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 Par une soirée d'orage [Milena]

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MessageSujet: Par une soirée d'orage [Milena]   Par une soirée d'orage [Milena] Icon_minitime30.04.10 23:00

Milena de Cortès. Ce doux nom à lui évoquait à lui seul toute la reconnaissance dont Louise eut été capable. Jamais elle n'avait pu oublier. La pureté de ses traits, toute la bonté qu'il était possible de lire dans ses yeux. Elle avait été, pour elle ainsi que sa famille, un ange, une bénédiction qui avait su leur éviter la ruine, le déshonneur, mais avant toute chose la perte d'un être si cher à leur cœur, en particulier à celui de sa fille aînée. Combien de temps lui avait été nécessaire pour comprendre! Et, avec le temps était né le regret de n'avoir jamais pu la remercier comme il convenait, et surtout, comme elle le méritait. Elle était pourtant persuadée que jamais elle n'aurait le bonheur de la revoir afin de lui témoigner sa reconnaissance. Jusqu'à ce jour où elle eut la surprise d'apercevoir cette jeune femme, à Versailles. Malgré les années passées, une sensation de déjà vu la frappa, et pourtant, elle n'osa tout d'abord y croire. Comment était-il seulement possible qu'elle ait la chance de la revoir, en particulier à la Cour? Et pourtant, cela eut dut lui paraître probable. Après tout la Princesse de Cortès était issue de la haute noblesse d'Espagne, pays plus étroitement lié à la France depuis le mariage du Roi.

Les sentiments qui l'avaient envahies, ainsi que ses tendances naturelles, l'auraient poussée à venir à sa rencontre afin de l'assurer que jamais elle n'avait pu l'oublier, avant de lui témoigner toute la reconnaissance qu'elle pouvait éprouver. Puis, il lui était venu à l'esprit qu'elle avait à peine onze ans le jour où la princesse avait sauvé la vie de son père en empêchant la ruine de sa famille. Il était fort probable que Milena soit inconsciente de son identité, et de ce qu'elle lui devait. Elle avait alors résolu d'attendre, dans l'ombre, attendre une occasion de se manifester.

Maintes fois elle avait eu l'opportunité d'entendre ce que l'on disait d'elle à la Cour. Elle ne put dissimuler sa surprise lorsque fut prononcé le nom sous lequel on la connaissait. Eugenia de Cortès. S'était-elle fourvoyée à ce point? Avait-elle une sœur, une cousine dont la ressemblance était plus que frappante? Elle ne put laisser ses questions demeurer sans réponse et interrogea les nobles qu'elle côtoyait à la Cour. Ce fut avec douleur qu'elle apprit la perte de Milena, qui avait perdu la vie un an après avoir sauvé celle de son père. Eugenia, née de Santil, était en vérité une orpheline adoptée au vu de sa ressemblance avec la défunte.

Louise n'avait su que penser après que toutes ces révélations lui furent faites. Il lui fut fort pénible de croiser le regard de la princesse sans ressentir une douleur aiguë en songeant à une telle perte. Et pourtant, elle ne pouvait nier être troublée à la vue de cette jeune femme, si semblable à la défunte Milena qu'elle n'avait pu cesser d'y songer. Elle ne souhaitait rien davantage que pouvoir s'entretenir avec elle. Et pourtant, elle ne lui avait été présentée, et il aurait paru tout à fait inconvenant qu'elle aborde en sa présence un tel sujet, qui devait lui être sans doute pénible.

***

Assise sur le rebord de sa fenêtre, Louise observait avec regret le ciel se couvrir de sombres nuages. Elle n'aimait rien davantage que ses longues promenades quotidiennes dans le parc du château. Enfermée, elle se sentait un oiseau en cage. Son livre ne suffisait guère à la distraire, et elle ne parvenait à écrire sans avoir l'esprit aéré. Elle songea avec un sourire à la figure qu'aurait arboré sa marâtre afin de lui interdire formellement toute sortie, en particulier à une heure si tardive. Elle prit alors la décision de braver l'éventuel mauvais temps, décidant qu'elle ne s'éloignerait pas et rentrerait si la pluie se décidait à tomber.

Louise ne se laissait nullement du grande raffinement des jardins. Ils étaient composés avec tant de délicatesse qui lui était difficile de songer qu'ils étaient dus à la main d'un homme. Elle songea à quel point sa jeune sœur, sa petite Marie eut souhaité être à ses côtés, et observer de telles magnificences. Elle eut désiré l'avoir à ses côtés. Sans doute se serait-elle sentie moins seule à la Cour de Versailles, au sein de cet univers où elle craignait de se perdre tant il lui était étranger. Et pourtant, elle savait en prendre son partie comme il convenait, sans appréhension des rumeurs et des intrigues.

