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| Sujet: De secrets en révélations [Maryse] 23.08.11 22:30 | |
| « C'est un ménage à quatre : lui, elle, l'idée qu'elle se fait de lui et l'idée qu'il a d'elle. » On pouvait détester Versailles mais apprécier finalement Paris. Matthias n'aimait pas avoir tort, disons que Versailles restait pour lui un lieu où il s'y rendait par obligation, par politesse et pour une certaine diplomatie, mais que Paris regorgeait de personnalités vivantes et sympathiques. L'âme intellectuelle se trouvaient entre les enceintes, cette ville qui, disait-on, faisait peur au Roi de France d'où son exil à Versailles. Peu importe, cela ne regardait le prince, il avait autre chose à faire. Comme passer de longue soirée chez son cousin Charles de Hesse, avec de nombreuses personnalités, beaucoup issus de l'Empire mais aussi des royaumes italiens et quelques français. Aux yeux du Prince, il s'agissait des trois pays où les intellectuels sont rois alors il ne se sentait pas perdu parmi ce beau monde.
Dans ce genre de soirée, pas besoin de danser ou de faire mille politesses, tout le monde connaissait tout le monde au moins de noms, puisqu'il n'y avait que ce qu'on pouvait appeler du beau monde. Matthias, pas l'homme le plus à l'aise en société généralement, était bien au milieu de cette vingtaine de convives à parler littérature et art. Une seule règle : pas de politique. Il restait toujours des tensions et des vieilles rancœurs parfois, mieux valait éviter un sujet de discordes en cette merveilleuse soirée. Et lorsque son cousin vint présenter un nouvel arrivant, le poète et aristocrate Jan Andrzej Morsztyn, Matthias fut des plus heureux. Voilà un homme intelligent qu'il n'avait pas vu depuis le traité d'Oliva en qualité d'ami de l'Empereur mais aussi de filleul de l'Electeur de Brandebourg.
Vous, en France, et à Paris ! Cette ville regorge de mille surprises, décidément. Paris est une ville de mystère et d'attrait, pourquoi croyez vous que nous sommes tous là. Il est un épicentre de tous nos royaumes. Il est une des plus belles villes … Avec Vienne et Rome. Vienne sera toujours la plus belle à mes yeux !
Et ainsi continuèrent les discussions jusque tard. Quelques convives étaient partis et Matthias décida d'en faire de même. Son cousin Charles tenta de le retenir :
Allons mon cousin, vous n'avez même pas joué aux cartes avec nous. Ni même fait étale de quelques croquis de portraits, restez encore un petit peu. Il commence à se faire tard, le sommeil me guette. Promis, je vous volerai votre fortune la prochaine fois.
Ainsi Matthias sortit de l'hôtel de son cousin et s'engouffra dans son carrosse aux emblèmes de sa principauté et de sa famille. Il ne vivait pas bien loin mais Paris le soir était dangereux, on ne sait jamais qui on pouvait rencontrer. Des gens étranges, peut être des assassins, des bandits qui vous tuent pour quelques écus. La ville était peu éclairée, tout dépendait des rues et des chemins empruntés, il valait mieux rester sur les plus fréquentées, ne pas s'aventurer dans quelques raccourcis suspects. Là encore, le Calenberg n'était pas un homme de risques, surtout quand ceux-ci étaient inutiles. Être tête brûlée ? Très peu pour lui, il laissa cela à d'autres, au moins lui rentrait vivant à son hôtel particulier parisien. Peu de pièces éclairées, peut être que Maryse dormait. Après tout, il était déjà bien tard, il ne voulait pas faire de bruit. Quelques domestiques vaquaient à leurs occupations lorsque le Prince arriva. Son manteau et chapeau enlevé, il demanda.
La princesse dort-elle ? Non monseigneur, elle n'est pas encore rentrée. Si tard ? Savez vous où est-elle allée ?
Le hochement négatif de la tête de la servante exaspéra Matthias. Voilà plusieurs soirs que sa femme sortait, rentrait tard et ne donnait pas vraiment d'explications à ses sorties nocturnes. Il était un homme patient et ayant confiance en son épouse mais il y avait de quoi se poser des questions. Perdu dans ses pensées, il grimpa les escaliers pour se rendre dans ses appartements. Arrivé sur la palier du premier étage, Matthias remarqua que la porte de la chambre de sa femme ouverte. Hésitant, le prince décida de fermer la porte. Il y avait encore quelques lumières. La poignée en main, il allait refermer la porte mais quelque chose le retint. Sur la coiffeuse de son épouse se tenait une lettre jetée là, sans aucun rangement, comme si elle avait été abandonnée en catastrophe.
Finalement, Matthias referma la porte certes mais il était à présent dans la chambre de sa femme. Il n'avait pas à faire cela, jamais Maryse n'aurait poussé la curiosité à entrer dans son bureau, ils avaient un grand respect l'un pour l'autre, à défaut d'avoir de l'amour profond. Le prince continua d'hésiter, fit quelques pas vers la coiffeuse mais ne savait toujours pas s'il allait lire cette lettre. Et si cette lettre contenait quelque chose qu'il n'aurait jamais voulu savoir ? Un lourd secret … Un amant ? Non, Maryse était une femme pieuse, jamais elle ne ferait une telle chose. Mais Versailles pouvait pousser les âmes les plus purs dans les retranchements les plus vils. La lettre en main, il n'y avait qu'à ouvrir pour lire. Plusieurs fois, il la reposa mais autant de fois il la reprit. Les mots défilèrent sous ses yeux l'étonnèrent plus qu'il ne pouvait s'y attendre. Point d'amant mais un secret de taille.
De l'espionnage … lâcha-t'il dans un souffle.
Tout s'expliquait à présent. Les mots de cet homme lui avait donné une peur d'un probable amant. L'écriture était masculine, cela était évident mais lorsque le prince lut la ''mission'' qui était confiée, il n'y avait plus de doute : aucun amant mais un secret d'espion. Lorsque la lettre se termina par « la vie du Roi dépend du bon déroulement de votre mission », il n'y avait plus de doute du parti pris de son épouse. La princesse travaillait pour le Roi. Mais contre qui ? Contre quoi ? Matthias prenait un sacré coup de massue en apprenant une telle nouvelle. Il dut s'assoir sur la siège de la coiffeuse pour s'en remettre quelques minutes. Puis il se leva et sortit de la chambre pour appeler un de ses domestiques.
Geoffroy ! Apportez moi du vin !
La lettre toujours à la main, Matthias se tenait dans l'encadrement de la porte, toujours à réfléchir. Lorsque l'homme arriva à son plateau, il tourna instinctivement en direction des appartements de son maître, Matthias dut toussoter pour que l'homme, surpris, tourna dans l'autre direction. Matthias avait besoin d'un remontant et avala la boisson d'une traite avant de laisser repartir le domestique et retourner sur le siège de la coiffeuse. Il avait besoin d'une explication et de montrer qu'il savait. Quoi de mieux que de l'attendre ici ? Maryse arriva un peu plus tard, discrètement. Ses pas feutrés dans les escaliers se voulaient discrets, tout comme la façon d'ouvrir sa porte. Matthias l'attendait toujours sur le siège, dos droit, lettre en main et sourire poli sur les lèvres.
Bonsoir madame. Avez vous passé une bonne soirée ?
Cette phrase si anodine les autres soirs prenaient un sens tout nouveau aujourd'hui. Une soirée confessions en perspective pour l'espionne de la maison …
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