Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't'
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Frances Cromwell
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance. Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent... Discours royal:
La B e l l e D a m e sans Merci
► Âge : 28 ans
► Titre : Comtesse de Longford
► Missives : 716
► Date d'inscription : 06/06/2008
Sujet: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:33
Frances
Cromwell
(Felicity Jones)
« By the pricking of my thumbs, Something wicked this way comes. »
► 28 ans► Officiellement Frances est Baronne de Chippenham, mais elle 'obtenu' tout récemment le titre de Comtesse de Longford pour un petit changement d'identité.► Anglaises, mais aux yeux de tous à Versailles, elle est irlandaise.► Bien que toujours mariée à John Russell, Frances se fait passer pour la veuve du Comte de Longford.► Hétérosexuelle.
♕ PROTOCOLE ♕
► VERSAILLES : PARADIS OU ENFER ?
Puisqu’il faut à tout prix s’approcher de la duchesse d’Orléans sans éveiller le moindre soupçon, Frances qui se fait passer pour la comtesse Lucy of Longford, récemment veuve, se doit de respecter le ‘personnage’ qu’elle s’est inventé. Par conséquent, il lui faut offrir un visage de veuve éplorée la plupart du temps, ce qu’elle s’efforce de faire malgré les diverses tentations que la Cour de France peut présenter. Cependant, le faste des cérémonies et la magnificence des lieux ont parfois tendance à l’éblouir plus que de raison. Elle qui n’avait connu que la Cour d’Angleterre sous l’autorité de son père, une cour mille fois plus austère, peuplée de puritains vêtus de noir de la tête aux pieds, là voici à présent propulsée au milieu de toutes ces paillettes et de cette classe ‘à la française’. Alors, même si Frances se jure de ne point succomber à toutes ces tentations, il lui arrive de trouver cette vie agréable, au point parfois de désirer être véritablement cette comtesse de Longford dont elle ne possède que le nom, et ainsi être libre d’évoluer comme bon lui semble. Hélas, ce serait sans compter sa vengeance, le but ultime de son existence. Et si Versailles lui semble être un véritable paradis terrestre, elle n’en oublie pas moins non plus que ce monde est régi par un principe, celui de la monarchie. Rien que pour ça, elle sait que cette Cour n’est point l’endroit où elle souhaitera achever son existence.
► COMPLOT : VÉRITÉ OU FANTASME PUR ?
De par les souvenirs que Frances garde du Protectorat et de retour de la monarchie, elle ne serait pas le moins du monde surprise d’apprendre qu’il se trame quelque chose contre le roi de France. Après tout, il y a toujours des mécontents et un jour, une goutte d’eau fera déborder le vase, il n’y a qu’à prendre l’exemple de Charles I en Angleterre ou même celui de son frère, Richard Cromwell… D’ailleurs, un complot pourrait bel et bien être planifié en ce moment même, pourquoi pas après tout ? Frances prévoit d’ailleurs de supprimer la duchesse d’Orléans pour mieux atteindre Charles II, qui dit que le roi de France ne pourrait être également la cible de quelque conciliabule secret ? Cependant, ce n’est point ce qui perturbe la jeune femme. Qu’ils fassent assassiner Louis XIV si ça leur chante, sa cible à elle c’est la monarchie anglaise ! Elle se moque pas mal de ce qui pourra advenir au roi de France et ne compte point prendre position dans cette lutte entre lui et… cet ennemi invisible, si toutefois il existe. En revanche, elle pourrait se montrer intéressée si en échange d’une aide quelconque qu’elle aurait à fournir, on lui promettait assistance dans son entreprise…
► COLOMBE OU VIPÈRE ?
Lorsqu’elle porte le masque de la comtesse de Longford, Frances joue le rôle de la veuve qui essaie de reprendre peu à peu goût à la vie et il faut dire qu’elle est une assez bonne comédienne. Ainsi, en public, elle se montre réservée, pieuse, parfois enjouée quand l’occasion se présente mais n’agit jamais en commère de la Cour. En revanche, elle tend l’oreille pour glaner la moindre petite information pouvant lui être utile, et tout particulièrement celles concernant la duchesse d’Orléans. Rependre des rumeurs ne lui servirait point à grand-chose, si ce n’est à compromettre sa couverture de comtesse irlandaise payée à prix d’or à Charles d’Hozier. Aussi se garde-t-elle bien de répéter ce qu’elle entend au détour d’un couloir ou en écoutant aux portes. Car oui, Frances avait déjà pris l’habitude, au cours de son enfance, d’espionner son père et ses partisans dès qu’elle le pouvait, et ses agissements à Versailles ne sont que dans la continuité de ces ‘jeux’ enfantins.
► DES LOISIRS, DES ENVIES A CONFIER ?
► Préparer des poisons (car c’est tout un art !). ► Lire des tragédies de Shakespeare. ► Coudre & broder, elle est d’ailleurs très douée. ► Ecrire à Lucy Hutchinson pour se confier, parfois. ► Danser et profiter des attraits de Versailles (un plaisir coupable, elle le reconnaît). ► Souhaiterait apprendre à manier l’épée, au cas où. ► Aimerait se venger des Stuart et de la monarchie anglaise.
♕ HOP, RÉVÉRENCE ! ♕
► Feuille de Menthe ou Menthe tout simplement. ► 20 ans ► 3/7 en ce moment. Je n'aurais pas Internet la semaine pour ma 3ème année mais ça devrait s'arranger pour le MA l'an prochain. ► Longue vie au Roi (oui mais lequel ? Si c'est Charles II, il ne faudra pas compter sur Frances !) ► Comment avez vous connu le forum ? C'est une petite souris qui m'a soufflé l'adresse il y a quelques années. ► Suggestions ? Aucune en particulier. Ah si ! Pourquoi ne pas organiser une foire aux poisons à Versailles de temps en temps ? Mon petit doigt m'a dit que certaines personnes pourraient être intéressées... Non ? Et bien j'aurais essayé .
Dernière édition par Frances Cromwell le 04.03.15 20:04, édité 4 fois
Frances Cromwell
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:34
♕ BIOGRAPHIE VERSAILLAISE ♕
Acte I
‘Since he is gone, O then salt tears, Drown both mine eyes, and stop mine ears With grief; my grief it is so much, It locks my smell up, taste, and touch. In me remains but little breath, Which quickly take away, O Death.’ ‘A Song’, Margaret Cavendish, Duchess of Newcastle.
23 novembre 1658
Un silence de mort régnait à l’intérieur de l’Abbaye de Westminster tandis que l’on mettait en terre le corps du bien-aimé Lord Protecteur. Seul le bruit de la pluie qui martelait les vitraux restait audible, comme pour rappeler aux vivants que le temps ne s’était point arrêté. Hélas, cet effort semblait vain. Depuis le 3 septembre, date à laquelle Oliver Cromwell s’était éteint, Londres était comme paralysé par une douleur sourde, celle d’avoir perdu un grand homme. Et tandis que le cercueil de ce dernier s’enfonçait progressivement dans la terre, là où il redeviendrait poussière, seuls quelques membres de la famille assistaient à la scène, chacun ayant en tête des pensées et souvenirs différents le reliant de près ou de loin à Oliver Cromwell. Il y avait là Elizabeth Cromwell, née Bourchier, la veuve du défunt, qui, à genoux, priait Dieu de toutes ses forces, essuyant parfois quelques larmes de son beau mouchoir brodé. A ses côtés se trouvait son fils aîné Richard qui, à l’âge de 32, se retrouvait avec la charge de Lord Protecteur de son père sans pour autant avoir de véritables connaissances en matière de politique. Et pourtant ce jour-là, il se tenait droit comme un i, le regard fixe et déterminé, comme s’il s’apprêtait à en découdre avec le premier qui oserait contester son titre. Il avait d’ailleurs refusé que Charles Fleetwood, pourtant l’époux de sa sœur Bridget, se rende aux funérailles de son père, craignant sans doute quelques tromperies de sa part et l’usurpation de son titre. Car du vivant d’Oliver Cromwell, Fleetwood avait été bien favorisé par le Lord Protecteur et si Richard n’avait point été le fils de Cromwell, nul doute qu’il aurait hérité du titre. Cette pensée rendait d’ailleurs Richard particulièrement anxieux et méfiant envers les hommes qui l’entouraient, si bien qu’il en vint même à soupçonner son cadet, Henry, revenu d’Irlande où il avait servi durant de nombreuses années et gagné une certaine popularité auprès de l’armée et même de certains irlandais, en raison de ses talents de médiateur. Henry était donc présent pour l’enterrement de son père au même titre que Richard, même si ce dernier songeait déjà à l’éloigner de la capitale et de ses complots, histoire de lui couper l’herbe sous le pied au cas où il aurait eu quelque idée de coup d’état. Le poste de gouverneur en Irlande lui conviendrait à merveille, et Richard aurait ainsi la paix, du moins le croyait-il. Mais en réalité, ce n’était pas le genre d’Henry de se mêler à ce point de politique. De par l’éducation donnée par son père, il entendait bien respecter l’ordre de succession dans la famille, et rien ne l’aurait poussé à convoiter la place de son aîné. Aussi se tenait-il respectueusement auprès du trou dans lequel on descendait le cercueil de son père, priant à voix basse.
