Paris de Longueville
« s i . v e r s a i l l e s »Côté Coeur: Une servante de ma connaissance...Côté Lit: la servante sus-citée l'a déserté, profitez-en!Discours royal:
ADMIN BIZUT Phoebus ৎ Prince des plaisirs
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► Date d'inscription : 12/01/2010
| Sujet: Au nom du père [RP unique] 15.07.10 23:54 | |
| -Entrez, mon fils, je vous prie. Par ici.
Le regard sombre braqué sur les dalles qui se succédaient sous ses pas résonnant, Charles-Paris de Longueville suivait la silhouette de la religieuse qui le précédait.
Voilà bientôt trois longs mois qu’il n’avait pénétré entre ces murs, et à nouveau, cette sensation d’étouffement le saisit, le laissant se souvenir de la raison pour laquelle il évitait scrupuleusement ces venues trop fréquentes. Les murs de pierre défilaient sous ses yeux, et il étouffa un soupir las, au moment où la religieuse stoppa sa marche, et indiqua silencieusement une lourde porte de bois.
Il jeta un œil inquisiteur à sa guide, et à son sourire doux, accompagné d’un regard franc, il poussa sans un mot le battant, laissant-là la femme qui déjà repartait dans le sens inverse.
-Charles ! Mon cher enfant !
Encore face à la porte du parloir, le jeune prince de Neuchâtel frémit en entendant cette voix si lointaine, et pourtant familière. Combien de temps l’avait-il laissé de côté dans son esprit ? Ce seul timbre réveillait en lui de vieux souvenirs enfouis, qu’il gardait bien conservés au fond de sa mémoire, sans les laisser un instant transpirer.
Il se retourna, et dans un toussotement poli, s’avança vers la petite grille, laissant apparaître le visage d’Anne-Geneviève de Longueville. A chaque vision de cette figure maternelle, encadrée par ce voile sombre, Paris ne pouvait s’empêcher de sentir son cœur se serrer. Il avait d’elle ces éternelles visions de Normandie, où sa chevelure encore blonde pâlissait sous les effets du temps. Etait-elle blanche, à présent ? Nulle mèche échappée ne pouvait lui indiquer la réponse à cette question, mais les traits marqués de la duchesse laissait présager une hypothèse probable.
Sa voix s’éteignait presque dans un souffle, cachant sous ces tons feutrés toute la fougue dont elle avait fait preuve bien des années auparavant. A peine vingt ans avaient passés, et vingt ans avaient laissé la fougueuse jeune femme qu’avait été Anne-Geneviève de Longueville devenir cette religieuse dévote et silencieuse. Il posa sur elle ce regard doux, comme compatissant, n’osant lever les yeux vers ce voile.
-Tu n’es pas venu me voir depuis bien longtemps, mon enfant ! Ai-je donc été si ingrate envers toi, pour que tu m’oublies ainsi ?
-Mère…je pense chaque jour à vous, soyez-en certaine. Comment pouvez-vous douter de mon affection pour vous ?
-Ton absence, Charles. Aucune lettre ne me parvient plus, et je reste ainsi seule avec le Seigneur, à prier pour qu’il te pardonne ces actes dont tu te faites l’auteur.
Le jeune duc ne su que répondre à cette douce réprimande. Il savait que trop bien combien les bruits de la cour pouvait parvenir au carmel, malgré l’épaisseur des murs de pierre. Il n’y avait qu’avec cette figure maternelle que le jeune homme ne pouvait trahir, et malgré la pénombre, la duchesse voyait sur le visage de son fils cette contrition qui le rendait si enfant à ses yeux. Elle revoyait ces années normandes, où l’enfant était pour elle cette source de joie, ces souvenirs pourtant si douloureux, éclairer ses journées. A tout jamais, il était ce visage de sa liberté, et de mois, d’années auprès de celui qu’elle aimait alors.
Combien tout cela lui avait coûté ! Mais jamais une once de regret ne venait assombrir l’humeur de la duchesse, et cette présence emplissait de jeunesse la triste pièce.
Elle saisit doucement la main de son enfant, et Paris s’assit docilement, sentant que la moindre désobéissance de sa part pouvait attrister sa mère. Il sentit ces doigts resserrer sa main, et cette chaleur qu’il semblait avoir oublié en Normandie lui revint doucement, comme la sensation d’un bain chaud dans cette fraîcheur d’hiver.