Comme toujours, la promenade favorisait chez elle une grande réflexion, au point de ne plus savoir vers quelle direction elle se tournait. Elle ne craignait cependant point de se perdre. Elle avait tant et tant parcouru les alentours du château qu'il lui semblait les connaître tant que si elle y avait toujours vécu, presque autant que la chère maison au sein de laquelle elle avait grandi, et qu'elle ne cessait de regretter. Cependant, elle devait admettre que son existence à la Cour était bien loin d'être aussi déplaisante qu'elle l'avait estimé au départ, alors qu'elle aurait tout donné afin demeurer chez son père. Et pourtant, elle avait été charmée par la manière dont on pouvait y être si aisément diverti. Les jeux d'argent n'étaient guère son passe-temps favori mais les conversations pouvaient y être diverses et enrichissantes. Elle affectionnait par-dessus tout la danse et les occasions y étaient si fréquentes qu'elle en était comblée.

Une fine goutte d'eau s'écrasa sur son front et s'écoula le long de sa joue droit. Elle regarda vers le ciel. D'autres suivirent. Il lui semblait que c'était là la fin de cette promenade, pourtant si agréable. Elle rebroussa chemin avec regret, mais la pluie, se faisant plus forte et plus violente, la contraint à presser le pas. Malheureusement, ce ne fut pas suffisant et elle se trouva rapidement si trempée que ses cheveux en étaient défaits et le bas de sa robe couvert de boue. Le tonnerre suivit. Elle n'était point de ceux qui craignaient l'orage, mais en connaissait cependant les dangers, et savait qu'il était inutile de se risquer plus longtemps à l'extérieur.

Elle regretta de s'être tant éloignée du Trianon. Elle aperçut alors avec grande surprise, une silhouette se dessiner devant elle. Une silhouette qu'elle n'eut nulle difficulté à reconnaître. Son esprit, sans doute guider par son cœur, songea immédiatement à Milena de Cortès. Mais, rapidement, sa raison reprit le dessus. Eugenia. Son nom était Eugenia. Oubliant ce trouble qui l'avait de nouveau gagnée, elle se rapprocha, constatant que la princesse se trouvait dans le même état qu'elle. Immédiatement, Louise sut qu'elle ne pourrait la laisser seule, ainsi, sous cette pluie torrentielle. Sans prendre le temps de se présenter, oubliant convenances et exigences protocolaires, elle courut rejoindre la jeune femme.


« Suivez-moi mademoiselle, il faut vous mettre à l'abri. »


N'attendant aucune réponse, elle saisit le bras de la princesse de Cortès, l'entrainant à la course vers le Trianon, dont elles étaient bien plus proches que du château. Une fois à l'intérieur, elle la lâcha, puis l'invita à la suivre jusqu'à ses appartements, où elles auraient le loisir de s'assoir et se réchauffer. Cependant, consciente de sa conduite peu convenable, tenta de se rattraper, et s'inclina.

« Veuillez pardonner ma brusquerie, mademoiselle, mais j'ai jugé bon de vous éloigner de cet orage au plus vite, en vous menant dans mes appartements.  »
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MessageSujet: Re: Par une soirée d'orage [Milena]   Par une soirée d'orage [Milena] Icon_minitime02.06.10 21:17

Elle ne cessait de la croiser. Pourtant ne tentait-elle pas de lui échapper coûte que coûte ? Etait-ce un signe du destin que de la voir chaque jour, ou Versailles était-il finalement si petit malgré ses 815 hectares ? Milena ne savait que répondre ou quoi penser. Louise de Canilhac l’avait –elle reconnu ? Etait-elle dupe de cette histoire de sosie ? Représentait-elle à présent un danger quelconque ? Allait-elle la dénoncer ? Et pourtant, la princesse de Cortès avait vu son mensonge solidifié grâce à l’intervention du Vatican. C’était bien Eugenia de Cortès qui faisait l’objet d’une enquête en vue d’une canonisation et non Milena, c’était encore le prénom Eugenia que le Cardinal avait entendu lors de ses visions divines. Tout ceci, à sa grande satisfaction, lui avait semblé anéantir tous les soupçons de Maria Teresa. Milena ne s’était donc jamais sentie plus convaincante que ce jour là, mais la preuve que la vérité rattrape toujours ceux qui la fuient, se retrouvait dans la présence même de la jeune baronne.