Non loin de là se tenait la jeune comtesse Fauconberg, sa sœur cadette Mary Cromwell, devenue Belasyse par son mariage survenu un an auparavant. Elle aussi priait tête baissée, fixant ses chaussures plutôt que le cercueil. Son époux affectait d’ailleurs le même rituel, ne souhaitant pas dénoter parmi la famille Cromwell, une famille si puissante à ce jour en Angleterre qu’il valait mieux l’accompagner dans la douleur de ce deuil. Et pourtant, une jeune femme ne priait pas avec autant de ferveur. Au contraire, elle fixait le cercueil tandis qu’il disparaissait peu à peu sous terre. Vêtue d’une robe de soie noire, elle se tenait aussi droite que son frère Richard, le menton légèrement relevé comme si elle lançait un défi muet à quiconque oserait lui jeter le moindre regard, craignant tout autant la moquerie que la pitié après pareille infortune. Car Frances Cromwell, devenue Mrs Robert Rich, comtesse de Warwick, le 11 novembre 1657, ne pleurait pas seulement la mort de son père. En effet, l’année 1658 semblait pour elle être remplie de drames puisque le 16 février elle avait perdu son époux, et le 6 août, sa sœur aînée Elizabeth. Ainsi, la couleur noire qu’elle arborait en ce jour de la tête aux pieds était devenue sienne depuis de longs mois et la douleur qui accompagne chaque perte d’un être cher ne l’avait pour ainsi dire plus quittée, si bien qu’à ce énième enterrement, elle se trouvait à revivre les précédents. Tandis que le cercueil de son père descendait peu à peu dans la terre, elle se surprit à revoir cette figure bien aimée. Le visage sévère du Lord Protecteur s’adoucissait à sa vue, et ses traits marqués, comme taillés dans de la pierre, se fendaient d’un sourire. A présent, Frances n’était plus la jeune femme de vingt ans qui assistait à l’enterrement de son père, mais la petite fille de onze qu’il serrait dans ses bras en lui annonçant qu’il venait d’être nommé Lord Protecteur. ‘Lord Proctector’, avait-il dit de sa voix grave, et Frances avait aimé cette sonorité. Elle lui donnait une impression de grandeur, de sécurité, et lui faisait songer à tous ces grands monarques qui avaient régné sur l’Angleterre. James I, Elizabeth I… Aujourd’hui encore ces noms inspiraient le respect pour Frances, bien qu’elle ait fièrement soutenu la République et le Lord Protecteur. Mais dans l’innocence de ses onze ans, le nouveau titre de son père annonçait comme un nouveau souffle pour l’Angleterre. Jusqu’ici, son père avait veillé sur sa famille et ses nombreux enfants, à présent il veillerait sur l’Angleterre toute entière…
Ainsi la petite Frances Cromwell avait-elle passé une bonne partie de son enfance, se perdant dans l’admiration et la dévotion qu’elle avait pour son père, bien que ce dernier ait été souvent absent du foyer. Car avant de devenir Lord Protecteur, Cromwell avait passé des années à s’insérer progressivement en politique et la chute de Charles I avait marqué, semblait-il, le véritable commencement de sa carrière. Frances se souvenait avoir entendu son père répéter maintes fois à quelques partisans qu’il fallait éliminer la couronne d’Angleterre, supprimer ce ‘traitre’ avant qu’il ne soit trop tard et que ses erreurs stupides en matière de politique deviennent irréversibles. Combien de fois avait-elle écouté aux portes alors qu’elle n’était qu’une enfant qui s’échappait des jupes de sa gouvernante ? Et cela, dans le seul but de voir son père, toujours absent, parcourant sans cesse le pays, guidé par une ambition propre ! Aussi, lorsque Cromwell obtint finalement la victoire tant attendue sur Charles I, Frances, comme le reste de ses frères et sœurs d’ailleurs, laissa échapper sa joie, une joie enfantine et innocente, celle d’avoir enfin un père présent à la maison. En réalité, elle n’entendait encore guère les choses de la politique et lorsque Charles I fut condamné à être décapité, elle ne vit là que la justice divine s’opérant contre la tyrannie. Ce ne fut que plus tard que son père commença à lui expliquer les rouages du pouvoir.
Car même si l’éducation puritaine que Frances reçut tendait à faire d’elle une parfaite épouse dévouée sachant coudre, broder, prier, recevoir et tenir une maison, et était par conséquent dépourvue de toute notion en mathématique, astronomie, philosophie et poésie, domaines réservés aux hommes, Cromwell ne l’entendait visiblement pas de cette oreille puisqu’il tint à fournir à ces filles quelques clefs leur permettant d’accéder à une plus grande source de connaissances. Leur présentant sa propre vision des choses, il leur apprit que la royauté était synonyme de tyrannie, que le théâtre corrompait les âmes mais qu’il était parfois bon de lire certaines pièces, comme les grandes tragédies de Shakespeare par exemple, car elles apprenaient aux hommes à penser et développaient leur esprit critique. Cependant, une fois le Lord Protecteur parti, Mrs Cromwell se hâtait bien de retirer des mains de ses filles tous les livres que leur père leur avait priés de lire, tous sauf la Bible bien sûr. Ainsi, Frances n’avait eu que de rares occasions d’apprendre ‘des choses d’hommes’, puisqu’en présence de sa mère, elle se retrouvait à broder ou faire la lecture des derniers sermons délivrés par les puritains les plus austères de Londres. Seule sa sœur aînée Elizabeth osait véritablement braver les interdits et la censure de leur mère en lisant tout ce qui lui tombait sous la main. Très vite, elle avait délaissé la Bible pour lire Le Prince, de Machiavel. En société, elle n’hésitait point à faire savoir le fond de sa pensée, tenant parfois tête à des membres du conseil de son père ou se disputant avec des membres du clergé qu’elle jugeait particulièrement sévères. Même Oliver Cromwell en personne avait essuyé ses critiques et ses remontrances. Et malgré cela, Elizabeth était restée sa fille préférée, celle qu’il adorait le plus mais qui lui causait également une grande source d’inquiétude que Frances ne comprenait point. ‘Comment marier une jeune femme qui a autant de facultés ? Qui voudrait d’une épouse ayant un jugement sur tout ?’ se lamentait alors Cromwell. Et pourtant, Elizabeth avait finalement épousé John Claypole en 1646 et était devenue grâce à son père ‘Lady Claypole’.
Contre toute attente, le mariage avait été paisible et bien différent de celui de Bridget avec Henry Ireton, mariage qui avait eu lieu le 15 juin 1646, à l’occasion du siège d’Oxford et qui avait causé à Mrs Cromwell une grande inquiétude que Frances n’avait pas saisie non plus. Bridget avait fini par se remarier avec l’ambitieux Charles Fleetwood en 1652, après le décès de Ireton en Irlande, puis Mary épousa à son tour Thomas Belasyse en 1657 et enfin, Frances, alors âgée de dix-neuf ans, avait été liée par les liens sacrés du mariage à Robert Rich, comte de Warwick, puis déliée de sa promesse par la mort de ce dernier. Cette perte l’avait beaucoup affectée, mais sans doute point autant que celle de sa chère Elizabeth. Car cette dernière était bien plus qu’une sœur pour Frances : elle représentait un idéal qu’elle souhaitait atteindre. Bridget n’était qu’une aventurière, Mary, une élégante, tandis qu’Elizabeth réunissait ces deux caractères à la fois, et bien plus encore. Aux yeux de Frances, elle apparaissait comme une héroïne, une féministe avant l’heure qui hélas, avait encore une fois été trop précoce dans sa mort, survenue après une longue agonie durant l’été 1658, une longue agonie au cours de laquelle Elizabeth avait eu de nombrerux entretiens avec son père, lui-même affaibli par un mal mystérieux. Frances avait entendu des éclats de voix, des pleurs, émis par sa sœur ou son père, elle ne savait ; et à chaque fois, le Lord Protecteur ressortait de la chambre la mine sombre. Lorsqu’elle fut elle-même conviée au chevet de sa sœur, elle en apprit enfin la raison de la bouche même d’Elizabeth.
