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 "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne]

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Marie-Anne Mancini


Marie-Anne Mancini

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Vous, mes tendres agneaux
Côté Lit: Les nombreux billets que vous m'adressez!
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VIPERE de Versailles

Âge : J'ai l'âge de toutes les passions et de toutes les rumeurs.
Titre : Duchesse aux yeux et aux oreilles baladeuses
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MessageSujet: "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne]   "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne] Icon_minitime26.08.10 22:51

Un vent de mars soufflait le long des galeries sombres du château, alors qu’une silhouette se faufilait entre les colonnades, et traversait furtivement la cours carrée. L’ombre se déploya sur les dalles noires et blanches, s’étalant un cours instant au passage de cette silhouette encapuchonnée.

Un bruit de porte brisa le silence qui se faisait, et guettant la venue d’un garde ou de quelques courtisans nocturnes, le visiteur s’engouffra dans le château, refermant discrètement la porte derrière lui.
Une main de femme se tendit alors hors de la cape, saisissant une chandelle, elle craqua une allumette, et la faible lueur illumina le petit couloir.

Elle contourna ainsi l’escalier des ambassadeurs, et évita les appartements du rez-de-chaussées, desquels la musique et quelques rires résonnaient le long des galeries silencieuses. Elle s’appuya alors sur une tapisserie, et sans un bruit, enclencha le petit mécanisme qui entrouvrit la porte dérobée derrière laquelle elle s’engouffra doucement dans un léger bruit d’étoffe.


Alors seulement Marie-Anne de Bouillon ôta le capuchon qui protégeait son visage, et repoussa les pans de sa longue cape.
Soupirant doucement, elle posa ses yeux sur le petit flacon qu’elle tenait entre ses doigts et un mince sourire éclaira son visage.
Elle avait enfin pu y ajouter cet asaret qu’elle attendait depuis quelques semaines ; la petite fiole pouvait à présent reprendre son innocente place, et s’ajouter au breuvage de la comtesse de Carladès. Cette petite sotte ne songeait jamais à l’avenir, et avait prié Marie-Anne de lui fournir un prétexte afin de ne plus recevoir son vieil époux.


-Prétextez une grossesse, comtesse, avait lâché Marie-Anne avec sarcasmes.

La jeune crédule avait cru ses paroles pleines de sagesse, et voyant-là une nouvelle occasion de rire de la naïveté de la jeune femme, mais également de la punir de sa sottise, Marie-Anne n’avait objecté cette décision étourdie.
Pis encore, elle avait pris un certain plaisir à lui proposer de concocter ce breuvage vomitif, afin de rendre son excuse crédible aux yeux du vieux comte.


-Pensez-vous qu’il le croira ?

-Ayez confiance Alexandrine, rien n’est plus crédible que ce symptôme. Croyez-en mon expérience !

Marie-Anne chassa le soupçon de scrupules qui planait dans sa conscience et plongea le flacon dans une poche. Un court instant, elle posa la main sur son ventre gonflé, et se mordit la lèvre en songeant à ce qu’elle allait faire.
Etait-ce si peu scrupuleux ? Il ne s’agissait nullement de poison ! Elle n’agissait que pour épauler une amie, non pour accélérer quelques successions !

Elle secoua doucement la tête, ne pouvant néanmoins s’empêcher de passer une main maternelle sur ce ventre qui la ferait bientôt s’exiler. Elle esquissa un léger sourire à la pensée de son époux qui soufflerait enfin de la voir éloignée de cette cour qu’il jugeait tant malfaisante.


-Ceci sera l’un de mes derniers coups d’éclats. Je vous le promets, Godefroy, murmura-t-elle comme pour se convaincre elle-même de son geste.

Elle poursuivit sa petite course, grimpa quelques étages, et vérifiant les portes qui se succédaient, poussa l’une d’elle après un moment d’hésitation.
Si ses calculs étaient corrects, et ses connaissances du château suffisantes, elle se trouvait dans les appartements de la jeune comtesse.
Celle-ci se trouvait encore aux jeux du roi dans les salons, et la maison de la jeune femme devait certainement trinquer aux cuisines attendant l’heure de remonter préparer les appartements de leurs maîtres. Marie-Anne connaissait que trop bien ces règles quotidiennes pour s’inquiéter de la présence d’un indésirable dans ces appartements.