-Pardonnez-moi, mère, si je ne suis pas à la hauteur de vos attentes….
-Hélas, Charles, le coupa Anne-Geneviève ! Chaque mot qui me revient de la cour te concerne, et me fait frémir dans mon cœur de mère ! Je n’ai jamais souhaité te voir ainsi te fourvoyer, et je sais que tu possèdes bien plus d’atouts que tu ne le montres.
Le jeune homme ne sut que répondre, et sentant une pression supplémentaire sur ses doigts, s’empressa de retirer sa main, afin de ne pas laisser ce trouble l’envahir. Le regard posé sur les dalles de pierre, il n’osait lever les yeux vers celle qu’il savait tant chérir, mais qu’il pouvait accuser de tous ses maux. Elle était la seule à lui faire sentir cette culpabilité sans cesse grandissante en ces instants.
-Je les utilise, mère, ces atouts, se défendit le jeune homme. Ma tante sait me féliciter de mon esprit, mon oncle loue mes talents militaires, et ma sœur…
-Ton oncle n’est pas le modèle que je souhaite te voir suivre aveuglément, le coupa à nouveau la duchesse de Longueville. Malgré toute l’affection que je lui porte, il ne reste pas moins trop…sanguin pour qu’il soit à la hauteur de mes espérances.
Le jeune homme déglutit difficilement à ces mots, et la légère rancœur qu’il voulait tant étouffer rejaillit insidieusement. A nouveau, seules les reproches faisaient partie de ce lot de remarques, et aucun éloge ne venait atténuer le discours maternel. Il soupira silencieusement, ne relevant les critiques, mais déjà, les écoutilles se fermaient aux remontrances pourtant douces.
-Quant à Gabrielle, je souhaiterais que tu puisses te rapprocher d’elle, comme un frère d’une sœur ! Mon fils, tu es le seul sur qui repose notre famille, ton frère…ne possédant pas tes…talents. Vous voir éloignés, Gabrielle et toi, me déchire, Charles-Paris.
La tristesse dans cette voix qu’il avait connu si forte acheva Paris, et dans cet élan affectueux, reprit la main de sa mère en la serrant doucement. Néanmoins, les mots avaient frappé juste. Qu’avait pu dire Gabrielle à son sujet ? Avait-elle émit l’idée d’une possible mésentente entre eux ? Il ressentit une vive contrariété à l’idée que Gabrielle aie pu laisser glisser quelques mots sur son attitude, et faire entendre à leur mère qu’il s’éloignait d’elle plus qu’il n’en n’était en réalité. Il soupira à nouveau, moins silencieusement, et tourna son visage vers celui de sa mère.
-Vous savez combien nous savons nous être mutuellement malfaisants l’un envers l’autre, mère, émit-il avec un léger sourire.Mais derrière ces mots, ne doutez pas de cet amour fraternel qui nous lie. Il sera toujours plus fort que ces querelles entre une sœur et un frère.
Paris n’était pas lui-même certain de ses propres paroles, et doutait qu’ils atteignent sa mère, mais celle-ci semblait convaincue, par le doux sourire qu’elle lui rendit. Combien aimait-il la voir sourire ainsi ! Elle avait gardé ce don naturel de séduire sans le chercher, et toute cette tendresse ressortait en ce seul sourire, réchauffant à nouveau le cœur de son jeune fils.
-Ne l’accables pas, Charles ; tu sais combien tous deux me ressemblez, et je ne souhaiterais pas te voir la priver de cette liberté qu’elle s’est naturellement octroyé. Son entourage est, j’en suis certaine, bénéfique à son imprégnation à la cour !
-On la dit aussi vive d’esprit que vous, mère, appuya Paris sans pour autant croire à l’innocente liberté de Gabrielle.
-Un jour viendra où il faudra qu’elle prenne mari, Charles. Assures-toi qu’elle ne se fourvoie pas.
-Bien sûr, mère, mentit le jeune homme. Il détestait cacher une seule vérité à sa mère, mais lui avouer ses réelles intentions au sujet de Gabrielle achèverait de faire douter leur mère sur leurs relations parfois si conflictuelles.