‘Notre père a commis des crimes Frances, des crimes horribles. Maintes fois je lui ai demandé de cesser et de se repentir mais il ne m’écoute point. Il faut que tu parviennes à le convaincre, Frances, car moi je n’en ai plus pour longtemps…’
Et effectivement, Elizabeth était morte deux jours après avoir fait cette confidence à Frances, laissant cette dernière au dépourvu, ne sachant trop s’il fallait obéir aux dernières volontés de sa sœur et se risquer à endurer le courroux de son père qu’elle savait être terrible, ayant un jour reçu une formidable gifle lorsqu’elle avait osé lui faire remarquer qu’en distribuant des titres et des privilèges il se comportait comme Charles I lui-même. Sans doute la crainte l’avait-elle saisie et empêché de poursuivre ce qu’Elizabeth avait entrepris. La crainte ou la pitié car peu de temps après la mort de sa fille qu’il aimait tant, Oliver Cromwell s’était mis à dépérir, si bien qu’il eut été insoutenable pour Frances de tourmenter son père de cette façon. Et en ce jour de novembre, le Lord Protecteur était mort et ses proches assistaient à sa mis en terre. Lorsque le cercueil eut disparu au fond du trou, Mrs Cromwell se releva et dans un sanglot, elle fut gentiment reconduite à la sortie par Henry. Bridget et Mary suivirent, puis vint le tour de Richard qui lança un dernier regard sévère à Frances, demeurée seule après le départ des autres. Et tandis qu’il sortait, la jeune femme toussota, comme si elle sortait d’une profonde léthargie. Elle venait de décider qu’elle prendrait son destin en main, comme Elizabeth.
Dernière édition par Frances Cromwell le 15.10.11 15:54, édité 1 fois
Frances Cromwell
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:35
♕ BIOGRAPHIE VERSAILLAISE ♕
Acte II
‘Here, a well-polished mall gives us the joy To see our Prince his matchless force employ; His manly posture, and his graceful mien, Vigour and youth, in all his motions seen; His shape so lovely, and his limbs so strong, Confirm our hopes we shall obey him long.’ ‘On St. James Park’, Edmund Waller.
28 juin 1659
‘Richard, tu n’es qu’un lâche !’ explosa Frances. ‘Un lâche, tu entends ? Tu fais honte à notre famille et à notre père !’ ‘Tais-toi Frances ! Tu ne sais pas de quoi tu parles !’ ‘Si notre père était encore en vie…’
Une formidable gifle de la part de Richard vint brusquement interrompre Frances. Craignant encore la violence de ce frère trop habile, elle courut se mettre à l’abri en prenant soin de laisser une distance respectable entre elle et son aîné, car elle ne comptait point cesser ses critiques de sitôt. Richard avait commis l’irréparable en abandonnant sa charge de Lord Protecteur sous la pression de l’armée qui n’avait pas hésité à l’assiéger à Whitehall, paradant sous ses fenêtres jusqu’à ce qu’il signe ! De plus, son incapacité à conserver le précieux héritage paternel relevait, aux yeux de Frances, de la stupidité. Diantre, si seulement Richard avait daigné s’intéresser un peu plus aux choses de la politique durant sa jeunesse au lieu d’aller s’enterrer à Hursley avec son épouse Dorothy Maijor, dont le nom même donnait la nausée à Frances. Cromwell lui-même avait maintes fois regretté cette absence de soif de savoir chez Richard, son inaptitude à prendre part aux affaires d’Etat et son ignorance complète des rouages de l’intrigue. On disait même qu’il avait hésité avant de nommer son aîné comme successeur et dans cette hésitation, des opportunistes comme Charles Fleetwood y avaient vu leur intérêt. Fleetwood aurait mené le pays à la guerre avec le reste de l’Europe, songeait aujourd’hui Frances, mais Henry, son frère Henry, lui, avait toutes les capacités pour reprendre le flambeau de leur père. Contrairement à Richard, il avait véritablement donné de sa personne dans cette ‘œuvre’ qu’était le Protectorat. Il était même apprécié et avait gagné du galon et du crédit auprès de l’armée durant la campagne d’Irlande…
‘Tu n’aurais pas dû signer ! C’était une faiblesse, ils t’ont eu parce que tu as été faible Richard. Et aujourd’hui c’est toute notre famille qui va en pâtir ! Tu sais comment te nomment les Royalistes ? Ils t’appellent ‘Tumble Down Dick’, Richard ! Tu entends ? Tumble Down Dick !’ ‘Alors c’est ce que tu penses de moi Frances ? C’est ça que tu veux entendre ? Tu veux que je le dise ? Oui, j’ai échoué ! Oui, j’ai failli à notre père !’
Dans sa fureur, Richard rejoignit sa sœur à l’autre bout de la pièce, la prenant par surprise. Lui attrapant le bras avec fureur, il la traîna presque jusqu’à la table où s’étalait quantité de papiers. Ramenant avec force le bras de Frances dans son dos, il l’obligeait à se pencher en avant, à se coucher sur ce flot de parchemins au risque d’entendre son bras tordu craquer sous une telle pression.
‘Richard, tu me fais mal ! Lâche-moi !’ ‘Regarde Frances, c’est avec cette encre qu’ils m’ont fait signer ma lettre de démission. Et c’est cette plume qui a inscrit ces lignes. Tu la vois ?’
A ce moment, la porte des appartements de Richard à Whitehall s’ouvrit avec fracas, faisant entrer un courant d’air en même temps que s’élançait dans la pièce, Henry Cromwell.
‘Lâche-la Richard ! Lâche-la elle n’y est pour rien !’ ‘Laisse-moi Henry, laisse-moi je te dis !’ ‘Richard !’
L’interpellé relâcha finalement son étreinte mais cette fois-ci, Frances ne fit aucun geste pour le fuir, trop ankylosée et choquée pour oser tenter quoique ce soit. Son visage était encore à deux centimètres des papiers de son frère, et son attention fixée sur cette maudite plume que son aîné avait tenue pour écrire et signer une lettre de démission sous la contrainte de l’armée. L’objet en lui-même prouvait que l’infortune qui s’était abattue sur les Cromwell était bien réelle et que, contrairement à son souhait le plus cher, Frances n’était pas en plein cauchemar. Elle avait d’ailleurs cette triste pensée en tête lorsqu’elle sentit que son frère Henry posait une main –cette fois-ci bienveillante- sur son bras, pour vérifier qu’il n’était pas cassé. Sans un mot, il l’aida à remettre de l’ordre dans sa tenue tandis qu’à l’autre bout de la table se tenait Richard, vociférant pour lui seul des jurons impliquant l’armée, les Royalistes et même le Parlement, même si à l’heure actuelle il n’existait plus.
‘Il ne faut point lui en vouloir Frances, tu sais comment il est. Il a besoin de passer sa colère sur quelqu’un en ce moment. Et tu n’aurais pas dû le provoquer ainsi.’ ‘Je n’ai fait que lui dire la vérité Henry. Je fais comme Elizabeth à présent, je fais savoir le fond de ma pensée. Et pour moi, Richard est un lâche’, répondit Frances, frondeuse. ‘Lâche ?’ s’exclama Richard, brusquement sorti de ses pensées. ‘Elle recommence ! Lâche, moi ?’
Et à nouveau, il s’élança vers Frances, cette fois-ci bien décidé à en découdre sans se laisser interrompre, fût-elle sa sœur cadette. Henry n’eut que le temps de faire sortir Frances par une porte dérobée en lui criant d’utiliser son carrosse pour se rendre chez Mary. Mais la jeune femme décida de n’en faire qu’à sa tête une fois encore, et refusa le carrosse. Elle sortit de Whitehall la tête haute bien que décoiffée, ses jolies boucles blondes défaites tombant lamentablement sur ses épaules. Les poings serrés, elle se mit en route d’un bon pas sous la pluie pour se rendre à la demeure de la comtesse de Fauconberg. En chemin, sa colère se calma peu à peu, laissant place à la peur et au désespoir. Elle songea avec dépit à la tentative de Richard de reprendre le flambeau de leur père en tant que Lord Protecteur. Il avait hérité du titre à la mort de ce dernier, comme un prince hérite de la couronne de son père. Au reste, ne disait-on point que Cromwell avait tout d’un roi sinon la couronne, qu’il avait maintes fois refusée, préférant le titre de Lord Protecteur à celui de roi ? Mais Richard avait tout gâché avec son ignorance, songeait alors Frances. Il avait été incapable de gérer l’économie du pays, incapable d’organiser l’armée, et pire encore : incapable d’approvisionner les troupes basées en Irlande alors laissées dans un grand dénuement, et tout en sachant pourtant que son frère Henry s’y trouvait, puisqu’il lui avait offert la charge de gouverneur ! Cette pensée plus que les autres scandalisait Frances et c’était sans doute cela qui l’avait poussée à faire éclater sa colère devant Richard. Car depuis la mort d’Elizabeth, celle de son père et celle de son époux, Frances avait profondément changé, passant de la jeune fille timide et facilement impressionnable à cette femme au caractère bien trempé qui laissait parler son amertume autant que son ambition. A présent veuve, elle jouissait d’une plus grande indépendance au sein de sa famille et sur l’exemple d’Elizabeth, elle s’élançait à présent dans le monde des hommes…
Arrivée trempée chez Mary, Frances demanda à voir la comtesse de Fauconberg, puisque c’était ainsi que sœur se nommait à présent. Lorsque Mary arriva dans l’antichambre où l’on avait fait attendre Frances, elle eut la surprise de découvrir la benjamine des Cromwell dans un état lamentable. Ses cheveux dégoulinaient, et sa robe était aussi trempée que si Frances avait sauté dans la Tamise. De suite, elle s’empressa d’appeler des servantes pour l’aider à déshabiller sa petite sœur transie de froid et lui donner d’autres vêtements. Cependant, Frances n’eut même pas le temps de retirer sa robe et de se retrouver ainsi en chemise que le comte de Fauconberg débarqua dans l’appartement de son épouse. Il eut un regard horrifié en voyant Frances et ordonna à son épouse de la faire sortir immédiatement.
