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 Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]

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MessageSujet: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime25.07.11 16:52

Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Racine11
Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Obsess12
« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? »
Jacques le fataliste, Diderot


    Apollon se préparait à s’endormir, et la Terre se retrouvait abandonnée de ses rayons. Quelques étoiles prenaient la relève, et apportaient une bien maigre consolation. Ainsi Paris se retrouvait sans lumière, et même Versailles se trouvait privée des doux rayons du Soleil. C’était le moment, pourtant, où certains quartiers de Paris s’éveillaient. Les tavernes étaient remplies, et les rires raisonnaient à travers les ruelles. C’était le moment où les activités illicites ne se cachaient plus. C’était le moment qu’avait choisi une jeune femme pour quitter, silencieusement, son hôtel particulier. Une cape sur le dos, avec un capuchon qui cachait son visage, lui permettait de se déplacer sans risquer d’être reconnue. La tête baissée, elle avançait rapidement, et se dirigeait vers les rues mal fréquentées de la ville. La jeune femme passait inaperçue, et cela était bien son but. Personne ne devait savoir ce qu’elle tramait. Elle connaissait le chemin par cœur, ce n’était pas la première fois qu’elle se dirigeait vers…-vers où ?- laissons-lui le temps d’y arriver, avant de dévoiler ce lieu secret. Maryse, puisque tel était son nom, vivait depuis peu à Paris, et pourtant, elle donnait l’impression de connaitre la ville comme si elle y était née. Elle ne se trompait pas, ne revenait pas en arrière, et n’avait pas même besoin de réfléchir. Ses pas la menaient inconsciemment vers ce lieu d’interdits. Il était étrange de voir une jeune femme d’un tel rang dans les ruelles sombres de la capitale. Imaginez donc, une princesse ! Notre jeune demoiselle était en effet princesse de Calenberg, et sa place n’était certainement pas dans les bas-fonds parisiens. Sa place était à Versailles, ou dans son hôtel particulier. Sa place était dans les célèbres salons. Mais pas ici. La nuit, qui plus est ! Mais heureusement pour elle, personne ne semblait se soucier de cette ombre qui frôlait les murs. Notre princesse arriva, enfin, devant une petite porte, dans une rue sombre où une odeur vous informait tout de suite de ce qui se tramait dans cet endroit. Non pas qu’il y eût une odeur particulière. Mais, c’était comme si le mal avait une odeur. On sentait les activités louches, les personnalités étranges à éviter à tout prix. Avant que Maryse n’eût porté son poing à la porte, celle-ci s’ouvrit, sans laisser voir au dehors la personne qui l’ouvrait.


    C’était un lieu sombre et étrange, qui vous donnait froid dans le dos. Mais Maryse, dans toute sa naïveté, croyait que cela était du à la pauvreté de l’occupante. A chaque visite, elle amenait des bourses remplies d’or, tant elle se trouvait touchée par la misère. On appelait cette femme LaVoisin, et sa réputation n’était plus à faire. Pourtant, Maryse ne savait rien de cette réputation d’empoisonneuse, parce qu’elle venait de s’installer à Paris, mais aussi et surtout parce qu’elle était d’une naïveté attendrissante. Mais que faisait-elle dans un tel endroit, me demanderez-vous. Eh bien, elle venait acheter quelque potion qui empêcherait la vie de prendre forme dans ses entrailles. Cela était contre les préceptes chrétiens, chers à Maryse. Et elle le savait. Elle n’aurait jamais pratiqué d’avortement, par exemple. Faire quelque chose pour ne pas tomber enceinte lui semblait moins grave. Car la duchesse de Hanovre ne voulait pour rien au monde tomber enceinte. Cela n’avait rien à voir avec son époux, avec lequel elle accomplissait son devoir sans trop de dégoût, en tout cas, moins qu’aux débuts de leur mariage. Mais la jeune femme était aussi une espionne. Espionne au compte de sa Majesté, Louis XIV. Sa dernière mission, première grande mission de taille ? Retrouver Haydée Lopburi, échappée de sa prison dorée, Versailles. La tâche était ardue, et menaçait de provoquer un incident diplomatique avec le royaume de Siam. Ainsi, si elle ne la retrouvait pas, Maryse devrait quitter Versailles et Paris, et retourner dans le Saint Empire Romain Germanique. Ce qu’elle ne voulait pas. Vous comprendrez alors qu’un bébé annoncerait son retour dans la patrie de son mari.


    Inutile de préciser que LaVoisin profitait de cette jeune âme. Maryse ne se rendait compte de rien, il était alors d’autant plus facile de la faire s’apitoyer sur le sort de l’empoisonneuse. Après les conseils, et après que LaVoisin eut donné la fiole à Maryse en échange de quelques pièces, la princesse quitta la petite maison et fit le chemin inverse. Elle se hâtait de rentrer, pour que personne ne se rende compte de son absence. C’était sans compter quelques hommes ivres qui avaient décidé de s’amuser. Apeurée, Maryse regardait autour d’elle, mais ne voyait âme qui vive. Elle essaya de s’enfuir, mais l’un d’entre eux lui attrapa le bras. Elle était prise au piège. Elle n’avait ni arme, ni force nécessaire pour se débattre et se sauver. Celui qui tenait son bras déchira sa cape. Ses cheveux bruns tombèrent en cascade sur ses épaules, et on pouvait maintenant apercevoir sa robe de velours noir. C’était une tenue simple, mais qui laissait entrevoir des signes de richesse. La demoiselle d’Armentières reprit courage, et tenta de se débattre. Les autres hommes, ivres, l’insultaient et chantaient des chansons grivoises, pendant que celui qui semblait être le chef essayait de la contenir. Dans la lutte, la fiole tomba d’une poche cousue dans la robe, et se brisa en mille morceaux sur le sol humide, laissant s’échapper un liquide jaunâtre d’origine douteuse. Maryse criait et se débattait. Elle voulait que quelqu’un l’entende, que quelqu’un vienne, mais ne savait-elle pas qu’à Paris, personne ne défendait les jeunes femmes sans défense ? Chacun menait sa vie et laissait les autres mener la leur. Alors, sans aucun espoir, les larmes se mirent à couler, faisant redoubler les rires des agresseurs.

    « Laissez-moi, je vous en supplie. Je vous donnerai de l’argent, mais laissez-moi partir.