-Et ne cherches pas à lui imposer tes choix, comme tu savais si bien le faire dès l’enfance, ajouta d’un ton plus froid Anne-Geneviève.
Paris toussota pour éluder une réponse embarrassante, et se contenta d’un bref sourire peu convaincant. Qu’importe les désirs de leur mère, celle-ci, en s’enfermant dans ce couvent, avait scellé leur liberté.
-J’aurais également souhaité t’entretenir de ta propre situation, Charles-Paris, continua la duchesse d’une voix plus douce. Ne t’y opposez pas à peine ma proposition faite je te prie ! Attends de l’entendre.
Le jeune homme avait levé un sourcil inquisiteur, et le cœur battant à l’idée d’une idée trop éloignée des réalités de ce monde, il attendit fébrilement, non sans inquiétude, que sa mère poursuive.
-Sur tes épaules repose notre famille, Charles. Tu as atteint tes dix-huit ans, et tu sais que bien qu’enfermée dans ce cloître, les nouvelles de notre monde me parviennent. Laisses-moi continuer, Charles, l’interrompit-elle doucement, alors que le jeune homme souhaitait répliquer. La guerre va bientôt faire entendre ses canons, et les louanges de ton oncle Condé vont certainement t’offrir un commandement, loin de Versailles et de ses turpitudes.
A présent, le chemin était clairement tracé dans l’esprit de Paris, mais l’inquiétude grandissante le fit se taire et laisser finir sa mère.
-Ma plus immense douleur serait de te perdre, Charles-Paris. Plus grande encore serait-elle si aucune descendance ne vient faire perdurer notre nom si glorieux.
Il sentit la main fébrile de la duchesse sur la sienne, et réalisa que cette peur était trop réelle pour être feinte.
-J’y songerais, mère, promit-il presqu’à contrecœur.
-J’y ai songé avant toi, Charles. Laisses-moi poursuivre. La jeune sœur de la favorite actuelle du roi est arrivée à la cour récemment. Mary of Leeds, une délicieuse jeune femme, cultivée, anglaise, pleine de charme et d’intelligence.
Tu n’ignores pas être dans les bonnes grâces du roi, tant que tes exploits personnels ne ternissent ton image. Songes qu’une telle alliance pourrait non seulement raffermir notre ascendance vers l’Angleterre, mais également te rapprocher du roi, qu’on dit fort épris de la duchesse de Guyenne.
Tutrice de sa jeune sœur, je souhaiterais donc la rencontrer, afin de lui parler de ce projet. Mon fils, tu ne seras point ingrat en remettant à la duchesse cette missive que je lui envoie.
Saches que je trouverais d’autres émissaires si elle ne lui parvint pas, ajouta-t-elle non sans malice.
-Les favorites passent, mère, réussit à prononcer Paris d’un ton bougon, saisissant néanmoins la lettre cachetée.
L’idée seule d’un mariage l’angoissait plus qu’il ne souhaitait l’admettre, et une union avec la jeune sœur de la favorite finissait de creuser la tombe déjà ouverte. Il remettait la jeune femme à son esprit. Aveugle de naissance, mais certes charmante et cultivée, qu’on disait d’une agréable compagnie. L’idée d’un mariage le rebutait, d’autant plus avec une personne si innocente, aux antipodes de son propre caractère.
Un autre argument, fort peu avouable, lui faisait refuser cette proposition : l’amitié évidente entre la jeune comtesse de Maridor et le duc de Bouillon, dont il souhaitait se servir afin d’atteindre la Mancini en plein cœur. Il avait conservé trop de morale pour pouvoir fourvoyer son éventuelle propre femme dans de tels procédés ! Mais avant qu’il n’eu pu répondre, sa mère l’avait devancé.
-Celle-ci passera bien difficilement, Charles. Croirais-tu que ce couvent m’ait ôté tout mon jugement sur la cour ?! De grâce mon fils ! J’ai vécu cette jeunesse peu glorieuse de cabales et intrigues amoureuses, que je ne souhaite te voir rejoindre d’aucune façon, je sais reconnaître, même éloignée, quelles femmes sauront marquer une cour ! Même éloignée du cœur du roi, la duchesse de Guyenne restera dans le cœur des courtisans, et saura conserver une place importante à Versailles.