‘Mais enfin Thomas, elle est trempée !’ s’offusqua Mary. ‘Vous ne pouvez mettre ma sœur à la porte comme une mendiante ! Elle est trempée et attrapera la mort si vous la faites partir !’ ‘Je ne veux pas de ça ici Mary ! Renvoyez-là d’où elle vient !’ ‘Vous savez bien que c’est impossible, notre frère…’ ‘Et bien envoyez-là ailleurs, je ne la veux pas ici ! Son nom pourrait ternir ma réputation et la situation que j’ai auprès du Stuart.’ ‘Vous oubliez que je porte le même nom que Frances, monsieur mon époux. Je suis une Cromwell moi aussi et…’
Mais cette fois-ci, ce fut Frances qui prit la parole, coupant dans son élan Mary pour protester contre ce qu’elle venait d’entendre.
‘Alors ainsi c’est vrai : vous abandonnez Richard, le Protectorat ? Vous abandonnez mon père ? Vous reniez tout cela pour retrouver… un roi ?’ ‘Frances !’ ‘Non laissez-la dire madame mon épouse, je veux qu’elle sache. Oui, Lady Rich, j’abandonne votre père et m’en retourne vers la monarchie. Voyez-vous, j’épouse les valeurs qui permettent mon avancement. A présent votre père est mort et votre frère est un incapable, la République n’a pas d’avenir, d’ailleurs elle n’existe plus. En revanche, il y a un jeune prince, Charles Stuart, qui me semble bien prometteur. Cela fait des mois que j’entretiens de bonnes relations avec lui et à son retour, il m’a promis quelques charges intéressantes. J’aimais votre père mais son temps est passé. Il est temps de voir au-delà…’
Frances fut tellement choquée par un tel discours qu’elle ne trouva pas les mots pour réagir. Elle resta donc là, figée, assommée par le simple poids de ces mots. Des mots, mais des mots ! Le comte de Fauconberg en profita pour réitérer l’ordre de mettre la jeune femme dehors à son épouse, mais cette fois, il eut sembla-t-il pitié de Frances, et autorisa Mary à la garder un certain temps avec eux et à lui fournir des vêtements secs, ce qu’elle s’empressa de faire. Au matin cependant, Frances avait disparu, en route pour Spinney Abbey, à Wicken, dans le Cambridgshire, là où habitait dorénavant son frère Henry depuis qu’il avait dû abandonner sa charge de gouverneur d’Irlande.
Dernière édition par Frances Cromwell le 15.10.11 15:50, édité 1 fois
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:37
♕ BIOGRAPHIE VERSAILLAISE ♕
Acte III
‘So when they did design The Capitol’s first line, A bleeding head where they begun, Did fright the architects to run; And yet in that the State Foresaw its happy fate.’ ‘An Horatian Ode upon Cromwell’s Return from Ireland’, Andrew Marvell.
30 janvier 1661
‘Let ‘em be hung!’ ‘Cut off th’ heads and long live the King!’
La foule rassemblée à Tyburn en cette froide matinée de janvier n’avait cessé de crier et de vociférer depuis que les bourreaux avaient amenés les trois prisonniers aujourd’hui condamnés à être décapités… post-mortem. En effet, les corps que l’on avait traînés et pendus au gibet de Tyburn étaient ceux de John Bradshaw, Henry Ireton et Oliver Cromwell. Tous avaient été sortis de leur sommeil, leurs tombes profanées avec fracas par des mains impies sur les ordres d’un roi usurpateur, Charles II. Les Royalistes étaient de retour et comptaient bien le faire savoir. Aussi fallait-il que ces traîtres de Républicains payent, ou du moins ceux qui avaient osé signer l’ordre d’exécution de Charles I en 1649. Et quel meilleur jour pour cela que le 30 janvier 1661, date du douzième anniversaire de mort du roi ? Son fils, Charles II en avait fait, semblait-il, une affaire personnelle et avait exigé que ce traître de Cromwell, ce ‘Lord Usurpateur’ soit pendu en public puis décapité. Ainsi, ce qui restait de ses supporters n’oserait refaire surface et se terrerait dans les coins les plus reculés de l’Angleterre. Ainsi donc, le pays et la monarchie serait lavés de ces affronts passés. ‘Off with his head !’ avait dit Charles II dès son retour au pouvoir.
Mais à l’écart de cette foule se tenait une silhouette enveloppée d’une cape sombre qui la recouvrait de la tête aux pieds, empêchant quiconque de la reconnaître. Et pour cause ! Car il s’agissait là de Frances Cromwell venue assister la mort dans l’âme à la honte que Charles II infligeait à son père. Une décapitation, comme si le Lord Protecteur qui avait veillé des années durant sur l’Angleterre était soudain devenu le pire des criminels ! Mais l’acte en lui-même revêtait une nouvelle dimension puisqu’il était post-mortem et condamnait ainsi Cromwell à ne jamais accéder au paradis. C’était toute une malédiction qui s’abattait ainsi sur lui et sa famille. D’ailleurs, les Cromwell se terraient du mieux qu’ils le pouvaient depuis la Restauration. Richard avait fui avec son épouse en France et parcourait à présent l’Europe sous des noms d’emprunt. Bridget ne faisait plus parler d’elle et Frances n’avait guère reçu de nouvelles d’elle et de son mari ces derniers temps. Sa propre mère avait tenté de s’exiler en France sous une autre identité et avait réuni en grand secret dans l’entrepôt d’un fruitier de Londres les quelques richesses qu’il lui restait de ces années de fastes, richesses qui incluaient, entre autres, certains objets ou bijoux récupérés à Whitehall et ayant appartenu à la reine Henriette-Marie. Hélas, son secret avait été trahi, éventé d’une manière ou d’une autre puisque le lieu avait été perquisitionné sur ordre du roi. Et bien sûr, Mrs Cromwell avait perdu toutes ses possessions et avait été obligée de se raccrocher à son gendre, John Claypole, l’époux de sa fille Elizabeth, qui l’avait accueilli sans faire d’histoires. Quant à Frances, elle avait navigué un temps entre Spinney Abbey, la demeure de son frère Henry située dans le Cambridgshire, et Northborough chez Lord Claypole, dans le Northamptonshire, là où vivait désormais sa mère. Elle n’était revenue à Londres que pour assister à l’exécution post-mortem de son père, sans trop savoir quel sentiment l’y avait poussée. Etait-ce la colère, un désir de faire face à tous ces traîtres qui hurlaient à présent des insultes sur la dépouille de son père ?
Il y eut un silence dans la foule, rapidement suivi par des exclamations de joie. Le bourreau venait de trancher la tête de Cromwell et la tenait fièrement par les cheveux dans sa main gauche. Cette vue était tout bonnement insupportable pour Frances qui bondit, prête à fendre la foule pour récupérer la tête de son père au risque de se faire elle-même lyncher. Il fallait que cela cesse, tout de suite. Mais elle n’eut pas le temps d’arriver à son but car elle fut saisie dans son élan par une poigne digne de celle de Richard. Un bras enserra sa taille et une main gantée et énorme couvrit sa bouche pour l’empêcher de crier. En se débattant, elle eut le temps d’apercevoir durant une fraction de seconde le visage de Lord Claypole.