Milena craignait les souvenirs de cette petite fille de 12 ans, la gratitude s’ancrant si profondément dans la mémoire et dans les cœurs, Louise pouvait se rappeler de tout. Tout comme elle finalement, la reconnaissance les liaient l’une à l’autre ! Car Milena de son côté, n’avait jamais oublié la générosité du baron, lorsque son père s’était retrouvé à terre, totalement soumis à son bon vouloir. Certes il avait été fait prisonnier, mais grâce au nouveau traité et la paix, Eduardo de Cortès avait survécu à la guerre et ça elle le devait aux Canilhac. Alors petite fille, elle avait prié chaque soir pour que cet homme si bon reçoive tous les bienfaits de la terre. Hélas, Dieu paraissait ne pas l’aimer et ne pas l’entendre, mais tout cela n’était pas nouveau après tout. Si bien, que quelques mois avant que ne survienne le drame de sa vie, Milena avait reçu une lettre. Elle était adressée à son père, mais le prince n’étant pas là, la jeune femme gérait le domaine à sa place, elle l’ouvrit donc. Ce qu’elle lut, l’émut au plus haut point. Le baron était pratiquement ruiné, couverts de dettes ! Milena fit donc atteler immédiatement et prit le chemin de la France, elle faillit même crever ses chevaux pour parvenir à temps.

Et elle était heureusement parvenue à temps, parvenue à temps pour empêcher le suicide de cet homme. D’ailleurs elle lui avait presque arraché l’arme des mains, pour y placer plusieurs bourses remplies d’or. Somme donc considérable, mais que Milena avait à peine considérer elle, cela fit rougir le baron qui voulut refuser maintes fois. Au bout de deux heures de tergiversation, il accepta néanmoins. C’est là en sortant du salon que Milena avait rencontré la jeune Louise, enfant dont les yeux si bleus, si purs faisaient qu’on la reconnaissait entre mille. Elle s’était penchée, lui avait baisé le front, souri avec gentillesse, et lui avait dit quelques mots réconfortants. Pauvre petite fille, qui sans doute ne savait rien du geste désespéré de son père. Le savait-elle aujourd’hui ? Peut-être …

Mais aujourd’hui, Milena ne désirait plus y penser, elle avait décidé de s’aérer tant physiquement que moralement. L’air frais de cette fin d’après midi, ne pourrait que lui convenir. Elle s’était donc éloignée du château, plus qu’il n’en faut cela dit, et n’avait guère fait attention au ciel qui se couvrait d’épais nuages noirs. Elle songeait encore une fois à la Reine, comment aurait-il pu en être autrement, elle vivait sous son toit et cela lui tordait les entrailles. Mais la princesse voulut songer à des évènements plus gais, par conséquent c’est à Gabriel et à Frédérick qu’elle songea, et un sourire se dessina bientôt sur ses lèvres. A songer ainsi, elle se retrouva non loin du Trianon.

C’est alors qu’un fracas épouvantable se fit entendre, elle en sursauta et leva les yeux. Il s’agissait du tonnerre, un terrible orage se préparait et quelques gouttes de pluies commençaient déjà à se déverser sur elle. Quoi de mieux, ou de pire pour la tirer de sa rêverie ? Elle courut quelque peu par réflexe, puis s’arrêta afin de chercher un endroit où s’abriter, rien à l’horizon si ce n’est le Trianon, mais dont les appartements ne lui appartenaient guère. C’est alors que les quelques gouttes se métamorphosèrent en déluge, elle fut rapidement trempée jusqu’aux os ! Grelottant elle prit la direction du château, la jeune femme n’avait guère le choix, mais à peine avait-elle fait quelques pas qu’elle sentit une main se refermer sur son poignet.


" Suivez-moi mademoiselle, il faut vous mettre à l'abri. "

A cet instant seulement, elle reconnut la jeune Louise de Canilhac, et un frisson lui parcourut l’échine. Elle voulait tout faire pour l’éviter et voilà qu’une intervention céleste la remettait sur sa route ! Devait-elle donc cesser de la fuir ? Milena y vit un signe de la Providence, et cela l’apaisa mais elle voulait malgré tout sonder la baronne sur ce qu’elle savait, et sur ses potentielles intentions. La belle hispanique se laissa donc guider, docile comme un enfant, sans un mot à l’intérieur du Trianon, puis à l’intérieur des appartements de la baronne. Les habitations étaient beaucoup moins luxueuses qu’à Versailles, mais justement cela plut à Milena. Une certaine gaité de vivre se dégageait de ce lieu et le rendait agréable !