    -Oh non, nous ne te laisserons pas. Tu voudrais peut-être qu’on s’incline devant toi, parce que tu es une de ces sottes qui nous regardent de haut ? On va s’amuser avec toi, petite demoiselle, et après tu ne vaudras pas mieux qu’une vulgaire prostituée !
    »


    A ces mots, bien qu’elle continuât de pleurer, Maryse ressenti une profonde colère et une haine qui accentuèrent ses tremblements. Elle approcha ses dents du bras qui la retenait par le poigné, et le mordit jusqu’au sang. Son agresseur cria. L’un de ses acolytes gifla celle qui osait se débattre, et, sous la violence du coup, elle tomba.




Dernière édition par Maryse d'Armentières le 15.08.11 17:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime27.07.11 20:03

    Jean Racine passa une main dans sa chevelure bouclée et ébouriffée avec désinvolture et hésita un instant à déposer sa carte sur la table de jeu crasseuse. L'atmosphère saturée de fumée et de rires, les ricanements égrillards et la chaleur qui régnaient dans la gargote lui tournaient la tête et l'empêchaient de réfléchir convenablement. Il sentit une goutte de sueur couler le long de son dos et frissonna. Après s'être épongé le front, sous le regard insistant de ses adversaires et les encouragements d'une domestique peu farouche, il finit par dévoiler son valet de trèfle. Le sourire goguenard de l'homme au visage carré installé en face de Racine lui apprit qu'il venait de perdre. Sans réagir, il vit partir sa mise dans les mains du vainqueur et sentit sa bonne humeur disparaître. Il lui semblait soudain qu'il n'était qu'un étranger dans cette gargote où tout le monde s'amusait, buvait et jouait. Il l'avait connu quand il n'était qu'un jeune homme d'une vingtaine d'années, un familier de l'hôtel de Luynes, un orphelin sans le sou contraint d'écrire des vers élogieux pour Mazarin en espérant qu'ils plairaient au ministre tout puissant. A l'époque, il était jeune et totalement insouciant. Lui et ses amis, son cousin Vitard et l'abbé Le Vasseur n'avaient rien à perdre, même pas une réputation. Les choses avaient changé. Certes, heureusement pour son honneur, ils étaient peu à connaître son nom. Le propriétaire de l'auberge, un vieil homme édenté qui gérait également le bordel, l'appelait toujours « le petit Jean » ce qui lui permettait de cacher le fait qu'il avait aujourd'hui ses entrées à Versailles et que le roi le lisait et le saluait. Il ne faisait jamais bon montrer que l'on était riche. Dans ce quartier particulièrement. Il y avait toujours de jeunes nobles qui déambulaient avec la visible envie de s'encanailler mais ils n'étaient pas inconscients au point de se déplacer sans leur rapière. Racine, lui, passait inaperçu malgré les sommes folles qu'il perdait aux cartes et aux paris sur des combats illégaux. Il connaissait suffisamment ce monde pour connaître son langage, ses us et ses coutumes pour se fondre dans cette foule peu fréquentable de vauriens, prostituées et autres canailles qui vivent de vols et de mendicité ou qui, après une journée ordinaire harassante, cherchaient à se distraire. A un moment donné, quand on le considérait comme un profiteur et un parasite, cela avait été son monde.

    - Une nouvelle mise, messieurs ?

    La voix enjouée du vainqueur de la soirée lui parvint à travers le brouillard qui enserrait son crâne et l'arracha à ses pensées. Un geste désinvolte de la main fit comprendre qu'il se retirait et il poussa sans délicatesse la jeune fille blonde assise sur ses genoux et qui assistait au jeu en s'agrippant à son cou. Elle eut une exclamation de protestation puis s'éloigna à grands pas, non sans avoir jeté un regard mauvais à Racine qui indiquait clairement qu'elle était furieuse de devoir trouver un autre client pour la nuit. Mais le dramaturge n'avait que faire de ceux qui l'entouraient et en titubant à moitié sortit de la gargote. L'air frais le revigora et il se mit à marcher d'un pas plus énergique pour s'éloigner de l'endroit où il avait passé la soirée. La nuit était tombée depuis longtemps maintenant et malgré tous les efforts de la police, les rues parisiennes étaient encore peu éclairées. De temps à autre, une torchère indiquait l'entrée d'une autre auberge ou d'une maison de joie, illuminant un instant le visage fatigué de l'auteur avant que celui-ci ne retourne dans l'ombre. Il était peu sûr de traîner dans les rues de Paris lorsque le soleil s'était couché et particulièrement dans ce quartier mal famé. Mais Racine n'avait pas peur. Il savait plutôt bien se défendre après tout. Et son insouciance lui donnait la tranquillité d'esprit.

    Il atteignit de nouvelles rues un peu plus animées et croisa un groupe de jeunes hommes visiblement bien avinés et impatients de découvrir les plaisirs qu'offrait la ville quand la police était endormie et la morale oubliée. En arrivant devant l'auberge où il avait l'intention de terminer la nuit, il eut un instant d'hésitation. La musique y était forte et des éclats de rire parvenaient jusqu'au dramaturge comme pour l'inciter à entrer. Mais Racine sentit la fatigue de plusieurs nuits blanches tomber sur ses épaules. Il n'avait guère écrit pendant la journée, trop occupé à somnoler sur son bureau de travail alors que ses comédiens avaient mené un joyeux tapage dans l'Hôtel dès les premières lueurs de l'aube. En prenant la décision d'entrer, il se traita mentalement d'idiot. Il était convoqué à Versailles dans peu de semaines pour présenter des passages de sa nouvelle pièce à la duchesse d'Orléans et au roi. Il n'avait quasiment pas avancé. Mais dans un sursaut de frivolité, il se dit qu'il avait bien encore le temps. Demain serait un autre jour.