‘Taisez-vous, ils vont vous tuer s’ils apprennent qui vous êtes…’
Et sans ménagement, Claypole attira Frances vers un carrosse portant ses armoiries. A l’intérieur se trouvait Lucy Hutchinson, l’épouse du Colonel John Hutchinson, un héro pour les Puritains qui avait pourtant fini par critiquer ouvertement l’autorité de Cromwell. Mrs Hutchinson elle-même avait connu les jeunes filles Cromwell, suffisamment pour le surnommer ‘insolent fools’ à cause de leur conduite. Seule Bridget avait échappé à ses critiques, on ne savait trop pourquoi. Mais Frances n’eut pas le loisir d’être surprise par cette apparition puisqu’elle avait perdu connaissance lorsque Lord Claypole la fit entrer dans le carrosse, épuisée par ce qu’elle venait de vivre. Le choc mit d’ailleurs des jours avant de passer, des jours au cours desquels Frances fut atteinte d’une sorte de fièvre mystérieuse qui la faisait délirer du matin au soir à propos de vengeance, de complots, et qui l’épuisait plus que de raison. Lorsqu’enfin la maladie se dissipa, elle laissa une Frances Cromwell amaigrie, pâle et faible, mais dont les yeux brillaient d’une lueur nouvelle. Celle de la vengeance.
16 novembre 1664
Cela faisait à présent plus de trois ans que le Lord Protecteur avait subi son châtiment post-mortem et que le nom même de Cromwell faisait frémir de crainte ou de dédain les anglais. Frances s’était peu à peu remise du choc du 30 janvier 1661 mais son comportement était devenu étrange, ‘suspect’ selon les mots de Lord Claypole qui avait décidé de l’héberger avec sa mère, Mrs Cromwell, sur les conseils de Lucy Hutchinson. Frances passait le plus clair de son temps dans la bibliothèque, à s’enterrer sous la poussière de parchemin, s’efforçant de traduire seule des textes datant des siècles précédents et parfois écrits en Middle English. Claypole l’entendait parfois pester en l’écoutant caché derrière la porte mais à chaque fois qu’il entrait, elle reprenait son attitude de jeune femme sage comme un second personnage, si bien qu’il la crût folle et confia ses inquiétudes à Mrs Hutchison. Cette dernière qui, touchée par la détresse de Frances, avait finalement décidé d’aider cette petite Cromwell en dépit des critiques qu’elle avait pu formuler à son sujet par le passé. Elle conseilla à Claypole de lui rendre le sourire en la mariant, en lui trouvant un bon époux qui lui ferait oublier les infortunes de son père. Ainsi, Frances épousa donc le 7 mai 1663 John Russell, Baron de Chippenham. Elle avait alors 25 ans et lui 31, et le mariage s’avéra heureux, au premier abord du moins. Car Frances n’avait point oublié sa vengeance et avait œuvré à sa réalisation durant plusieurs années. Son but était d’anéantir Charles II comme il avait anéanti son père. Et pour cela, une jeune femme pouvait l’aider.
Cette demoiselle n’était autre que Enola of Dorset dont la particularité était d’être la dernière descendante de la dynastie des Tudors. Frances avait découvert cette information dans les archives de Claypole et comptait bien se servir de la jeune femme pour servir sa propre vengeance. Aussi se rendit-elle un soir auprès de la demoiselle, se faisant passer pour une obscure petite comtesse afin d’être admise dans le château. Et lorsqu’elle se retrouva seule avec elle, la petite comédie débuta. Pour exciter sa curiosité et piquer son orgueil, Frances l’appela ‘majesté’, comme si elle s’adressait à une reine. Et bien sûr, Enola of Dorset marcha jusqu’au bout. D’abord agacée par cette importune, elle se laissa bercer par ce discours doucereux qui faisait d’elle une malheureuse reine dont le trône avait été usurpé. Et puis, cette façon que les mots ‘majesté’ et ‘reine’ avaient de résonner dans la bouche de cette étrangère… Frances riait sous cape devant la mine de la demoiselle, ne sachant que trop bien avoir touché son but : l’orgueil. Elle avait lu Macbeth et savait que ce dernier avait été influencé par les Weird Sisters le nommant ‘Thane of Cowdor’ et même ‘roi’. ‘All hail, Macbeth, thou shalt be king hereafter!’ avaient-elles dit. Et sur Enola, les paroles de Frances avaient eu le même effet : ce jeune esprit avait été échauffé, il ne restait plus qu’à le manipuler. Mais pour cela, il fallait gagner sa confiance et Frances avait été forcée de révéler son véritable nom. Elle avait alors saisi un morceau de parchemin pour y inscrire ‘Frances Cromwell’ et devant l’air horrifié d’Enola, l’avait jeté au feu où il s’était rapidement consumé.
‘Vous voyez, tout comme vous mon nom est un secret. Pour le vôtre en revanche, il ne tient qu’à vous de le faire sortir de l’ombre. Rendez-vous donc auprès de l’Usurpateur et faîtes-lui savoir votre existence et vos droits sur la couronne.’ ‘Mais il me chassera, m’exilera en Ecosse…’ ‘Non, il prendra peur vous dis-je, si toutefois vous agissez comme il faut. Réunissez le parti des mécontents et des insatisfaits, tous ceux qui regrettent son règne. Ils verront en vous le moyen de contrebalancer le pouvoir de Charles Stuart.’ ‘Mais je ne saurai jamais, je ne pourrai pas…’ ‘Vous êtes encore jeune Lady Suffolk, mais vous apprendrez vite. Au reste, je peux vous être d’une aide précieuse. Je connais mieux les rouages de l’intrigue que vous et pourrais vous guider et vous conseiller… comme un premier ministre auprès de son roi…’
Et le pacte avait ainsi été conclu, ou du moins c’était ce que croyait Frances. Enola avait toujours l’air de douter de sa sincérité, et pour cause ! Une Cromwell aidant une Tudor à regagner son trône, on avait tout vu ! Pourtant, cette première étape dans la manipulation de la jeune Enola ravissait Frances au plus haut point. D’ailleurs sur le chemin du retour pour Northborough, elle reprenait des couleurs et son regard semblait plus vif que jamais. Sur son visage s’étalait même un sourire, l’un des rares qu’elle avait eu ces derniers temps. Elle sentait que sa revanche prenait forme. Ah, qu’elle aurait aimé pouvoir raconter cela à sa mère ! Mais Mrs Cromwell, qui n’avait d’ailleurs jamais vraiment eu de réelle considération pour sa benjamine durant son enfance, trop inquiète qu’elle était par le comportement d’Elizabeth et les mariages de Bridget et Mary, était cette fois-ci devenue plus distante que jamais avec Frances, pour la simple raison que le malheur et l’âge lui avaient fait peu à peu perdre la tête. Quand Frances lui rendait visite, il n’était point rare que Mrs Cromwell l’appelle ‘Elizabeth’ et lui fasse la morale sur une faute que sa sœur avait commise… des années auparavant. Et lorsque Frances arriva finalement à Northborough après son entrevue avec Enola of Dorset, elle trouva sur le pas de la porte Mrs Lucy Hutchinson venue lui annoncer avec douceur que sa mère avait ‘rejoint le Royaume des Cieux’ paisiblement, dans son sommeil.
Frances Cromwell
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance. Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent... Discours royal:
La B e l l e D a m e sans Merci
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:38
♕ BIOGRAPHIE VERSAILLAISE ♕
Acte IV
‘To beguile the time, Look like the time; bear welcome in your eye, Your hand, your tongue: look like the innocent flower, But be the serpent under't. He that's coming Must be provided for: and you shall put This night's great business into my dispatch; Which shall to all our nights and days to come Give solely sovereign sway and masterdom.’ Macbeth, William Shakespeare.
19 Novembre 1665
La Baronne de Chippenham tourna distraitement une page du livre qui s’étalait devant elle sur la grande table de la bibliothèque de son époux. Quelques heures plus tôt, elle s’était révélée être une hôtesse exemplaire auprès des invités de John Russell, débattant avec passion sur des sujets de poésie et de théâtre. Elle les avait même divertis en chantant en duo avec le meilleur ami de son époux, si bien que ce dernier, devant pareille gaîté, avait songé que son épouse était finalement guérie de cette mélancolie qui, jusqu’alors, ne l’avait point quittée depuis le début de leur mariage. En effet, si Frances s’était montrée respectueuse et courtoise avec John Russell, elle n’en avait pas moins gardé une certaine froideur, dressant comme une barrière entre elle et son époux, comme si une part d’elle-même refusait ce deuxième mariage, pourtant parfaitement légal. Elle se donnait à lui quand il se présentait le soir à sa porte mais Russell avait toujours remarqué, non pas du dégoût, mais une distance que Frances gardait. Il la trouvait distraite dans cette façon qu’elle avait de fixer le dais au-dessus de leurs têtes pendant l’acte mais il n’osait lui en faire ouvertement le reproche car, il tenait beaucoup trop, semblait-il, à la santé et au bonheur de son épouse. Aussi écoutait-il avec patience les reproches que sa famille et quelque uns de ses amis osaient lui faire quant à l’absence d’héritier après deux années de mariage, sans jamais en souffler mot à Frances, bien que cette dernière approchait les vingt-huit ans sans jamais avoir eu d’enfant.
