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 A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.

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Frances Cromwell


Frances Cromwell

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance.
Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent...
Discours royal:



La B e l l e D a m e sans Merci

Âge : 28 ans
Titre : Comtesse de Longford
Missives : 716
Date d'inscription : 06/06/2008


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MessageSujet: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime20.07.09 20:58

A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Versailles2 A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Versailles3
So Treiben Wir Den Winter Aus, The Mediaeval Baebes.




[…]Ma tendre fille, je ne pense point que l’Irlande sera encore longtemps enchaînée à l’Angleterre.[…]


Le chant matinal des oiseaux. Le bruissement du vent dans les feuilles d’arbres. Le murmure de la soie sur l’herbe encore pleine de rosée. Mary of Monaghan, jeune violoniste attachée depuis peu à la duchesse d’Orléans, semblait profiter des quelques heures matinales qu’il lui restait avant de rejoindre son service en se promenant auprès de l’immense pièce d’eau en forme de croix qu’était le Grand Canal de Versailles. Elle s’avançait tantôt sur le bord, comme prête à se jeter dans l’eau, tantôt se retirait sous les arbres bordant l’allée adjacente. Levée aux aurores comme tous les matins depuis son arrivée en France, Mary s’était déjà faite habillée, coiffée et maquillée par sa suivante dont les yeux rouges et la mauvaise humeur qu’elle tentait pourtant de dissimuler, témoignaient de la fatigue. A dire vrai, la servante avait bien du mal à comprendre les extravagances de sa nouvelle maîtresse, bizarreries qui poussaient cette dernière à se réveiller tôt et à se faire parer pour ensuite s’exercer quelques heures au violon, avant de rejoindre les appartements de la duchesse d’Orléans quand -enfin- le soleil se trouvait déjà haut dans le ciel. Ce matin là où Mary paraissait aux abords du Grand Canal, prête à rejoindre l’onde opaque telle une nymphe des eaux solitaire ne dérogeait point à la règle d’or de l’Irlandaise. Silencieuse, elle arpentait le chemin qui la mènerait au Grand Trianon et prêtait l’oreille à chaque bruit environnant, se retournant parfois subitement lorsqu’elle croyait reconnaître le pas d’un cheval.

En réalité, l’extravagance matinale de la duchesse, comme se plaisait à le dire sa suivante, avait ce matin-là un tout autre but pour Mary, celui de parler à son frère aîné que la mélancolie ou la rêverie avait poussé hors du lit dès la première heure pour une promenade solitaire à cheval. Bien évidemment, le jeune homme n’avait point cru bon d’en aviser sa sœur, qu’il croyait sans doute encore endormie, et cette dernière avait ainsi eu la désagréable surprise d’apprendre la nouvelle de son départ de la bouche d’un valet. D’ordinaire, Mary aurait pris son mal en patience et aurait sagement attendu le retour de Matthew mais en ce jour, elle avait une lettre au contenu terrifiant glissée entre sa robe et son corset dont l’auteur n’était autre que le Duc de Monaghan lui-même. Arrivée la veille au soir, la courte missive avait été récupérée par la servante de Mary qui, bien évidemment, ne se rappela plus par la suite d’un détail quelconque concernant le mystérieux messager porteur de la lettre dont le contenu pouvait conduire plusieurs nobles irlandais à la pendaison, hormis le simple fait qu’elle le trouvait charmant et « joli garçon ». Après la lecture de la lettre que Mary n’hésita point à attribuer à son père car elle en reconnaissait parfaitement l’écriture, la jeune fille perdit toute couleur et toute parole si bien que sa suivante en oublia de suite le charmant messager, inquiète de la santé de sa maîtresse. La curieuse s’était bien hasardée à questionner la muette mais celle-ci demeura fidèle à son nouvel état et ne prononça aucune parole bien que quelques heures plus tard, lorsqu’elle se fut remise, elle fit part distraitement de sa volonté de parler à son frère, ce qui mena la servante à croire que la lettre était porteuse de quelque malheur arrivé en Irlande.

Cependant, malgré son esprit et sa curiosité, la suivante de la jeune fille était bien incapable de se douter que la lettre du duc de Monaghan à sa benjamine apprenait à cette dernière l’existence de nouvelles coalitions entre des familles irlandaises, leur réarmement en grand secret et, par-dessus tout, leur volonté de se lever à nouveau contre l’Angleterre, cette fois-ci gouvernée par Charles II. Mary avait d’ailleurs eu la surprise de lire de l’irlandais et non de l’anglais, ce qui prouvait que la lettre avait véritablement échappée aux mains des anglais pour arriver dans les siennes, via l’intervention d’un mystérieux messager. Des familles avaient été citées, des individus avaient été nommés, leurs actions et leurs complots avaient été expliqués. Dieu, que cette lettre s’avérait dangereuse ! Et en cet instant même où Mary donnait l’impression de profiter pleinement de la fraîcheur matinale avant de rejoindre Madame, la missive reposait là, près de sa poitrine, dissimulée par la soie de la robe rose et jaune ! Il suffisait à la jeune fille de plonger les doigts dans son corsage, de les glisser par-dessous le bustier de la robe et le corset et l’imprudente lettre était à nouveau mise à jour. Si par malheur elle tombait entre de mauvaises mains, la jeune irlandaise savait d’avance le parcours qu’elle effectuerait et les conséquences que cela entraîneraient : la mort de plusieurs opposants à Charles II. En gardant cette funeste lettre contre elle, Mary protégeait ces rebelles. En la perdant, elle les perdrait aussi. Pourquoi son père lui avait-il donc fait cela ? Quelle était l’idée du grand stratège ? Etait-ce une épreuve ? Il fallait que Mary en parle avec Matthew. C’était un besoin, une nécessité vitale. Son aîné saurait quoi faire, elle n’avait aucun doute là-dessus. Il lui fallait simplement l’occasion parfaite pour le voir et lui parler en secret. Pourquoi diable Matthew avait-il décidé de partir se promener à cheval ce matin-ci ?

Mary s’était à présent rapprochée du bord du canal et fixait son reflet aux couleurs verdâtres, croyant trouver dans l’eau une quelconque réponse à l’une ou l’autre des questions qui tiraillaient son imagination depuis la veille, espérant naïvement voir surgir la Dame du Lac ou quelque autre nymphe des eaux car c’était toujours ainsi, les rêveries de Mary chassaient peu à peu son anxiété. Lorsqu’une brindille sur le sol derrière elle se brisa, la fascination fut rompue et la jeune irlandaise, reprenant ses esprits, se retourna vivement.

- Matthew ?, hasarda-t-elle. Mais ce n’était point son frère qui lui faisait face en cet instant et plus que jamais, Mary sentit le poids de la lettre serrée contre elle, comme un fardeau.
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MessageSujet: Re: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime31.07.09 16:54

Un fardeau ? C’était manier un bel euphémisme que de considérer cette dangereuse – voire mortelle – missive qui devait résonner des coups palpitants et nerveux du cœur de la douce et sensible Irlandaise, qui fixait quelques fractions de secondes plus tôt son beau reflet dans l’eau quelque peu terreuse et glauque du Grand Canal. Une des cohortes de serviteurs ne tarderait pas à être envoyés par l’Intendant du château afin de curer la vase verdâtre qui ternissait hideusement cette eau qui était envahie de saletés – feuilles, poussières, et autres éléments naturels… et d’autres abjections qu’y laissaient négligemment tomber des courtisans peu soucieux de souiller un lieu si charmant. Enfin, ce n’était point du tout là un objet de préoccupation pour le duc de Norfolk, qui avait bien d’autres chats à fouetter. Surtout que lui aussi avait reçu d’inquiétantes nouvelles de par-delà la Manche, et que les chats étaient plutôt dépeints comme d’infâmes rats, et les insultes plombaient cette fameuse lettre, qui arborait orgueilleusement le cachet royal.

