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| " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} | |
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| Sujet: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 08.03.10 17:29 | |
| " Mais ne voyais-tu pas, dans mes emportements Que mon coeur démentait ma bouche à tous moments? " Milena déplia le billet une fois encore. Ce billet reçu la veille et rapporté en même temps que tous ses flacons de plantes, par Cristina, sa fidèle suivante. A la relecture de ce dernier, l’agacement la submergea et elle s’en mordit les lèvres cruellement. Le prince de Gonzague l’horripilait, un mois sans nouvelles et voilà qu’il revenait subitement en France et désirait la rencontrer. Il ne manquait pas d’audace ! Pensait-il qu’il lui suffisait de claquer des doigts pour obtenir tout ce qu’il désirait d’elle ? Ne comprenait-il point qu’elle ne désirait plus jamais le voir ? Manque de courtoisie, ingratitude, irrespect de sa personne et de son honneur, elle ne comptait plus ses griefs contre lui. Dans son emportement, elle émit un bruyant soupir, chiffonna sans ménagement le papier et le jeta sur son secrétaire.
" Mon départ imprévu en Italie m’a fait manquer à mon devoir de gentilhomme… "
La princesse venait de persiffler entre ses dents, une phrase de Gabriel et un rire bref et cynique s’empara d’elle, tandis qu’elle déambulait dans son salon, les mains posées sur les hanches. Le regard courroucé, la respiration saccadée, elle observait cette petite boule de papier comme si elle toisait déjà son auteur …
- C’est le moins que l’on puisse dire!
Oui elle le confrontait déjà, et elle n’allait certainement pas lui dissimuler le fond de ses pensées, malgré sa volonté soudaine de lui présenter ses remerciements.
- Il est un peu tard pour cela !
Milena persistait à parler à cette lettre. Elle en avait tellement sur le cœur, que ce monologue semblait l’apaiser. S’il était venu sans la prévenir, peut-être l’aurait-elle giflé comme la plus mal élevée des poissonnières. Or, elle demeurait une De Cortès, et devrait néanmoins conserver un ton de politesse lorsqu’elle le rencontrerait. La qualité de son nom était d’ailleurs ce qui l’avait poussée à accepter cette déplaisante entrevue. Cet exercice de s’adresser à la missive plutôt qu’à son expéditeur, l’aiderait sans nul doute à conserver calme et dignité. Néanmoins celui-ci dût s’interrompre car Cristina venait d’entrer dans la pièce exécutant une profonde révérence.
- Votre tenue de ballerine Princesse.
- Merci, posez la sur le paravent et venez m’apprêter.
En quelques minutes, Milena fut fin prête. Il ne lui restait plus qu’à revêtir ses chaussons et à être coiffée.
- Quand Monsieur Lully désire t-il que je le rejoigne à la salle de bal ?
- Dans une demi-heure, Mademoiselle. - Bien, vous vous souviendrez de tenir un bain prêt pour les 18h30.
Assise devant le miroir, Cristina épinglait déjà ses cheveux. Mais sa domestique paraissait distraite par quelque chose et fixait le courrier ainsi maltraité de Gabriel. Dans son inattention, elle piqua assez vivement le cuir chevelu de Milena qui dans un soubresaut de douleur, se dégagea de sa main maladroite.
- AIE !
Cristina confuse, baissa le regard. - Pardonnez-moi Princesse.
Un instant contrariée, par la gaucherie de son interlocutrice, la belle hispanique se radoucit …
- Ce n’est rien !
Un silence presque lourd s’installa entre les deux jeunes femmes. L’une s’interrogeant sur les raisons d’une telle déconcentration, et l’autre sur ses capacités à oser questionner sa maîtresse. Ce fut la seconde qui le rompit.
- Madame, êtes vous si fâchée avec le prince de Gonzague ?
Médusée devant un tel aplomb, Milena se retint de trop hausser la voix. Elle permettait beaucoup à ses serviteurs … mais devaient-ils pour autant omettre leur place et l’interroger sur sa vie privée ?
- Cela ne vous concerne point ma fille !
- C’est que …
- Oui ?
Le sourcil levé, la princesse de Cortès patientait. Que lui cachait donc cette adorable effrontée ?
- Mademoiselle ne va guère rencontrer Sa grâce sans doute … et je souhaitais que vous lui remettiez peut-être ce billet … afin qu’il le donne à son intendant.
Elle sortit de son corsage un morceau de papier plié en quatre et parfumé … Sa Cristina serait-elle amoureuse ? Le rose aux joues de sa suivante le lui confirma. Cette surprenante nouvelle effaça toute trace de colère.
- Monsieur Grivain ? Madre de Dios ! Cristina !
- Me gusta mucho, Señorita.
- Il me plait beaucoup, mademoiselle.
La princesse retint le sourire complice qui naissait sur ses lèvres, mais lui assura qu’elle mènerait son rôle de messagère à bien. Cependant …
- Il ne s’agit de rien de répréhensible ? Je désire que ma suite toute entière demeure irréprochable de vertu ! Qu’il ne me soit pas répété dans quelques mois que vous portez le fruit du déshonneur !
- Princesse je vous le jure sur la Sainte Vierge.
Tranquillisée sur ce point, elle déposa la lettre dans un petit coffret pour la reprendre après les répétitions. Quelques violettes accrochées aux boucles de sa chevelure relevée en chignon, Milena sortit des appartements intérieurs et regagna les jardins, afin d’y rejoindre les danseurs de Lully. L’après midi était déjà en son milieu, aussi ne prit-il point le temps de tergiverser outre mesure et en vint directement au but …
- Sa Majesté souhaite impressionner la délégation de l’Empereur d’Autriche qui doit arriver dans quelques jours. Il nous appartient donc de produire sur ces personnes, l’effet escompté ! J’attends le meilleur de vous-même.
Il fit un geste en direction de Milena afin de l’inviter à s’approcher. Elle s’exécuta.
- Je vous présente la princesse de Cortès, Première danseuse du Palacio del Buen Retiro, et qui fait l’admiration de Philippe IV d’Espagne. Elle m’assistera donc.
Les personnes présentes et visiblement fort honorées, d’être sous les ordres de deux illustres figures du ballet applaudirent. La jeune hispanique émue en rougit, malgré une certaine appréhension. Allait-elle être à la hauteur ? Lully mit fin à ses applaudissements, en tapant lui-même des mains, et tout ce petit monde fut bientôt en place pour interpréter le ballet des muses. L’orchestre égrenait déjà les notes.
Les chorégraphies furent éreintantes, le compositeur n’était guère un homme facile à contenter et il fallut recommencer maintes et maintes fois. Les heures passaient et les danseurs s’épuisaient, fort heureusement Milena accoutumée depuis son plus jeune âge à tant de rigueur ne s’en plaint pas. Mais lorsque résonnèrent sept coups à la grande horloge, elle ne put réfréner une certaine agitation. Elle allait être en retard à son rendez-vous ! Pour autant la jeune femme se souvint avoir précisé à Monsieur de Gonzague, l’endroit où elle se trouvait. Il ne la chercherait donc pas en vain. Quelques souffles plus tard, Lully battait à nouveau la mesure de son bâton de direction.
- Prego, Prego ! Mesdemoiselles, synchronisez vos pas à ceux de la princesse de Cortès ! Chaque seconde d’écart compte ... e produce un effetto di più TERRIBILE ! …
Le secrétaire du Roi agacé se remettait alors vite à sa langue maternelle. Perfectionniste, comptant chacun de ses pas, Milena ne faisait guère attention à la petite troupe de spectateurs qui s’était massée depuis un bon moment, afin d’apprécier ce spectacle … ou peut-être les jeunes filles légèrement vêtues.
Enfin un quart d’heure plus tard le crépuscule tombé, leur bourreau eut pitié de leur corps endolori et reporta les répétitions au lendemain. La belle espagnole gravit les marches qui la séparaient de cette inclinaison créee par le Nôtre, à la terre ferme du parc. A peine l’avait-elle rejointe, qu’elle se retrouva face à face avec le prince de Gonzague … Milena demeura ainsi plusieurs instants à le dévisager intensément. Qu’il avait changé ! Elle l’avait quitté malade et le retrouvait réellement guéri, un teint plus coloré, l’œil nullement hagard ... Mais un nuage traversa le regard de la princesse - qui n’avait pu s’empêcher d’admirer chacun de ses traits - il n’avait point recouvré la santé grâce à elle … mais bien à l’Italie et sans doute à Vittoria. La jeune femme s’inclina respectueusement, et lui adressa un sourire poli bien que crispé.
- Bonsoir Prince … je regrette de vous avoir fait ainsi attendre mais suis certaine que vous comprendrez aisément la priorité de certaines obligations. Je ne pouvais m’y dérober.
La belle héritière de Cellamare remarqua alors sa tenue, et hélas une certaine sueur. Elle en fut fort gênée, elle ne pouvait guère s’entretenir avec lui alors qu’elle était si pauvrement et si peu proprement vêtue. En outre, sa respiration restait encore coupée par l’effort physique.
- Je … Je crains de devoir vous faire encore patienter. Mais … je ne puis décemment me présenter à vous, habillée de la sorte. Je vous prie donc de m’excuser quelques minutes le temps de me changer, je vous retrouve au bassin de Flore.
D’un pas pressé elle regagna donc ses appartements. Cristina sur ses talons défaisant corset et jupons en tulle. Milena se plongea littéralement dans son bain que des pétales de roses embaumaient. Ce dernier quelque peu refroidi, sa suivante revint donc vite avec un baquet d’eau chaude afin qu’il soit plus agréable. Cependant Milena n’y demeura que fort peu de temps et se sécha à la chaleur du feu qui crépitait dans la cheminée, aidée toujours de sa précieuse camériste.
- Dois-je vous recoiffer Madame ?
- Non, ce n’est point nécessaire ! Portez-moi plutôt ma robe de taffetas violette. Elle conviendra aux fleurs que vous m’avez agrafé aux cheveux.
Cristina revenue promptement, la vêtit et lui laça le dos tout aussi rapidement. Un quart d’heure plus tard, vêtue donc comme il sied à une dame de qualité, Milena attrapa la lettre de Cristina adressée à Grivain …
- Non je n’ai pas oublié.
Elle lui adressa un léger clin d’œil et dévala l’escalier de marbre. La nuit s’était à présent bien imposée, et les courtisans frileux se bousculaient à l’intérieur, au petit souper du Roi. La pensée de demeurer seule en compagnie de cet homme, lui déplaisait. Néanmoins, n’avait-elle point éradiqué de son cœur, le moindre penchant pour lui ?
- La plus stricte courtoisie … murmura t-elle à sa propre attention, en arrivant au bassin de Flore.
Soudain, un léger bruit la fit se retourner, mais elle n’aperçut rien ni personne. Elle trouva cela étrange mais peut-être ne s’agissait-il que d’un oiseau ou d’un chat ? Aussi continua t-elle sa marche et aperçut Gabriel non loin, dos tourné. Lorsqu’il entendit ses pas, ce dernier pivota pour lui faire face. Elle s’inclina derechef.
- Je suis à nouveau désolée Prince. Je suis généralement ponctuelle à mes rendez-vous …
Elle gardait avec lui une distance respectable et … froide ! D’ailleurs son ton s’empreint lui-même de sécheresse.