    Alors qu'il s'apprêtait à pousser la porte, il distingua une silhouette sur sa droite qui attira son attention. Elle n'avait rien de bien particulier et on ne distinguait pas le visage de la femme qui était recouverte d'une cape sombre. Cependant, elle lui paraissait étrangement familière. Comme déplacée dans ce lieu sordide. Et plus que tout, elle sortait d'une bâtisse que Racine connaissait bien, non pour y être jamais allé mais pour ce qu'il avait entendu dire sur elle. La Voisin était l'une de ces femmes à la sinistre réputation. On murmurait que les femmes y trouvaient de quoi se débarrasser de leurs maris, séduire leurs amants et interrompre leurs grossesses non désirées. On lui avait même proposé de participer à qu'ils appelaient des « messes noires » pour qu'il puisse s'assurer la richesse et l'affection du roi mais sans doute grâce à un sursaut de son éducation janséniste et malgré son désir de voir tout cela de lui-même, Racine avait refusé avec hauteur. Il était là pour s'amuser, non pour prendre part à des actes de sorcellerie qui offensaient Dieu. Qui pouvait donc donner sa confiance à quelqu'un comme La Voisin ? Au vu du maintien de la femme, elle ne sortait pas du bas peuple, au contraire. Mais elle n'était pas accompagnée de serviteurs pour la protéger. Jean sentit la curiosité le gagner et malgré la fatigue et les nombreux verres qu'il avait déjà bus, il fit demi-tour et entreprit de suivre la silhouette encapuchonnée. Elle marchait d'un pas précipité comme si elle voulait sortir au plus vite de cet endroit, ce que le dramaturge pouvait comprendre mais montrait ainsi qu'elle connaissait parfaitement les rues de Paris. Elle ne semblait pas se rendre compte qu'elle était suivie. A vrai dire, Racine se tenait à bonne distance, en veillant à se tenir dans les zones d'ombre. Il crut un instant l'avoir perdue de vue après qu'elle eût tourné dans une ruelle déserte mais des rires gras lui indiquèrent qu'elle venait de rencontrer un groupe d'hommes peu fréquentables. Instinctivement, il pressa le pas mais ralentit en découvrant la scène. La jeune femme avait été prise à partie par cinq ou six hommes visiblement soûls qui l'insultaient et lançaient des plaisanteries grivoises. Racine hésita. Après tout, elle était bien stupide de se promener seule dans la ville à la nuit tombée...

    - Oh non, nous ne te laisserons pas. Tu voudrais peut-être qu’on s’incline devant toi, parce que tu es une de ces sottes qui nous regardent de haut ? On va s’amuser avec toi, petite demoiselle, et après tu ne vaudras pas mieux qu’une vulgaire prostituée !

    La cape de la jeune femme avait été déchirée et jetée à terre. Un instant, son visage maintenant découvert fut éclairé par le clair de lune et Racine n'en crut pas ses yeux. Il s'agissait... Mais comment ? Comment la princesse de Calenberg pouvait-elle se retrouver dans une ruelle sombre de Paris sans escorte, dissimulée comme une vulgaire voleuse ? Comment aurait-elle pu aller chez La Voisin ? La silhouette dégingandée de Racine était désormais bien visible mais les hommes de mauvaise vie étaient trop avinés pour se rendre compte qu'ils étaient observés. Pendant quelques longues secondes, le dramaturge resta immobile, figé par la stupéfaction alors que la princesse, ayant perdu toute sa morgue et son orgueil, tentait de se défendre. Mais ils étaient trop nombreux pour elle et elle était gênée par sa lourde robe qui indiquait sa richesse aussi sûrement que son maintien princier ou sa peau étrangement blafarde dans l'obscurité. Le dramaturge avait perdu toute capacité de réflexion. Il oublia qu'il n'appréciait que peu cette femme qui clamait un peu trop spontanément son amour de Molière et qui lui jetait des regards mauvais quand elle le croisait. Elle était l'épouse de Matthias de Calenberg et elle était sur le point de se faire violenter. Calenberg était le meilleur ami de Racine avec Boileau et ce fut surtout pour lui, plus que pour sauver une demoiselle en détresse (Racine n'avait jamais eu l'âme très portée sur le romantisme) qu'il s'élança en avant. Les brutes ne l'avaient toujours pas remarqué et furent surpris de voir surgir un homme un peu éméché entre eux et la jeune femme qui frottait sa joue rougie. Sans leur laisser le temps de réagir, Racine lança un formidable coup de poing en direction de celui qui avait osé frapper une dame de la cour. Il sentit au même instant une intense douleur et un craquement affreux se fit entendre. En gémissant, il ramena sa main aux os sans doute brisés contre sa poitrine alors que les acolytes du type semblaient enfin se réveiller. Certains d'entre eux prirent la fuite, en ayant sous doute peur que l'arrivée de Racine ne signifiât également celle du guet. Mais ils étaient bien trop nombreux pour un seul homme aussi bon au combat soit-il. Fou de rage, le dramaturge se jeta dans la mêlée et s'il réussit à assommer une autre canaille, il reçut un coup sur le crâne qui le laissa étourdi pendant quelques secondes. Il lui sembla voir la princesse récupérer sa vigueur et défendre chèrement sa peau mais il n'était plus sûr de rien.

    Lorsqu'il reprit ses esprits, il se trouvait assis contre le mur d'une maison. Le dernier homme avait fini par se décourager devant la résistance qu'il rencontrait. Racine tenta de bouger les doigts de sa main droite mais n'y parvint qu'au prix d'un nouveau gémissement de douleur. Sa main droite ? Comment avait-il pu se blesser à la main droite qui lui servait pour écrire ? Il sentit sa bonne amie, la colère, reprendre ses droits et se répandre agréablement dans ses veines. Quelle sotte ! Il leva le regard sur madame de Calenberg qui se tenait également au mur de l'autre côté de la ruelle qui était si petite que Racine pouvait voir les restes de larmes qui coulaient encore sur ses joues blanches et ses immenses yeux bleus apeurés. Quel sot il avait été ! Qu'est-ce qui lui avait pris de s'interposer pour défendre une femme qui ne lui avait adressé un mot gentil depuis qu'il la connaissait ? Malgré lui, il rompit le contact visuel et baissa les yeux vers le sol. Aux pieds de la jeune femme, un fiole, brisée. Et soudain, il se rappela la raison pour laquelle il l'avait suivie. Son teint blême de douleur vira brusquement au rouge. Elle... Cette femme qu'il avait toujours vue comme une dévote, se rendre chez La Voisin qui, disait-on, fricotait avec le diable ! Il frissonna et une autre pensée horrible lui traversa l'esprit.

    - Vous... Vous avez acheté une poudre de succession ?

    Son attention se reporta sur le visage de Maryse d'Armentières qu'il contemplait désormais avec une répulsion non dissimulée. Était-elle donc comme toutes ces femmes qui cherchait à se débarrasser de leurs maris ?
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MessageSujet: Re: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime31.07.11 21:05