" Veuillez pardonner ma brusquerie, mademoiselle, mais j'ai jugé bon de vous éloigner de cet orage au plus vite, en vous menant dans mes appartements. "

- Voyons mademoiselle, vous êtes toute pardonnée et même je vous sais gré de cet empressement, je m’étais résignée à retourner au château, vous me voyez donc bien aise de vous avoir rencontré ! A propos à qui ai-je l’honneur de m’adresser ? Pour ma part je me nomme Eugenia de Cortès.

Bien sûr elle savait parfaitement à qui elle s’adressait, et d’ailleurs le mensonge la rongeait de plus en plus de remords ! Si un jour tout se savait, elle espérait en la clémence des gens, en leur compréhension ! Car elle détenait un secret d’état, on la croyait morte, la vérité lui paraissait parfois aussi lourde à porter que la tromperie ! Mais pour mener à bien sa vengeance, rien ne devait transpirer ! Personne ne devait donc savoir !
Néanmoins, pour cacher son trouble et la rougeur de ses joues, causés par son honteux comportement, elle s’approcha de la cheminée. Sur le manteau de marbre, se trouvaient une bourse, sa bourse pour être exacte, bien sûr vide mais elle ne put réprimer une certaine stupeur ! Machinalement elle la prit, les souvenirs de ces deux heures passés en compagnie du baron, lui revenant en détails cette fois, en tête. Pourquoi sa fille gardait-elle cet objet ? Les yeux fixés sur cette bourse, elle demeura ainsi quelques instants, puis se rendant compte que cette attitude pouvait réellement la trahir, elle la reposa confuse de son audace.


- Je vous prie d’excuser mon effronterie, mais cet objet d’un tissu si soyeux et vide trouve si peu sa place sur une cheminée, que je me suis permise de …

La belle hispanique s’interrompit pour laisser place à la question qui lui brûlait les lèvres.

- Cette bourse doit vous êtes plus précieuse que son contenu pour que vous la gardiez de la sorte. Mais sans doute, je me montre bien trop curieuse.
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MessageSujet: Re: Par une soirée d'orage [Milena]   Par une soirée d'orage [Milena] Icon_minitime24.06.10 22:57

Elle n'avait pu s'empêcher de la chercher. Elle, son visage, son doux regard. Elle était un lien avec ses souvenirs d'alors. Jamais elle n'aurait cru revoir un jour la belle demoiselle espagnole. Elle lui était resté en mémoire, ainsi que son nom, de Cortès, au point qu'il était devenu celui de celle qui les avait sauvés d'une misère plus que certaine. Le suicide du baron de Canilhac n'aurait pas causé que le chagrin, mais également la ruine et le déshonneur de cette famille, alors criblée de dette sans le savoir. Elle avait compris en grandissant la tristesse de son père, la honte que représentaient ces promesses qu'il ne pouvait honorer. Nul n'avait conscience de leur mauvaise fortune. La baronne, bien que plus économe que d'autres femmes de la noblesse, n'avait pas eu l'idée de ralentir ses dépenses. Le même train de vie était mené, dans l'ignorance que tous couraient ainsi à leur perte. Elle n'osait imaginé ce qu'ils seraient advenu d'eux tous, si la Princesse de Cortès n'était pas arrivée à temps. Si, dans son infinie bonté, elle n'avait pas offert de payer ces dettes. Il s'agissait là d'un cadeau qu'elle n'avait pu oublier, bien qu'elle n'en ait compris la signification que bien plus tard. Elle était trop jeune, à l'époque. Mais suffisamment mûre pour comprendre que, quel que soit le geste accompli par cette jeune femme, elle avait procuré du bien à cette famille au bord du gouffre.

Jamais elle n'avait pu oublier son visage. Ces traits doux, presque angéliques et qui dévoilaient sa naissance espagnole. Ses yeux d'un brun chaud, dont l'éclat sublimait sa personne. Ses longs cheveux bruns, encadrant son visage. En grandissant, il lui était arrivée de se demander si la connaissance de l'acte accompli par cette jeune personne, n'avait pas altéré la vision qu'elle avait d'elle. Enfant, elle l'avait perçue comme une sorte d'ange. Puis, elle avait décidé de garder ce souvenir d'elle, de l'acte qu'elle avait accompli, persuadée alors de ne jamais la revoir. Et pourtant, une telle chose s'était produite, ici même, à Versailles. Elle avait revu ce visage, ces même yeux. Elle ne lui avait semblé guère changée. Toujours aussi belle. Son aspect demeurait similaire à son souvenir. Et pourtant, quelque chose lui semblait changé, une lueur dans son regard peut-être. Les années avaient passé. Elle n'était alors qu'une jeune fille, et elle la retrouvait ici, devenue femme. Une femme qui pourtant n'était pas celle qu'elle imaginait. Car il ne s'agissait aucunement de Milena de Cortès. Devant elle, à distance, s'était trouvée Eugenia de Cortès.