Elle poussa la tapisserie, pénétra silencieusement dans la chambre de la jeune femme, et glissa doucement le petit flacon dans le tiroir indiqué par la comtesse de Carladès.
Retournant dans les passages obscurs, Marie-Anne referma délicatement la porte, et souffla doucement avant de repartir dans le sens inverse, afin de rejoindre le salon de Mars.

Sa disparition n’avait pas duré plus d’une demi-heure, elle savait cette courte absence peu remarquée, ou traduite de maintes façon, sans jamais en toucher la véritable raison.


-Gabelin, madmoizelle Harcourt m’a demandé de vérifier si l’feu est allumé chez la duchesse de Longu’ville !

Les voix avaient brisé d’un coup sec le silence, plongeant Marie-Anne dans l’effroi. Si un seul de ces domestiques, qui plus est ceux de cette Longueville, la croisaient ici, les rumeurs ne finiraient plus.
Tournant la tête dans un mouvement de panique, elle avisa une porte non verrouillée, et s’engouffra d’un seul coup dans la pièce.

Elle n’avait eu le temps de réfléchir ni de raisonner, et le cœur battant, elle se plaqua contre la porte, fermant un instant les yeux afin de calmer sa raison et dénouer ses entrailles.
Elle rouvrit doucement les paupières, et resta muette de stupeur face au tableau qui s’offrait à elle.

Deux vestes jetés sur un lit défait, deux pairs de chaussures lancées sur l’épaisse moquette ; dans la lueur du feu tremblotant de la cheminée, deux hommes passant promptement leurs chemises, et avant qu’elle ne prononcer une seule parole, l’un d’eux avait attrapé veste et chaussures et claqué la porte derrière lui.

A présent, elle faisait face à l’un de ces deux hommes et Marie-Anne ne su dire, qui de lui ou d’elle-même était le plus stupéfait et honteux. Elle l’avait remis à son esprit avec cette rapidité héritée de son oncle, et se lança d’une voix calme, masquant son hésitation.


-Monsieur le comte…puis-je avoir votre silence ?
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MessageSujet: Re: "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne]   "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne] Icon_minitime06.11.10 17:48

Comme à l'accoutumée, la fête prenait ses quartiers de nuit à la belle Versailles. Les grandes salles du château étincelaient non pas de la lueur des lustres et autres chandelles mais d'une lumière irréelle qui jaillissait de toute choses, les dorures, les costumes, les rires, les couleurs, la musique entrainante, le tintement des verres de cristal entres les invités, des boissons hors de prix et autres hors-d'œuvre. Sébastien ne pouvait caché l'envoutement que provoquait sur son esprit ces fêtes somptueuses. Que la vie pouvait être douce à Versailles, pensa Sebastien en buvant une gorgée de champagne qui fit frémir ses papilles. Cette pensée s'envola aussitôt lorsque qu'il aperçu dans la foule son ancienne amie Flore. Malgré son masque couleur émeraude, il ne pouvait pas ne pas reconnaître celle qui lui avait enseignée les usages de la cour. Un frisson glissa furtivement dans son dos. Il préféra éviter de la croiser et engendrer une gène inutile, c'était un soir de fête et Sébastien devenait un oiseau de nuit au fil du temps depuis son arrivée. Il détourna le regard et traversa la salle à l'opposé et (surtout) le plus loin possible de la Duchesse. Le Comte s'assit lascivement sur un ottoman et reprit sa dégustation de champagne, pouvant à nouveau avoir l'esprit plus léger. Mais c'était sans compter sur le beau Duc de Bavière qui trouva une énième occasion d'approcher Sébastien et prit place à ses côtés sur l'ottoman, un loup rouge carmin soulignant le vert de son regard.

« Vous semblez bien pensif cher Comte, dit le noble blond du ton langoureux qu'il prenait toujours avec sa victime favorite. Ne voyez vous donc pas toutes ses femmes qui n'attendent qu'un mot de vous ? »

Sébastien ne préféra pas répondre à la provocation plus ou moins habilement voilée du Duc et soudainement trouva énormément d'intérêt au tableau de maître accroché près de lui. Il sentait la lourdeur du regard ardent de Karl sur lui et un frisson tout autre vint lui caresser le bas du dos. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'il compris que ce n'était pas vraiment un frisson mais la main du Duc sur son dos. Il attrapa fermement le poignet et le jeta à son propriétaire. Karl de Bavière soupira longuement.