- Votre missive m’a surprise Monsieur de Gonzague. Je me persuadais qu’après notre dernière rencontre, et votre périple si … soudain en Italie, vous ne rentreriez plus jamais en France. Je suppose donc que je dois me montrer honorée que votre première marque d’attention, soit de me présenter vos devoirs.
L'ironie et la vexation gagnaient à présent toute sa voix. Pour mettre un terme à ce début d’irritabilité, elle lui tendit la lettre de Cristina.
- A propos de lettres, pourriez-vous remettre celle-ci à votre intendant Grivain. Elle est signée de la main de ma camériste.
Peut-être que changer de sujet quelques instants, apaiserait son emportement. Tête baissée, regard fuyant, Milena désirait plus que jamais quitter ce bassin ! |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 09.03.10 1:14 | |
| Certaines journées valaient de ne pas être vécues, et ce jour s’étirait trop lentement pour que Gabriel aie pu l’apprécier.
Malgré le miroir qui lui renvoyait un reflet parfait, Gabriel ne prêtait attention aux plis de sa veste, ou à l’arrangement de sa culotte sombre. Ses yeux étaient posés sur les missives ouvertes sur la table, mais il ne pu savoir laquelle des deux serraient son cœur si fort.
La première lui venait de financiers italiens, lui faisant découvrir l’étendue exacte des dettes qu’avait laissées son frère Charles. Les ventes de Rethel, Mayenne ou Nevers n’avaient su combler qu’une partie du déficit, et le duché de Mantoue s’enfonçait dans une banqueroute certaine.
Il s’en voulait de n’avoir prêté qu’une infime attention à cette situation, d’avoir laissé ces banquiers s’en charger, de n’avoir pas su mesurer l’ampleur des dépenses. L’avenir de son neveu était en jeu, et son propre avenir à lui également. Il ne saurait se défaire d’autres terres, il ne saurait rattraper les erreurs fraternelles.
Il observa un instant son habit dans le miroir, ajustant ses manchettes. Il avait retrouvé, malgré le dernier coup de théâtre de son père, toutes ses couleurs. Ses yeux gris brillaient à nouveau de cette lueur intense, et ses cheveux soigneusement coiffés encadraient ce visage que dans de jeunes italiennes avaient admiré ces dernières semaines.
Gabriel, ignorant ce reflet, reporta son esprit sur la seconde missive. Il lui semblait la connaître par cœur, tant ses yeux avaient parcouru le papier, et les lettres rondes de la jeune femme lui restaient en mémoire. La main de l’angoisse lui empoigna les entrailles. Le ton de cette lettre était sec, et il était évident que son manquement avait assombri leur relation.
Il songeait à nouveau à ce départ précipité, à ces longues journées de voyage, à ces haltes pour qu’il puisse se reposer autant qu’il le fallait. Il n’avait pu aller à Versailles. Si son état physique l’avait permis, il savait que la revoir l’aurait brisé à nouveau. Ce visage si fermé, au moment de son départ, était le dernier souvenir que Gabriel gardait d’Eugenia de Cortés. Sa voix sèche, sans cette affection dont elle avait fait preuve jusqu’alors lui résonnait encore aux oreilles. Il se sentait coupable d’une faute qu’il n’avait commise, et parfois, décriait le comportement de la jeune femme, enfonçant lui-même ce poignard dans son cœur.
Ses yeux passaient d’une missive à l’autre, rongeant l’esprit de Gabriel déjà tourmenté par un retour quelque peu forcé. La vision de son père, de ce….Victor lui sautait à la gorge, faisant naître en lui cette colère sourde. Il s’était décidé à ne pas y penser plus qu’il ne le fallait, à se rappeler de ces journées auprès de son neveu, auprès de sa belle-sœur, ces journées à redécouvrir un jardin qu’il avait pourtant quitté peu de temps.
Il jeta un dernier regard froid à sa propre silhouette, et époussetant une dernière fois sa veste, tourna les talons, et sortit de la pièce, laissant abandonnées les deux lettres qui occupaient ses pensées.
VERSAILLES
Les jardins avaient gardé les mêmes tons et les mêmes couleurs qu’un mois auparavant. Rien n’avait véritablement changé, et malgré le froid qui l’avait saisi, emporté par une légère brise, Gabriel ne pouvait s’empêcher d’admirer le chef d’œuvre des ces artistes botaniques. Il n’avait vu, dans chaque palais où il avait été, d’aussi magnifiques et envoûtants jardins.
L’heure s’égrenait au son des cloches de la chapelle, et le jour commençait à décliner doucement derrière les arbres lointains. Le parc revêtait ce manteau nocturne avec autant de poésie que des vers de Ronsard, alors que Gabriel se dirigeait vers la salle de bal, la musique résonnant imperceptiblement au travers des feuillages.
-Monseigneur ! C’est un plaisir de vous revoir enfin parmi nous !
Gabriel se retourna gracieusement, et aperçu une de ces jeunes comtesses de cour, parfaite enfant élevée dans l’unique but de babiller.
-Votre absence nous a beaucoup tourmentées ! L’Italie est donc vraiment plus belle que l’œuvre du roi de France ?
Elle avait posé sur Gabriel un regard entendu, clignant doucement ses longs cils noirs. Il avait retenu un sourire trop élargit, mais son retour à Versailles, malgré les soucis qui l’assaillaient, avait rendu son humeur presque charmante, et la jeune fille ressemblait trop aux courtisanes italiennes pour qu’il en prit ombrage. Il lui rendit un sourire poli, et fit quelques pas à ses côtés, pour l’emmener vers la sal de bal où elle se rendait également. L’heure s’écoulait plus rapidement qu’elle ne l’avait fait dans la journée, et les mots d’Eugenia de Cortés lui revenaient sans cesse en mémoire.
-Mademoiselle, l’Italie n’est point l’œuvre de votre roi, je ne puis donc pas vous répondre.
Il adressa à la jeune femme un sourire poli, mais ses yeux avaient pétillé d’une certaine malice, laissant la jeune femme perplexe devant une telle réponse, dont elle ne comprenait visiblement pas le sens.
-Veuillez m’excuser, monseigneur, mais le solei se couche, et je crains que la répétition ne prenne fin ! Peut-être aurions-nous le plaisir de vous retrouver lors des jeux, ce soir ?
-Je ne puis vous répondre maintenant, mademoiselle, mais j’y songerais avec plaisir.
Il s’inclina courtoisement devant la jeune fille qui avait déplié son éventail, cachant un regard trop précieux. A petits pas, elle disparu derrière les allées de verdure, suivant les courtisans qui se rapprochaient du château illuminé. La musique remontait de la salle de bal, rythmant le coucher du soleil.
Gabriel attrapa dans la poche de son veston sa montre ouvragée, au couvercle recouvert d’un chiffre bien connu. Il y avait de nombreuses années qu’il n’y prêtait plus attention, mais ce soir-là, ses yeux s’arrêtèrent un instant sur les lettres V et C entrelacées. Un mince sourire nostalgique souleva le coin de sa bouche, alors que ses yeux descendirent sur le cadran. 18h50 sonnaient lentement au clocher.
Son estomac se contracta doucement, à la perspective de cette entrevue. Cette idée d’avoir manqué à ce devoir envers Eugenia de Cortés l’avait longtemps tourmenté, et le ton bref de sa missive l’avait un peu plus fait culpabiliser sur sa conduite. Lui en voulait-elle ? Sûrement, mais il ne pouvait éluder la cause de sa rechute, ni son départ précipité. Accepterait-elle ses excuses ? Il l’espérait. Le souvenir de ce baiser ne l’avait abandonné, et malgré l’engagement qui l’attachait au marquis de Bragelonne, Gabriel ne pouvait empêcher ses pensées de se tourner vers elle. Savoir qu’il ne pouvait qu’être bas dans l’estime de la princesse lui était douloureux.
Il ouvrit le clapet de sa montre. 18h55. La musique n’avait cessé, et la voix du plus français des italiens résonnait dans le théâtre. Gabriel ne pu s’empêcher de sourire au spectacle qu’il entendait, de cette musique entrecoupée de ces injonctions italiennes. Lulli ne pouvait choisir que le royaume de France pour montrer toute l’étendue de son talent, et Gabriel n’aurait supporté de le voir à un autre que ce roi.
Il s’avança, les pas étouffés par la musique, et se faufila parmi les courtisans qui admiraient la scène. Admirer était un mot bien faible pour Gabriel, car parmi toutes les ballerines, il ne vit que celle qui faisait battre son cœur un peu plus. Eugenia de Cortés. Plus gracieuse encore que lors de leur première rencontre. Plus douce dans ses gestes, plus rayonnante encore. Un sourire tendre étira doucement ses lèvres, alors que son cœur se serra à la pensée des torts qu’elle aurait à lui reprocher. Elle semblait si légère, alors qu’elle exécutait ces pas de danse, elle semblait vivre pleinement chaque pas, chaque entrechat qu’elle réalisait avec grâce.
Gabriel ne savait comment se trouver des excuses, son départ n’étant du qu’à des souvenirs qu’il avait enterré, et à un visage dont il avait depuis commencé le deuil. Il s’écarta doucement de la salle, alors qu’une injonction finale brisa la musique, plongeant soudainement le lieu dans un silence total. Un léger brouhaha avait suivi la fin de cette répétition, mais Gabriel souhaitant s’écarter de quelques pas, ne pu qu’avancer vers les escaliers de pierres et de coquillages, où la vision d’Eugenia de Cortés se fit enfin réelle, et plus proche encore qu’il ne l’avait souhaité.
Un silence ponctua cette soudaine rencontre, mais Gabriel, prenant délicatement la main de la jeune femme, lui répondit d’un signe de tête.
-Bonsoir, princesse. Je comprends parfaitement vos obligations, et puis encore patienter quelques minutes s’il le faut. Prenez le temps qu’il vous faudra, je me rends au bassin de Flore.
Il ne pouvait éluder la voix sèche de la jeune femme, malgré l’évident effort qu’elle faisait. Gabriel ne voulait parler plus pour le moment, et salua la jeune femme lorsqu’elle tourna le dos pour se rendre au château.
Il ne pu que l’observer s’éloigner, l’estomac à nouveau contractée devant cette vision. Malgré la fatigue évidente qui suivait l’exercice, Eugenia restait toujours à ses yeux la femme parfaite. Il se dégageait d’elle cette douceur mêlée de détermination. Une franchise sous une parfaite courtoisie, et un charme qui ne pouvait être altéré, quoi qu’elle eu porté.
Ses pensées l’avaient lentement mené au bassin de Flore, déserté par les courtisans que la nuit avait poussés vers le château. Le soleil n’était plus qu’un demi-cercle qui sombrait derrière les arbres recouvrant l’horizon. Ses rayons orangés illuminaient une dernière fois le parc, qui s’assombrissait au fil des secondes.
L’entrevue ne pourrait durer très longtemps, car malgré sa tenue chaude, le froid s’immisçait imperceptiblement. Il tira sa montre de sa poche, mais au moment-même où ses yeux se portaient sur le cadran, des bruits de pas, crissant sur les graviers, rompirent le silence.