Il lui avait été si difficile de le croire. Et pourtant, il s'agissait d'un fait visiblement connu de tous. Un fait dont elle devait admettre la véracité. Milena de Cortès n'était plus. Celle qui portait son titre se prénommait à présent Eugenia. Elle aurait sans doute dû se montrer raisonnable. Se désoler de la mort de sa bienfaitrice tout en cessant de tant s'intéresser à celle qui désormais portait son nom. Mais elle en fut incapable. Bien au contraire, la belle espagnole semblait exercer sur elle une fascination plus grande encore qu'auparavant. Plus que tout elle aurait souhaité l'interroger. Au sujet de son père, des circonstances de son adoption, sur ce qu'elle savait de la première Princesse de Cortès. Et pourtant, il s'agissait là d'une chose qu'elle ne pouvait point faire. Étant d'un rang inférieur à la jeune femme, et ne lui étant jamais présentée, elle ne pouvait décemment lui adresser ainsi la parole à la Cour. Certes, Louise n'avait en principe que peu faire des convenances. Cependant, elle avait suffisamment de bon sens pour savoir qu'une telle conduite aurait pour unique résultat de déshonorer peu à peu son nom. Elle n'était guère portée à réprimer sa nature franche et libre, mais elle avait des limites. Manquer de respect à une noble à la Cour du Roi serait en franchir une.

Elle s'était peu à peu résigner au fait de ne pouvoir parler à la Princesse. Elle se contentait de l'observer discrètement et à distance, lorsqu'elle en avait l'occasion. Elle avait perdu espoir qu'un jour, une situation opportune se présenterait, lui permettant de s'adresser à elle. Et pourtant, cet orage, si inattendu et violent qu'il fut, créa pour Louise les circonstances parfaites qui lui permettraient de se rapprocher d'Eugenia de Cortès. Mais, désirant avant tout l'aider à s'abriter, elle l'entraina jusqu'au Trianon, où se trouvaient ses appartements. La Princesse était probablement habituée à davantage de luxe et de confort, mais mieux valait que les deux jeunes femmes se trouvent à l'abri, peu importait le lieu. Fort heureusement, loin de s'offusquer de la brusquerie, la jeune espagnole se montra reconnaissante du geste de la baronne. Elle se montrait tout à fait aimable. Louise ne pouvait s'empêcher de chercher dans son regard sombre, une lueur de reconnaissance, un signe indiquant qu'il s'agissait bien de cette femme qui avait un jour sauvé la vie de son père, et qu'elle ne l'avait pas oubliée. Malheureusement, tel n'était visiblement pas le cas. La jeune femme lui demanda son identité avant de se présenter à elle, le plus naturellement du monde. Louise prit sur elle, et, dissimulant sa déception, lui répondit avec toute la courtoisie dont elle était capable.


« Je suis heureuse de m'être trouvée dehors à cet instant. Je me nomme Louise de Canilhac, mademoiselle. »

Non, il ne s'agissait visiblement pas de Milena de Cortès. Et pourtant, cette ressemblance, si frappante, venait presque contredire ses propos. Mais Louise ne pouvait décemment pas la penser menteuse, alors qu'elle la rencontrait. Cependant, ses soupçons remontèrent à la surface lorsqu'elle vit la belle espagnole s'intéresser à une bourse vide, qui se trouvait sur la cheminée. Pour quiconque, il ne pouvait s'agir que d'un objet d'usage, totalement ordinaire et dénué de tout intérêt. Et pourtant la Princesse semblait y attacher un intérêt particulier. Elle ne put s'empêcher de trouver étrange que parmi tous les objets qui se trouvaient dans cette pièce, son invitée se soit intéressée à celui-ci en particulier. Car, non, il ne s'agissait aucunement d'une bourse ordinaire, mais de celle qui avait contenu l'argent offert au Baron de Canilhac par cette jeune fille dont elle n'avait pu oublier le visage. Un objet religieusement conservé, pour, toujours se rappeler à quel point elle lui était redevable.
Elle tenta cependant de ne montrer aucune curiosité déplacée, se contentant de répondre aux questions de la jeune femme, qui avait saisi l'objet, avant de le reposer, visiblement troublée par sa vue.