« Ce que vous pouvez être bougon, Sébastien. Vous ne sembliez pas du même avis l'autre soir dans ce fameux couloir, murmura le Duc avec un sourire narquois.

Le jeune homme avait faillit avaler de travers son champagne tellement la remarque l'avait surpris. Il avait malencontreusement oublié ce détail, quel imbécile ! Karl remarqua son embarras et gloussa sans retenue. Sébastien essaya tant bien que mal de reprendre un peu de contenance et ce décida enfin à regarder le Duc.

« Vous avez l'intention de m'importuner longtemps de cette manière, cher Duc ? Lança-t-il sèchement à un Karl imperturbable face à ses remarques.

« Tout cela dépends de vous, Sébastien. Vous ne le savez que trop bien, répondit simplement le Duc avec une étincelle d'amusement dans le regard.

Le Comte regarda un long moment les courtisans à leurs diverses occupations : danser, boire, commérer, rire aux éclats. Puis il se décida à se lever, il alla vers un groupe de courtisanes qu'il ne connaissait pas et tendit sa main vers une jeune femme aux boucles d'or et au masque bleu ciel. Il la salua bien bas.


« Vous laisserez vous tenter par une danse très chère ? Demanda-t-il avec un sourire charmeur.

A ses mots, la jeune femme gloussa de plaisir et accepta en rougissant. Elle lui donna la main et ils se dirigèrent vers la piste de danse où d'autres courtisans aux pieds légers se laissaient entrainer par les notes de l'orchestre. Durant toute la danse, le Duc ne cessait de le transpercer du regard. Il essayait tant bien que mal de ne pas y prêter attention mais de l'autre la jolie blonde qu'il avait invité ne semblait pas pouvoir s'empêcher de fixer le Comte avec un sourire béa. Décidément, cela était clair, il ne supportait vraiment pas qu'on le fixe. C'était toujours pareil depuis qu'il était enfant. Ce qu'il était puéril, pensa-t-il !

Lorsque l'orchestre eut fini son morceau, il salua la jeune femme poliment puis s'éloigna vers la sortie de la salle. Cette soirée commençait à le mettre franchement mal à l'aise.
Il salua au passage deux trois connaissances à la sortie puis s'avança dans un grand couloir vide. La musique et les rires se faisaient de plus en plus lointain. C'est alors qu'il sentit une pression sur son bras il se retourna et se retrouva face au Duc qui l'avait suivit en douce.


« Vous devenez vraiment lassant, cher Duc, soupira le jeune homme sans même cacher son profond agacement.

« Cessez de faire l'enfant, Sébastien. Vous et moi savons très ce qui se passe mais vous n'êtes pas fichu d'y faire face. Peur des commérages ? Allons je ne suis pas de la dernière pluie, j'ai quelque fois aperçu votre manège avec ce comédien de chez Molière. »

Le ton du Duc était extrêmement dur tout à coup. Sébastien sentit ses mains trembler mais il préféra continuer son chemin sans un regard de plus pour Karl de Bavière. Celui ci le rattrapa, le retourna vers lui et le plaqua contre un mur avant de l'embrasser avec fureur. Sébastien fût tellement prit de cours qu'il ne le repoussa même pas, au contraire, il en redemanda. Karl ouvrit une porte près d'eux et ils s'y engouffrèrent avant de la refermer derrière eux. Ils se retrouvèrent dans une petite chambre éclairée par un feu de cheminé. Rapidement, les vestes, les masques, les chemises et autres chaussures volèrent dans la pièce avant qu'ils ne se retrouvent allongés à même le sol devant la cheminée. Le jeune Comte ne saurait dire combien de temps dura leurs ébats furieux. Lorsque cela fut fini ils commencèrent à se rhabiller en silence, Karl ne pouvait s'empêcher de jeter une mine réjouis à Sébastien. Alors qu'ils passaient leurs chemises la porte de la chambre claqua. Durant quelques secondes un silence de mort régna dans la pièce. Karl devint blanc comme un linge et attrapa prestement sa veste et ses bottes avant de s'enfuir par une porte à l'opposé de la pièce. Sébastien se retourna vers la personne qui était entrée. C'était la Mazarine, Marie Anne Mancini qui était plaquée contre la porte comme pour fuir quelqu'un. Sébastien remarqua sa main tenant un curieux flacon. La femme lui jeta un regard froid et d'une voix sans le moindre brin d'hésitation lui demanda :

« Monsieur le Comte...Puis-je avoir votre silence ? »

Un long silence s'ensuivit. Sébastien ne savait trop comment répondre, ce retournement de situation l'empêchait quelque peu de réfléchir. Les choses se bousculèrent dans son esprit puis il essaya de reprendre son calme.