Gabriel se retourna, et ne pu empêcher ses yeux de pétiller face à la jeune femme qu’il semblait redécouvrir chaque fois qu’il la croisait. Il s’inclina à nouveau, mais la froideur de la jeune femme serra son cœur autrement qu’il ne l’avait souhaité. Ses intuitions étaient donc confirmées. Il était évident que son attitude avait assombri cette relation qu’il voulait pourtant si honnête, et il songea alors à la petite enveloppe qu’il avait glissé dans son veston au moment de quitter l’hôtel.
Son éternelle dévouée.
Il n’avait osé l’ouvrir, tant la souffrance d’abord, puis la culpabilité, l’avaient rongé. Il ne voulait découvrir ce que cette lettre recelait. Etait-ce une confirmation de ce qu’il avait pressenti, lors de ce baiser ? Etait-ce une lettre emprunte de cette ironie glaciale dont elle usait aujourd’hui ?
- Je suis à nouveau désolée Prince. Je suis généralement ponctuelle à mes rendez-vous … Votre missive m’a surprise Monsieur de Gonzague. Je me persuadais qu’après notre dernière rencontre, et votre périple si … soudain en Italie, vous ne rentreriez plus jamais en France. Je suppose donc que je dois me montrer honorée que votre première marque d’attention, soit de me présenter vos devoirs.
-Votre retard n’est qu’un détail, princesse, je n’en n’ai pris garde.
Mon séjour en Italie fut en effet soudain, mais bénéfique, comme vous le voyez. Mais je doute que ce sujet vous intéresse, le ton de votre voix pose les premières bases de cet entretien, aussi je ne tergiverserais donc pas. Les termes de ma lettre vous ont exposé très clairement le but de cet entretien.
La susceptibilité de la jeune femme avait quelque peu dérouté Gabriel, et malgré sa position, il avait espéré plus de…calme…de la part de la jeune femme. Il conserva un ton posé, ne souhaitant en aucun cas laisser parler les émotions qui pourraient le gagner.
-Je…
- A propos de lettres, pourriez-vous remettre celle-ci à votre intendant Grivain. Elle est signée de la main de ma camériste.
Gabriel fut coupé dans son élan par l’arrivée impromptue de cette missive. Grivain ? Sa camériste ? Il prit silencieusement l’enveloppe de papier, fronçant légèrement les sourcils, retenant un sourire, et une pensée qui soufflait à ses oreilles. Le moment était mal venu d’émettre de telles suppositions, et sans mot dire, il plongea la lettre dans sa veste. L’autre s’y trouvait toujours, mais il voulait auparavant délester ce qui pesait sur son cœur depuis quelques jours déjà.
Il posa un regard franc sur la jeune femme, malgré l’attitude de celle-ci, rongeant visiblement son frein tant son regard fuyait le sien. Une vague de culpabilité l’envahit de nouveau.
-Princesse, mon comportement envers vous n’était hélas pas digne d’un gentilhomme. Votre patience, vos nuits de veilles m’ont été plus que bénéfiques, et je ne saurais être assez reconnaissant pour toutes ces journées passées à… l’hôtel.
Ces deux mots – mes côtés – n’avaient su trouver une place, et restaient coincés dans sa gorge, refusant de sortir. Gabriel respira à nouveau lentement, choisissant avec soin les mots qu’il utiliserait.
-Votre évident courroux envers moi est compréhensible, mademoiselle, et je crains que mon attitude peu courtoise aie coûtée une…amitié à laquelle je tenais. Seule cette amitié vous a fait accepter la demande de ma tante, et seule cette….amitié m’a permis de recouvrer la santé.
Tout en parlant, il avait plongé la main dans sa veste, et en ressorti l’enveloppe jaunie, qui portait cette inscription qu’il avait tant lue. Un court silence s’ensuivit, pendant lequel il fixait cette enveloppe, avant de la tenir en évidence devant le visage de la jeune femme.
-Face à votre déception, poursuivit-il, que je ressens, et dont je ne suis que le coupable, je ne sais si cette missive ne trompera pas l’idée que j’ai de cette amitié, que je n’espère passée, ou si, à contrario, elle est emprunte de cette amertume que vous ne pouvez que ressentir face à un tel manquement de ma part.
Ses yeux avaient pris cette teinte contrite, alors qu’il les gardait posé sur le visage contrarié d’Eugenia de Cortés. Eugenia…cette douce espagnole, pourtant si forte à la fois…comment avait-il pu quitter la France sans la prévenir ? Fallait-il que son état soit si déplorable, pour que ses esprits se refusent à la voir ?
Il se souvint de son départ, de sa voix sèche et de ses quelques conseils. Il s’était certes montré discourtois, mais sa santé avait rechuté suite au départ de la jeune femme. Aucune explication ne lui avait été parvenue, malgré la lettre de Grivain, révélant la venue de la jeune camériste Cristina, afin de quérir de la santé de Gabriel.
Cette femme le troublait tant, que son jugement lui-même était faussé. Avant qu’elle ne pu répondre immédiatement, il reprit.
-Votre départ a été si soudain que je n’ai eu la force de lire cette lettre. Etait-ce une erreur, mademoiselle, contenait-elle la clef du mystère entourant votre soudaine disparition ? Hélas, ma tante avait raison, et sans votre présence…..à mes côtés….seul l’air de l’Italie et du lac Inférieur pouvait vider mon esprit de pensées sombres qui m’envahissaient.
J’ose espérer que vous accepterez ces excuses, mademoiselle. Me savoir si bas dans votre estime m’est douloureux. Je n’ai songé qu’à cela lors de mon séjour à Mantoue. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 09.03.10 16:13 | |
| Pourquoi ne se trouvait-elle donc point à mille lieues de ce château de malheur, et surtout de ce prince de malheur ? Pourquoi le Destin s’acharnait-il à mettre sur son chemin, les deux personnes qu’elle désirait ne plus jamais revoir de son existence ! Marie Thérèse d’Autriche et Gabriel de Gonzague ! Tous deux avaient profité de sa naïveté et si le crime de la première demeurait la pire trahison, l’attitude du second, ne lui étreignait pas moins l’âme, ne l’avait pas moins déçue ! Elle ne put que détacher plus encore son regard du sien, tandis qu’il rangeait la lettre de sa camériste à l'intérieur de sa veste. A présent Milena souhaitait que cet entretien se termine le plus vite possible et demeurait évasive … froide, à mille lieues du bassin, à mille lieues de lui !
Depuis plusieurs jours et grâce à l’effervescence due à l’arrivée de la délégation autrichienne, la nostalgie s’était emparée de son cœur. Dans sa volonté tenace d’oublier Gabriel, son esprit vagabondait alors bien souvent sur les vallées enchanteresses du Pérou, où soit le malheur la frappait encore mais où l’atmosphère était saine et simple … Si différente de celle de France, où ne vivaient que tromperies, rumeurs, complots ! Ce soir là encore, elle aspirait à traverser les océans… ne serait-ce que par la pensée, et un pétillement furtif éclaira ses prunelles tandis que la voix de son interlocuteur se faisait lointaine ....
Frédérick, son brave et cher Frédérick ! Que devenait-il ? Ils s’étaient quittés en proie à la plus vive peine et il lui avait alors semblé qu’il pouvait l’aimer … Tout comme elle ! De leurs tensions premières, était née une forte amitié … puis un sentiment plus complice, mais il n’en restait pas moins alors un futur ecclésiastique. Aussi lorsque la lettre de ses parents leur avait annoncé l’impuissance de son frère et renonçaient pour lui à cette vie religieuse, Milena avait espéré … mais d’une espérance bien vaine. Voilà huit ans qu’elle demeurait sans nouvelles de lui. Elle se doutait bien que cette famille prestigieuse n’avait guère pu accepter la pauvre orpheline qu’elle prétendait être en ce temps là. Mais rien de bien certain, il ne s’agissait de suppositions. Sans doute saurait-elle habilement interroger dans quelque jours, un membre de cette ambassade afin d’en apprendre davantage sur lui … et peut-être qu’un avenir plus doré s’ouvrirait enfin à elle, à eux ! Peut-être également ne l’avait-il point oublié, tout comme elle. Le visage de cet homme défila un instant, sous ses yeux … Non il ne coûterait rien de demander de ses nouvelles.
" Votre évident courroux envers moi est compréhensible, mademoiselle, et je crains que mon attitude peu courtoise aie coûtée une…amitié à laquelle je tenais. Seule cette amitié vous a fait accepter la demande de ma tante, et seule cette….amitié m’a permis de recouvrer la santé. "
Cette réplique venait de la ramener à la réalité. Une amitié ? Son amitié ? La princesse contint aussitôt une envie terrible de hurler, de le détromper, et dût ravaler les mots amour et inclination. Mais au moins, à présent il ne subsistait plus aucun doute concernant les propres sentiments du Prince. Il n’éprouvait pour elle que de … l’amitié ! Ce terme lui fit mal malgré toutes ses résolutions, malgré toute sa raison ! L’hypothèse d’un malentendu s’effaça de son cœur et y grava en lettres INDELIBILES : Vittoria ! L’indignation la submergea et son souffle s’en coupa, tant sa poitrine tentait d’accuser ce coup fatal. Elle osa lever sur lui un regard où se mêlaient tant d’émotions … fierté, souffrance, rancune, mais la jeune femme ne put rien rétorquer. Sa bouche se révélait trop occupée à aspirer l’air qui lui manquait. Elle le laissa donc poursuivre et n’aperçut même pas le mouvement de sa main, tant le tourment l’emprisonnait dans ses filets … Il l’avait embrassée par … amitié ! Elle ne concevait pas que tant de cruauté puisse exister dans un être humain. " Aujourd’hui tout, demain Rien ! " Cette sentence si crainte par la gente féminine tombait tel un couperet !
Après un court silence, la princesse s’apprêtait à répondre enfin, lorsqu’à la vue du document que tenait le sieur de Gonzague, elle se retrancha dans un mutisme … horrifié ! Cette lettre ! Elle la reconnaissait ! Cette missive où elle déclarait sa flamme à Gabriel, elle se souvint de sa hâte et se maudit de ne pas l’avoir récupérée ! Ses yeux s’ouvrirent et se firent immenses ! Elle sentit son sang se figer et tout son corps se glacer ! Son cœur se mit à battre à un rythme effrené ! Il l’avait lue, et à présent se présentait devant elle pour lui réclamer des explications ! Qu’elle avait été sotte d’épancher ainsi ses sentiments tout aussi stupides, sur le papier ! Ce souvenir l’humilia et ses paupières se refermèrent tandis qu’elle déglutissait avec difficulté ! Elle n’aurait pu vivre une plus pénible scène ! La belle hispanique baissa tout à coup la tête, la tourna sur le côté comme pour dissimuler l’impact que cela produisait sur elle ! Bien sûr elle savait déjà que ce geste demeurait vain … on aurait pu lire sur son visage mieux encore que dans un livre ouvert.
La gorge sèche et nouée, une seule parole adoucit quelque peu son accablement ! Il ne l’avait point lue et elle ne put réfréner un soupir de soulagement ! Il ne fallait surtout pas qu’il la lise ! La dignité était l’unique chose qui lui restait, après son propre égarement et la déception qu’elle éprouvait concernant le duc. S’il avait parcourue cette lettre … Milena n’osait songer aux conséquences, mais oui elle serait partie pour de bon cette fois et loin, très loin ! Elle lui prit donc la lettre des mains … précipitamment tandis que son regard quelque peu calmé fixait à nouveau son interlocuteur. La jeune femme respira en profondeur avant de trouver une réponse adéquate …
- Ce courrier ne contenait que des inquiétudes … Votre état de santé me préoccupait et comme je restais à vous veiller, je … ne savais pas toujours comment tuer le temps ! Je vous ai donc écrit mais il est réellement inutile que vous lisiez des niaiseries de femme apeurée, et dont l’intelligence demeurait limitée par si peu de sommeil !