« Il s'agit en effet d'un objet qui m'est fort précieux par son histoire. En effet, alors que j'étais enfant, les finances de mon père se trouvaient au plus mal, au point que le désespoir menaçait sa vie. Mais la fille d'un homme qu'il avait autrefois secouru vint à son aide, prévenant ainsi un geste irréparable. Elle offrit de rembourser la totalité des dettes contractées par mon père en lui remettant une somme d'argent, argent qui se trouvait dans cette bourse. »


A toute autre personne qui l'aurait interrogée, Louise, ne se serait pas aventurée si loin dans ce récit. Mais, devant cette femme qui ressemblait trait pour trait à Milena de Cortès, elle s'était dévoilée. À présent, elle attendait, observant avec attention la moindre de ses réactions.
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MessageSujet: Re: Par une soirée d'orage [Milena]   Par une soirée d'orage [Milena] Icon_minitime09.09.10 22:18

Ainsi vous vous souvenez ?

Milena ne réalisa que trop tard à quel point cette phrase pouvait la trahir ! A vrai dire, la belle hispanique touchée au plus profond de l’âme par la vue de cet objet, venait d’enterrer son esprit froid et calculateur. Le plus inconsciemment du monde bien entendu, mais l’ancienne Milena venait bel et bien de ressusciter. Son cœur accoutumé à la plus grande sécheresse depuis neuf années soudain s’attendrissait. … Certes, son naturel revenait parfois, et en particulier en compagnie de Gabriel de Gonzague mais jamais de la sorte ! Jamais aussi puissamment ! Il s’agissait pour la jeune espagnole, d’une véritable métamorphose face à Louise, transformation qu’elle pouvait à peine maîtriser. Cette jeune fille avait-elle idée du changement radical qu’elle venait d’opérer en elle ?

Une émotion particulière, teintée de tristesse et de joie mêlées voila alors son regard brun … Elle avait croisé un jour, une enfant qu’elle pensait ne plus jamais recroiser de son existence … qui se révélait aujourd’hui bien plus attachée à elle que ne l’avait été sa meilleure amie avec qui elle avait passé enfance et adolescence ! Meilleure amie qui l’avait blessée à mort, par une balle qui avait tout emporté sur son passage, son sang mais surtout ses plus belles illusions ! Tandis que mademoiselle de Canilhac, elle, aperçue seulement quelques minutes, conservait en ces lieux, cette simple bourse comme la plus précieuse des reliques ! Cruel destin qui lui apprenait, s’il en était encore utile, que les apparences sont donc bien trompeuses !

Surprenant destin également ! Lui offrait-il en la personne de la jeune baronne, une amie bien plus fidèle et sincère que Marie Thérèse ? Pouvait-elle vraiment croire encore en l’amitié ? Et plus précisément en l’amitié d’une femme ? Car si elle savait qu’elle pouvait accorder son entière confiance à Paris de Longueville et à Frédérick, Milena se montrait beaucoup plus méfiante et pour cause envers les femmes. Nulle dame, depuis des semaines, qu’elle se trouvait à Versailles n’avait obtenu d’elle ce privilège. La plupart étaient aussi fausses que la Reine qui les gouvernait …

Muette depuis plusieurs secondes et même peut-être depuis plusieurs minutes, la belle hispanique tenta, tant bien que mal de ravaler les larmes d’émotion qui lui montaient aux yeux et lui serraient la gorge. Cependant elle ressentit l’envie irrésistible de tenir l’objet entre ses mains. Elle sollicita cette permission à Louise, d’un seul regard. Elle ne pouvait encore parler. Celle-ci la lui accorda avec gentillesse. Alors posée dans sa paume, cette bourse vide lui fit tambouriner le cœur plus que ne l’aurait fait des pièces à l’intérieur. Décidément, la plus insignifiante des choses peut se révéler une cure de plus douces … car il n’y avait plus ici Milena l’amère ou Milena la diabolique, mais tout simplement Milena. La vraie ! Néanmoins elle savait qu’elle devait se rattraper … et ne pas se laisser aller complètement !


- Vous vous souvenez donc d’un si petit détail mademoiselle ? C’est fort touchant en vérité ! Cette personne devait être quelqu’un d’exceptionnel pour avoir ainsi aidé votre famille, mais vous l’êtes tout autant voire plus de conserver aussi pieusement son souvenir, à travers cet objet.