« Tout dépends de ce que vous avez à m'offrir, Madame. Mon silence sera votre seulement si j'ai votre parole. Mais...il serai peut être un brin naïf de n'exiger que cela, vous ne croyez pas ? Qu'est ce que ce flacon ? Demanda-t-il, premier surpris par son audace.
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Marie-Anne Mancini


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MessageSujet: Re: "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne]   "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne] Icon_minitime29.12.10 18:52

Marianne sentit l’enfant bouger en elle et son cœur cogna soudainement contre sa poitrine. Battait-il si fort depuis longtemps, ou venait-il à l’instant de se déclencher ? Elle calma doucement sa respiration qui s’agita et ne cilla pas lorsque le comte posa sur elle son regard.
En un coup d’œil, elle détailla la scène. Outre le lit défait et l’évidence-même de ce qui venait de se passer, elle observa rapidement le comte de Montfort. Sa chemise à peine nouée baillait hors de la culotte passée sur ses chausses blanches. Les chaussures traînaient encore au sol et elle ne voulu savoir si d’autres preuves de la scène subsistaient encore.

Ca n’était pas ce qu’on nommait le « vice italien » qui la maintenait alors pétrifiée, mais l’image candide du comte de Montfort. Lui ? Partisan de la mode dans laquelle son frère Philippe se vautrait ? Ce jeune comte, modèle de courtoisie et d’attachement à la gente féminine ? Se pouvait-il qu’il se laissa aller dans les bras des deux sexes ? A moins que…

Un sourire sarcastique vint d’un seul mouvement soulever les lèvres roses de la jeune femme. Son regard se durcit alors que ses doigts serraient dans son dos le petit flacon. Montfort ? Attaché aux femmes ? Son regard le trahissait à l’instant où la question effleura l’esprit de Marianne. Elle, l’une des premières comédiennes de Versailles ne pouvait que comprendre le rôle que chaque jour le comte jouait et livrait aux spectateurs de la cour.
Mais à y regarder de plus près, le profil libertin ne jurait pas avec Montfort.

Elle donna à sa voix une forte assurance, celle dont elle usait avec passion à chaque petit mensonge lancé.


-La naïveté n’est pas de mon vocabulaire, comte, aussi je comprends ce que vous cachez à mi-voix.

Ainsi les yeux de Montfort avaient eu le temps d’apercevoir le flacon. Il était à présent inutile de continuer ce jeu de faux-semblant, aussi la jeune femme se dégagea-t-elle de la porte, portant devant ses yeux le petit flacon qu’elle fit rouler entre ses doigts.

-Ceci, expliqua-t-elle d’une voix douce, est un puissant mensonge pour une femme bien sotte. Voyez, je m’abaisse moi-même à risquer mon titre et ma place à la cour pour le bienfait d’une sotte qui boit mes paroles autant que cet hypothétique élixir.

Elle ramena d’un geste le flacon dans la paume de sa main et fixa le comte d’un regard brillant. Son silence ? Contre celui de Montfort ?

-Pourquoi refuserais-je, dit-elle à voix haute, achevant sa pensée. Elle fit quelques pas vers Montfort jusqu’à n’être séparée de lui que de quelques pas. Pourquoi refuserais-je votre silence, si vous acceptez de taire mes petites escapades nocturnes ? Je l’accepte, comte. J’accepte ce marché.

Elle sentait monter en elle ses élans théâtraux ; elle aimait à se dire que ses racines italiennes la prédestinaient à quelque carrière de comédienne et chaque jour la cour lui dévoilait sa scène. Ce soir-là, le visage sévère au regard brillant de son oncle flotta un instant devant les yeux de Marianne. Quelles leçons avait-elle retenu de ce trop court apprentissage auprès de lui ? Que son esprit et ses bons mots surpassaient ceux de ses sœurs ; que ses manières de chat la faisaient louvoyer ; que son intelligence valait bien celle des plus grands princes de ce royaume ; qu’enfin, elle était née Mancini et qu’au dessus d’elle, les nuages de la bonne fortune prédits par son père s’amoncelaient.
Que pouvait-elle soutirer de Montfort ? Qu’avait-il à lui apporter ? Son mariage n’était point heureux mais toutefois agréable. Sa famille était bien plus soudée que deux cheveux d’un carrosse. Son mariage l’avait titré duchesse de Bouillon et de Château-Thierry et la fée des arts s’était penchée sur son berceau italien. Que lui manquait-elle ? Quelle passion ne pouvait-elle voir assouvie ?