Milena émit un petit rire crispé. Des niaiseries de femme apeurée certes mais également … de femme amoureuse ! Cela, il ne devait jamais le savoir ! Sans quoi elle en mourrait de honte ! La belle hispanique n’avait donc guère menti mais éludait bel et bien le sujet de la conversation. Sa gêne devait la trahir, et elle s’en mordit les lèvres tant l’envie de se gifler elle-même se fit pressante !
" Seul l’air de l’Italie et du lac Inférieur pouvait vider mon esprit de pensées sombres qui m’envahissaient. J’ose espérer que vous accepterez ces excuses, mademoiselle. Me savoir si bas dans votre estime m’est douloureux. Je n’ai songé qu’à cela lors de mon séjour à Mantoue. "
La tête tout à coup redressée sous … l’insulte, ses traits venaient de se métamorphoser ! L’audace de ce Prince de Gonzague était grande, mais comment pouvait-il espérer, ou seulement penser que ses paroles mielleuses allaient la toucher ? On ne la trahissait pas, on ne la décevait pas deux fois ! Et s’il ne le savait point encore, elle allait l’éclairer sur ce point …
- Me savoir si basse dans votre estime l’a été tout autant Señor, sachez le ! Puisque apparemment seule l’amitié vous a poussée à m’égarer des chemins de l’honneur, lors de notre seconde rencontre !
Elle s’approchait de lui, les mains posées sur les hanches, les sourcils inquisiteurs, les yeux perçants … Mais avec une voix calme … car oui elle ne lui ferait plus le plaisir de se mettre en colère. Il fallait qu’il voie que plus aucun sentiment ne l’habitait !
- J’ai également songé qu’à cela lors de votre séjour en Italie … Et bon nombre de révélations m’ont fort heureusement éclairé sur votre compte. Jugez vous-même, il y a quelques semaines vous me disiez avec conviction que vous ne vouliez guère être mon ami et voilà qu’à présent vous me demandez de le rester ! Un jour vous m’embrassez et le suivant,j’apprends que toutes vos pensées sont pour une autre ! Je n’entends rien à vos changements d’humeur Monsieur ! Que voulez-vous de moi à la fin ?
Elle leva les bras en l’air dans un geste d’incompréhension totale.
- Que je vous pardonne ? Fort bien, alors je vous pardonne !
Elle avait dit cela avec exaspération et donc n’en pensait pas un mot ! Ses rancœurs exacerbées depuis plus de neuf ans, avaient forgé son caractère, et elle n’excusait point avec tant de facilité. A présent, il fallait qu’elle lui lance à la figure, qu’elle savait, qu’elle savait tout pour cette … Vittoria ! Qu’elle l’avait démasqué !
- Je ne doute pas, que SEUL l’air de l’Italie et du lac Inférieur pouvait vider votre esprit de pensées sombres qui l’envahissaient. Pourtant elles ne me semblaient point si glauques pour ma part avant que je ne vous quitte ce jour là … puisque vous suppliez une certaine Vittoria de ne point vous laisser !
Son timbre de voix demeurait glacial et cinglant bien que nullement emporté ! Un silence lourd s’imposa entre eux, que Milena se permit de briser quelques instants plus tard ...
- Pour hanter vos nuits et vos jours pendant si longtemps … elle doit vous êtes très chère, Señor ! Je doute donc qu’elle ne soit qu’une amie, ou même une sœur !
La jalousie étreignait à nouveau son cœur, et elle devait la faire taire !
- Que m’importe que vous aimiez cette femme, mais je n’apprécie guère que l’on se moque de moi ! Qu’étais-je donc pour vous ? Un jeu ? Si vous désirez réellement conserver une once de l’estime que je vous portais, ne vous y reprenez plus jamais Señor ! Que vos talents de séducteur servent à d’autres que moi ! |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 09.03.10 23:33 | |
| N’était-ce la situation, Gabriel n’aurait pu que contempler Eugenia de Cortés. Pourquoi était-elle si glaciale, pourquoi semblait-elle refuser chacune de ses paroles, fuyant son regard ? Elle devait le regarder ! Lire dans ses yeux ce qu’il ne pouvait lui avouer à l’instant ! Peut-être cela aurait-il suffit à apaiser les tourments qui l’assaillaient visiblement. Le nœud resserra son estomac, faisant battre son cœur qu’il semblait entendre plus fort encore que ses propres paroles.
A nouveau, il sentait qu’elle s’éloignait de lui, qu’elle s’échappait, et que rien ne pourrait la ramener. Comme la première fois, il se sentait l’unique coupable de cette situation, et cette angoisse d’avoir perdu, du moins à ses yeux, cette femme qu’étrangement, son cœur avait choisi dès leur première rencontre, l’étreignait plus qu’il ne l’avait imaginé.
Elle avait enfin relevé les yeux vers lui, alors que l’enveloppe jaunie les séparait. Après leur froideur passée, ses yeux s’étaient figés, et tout en elle sembla se crisper à la vue du simple papier. Mais Gabriel, un court instant, n’avait pas prêté attention à la missive, tant son regard cherchait celui qu’Eugenia de Cortés cherchait à dissimuler.
Non ! non, il fallait qu’elle le regarde à nouveau, qu’il puisse lire en elle se qu’elle dissimulait. Pourquoi cette gêne ? Ressentait-elle les mêmes sentiments que les siens ? Les cachait-elle par honte, ou par peur de ne pas être fidèle à son engagement ? Il résista à l’envie de relever son visage, de plonger dans ses yeux, et d’y lire ce qu’ils recelaient, mais même détourné de lui, le visage d’Eugenia de Cortés ne pouvait dissimuler le trouble qui voilait ses traits.
L’attitude d’Eugenia troublait plus qu’il ne le fallait Gabriel. Il respira lentement, afin de garder toute son entière raison. Qu’y avait-il, dans cette lettre, pour troubler autant la jeune femme ? S’y épanchait-elle ? Lui avait-elle écrit des mots trop équivoques ? Et si elle………. ? non. Elle n’aurait pu lui écrire de telles choses. Elle devait simplement contenir quelques mots sincères….des mots…d’amitié, comme il l’avait souligné, et comme l’attitude de la jeune femme l’avait laissé comprendre.
- Ce courrier ne contenait que des inquiétudes … Votre état de santé me préoccupait et comme je restais à vous veiller, je … ne savais pas toujours comment tuer le temps ! Je vous ai donc écrit mais il est réellement inutile que vous lisiez des niaiseries de femme apeurée, et dont l’intelligence demeurait limitée par si peu de sommeil !
Gabriel hocha la tête pensivement, laissant s’ouvrir ses doigts alors que la jeune femme s’emparait de la lettre. Son regard s’était légèrement éteint, perplexe devant son comportement qu’il ne pouvait saisir. Il ne chercha pas à savoir ce que cette lettre contenait réellement. Elle le lui dirait si elle le souhait…un jour, peut-être.
Il s’efforçait alors de rester calme, policé, mais l’inquiétude le gagnait, plus la jeune femme écoutait ses excuses. Ses couleurs avaient pris une autre teinte, et ses yeux se relevèrent enfin, mais habités d’une lumière qu’il n’attendait aucunement. La réponse d’Eugenia de Cortés ne se fit pas attendre, et elle cingla l’air comme un coup de fouet, atteignant Gabriel en pleine poitrine.
-Puisque apparemment seule l’amitié vous a poussée à m’égarer des chemins de l’honneur, lors de notre seconde rencontre !
Le choc de sa réponse coupa le souffle à Gabriel qui recula d’un pas, fixant d’un regard perdu la jeune femme qui continuait, enfonçant à chaque mot une dague en plein cœur. Elle la retournait à chaque phrase, et ses bras semblaient l’enfoncer encore un peu plus, noyant Gabriel dans une marée dans laquelle il se sentait couler. Il suffoquait presque, ses esprits vidés par ce qu’elle lui assénait, de sa voix cinglante et emprunte d’un cynisme non dissimulé. Son regard de braise avait croisé le sien, mais il ne pouvait sans détacher, tant la douleur de ses paroles l’avait paralysé.
-Et bon nombre de révélations m’ont fort heureusement éclairé sur votre compte.
COMMENT ?…comment pouvait-elle imaginer cela de lui ? Qui avait pu lui mettre ses idées en tête ? Comment pouvait-elle se fourvoyer ainsi sur son compte ? Lui qui n’avait désiré que de l’avoir à ses côtés, l’entendre rire, parler, et la voir sourire.
-Jugez vous-même, il y a quelques semaines vous me disiez avec conviction que vous ne vouliez guère être mon ami et voilà qu’à présent vous me demandez de le rester ! Eugenia de Cortés qui le faisait revivre, et en qui il ne voyait que l’avenir, fut-il ou non avec elle. Eugenia de Cortés, la femme qu’il était prêt à attendre s’il le fallait. Cette femme, en ce moment-même, brisait toutes ses inclinaisons, à chacune de ses phrases assassines.
-Un jour vous m’embrassez et le suivant, j’apprends que toutes vos pensées sont pour une autre ! Je n’entends rien à vos changements d’humeur Monsieur ! Que voulez-vous de moi à la fin ?
Seule Eugenia de Cortés pouvait ainsi faire perdre pied à Gabriel, et en cet instant, il lui semblait que rien ne pouvait l’aider à sortir la tête de cette tempête qui se déversait sur lui. La jeune femme avait certainement gardé cela durant tout son séjour en Italie. Elle avait certainement imaginé des…des choses à mille lieues de la vérité ! Il ne pouvait être autrement. Comment, après ce baiser, après ces jours passé à ses côtés, pouvait-elle ainsi le…
Le détester. Visiblement.
Les mots lui venaient en trop grand nombre, et respirant lentement, il laissa sa raison choisir ceux qui convenaient. Il était inutile de chercher à nouveau des excuses, et inutile, surtout de vouloir calmer la jeune femme, qui déversait tout ce à quoi elle avait de toute évidence songé pendant son absence.
Pourquoi était-il parti sans lui faire cet adieu ? Il savait que cette erreur était l’une des causes de l’emportement d’Eugenia, et malgré toute la volonté de ne rien ressentir pour elle qui puisse altérer son jugement, il sentait son cœur verser quelques gouttes de sang.
La stupeur l’empêchait de répondre, mais chaque mot asséné était un coup de poing lancé dans l’estomac. Pour elle, il n’était qu’un séducteur, ce Don Juan de Molière, qui ne valait pas mieux que ces débauchés français, ou des ces italiens qui déshonoraient leurs réputations ; il s’était joué d’elle, l’avait dupé, trompé. Ces mots étaient une massue meurtrissant son âme.
Il s’était reculé de quelques pas, mais une phrase réveilla définitivement sa raison.
-… puisque vous suppliez une certaine Vittoria de ne point vous laisser !