En voici la teneur, si le lecteur désirait, par pure curiosité, en connaître quelque peu le contenu :

  • « Ce n’est point là mon cher Hermès, complaisant messager de mes amours royales, dont j’ai expressément besoin en ces temps agités, mais bien plutôt de mon maréchal, car nos querelles avec ces satanés Hollandais s’enveniment à nouveau après une accalmie passagère que tu as su si bien aménager, mais qui, hélas, s’est subitement dégradée dès que tu t’en es retiré pour nos affaires à Versailles.
    Versailles, Versailles, d’ailleurs ! Qui doit impérativement conclure une trêve diplomatique avec l’Angleterre, car nous sommes actuellement dans une situation fameuse, et ce ça n’est pas peu dire ! Je t’en prie Thomas, ton roi, ton ami, ton frère t’en supplie : agis de sorte à ce que mon très cher cousin Louis nous accorde des troupes, ou tout du moins sa bienfaisance financière… après tout, fais-lui bien entendre qu’il ne s’agit là au final que d’un vulgaire investissement, si nos deux pays renforcent à raison cette paix relative qui est la nôtre…
    Car, je suppose forcément que tu sais de quoi il en retourne avec ces damnés Irlandais, tes relations priment haut la main sur mon réseau d’informateurs, voilà que cela complote ferme au sein de la diabolique Erin ! « Independance ! Irish Independance ! » Voilà ce que scandent ces chiens, qui ne cessent de harceler et de narguer la couronne Anglaise ; devrais-je me faire un nouveau Cromwell, et exterminer à nouveau le tiers de cette maudite engeance ?... »


Et la cinglante missive se poursuivait de manière encore plus violente encore, au fur et à mesure que se déroulait de façon fulgurante la rage du souverain, dont Thomas ne comprenait que trop bien l’état d’esprit excédé et fébrile de Charles II. Excepté le fait que le jeune duc, contrairement à Sa Majesté, disposait de trésors de patience, de souplesse et de mansuétude. De surcroît, il entendait le cas périlleux de l’Irlande avec d’autant plus de clairvoyance et de tolérance, que sa mère, l’intraitable Lady Ceridwen Howard, proclamait bien haut et sans nul souci d’être inquiétée de l’hostilité farouche qu’elle opposait face à ce qu’elle considérait comme « l’occupant anglais ». Le fait qu’elle ait finalement épousé un des plus puissants ducs de cette perfide Albion qu’elle dénigrait avec tant de verve avait longtemps laissé perplexe son fils, qui ne l’avait jamais vue se plier à aucune concession, surtout aussi élevée qu’une union maritale.

En tant que gallois et comte de Maughan, apparenté aux légendaires dynasties princières kymriques, Thomas se sentait fougueusement orienté vers et pour la cause irlandaise, d’autant plus que ses sympathies avec la famille ducale de Monaghan renforçait étroitement son attachement instinctif à cette poétique Erin, qui n’avait certainement rien de « diabolique » aux yeux du jeune homme. Au contraire, elle offrait plutôt à son esprit rêveur mais trop souvent désenchanté cet espoir d’un Eden perceptible dès à présent s’il le voulait – ou bien, et c’était là une amère réalité que sa prééminence et une puissance telle au sein des affaires politiques, économiques, sociales, religieuses… et bien trop de domaines encore… qu’il regrettait quelquefois d’y être irrémédiablement enraciné, piégé. Ah, embarquer aussitôt sur un navire et se fondre dans cette Irlande à la brume et à la verdoyance légendaires ! Le pays de Galles s’anglicisait par trop et sans même en avoir réellement conscience, et c’était bien cet aveuglement perfide qui déchirait le cœur celtique du duc de Norfolk, tandis que ses racines normandes le tiraillaient irrésistiblement vers Charles II… Qu’il était compliqué de ne pouvoir se revendiquer de nulle patrie ! En toute logique, au vu de son nom, de sa position, de ses charges et de son influence qui n’avait besoin d’absolument rien pour être prouvée et effective, Lord Howard agissait en faveur de l’Angleterre. Corps et âme.

Se fier à ce jugement simpliste serait pure candeur, naïveté ou sottise – ou encore les trois. Parce que Thomas savait faire la part des choses, et qu’en conseiller et agent diplomatique consciencieux, honnête et intègre il avait toujours faire preuve d’un pacifisme exemplaire et acharné. Alors toutes les subtilités et les plus infimes nuances tactiques et politiques, autant dire que Thomas, malgré son jeune âge, en avait une expérience redoutable mais salutaire pour l’Europe entière. Charles II ne possédait après tout point ce caractère facile que lui supposaient ses ennemis, et ses foudres se révélaient redoutables et destructrices si personne ne venait contrecarrer en douceur ses décisions impulsives et courroucées. Et c’était dans ce genre de situations que Thomas agissait discrètement en sous-main, néanmoins avec une efficacité dont tout un chacun ne se rendait point forcément compte, puisqu’il prenait autant de soin à dissimuler ce perpétuel travail de prévention et de replâtrage pacifiques, si par malheur le mal était déjà fait.

Alors il allait falloir, une fois de plus, apaiser son monarque avec habileté et délicatesse, et déployer tout son savoir-faire afin de savoir de quoi il en retournait exactement en Irlande, et endiguer dès à présent les dégâts relationnels et politiques qui étaient probablement déjà en train de s’envenimer dangereusement. Et puis, après avoir pris quelques mesures, entrer discrètement en pourparlers avec les rebelles que le maréchal-diplomate saurait forcément contacter sans que cela ne tombât malheureusement dans l’oreille royale, ainsi qu’avec les Monaghan, ce qui serait peut-être moins aisé à cacher.

Et voilà qu’il rencontrait comme par miracle la douce Mary, la cadette des Monaghan en personne ! Le hasard faisait décidemment bien les choses. Thomas ouvrit les bras et esquissa une petite moue pleine d’une feinte humilité, que démentaient la fossette mutine et l’éclat malicieux des yeux si bleus du duc de Norfolk, avant de se fendre d’un sourire étincelant, resplendissant lui-même d’une allégresse lumineuse quoique toujours domptée par l’irréprochable observance de la flegmatique bienséance anglaise, et d’une noblesse pleine de civilité et de délicatesse qui caractérisait Sir Thomas Howard, ce dont on lui savait gré.


