. L’assassinat, Ulrich pouvait le flairer à des kilomètres à la ronde – et c’est sans le moindre mal qu’il identifia victime et bourreau. Tranquillement, alors que le regard du pauvre gentilhomme le suppliait d’intervenir, Ulrich s’appuya contre un des murs, observant la scène avec un drôle de sourire aux lèvres. La mort l’indifférait, surtout de cette façon. Il ne bougea pas, du moins, jusqu’à ce que la victime ne trouve le moyen de s’échapper. Quelques mètres, rien de plus. Soudain redressé, Ulrich l’attendait au tournant, et acheva le travail du mystérieux homme en noir. Celui-ci se retourna, et les deux meurtriers échangèrent un regard. « Joli coup, monsieur, commenta l’inconnu. - Pas mal non plus, répondit Ulrich. » Il y eut un silence, bref, mais éloquent. Un sourire amusé aux lèvres, le danois sortit sa bourse de sa veste et en fit doucement tinter le contenu. « A boire, monsieur ? - Avec plaisir. » Et tout deux, dégageant d’un même geste le cadavre qui leur barrait la route, se dirigèrent vers la première taverne venue. Ulrich de Sola et Cédric de Portau ignoraient encore combien ils avaient de choses à se dire.
A danois, danois et demi ;
La nouvelle était tombée quelques jours plus tôt, et rien n’aurait su mieux ravir Ulrich que d’apprendre la venue du Prince héritier du Danemark à Versailles. Les années pouvaient bien être passées, sa rancœur à l’encontre de ce parvenu d’Edouard n’avait, quant à elle, pas plus pris de rides qu’elle ne s’était adoucie. On ne savait pas combien de temps le Prince devait passer à la Cour versaillaise, aussi le danois résolut-il rapidement de tirer autant de profit que possible de ces jours indéterminés. Il y avait donc à peine quelques heures que son demi-frère était arrivé, que déjà, il entendait bien lui faire payer ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’il lui avait imposé pour les onze dernières années.
L’attelage du Prince attendait au bas de son hôtel. Un carrosse rutilant, deux chevaux brillants, et un cochet à moitié endormi. Cochet qu’il ne fut guère compliqué de corrompre, tant la vision de cet imposant homme tout de noir vêtu sembla faire impression sur son esprit trop prompt à s’effrayer. Quelques écus suffirent, et Ulrich put tranquillement prendre place dans la voiture, un masque recouvrant son visage trop reconnaissable pour son ennemi. S’il comptait le tuer ? Certainement pas. Il avait appris, avec sa traque contre Waldemar, qu’il était bien plus jouissif de faire angoisser ses proies – du moins, lorsqu’elles en valaient la peine. Et puis, à quoi bon l’assassiner ? Valois lui avait promis le trône du Danemark lorsque lui-même aurait réussi à gagner celui de France. Alors Ulrich se ferait un plaisir d’humilier cet avorton d’Edouard à ce moment-là… avant de le faire disparaître.