Le ton de la duchesse s’était exceptionnellement durcit sous cette ironie qu’il connaissait bien, et n’admettait aucune réplique venant de son fils. Muet, Paris détourna le regard vers les murs glacés, ne laissant transparaître la colère qui le gagnait.
-Je te devine aisément furieux, Charles-Paris, mais cela n’est pas une proposition, c’est un souhait dont je te fais part, et que je veux voir exaucé.
Ne fais pas cette moue, tu n’es plus un enfant ! Due diable, Charles, ajouta-t-elle d’une voix ferme, ignorant soudainement son habituelle dévotion ! Il est temps pour toi d’accepter les responsabilités qui sont tiennes, à commencer par l’avenir de notre famille. Monsieur le duc fut assez bon pour me pardonner mes erreurs, il est temps de lui montrer toute ta reconnaissance. Malgré la douceur qui avait regagné la voix de la duchesse de Longueville, Paris sentait ce ton de reproches amer, et ces remontrances n’attendant aucune réplique. Comme toujours, elle savait toucher le point sensible de chacun, et cette évocation de la mémoire du duc de Longueville le fit bouillir d’un seul trait. Reculant d’un bond à ces mots, il se leva vivement, fixant sa mère, cette lueur de colère mêlée au respect dans le regard, mais n’osant la pointer un doigt accusateur. Il ne savait quels mots employer pour ne pas blesser cette mère si coupable et pourtant si aimante. Il voulait lui reprocher de ne voir en lui qu’un simple souvenir vivant, son seul lien avec un passé qu’elle regrettait, et lui rappeler ainsi qu’il n’était que le fils de son adultère, légitimé pour porter un titre qui devait échoir à un aîné trop faible.
-Jamais, mère, vos mots ne furent plus clairs que ceux que vous m’assénez à l’instant. Je ne saurais être la victime de vos erreurs passées, et si mes actes à venir trouvent grâce à vos yeux, ils seront pourtant accomplis afin de ne point salir la mémoire de celui qui m’a offert ce que mon père ne pouvait me donner.
J’accepterais votre désir au seul accord de la duchesse de Guyenne, et parce que cette union pourrait être la continuité de la mémoire de celui qui n’aura été que mon unique père.
En aucun cas, mère, cette union, avec qui que ce soit, ne sera pour satisfaire vos désirs de me voir plus puissant encore auprès du roi, et ainsi achever nos ambitions.
Le ton glacial que son jeune fils avait employé fit frémir la mère, qui sentait ce fils tant chéri lui échapper, par une erreur qu’elle regrettait dès à présent. Que n’avait-elle été plus douce et moins implacable ! Pourquoi devait-elle sans cesse voir en lui cet amour qui s’était détourné d’elle ? Pourquoi devait-elle le lui rappeler ? Elle ne pouvait se pardonner ses propres paroles, et blême à l’idée de voir Charles-Paris s’éloigner, elle tenta de le retenir, alors que le jeune homme atteignait déjà la porte.
-Charles ! Ne pars pas encore, je t’en prie ! Pardonnes mes mots ; tu sais que jamais je ne souhaite te voir agir par pur désir de reconnaissance ou de…de…
-…de volonté de montrer que je suis un véritable Longueville, acheva Paris d’une voix froide, ignorant le ton suppliant de sa mère ? Je suis un Longueville depuis que monsieur de la Rochefoucauld n’a plus daigné poser un regard sur vous. Je n’ai nul besoin de le prouver à nouveau.
Adieu, mère. Je vous enverrais la duchesse de Guyenne.
La duchesse ferma les yeux pour ne pas voir le regard d’azur de son fils la transpercer. Ce nom appartenant au passé, dans la bouche de ce fils dont chaque trait lui jetait ce passé au visage lui était insoutenable, et sans aucune parole échangée, elle sentit ce baiser froid de son fils sur sa joue creusée par les âges, et sans plus de force, entendit la porte de la pièce se refermer dans un grincement sourd.
Claquants sur les dalles de l’autre côté du mur, elle entendit les pas de son fils s’étouffer peu à peu. |
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