    Maryse, issue de la noblesse, n’avait jamais vu une telle rixe. Des coups volaient, et elle ne voyait que poings, pieds et bras, jambes, sans pouvoir les discerner ni savoir à qui tout cela appartenait. La jeune femme avait vu un dernier homme se jeter dans la mêlée, et il souhaitait à priori la défendre. C’était une aide inespérée, un sauveur tant attendu, mais il était seul, face à plusieurs hommes ivres. Maryse s’était mise quelque peu de côté pour éviter d’attraper un coup. Elle n’osait appeler à l’aide, puisque cela ne ferait qu’empirer une bagarre déjà bien dangereuse. Alors qu’elle était la cause de ce combat, plus personne ne semblait se soucier de la demoiselle en détresse. Ils se battaient sans savoir contre qui ils donnaient des coups. Mais son chevalier servant prit un coup sur la tête, et Maryse ne s’en aperçut que lorsqu’il tomba, imposant un deuxième coup à son crâne lorsque celui-ci toucha le sol. Elle ne pouvait aller chercher son corps, puisqu’il était au milieu de la mêlée. Alors, pour éviter que son corps ne subisse d’autres coups, Maryse décida de prendre les choses en main, malgré sa grande peur et son peu d’expérience, nulle à la vérité, en matière de bagarres. Elle cherchait un moyen de se défendre, lorsqu’elle vit par terre les morceaux de verre de sa fiole brisée. Elle s’abaissa puis prit un morceau suffisamment grand pour pouvoir blesser. Les hommes, bien que leur ennemi soit neutralisé, continuaient de se battre entre eux tant l’alcool embrouillait leurs pensées. Maryse se mêla à eux, puis promena sur la joue de l’un d’entre eux le morceau de verre, qui dessina une profonde entaille. Le sang ne tarda pas à couler, suivi d’un cri de douleur. Un autre gifla la jeune femme, qui perdit l’équilibre, sans toutefois tomber. Quelques gouttes de sang perlèrent sur le sol, et le cri se faisait toujours entendre. L’homme blessé attrapa Maryse par le bras, et tenta de la frapper, mais celle-ci pointa le morceau de verre vers son œil. Elle n’hésiterait pas à le blesser une nouvelle fois pour sauver sa peau. Il la poussa fortement, et cette fois-ci elle tomba violemment par terre. Mais elle avait eu le mérite de leur faire peur, et les hommes prirent la fuite.

    Il fallut quelques minutes pour que Maryse reprenne ses esprits. Elle se demandait s’ils étaient vraiment partis, ou s’ils allaient revenir, avec peut-être des renforts. Elle attendit, tout en mettant sa main sur sa joue. La gifle avait été violente, et elle sentait encore la douleur. Une fois remise de ses émotions, Maryse se leva et se dirigea vers son héros. Il avait l’air quelque peu amoché. Mais, plus elle s’approchait de lui, plus elle avait l’impression de le connaitre. Une fois parvenue à sa hauteur, elle s’abaissa et le regarda de plus près. « Ah! » Le jeune homme ressemblait, à s’y méprendre, au dramaturge tant détesté. Oui, c’était bien sa bouche, ses sourcils et ses cheveux. Son chevalier servant n’était autre que Racine. Maryse porta une main à la bouche tant elle était surprise. Une kyrielle de questions ne tarda pas à envahir ses pensées. Mais, avant de trouver des réponses, il fallait enlever ce corps qui était allongé au plein milieu de la rue. Maryse le prit par-dessous les bras, et le traina, difficilement, vers un mur. Elle essaya de le réveiller, en tapotant ses joues et en lui parlant. L’envie de partir le plus vite possible se faisait ressentir. Après tout, peut-être ne l’avait-il pas reconnue. Il sentait quelque peu l’alcool, lui faire croire qu’il avait eu des hallucinations, s’il venait à s’en souvenir, ne serait pas difficile. Mais la princesse de Calenberg se sentait redevable. Elle savait qu’il ne la portait pas dans son cœur, et pourtant il lui avait porté secours. Alors elle s’installa face à lui, et attendit qu’il se réveille. Elle avait auparavant observé son crâne, et il n’avait pas de blessure grave. Il aurait juste une bosse. Elle regardait son visage. Que faisait-il là, au même moment au même endroit ? Ses yeux. La suivait-il ? Son nez. A la demande de Matthias ? Sa bouche. Ou était-ce le hasard ? Mais surtout, la jeune femme se demandait si le dramaturge irait confier cette scène à Matthias. Oserait-il ? Elle ne lui faisait pas confiance. Ne l’appréciait pas. Le supportait difficilement lorsqu’elle en était obligée. Il était étrange de l’observer avec Matthias, lorsqu’ils discutaient ensemble. Ils étaient si différents.

    Maryse observa la rue, et aperçut sa cape déchirée. Elle l’avait oubliée. Elle alla la chercher, puis s’installa de nouveau face à son meilleur ennemi. C’était en quelque sorte une guerre ouverte entre eux. Les joutes verbales les occupaient souvent. Mais il l’avait sauvé. Sans son intervention, elle aurait tout perdu. Une douleur se faisait toujours ressentir sur sa joue, et elle y porta à nouveau sa main. La rue était silencieuse. La princesse observait les moindres recoins, de peur de ne voir surgir de nouvelles menaces. Il s’en était fallu de si peu. Elle voyait la scène comme si elle la vivait une nouvelle fois. Le choc ne la prenait que maintenant. Elle sentit des larmes chaudes couler sur ses joues. Elle ne les essuya d’abord pas, les laissant caresser sa peau. Mais lorsqu’elle s’aperçut que le dramaturge ouvrait les yeux, elle s’empressa de les faire disparaitre. Leurs yeux se rencontrèrent, mais il baissa les siens. Maryse suivit son regard, et le vit se poser sur les morceaux de verre de la fiole. Une rougeur envahie ses joues. Rougeur de honte, alors que celle qui colorait les joues de Racine était de colère, cela se voyait aisément.

    « Vous…vous avez acheté une poudre de succession ? »

    Les yeux baissés, Maryse n’en ressentait pas moins tout le poids du regard de Racine. Il pesait sur ses frêles épaules, elle s’affaissait. Ses mots sonnaient comme une accusation, une terrible accusation. Alors, sentant qu’il était le juge et elle la coupable, elle sentit une profonde colère résonner en elle. Comment pouvait-il l’accuser d’une telle chose ? Comment pouvait-il la juger, lui qui la connaissait si peu ? Et surtout, comment pouvait-il se mêler de choses qui ne le regardaient pas ? Alors, lorsqu’elle croisa son regard plein de mépris, elle sentit la haine prendre le dessus. Maryse se redressa et regarda son interlocuteur.

    « Comment pouvez-vous m’accuser d’une telle chose ? Pour qui me prenez-vous ? Certes, j’ai fait l’acquisition d’une fiole, mais le liquide ne peut être reconnu à sa simple couleur. »

    Mais, en cherchant les raisons de cette accusation, Maryse comprit qu’il avait pu l’apercevoir aller chez La Voisin. L’avait-il vraiment suivie ? Il lui était désagréable de penser qu’elle était suivie, qu’on épiait ses faits et gestes.

    « Vous m’avez suivie, n’est-ce pas ? Comment osez-vous ?! Est-ce…Est-ce Matthias qui vous l’a demandé ? »

    Cette pensée était horrible. Son mari ne lui accordait-il que peu de confiance ?