Un silence pesant avait ponctué cette gifle. Gabriel n’avait en lui plus une once de sentiment, pour qui que ce soit, tant le seau glacé qu’il venait de recevoir avait annihilé en lui toute trace de sentiment. Son estomac s’était contracté, non d’angoisse ou d’inquiétude, mais de rancœur soudaine. Ses yeux trahissaient ce qu’il ressentait, et il posa froidement ce regard d’acier sur la jeune femme, qui le narguait à nouveau de sa voix cinglante et froide.
Comment avait-elle osé… ?son visage blêmi, alors qu’il sentait son cœur se réveiller, et battre à tout rompre dans sa poitrine. Mais ça n’était pas la vision idyllique d’Eugenia de Cortés qui l’accélérait ainsi. Elle l’avait jugé…elle le jugeait encore….sur des suppositions !
- Pour hanter vos nuits et vos jours pendant si longtemps … elle doit vous êtes très chère, Señor ! Je doute donc qu’elle ne soit qu’une amie, ou même une sœur !
Elle ne cesserait donc pas ? Eugenia de Cortés ne pouvait donc pas se taire, et ne plus s’enfoncer dans un procès d’intentions qui le faisait condamner ? Des mots cinglants lui venait à l’esprit, alors que sa raison calmait son sang qui bouillonnait.
Eugenia de Cortés ne savait pas qui était Vittoria…et elle ne pouvait le savoir. Elle restait Eugenia…Eugenia qu’il avait tant désiré, Eugenia qui le hantait, Eugenia qui avait su le rendre heureux….ou malheureux, en cet instant précis. Eugenia de Cortés, pour qui il savait qu’un sentiment bien plus fort que l’amitié l’animait.
Respirant lentement, il détourna un instant la tête, fermant les yeux quelques secondes, afin de reprendre ses esprits. Les mots acides s’effacèrent, mais face au déchaînement de la jeune espagnole, il ne saurait faire taire la rancœur qui l’habitait. Il avait posé ses mains sur ses hanches, comme pour se retenir lui-même et reprendre son souffle.
Il attendit que sa voix s’éteigne enfin, laissant l’endroit dans un silence froid. Gabriel releva la tête, et fixa le regard de la jeune femme de ses yeux gris, dans lesquels toute chaleur avait disparue.
-Est-ce tout, signorina ?
Ne vous est-il pas venu à l’esprit de savoir qui était Vittoria, signorina, avant d’émettre de tels propos ? Ne vous êtes-vous pas demandé si Vittoria pouvait être réellement ma sœur ? Ma nièce, peut-être ?
Il marqua une pause, sans quitter des yeux la jeune femme, mais rien ne pouvait le stopper, et avant qu’elle n’eu pu parler, sa raison lui intima de continuer, sur le même ton glacial qu’il avait emprunté, malgré la politesse dont il usait. Un sourire ironique prit la place de ses lèvres figées.
-Je me sens cependant flatté de savoir qu’une femme puisse être jalouse d’un prénom. Je ne sais comment comprendre vos paroles, peut-être votre missive est-elle finalement inutile, en effet.
Mais son sourire s’effaça, et son regard s’habita d’une lumière de dépit. Il soupira doucement et continua d’une voix calme.
-Ne perdez pas vos forces à combattre une rivale qui n’en sera jamais une, signorina. Dieu s’est chargé de cela il y a dix ans en la rappelant auprès de lui. Et pour que votre imagination ne vous mène à nouveau a de telles extrémités, signorina, je serais donc…honnête..à son sujet.
Gabriel se surprit lui-même des mots utilisés et de son calme lorsqu’il parlait de Vittoria. Elle était à peine enterrée à son esprit qu’Eugenia de Cortés, celle qui l’effaçait, la faisait resurgir. Ne pourrait-il un jour avoir la paix, que Vittoria le laisse définitivement ?
Une telle réaction de la part de la jeune princesse n’avait, finalement, que confirmé certains doutes de Gabriel. Quelle femme pouvait-elle ainsi se montrer aussi jalouse d’une inconnue, sinon une femme qui avait pour lui une inclinaison particulière ? Il doutait de la sincérité des paroles d’Eugenia : songeait-elle réellement à lui comme d’un séducteur qui s’était joué d’elle ? Il sentait qu’autre chose avait poussé la jeune princesse à cette extrémité, et il se voulait presque de devoir lever le voile sur Vittoria. Il savait que ses premiers mots avaient déjà fait comprendre à la jeune femme la hauteur de sa méprise.
-Je ne puis que vous pardonner votre ignorance, signorina. Et je ne vous y laisserais pas.
Non en effet, Vittoria n’était ni une amie, ni une sœur.
Nous…voulions nous fiancer, signorina. Nos parents ont refusé cette union…et….un accident a finalement fait de Dieu son seul et unique époux.
Ces mots avaient été si longs, et si difficiles à dire que Gabriel sentit soudainement un poids s’enlever de sa poitrine, malgré l’émotion qui l’avait étreint. Il ne pouvait dire en d’autres termes ce qu’avait été Vittoria pour lui. Il ne pouvait dire combien Vittoria avait compté pour, et combien la passion les avait tout deux perdus, devant la seule femme qu’il aimait aujourd’hui.
-Encore une fois, vous ne pouviez le savoir, ni même le deviner, principessa. Je ne vous en tiendrais en aucun cas rigueur, mais sachez à l’avenir ne pas lancer d’aussi hâtives conclusions.
Son regard s’était adouci, et un léger sourire, comme pour s’excuser de cette révélation brutale, avait étiré ses lèvres. Il ne savait à cet instant ce qu’il ressentait alors pour Eugenia de Cortés. La colère qu’il avait senti était fondée sur les hypothèses de la jeune femme, et il savait que jamais, si la vérité lui avait été connue d’avance, elle n’aurait ainsi agit. Cette perspective le rassura. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 10.03.10 23:09 | |
| " Est-ce tout, signorina ? "
Cette réplique méprisante, cynique, horripilante lui arracha un soupir interloqué ! L’indignation l’envahit tout entière et elle acquiesça froidement de la tête, soudain muette tant ce sentiment devenait fort au fil des secondes. Bien sûr, ce TOUT semblait représenter un RIEN aux yeux du Prince, elle aurait dû se douter d’une pareille réaction de sa part ! Que pouvait-elle espérer de cet homme, si ce n’était la pire mauvaise foi, la pire impolitesse ! Il avait l’art de se poser en victime quoiqu’elle lui reproche ! Or, elle ne pouvait avoir tort sur TOUT ! Il lui avait bel et bien manqué de respect et voilà qu’il venait réclamer la bouche en cœur, un mois plus tard, son pardon et son amitié ! Il rêvait ! Oui il rêvait !
Et son sourire ironique, son ton glacial … Une lueur de rage illumina le regard sombre de la princesse. Elle contint une envie irrésistible de le gifler ! Il persistait à se moquer d’elle ! Vittoria ? Une sœur ? Une nièce ? Oui il s’agissait d’une possibilité mais tellement infime ! Son intuition féminine ne la trompait guère et sa maladie lancinante, ses délires avaient été causés par Vittoria ! Ses pensées se tournaient vers Vittoria ! Son appel était également pour Vittoria ! Enfin celle qu’il désirait à son chevet, n’était autre que VITTORIA ! Milena se félicitait d’une certaine intelligence, et ce cruel mal dont il avait souffert n’était autre que de l’obsession ! Alors pouvait-on être obsédé par une sœur, par une nièce ? Vittoria représentait l’amour de Gabriel, aucun doute ne subsistait dans son esprit depuis des semaines ! En ce cas pourquoi ce baiser ? Si ce n’est pour le plaisir malsain de la déshonorer ou de goûter à d’autres lèvres qu’à celles de VITTORIA … Dieu qu’il la dégoûtait … Il passait donc d’une femme à une autre sans la moindre vergogne ! Seule l’éducation stricte qu’on lui avait inculquée la retint donc de le frapper, tant ses veines bouillonnaient sous l’insulte qu’il lui avait faite, sous le fol espoir qu’il lui avait donné !
" Je me sens cependant flatté de savoir qu’une femme puisse être jalouse d’un prénom. "
Jalouse ? Certes une certaine envie avait submergé son âme ce jour là et les suivants d’ailleurs, mais à présent, uniquement sa raison parlait. Le pauvre cœur que ce prince de malheur prenait tant de plaisir à torturer par de douces paroles, par de tendres baisers, ne saignait plus depuis longtemps ! Elle était à présent éclairée sur son compte et ne commettrait point deux fois la même erreur ! Le Sire de Gonzague se leurrait dans les méandres de son propre orgueil masculin, qui bien sûr ne voyait dans ses propos que de la jalousie !
" Ne perdez pas vos forces à combattre une rivale qui n’en sera jamais une, signorina. Dieu s’est chargé de cela il y a dix ans en la rappelant auprès de lui. "
L’eût-il assommé que cela aurait eu le même impact sur elle ! Elle se sentit à cette seconde si … honteuse, si réellement stupide qu’à nouveau tout son être se glaça. Son expression changea du tout au tout, ses yeux perdirent cet éclat de profond courroux et se noyèrent dans la plus grande désolation. Sa bouche s’ouvrit sur des mouvements bien vains ! En effet, Milena tenta de parler mais aucun son ne parvint à sortir de sa gorge par trop serrée ! Ses membres vaincus par un tel poids abandonnèrent toute crispation, pour l’abattement.
Cette révélation changeait bien des choses à vrai dire ! Elle ne l’avait jusqu’à présent vue que comme une maîtresse parmi tant d’autres et non pas comme une rivale … morte. Les symptômes du Prince s’expliquèrent donc d’eux même, la belle hispanique comprenait mieux à présent la profondeur de sa blessure et … derechef se jugea fort mal. Elle avait manqué de jugement, pire de cœur, de charité … Le sommeil, le jeûne, le choc de ce nom alors qu’elle venait une fois de plus de prendre sa main au creux de la sienne, la solitude de ce mois, tout l’avait conforté dans son procès d’intentions dont la honte la fustigeait. Ses pauvres joues prirent une teinte pourpre et sa tête se baissa plus que de raison.
Milena écouta le récit de son interlocuteur, dans un silence tout à coup religieux, nimbé dans le plus grand respect pour cette morte inconnue. Ses doigts jouaient nerveusement avec cette lettre … cette lettre qui ne signifiait à présent plus rien ! La jeune femme aurait tant désiré s’enterrer six pieds sous terre, ou se transformer en souris mais fuir, le fuir. Elle recula et pivota quelque peu et observa les alentours de ce bassin afin de s’offrir … une si inutile contenance.
Il devait la haïr ! Alors que quelques instants plus tôt, songer à cela ne lui aurait prodigué ni chaud ni froid, à présent cette seule pensée la rongeait de l’intérieur. Il paraissait tellement en colère contre elle … et à dire vrai, il avait bien raison ! Jamais Milena ne s’était adonnée à un tel mea culpa et ne se consolait nullement dans l’idée que l’erreur est humaine.