-Mais je crains, dit-elle, vous offrir bien plus que vous ne pourrez vous-même m’offrir. Je puis vous protéger, vous camoufler, me porter garante de vous : mon seul nom y suffirait et mon bien complaisant mari ne saurait me refuser ce petit caprice.

Sa voix s’étouffa cependant. Une nouvelle pensée avait jailli à ses yeux et un éclair de lucidité éclaira son esprit. Elle entrevoyait les visages bien-aimés de ses neveux, celui, plus fluide, de sa sœur Laure et les traits de son beau-frère Mercoeur. A présent, tout ceci se mêlait à ce qui faisait naître en elle un trop puissant sentiment d’impuissance : la figure douce de sa cousine avait secondé au visage enfantin de Louis-Joseph, son tendre neveu préféré. Son poing se serra imperceptiblement sur le flacon et relevant son regard sur le comte, elle posa sur lui ses yeux verts, éclairés d’une lueur que seuls ses proches jugeaient malsaine.

-En vérité, reprit-elle, vous pouvez m’apporter bien plus que je ne le croyais à l’instant. Cela bien sûr en échange d’une compensation que je tâcherais de vous offrir. Laissez-moi un court instant vérifier que cette chambre ne sera point dérangée par quelques caméristes indiscrètes.

Elle ouvrit la porte sans bruit, vérifia le silence du couloir et referma le battant, replaçant la tapisserie sur la portière.

-A présent que nous sommes seuls, comte, il me faut votre entier secret. Non pas que ce que j’ai à vous demander relève d’un secret d’état, mais cela touche certaines personnes que je souhait maintenir écartée…pour le moment.

Elle tourna un petit fauteuil vers son jumeau et d’un geste de la main, désigna le second au jeune comte. S’installant, elle arrangea le lourd tissu de sa robe afin de masquer des rondeurs traîtresses et adopta ce ton neutre et simple qu’elle affectionnait dans ces instants conspirateurs.

-Voyez-vous, commença-t-elle, le respect que je porte au roi porte bien au-delà de ce simple mot, mais je sais que nombreuses sont mes faits que sa majesté récuse. Je ne suis hélas pas dans les grâces de celles dont il a comblé mes sœurs par le passé, quelle que fut l’affection que la défunte reine-mère me porta jusqu’alors.

Ne souhaitant guère s’épancher sur ce sujet, elle toussota légèrement et reprit.

-Vous n’êtes certainement pas sans savoir que le décès prématuré de ma malheureuse sœur, duchesse de Mercoeur, m’a fait tutrice de mes neveux. Je veux pour ces deux adorables enfants la meilleure place qu’il soit et leur offrir tout l’amour dont ils ont été privés bien trop jeunes. Leur père a souhaité quitter cette vie publique afin de se retirer dans les ordres ; ils n’ont d’appui que leur tante.

Elle avait feint un regard attristé, s’appuyant sur un soupir lourd. Mais la réalité l’accablait réellement et elle se surprit dans cet élan de sincérité. Mais son ton se durcit quelque peu lorsqu’elle continua son récit.

-Voici le premier tableau, comte. Il y en à trois. Voici le second, continua-t-elle, celui de ma cousine Laure. Je n’ai point de grief envers elle et le seul reproche que je puis lui faire est celui de s’être abaissé à épouser ce fou de Conti. Elle laissa échapper un soupir de dégoût à l’évocation de ce cousin par alliance. Dire que je me réjouis de sa disparition serait un pied dans la disgrâce, aussi je me tairais, mais vous devinez aisément, comte, ce que j’éprouve pour cet homme.

-Cet homme, ainsi que le reste de sa famille. Le ton de la duchesse s’échauffa lentement à cette seule pensée. Famille qui n’a cessé de tourmenter mon oncle et le roi ; dont l’aînée s’est reclus dans une hypocrite bigoterie, dont le second ne baissera la tête que si on la lui tranche tel le faisait le cardinal Richelieu, et dont le troisième, ce bossu et mal-fait s’est entiché de ma cousine !