  • « - Eh non, ce n’est là que votre vieil ami Norfolk, qui se morfondait de n’avoir su ce que sa délicate rose Irlandaise pouvait bien devenir… »


Dernière édition par Thomas of Norfolk le 22.11.09 21:29, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime20.08.09 15:08

[Pardon pour le retard et le style de la réponse. Je n'en suis pas vraiment fière... Razz ]



Ce fut la surprise qui apparut en premier lieu sur le visage de Mary lorsqu’elle découvrit son interlocuteur. Ses yeux s’agrandirent de stupeur et sa bouche s’entrouvrit dans une exclamation muette. Cela faisait des mois qu’elle n’avait point vu Thomas of Norfolk, l’ami de son frère, l’homme le plus influent auprès du roi d’Angleterre mais également le plus fin connaisseur de Shakespeare que la jeune irlandaise avait côtoyé. Norfolk, à Versailles ? Mary oublia un instant la missive qui reposait près de son cœur à mesure que surgissaient en son esprit des bribes de souvenirs d’Angleterre. Elle entendit des rires lointains résonner et tinter à la manière de breloques, comme si le fait de revoir Thomas of Norfolk avait permis d’ouvrir un coffret à bijoux scellé depuis une éternité, coffret dont s’échappaient à présent les perles d’un passé qu’elle croyait révolu. L’adieu à l’Angleterre, bien que moins déchirant que celui qu’elle avait fait à son Irlande natale, avait pourtant brisé une chose dans le cœur de Mary, comme une statuette de porcelaine que l’on lance sur le sol. Et tandis que Mary reprenait peu à peu contenance face à cet ami du passé, dissipant sa surprise, elle eut le sentiment de se retrouver en Angleterre, comme autrefois. Ce fut d’ailleurs cette impression qui poussa la jeune irlandaise à se rapprocher de Thomas of Norfolk, comme pour le serrer dans ses bras de la même façon qu’elle l’aurait fait avec son frère, mais la vision soudaine du château de Versailles lui rappela qu’elle se trouvait cette fois-ci en France et que cela faisait plusieurs mois qu’elle n’avait point vu Norfolk. Elle se ravisa donc dans sa lancée en exécutant à la place une légère révérence polie et les premiers mots qu’elle formula quand la voix lui revint portèrent le ton même de la politesse et de la réserve.

- Votre amie n’a point changée depuis la dernière fois que vous l’avez vue en Angleterre, bien que sans votre présence, elle fut vite gagnée par l’ennui...

Il y eut un silence. La phrase de Mary était restée en suspens, ses paroles coincées dans sa gorge. Elle hésitait à exprimer entièrement le fond de sa pensée à son ami qu’elle n’avait point revu depuis une éternité. N’était-il point mal avisé de lui laisser entendre l’inquiétude, l’anxiété et la peur qui avaient saisi son pauvre cœur à la disparition d’un ami si cher ? Ne devait-elle point observer une certaine contenance face à l’apparition de Norfolk après ces mois d’absences ? N’y avait-il point une énième règle ou étiquette à respecter selon laquelle Mary se devait de garder une distance envers le jeune homme qu’elle n’avait point revu depuis une éternité ? La jeune irlandaise craignait de ne point connaître les convenances auxquelles il fallait se tenir dans la situation qu’elle était en train de vivre mais n’ignorait point que son interlocuteur les savait parfaitement, ce qui n’était pas sans l’effrayer. Cependant, le cœur de Mary prit l’avantage sur sa raison, durant un court instant, certes, mais suffisamment pour que la jeune irlandaise dévoile ce qu’elle n’osait aborder.

- Matthew et moi n’avons point reçu de nouvelles de votre part et nous avons alors supposé que le roi vous avait confié quelque mission. En vain, j’attendais une lettre, quelques mots qui m’auraient prouvé que vous étiez toujours en vie et que la santé vous souriait. Je me suis inquiétée, je vous l’avoue, d’apprendre un jour votre mort, et hier encore, j’attendais d’entendre cette funeste nouvelle par la bouche de la duchesse d’Orléans… Mais à présent, mes craintes n’ont plus lieu d’être, et je serai bien heureuse d’annoncer cela à Matthew quand il reviendra.

Le cœur avait parlé et le poids qu’avait porté la jeune irlandaise concernant la disparition de Thomas of Norfolk s’envola à mesure que la raison acceptait et affirmait le fait que le jeune homme en face de Mary se trouvait être véritablement l’ami qui avait disparu quelques mois auparavant et non une quelconque vision envoyée par une fée malfaisante. Quelle joie de revoir -enfin- celui que Mary avait attendu depuis si longtemps ! A présent, aucun tracas ne pouvait gâcher cette journée qui avait débuté de manière inattendue, hormis sans doute cette maudite lettre qui semblait sommeiller paisiblement contre le cœur de la jeune irlandaise. La missive retrouva rapidement sa place prédominante parmi les pensées de Mary et avec elle, l’idée des conséquences possibles si elle tombait par hasard dans les mains des anglais. Et c’était étrangement le jour où la jeune irlandaise se trouvait en possession de la dangereuse missive et s’interrogeait sur ce qu’elle allait devoir en faire que son ami Norfolk refaisait son apparition. Triste coïncidence.

Mary avait toujours aimé son Irlande et avait appris dès l’enfance à lui être fidèle en toute circonstance. D’ailleurs, lorsqu’elle avait rejoint la Cour d’Angleterre à 14 ans, son père lui avait fait promettre de ne jamais oublier sa terre natale. Quoiqu’il advienne, elle se devrait de soutenir l’Irlande et si par hasard un nouveau conflit naissait avec l’Angleterre, comme cela semblait être le cas, son camp serait déjà choisi. Cependant, il était difficile de renier un pays qui l’avait accueillie et dont le roi avait si généreusement pourvu aux besoins des Monaghan. La douce et timide Mary n’avait jamais songé qu’un jour, il lui faudrait prendre parti et abandonner ce qui pouvait encore la retenir à l’Angleterre. Si la guerre éclatait à nouveau, aurait-elle seulement la force de dire adieu à Thomas of Norfolk ?

Comme cette lettre pesait lourd contre ce cœur fragile. La fortune se montrait bien infidèle ces temps-ci et le hasard n’en était que plus cruel. Placer ces mots dans les mains innocentes de Mary quand un ennemi potentiel pouvait venir à elle sous le visage d’un ami cher… Effectivement, cette sombre pensée n’avait point seulement effleuré l’esprit de la jeune irlandaise : elle l’habitait tout entier. Thomas of Norfolk avait été proche des Monaghan par le passé et Mary n’avait jamais douté, une fois qu’elle l’eut bien connu, de la sincérité de son ami, jusqu’à en oublier qu’il avait un père anglais tandis qu’elle-même descendait d’une lignée irlandaise. Shakespeare avait participé au rapprochement de Thomas et Mary mais la missive qu’avait reçu cette dernière contribuait au contraire à les éloigner l’un de l’autre. La jeune irlandaise prenait peu à peu conscience de cela tandis qu’elle essayait de garder sa contenance face à Norfolk.
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MessageSujet: Re: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime09.12.09 19:15

[ Oups... tu as l'autorisation de me fouetter en pensée ! En plus, mon message a dévié dès le début, j'ai tenté de rectifier le tir finalement, mais je ne sais pas trop si cela te conviendra ! Enfin, Nono' est gentil, il ne fourre pas son petit nez dans les affaires de ces dames, si c'est ce que tu voulais absolument savoir Razz Que la force soit avec toi pour les partiels (je crois), quant à moi j'attendrai un petit mois pour me faire torturer à mon tour. :arrow: ]