" Encore une fois, vous ne pouviez le savoir, ni même le deviner, principessa. Je ne vous en tiendrais en aucun cas rigueur, mais sachez à l’avenir ne pas lancer d’aussi hâtives conclusions. "
Oui elle ne pouvait connaître toutes les péripéties de cette histoire, néanmoins cela ne l’excusait pas. Elle avait réagi sous le coup de la jalousie … encore novice en matière d’amour, Milena se méfiait encore et toujours de ceux à qui elle confiait son cœur. Sa méfiance avait causé un tel emportement, mais ne le justifiait en aucun cas ! Pourtant aurait-elle pu réclamer des explications de la part du Prince ? Il ne lui devait absolument rien, elle demeurait fiancée et jamais il ne lui avait fait part d’autres sentiments qu’une simple amitié … Cela aurait été d’une impudence, mais peut-être eût-elle été préférable à la scène horrible qu’elle vivait ! Ce fut donc une voix étranglée par un désir de repentance qui s’adressa à Gabriel …
- Vous êtes trop bon Señor de pardonner mon intolérable cruauté … et je me ferai un devoir de suivre vos recommandations …
Elle osa poser son regard sur lui, un regard désespéré afin de montrer à quel point elle se sentait coupable de cette situation, et à quel point elle regrettait ses propos.
- Je … je suis désolée de ce malheur … de ma maladresse ... si désolée ...
Puis les mots s’étouffèrent à nouveau dans sa gorge. Une réflexion terrible l’anéantissait. Vittoria ? Une fiancée … morte ! Depuis combien d’années, ce décès hantait son cher amour ? Que venait-elle de penser ? Son cher amour ? Oui, elle devait le reconnaître, elle l’aimait toujours mais … son esprit à lui appartenait encore à cette jeune femme, son cœur également sans doute … Il l’avait clairement exprimé par ce : Ne me laissez pas ! Il ne désirait que sa promise italienne. Vittoria lui apparut alors plus dangereuse encore qu’une personne vivante, contre qui on pouvait lutter, contre qui on pouvait conspirer, à qui on pouvait éventuellement arracher quelques cheveux. Morte, elle devenait plus immense, son souvenir seul restait le ciment de l’épais mur, qui se construisait entre eux.
La jeune femme se devait de partir, de le quitter puis de tenter d’apaiser son âme de cet amour nullement partagé. Après la colère, la honte, la résignation se fraya un chemin tortueux jusqu’à son esprit.
- Savez-vous ce que l’on dit en Espagne Señor ? ¡ Son los muertos qué dirigen a las vivientes por la memoria simple que les imponen! …
Cette phrase si répétée par son père, depuis la tragédie que sa famille avait subie retentissait encore en écho lorsqu’elle prit la peine de traduire …
- Ce sont les morts qui dirigent les vivants par le simple souvenir qui leur imposent ! … cela serait donc inutile que je … que nous …
Quelques larmes montaient à ses yeux qu’elle dût donc détourner de ceux de Gabriel … Renoncer à lui de la sorte pour un fantôme lui coûtait tellement plus que renoncer par aversion pour sa personne ! Sa colère la tenait debout alors que cet autre sentiment puiser toutes ses forces, l’accablait, la tuait presque puisque son cœur poignardé saignait … saignait hélas bien trop !
- Je ne peux pas lutter contre ça … Je ne peux pas …
La voix blanche noyée par les tourments, elle se retourna pour de bon et prit avec grande peine la direction du château … ses pas comme enracinés au sol. Elle contempla cette lettre « Votre éternelle dévouée » ! Son contenu n’avait guère plus d’importance ! Après tout pourquoi dissimuler son amour pour ce gentilhomme, puisqu’il était le principal intéressé ? Au moins, plus aucune ambigüité ne subsisterait à ce sujet et puisqu’à présent qu’ils se séparaient pour de bon, pourquoi ne pas la laisser à son bon vouloir ! Elle cessa un instant sa marche et fit choir le papier jauni à terre, sa tête toujours baissée, ce dernier geste comme un adieu finit de l’achever.
- Si vous souhaitez la lire … faites donc. Je … elle n’a guère plus d’intérêt …
Milena reprit sa marche, l’esprit en proie à la plus vive contrariété, le cœur livré à la plus vive douleur et s’éloigna peu à peu dans la nuit noire des jardins de Versailles. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 11.03.10 22:17 | |
| Gabriel regretta alors d’avoir été si franc. Il n’avait pas détourné ses yeux de la jeune femme, mais il n’avait vu voir en elle ce changement si brutal, ses pensées étant uniquement fixées sur ce qu’il devait lui dire. Parler si ouvertement de Vittoria en face d’elle était comme s’ouvrir entièrement. Il n’avait pas voulu la brusquer, ni user de mots brutaux, et ceux-là étaient sortis, guidés par sa raison. Il avait observé, le cœur battant, la jeune femme, mais il était désormais trop tard. Il savait que ses mots l’avaient comme blessé au fond d’elle, et sa gêne – que le mot était faible ! – ne pouvait que faire sombrer le cœur de Gabriel.
Son regard le fuyait, et à nouveau, alors qu’il ne voulait que lui dire qu’elle seule comptait à ses yeux, qu’elle était la seule à prendre cette place dans son cœur, elle s’échappait de lui, refusait de croiser ses yeux pourtant adoucis.
Ô combien cette fuite lui retournait à nouveau les entrailles ! Pourquoi ne s’était-il pas tu ? Pourquoi n’avait-il pas gardé cela pour lui, et accepté qu’Eugenia le déteste pour ce qu’elle voyait de lui ? Il ressentait en lui la douleur d’Eugenia, même si ses pensées lui étaient encore inconnues. Il voulait aller vers elle, la rassurer, lui dire que ça n’était rien, qu’il lui pardonnait, que…son amour pour elle effaçait cette bévue. Elle semblait si troublée, plus que confuse, et tout ce qui se dégageait d’elle montrait qu’elle voulait s’enfuir, et le quitter à nouveau.
Gabriel ferma les paupières un instant, troublé par cette vision d’Eugenia blessée par ses propres paroles. Il avait voulu être honnête avec elle, ne point l’induire en erreur, mais sa voix avait trahi son courroux du moment, et ses mots avaient cinglé l’air plus qu’il ne le souhaitait. Il aurait tout donné, à cet instant, pour lire ce qui causait cette désolation en Eugenia, et la serrer contre lui, calmer cette honte qui apparaissait sur son visage.
Son propre chagrin, de la voir si accablé, l’avait saisi, et aucun mot ne parvenait à sortir de sa gorge.
- Vous êtes trop bon Señor de pardonner mon intolérable cruauté … et je me ferai un devoir de suivre vos recommandations …
Il ne su trouver les mots face à un tel regard, et face à ces yeux si désespérés, il détourna la tête, comme pour cacher cette douleur qu’il ressentait au fond de lui. Il ne voulait pas qu’elle s’en veuille ainsi, tout avait été sa faute, depuis le début, depuis ce jour où il l’avait embrassé. Pourquoi, diavolo, avait-il fait cela ?! Il se mordit la lèvre, songeant à tout ce mal que cette entrevue avait causé, et tous ces malentendus qui les avaient menés là. Pourquoi la Providence, cette main de Dieu, n’avait-elle su rendre les choses plus faciles ? Pourquoi Vittoria l’avait-elle hanté, à l’instant où Eugenia pénétrait dans son cœur, brisant ses chaînes, et le réchauffant doucement ? Ne pouvait-elle pas le laisser, définitivement, rester là où elle devait être, sous cette pierre blanche ?
- Je … je suis désolée de ce malheur … de ma maladresse ... si désolée ...
Il hocha la tête, abattu par la contrition de la jeune femme. Il avait été aveuglé par sa colère sourde lorsqu’elle l’avait provoqué, et à présent, les fêlures étaient trop importantes pour qu’elles puissent être réparées. Il reporta son regard sur la jeune femme, et s’efforça, dans un sourire apaisant, bien que forcé, de la rassurer.
-Ca n’est rien…vous….ne pouviez le savoir…
Ce désir de la prendre contre lui et d’apaiser les souffrances que ses pensées devaient lui donner le submergea, mais il sentait qu’elle n’attendait pas cela, que son mal était plus fort. Ne pouvait-elle donc parler ? Lui dire ce qu’elle ressentait ? Lui expliquer pourquoi ces mots si hauts quelques minutes avant, et pourquoi autant de peine à cet instant ?
L’esprit des femmes étaient parfois bien trop obscurs à ses yeux pour que Gabriel puisse tenter de le comprendre, et pourtant, si la solution semblait être à portée de ses doigts, seule l’incompréhension habitait son propre esprit, annihilant toute ses facultés. Il tendit la main vers elle, et malgré les pas qui les séparaient, passa doucement sa main sur son bras, la rassurant sur ce qu’il ressentait envers elle. A nouveau, les yeux si sombres de la jeune femme se posèrent dans les siens, et cette phrase, cet ultime adage espagnol le transperça comme une lame affutée. Il referma à nouveau les paupières un court instant, pour cacher le trouble qui l’envahissait. Non, non ! Elle ne pouvait continuer, elle ne devait pas dire un mot de plus !
… cela serait donc inutile que je … que nous …
Cette phrase englouti le cœur de Gabriel, autant que ses récriminations passées. Il était plus aisé d’accepter une colère qu’une résignation. Elle s’éloignait de lui, définitivement, et il sentait son cœur se serrer, lui coupant la respiration, le mettant à ce supplice de la voir lui tourner le dos.
Cette lame plantée en lui l’empêchait de faire le moindre mouvement, tant l’accablement l’avait paralysé. Il voulait calmer son courroux, et non lui faire porter ce poids qui n’était qu’à lui. Un son, faible, sorti de sa gorge, mais s’évanouit aussitôt.
-Je vous en prie…signorina…
Elle devait rester près de lui, comprendre ce qu’il ressentait, puisque les mots lui manquaient. Eugenia, cette douce espagnole, qu’il pensait si forte, balayait d’un geste toutes ses espérances, et faisait saigner son cœur plus qu’il ne saignait déjà.
Comme dans un songe, il entendit le son lointain de sa voix calme, emprunte d’une tristesse qu’il ne pouvait accepter ; il aperçu cette lettre, assombrie par la nuit, glisser de sa main, alors que la silhouette d’Eugenia de Cortés s’évanouissait à ses yeux. Il resta un instant immobile, plongeant la tête dans ses mains. Il espérait entendre ses pas à nouveau et voir son sourire adouci, alors qu’elle avançait vers lui prête à se blottir contre lui, pour calmer les angoisses qui l’avaient poussé à le quitter.
Mais en relevant la tête, il restait seul, sans qu’aucun bruit ne vienne troubler le silence nocturne. Elle était partie, définitivement. Et non au bras de son fiancé, mais seule, pour s’éloigner de lui. Ses yeux restaient fixés sur cette allée derrière laquelle elle s’était enfuie, ses pensées tourbillonnant dans son esprit.
-Monsieur, excusez-moi ?
Gabriel se retourna d’un geste sec vers la voix masculine qui avait rompu le silence. Ses yeux, en une seconde, avait repris leur teinte froide et grise, et les mâchoires crispées, il reconnu l’uniforme bleu des mousquetaires attachés au service du roi. L’homme s’inclina respectueusement, la main au feutre.
-Oh, pardonnez-moi, votre altesse, je ne voulais rompre votre occupation.
-Je vous en prie. Qu’y-a-t-il ?
-Je suis avec quelqu’un de mes hommes, votre altesse, et nous ne faisons qu’une ronde dans les jardins. Certaines entrées ne sont pas toujours sûres, et certains peuvent parfois rôder. Nous préférons que les jardins du roi soient les plus sûrs qu’il soit !