Debout, Marianne aurait ainsi martelé le sol tant le dégoût pour ces Bourbon l’animait. Plus encore, le visage de ces deux « anges de la cours », de ces Longueville dont le seul nom la plongeait dans un état d’écœurement. La possessivité de Marianne et sa jalousie s’enflammaient comme une poudre à canon dès lors que le souvenir des avanies subies par son oncle lui revenait. Elle avait étouffé ce dégoût lorsqu’elle avait épousé Bouillon, mais La Rochefoucauld, Noirmoutier, Nemours et ces anciens frondeurs ne pouvaient obtenir grâce à ses yeux. Ces noms ne pouvaient être liés à elle d’amitié.

Eloignait-elle ainsi de nombreux alliés ? Elle ne souhaitait répondre à cette question et pour l’heure, sa seule préoccupation concernait les deux anges qu’étaient ses neveux.


-Pardonnez-moi, se reprit-elle dans un nouveau toussotement. Elle respira longuement avant de poursuivre. Aux deux aînés de son époux, ma cousine n’a pu leur refuser d’être parrain et marraine de son second fils, François. Et pour lui, dit-elle d’une voix plus basse de regrets, je suis certaine que ces aînés sauront tracer pour lui une voix glorieuse. Son visage d’ange, qui ressemble déjà tant à mon cher grand-père, saura l’aider dans cette voie, mais son caractère sera bien trop marqué par ces mentors que je redoute.

Elle baissa son regard, soudainement voilé. Elle ne pouvait accepter de laisser s’échapper de la famille Mazzarini ces deux enfants, déjà dans les bras de ses ennemis. Outre la colère, la jeune fille se laissait prendre par sa jeunesse et réagissait avec fièvre à ces défaites.

-Voici donc ce second tableau. Avant de vous faire part du troisième, comte, je dois savoir si votre parole et par elle votre loyauté, m’est acquise. Comprenez-vous cette situation, monsieur ?

Elle posa sur lui un regard franc et certain. Marianne ne pouvait poursuivre si elle n’était certaine du secours du jeune homme. Elle mettait ici en jeu bien plus que son honneur : sa famille et l’avenir de ses neveux.

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MessageSujet: Re: "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne]   "Quel prix vaut votre silence?" [Sébastien ~ Marie-Anne] Icon_minitime09.03.11 21:42

-La naïveté n’est pas de mon vocabulaire, comte, aussi je comprends ce que vous cachez à mi-voix.

La voix de Marianne Mancini était d'une assurance à peine voilée. Sébastien n'eut pas besoin de se demandé si elle avait comprit la situation. Tout cela était tristement évident ce dit le jeune comte. Quelle humiliation pouvait l'attendre ? La jeune femme se détacha de la porte et s'approcha un peu plus dans la lumière de l'âtre du foyer et porta à son regard le petit flacon qu'il avait aperçu. Tout en le faisant rouler entre ses doigts fins, elle expliqua d'une voix douce :

-Ceci est un puissant mensonge pour une femme bien sotte. Voyez, je m’abaisse moi-même à risquer mon titre et ma place à la cour pour le bienfait d’une sotte qui boit mes paroles autant que cet hypothétique élixir.


Elle fit disparaître à nouveau le flacon au creux de sa paume puis elle posa ses yeux brillants sur Sébastien qui restait muet, attendant la suite de ce qu'allait décider la jeune femme à propos de son sort...

-Pourquoi refuserais-je, dit-elle.

Elle s'avança vers lui jusqu'à n'être qu'à un mètre à peine du jeune homme à la tenue négligé.

-Pourquoi refuserais-je votre silence, si vous acceptez de taire mes petites escapades nocturnes ? Je l’accepte, Comte. J’accepte ce marché.

-Il en va de même pour moi, Madame. Vos escapades seront tûtent autant que...mes penchants. J'imagine également que cet accord ne sera pas gratuit pour moi : qu'attendez vous donc de mon humble personne ? Demanda-t-il en s'inclinant poliment.