    « Ecoutez. Je peux vous assurer que je ne souhaite pas donner la mort à mon époux. Cette fiole était destinée à…un autre usage, dit Maryse tout en cherchant ses mots. Mais ne dîtes pas un mot de tout cela à Matthias, je vous en supplie. Ainsi il ne saura rien de vos escapades nocturnes, à des moments que vous pourriez accorder à des activités plus…nobles. Parce que, même s’il vous a demandé de me suivre, je ne pense pas que cela comprenait l’absorption d’alcool…n’est-ce pas ? Ce sera, dirons-nous, notre petit secret. »

    Mais tout en l’observant, Maryse ne pouvait s’empêcher de penser qu’il l’avait sauvée. Et elle le considérait comme un moins que rien. Cela allait à l’encontre de ses principes. Elle lui était redevable, et ne pouvait se le cacher. Elle baissa les yeux quelques instants, ne voulant s’avouer vaincue. Tout en gardant les yeux baissés, parce qu’elle était parfois de mauvaise foi, elle ajouta :

    « Mais je dois avouer que vous m’avez sauvé la vie. Je n’ose imaginer… Merci, lâcha-t-elle dans un soupir. Je me vois obligée d’avouer que…je vous suis redevable. »

    Maryse était impatiente de quitter Jean Racine, de quitter les rues dangereuses de Paris et de retrouver son hôtel particulier. Mais son interlocuteur ne semblait pas pressé de prendre congé. Il faudrait encore le supporter, lui et son air suffisant. Insupportable.
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MessageSujet: Re: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime10.09.11 12:49

    Parfois, Racine regrettait de ne pas avoir un instinct de conservation plus développé. Cela aurait pu lui éviter de se retrouver dans ce genre de situation totalement abracadabrante. Lui, à moitié sonné par des coups qu'il venait de prendre dans une bagarre qui avait mal tourné, faisant face à une princesse dans une ruelle sombre de Paris. Elle qui le défiait du regard malgré sa situation peu avantageuse. Séparés par une fiole brisée et un abîme d'incompréhension.

    Il n'avait jamais apprécié madame de Calenberg et à vrai dire, moins il la croisait, mieux il se portait. C'était une de ces dévotes de cour qui avaient pour seule occupation dans leur vie de gâcher celle des autres. Enfin, c'était ainsi qu'il se la représentait. Une simple succession de visages courroucés. La mine ennuyée quand Racine saluait son ami Calenberg dans les couloirs de Versailles devant les autres courtisans. La mine fâchée, facilement reconnaissable à son petit nez froncé, quand il venait de temps en temps retrouver le prince en son hôtel. La mine désapprobatrice enfin quand elle les voyait rire ensemble. Racine n'aurait eu que faire de son animosité si seulement cela ne pouvait pas le desservir auprès du prince. Il avait craint que sous l'influence néfaste de son épouse, Matthias ne finisse par se détacher entièrement de lui et par refuser de le rencontrer. Mais cela n'avait pas été le cas, au contraire. La princesse s'était-elle seulement abstenue de critiquer les relations de son mari ? L'esprit, pourtant bien embrumé du dramaturge, ne fut pas long à trouver ce qui risquait bien de jouer en sa défaveur. Allait-elle profiter de toute cette scène pour montrer à Calenberg les fréquentations bien sordides de son meilleur ami ? Que derrière la façade de l'homme respectable, existait toujours l'orphelin sans le sou qui buvait comme un trou dans l'unique but de s'amuser ? Le poids de cette prise de conscience l'affaissa un instant. Il n'avait que peu de relations qui lui étaient aussi chères que le lien qu'il partageait avec le prince germanique. Ou peut-être avec Boileau. Depuis qu'il avait rompu tout lien avec sa famille, ils étaient les seules personnes à qui il pouvait se confier en presque toute sincérité. Bien étrange lorsqu'on songeait qu'ils n'avaient que peu de choses en commun avec le prince. Ce dernier était issu de la fine fleur de la noblesse européenne, menait un train de vie royal, était fidèle et posé, laissait parler son esprit et sa raison et non ses sentiments. L'exact opposé du dramaturge. Mais l'amitié ne se commandait pas. Le théâtre et l'art pouvaient rapprocher bien des hommes.

    Mais il se rendit compte que s'il n'avait jamais apprécié madame de Calenberg, il ne la connaissait pas. Elle venait de le lui démontrer. Racine sentit son regard s'adoucir un petit peu. Après tout, la scène était particulièrement comique. La présence de la princesse était si déplacée en ce lieu. Qui aurait pu croire que cette dévote sortait seule dans les ruelles sombres de Paris pour se fournir en onguents chez une vieille sorcière ? Maryse d'Armentières semblait cacher de nombreux secrets au monde et Racine se sentit intrigué pour la première fois depuis longtemps. Après tout, tous ces courtisans au visage poudré et aux perruques bien ondulés étaient si faciles à classer ! Les flagorneurs, les précieuses à l'esprit brillant et à la langue de vipères, les dévots hypocrites... Il ne pouvait qu'être surpris de voir une de ces personnes sortir de sa case pour prendre un peu plus d'épaisseur. Il sourit intérieurement devant la situation mais se rembrunit. Une empoisonneuse ? Madame de Calenberg se révélait-elle être une meurtrière ? Cela faisait plusieurs mois qu'il se disait des choses dans Paris à propos de La Voisin et de ses condisciples. Le pouvoir ne s'y intéressait pas, trop occupé à démêler le vrai du faux dans les rumeurs de complot à Versailles mais Jean Racine connaissait assez bien les bas-fonds pour savoir qu'il n'y avait pas de fumée sans feu. Surtout lorsqu'on évoquait les poisons. Matthias était-il au courant des petites excursions de son épouse ? Allons, question stupide, mon vieux Racine ! Il connaissait assez bien les principes de son ami pour savoir que celui-ci ne permettrait jamais ce genre de pratiques. Et il n'aurait jamais laissé son épouse sans protection.

    Face à lui, alors que ses pensées tourbillonnaient à toute allure, Maryse d'Armentières semblait s'affaisser. Oh certes, elle gardait son air de princesse outragée mais elle n'osait pas le regarder dans les yeux et Racine se trouvait assez près pour distinguer deux petites rougeurs sur ses pommettes. Pendant un instant, il crut avoir raison et fut frappé d'horreur. Il fallait prévenir Matthias de ce qui se tramait ! Il tenta de se redresser mais sa tête lui tourna un peu et il préféra se montrer raisonnable et rester assis. Pendant ce temps, la princesse reprenait contenance. Elle avait récupéré une bonne partie de sa morgue et de son mépris pour le dramaturge. Certes, il venait de l'accuser de la pire chose qu'il soit mais dans ce contexte, cela lui semblait à peine déplacé.