Mais ce soir là en particulier, John Russell avait raison d’être fière de son épouse plus que de coutume. Ou du moins, c’était ce qu’il croyait. Hélas, il n’avait pas accès aux pensées de Frances et était à mille lieues de deviner que l’imagination de sa femme œuvrait jour et nuit pour sa vengeance sur les Stuart. En effet, la baronne avait mis à profit les années qui avaient suivi l’exécution de son père et le décès de sa mère pour planifier la revanche des Cromwell, ou du moins ce qu’il en restait, sur la monarchie. Charles II était bien sûr sa cible principale mais si difficile d’accès qu’une autre idée lui vint à l’esprit : Henriette-Anne Stuart. Frances avait appris que la jeune sœur du roi avait épousé le frère du roi de France, Philippe d’Orléans, et qu’elle résidait à présent en France, à la Cour de Versailles. Immédiatement, l’esprit de Frances avait échafaudé un plan : se rendre en France et supprimer Henriette. En tuant la sœur, elle affaiblirait le frère et alors… Mais il restait tant de choses à faire et Frances n’avait plus beaucoup de temps. Il fallait agir avant d’être retenue définitivement en Angleterre par une quelconque obligation familiale, comme une grossesse par exemple. Et son époux se montrait parfois si ardu à la tâche !
Mais ce soir pourtant, Russell se coucha seul, laissant Frances lire jusqu’à une heure avancée de la nuit le volume que Mrs Hutchinson lui avait prêté et traduit. C’était un banal traité scientifique sur les diverses variétés de plantes et leurs effets thérapeutiques, songeait alors le Baron de Chippenham, un traité rédigé en latin, une langue que Frances ne comprenait guère et que sa chère amie Lucy avait traduit, puisqu’elle était excellente dans ce domaine. Hélas, John Russell ne connaissait qu’une partie de la vérité. Le volume traitait bien de plantes mais comportait également quelques recettes de poisons et autres potions aux effets divers et variés, souvent néfastes. Et cela faisait des mois que Frances l’étudiait auprès de Lucy. Cette dernière avait pris la jeune femme sous son aile après le décès de sa mère et lui avait ouvert les portes de la littérature et de l’Histoire, lui enseignant ce que son éducation puritaine avait omis, mettant en évidence par les écrits de Aemilia Lanyer que la femme était l’égale de l’homme. Frances avait énormément appris de Lucy, qu’elle considérait comme une seconde mère, mais le jour où elle lui avait fait part de quelque uns de ses plans, Mrs Hutchinson avait pris peur, réalisant que sa petite protégée avait des idées aussi sombres que l’enfer de Milton.
Cependant, elle n’avait pu brider la détermination de Frances et avait même traduit de sa plus belle plume cet ouvrage de poisons auquel la jeune femme tenait tant. D’ailleurs, elle avait même promis de l’aider à s’installer en France en secret, lui fournissant de l’argent et des affaires à emporter, ainsi que deux lettres de recommandation. La première s’adressait à un certain Charles d’Hozier, un généalogiste qui, moyennant finances, pouvait permettre à ‘la Baronne de Chippenham’ de s’offrir une nouvelle identité. La seconde lettre quant à elle était adressée à la Mère Supérieure d’un couvent aux environs de Paris dans lequel Frances logerait en secret. Là encore, une bourse servirait à amadouer la religieuse désireuse de restaurer une partie du bâtiment qui tombait en ruine…
Frances referma d’un claquement sec le volume quand elle aperçut le valet de Lucy Hutchinson. Sans un mot, elle le lui confia puis ordonna dans un murmure : ‘soyez prêt à minuit.’ Le valet acquiesça et s’en retourna aussi silencieusement qu’il était venu tandis que Frances se hâtait à pas de loup vers la chambre de son époux. Elle poussa timidement la porte et trouva Russell au lit, étonné de voir surgir une telle apparition. Sans explication, elle retira lentement sa robe et rejoignit en chemise le lit de son époux pour une ultime étreinte. De cette soirée, John Russell se souvint de la douceur et de la tendresse de sa femme, une tendresse qu’elle ne lui avait encore jamais témoignée dans leurs étreintes habituelles. Mais cette fois-ci, le moment qu’ils passèrent ensemble n’avait rien d’habituel. C’était même tout le contraire. C’était l’adieu de Frances à son époux…
A minuit, elle était dans le carrosse portant les armoiries des Hutchinson et faisait route pour Londres en compagnie de ses livres et de quelques vêtements. Là, elle prendrait un bateau pour la France et deviendrait officiellement veuve.
30 novembre 1665
‘Donc vous êtes…’ ‘Mrs John Russell, veuve.’ ‘Russell dites-vous ? Bien sûr, John Russell, 3ème Baron de Chippenham ! J’ignorais qu’il était mort. Toutes mes condoléances madame la baronne.’ ‘Merci’, répondit Frances, particulièrement mal à l’aise face au regard suspicieux de Charles d’Hozier. Lucy l’avait pourtant prévenue : il connaissait toutes les grandes dynasties nobles d’Europe et même les familles un peu plus modestes. Avec lui, on ne pouvait tricher avec ses racines ! D’ailleurs, il fixait à présent Frances comme s’il doutait de sa sincérité. Finalement, après quelques questions sur les autres membres de la famille Russell, il sembla convaincu et passa aux choses sérieuses.
‘Et vous souhaitez donc changer de patronyme pour pouvoir quitter l’Angleterre et évoluer tranquillement à la Cour de France ? Votre famille avait parié sur le mauvais cheval n’est-ce pas ? Cromwelliens je présume ?’
Frances bafouilla quelque chose pour confirmer vaguement ses dires. En vérité, elle n’avait pas l’intention de révéler qu’elle était une Cromwell, craignant par là quelque chantage. Non, elle préférait laisser Charles d’Hozier croire ce qu’il voulait, du moment qu’il lui vende un titre qui lui permettrait d’approcher la duchesse d’Orléans incognito. Mais alors que le généalogiste la laissa seule dans le boudoir où elle avait pénétré en ce début de soirée, épuisée par le voyage, Frances sombra dans le sommeil, un sommeil lourd et salvateur mais qui, à son réveil devait lui révéler quelques surprises. En effet, lorsqu’elle ouvrit les yeux au petit matin, elle se découvrit en chemise dans un baldaquin, les draps en désordre. En se relevant brutalement, elle croisa le regard de Charles d’Hozier qui se trouvait là, assis dans un fauteuil et tenant à la main une miniature. Sa première pensée fut liée au désordre du lit et de ses vêtements :
‘Vous avez osé…’ ‘Si je l’avais voulu, je l’aurais fait alors que vous étiez éveillée.’ ‘Monsieur vous vous moquez : les draps son défaits et…’ ‘Vous avez le sommeil agité madame. Et vous parlez en dormant. Presqu’autant que vos affaires, dont cette miniature que j’ai trouvée dans ce petit coffret auquel vous tenez tant et dont la clef se trouve à votre cou. Pardonnez mon indiscrétion, mais j’ai besoin de sources sûres pour mes travaux de généalogiste. Au reste, je sais qui vous êtes à présent. Et si j’étais vous, j’éviterais de me faire prendre avec ceci’, répliqua Charles d’Hozier en montrant à Frances la miniature du portrait de son père.
L’effet de cette tirade fut immédiat sur Frances qui fut réduite au silence devant une telle révélation. Son secret, qu’elle croyait pourtant bien gardé, avait été découvert par ce Charles d’Hozier ! Il savait que Mrs John Russell était à l’origine une demoiselle Cromwell et qui pouvait dire s’il tiendrait sa langue ?
‘Monsieur, je dois obtenir votre silence. Dictez-moi vos conditions, je m’y plierai’, annonça-t-elle vaincue. ‘Oh mais il n’y en a aucune madame. Vous m’avez payée pour avoir une autre identité, vous voilà aujourd’hui Comtesse de Longford. Madame… Lucy, si je me souviens bien, Lucy of Longford, comtesse irlandaise et veuve depuis peu. Bienvenue à la Cour comtesse.' ‘Mais vous n’allez point… ?’ ‘Vous faire chanter ? Allons-donc vous êtes une Cromwell et vous n’avez sans doute pas un sou. Que pourrais-je obtenir de vous ? J’ai satisfait ma curiosité en examinant vos affaires et en découvrant votre identité. A présent vous êtes libre.’