Oserait-elle s’avancer et se mettre en péril à demi mots ? Louise avait l’intelligence dans les yeux. Elle ne la sous estimait pas, ni elle ni sa pertinence ! Cependant, elle ne se sentait pas le courage de redevenir cette femme au cœur dur comme la pierre !

- Je vous étonnerai sans doute en vous disant qu’il m’est arrivé à peu près la même chose, mademoiselle. Voilà peut-être pourquoi votre récit me touche à un point que je ne saurai décrire.

Milena avança ses mains vers la flamme afin de les réchauffer, et ôta sa capeline encore trempée.

- Je n’étais point née pourtant à l’époque. Un de mes parents proches, comme bien d’autres avant lui, dût aller au combat. Le Pérou est en proie encore aux guerres civiles. Lors d’une des terribles batailles, ce parent se crut perdu et était à la merci de son adversaire. Ce dernier aurait pu l’achever, le transpercer de son épée ou tirer à bout portant …

La belle hispanique mentait sur la forme, mais le fond était si véridique et l’implication dans la narration si vivante, qu’enfin elle redécouvrait le bienfait de la vérité, même s’il s’agissait d’une semi vérité.

- Néanmoins ce brave homme n’écoutant que la voix de la miséricorde n’en a rien fait, lui laissant la vie et la liberté ! Tous les soirs et dès que j’ai su comprendre quel geste avait été le sien, je l’ai béni, j’ai prié chaque soir dans ma chambre, pour cet inconnu qui n’avait écouté que son cœur …

Les yeux humectés d’émotion, Milena les plongea alors dans les yeux de Louise. Elle lui racontait tout ceci dans le but de lui faire comprendre également, qu’elle n’avait jamais oublié l’action honorable du baron !

- Et je prie toujours pour lui, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois mais son visage est gravé à jamais dans ma mémoire ! Comme vous pouvez le voir, nos deux histoires se ressemblent fortement … alors que nous nous connaissons à peine. Le hasard est si capricieux. Mais je ne le blâmerai pas aujourd'hui, car j’aime sincèrement être en votre compagnie ! J'espère qu'il en est de même pour vous, car ne voudrais pas que ce temps maussade nous rende aussi triste l'une que l'autre !

Un petit rire cristallin s'échappa des lèvres de Milena ! Qu'il était bon de rire naturellement !
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MessageSujet: Re: Par une soirée d'orage [Milena]   Par une soirée d'orage [Milena] Icon_minitime18.01.11 12:49

Comment aurait-elle seulement pu oublier? Durant toutes ces années, jamais le visage de cette jeune princesse espagnole n'avait pu sortir de son esprit. Eugenia de Cortès. Ce doux nom résonnait encore aujourd'hui à ses oreilles. Elle revoyait nettement ces yeux de velours, ce visage aux doux traits, encadré par de superbes cheveux bruns. Elle en gardait une image majestueuse, celle d'une jeune femme que, dans son jeune esprit, elle avait alors associé à un ange. Elle s'était jurée que s'il lui était un jour donné de croiser sa route à nouveau, elle lui témoignerait toute la gratitude que la bienséance lui permettrait. À présent, cette femme se trouvait devant elle. Louise était surprise de constater à quel point celle-ci avait peu changé. Elle la voyait toujours de la même manière. Et pourtant, elle ne pouvait être certaine qu'il s'agissait d'elle, en vérité. Tant de similitudes dans les traits, et pourtant deux noms différents. Eugenia était devenue Milena.

Aussi, lorsqu'elle posa cette question, cette simple question, la jeune baronne eut l'entière certitude de l'identité de son interlocutrice. Ses yeux bleus se mirent à briller d'un éclat qu'ils n'avaient plus eu depuis bien longtemps. Elle mourrait d'envie de se laisser aller à lui témoigner toute sa reconnaissance. Mais elle voyait la retenue dont la belle espagnole faisait preuve, et choisit de l'imiter. Elle tenta de se contenir, faisant taire ses impulsions, et pourtant incapable de réprimer l'émotion qui secourait ses traits. Elle prit le ton le plus calme possible afin de lui fournir une réponse satisfaisante.