Prenant ses aises, le rancunier danois jeta un regard noir sur le luxe dont il était soudain entouré. Un luxe qui aurait dû lui appartenir, à lui. Et savoir Frédéric III malade rendait son exil d’autant plus frustrant qu’il savait qu’il s’agissait du moment idéal pour frapper ; mais qu’il n’en avait absolument pas les moyens. C’est amer, donc, qu’Ulrich attendit que son ennemi daigne se montrer. Il ne lui fallu guère patienter que quelques minutes pour que soudain, la porte de la rutilante voiture ne s’ouvre à nouveau. Une silhouette familière y monta, s’y installa… avant de laisser échapper un violent sursaut. A cette vision, un sourira mauvais étira les lèvres de l’exilé. « Qui êtes vous ?! s’écria le Prince, dont le ton serait sans doute monté si l’homme vêtu de noir n’avait pas posé un doigt menaçant sur ses lèvres, en silence. Que me voulez-vous ? » Le danois ne cessa de sourire, savourant avec un indicible plaisir la façon dont les traits du Prince avaient pâli. D’un mouvement habile, il révéla la longue lame qu’il cachait sous sa veste, et avant que Edouard n’ait pu répliquer quoi que ce soit : « Heureux celui qui a toujours devant les yeux l'heure de sa mort et qui se dispose tous les jours à mourir, murmura-t-il, sombrement. » Sur ces mots, il se leva et, rapidement, sortit du carrosse, sous les yeux ébahis d’un valet qui n’eut pas même la présence d’esprit de le suivre. Vif comme une ombre, Ulrich s’éloigna, gagnant de plus sombres ruelles pour s’y dissimuler. Une fois à l’abri des regards, il ôta son masque, un sourire narquois aux lèvres. C’était la première fois, mais ça n’était certainement pas la dernière. Voilà un jeu qu’il allait particulièrement se plaire à jouer…
Juillet 1660 ;
« Pour moi, la mort est un gain. Celle des autres, s’entend. » C’est ainsi qu’Ulrich résuma sa situation à l’homme dont il venait d’achever la victime. Attablés autour d’un verre, les deux assassins ne dépareillaient pas foncièrement du reste des occupants de la taverne. Truands et éclopés en tous genre s’y rassemblaient, et chacun s’y observait avec suspicion. Indifférent au possible, le danois porta sa boisson à ses lèvres, deux prunelles vertes plantées dans celles de son interlocuteur, un certain Cédric, qui venait de pousser la curiosité jusqu’à lui demander de lui raconter son histoire. Intrigué, il resta silencieux, un instant. Confier la vérité ? Voilà une sombre idée qui ne lui était jamais seulement passée par l’esprit. Mais son interlocuteur, cette fois, avait quelque chose de plus que les précédents. Le fait d’avoir tenté de tuer un homme, peut-être.
Reposant son verre sur la table, il jeta un regard impavide autour de lui, s’assurant qu’il n’y avait ce soir rien de plus que la canaille habituelle qui fréquentait les lieux. Puis lentement, il commença le récit des manigances de la Cour danoise, de son exil et de ses agissements à Rome. Il ne fit pas long, ne s’attarda pas sur les détails, et sous-entendit seulement à quel point il estimait avoir été chassé de sa juste place. Autour d’eux, le joyeux brouhaha de la taverne créait un brusque contraste avec ses paroles, chargées de cadavres et de haine à peine dissimulée. Il acheva son histoire en soulignant qu’il avait trouvé bien des moyens de monnayer ses talents de tueurs, mais qu’il ne comptait pas en rester là avec le Danemark, bien décidé à se venger.
« Vous et moi avons encore beaucoup de choses à nous dire. J’ai le moyen de vous aider. » Telle fut la réponse de Cédric au court laïus du danois. Ce dernier cherchait des alliés. Quelle meilleure rencontre que celle avec le français, qui, lui, cherchait un bras droit ?
Des paradoxes versaillais ;
Se laisser attendrir était bien le dernier des défauts d’Ulrich. Le plus immonde des meurtres le laissait froid comme un Sphinx ; et ça n’était pas peu dire. Il en était à peu près de même de la plupart des femmes. Jamais, pas même envers la sienne, il n’avait fait montre d’une once de tendresse – et moins encore envers les quelques filles de joie qui avaient de temps à autre réchauffé ses nuits italiennes. Pensait-il à la trop jeune Helle qu’il avait laissé derrière lui, sans lui adresser le moindre mot depuis douze longues années ? Rien n’était moins sûre – et ce dont on pouvait être certain, c’était qu’elle figurait bien moins souvent dans son esprit que cette jeune cuisinière. C’est en demandant à son messager habituel d’aller remettre l’une de ses rituelles lettres pleines de menaces à Edouard qu’il avait fait sa connaissance, tombant sur elle au détour d’un couloir. Quelque chose, en elle, l’avait immédiatement frappé, bien qu’il ne sache lui-même dire quoi. Il était resté muet, cette première fois, passant son chemin plus agacé qu’autre chose.