    - « Comment pouvez-vous m’accuser d’une telle chose ? Pour qui me prenez-vous ? Certes, j’ai fait l’acquisition d’une fiole, mais le liquide ne peut être reconnu à sa simple couleur. »

    Racine faillit éclater de rire mais l'affaire devenait trop grave pour qu'il puisse prendre les choses avec légèreté comme il le faisait pourtant si souvent. Pour qui la prenait-il ? Pour une femme qu'il avait toujours cru honnête à défaut d'être agréable mais qui se révélait dissimuler des secrets qui feraient frémir les salons parisiens et la cour de Versailles. Le simple fait qu'elle se trouvait là, dans la nuit, seule et cachée sous une cape prouvait qu'elle ne pouvait faire que quelque chose de répréhensible. Et donc que cette fiole ne contenait pas que de l'eau. Il allait le lui faire remarquer mais elle ne lui laissa pas le temps de répliquer :

    - « Vous m’avez suivie, n’est-ce pas ? Comment osez-vous ?! Est-ce…Est-ce Matthias qui vous l’a demandé ? »

    Racine soupira. La jeune femme n'était pas stupide et il ne pouvait désormais plus nier qu'il l'avait filée. Ah non mais vraiment, quel enquêteur de pacotille ! Sa voix s'était faite plus courroucée lorsqu'il répondit :

    - Non... Pauvre diable ! S'il savait... J'ignorais votre identité lorsque je vous ai vu sortir de la boutique de cette... La Voisin. C'est la simple curiosité qui m'a poussé sur vos pas. Mais vous me semblez mal placée pour le regretter, termina-t-il avec une sorte d'indignation.

    Mais la princesse ne prêtait guère d'attention à ce qu'il pouvait bien dire. Elle semblait avoir l'impression d'être prise au piège et rechercher une sortie qui lui permette de conserver son honneur. Jean bondit sur ses pieds en l'entendant le menacer. Une fois de plus, la tête lui tourna et il dut se raccrocher au mur pour ne pas s'effondrer. Il prit une profonde inspiration mais ne put parler immédiatement. Avait-il vraiment l'intention de rapporter cela à son ami Matthias ? En toute honnêteté, il l'ignorait. Il aurait voulu répondre oui car il mettait un point d'honneur à respecter ses valeurs, en tout cas dire la vérité à ses amis en faisait parti mais il ne voulait pas blesser ce dernier. C'était une bonne manière d'éloigner la peste qui se trouvait devant lui toutefois... Racine secoua la tête. A quoi pensait-il ? Elle le tenait. Aussi bien qu'il la tenait. Lorsqu'il croisa le regard de la princesse, sa colère reprit le dessus. Pour qui se prenait-elle cette idiote qui avait bien failli être à jamais déshonorée dans un caniveau de Paris, voire y rester ?

    - Je vous trouve particulièrement ingrate. Je viens de me battre pour sauver votre honneur alors que vous avez l'inconscience de vous promener ici à cette heure indue et la première chose qui vous me dites, ce sont des menaces ! J'espère en effet que vous vous sentez redevable...

    Sa voix forte s'était un petit peu éraillée. De nouveau, il se sentait mal. Le coup qu'il avait reçu avait été plus fort qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Il se reposa contre le mur crasseux et se passa une main sur le visage. Il lui semblait que ses pensées étaient toutes embrouillées.

    - Je ne dirais rien à votre époux. Ai-je vraiment le choix ? Demanda-t-il avec un ricanement qui ne lui ressemblait que peu mais qui laissait entrevoir sa rancœur, mais sachez que ce n'est pas tant pour vous que pour le prince. Il serait terriblement attristé de perdre confiance en une épouse cachottière et un ami fidèle, car oui, c'est cela que je suis, quoique vous en disiez. Mais j'aimerais juste que vous me disiez l'usage que vous comptez faire de cette fiole. Je sais qu'il ne s'agit pas de mes affaires mais je ne peux que vous conjurer de rester prudente.

    Il ajouta avec un ton sarcastique :

    - Et ne me racontez pas que c'était pour quelqu'un d'autre. Une princesse ne fait pas les courses de ses domestiques.

    Il s'inquiétait toujours pour Matthias en réalité. Évidemment l'accord qu'il venait de passer ne tiendrait pas si sa vie était en danger.

    - Et si nous sommes quittes sur nos petits secrets respectifs, j'aimerais vous demander une faveur concernant cette... Petite bagarre..., ajouta-t-il, pourriez-vous faire l'effort de vous montrer aimable avec moi ? Je n'ai que faire de ce que vous pensez de ma personne, je souhaiterais simplement que vous cessiez de désapprouver les relations de votre époux avec moi.


    En réalité, en cet instant, il espérait simplement qu'elle se décidât à partir pour pouvoir vérifier s'il avait récupéré l'usage de ses jambes et s'il n'allait pas s'effondrer au bout de trois pas.
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MessageSujet: Re: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime10.11.11 22:03

Spoiler:

Elle aurait aimé partir. Partir et le laisser là, ce poète qu’elle maudissait tant. Mais il l’avait aidé, peut-être même sauvé la vie, et Maryse, dans sa piété chrétienne, ne pouvait se résoudre à abandonner Jean Racine. Elle lui devait bien ça, après tout. Elle n’avait pu s’empêcher de l’accuser. Mais l’avait-il vraiment suivie ? La princesse savait bien que le dramaturge hantait les rues de Paris, et ce n’était pas pour la suivre. Mais voilà, il l’énervait. Elle ne supportait pas sa présence. Il l'insupportait lorsqu’il rendait visite à Matthias, dans leur hôtel. Mais elle ne disait rien, n’avouait pas ce dégout à son époux. Et, ironie du sort, c’était ce Racine qui l’avait sauvée des dangereux ivrognes. C’était ce Racine qui était intervenu dans la bataille pour la sauver. Maryse soupira. Un soupir de détresse. Elle ne pouvait pas lui mentir, mais le devait. Jean Racine, comme s’il devinait ses pensées, nia l’avoir suivie. Elle devait admettre qu’elle le croyait. Néanmoins, la peur de voir son secret dévoilé aux yeux de Matthias ne la quittait pas. Elle n’était pas amoureuse de Matthias, elle ne ressentait pas un amour véritable comme on en lit dans les livres. Mais elle le respectait profondément, et jamais Maryse n’aurait voulu le décevoir. La princesse dut sortir de ses pensées lorsqu’elle vit Racine se lever, tant bien que mal, et se tenir au mur. Il n’était pas tout à fait remis du coup qu’il avait pris sur la tête. Mais Maryse restait assise. Il était en position de supériorité, debout, elle assise. Maryse aurait pu se lever, pour être au même niveau que lui, comme s’il était son adversaire. Mais elle ne s’en sentait pas la force. Elle leva les yeux vers lui, et il lui dit :

« Je vous trouve particulièrement ingrate. Je viens de me battre pour sauver votre honneur alors que vous avez l'inconscience de vous promener ici à cette heure indue et la première chose qui vous me dites, ce sont des menaces ! J'espère en effet que vous vous sentez redevable...