Un sentiment de soulagement traversa l'esprit de Sébastien qui se senti alors plus détendu face à la Mazarine. Le regard de la jeune femme était redoutable, envoutant et intimidant. Elle lui faisait penser à ce qu'il s'imaginait enfant comme étant la fée Morgane dans les Légendes des Chevaliers de la Table Ronde qu'il lisait avant de s'endormir. Elle pouvait être autant son pire ennemi qu'une protectrice bienveillante. En face de lui, la jeune femme semblait autant réfléchir que lui : après tout, se dit le Comte, dans cette situation ils étaient sur un pied d'égalité. Toutefois, beaucoup de choses les différenciaient l'un et l'autre. Elle était la puissance, pouvant lui apporter beaucoup tandis que lui, à part sa « droiture » et ses principes sur la noblesse de l'âme, n'avait rien ou si peu. Sébastien savait bien évidemment que leur mutisme mutuel ne serai pas sans une contre parti plus importante venant de lui. Qu'allait-elle lui proposer ? Les questions tourbillonnaient dans l'esprit du jeune homme qui gardait les yeux tournés vers ceux de la Duchesse de Bouillon.

-Mais je crains, dit-elle enfin, vous offrir bien plus que vous ne pourrez vous-même m’offrir. Je puis vous protéger, vous camoufler, me porter garante de vous : mon seul nom y suffirait et mon bien complaisant mari ne saurait me refuser ce petit caprice.

Sébastien restait alors sans voix. Lui offrir bien plus ? Tout cela l'intriguait terriblement : il sentait que cette curieuse rencontre avec la jeune femme ferait basculer bon nombre d'éléments dans le théâtre de son existence. Jamais encore il n'avait été prit à parti dans une manigance, un complot ou un quelconque arrangement. Était-t-il donc trop faible pour le léviathan qu'était Versailles ? Il ne pouvait se permettre d'être aussi craintif après tant de mois passé en ces lieux. Il était parvenu à se protéger jusqu'à ce soir mais la Mazarine, en ayant découvert son secret, allait changer toute l'équation. Qu'allait-il advenir de lui à présent ?
Après ces quelques paroles annonciatrices, Marianne Mancini sembla touchée par une illumination. Elle réfléchit à nouveau longuement, le regard absent, puis elle posa à nouveau ses yeux verts sur Sébastien. Ils paraissaient briller d'un éclat nouveau. Le jeune Comte n'aurait su dire si c'était un regard malsain ou non. Cela le troublait.


-En vérité, reprit-elle, vous pouvez m’apporter bien plus que je ne le croyais à l’instant. Cela bien sûr en échange d’une compensation que je tâcherais de vous offrir. Laissez-moi un court instant vérifier que cette chambre ne sera point dérangée par quelques caméristes indiscrètes.

Tandis que la jeune femme allait vérifier si leur conversation pouvait être des plus privées, Sébastien craignait à présent d'être un malheureux jouet entre les mains de la Duchesse. Il espérait, peut être vainement, que la jeune femme ne profiterai pas un peu trop de son pouvoir sur lui. Lorsqu'elle revint auprès de la cheminée, Sébastien se lança :

-Qu'en est-il de vos projets à mon encontre, Madame ?


-A présent que nous sommes seuls, comte, il me faut votre entier secret. Non pas que ce que j’ai à vous demander relève d’un secret d’état, mais cela touche certaines personnes que je souhait maintenir écartée…pour le moment.

-Bien...Je comprends. Vous avez toute ma confiance. Je n'ai pas la réputation de colporter les rumeurs ou les secrets des autres, vous en conviendrez
, dit-il d'une voix amicale qui l'étonna lui-même. Exposez-moi donc tout cela.

Elle tourna un fauteuil en face du second qu'elle désigna à Sébastien. En s'installant il remarqua que la jeune femme arrangeait le tissu de sa robe. Le jeune homme se demanda si elle ne voulait pas masquer quelques rondeurs...Mais il ne s'y attarda pas. Après tout : cela n'était pas son affaire.

-Voyez-vous, commença-t-elle d'un ton neutre qui vibrait pourtant des parfums de la conspiration, le respect que je porte au roi porte bien au-delà de ce simple mot, mais je sais que nombreuses sont mes faits que sa majesté récuse. Je ne suis hélas pas dans les grâces de celles dont il a comblé mes sœurs par le passé, quelle que fut l’affection que la défunte reine-mère me porta jusqu’alors.,

Sébastien acquiesça. Elle toussota légèrement puis reprit :

-Vous n’êtes certainement pas sans savoir que le décès prématuré de ma malheureuse sœur, duchesse de Mercoeur, m’a fait tutrice de mes neveux. Je veux pour ces deux adorables enfants la meilleure place qu’il soit et leur offrir tout l’amour dont ils ont été privés bien trop jeunes. Leur père a souhaité quitter cette vie publique afin de se retirer dans les ordres ; ils n’ont d’appui que leur tante.