Mais à chaque lettre, et bien rapidement, chaque fois qu’il en avait l’occasion, il repassait par ce couloir, à la même heure ; la croisant à tous les coups. Ce qu’elle faisait, il l’ignorait, mais toujours est-il que la jeune cuisinière l’avait abordé un jour, et avait entamé une conversation à laquelle Ulrich ne s’attendait pas le moins du monde. Gauche, il avait bafouillé quelques mots en danois, avant de parvenir à débiter une phrase correcte, contenant son prénom et quelques mots de liaison plus ou moins utiles. Aurélie se présenta à son tour, et la discussion en était restée là, le danois ayant à faire. Il était repassé, le lendemain, l’avait croisé, avait parlé, et avait recommencé, le jour suivant. Un mois que ce petit jeu durait lorsqu’elle lui avait proposé de partager un repas, ce qu’il avait accepté sans hésiter, cette fois. Deux nouvelles semaines étaient passées lorsqu’ils en partagèrent un second. Ils conversaient de tout et de rien lorsque soudain, Aurélie avoua à celui qu’elle ignorait être à la fois un assassin et un comploteur être fiancée, mais ne pas avoir la moindre idée de la personne à laquelle elle était destinée.
Ulrich resta calme au possible, posant quelques questions sur le fiancé ; questions auxquelles la demoiselle ne put répondre, et qu’elle éluda rapidement en changeant de sujet. Une heure plus tard, le danois prit congé, et c’est seulement là qu’il se laissa aller à l’espèce de colère qui l’avait saisi dès lors qu’elle lui avait annoncé être fiancée. Il ruminait en silence lorsqu’une silhouette familière se dessina devant lui. Un informe ; et plus précisément, un uniforme de mousquetaire. « Monsieur de Treil… ! s’exclama le danois. »
L’autre tourna brusquement la tête, et se figea sur place, le dévisageant avec deux grands yeux implorants. Ça n’était pas la première fois que la brute qu’était Ulrich et lui se croisaient ; mais à chaque fois, le mousquetaire ne pouvait qu’espérer qu’il s’agirait de la dernière. Avant qu’il ne puisse partir du moins, le danois fut sur lui, le retenant par le col, un sourire furieux aux lèvres. « Eh bien, auriez-vous l’intention de me fausser compagnie ? Voilà qui n’est pas très aimable de votre par, de Treil, lui glissa-t-il. » Il n’y aurait sans doute pas eu de pire moment auquel croiser Ulrich pour le pauvre jeune homme qui n’eut pas le temps de répondre que déjà, l’un des imposants poings de son agresseur s’abattait sur lui. Agresseur et bourreau attitré, et ce depuis qu’il avait eu le malheur de chercher des noises aux danois alors qu’il poursuivait l’une de ses victimes.
Passé à tabac une première fois, le mousquetaire était devenu le souffre-douleur de celui qu’il regrettait chaque jour d’avoir abordé. A chaque fois qu’il le croisait, l’assassin prenait un plaisir non dissimulé à passer ses colères, ses rancœurs, ses haines sur lui. Et cette fois ne fit pas exception. Lorsqu’il quitta le petit renfoncement dans lequel il avait coincé sa victime, Ulrich laissa derrière lui un mousquetaire rompu, le visage tuméfié… et à peu près certain que ce sort n’aurait de cesse de le poursuivre.
Juillet 1660 ;
Soudain attentif, Ulrich planta à nouveau ses deux yeux dans ceux de Cédric, intrigué par ses dernières paroles. Son verre en main, il s’appuya contre le dossier de sa chaise et s’octroya une gorgée. « Le moyen de m’aider ? demanda-t-il. - A condition que vous m’aidiez en retour. » Ulrich hocha la tête, sourcils froncés, curieux d’en savoir plus. Il ignorait tout de cet homme, si ça n’était ses velléités de meurtres dans les ruelles sombres de Rome. Mais quelque chose lui disait qu’il n’était pas tombé sur n’importe quel petit mercenaire. « Que savez-vous des Valois, monsieur ? » Ainsi débutèrent les explications de Cédric. Sous l’œil de plus en plus intéressé du danois, il exposa, méthodiquement, la façon dont l’illustre famille royale avait été chassée par les Bourbons du trône de France, non sans souligner le prestige que pourraient tirer ceux ayant aidé leur descendant à récupérer sa juste place lorsqu’il l’aurait fait. Ulrich eut un sourire ironique.