Le coeur de Norfolk tressaillit dans sa poitrine lorsqu'il vit le petit soleil irlandais rayonner d'une surprise qu'il augurait éclatante de joie à la perspective de le retrouver, ce qui était bien évidemment aussi gratifiant pour sa personne qu'agréable de voir ENFIN s'épanouir sur le visage de quelqu'un une véritable émotion... Car à Versailles, point de naturel, certainement pas ! S'il était toléré, et même paradoxalement recommandé de le copier à outrance, l'Etiquette brimait par son carcan toute spontanéité. Assurément, c'était également le cas à la cour de Charles II, mais avec quelle différence d'intensité ! C'était, après tout, une toute autre manière d'imiter son souverain. Admettons : Louis XIV lors d'un banquet donné à l'honneur de la réception d'un ambassadeur, et respectivement Charles II pendant le même événement de l'autre côté de la Manche. En France, il faudra absolument faire une impression éblouissante, que ce fût par l'abondance et le raffinement des mets, la musique la plus délicieuse, la cour suffocante de légèreté mais surtout, exhalant des volutes d'esprit typiquement français, éclaboussant incessamment ses voisins et ses ennemis de saillies assassines et d'un goût ! Ah que diable, il faut impérativement se faire inoubliable, pulvériser verbalement son adversaire de joute, la difficulté étant de ne point trop hausser la voix - car beugler nuit gravement au bon mot, qui ne saurait connaître la trajectoire d'un boulet de canon, juste en avoir l'effet -, mais surtout, l'essentiel, de faire mouche... Versailles, ou le suicide social ! C'était étonnant de voir à quel point le jeune duc s'amusait intérieurement, et il eut voulu faire part de cette drolatique comparaison et filer sa métaphore, tout à son bonheur d'une personne chère hasardeusement retrouvée, mais le recul presque craintif de la main amie qu'il attendait venir se poser sur son bras - accueillant ! et que ne l'eût-il déjà serrée dans ses bras chaleureux ! -, ce recul le choqua soudainement. L'humeur intérieure un instant au beau fixe vira à l'orage noirâtre, et en une seconde, son sourire adorable fondit comme neige au soleil, laissant place à une froideur hivernale.

- Votre amie n’a point changée depuis la dernière fois que vous l’avez vue en Angleterre, bien que sans votre présence, elle fut vite gagnée par l’ennui...


Aussi immobile qu'une statue, Thomas en avait subitement le teint plombé et le maintien raide et hautain ; Mary venait de le blesser sans même qu'elle n'en fût peut-être seulement consciente. Enfant ou impulsif, il en aurait tapé du pied et aurait fait une colère de tous les diables, en pleurant d'une cruelle déception. Le temps même sembla s'obscurcir, et le soleil déjà trop timide fut voilé par un gros nuage d'une grisaille fade et déprimante. Il frissonna sous la brise qu'il avait trouvée si agréable et rafraîchissante, se plaisant à y déceler en abusant son odorat comme un air iodé... Le regard soigneusement baissé à terre, ou plutôt sur cette eau putride qu'il aurait voulu voir pleuvoir sur Versailles, qui n'avait pas besoin de cette boue sur l'éclatante blancheur de son palais divin, mais dont la société infernale était souillée jusqu'à l'os, aux tréfonds de l'âme, et qui s'empiffrait de vice jusqu'à la lie ! Quelle fureur naquit en Thomas, de voir cette jeune fille, qui était presque encore une enfant, avec laquelle il avait passé de si doux instants, et dont la candeur et l'absence exceptionnelle de toute affectation l'avaient irrésistiblement séduit, lui qui haïssait la cour, les artifices et la superficialité... Ce qui expliqua la réplique sèche – trop sèche – qui fusa par sa bouche admirable, mais cependant pincée d’amertume :

« - Hélas, je constate avec une aigre déception que cette amie n’est plus la même, si elle se laisse corseter par cette gangrène d’Etiquette : que cela soit appliqué en société, j’en suis parfaitement aise ; mais entre nous, Mary !... »

Le
jeune homme fit volte-face lestement, balaya par un regard furibond les alentours, et maugréa :

« - Encore, si l’on était épié comme au palais, mais ici ! Les promeneurs, par bonheur fort rares, sont loin, et… oh, pardonnez-moi, Mary, cet insupportable excès d’humeur… Parfois, des derniers temps, il m’arrive de ne plus me contrôler ni me reconnaître, et c’est assez effrayant. »

Thomas poussa un profond soupir, et posa un regard débordant de regret chagriné sur la petite mine pâle de la jeune duchesse. Une telle ingratitude de sa part, cela avait de quoi bousculer la pauvre Mary, dont il avait dû bien malmener la sensibilité par ce brusque revirement ; un revirement qui trouvait maintes explications qui étaient autant de motifs atténuants, mais tout de même ! Trop tardivement, il se prit à imaginer dans quel état d’esprit la jeune Monaghan devait se trouver ici, et il percevait ce séjour en France comme une sorte de semi-exil prolongeant celui des semaines passées à la cour d’Angleterre. D’ailleurs, le déchirement et l’hostilité qu’elle n’avait point manqué de rencontrer là-bas lui avait serré le cœur tant de fois, alors qu’elle lui racontait par de charmants euphémismes les preuves haineuses des opposants à la cause, et tout simplement (ce qui était même pis !), le peuple irlandais… Il fallait de surcroît qu’il lui parlât de cette affaire de complot décelée par ses informateurs ces derniers jours, mais voilà qu’il engageait bien mal la conversation. Bien décidé à se racheter, dût-il se ployer devant son amie et même se mettre à genoux pour réclamer pardon – ce qui était, en soi, une fausse résolution, puisque tous deux concevaient un honneur et une dignité tels qu’ils ne l’exigeraient jamais l’un de l’autre, quelles que fussent les circonstances -, Thomas lui prit d’autorité le bras et l’entraîna un peu plus avant vers le canal, avec l’attention manifeste et prudente de s’éloigner des éventuels regards indiscrets, car s’il se savait nécessairement surveillé partout où il fût, quoi qu’il fît, il avait néanmoins la crainte que des espions anglais n’en déduisît de conclusions… par trop vraies, ou par trop fausses ? son engagement dangereusement ambigu semait le doute dans tous les esprits.

Avec une petite caresse fraternelle et tendre du pouce sur ce bras soyeux, le duc de Norfolk pencha légèrement sa tête bouclée vers l’oreille de son amie, à laquelle il chuchota en dialecte irlandais :

« - Oublie cette scène ridicule, Morrigan, et comme autrefois ouvre-toi à un ami sincère et aimant… »

Le court silence eut alors lieu, et s’il ne sut point si ces paroles avaient eu raison du ridicule de son attitude précédente et de l’incompréhension blessée qui aurait pu, avait dû en naître, il poussa un imperceptible soupir de soulagement lorsqu’elle se laissa librement :

- Matthew et moi n’avons point reçu de nouvelles de votre part et nous avons alors supposé que le roi vous avait confié quelque mission. En vain, j’attendais une lettre, quelques mots qui m’auraient prouvé que vous étiez toujours en vie et que la santé vous souriait. Je me suis inquiétée, je vous l’avoue, d’apprendre un jour votre mort, et hier encore, j’attendais d’entendre cette funeste nouvelle par la bouche de la duchesse d’Orléans… Mais à présent, mes craintes n’ont plus lieu d’être, et je serai bien heureuse d’annoncer cela à Matthew quand il reviendra.