-Je me sens redevable, en effet, monsieur. Mais pas au point de vous dire ce que je fais dans les rues. Pourquoi sauver des personnes, si c’est pour en réclamer des choses ? Je ne vous dois rien, si ce n’est des remerciements. Et je vous les ai faits, si je me souviens bien. »

Maryse essayait par tous les moyens d’échapper aux questions inquisitrices de Racine. Elle ne pouvait lui avouer se secret honteux. Non, elle ne pouvait pas. C’était impossible. Si elle lui disait, il irait le répéter à Matthias, et là, c’en serait fini des activités d’espionne de Maryse, alors qu’elle adorait ça. Etre espionne lui permettait de se sentir utile, même si ses « missions » n’étaient pas toujours très intéressantes. Mais au moins, elle servait Louis XIV. Elle ne faisait pas que des choses futiles. Alors non, Racine ne pouvait pas lui enlever ça. Maryse allait lui demander une nouvelle fois de ne rien dire de cette rencontre pour le moins originale, lorsque Racine prit la parole :

« Mais j'aimerais juste que vous me disiez l'usage que vous comptez faire de cette fiole. Je sais qu'il ne s'agit pas de mes affaires mais je ne peux que vous conjurer de rester prudente. Et ne me racontez pas que c'était pour quelqu'un d'autre. Une princesse ne fait pas les courses de ses domestiques. »


Maryse, honteuse, baissa les yeux. Racine semblait se préoccuper d’elle. Ce n’était peut-être qu’une impression, peut-être prenait-il ce ton pour l’amadouer. Mais Maryse aurait presque osé lui faire confiance. Presque. Elle répondit :

« Je ne faisais certes pas mes courses pour mes domestiques. Ils peuvent aller les faire eux-mêmes. L’usage que je compte faire de cette fiole ? Eh bien, maintenant, je ne plus en faire grand-chose, ajouta-t-elle avec un rire. Vous semblez vous inquiétez pour moi, même si je ne devrais pas croire que c’est pour ma petite personne, n’est-ce pas ? Vous pensez plus à mon époux, à sa réputation. N’ayez crainte, il ne court aucun risque. Mais puisque cela vous inquiète à ce point, je vais vous dire. Cette fiole me permet de rester à Paris. Cette fiole me permet de vivre ma vie à la Cour du Roi. Vous n’en saurez pas plus. »

Répondre aux questions sans trop en dire, telle était la volonté de Maryse. Elle n’avait pas menti à l’ami de Matthias. Mais elle n’avait pas non plus avoué son secret. Fière de sa réplique, elle se permit un sourire ironique à son interlocuteur. Il ajouta :

« Et si nous sommes quittes sur nos petits secrets respectifs, j'aimerais vous demander une faveur concernant cette... Petite bagarre..., pourriez-vous faire l'effort de vous montrer aimable avec moi ? Je n'ai que faire de ce que vous pensez de ma personne, je souhaiterais simplement que vous cessiez de désapprouver les relations de votre époux avec moi. »


Peut-être avait-il raison. Leur petite guerre ne mènerait à rien de bon. Enfin, c’était surtout elle qui menait sa petite guerre contre Racine, bien qu’elle n’ait jamais osé le critiquer devant Matthias. Jamais elle n’aurait osé remettre en cause les liens qui unissaient Matthias et Racine. Mais envers ce-dernier, Maryse était particulièrement désagréable. Railleries, regards méprisants et choqués à son encontre, elle ne pouvait s’empêcher de laisser transparaitre ses sentiments. Mais il l’avait aidé. Il lui avait sauvé la vie. Après un soupir (elle ne pouvait tout même pas être entièrement gentille avec lui ! Il restait un débauché malgré tout), elle répondit :

« Je reconnais n’avoir pas toujours été agréable avec vous. Sachez tout de même que je n’ai jamais fait part de mes ressentiments envers vous à Matthias. Peut-être les a-t-il devinés, mais je ne lui ai rien dit. Néanmoins, je tenterai à l’avenir de cacher ce que je pense de vous. C’est le mieux que je puisse faire. »

Maryse remarqua, au regard de Racine, qu’il ne serait pas capable de se déplacer seul. Prenant sur elle, elle ajouta :

« Vous ne semblez pas tout à fait remis de votre coup. Je ne pense pas que vous soyez capable de rentrer chez vous seul. Je vais vous aider, après tout, je vous dois bien ça. »

Maryse et Racine, de nouveaux grands amis ? Non, pas du tout. Ce serait une relation de courtoisie un peu hypocrite de la part de Maryse. Si elle parvenait à cacher un rictus désapprobateur lorsque le dramaturge irait rendre visite à Matthias. Rien n’en était moins sûr.

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MessageSujet: Re: Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse]   Quand les catastrophes sont dignes des plus grandes tragédies [Racine&Maryse] Icon_minitime02.03.12 23:28

Maryse de Calenberg tentait à tout prix de botter en touche et d'échapper aux questions de Racine, questions certes personnelles mais tout à fait justifiées par les circonstances selon le dramaturge. Il leva les yeux au ciel devant la réplique de la toute jeune femme et son ton qu'il trouvait particulièrement désagréable, sans savoir si c'était un effet de son imagination ou pas. Il avait bien conscience que son mode de vie la répugnait mais pourquoi ne parvenait-elle pas à passer outre et à sauver les apparences comme toutes les autres dames de la cour lorsque quelqu'un leur déplaisait ? La princesse manquait-elle à ce point d'hypocrisie pour ne pas simplement avoir appris à sourire quand les circonstances l'exigeaient ? Assise par terre, le dos collé au mur, Racine avait l'impression de se retrouver face à une enfant prise en faute. Oui, c'était exactement cela : une fillette qui voulait lui faire jurer de garder le secret. « Croix de bois, croix de fer ». Ce n'était pas parce que Jean n'avait pas grandi dans une famille aimante mais sur les abords d'une abbaye, pris en charge par de vieux maîtres aux longues barbes blanches, sages et sérieux que le petit garçon ne l'avait pas vécu. Lui et ses camarades des petites écoles commettaient régulièrement quelques forfaits et ils se promettaient mutuellement de ne rien en dire à la mère abbesse ou à Nicole qui les terrifiait tous avec son grand bâton qui servait à raisonner les récalcitrants. Il était en soi plutôt amusant que Racine se retrouvât dans cette même situation avec quelqu'un comme la princesse de Calenberg, la dernière personne à laquelle il aurait pensé faire un serment. Sauf que ce soir-là, il n'était pas question d'avoir dérobé un livre dans la grande bibliothèque d'Antoine Le Maître ou des pots de confiture dans les réserves de Port-Royal. C'était une affaire beaucoup plus grave.