« Laissez-moi deviner, vous travaillez pour cet homme ? lâcha-t-il, sûr de lui. - En effet. Et croyez-moi, Valois saura se montrer… conciliant pour ses partisans. Le soutient d’un Roi de France ne vous semble-t-il pas un atout majeur pour votre propre quête ? - S’il devient Roi, oui. - J’ai besoin de gens comme vous. Et vous ne serez pas déçu. » L’affaire était aléatoire – comme tous les complots ayant jamais visé à renverser un régime, ou un monarque pour en installer en autre. Mais il y avait trop longtemps que le danois végétait dans ces Provinces Unies inutiles à son projet. Alors, d’un signe de tête, il accepta. Il suivrait Cédric de Portau en France – c’était encore la meilleure des solutions qui lui avaient, jusque là, été données.
A trop fouiller, on finit toujours par trouver ;
« Auriez-vous quelques minutes de votre temps à m’accorder ? demanda l’inconnu que venait de croiser Ulrich dans les couloirs du château. - Je ne crois pas, non, monsieur. » Sur ces mots, secs, le danois tourna le dos à son interlocuteur, et commença à s’éloigner, pressé. Une missive à l’intention d’Edouard en main, il devait rejoindre Portau qui avait besoin de lui pour une nouvelle expédition. Mais alors qu’il atteignait les escaliers, la voix retentit à nouveau derrière lui. « A votre place, je ne partirais pas si vite, monsieur… de Sola, si je ne m’abuse ? » Aussitôt, Ulrich se figea, puis se retourna, revenant rapidement vers le mystérieux courtisan. Son nom, ainsi que son statut d’exilé et de fils illégitime étaient un secret bien gardé à Versailles. Un secret, néanmoins, que cet homme semblait connaître.
« Qui êtes-vous ? demanda abruptement le danois ? - Charles d’Hozier, généalogiste, pour vous servir, répondit l’intéressé. Vous voyez, vous pouvez bien m’accorder quelques minutes… » Le couloir était désert. Brusquement, Ulrich saisit cet Hozier par le col, et alla le plaquer dans un des recoins formé par les grandes fenêtres. Il n’avait pas la moindre intention de perdre son temps, et si l’homme ne parlait pas, il ne ferait pas grand cas d’un nouveau cadavre. « Dites-moi ce que vous savez, exigea-t-il, dur. Surpris, d’Hozier ne s’attendait certainement pas à ça. Levant les deux mains en signe d’apaisement, il répondit : - Je sais tout, de vos origines du moins. Ça n’est pas moins que mon métier, monsieur de Sola… - Ne prononcez pas ce nom ici ! menaça Ulrich. - Je prononce les noms que je- - Vous vous tairez, monsieur d’Hozier, ou vous ne parlerez plus jamais de rien. » D’agacement et de colère, le danois avait fini par appuyer son poignard contre la gorge du généalogiste qui déglutit difficilement. Frénétiquement, il hocha la tête, et sortit de sa veste les papiers prouvant l’identité d’Ulrich. Ce dernier, le fusillant du regard, s’en empara avec la ferme intention de les brûler dans les heures qui viendraient. Brusquement, il le lâcha. « Hors de ma vue. Et rappelez-vous, votre silence, c’est votre vie. Si trahison il y a, elle ne peut venir que de vous. Je saurais vous retrouver. » D’un œil noir, il l’observa s’éloigner, les preuves en main et sa lettre dans l’autre. Seulement les preuves peuvent se copier… ce à quoi, sur le moment, il ne songea pas.
Avril 1666 ;
Appuyé contre l’un des murs de l’église, Ulrich rongeait son frein. Voilà près de quarante minutes qu’il attendait, lame dissimulée dans sa manche, que sa nouvelle cible sorte du bâtiment – ce dont Portau était censé se charger. Quarante minutes ! Il n’y avait pourtant rien de bien compliqué à faire sortir un prêtre – aussi dévot soit-il – d’une église ! Un mot, peut-être deux, un prétexte habile… mais non. Rien ne se passait. Se décollant de son mur, il fronça une énième fois les sourcils, observant à la dérobée les passants absents – qui aurait l’idée d’aller se perdre dans un recoin pareil ? L’endroit était presque déserté, ce qui, en soi, n’était pas une mauvaise chose pour commettre un meurtre. Mais encore fallait-il que meurtre il y ait… Or, à ce rythme-là, il ne se passerait jamais rien. Se pouvait-il que le danois ait manqué sa cible ? Impossible. Et puis Portau serait venu le trouver depuis un bon bout de temps. Alors quoi ? Un ridicule curé ne lui donnait quand même pas plus de fil à retordre que les autres ? Allons bon.