« - Et je serai fort content de retrouver Matthew, que j’ai un peu trop fâché la dernière fois que nous nous sommes vus… que voulez-vous, je suis incorrigible, je ne peux m’empêcher de taquiner tout un chacun jusqu’à ce qu’il soit à court d’arguments et de patience… Néanmoins il est absolument nécessaire qu’il apprenne à se défendre, car sa tâche future ne sera point des plus aisées, je vous le garantis. »

Agréablement détendu, il entraîna Mary d’un pas souple et lent vers l’extrémité du canal, et s’arrêta pour lui cueillir une inattendue touffe de crocus d’une blancheur de neige qu’il lui offrit galamment avec une grâce de danseur et un sourire épanoui.

« - Le crocus, ou l'âge tendre du lys ! Il me ferait chaud au cœur de vous accueillir en mon manoir de Belle-Isle, où ces mignonnes petites fleurs tapissent mes sous-bois, et leur donnent l’air d’un tableau féérique digne de vos contes et légendes ; d’ailleurs, confidence pour confidence, je vous ai cruellement regrettée, et ignorant que j’étais, j’avoue que devant votre silence respectif, je n’ai pas cru bon d’entretenir quelque correspondance avec vous. Stupide crainte de vous être importun, et de troubler fastidieusement votre vie… C’est dire si je tiens à vous – ainsi qu’à votre frère -, sans quoi vos deux aimables personnes ne m’auraient point tant tourmenté ! De surcroît, vous avez du avoir eu vent de l’épouvantable épidémie de peste qui a ravagé Londres et ses environs, tandis qu’elle me dépouillait des derniers membres de la famille Norfolk… »

Ravalant une bouffée de tristesse, Thomas se força à sourire, et changea subtilement de conversation par une pirouette rieuse :

« - Et puis, sachez qu’un Gallois, même une demi-portion, est d’une nature aussi coriace que le dragon, même s’il parait aussi chétif et risible que son poireau. Je crains qu’il ne faille entendre encore de longues années pour expédier dans sa tourbe galloise le duc de Norfolk ! »

Ceci étant dit, c’était une erreur que de trop parier sur l’avenir, qui ne saurait être prédit à la hâte sans désillusion : certes, si ses ennuis de santé permanents étaient préoccupants, cette petite boule de nerfs qu’était le jeune Thomas était d’une résistance qui déconcertait beaucoup des hommes de science qui l’avaient examiné. En revanche, qu’en était-il de sa vie politique et sociale ? C’était justement ce par quoi il voulait commencer, afin de préparer le terrain pour l’envie éventuelle de Mary de s’épancher, et il espérait persuader – et même mieux encore, convaincre ! – de sa compassion et de son soutien. Son visage pâle retrouva donc l’expression d’une gravité rassurante qui était ordinairement la sienne, et son timbre de voix se fit plus grave et chaud, enveloppant la jeune fille tout entière de la puissance de sa loyauté, renforcée par sa volonté de poursuivre en irlandais (ultime mesure de sécurité, car aussi belle fût-elle, cette langue avait peu de chance d’être connue par le Versaillais lambda).

« - Vous ne dites mot, toutefois je crois bien deviner ce qui préoccupe ce joli front pur froissé par le souci. Vous savez ma position, et tous les avantages et pouvoirs qui sont attachés à ma charge de maréchal, etc ; pourtant, je vous prie de croire que je n’en ai pas abusé, et que je n’exerce aucune surveillance autour de votre famille, et ce malgré le fait que le roi en personne me l’ait demandé ! De ce fait, je ne saurais vous recommander encore une méfiance extrême, en tous lieux et… si vous vous défiez de moi, je le comprendrai parfaitement malgré ce prélude un peu long et insistant, mais moi-même je ne pourrai continuer ni vous aider si vous ne vous ouvrez pas à moi : le choix est vôtre, vous êtes libre de vouloir tenter quelque action discrète sous mon égide, ou non. »

Il appuya ses derniers mots sur un sourire engageant, avec le flegme aristocratique dont il ne se déparait jamais. Accueillir les confidences et proposer son épaule et ses conseils, certes ; les forcer et imposer, non.
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Frances Cromwell


Frances Cromwell

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Certes, mon époux y occupe une place, mais le reste est tout entier dévoué à ma vengeance.
Côté Lit: Personne, hormis mon époux, à l'occasion, en Angleterre. Mais comme je suis en France à présent...
Discours royal:



La B e l l e D a m e sans Merci

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MessageSujet: Re: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime30.01.10 23:01

[J'avoue, ma réponse est pitoyable et super en retard Rolling Eyes . Il faudra que je fasse mieux la prochaine fois. C'est dommage, l'inspiration ne me vient jamais au bon moment. En plus, je voulais faire glisser tranquillement Mary vers le dilemme relatif à la révolte irlandaise et à son amitié pour Thomas mais j'ai raté mon idée. Bref, mille excuses car c'est aussi râpé que le gruyère ! Razz ]

Mary tressaillit en s'apercevant que la colère avait envahi la voix de Norfolk. Immense douleur que provoque le coup porté par la main d'un ami ! Mais au fond, la jeune irlandaise savait bien qu'elle méritait cette remontrance. Elle avait craint un instant de ne point agir comme elle se devait de le faire et payait cher cet écart. Et tandis que son ami, furieux, lui faisait remarquer de manière acide sa faute, la jeune fille se tint à une distance respectueuse, mais vers la fin, elle tenta de s'expliquer. Sa bouche s'entrouvrit pour émettre une parole juste, mais aucun son n'en sortit et Mary se maudit intérieurement pour cet excès de timidité. Néanmoins, elle retrouva sa voix lorsqu'elle sentit sur son bras une caresse délicate qui semblait vouloir dire "pardon pour cet emportement". Thomas avait repris un ton calme après ce bref mouvement de colère et de déception et Mary lui fut alors extrêmement reconnaissante. Il fallait bien avouer que ces derniers jours avaient été particulièrement pénibles, si ce n'était même les dernières années qu'elle avait passées si loin de chez elle. Ce mariage qui lui faisait horreur, l'éloignement de son frère, la distance qui la séparait de Blodwyn et, dernièrement, ce germe de complot que son propre père s'efforçait, semblait-il, d'amener à maturité. Thomas of Norfolk n'en saurait peut-être jamais rien, mais sa présence en cette heure, soulageait grandement la jeune fille, d'autant qu'il venait de lui parler en irlandais, langue qu'elle n'avait point eu le plaisir d'entendre depuis des lustres.