Leur conversation prenait des tours de joute verbale mais malgré sa position dominante et sa virtuosité des mots, Jean Racine avait conscience d'être en position de faiblesse. Il l'avait surprise à un endroit où elle n'aurait pas du être, il l'avait sauvée d'une bande d'hommes malintentionnés mais il n'avait rien contre elle. Il ne pouvait de toute façon pas l'obliger à lui parler et il ignorait totalement ce que pouvait bien contenir cette maudite fiole. Il ne savait pas grand-chose de son passé mais elle n'avait pas l'air d'être une de ces femmes qui tombait facilement dans ces sottises de sorcellerie et de poudres de succession. Elle ne cherchait pas à se donner l'apparence de la piété, elle était vraiment pieuse. Ce fut cette pensée qui rasséréna un peu Racine et lui conduisit à penser qu'après tout, Matthias ne devait rien craindre de son épouse. Maryse semblait bien incapable de faire du mal à qui que ce soit. Et la position de la jeune femme, sa fragilité et le fait qu'elle ressemblât à une enfant poussèrent le dramaturge à ne pas lui en demander plus. Bon, il fallait avouer que la douleur qui l'élançait dans son crâne et son poignet tordu le poussaient aussi dans ce sens.

A sa grande surprise toutefois, Maryse d'Armentières lâcha un début d'explication. Au vu de son ton, elle avait soigneusement calculé ses mots et sa réticence était visible. Loin d'éclairer Racine, l'idée que la fiole pouvait lui permettre de rester à la cour le plongea dans la perplexité. Il ne comprenait absolument pas ce qu'elle cherchait à lui dire par là. Était-elle menacée ? Voulait-on la voir quitter Versailles ? Allons, c'était ridicule, qui pourrait bien vouloir une telle chose ? En avait-elle seulement parlé à son époux ? Bien sûr que non, sinon elle ne serait pas ici après s'être rendue sans aucun chaperon chez cette femme à la réputation détestable, La Voisin. Pendant un instant, il ressentit une vague de pitié pour la princesse. Que cachait-elle d'autre ? Y avait-il des secrets plus honteux derrière cette façade de sainte ? Mais cet élan fut vite brisé par le sourire qu'elle lui adressa. Elle se trouvait à terre mais se permettait de lui faire montre d'une ironie mordante. Et Racine songea méchamment qu'elle devait avoir plus d'ennemis qu'on pouvait le penser à prime abord. Il connaissait assez de noms de libertins qu'elle avait pu offenser avec son ton sentencieux et qui auraient été ravis de se débarrasser d'elle. Et s'il ne s'incluait pas dedans, c'était uniquement parce que son départ aurait rendu malheureux Matthias. En tout cas, Maryse d'Armentières, sans forcément le vouloir, venait de briser le fragile lien qui venait de se tisser entre eux. Racine (s'il avait eu pleinement conscience de ses moyens) aurait pu profiter de cette occasion pour se réconcilier avec elle mais c'était désormais trop tard. En face de lui, après l'enfant et la possible victime d'un chantage odieux, se trouvait à nouveau l'insupportable pimbêche donneuse de leçons. Il ne songea même pas à protester des accusations de la jeune femme et leva les yeux au ciel pour se donner une contenance en faisant un geste de la main. Une vive souffrance lui vrilla l'avant-bras pour lui rappeler qu'il était blessé et lui arracher une grimace.

Enfin, si leur petite guerre officieuse s'interrompait après ces événements, cette soirée ne serait pas totalement une catastrophe. Bien sûr, sur quoi reposait leur entente ? Un chantage mutuel. Chacun dépendait de la bonne volonté de l'autre. Certes, ce n'était pas la meilleure solution pour débuter des relations sur une bonne base mais Racine était prêt à s'en contenter. Elle avait plus à perdre que lui, son époux, sa réputation, son honneur, il savait qu'elle se tairait. Et pour Matthias, le dramaturge tenterait de se montrer aimable avec elle. Du moins, essayerait-il d'esquisser un sourire lorsqu'elle pénétrerait dans la pièce où les deux hommes se trouveraient. Peut-être même la complimenterait-il. Il n'était pas mauvais dans ce jeu de faux-semblants, il le pratiquait régulièrement à Versailles devant ces nobles poudrés et ridicules. Mais il savait qu'elle ne tomberait pas dans ce piège et qu'il continuerait à la détester pour être l'image même de ce qu'il détestait, une bigote cachottière et agaçante.

- Très bien, madame. Je ne dirai mot à quiconque sur cette petite... Mésaventure, je m'y engage à mon tour. Et je prends note de votre bonne volonté, j'apprécie grandement vos efforts et je suis persuadé qu'il en sera de même pour votre époux.

Le pacte était conclu. La princesse se redressa à son tour mais Racine ne fit pas un mouvement vers elle pour l'aider. Après tout, il était blessé, non ? Il fallait bien que cette situation ait quelques avantages. Lorsqu'elle proposa de le raccompagner, il eut un maigre sourire qu'il tenta de faire passer pour reconnaissant.

- Je vous remercie de votre profonde gentillesse. Je vais un peu mieux et j'ai moins de vertiges mais je préfère que nous ne rentrions pas séparément, comme vous avez pu le remarquer, les rues de Paris sont peu sûres la nuit – le sont-elles seulement le jour ? Ironisa-t-il, en gardant toutefois un ton sérieux, sans compter qu'il est possible que vos agresseurs attendent que nous soyons seuls pour revenir se venger. Allons tout d'abord à l'Hôtel de Bourgogne, je demanderai à l'un de nos domestiques de vous raccompagner jusqu'à l'hôtel Calenberg.

Curieux couple, vraiment pour ceux qui pouvaient les observer à leurs fenêtres. Des amis ? Certes non. Des alliés ? Peut-être. En entraînant sa jeune compagne sur le chemin pour rentrer chez lui, Racine se fit la réflexion que jamais il ne pourrait faire confiance à Maryse d'Armentières. Et que désormais, il garderait un œil sur elle.


The End
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