Il commençait sérieusement à s’impatienter lorsqu’un bruit de pas le tira de ses pensées. Brusquement, il se redressa, et repéra sans mal la silhouette du prêtre. Quel vilain pêché que de rompre le secret de la confession… En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Ulrich se planta devant le religieux et sans ménagement, le jeta au sol, de sorte qu’il put à peine pousser un cri. Avant qu’il ne s’y essaye une seconde fois, il se pencha sur lui, lame soigneusement appuyée contre sa gorge. « Pêché de vanité, l'homme pieux allant briser le sceau de la confession pour un grade supplémentaire. Ah, mon père, vous me décevez… lança soudain la voix de Portau. - Mon fils, laissez moi la vie sauve et je me tairais. - Moi je vous laisse en vie. Mon ami Sola se chargera de vous. » Le prêtre allait protester, mais lassé de ses – pourtant courtes – jérémiades, Ulrich enfonça la lame là où elle était appuyée et observa froidement l’homme rendre son dernier souffle. Sans que l’idée ne lui tire la moindre émotion, il le tira dans un recoin où personne n’irait le chercher avant qu’il n’impose sa puante présence, laissant derrière lui une inquiétante trace de sang. Cette besogne achevée, il essauya comme à son habitude sa lame sur les vêtements de sa victime et rejoignit son complice, toujours en colère.
« Vous avez mis un temps fou ! marmonna-t-il. - Je me suis confessé avant de l'achever. - Quelle idée qu'une confession sur un homme que l'on devait tuer ! s’exclama Ulrich en levant les yeux au ciel. - Tuer, quel vilain mot. Dites plutôt que nous l'avons envoyé au plus près de Dieu. Le danois eut un geste d’impatience. Ce genre de petits procédés avaient tendance à l’agacer. - Vous êtes comme Hector, à jouer sur les mots ! - Cessez, Sola ! Il fallait bien qu'il sorte de l'église, je n'allais pas planter ma lame dans le confessionnal. Il aurait été trop difficile de passer inaperçu en sortant. Et comment aurait-on sorti le cadavre alors que quelques badauds dorment sur les bancs de l'église ? Il fallait qu'il sorte, je me suis amusé un peu. - Certes mais un contrat n'est pas un jouet, conclut le danois en haussant les épaules. Inutile d’insister. Mais je serais curieux de savoir ce que vous avez pu dire. - A votre sujet ? Rien, je voulais vous présenter en temps voulu. Allez venez, fêtons cette victoire et annonçons à Hector la mort de ce gêneur. C'est ma tournée ! » Et les deux hommes s’éloignèrent d’un pas tranquille de l’église, en direction de la première auberge convenable venue. Et comme la première fois, il partageraient un verre pour accompagner une mort… et tant d’autres.