Tandis qu'il l'entraînait vers l'extrémité du canal en devisant, Mary osa un coup d'œil timide vers cet ami de toujours qu'elle venait par bonheur de retrouver. La même voix, le même langage, le même air, comme si rien n'avait changé. La jeune fille eut même le loisir d'apprécier l'accent que prenait Thomas lorsqu'il parlait irlandais. Les mots n'étaient point déformés ou mal prononcés, au contraire, Norfolk aurait bien pu se nommer Waterford ou Westmeath qu'elle n'en aurait point été surprise. Mais il restait tout de même un petit quelque chose d'anglais qui faisait penser à Mary qu'en Irlande, son ami aurait pu être démasqué par une oreille fine ou un bon observateur.

« - Le crocus, ou l'âge tendre du lys ! Il me ferait chaud au cœur de vous accueillir en mon manoir de Belle-Isle, où ces mignonnes petites fleurs tapissent mes sous-bois, et leur donnent l’air d’un tableau féérique digne de vos contes et légendes ; d’ailleurs, confidence pour confidence, je vous ai cruellement regrettée, et ignorant que j’étais, j’avoue que devant votre silence respectif, je n’ai pas cru bon d’entretenir quelque correspondance avec vous. Stupide crainte de vous être importun, et de troubler fastidieusement votre vie… C’est dire si je tiens à vous – ainsi qu’à votre frère -, sans quoi vos deux aimables personnes ne m’auraient point tant tourmenté ! De surcroît, vous avez du avoir eu vent de l’épouvantable épidémie de peste qui a ravagé Londres et ses environs, tandis qu’elle me dépouillait des derniers membres de la famille Norfolk... »

Les lèvres de Mary s'entrouvrirent dans un sourire lorsque Thomas lui tendit avec grâce les crocus, qu'elle récupéra avec douceur, regroupant le bouquet dans sa main droite, celle qui était la plus abîmée ces derniers temps, en raison d'une pratique intensive du violon. Fort heureusement, un gant cachait ces rougeurs et permettait à Mary de tenir son frère tranquille quant à son état. Ce n'était point mensonge, mais dissimulation. Certes, ce procédé déplaisait grandement à la jeune irlandaise mais la vie à Versailles ne lui laissait point le choix, aussi avait-elle débuté cet apprentissage d'un autre genre que celui de la musique. Et, si elle pouvait parfois s'en sortir en usant de simples mensonges -tantôt l'histoire de la lettre à écrire de toute urgence, tantôt un ordre donné par Madame- pour fuir la Cour, Mary ne pouvait s'empêcher de filer se confesser, penaude, honteuse de ces mauvaises actions et ignorante de celles, bien pires, que certaines femmes se permettaient de faire sans rougir...

Lorsque Thomas mentionna sa demeure française de Belle-Isle sur le coup d'une invitation, Mary sentit son cœur se serrer. Comme elle aurait aimé dire oui tout de suite, et partir immédiatement ! Quitter cette cour, oublier ces mensonges pour revenir à ses légendes, se plonger dans cet univers simple, si proche de la nature ! Mais la pensée de son mariage ruina toute rêverie et effaça instantanément son sourire. Ses yeux cessèrent de briller de leur éclat habituel et le visage entier de la jeune irlandaise s'assombrit, comme un paysage marin que les nuages enveloppent et recouvrent de leur morosité. La suite de la conversation ne fut d'ailleurs pas pour lui rendre le sourire. L'annonce de la mort des derniers Norfolk attrista Mary presque autant que si elle avait été une proche parente de Thomas, ce qui était tout à fait étrange, puisqu'elle ne connaissait absolument point ces gens, à présent morts, et anglais de surcroît. En fait, la mort avait toujours impressionné Mary, et ce dès la période où on la nommait encore Morrigan. Une crainte typique des irlandais, disaient -et diront encore- les anglais. A moins bien sûr que ce ne soit dû à la hausse phénoménale du nombre de décès en Irlande aux alentours de l'année 1649...

La peste en Angleterre semblait provoquer de terribles ravages au sein de la population, et cela, au grand bonheur de certains irlandais ayant perdu des proches aux cours des massacres pratiqués sous Cromwell. Mary était parfois bien innocente mais ne se montrait pas naïve au point d'ignorer ce qui se murmurait en Irlande. La peste pouvait affaiblir considérablement un ennemi autrefois puissant. L'occasion ne se présenterait peut-être pas deux fois et il faudrait alors agir en conséquence. La fille du Duc de Monaghan ne pouvait ignorer cette possibilité, cette idée qui deviendrait une tactique pour la guerre. Elle pouvait presque entendre son père parlant à ses alliés et bien qu'irlandaise de toute son âme, Morrigan ne put retenir sa peine, touchée par le seul anglais en qui elle avait confiance et pour qui elle éprouvait une réelle sympathie. Ses paroles furent brèves mais d'une sincérité certaine.

"Je suis désolée pour votre famille, Thomas. Soyez assuré que je prierai pour eux ce soir..."

Néanmoins, la jeune fille ne put savoir si ces quelques mots avaient réconforté son ami, car celui-ci changea subitement de sujet par une pirouette dont il avait le secret et Mary n'eut point le courage de l'en détourner. A moins que ce ne soit à son tour d'évoquer ce qui la tracassait...ou pas.

« - Vous ne dites mot, toutefois je crois bien deviner ce qui préoccupe ce joli front pur froissé par le souci. Vous savez ma position, et tous les avantages et pouvoirs qui sont attachés à ma charge de maréchal, etc ; pourtant, je vous prie de croire que je n’en ai pas abusé, et que je n’exerce aucune surveillance autour de votre famille, et ce malgré le fait que le roi en personne me l’ait demandé ! De ce fait, je ne saurais vous recommander encore une méfiance extrême, en tous lieux et… si vous vous défiez de moi, je le comprendrai parfaitement malgré ce prélude un peu long et insistant, mais moi-même je ne pourrai continuer ni vous aider si vous ne vous ouvrez pas à moi : le choix est vôtre, vous êtes libre de vouloir tenter quelque action discrète sous mon égide, ou non. »

Un long silence suivit les dernières paroles de son ami. Mary ralentit le pas et bientôt, s'arrêta, au grand étonnement de Thomas. Elle essaya de porter une parole à ses lèvres mais le regard de son interlocuteur la rendit muette. Elle se sentit pâlir et se détourna brusquement pour cacher cet instant de faiblesse. Elle savait bien que son père n'aurait guère apprécié sa conduite en cet instant mais elle ne put faire venir en son cœur un courage qui l'avait depuis longtemps déserté, à moins bien sûr, qu'elle ne l'ai jamais possédé. Une femme, comme le disait le Duc de Monaghan, n'avait point son mot à dire dans les complots et les affaires d'Etat. Il fallait qu'elle préserve sa douceur, son calme et ses larmes. La femme priait pour la paix quand l'homme faisait la guerre. Silencieuse, pure comme la vierge, cette vierge dont Mary portait le nom et à qui elle s'adressait dans ses prières. Encore des siècles de silence avant de pouvoir s'exprimer...

Morrigan décida de briser ce calme austère auquel elle s'était habituée. Néanmoins, elle garda une certaine réserve, craignant encore une oreille indiscrète.

"Vous avez raison de me croire préoccupée. Je suis sujette à des troubles qu'aucune âme ne peut apaiser, pas même Matthew que je ne vois guère et qui ne sait rien de ce que je ressens..."