Et tandis que Frances rejoignait en carrosse le couvent où elle s’apprêtait à loger, les mots de Charles d’Hozier résonnaient encore dans sa tête. Quel curieux personnage que ce généalogiste ! Enfin, elle avait obtenu une nouvelle identité et pouvait à présent paraître à la Cour sans risquer d’être reconnue par la duchesse d’Orléans. L’idée que le généalogiste connaisse son secret ne lui plaisait guère mais elle n’avait pas le choix. Lorsqu’elle arriva au couvent, elle se présenta comme la comtesse de Longford, la ‘malheureuse veuve’ dont Mrs Hutchinson avait parlée dans sa lettre à la Mère Supérieure. Cette dernière, une femme plutôt âgée mais à l’allure respectable avait tout de suite accueilli Frances en lui offrant une chambre à part, réservée normalement pour les visites des nobles qui prenaient parfois quelques jours de retraite spirituelle. Certes l’endroit n’était pas bien grand mais il n’y avait pas de traces d’humidité et le soleil pénétrait par une large fenêtre à petits losanges. Mais ce qui attira tout de suite l’attention de Frances, ce fut cette grande table près de l’un des murs et la petite cheminée de pierres blanches. Un mobilier de choix quand on œuvrait à la fabrication de poisons…
Dernière édition par Frances Cromwell le 06.09.11 13:39, édité 1 fois
Frances Cromwell
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 12:40
♕ BIOGRAPHIE VERSAILLAISE ♕
Acte V
‘Round about the cauldron go; In the poison'd entrails throw. Toad, that under cold stone Days and nights has thirty-one Swelter'd venom sleeping got, Boil thou first i' the charmed pot.’ Macbeth, William Shakespeare.
21 janvier 1666
Frances esquiva gracieusement le baiser de l’homme à moitié sou qui la tenait enlacée contre lui. D’un geste léger, elle se dégagea de son étreinte, histoire de mettre une distance entre elle et ce soudard de Cavalier. La jeune femme n’avait que peu d’estime pour les partisans de Charles II, ignorant d’ailleurs la raison pour laquelle Elizabeth avait pris tant de peines pour intercéder en la faveur de quelques uns auprès de leur père durant la période du Protectorat au cours de laquelle ils avaient été forcés de rengainer leur joie de vivre exubérante pour se cacher des Puritains. A présent, la situation s’était inversée et, au grand dam de Frances, les Cavaliers et autres partisans de la monarchie étaient de retour, plus délurés que jamais. D’ailleurs, le Duc qui, en cet instant entraînait gentiment la jeune femme vers sa chambre, ne dérogeait point à la règle, croyant que la bonne fortune avait ce soir-là placé à sa table de jeu cette jeune comtesse irlandaise, apparemment peu farouche. Après lui avoir fait gagner une petite centaine de livres, perdue ‘par manque de chance’, il avait alors eu le loisir d’entraîner cette jolie jeune femme aux boucles blondes vers ses appartements. Si seulement il savait que sa conquête était une Cromwell et qu’elle avait d’autres idées en tête que la bagatelle ! Mais une fois arrivé dans la chambre, le duc voulut passer à l’étape supérieure, plaquant Frances contre un mur pour mieux perdre son visage dans son cou et ses cheveux défaits, tandis que ses grandes mains descendaient dans son dos pour tirer les ficelles qui fermaient sa robe. Durant ce laps de temps qui sembla durer une éternité, Frances fixa le plafond de la chambre où des petits anges souriaient, comme amusés par cette scène. Puis, au bout de quelques secondes, elle se dégagea à nouveau de cette étreinte qui lui faisait horreur, jouant cette fois-ci la coquette, et se refugia derrière le magnifique paravent oriental en face du lit. Le Cavalier tomberait dans le piège.
‘Had we but world enough, and time, this coyness, lady, were no crime’, commença le duc, impatient de la voir réapparaître. Frances ne prêta qu’une oreille distraite aux vers d’Andrew Marvell. Récités dans la bouche de cet homme, ils n’avaient plus rien d’attrayant.
‘My vegetable love should grow vaster than empires, and more slow’, continua-t-il avec un large sourire, espérant que Frances ait compris l'allusion. Celle-ci, toujours dissimulée derrière le paravent retint un soupir de lassitude puis retourna à ce qu’elle était en train de faire, c'est-à-dire verser dans un verre de vin le contenu de la minuscule fiole se trouvant dans son corsage. Heureusement d’ailleurs que le duc n’y avait point fourré ses sales pattes ! D’un geste calme et précis qui témoignait de son expérience ainsi que d’une certaine habitude, elle versa le liquide blanchâtre dans le vin et remua légèrement le tout tandis que de l’autre côté, le duc continuait sa récitation.
‘An hundred years should go to praise thine eyes, and on thy forehead gaze; two hundred to adore each breast, but thirty thousand to the rest…’ ‘And two minutes should go to your death’, murmura Frances pour elle-même. ‘An age at least to every part, and the last age should show your heart. For Lady, you deserve this state, nor would I love at lower rate’, poursuivit le duc à présent de plus en plus impatient de revoir la comtesse paraître sous ses yeux. Un sourire insolent étalé sur son visage, il avait l’air de penser que la jeune femme jouait la coquette pour mieux le faire languir. Mais finalement, Frances réapparut, portant deux coupes de vin. Elle en tendit une au duc qui, sans attendre, l’avala d’une traite et se leva pour atteindre l’irlandaise, trop pressé de l’avoir dans ces draps. Cependant, il fut arrêté net dans son élan par une douleur à l’œsophage. Incapable de crier ou de respirer, il tituba avant de s’écrouler lourdement sur le sol tandis que Frances reprenait les vers de Marvell : ‘The grave’s a fine and private place, but none I think do there embrace’. Elle croyait en avoir fini avec ce partisan de Charles II -du menu fretin en comparaison de sa cible principale, la duchesse d’Orléans- quant elle aperçut le visage terrifié d’un homme qui regardait par la fenêtre. Diantre, un témoin ! S’il la dénonçait, ce serait la potence ou pire encore, car le commerce de poisons dans lequel elle s’était infiltrée pouvait également s’apparenter à de la sorcellerie et là, ce serait le bûcher. Dans tous les cas, Frances serait exécutée et ne pourrait mener sa vengeance à terme.
Ne perdant pas une seconde, elle récupéra la dague que le duc portait encore à sa ceinture –il n’en avait plus besoin à présent, dans l’état où il était- et courut le plus silencieusement possible vers la petite porte dérobée par laquelle le Cavalier l’avait faite entrer. De toutes ses forces, elle traqua le pauvre Jule Morin dans les petites rues sombres de Paris, bien décidée à lui trancher la gorge pour lui éviter de parler. Elle avait vu son visage, il connaissait le sien. Et chacun des deux était aussi dangereux pour l’autre. Hélas, la course poursuite ne permit point à Frances d’arriver à ses fins et elle dût se résoudre à abandonner, pour le moment du moins.
24 janvier 1666
‘Donnez-moi ces herbes vieille sorcière !’ cria Frances en tirant sur le petit sachet que la main gauche ridée de La Voisin tenait fermement. ‘Vous êtes un danger pour mon commerce, à toujours empoisonner par-ci par-là ! Je sais bien que la mort de ce duc anglais est de votre fait, vous m’aviez acheté des ingrédients le matin-même ! Et maintenant, on parle de cette mort comme d’un crime. Allez-vous en, je ne veux point que vous attiriez l’attention sur moi !’ glapit en réponse la fournisseuse de poisons et herbes en tous genres, visiblement terrifiée à la pensée de l’hécatombe que sa nouvelle cliente, une anglaise répondant au nom de ‘Lady Fawkes’ –un nom inventé, cela allait sans dire- pouvait causer.
‘Ecoutez-moi bien espèce de harpie,’ reprit Frances, toujours aussi furieuse et pas le moins du monde inquiétée par les éventuels soupçons pouvant se porter sur sa fournisseuse, ‘je vous ai payée pour ces ingrédients et ne partirai point sans eux. Et s’il faut vous réduire au silence, je le ferai sans hésiter.’ A ces mots, elle sortit la dague du duc qu’elle avait finalement décidé de garder du fait de son utilité potentielle, et la plaça sous la gorge de La Voisin. Cette dernière n’eut d’autre choix que de tendre à Frances le sachet d’herbes mais retrouvant une once de courage, elle demanda d’un air boudeur :
‘Assurez-moi au moins que je n’entendrai point parler de cadavre ce soir.’ ‘Je vous l’assure,’ répondit plus calmement Frances. ‘Je ne compte point faire de poison mortel cette fois-ci. Le mélange causera juste un mal passager.’ Et comme pour justifier ce brusque changement, elle ajouta : ‘c’est pour une… cliente’.
La Voisin eut une mine renfrognée à cette explication. Voilà que cette ‘Lady Fawkes’ lui volait sa clientèle à présent ! Elle n’avait point tort de se méfier de cette anglaise et pour cause : la cliente en question n’était autre que Sofia di Parma, princesse Farnèse, autant dire une dame de la Cour que La Voisin aurait aimé avoir parmi ses clientes. Malheureusement pour elle, la demoiselle avait été refroidie par le milieu sordide dans lequel elle évoluait et confiait ses ‘commandes’ à Frances, trop heureuse d’avoir rencontré une jeune femme à l’apparence et aux manières plus avenantes. Cela dit, lorsque Frances prit congé de La Voisin après que celle-ci eut murmuré entre ces dents quelque chose qui s’apparentait à ‘sale petite opportuniste’, elle répondit suffisamment fort: ‘Old hag !’ avant de claquer la porte.