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| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 0:44 | |
| C'est - enfin - terminé Pardon pour les fautes : je n'ai vraiment, mais vraiment pas la foi de me relire. Et pour la fin vaguement bâclée... Une fiche, c'est cool. Mais l'avoir fini, c'est mieux |
| | | Philippe d'Orléans
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Il a été brisé, piétiné et maintenant celui qui était à mes côtés est devenu mon ennemi. Quelle cruelle destinée !Côté Lit: Le lit de mon palais est si confortable et accueillant !Discours royal:
ADMIN TRAVESTIE Monsieur fait très Madame
► Âge : 27 ans
► Titre : Prince de France, Monsieur le frère du Roi, Duc d'Orléans, de Chartres, d'Anjou, seigneur de Montargis
► Missives : 10014
► Date d'inscription : 03/01/2007
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 1:00 | |
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| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 1:04 | |
| Merci bien, très cher bourbon... Comptez sur nous, on va vous mettre de l'ambiance à coup de victimes Je fais tous ce qu'il y a à faire bientôt \o/ |
| | | Cédric de Portau
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Il a servi il y a des années avant de complètement le ferme. Mais la revoir me fait redevenir ... humain ?Côté Lit: Sans courir après les dames, il se porte à merveille ! Discours royal:
B E L Z E B U T H l'associé du diable
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► Date d'inscription : 11/05/2011
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 1:09 | |
| Mon ami Vous et moi allons faire de grandes choses La rencontre Ulrich/Cédric est juste mythique Ca leur va tellement bien je trouve ! En tout cas, peine Ulrich arrivé, y a déjà des plans qui se trament |
| | | Invité
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| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 1:13 | |
| Impossible de résister à vous souhaiter la bienvenue, mon cher. (Pour une fois qu'on va avoir un lien positif.... Bah positif dans le négatif, dirons-nous ^^ )
La fiche est juste épique, je crois qu'on peut s'attendre à des assassinats avec la Chevauchée des Walkyries en trame sonore! |
| | | Invité
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| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 1:18 | |
| Mes (seuls et uniques) potos ! Merci à vous Je suis ravie que ma brute sanguinaire vous plaise... J'avoue que j'ai bien rigolé, vraiment On va pouvoir faire des équipes de chocs chez les vils bleus ! Les LOULOUREPRESENTE n'ont qu'à bien se tenir ! |
| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 10:20 | |
| - Ulrich de Sola a écrit:
- Les LOULOUREPRESENTE n'ont qu'à bien se tenir !
Vive nous ! Non plus sérieusement, ta fiche est superbe, un vrai plaisir à lire (oui c'est un peu sadique mais j'assume ^^). Et franchement, j'adore le lien avec Aurélie, c'est à mourir de rire de voir cette grosse brute comme un gosse devant elle Bienvenue à ce super personnage avec lequel tu vas bien t'amuser |
| | | Invité
Invité
| | | | Amy of Leeds
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Mère enfin apaisée et femme comblée mais pour combien de temps encore ?Côté Lit: Le Soleil s'y couche à ses côtés.Discours royal:
♠ ADMIRÉE ADMIN ♠ Here comes the Royal Mistress
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► Titre : Favorite royale, comtesse of Leeds et duchesse de Guyenne
► Missives : 7252
► Date d'inscription : 10/09/2006
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 14:07 | |
| Eh bien mes aïeux je sens qu'on va bien en baver !!!! Loulou je sens qu'il va falloir dire quelques mots à ta team car là ... Bienvenuuuuuuuuuuuuuuuuuuu malgré tout parmi nous ! Éclates toi bien avec ce TC. La favorite n'est pas dispo actuellement, si tu veux la démonter, tu repasseras dans quelques temps ! |
| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 14:09 | |
| Merci les gens ça, pour m'amuser, je vais bieeen m'amuser Amy, t'en fais pas, va, je me trouverai une autre victime en attendant (a) |
| | | Philippe d'Artagnan
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Après avoir souffert ces dernières années, ma belle Elodie le remet en marche ♥ Côté Lit: Je suis fidèle à l'amour et à un seul être. Et je l'attendrais.Discours royal:
Ҩ PRINCE CHARMANT Ҩ Je te promets la clé des secrets de mon âme
► Âge : 25 ans
► Titre : Duc de Gascogne
► Missives : 638
► Date d'inscription : 01/06/2008
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 25.09.11 14:12 | |
| Pourquoi mon Luigi se sent-il visé pour la victime ? En tout cas, quel personnage ! Quel fossé entre Elodie et Ulrich ... tout comme nos liens Phil/Elodie et Ulrich/Luigi |
| | | François de Froulay
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Il a été brisé, il va falloir le recollerCôté Lit: vide, au désespoir des mignons de MonsieurDiscours royal:
Fuis les honneurs et l'honneur te suivra Convoite la mort et la vie te sera donnée
► Âge : 25 ans
► Titre : Maréchal des Logis des Mousquetaires, Capitaine de la garde de Monsieur, Marquis de Lavardin
► Missives : 521
► Date d'inscription : 29/08/2011
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. 27.09.11 14:17 | |
| Le premier perso mec de Marie... Va falloir le surveiller, je m'attend au pire |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Le mauvais, la brute et le truand ; Ulrich de Sola. | |
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