-Je comprends. Eh bien je suis seul, et ne tarderais donc pas, soldat.
-Bien, votre altesse !
L’homme se courba à nouveau, sous le regard distrait de Gabriel, et, suivi de quelques soldats, emprunta le chemin parcouru par cette vision qui ne cessait d’apparaître à son esprit.
Il ne pouvait rejoindre le château. Son cœur restait bien éloigné des jeux, et même un sourire poli n’aurait su trouver grâce aux yeux des courtisans. Il fit quelques pas, et s’assis silencieusement sur le rebord de la fontaine, enfilant ses gants de cuir. Le froid était tombé avec la nuit, et alors que le silence pesait à peine, il fut à nouveau rompu par des pas fermes sur les graviers.
-Votre altesse, nous avons trouvé ceci, plus loin. Cette lettre vous appartient-elle ?
Gabriel releva la tête lentement, ne cachant plus son regard évasif, et fixa néanmoins ce que le mousquetaire, le chapeau à la main, lui tendait.
« Votre éternelle dévouée. »
La lettre. Cette lettre qu’il n’avait osé lire, et qu’elle lui avait offerte de nouveau.
-Merci, monsieur, c’est en effet la mienne.
Il salua d’un hochement las le soldat qui s’inclina derechef, et trottina vers ses compagnons, plongeant une seconde fois la fontaine dans un silence nocturne.
La clarté de la lune permettait à Gabriel de revoir ces lettres fines et rondes tracées sur le papier jauni. Il retourna le papier dans ses doigts gantés. Devait-il l’ouvrir ? La lire, même ? Il redoutait de savoir ce qu’elle contenait, malgré le titre noté sur l’enveloppe. Il soupira de lassitude. Eugenia de Cortés l’avait fait assez souffrir, et lui-même s’était fait suffisamment souffrir, pour qu’il ne puisse accepter à nouveau une nouvelle douleur.
Lentement, il décacheta le sceau de cire, et déplia le parchemin, recouvert de cette écriture qu’il semblait connaître depuis toujours.
Mon tendre Gabriel,
Peut-être serez vous choqué par la manière toute cavalière de m’adresser à un Prince … cependant si vous êtes un Prince de sang et du plus haut lignage, vous représentez également celui des contes de Monsieur de Perrault.
Aux premiers mots, son cœur se réveilla soudainement, laissant entrer un flot réchauffant tout son être, au fur et à mesure que ses yeux gris parcouraient le papier. Ses sourcils se fronçaient à la lecture de cette écriture fine, qui semblait avoir été couchée avec tout l’amour qu’il était possible d’y mettre. Un imperceptible sourire força ses lèvres demeurées closes depuis le départ de la jeune femme.
Mais je ne saurai cesser mon traitement malgré vos suppliques, car depuis plusieurs jours je ne vis plus, je demeure suspendue au seul de vos souffles, à la moindre de vos paroles, à chacun de vos pas, à espérer et à prier que vos forces vous reviennent enfin !
Douce, patiente Eugenia ! Etait-ce possible ? Comprenait-il ce que ces mots vouaient dire, ne se fourvoyait-il pas à nouveau ?
Hélas, vous voilà plongé dans cette torpeur effrayante et je n’ai guère d’autre choix que de tracer ces lignes afin de vous avouer à quel point vous tenez pour moi.
Combien ? Combien aurait-il donné pour avoir lu ces mots auparavant ?! Pourquoi s’était-il refusé à accepter une vérité qui n’en n’était pas une ! Ces instants passés aux côtés de la jeune femme lui revenaient plus forts encore, comme si cela n’avait eu lieu que la veille. Il sentait ses doigts passés dans ses cheveux, ses bras posés sur les siens pour le calmer de ses nuits d’insomnies. Que n’avait-il voulu pas donner pour que ces instants ne soient pas éphémères ?
Que n’aurais je pas offert au Ciel pour que ce soit vous et non lui qui à genoux me propose de convoler en justes noces. Hélas … je vous pensais alors fiancé ! Là encore si j’avais su … Si vous saviez à quel point je voudrais que tout fusse différent et possible entre nous !
Ses entrailles se serrèrent, tant la douleur de la situation actuelle était présente en lui. Tout était encore sa faute, son unique faute. Il aurait du le lui avouer dès ce jour-là, même sur un ton badin, il aurait du le lui dire, avouer que, lors de ce trajet, il ressentait déjà un sentiment tout autre qu’un sentiment d’amitié.
-Oh….Eugenia…perdono.
Je reste à vos côtés, et ne peut réfréner mes sentiments face à votre solitude, je souhaiterais si ardemment me blottir contre vous, vous réconforter, apaiser vos cauchemars, vos craintes … hélas je ne le puis !
Il s’arrêta un instant, la gorge serrée par ces mots couchés avec tant d’amour. Etait-ce possible, donc ? Elle…elle….ses sentiments étaient donc aussi forts que les siens ?! Mais pourquoi l’avait-elle quitté ce soir ? Pourquoi n’était-elle pas restée auprès de lui, contre lui ? Il ferma les yeux, essayant d’effacer cette scène de son esprit, et les mots lui revenaient. « Pour que ce soit vous et non lui » Il rouvrit les yeux, illuminés par une douce chaleur, mêlé à la contrition qui ne s’effaçait.
Comme je ne puis vous aimer aux yeux de tous, puisque désormais me voilà promise à un autre homme. Cependant je désirais vous faire part de cette inclination profonde envers votre personne, malgré le monde et leur jugement.
- perché non voi il non dico, Eugenia?* -Pourquoi ne vous l’ais-je dis, Eugenia ?
Un soupir résigné ponctua sa phrase. L’ironie de la situation était trop cruelle pour qu’il en soit accablé. Elle était promise…et non point mariée. Son engagement n’était pas définitif aux yeux du Ciel, et la Providence venait, par ce mousquetaire, de lui tendre à nouveau une main secourable. Ses inquiétudes s’évanouirent à cette seule pensée, et il sentit son cœur battre contre sa poitrine, alors que son regard glissait sur le papier.
Puissiez-vous lire ici l’aveu d’une âme timide mais ô combien sincère ! Cher Gabriel, je prie pour que les battements de mon cœur rejoignent le vôtre et qu’ainsi vous viviez ! Oui il vous faut vivre et lutter contre votre assaillant esprit ! Ne le faites pas pour moi, car je n’ose espérer que mes sentiments soient réciproques, mais pour vous et pour votre tante.
A bientôt, mon tendre Gabriel,
Votre éternelle affectionnée,
Eugenia
Son esprit se tu, laissant apparaître un sourire sur le visage auparavant si marqué, de Gabriel. Un sourire qui illuminait son visage, et ses yeux brillaient après avoir parcouru cette lettre. Il lu, et relu ces derniers mots tracés de la main de celle qui faisait naître en lui ce doux frisson de bonheur. Elle…
-Mi ama !* -Elle m’aime!
Ses yeux s’étaient clos, comme pour laisser ses pensées lui montrer les images les plus belles d’Eugenia. Mais quelles que fussent ces souvenirs, elle était toujours aussi parfaite à ses yeux. De son caractère si déterminé, et pourtant fragile, à sa jalousie dont il souriait à présent, tout en elle lui faisait aimer un peu plus Eugenia de Cortés.
-Et je l’ai laissée partir ! Ressaisis-toi, Gabriel ! Santil ou Cortés, elle ne peut épouser ce marquis !
Il passa une main dans ses cheveux, et rangeant soigneusement la lettre, dont chaque mot résonnait encore à ses oreilles, il suivi d’un pas alerte le chemin emprunté par la jeune femme. Si sa douleur – il ne voulait y penser – l’avait empêché de rejoindre le château, elle devait marcher, solitaire, le cœur bien lourd, dans ces jardins éclairés par la lumière flottante de la lune. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 12.03.10 18:00 | |
| Perdue aux confins de ses glauques pensées, Milena ne s’était pas aussi mal sentie depuis neuf ans. Depuis ce fameux jour où son cœur s’était morcelé de part en part à cause d’une amitié brisée. A présent il s’agissait de son amour et pour cause … il n’était absolument point partagé ! La honte également persistait à la torturer ! Jamais plus elle n’oserait lever les yeux sur lui, jamais plus il ne la visiterait, jamais plus ils ne se côtoieraient ! Ca en était bien fini ! Mais comment saurait-elle faire le deuil de cette histoire, d’une histoire qui à la réflexion n’avait jamais vraiment commencée ? Tantôt déambulant avec peine, tantôt courant pour sentir la brise hivernale sécher les pleurs qui l’envahissaient, la princesse plongée dans la nuit noire, ne savait pas même où ses pas la conduisaient. Elle était seule, désespérément seule ! Le silence, seul maître de ses bassins la rendait d’autant plus folle ! Peut-être devrait-elle regagner le château ? Néanmoins le courage lui manqua ! Comment pourrait-elle se présenter ainsi devant sa suite ? Le peu de dignité qui lui restait l’obligea donc à s’asseoir à terre, et à demeurer céans ! Elle plongea sa tête au creux de ses bras posés sur ses genoux, afin de se laisser aller à sa peine quelques minutes …
Mais soudain un étrange bruit se fit entendre, un bruit de bois cassé, une personne venait selon toute vraisemblance, de marcher sur une branche … Tout d’abord gênée que l’on ait pu assister à un tel laisser aller de sa part, Milena prit peur et se releva, guettant les alentours. Personne ! Elle se souvint alors avoir perçu le même craquement lorsqu’elle parvenait au bassin de Flore pour son rendez-vous avec Gabriel. Elle sécha ses larmes du revers de la main et sans plus de regards pour ces lieux plongés dans une totale obscurité, elle accéléra sa marche pour reprendre le chemin du palais.
La belle hispanique ne fit hélas que peu de pas dans cette direction … Un homme d’une quarantaine d’années se tint bientôt devant elle ! Elle sursauta et adopta tout de suite un mouvement de recul. Cet inconnu sorti de nulle part ne la tranquillisait en aucun cas. Lui prenait un malin plaisir à avancer, un rictus … presque pervers affiché à ses lèvres.
- Bonsoir Princesse !
Milena le salua avec froideur, cet étranger ne lui inspirant aucune confiance. Elle tenta de s’écarter de lui, afin de continuer sa route mais il persistait à la lui barrer de son corps imposant. Ce petit manège malsain effraya d’autant plus la jeune femme. Où voulait-il en venir ?
- Pourquoi désirez-vous filer aussi vite Mademoiselle, alors que nous voilà ENFIN en tête à tête!
Elle dut pâlir à vue d’œil à cette réplique. Les intentions de cet homme n’étaient guère nobles et il fallait fuir au plus vite avant que cela ne tourne mal.
- Señor, à cette heure tardive, je me dirigeai vers mes appartements ! Pourrions-nous remettre cet entretien à plus tard ?
- Je crains bien que non ma toute belle !
- Pardon ?
Figée par l’horreur et la stupeur, Milena le vit s’approcher plus encore d’elle et lui caresser la joue. Elle chassa cette main dégoûtante de son visage. Son interlocuteur éclata alors d’un rire gras.