Sur le chemin du retour vers le carrosse qui l’attendait au coin d’une rue, elle crut apercevoir Charles d’Hozier à bord d’un autre carrosse. Mais lorsqu’elle plissa les yeux pour mieux voir, elle ne vit qu’un rideau brusquement tiré. Pas le moins du monde troublée par cette curieuse coïncidence, elle grimpa dans son carrosse et pria le cocher de se rendre à l’église la plus proche. Peu importait le nom ou l’architecture du lieu, du moment qu’elle pouvait offrir l’image de la pieuse veuve priant pour le salut de son époux à l’homme qui marchait sur ces talons depuis quelques rues déjà. Luigi di Paliano, dont elle avait appris le nom en questionnant quelques personnes à Versailles, semblait la suivre depuis l’empoisonnement du duc partisan de Charles II, et Frances avait eu la désagréable impression que le témoin qu’elle avait tenté de réduire au silence avait parlé à cet homme et fourni une description précise de ce qu’il avait vu mais surtout, de la comtesse de Longford. Aussi était-il devenu capital de brouiller les pistes en faisant en sorte que ce Luigi di Paliano perde la tête. Pour cela, Frances n’avait point hésité à payer grassement des jeunes femmes lui ressemblant pour qu’elles se promènent encapuchonnées dans des lieux divers de Paris et ainsi créer le trouble dans l’esprit de ce gêneur. Et pour éviter que ses ‘doubles’ aient des soupçons, Frances leur avait fait croire que Luigi n’était qu’un ancien amant déçu d’avoir été éconduit et qui tentait désespérément de renouer avec elle. Et face au jeune homme, elle jouait la veuve éplorée qui rythmait ses journées de prières, d’où la présente nécessité de se rendre dans une église où elle savait que Luigi la suivrait. Car Frances avait lu dans son regard une certaine attirance pour elle et savait que malgré sa mission, il n’était point indifférent à son charme. D’ailleurs, elle en usait chaque fois qu’elle le croisait, tout en demeurant dans son rôle de veuve. Le noir lui allait tellement bien semblait-il.
En pénétrant dans l’église où le cocher l’avait finalement amenée, elle eut une pensée pour Mary of Monaghan, la jeune irlandaise avec qui elle était devenue ‘amie’ quelques temps plus tôt. Elle appréciait son calme et sa gentillesse mais ce n’était pourtant point la raison de son ‘amitié’. En réalité, Frances avait tout fait pour se rapprocher d’elle dès qu’elle avait appris que la duchesse était au service de Madame, sa cible depuis qu’elle était arrivée en France. Et cette ‘amie’ se révélait pour le moment fort utile, lui fournissant sans le savoir des informations sur les habitudes d’Henriette-Anne, ses plats et boissons préférés… Le seul souci que Frances rencontrait était l’irlandais, qu’elle ne parlait point. Un comble pour une comtesse irlandaise ! Elle avait prétexté que sa mère était morte alors qu’elle n’était qu’une enfant et que son père, toujours absent, n’avait pu le lui enseigner. Mary semblait y croire pour le moment mais cela n’empêchait point Frances de craindre que son secret ne soit révélé à chaque fois que la duchesse de Monaghan parlait de l’Irlande, pays que la comtesse de Longford ne connaissait qu’à travers les descriptions que son frère Henry en avait fait…
A la fin de sa prière, Frances se releva et son regard se porta un instant sur le Christ accroché sur la croix en face d’elle. Elle y lut un mélange de bonté et de souffrance. Mais ne connaissant que la seconde, elle était incapable de réaliser qu’elle s’éloignait de ce qu’elle avait voulu être des années auparavant. Enfant, elle avait souhaité devenir comme Elizabeth, avoir de grand idéaux à défendre, le tout pour protéger la paix. Hélas, à présent, son cœur n’était plus que vengeance, songea Frances. Et dans un murmure, elle souffla juste : ‘amen.’
Dernière édition par Frances Cromwell le 15.10.11 15:56, édité 1 fois
Frances Cromwell
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance. Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent... Discours royal:
La B e l l e D a m e sans Merci
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 06.09.11 23:36
And it is finally... finished ! J'espère ne pas trop décevoir ou faire peur car j'avoue... le changement de Mary à Frances peut être un brutal.
Sinon, pour l'histoire j'ai fait au mieux pour allier fiction et Histoire avec un grand 'H' en me basant sur mes recherches de dates et autres petites infos glanées ça et là sur les Cromwell. Mais comme il n'y avait que très peu d'infos sur Frances, ça m'a laissé une certaine liberté. J'ai donc instauré un lien entre elle et Lucy Hutchinson, un personnage qui a réellement existé et qui a eu la bonne idée d'apparaître dans mon bouquin de poésie anglaise du XVIIème, seulement rien ne prouve que dans la réalité elle ait véritablement connu Frances.
Après il y a d'autres petits détails qui ont été modifiés pour coller avec le forum (je pense d'ailleurs à l'éducation que Cromwell donne à ses filles, impensable pour les Puritains mais que voulez-vous ? Il faut bien justifier la personnalité de Frances ).
Je précise aussi que je ne suis pas une fan de Cromwell. Le côté 'gloire au Lord Protecteur', c'est plutôt Frances. En revanche pour les poisons...
'fin bref, pardon pour cette tirade inutile. Je crois que c'est la joie d'avoir enfin achevé cette présentation. Et à présent, il n'y a plus qu'à se soumettre au jugement des admins .
Amy of Leeds
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Mère enfin apaisée et femme comblée mais pour combien de temps encore ? Côté Lit: Le Soleil s'y couche à ses côtés. Discours royal:
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 07.09.11 13:57
TU ES VALIDÉE ! BIENVENUE A VERSAILLES
Eh bien madame, quel récit ! Quelle histoire ! J'ai lu d'une traite ! C'est vraiment très bien écrit, on voit tes recherches approfondies, on aime vraiment les fiches comme ça, où on sent les gens qui sont allés au bout des choses ! A la fin ça donne quelque chose de vraiment passionnant ! Que dire donc ? Tu es bien entendu à nouveau la bienvenue parmi nous ! J'espère que tu t'amuseras bien avec Frances, et que tu trouveras des liens de fous ! Je réfléchis déjà depuis quelques jours à avoir un lien avec toi. BON JEUUUUUUU ! Je te renvoie au petit pense bête çi dessous, même si tu connais pas mal le forum déjà.
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Le souvenir d'un homme et d'une enfant. Côté Lit: Un homme aussi froid que le glace pourvoit à le réchauffer en ce moment Discours royal:
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 11.09.11 1:55
Je me mets à jour des fiches non lues et.....wao
Cette petite Cromwell est fortement passionnante, je suis sûre et certaine qu'il y a moyen de moyenner un truc chouette, au moins avec Manue
J'y réfléchis... et r'bienvenue, Miss ^^ Frances change de May
Invité
Invité
Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 11.09.11 11:29
J'ai décidé de faire une petite pause dans mon boulot ce matin pour lire ta fiche et je ne l'ai absolument pas regretté . C'est vraiment une fiche superbe , j'ai adoré ! L'histoire est vraiment prenante, Frances est un personnage passionnant et ça m'a donné envie de lire la bio de Cromwell pour faire quelques recherches sur cette période de l'histoire d'Angleterre que je ne connais que très peu. Sans parler des musiques . Bref, bravo !
Et re-bienvenue parmi nous - en passant quand même -
Frances Cromwell
« s i . v e r s a i l l e s » Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance. Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent... Discours royal:
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't' 13.09.11 21:54
Merci !
Je réponds avec trois plombes de retard (shame on me) mais vos compliments me font très plaisir. J'avoue être un peu perfectionniste sur les bords et j'avais passé un moment pour rédiger + mettre en forme le tout et en vous lisant, je me dis que j'ai bien fait. Mais tu as raison Gabie, le côté historique du perso est intéressant. J'avais fait du Cromwell l'an passé (elle est horrible cette expression), à mettre en lien avec la litté bien sûr, mais cette période de l'Histoire est fascinante, bien que terrible. Du coup, je te souhaite bonne lecture !
Sinon Manue, c'est aussi ce que je me disais pour le lien. Frances/Emmanuelle, il y moyen de trouver un truc sympatoche (mais attention, contrairement à Mary, elle a des dents la petite Cromwell ).
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Sujet: Re: Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't'
Frances Cromwell - 'Look like the innocent flower, But be the serpent under't'