« En effet. Malgré mon jeune âge, cet événement a tant marqué ma mémoire que jamais je n'ai pu l'oublier. »


Elle, si franche, avait de la peine à contenir la vive émotion qui l'envahissait. Néanmoins, elle ne voulait troubler la princesse. Tout plutôt que la mettre dans une position aussi inconfortable. Car, malgré tout, un certain mystère planait autour de sa personne. Son nom n'était plus le même. Ses traits étaient semblables à ceux qu'elle avait autrefois connu, et pourtant, les années avaient passé et un événement devait expliquer la raison pour laquelle elle se faisait désormais appeler Milena. Elle avait tant espérer la revoir, lui parler de nouveau, qu'elle n'osait rien dire qui put gâter cet instant. Elle observait la jeune femme, et sentait que, de son côté, l'agitation était également à son comble. Sans doute était-il préférable pour la jeune baronne de se contenter pour le moment de répondre à ses questions, sans trop en dévoiler.

D'un regard vers cette bourse qu'elle tenait encore en main, Milena sut lui faire comprendre qu'elle désirait l'avoir entre ses mains. Elle la lui tendit sans la moindre hésitation, observant avec attention chacune de ses expressions. L'émotion semblait contagieuse. Elle l'éprouvait en même temps que la princesse, tandis qu'elle la regardait manipuler cette bourse, cet objet qui était si précieux aux yeux de la jeune baronne. Elle l'avait religieusement conservé, cet objet qui lui rappelait toute la gratitude qu'elle ressentait pour le bien qu'avait accompli cette jeune personne.


« Elle l'était, en vérité. Vous ne pouvez imaginer ce qu'elle a accompli pour le bien-être et l'honneur de ma famille. Je n'ose imaginé ce qu'il serait advenu de nous si elle ne s'était présentée. Jamais son visage ne s'est altéré dans mon esprit, et je n'attends que le jour où il me sera accordé de la remercier comme il se doit. »

Les paroles de Milena lui avait permis de mettre ses mots sur sa pensée, sans avoir l'air de dévoiler la situation de manière plus directe. Tandis qu'elle parlait, des larmes lui étaient venues aux yeux. Tout ceci était-il réellement en train d'arriver? Elle en avait oublié la pluie, qui avait humidifié sa robe. Elle ne sentait pas même le froid sur sa peau. Elle se contentait d'observer la jeune femme, attendant l'instant où elle aurait enfin la possibilité de lui faire part de sa reconnaissance, ainsi que de son affection. Car, déjà, elle éprouvait à son égard un vif attachement, bien qu'elle ne l'ait rencontrée qu'une fois par le passé. Elle ne pouvait l'écouter sans manifester un grand trouble raconter cette histoire, leur histoire, car elle reconnut parfaitement l'épisode auquel elle faisait allusion. Et pourtant, elle se tut, ne désirant interrompre si brutalement Milena. Elle retint tout mouvement qui aurait pu paraître inapproprié et se faisait violence pour ne pas intervenir.

« En effet, mademoiselle, il s'agit là d'une étonnante coïncidence, mais dont je me réjouis car elle m'a permis de faire votre rencontre. Veuillez m'excuser de mon trouble, mais votre histoire présente tant de similitudes avec la mienne que j'avoue avoir bien de la peine à le contenir. »

Le rire de la belle espagnole était contagieux et elle le partagea avec plaisir. Elle sut qu'elle ne lui poserait la moindre question. La princesse de Cortès gardait en elle de nombreux secrets, qu'elle semblait ne pas désirer lui dévoiler pour le moment. Certes, le caractère de la jeune baronne était prompt à la curiosité. Et pourtant, la personne de Milena lui inspirait tant de respect et de dévotion qu'elle n'aurait osé se montrer trop indiscrète à son sujet. L'amitié qu'elle semblait lui témoigner lui réchauffa le cœur et l'âme, cela ajouté à la certitude présente qu'elle ne l'avait jamais oubliée, ni elle ni son père.

« Votre présence m'est également très agréable. J'ai bien peu l'occasion de recevoir en ces lieux, et ils s'en trouvent égayés. J'espère cependant que vous n'avez pas trop souffert de la pluie. Je ne voudrais pour rien au monde que vous tombiez malade. »

Cette inquiétude lui était venue très soudainement, tandis que durant toute la première partie de leur entretien, elle ne s'en était guère souciée. Elle ne faisait que peu de cas de sa propre personne, se savant d'une constitution solide et peu propice à la maladie. Mais peut-être n'en était-il pas de même pour Milena, qui pourrait ainsi prendre froid. Elle avait tant espéré la revoir qu'elle ne désirait en aucun cas que ces retrouvailles ne fussent gâchées.
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