Il y eut un nouveau silence, plus court cette fois-ci et durant lequel Mary fixa le sol d'un regard sombre, serrant un peu plus fort les crocus dans sa main droite.

"Il y a que je dois être mariée sous peu. Ordre de votre roi. Il m'a promise et je suis d'ailleurs certaine qu'il ne m'envoie pas en France pour le simple plaisir d'offrir une violoniste à sa sœur. Je suis une marchandise, Thomas, un échange, si vous préférez. J'ai conscience de mon ignorance en matière de politiques, mais je devine que le fait d'éparpiller une famille irlandaise par des charges et des mariages lui permet de l'affaiblir. Pardonnez-moi si vous le pouvez, pour ces paroles que je professe à l'encontre de votre ami, j'en ai honte moi-même puisque je suis forcée d'avouer que je lui dois beaucoup. Ma famille garde ses possessions, mon père fait réparer notre demeure grâce à une pension qu'il reçoit, et les vêtements que je porte me viennent d'Angleterre. Voyez quelle ingrate je suis !"

Contre toute attente, Morrigan baissa la voix pour ajouter, cette fois-ci sur un ton plus calme mais également empreint d'une certaine crainte car le paroles qu'elle allait prononcer n'annonçaient rien de très réjouissant :

"Je n'ai jamais douté de vous, Thomas. Je sais que vous n'avez point de méfiance pour Matthew et moi. Et pourtant... Nous sommes irlandais et un jour, peut-être serions-nous forcés de rejoindre... nos camps respectifs. Si votre roi vous a demandé de poster des espions dans notre entourage, j'imagine que ce jour arrivera bientôt..."

La lettre reprit toute son importance contre le cœur de Mary et, bien qu'elle n'ait point révélée son existence en confiant une partie de ses peines à son ami, la jeune irlandaise eut la désagréable impression de trahir sa propre famille. Elle venait en effet d'avouer à mots couverts la possibilité d'une révolte en Irlande, révolte qu'elle reconnaissait souhaiter ardemment, au plus proche confident du roi d'Angleterre en personne. Pour les Irlandais, cette action était une folie, mais pouvait-on reprochait à la jeune Mary de se confier à un ami ?
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MessageSujet: Re: A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde.   A l’heure où les nymphes trempent leurs pieds dans l’onde. Icon_minitime15.06.10 11:21

[Oh mon Dieu, heureusement que je suis maintenant en grandes vacances Rolling Eyes Sorryyy Crying or Very sad ]


"Je suis désolée pour votre famille, Thomas. Soyez assuré que je prierai pour eux ce soir..."

Il était impossible au jeune homme de douter une seconde de la sincérité de cette réponse si simple, mais dont la sobriété agissait justement comme un baume sur son deuil. C'était si différent des condoléances emphatiques que tous lui avaient adressées avec une grandiloquence révoltante à la Cour, boursoufflés d'une affectation de circonstance. Et puis, si ce n'était que cette pieuse pensée de joindre à ses prières du soir celles destinées à des êtres si chers au coeur de Thomas, qui se sentit la poitrine lourde de sanglots qu'il refoula du mieux qu'il le pouvait... Mais il était encore incapable de parler et attendit quelques minutes pour pouvoir enfin poursuivre la conversation et remercier sa tendre amie. Il fit comprendre l'étendue de son trouble et son impuissance passagère à répondre avec un faible sourire et un regard humide de larmes qu'il avait grand-peine à retenir, aussi baissa-t-il promptement les yeux une fois le message silencieux passé. Enfin, il saisit la main de Mary et lui murmura, avec une voix parfaitement claire et calme :

" - Merci Mary, vous n'imaginez pas à quel point vous me réconfortez. J'ai perdu ma petite soeur, et il va me falloir reporter toute mon affection sur une personne qui m'est chère, et je crains que ce ne soit vous ; vous sentez-vous prête à être accablée de la sorte ? "

Il plaisantait, bien entendu, mais à demi-mots et comptait faire comprendre à la jeune irlandaise combien il l'aimait, d'un amour chaste de frère aîné qui n'avait cessé de croître et de se vérifier par le cas qu'il faisait de la vie tourmentée de la duchesse Monaghan, position ô combien inconfortable ; c'était sans compter le point sensible qu'elle allait bientôt évoquer. Le grand silence qui suivit devint vite incommode, et Thomas jugea plus approprié de laisser à Mary le temps de réfléchir à ce qu’il venait de dire, et ainsi de répondre avec le plus d’à-propos ce qu’il conviendrait de dire, de dévoiler, dans la position délicate qui était la leur. Le jeune homme s’était fait un devoir de se démasquer en toute sincérité, et il apparaissait très clairement qu’une telle révélation, bien qu’implicite, lui coûterait probablement la peine capitale si ses propos venaient à être rapportés en Angleterre.

Visiblement, le duc de Norfolk avait troublé sa compagne, qu’il sentit accuser le coup et hésiter furieusement dans son for intérieur. La tempête dans un crâne… Ne sentait-il point coupable, de la torturer ainsi entre sa reconnaissance envers cette perfide Albion (quelque peu forcée, il fallait bien en convenir : la menace et le chantage, quelle subtilité !) et sa loyauté intuitive et naturelle à son Irlande natale ? Cependant Thomas lui-même n’était-il pas l’Anglais le mieux placé pour comprendre les doutes de Mary, ses réticences, ses craintes et ses peurs ? Après tout, il n’était qu’une demie portion galloise, et beaucoup de vieilles ganaches comme de jeunes fats de la « fine fleur de la noblesse de Grande-Bretagne » l’avaient longtemps agacé de leurs allusions rogues ; et bien que le roi Charles l’eût à maintes reprises rassuré et eût fait rendre gorge à ces buses, le jeune homme savait pertinemment que cette méfiance craintive, parfois haineuse, était irrépressible chez des êtres faibles qui depuis leur plus tendre enfance, étaient baigné dans le mépris de l’étranger et l’omnipotence de leur sang. Quelquefois, le duc de Norfolk ne se sentait plus de rage, et des duels meurtriers l’avaient nimbé d’une aura redoutable ; en fait, rétrospectivement, il venait à regretter cette manche remportée de force, nécessaire à la consolidation suprême de sa réputation et de son nom, mais qui ne changerait jamais les esprits mauvais. Ainsi, Mary ne se doutait peut-être pas des revers qu’il avait dû affronter, et qu’elle-même devait subir quotidiennement.

"Vous avez raison de me croire préoccupée. Je suis sujette à des troubles qu'aucune âme ne peut apaiser, pas même Matthew que je ne vois guère et qui ne sait rien de ce que je ressens..."


Cette fois-ci, ce fut Thomas qui s’arrêta ; néanmoins il s’interrogeait par trop sur les raisons de ce trouble dont il devinait les nombreuses ramifications : le complot irlandais ? Elle ne semblait point vraiment vouloir s’ouvrir à ce sujet… Mais la cause irlandaise restait et resterait toujours une source inépuisable de tourments pour cette nature douce et bonne, dévouée et trop sensible pour ne pas s’abîmer dans les dédales du labyrinthe politique. Alors qu’y avait-il d’autre, cette chose terrible qu’elle n’avait même pas confié à Matthew, mais dont elle consentait à parler avec lui, qui n’était pas de son sang ? Il pensa tout à coup au mariage : au sien et à celui de cette demoiselle de Noailles, mais également à celui de Mary avec cette brute de Saxe. Il eut une petite grimace amère en entendant se confirmer cette conjecture.