Elle soupira alors, le regard emplit de tristesse.

-Voilà une histoire bien triste que vous me contez là, Madame, dit alors Sébastien avec compassion. Mais je ne saisi pas où vous voulez en venir

Sébastien fût surprit par tant de confidences de la part de la Duchesse. Mais prenant conscience de cet instant de faiblesse, le ton de la jeune femme devint plus dur pour poursuivre son récit.

-Voici le premier tableau, comte. Il y en à trois. Voici le second, continua-t-elle, celui de ma cousine Laure. Je n’ai point de grief envers elle et le seul reproche que je puis lui faire est celui de s’être abaissé à épouser ce fou de Conti. Elle laissa échapper un soupir de dégoût à l’évocation de ce cousin par alliance. Dire que je me réjouis de sa disparition serait un pied dans la disgrâce, aussi je me tairais, mais vous devinez aisément, comte, ce que j’éprouve pour cet homme.

-Cet homme, ainsi que le reste de sa famille. Le ton de la duchesse s’échauffa lentement à cette seule pensée. Famille qui n’a cessé de tourmenter mon oncle et le roi ; dont l’aînée s’est reclus dans une hypocrite bigoterie, dont le second ne baissera la tête que si on la lui tranche tel le faisait le cardinal Richelieu, et dont le troisième, ce bossu et mal-fait s’est entiché de ma cousine !

Marianne Mancini était furieuse à l'évocation des Bourbons et elle exprimait son dégoût avec toute la passion de sa nationalité italienne. Sébastien imaginait que de nombreux souvenirs déplaisant revenaient hanter quelque peu l'esprit de son interlocutrice. A cet instant, elle paraissait complètement absente, ne faisant même pas attention à la présence de Sébastien. Puis semblant prendre conscience de son état et du fait qu'elle n'était point seule elle toussota à nouveau pour reprendre le fil de ses explications :

-Pardonnez-moi, dit-elle à Sébastien qui continuait à la contempler sans dire un mot. Aux deux aînés de son époux, ma cousine n’a pu leur refuser d’être parrain et marraine de son second fils, François. Et pour lui, ajouta-t-elle d’une voix plus basse de regrets, je suis certaine que ces aînés sauront tracer pour lui une voix glorieuse. Son visage d’ange, qui ressemble déjà tant à mon cher grand-père, saura l’aider dans cette voie, mais son caractère sera bien trop marqué par ces mentors que je redoute.

Toute ses explications étaient décidément toujours obscures pour le jeune homme en face de la Duchesse. Il ne parvenait pas à en tirer les conclusions de tant de paroles. Marianne Mancini lui confiait des affaires d'ordres familiales et privées, quelques avis enflammés, mais qu'attendait-elle donc ? L'esprit curieux de Sébastien était accoutumé à l'énigme, à tout ces détails que personnes n'apercevaient mais qui pourtant faisaient toute la différence. Sébastien était doué aux devinettes, mais en cet instant il s'avouait vaincu à cette partie. A moins que la jeune femme n'est point terminer de lui révéler toutes les pièces de l'échiquier...Les mains sagement croisées devant lui, l'esprit paré à toutes les éventualités, le jeune Comte de Montfort attendait patiemment la suite.

-Voici donc ce second tableau. Avant de vous faire part du troisième, comte, je dois savoir si votre parole et par elle votre loyauté, m’est acquise. Comprenez-vous cette situation, monsieur ?

Elle lui lança alors un regard direct et sans état d'âme. La jeune femme demandait la dernière confirmation de leur accord : une fois qu'il aurai accepté, il ne pourrait revenir sur cette décision. La curiosité du jeune homme demandait encore d'être substantée. Ne pouvant résister à son instinct d'investigateur, il ne voyait pas d'autres alternatives :

-La situation m'est des plus claires, Madame, dit Sébastien tout aussi franc et confiant que cette nouvelle complice inattendue. Face à tant de confidences et de franchise, ma loyauté et ma parole ne peuvent que vous être acquises. J'espère ne point me tromper.
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