"Il y a que je dois être mariée sous peu. Ordre de votre roi. Il m'a promise et je suis d'ailleurs certaine qu'il ne m'envoie pas en France pour le simple plaisir d'offrir une violoniste à sa sœur. Je suis une marchandise, Thomas, un échange, si vous préférez. J'ai conscience de mon ignorance en matière de politiques, mais je devine que le fait d'éparpiller une famille irlandaise par des charges et des mariages lui permet de l'affaiblir. Pardonnez-moi si vous le pouvez, pour ces paroles que je professe à l'encontre de votre ami, j'en ai honte moi-même puisque je suis forcée d'avouer que je lui dois beaucoup. Ma famille garde ses possessions, mon père fait réparer notre demeure grâce à une pension qu'il reçoit, et les vêtements que je porte me viennent d'Angleterre. Voyez quelle ingrate je suis !"


« - Allons donc ! Je suis moi aussi une âme en peine, puisque « mon roi » m’a pareillement sommé de trouver épouse ; la victime a été aisément trouvée, puisque ma défunte mère a révélé dans son testament la promesse que mon père avait contractée avec le duc de Noailles à la naissance de sa fille. A présent, j’ai vingt-six ans, et je suis largement en âge de me marier et il devient urgent, vis-à-vis de ma santé capricieuse, d’offrir un héritier à mes titres et à mes biens : songez que je suis le dernier descendant en ligne directe de ma lignée, et que chacun me presse – que dis-je, me harcèle ! – de convoler pour sauvegarder mon patrimoine. »

Thomas se sentait le devoir impératif de rassurer Mary du mieux qu’il le pouvait et de réduire au maximum cette appréhension du saut de l’ange conjugal qui devait la consumer intérieurement. Il se sentait révolté, dégoûté et rageur devant le massacre potentiel que ce mariage déclencherait, car il connaissait peu, mais assez, « l’heureux élu ». Ah, Derek de Saxe ! Il n’avait pas assez de mots pour déprécier ce prince présomptueux et imbécile, butor qui mettait légèrement péril sa position d’ambassadeur anglais. De fait, la relation d’amitié entre France et Angleterre était déjà aux yeux de Thomas une magnifique démonstration d’hypocrisie qui le faisait rire lorsqu’il écrivait des lettres jubilatoires et satiriques à Charles dans sa correspondance non officielle. Les petites anecdotes savoureuses faisaient d’ailleurs les délices des soirées intimes du cercle royal, mais il était exclu que pareilles confidences caustiques n’atteindraient jamais les oreilles des Frogs. Pour en revenir à cette fleur de nave de Saxe (une nouvelle expression française qu’il ne connaissait point, et qu’il plaçait partout où il le pouvait – en privé, et en riant, bien évidemment), il avait suffi que Lord Howard effleure avec des moufles le sujet tendu et vénéneux du complot souterrain à l’œuvre actuellement à Versailles pour que le prince lui fit remettre, le lendemain même, un coffre plein de piécettes sonnantes et trébuchantes pour Valois et sa clique. Félicitation pour une telle discrétion ! Quel poison, jeter sur lui un tel discrédit alors qu’il ne trempait, pour le moment, aucunement dans pareille conspiration… Et puis il y avait cette répugnance physique et cette inimité viscérale contre lesquelles il ne pouvait rien, et qui lui donnait envie de venger toutes les victimes de ce petit garçon gâté à outrance et effroyablement débauché aux yeux puritains du duc de Norfolk.

Il n’eut cependant point le temps de répondre immédiatement, mais il avait déjà tellement ressassé et médité la douleur latente que lui causait la perspective du mariage – et ce que ce fût dans son cas comme dans celui de Mary, qu’il chérissait tant -, qu’il saurait quoi rétorquer à la jeune fille et tenter de lui épargner le moins d’anxiété possible. De surcroît, la duchesse revenait sur l’épineux sujet de conversation qui avait le leur précédemment, et qu’elle avait habilement éludé.

"Je n'ai jamais douté de vous, Thomas. Je sais que vous n'avez point de méfiance pour Matthew et moi. Et pourtant... Nous sommes irlandais et un jour, peut-être serions-nous forcés de rejoindre... nos camps respectifs. Si votre roi vous a demandé de poster des espions dans notre entourage, j'imagine que ce jour arrivera bientôt..."


« - Je vais peut-être vous surprendre, Mary – et ce que je vais vous confier ne devra jamais être entendu par quiconque, même pas de Matthew, malgré toute la confiance que je lui porte. Vous parlez de « nos camps respectifs » : le vôtre est naturellement irlandais, et le mien serait anglais. Ce serait effectivement le cas : je suis fier de mon nom, de mon sang et de ce patrimoine dont je parlais ; toutefois mes racines se crispent, crissent et hurlent lorsque je sens mes origines bafouées, la mémoire d’un peuple vaincu et auquel j’appartiens malgré tout. Vous avez fort peu connu ma mère, Lady Ceridwen, mais tout un chacun a senti la force farouche qui émanait d’elle, et la différence frappante entre elle et les dames anglaises qu’elle côtoyait et qu’elle éclipsait : son identité, l’orgueil de la race galloise, qui même sous le joug anglais depuis des siècles, n’est pas prête de s’annihiler.

Vous vivez cette union comme un sacrifice : certes, c’en est un, que je ressentirai également, mais qui est celui de toutes les femmes et tous les hommes du monde ; un sacrifice de sa pudeur, de son intimité et de son individualité. Toutefois vous garderez, ma douce Morrigan, ce qui fait de vous un être unique à mes yeux et à ceux d’autrui : votre culture, votre sang irlandais que vous devrez vous acharner à conserver coûte que coûte. Vous ne devez pas vous considérer comme une violoniste exilée et prête à être immolée, ni comme une irlandaise déshéritée et humiliée ; faites éclater la splendeur et la majesté de l’Irlande, la beauté de votre terre, l’harmonie chantante de votre langue, que nous lancerions malicieusement comme le dernier idiome à la mode à Versailles, que sais-je !

Si les armes échouent – et je crains fort que le nombre et le perfectionnement technique et militaire anglais aient le dessus -, la pensée et la mémoire sont immortelles. C’est d’autant plus vrai pour des peuples passionnés comme le sont les peuples celtiques : ne trouvez-vous point une supériorité troublante entre les Irlandais, les Ecossais et les Gallois, par rapport aux Anglais, et même aux Français ? Cette profonde solidarité qui règne entre les hommes et les fait se dévouer corps et âme à leur cause… Je doute que pareille abnégation soit le fait ici ou par delà la Manche. Et c’est au nom de tout cela que je suis prêt à vous aider…en France, à la Cour du roi Louis, c’est-à-dire là où vous et moi, qui ne pouvons trop nous exposer à la vindicte de certains, que nous serons le plus efficace. Que pensez-vous de semblable stratégie ? Je sais que j’ai pertinemment dévié de la trajectoire de notre conversation, mais tout ceci devait être dit, car je ne puis me permettre de vous l’écrire. »
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