- Allons Señorita, je vous ai vu beaucoup de fois danser et encore ce soir … pour porter des tenues aussi affriolantes, c’est que vous n’êtes pas de ces espagnoles pieuses et ennuyantes ! Alors, ne fais pas ta mijaurée et laisse toi faire !
Le fait qu'il abandonne le vouvoiement pour un irrespectueux tutoiement la scandalisa au plus haut point, ainsi que la teneur de son discours. Elle le foudroya du regard et un frisson de profonde aversion lui parcourut l’échine, tandis qu’elle tentait une nouvelle fois de forcer le passage. L’homme lui saisit tout à coup le bras, avec violence et l’attira à lui …
- Où vas-tu comme cela ma jolie ? Reste donc avec moi !
- LACHEZ MOI !
Son rire vulgaire persiffla une nouvelle fois à ses oreilles ! Sentir ce corps contre le sien, lui provoqua un haut le cœur. Elle claquait à présent des dents, autant de peur que de froid. Depuis quelques heures, elle vivait un cauchemar mais là l'apocalypse semblait s'ouvrir sous elle. Il lui dénudait déjà ses épaules afin de les embrasser sans ménagement ! Le contact de cette bouche sur sa peau nue la fit se révolter et se débattre autant qu’elle le pouvait. Mais ses pauvres bras incapables de se libérer, ses gestes défensifs demeuraient limités !
- J’aime les femmes qui me résistent, le sais-tu ? Ca rend ce moment là encore plus excitant !
- NE ME TOUCHEZ PAS ! LACHEZ MOI !
- Sinon tu me feras quoi ? Le grand brun à qui tu parlais tout à l’heure ne t’a pas suivi ! Quel dommage n’est ce pas ? Ce n’est pas lui qui viendra te secourir, et je te déconseille de hurler …
Il sortit de sa veste de bourgeois, un fin couteau dont il fit briller la lame. Milena resta muette de terreur en l’apercevant. Il lui fallait donc choisir entre la mort ou le déshonneur ! L’inconnu dans une pulsion sadique plaça le bout aiguisé de son arme sur sa nuque. Oui le prince de Gonzague ne se porterait point à son secours ! Sans doute avait-il déjà quitté Versailles ! Quelle folie avait-elle commise de s’enfoncer si loin dans les jardins à pareille heure ? Pour autant, devait-elle subir gentiment ce viol ? Mourir ou être salie de la sorte revenaient au même ! L’homme profita de l’effet causé par ces menaces pour attenter à sa bouche. Ca en fut trop ! Plus que le dégoût de cet effroyable baiser, Milena éprouva un sentiment d'infidélité, car ses lèvres appartenaient à Gabriel et à lui seul ! Sa rage monta jusqu’à son cœur et elle mordit celles de ce malotru jusqu’au sang.
Ce dernier laissa échapper un cri et porta les mains à sa bouche, afin d’en arrêter l’écoulement. Dans le même mouvement il fit choir sa dague. Milena trop heureuse de l’aubaine, se dégagea de son emprise et se mit à courir telle une gazelle poursuivie par une bête fauve. Malheureusement, la bête en question la rejoignit très vite et pour se venger, lui assena une terrible gifle qui la fit tomber à terre ! Encore sous le choc d’un tel coup, elle ne put rien faire pour réfréner les autres gestes lubriques de l’étranger. En effet, il venait de la retourner et de la plaquer sur le dos, enserrant ses poignets avec une force herculéenne ! La respiration coupée par la panique, Milena le supplia …
- Non ! S’il vous plait … par pitié ! Pas ça !
Son interlocuteur dont elle ne voyait que les yeux luisants de vice, lui répondit par le même rire cynique.
- Elles disent toutes ça et après elles me remercient ! La belle hispanique entendit sa robe craquer au niveau de sa poitrine, tandis que de son autre main, il remontait ses jupes et jupons. Prostrée dans cette position plus qu’humiliante, elle sentit les larmes couler le long de ses joues sans qu’elle puisse les contenir. Sa virginité ! Son honneur ! Après ses amitiés brisées, ses amours détruits, si cet homme lui arracher cela … Elle n’y survivrait pas ! Qu’importait donc qu’il plante ce couteau dans son corps, il fallait qu’elle lutte !
- Non ! NON ! NON ! AU SECOURS !
Sa voix aurait pu percer la nuit tant elle hurlait, les veines de sa gorge presque sorties sous l’effort … elle en toussa même …
- VAS-TU DONC TE TAIRE ! Tu auras beau crier que je parviendrai à mes fins, ma jolie !
L’homme venait de lui encercler le cou de sa poigne alors que ses mains baladeuses persistaient à ouvrir ses jambes, et à déchirer sa tenue. Milena se débattait toujours autant mais ses forces s’amenuisaient au fil des secondes !
- GABRIEL ! A l’AIDE ! … ENLEVEZ VOS SALES MAINS DE SUR MOI ! NON !
- Très bien, petite peste, tu l’auras voulu !
Sans qu’elle ne puisse comprendre, ce que cette réplique signifiait. Il la souleva avec brusquerie, puis la poussa à nouveau contre terre. La tête de la jeune femme cogna contre une pierre, sa vision se fit floue puis noire, sa nuque se raidit alors qu’un filet de sang s’échappait de sa blessure … Milena plongea alors dans une horrible semi-conscience où elle sentait chaque affront porté à sa pudeur, mais ne pouvait strictement plus rien y faire. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 13.03.10 18:07 | |
| Ses pas crissaient doucement sur les graviers, alors que Gabriel suivait le chemin qu’avait du emprunter Eugenia. Où était-elle à présent ? Partie vers le château ? S’était-elle éloignée, au plus profond du parc, afin de laisser parler ce désespoir qu’il avait senti en elle ?
Cette idée le poussa à accélérer le pas, suivant son propre instinct. Elle ne pouvait être allée en direction du château. Une âme brisée n’aurait pu trouver dans tant de frivolités un apaisement à son chagrin. Il marchait, frissonnant sous la légère brise qui soufflait dans les arbres, gondolant les ombres qui masquaient le sol, formant des silhouettes fantomatiques.
L’atmosphère eu pu être inquiétante, si les pensées de Gabriel n’avaient été habitées par ce sentiment de plénitude. Eugenia de Cortés éprouvait pour lui les mêmes sentiments. Rien ne pouvait à présent se mettre en travers de son cœur, et cet engagement qui la liait à ce marquis pouvait être aisément rompu. Il était prince, issu d’une ancienne et puissante famille, aucun père, tout prince qu’il était lui-même, ne pouvait préférer un marquis à un Gonzague ! Un brin d’orgueil étira les lèvres de Gabriel, alors qu’il se morigéna d’avoir de telles pensées. Connaître l’inclinaison de la jeune espagnole lui suffisait pour savourer ces quelques instants de bonheur.
Il avait tourné dans l’allée contigüe à celle reliant le bassin de Flore. Le silence nocturne laissait résonner les bruissements des animaux de nuits, courant le long des parterres de fleurs. S’il pouvait retrouver Eugenia, lui avouer sa propre inclinaison, peut-être pourraient-ils admirer ce paysage nocturne ensemble. Se savoir près d’elle suffisait à apaiser le cœur de Gabriel.
Mais un son retentit soudainement, brisant le silence, et s’éteignant aussitôt. Le prince sortit de ses pensées à la seconde, le cœur battant sous la surprise de ce cri. Ce cri…ou peut-être autre chose, mais ce son était inhabituel.
Il tourna la tête, se retourna, et fit quelques pas au croisement suivant, mais rien ne s’était dessiné dans la clarté de la lune, et le bruit s’était étouffé. Il posa néanmoins sa main sur la garde de la lame qui ceignait son flanc, maintenue par une large ceinture de soie. Il bénit ce souhait du roi de ne pouvoir pénétrer à Versailles sans épée. Protocole incongru, certes, mais ce soir, il ne pu que féliciter intérieurement le souverain.
Les paroles du mousquetaire rencontré précédemment lui revenaient en effet en mémoire, et si quelques rôdeurs avaient pu pénétrer le parc, cette épée trouverait peut-être une utilité. Puisse-t-il cependant ne pas en avoir l’usage ! Il tourna son regard alentour, guettant quelques ombres dans le halo de la lune, mais alors qu’il bifurquait à nouveau, ce cri, plus que distinct cette fois, perça à nouveau le silence.
-NON ! AU SECOURS !
Une voix de femme.
Eugenia.
Le sang de Gabriel se glaça à cette pensée, et son cœur manqua un bond, s’effondrant dans sa poitrine. Non. Non, il devait la retrouver, l’apaiser, lui avouer tout son amour ! Elle ne pouvait pas, en ce moment… Sa raison stoppa ses pensées, et son esprit de vida de toute image récusée. La respiration courte, il tourna la tête en direction du bruit, et calma les battements de son cœur pour conserver un esprit clair et éveillé. Il ne fallait pas agir sans réflexion….mais où se trouvait-elle ?
- GABRIEL ! A l’AIDE ! … ENLEVEZ VOS SALES MAINS DE SUR MOI ! NON !
Gabriel….elle l’avait appelé, lui. Elle était en danger, et cette voix le suppliait de venir, de la secourir. Il su d’où provenait ces plaintes, et le cœur bondissant dans sa poitrine, pressé par l’angoisse, il se précipita, plus qu’il ne couru, à l’endroit où il espérait la retrouver. Il tourna à nouveau dans une allée, et la vision qui apparu à ses yeux le figea sur place une courte seconde. Une ombre penchée sur la silhouette d’une femme, allongée sur le sol, immobile. Il ne voulu pas songer au pire, même si cette vision ne pouvait que le paralyser.
La colère avait prit place, reléguant l’horrible hypothèse. Il sentit son sang bouillonner, guidant le moindre de ses gestes. Cette ombre, cet homme penché sur elle, sur Eugenia, sur celle qu’il aimait tant, lui fut plus qu’insupportable. Il sortit silencieusement sa longue rapière, et sans perdre un instant supplémentaire, s’approcha rapidement de l’homme, bien que chacun de ses gestes fut calculés. Il ne pouvait le tuer de sang froid. Il en était incapable, même si son cœur le lui intimait, et faire souffrir cet homme était le seul désir qui habitait alors Gabriel.
L’homme lui tournait le dos, masquant à la vue de Gabriel le corps immobile d’Eugenia, mais avant qu’il n’eu pu faire un mouvement de plus, la pointe de l’épée s’enfonça dans le cou de l’agresseur, qui se paralysa sous la surprise.
-Maledetto !
Il n’eut pas le temps de faire un geste supplémentaire, que d’une poigne ferme, Gabriel l’avait basculé en arrière, et d’un coup de bras, l’avait jeté à terre quelques mètres plus loin. Les yeux du jeune prince avaient perdu toute la chaleur qui les avait habité quelques minutes auparavant. Il posait un regard froid et dur sur cet homme, faisant rejaillir sur lui toute la colère qui retenait ses gestes. Il s’approcha de l’homme qui avait perdu l’équilibre, et pointa sa lame sur sa nuque, l’empêchant de se relever, le poussant plus loin qu’il ne pouvait. Ses dents serrés laissèrent échapper un juron, alors qu’il poussait un peu plus l’agresseur de la pointe de son épée. Celui-ci, sur le dos, essayait de reculer, alors que ses pieds glissaient sur les graviers, et que ses mains cherchaient un invisible soutient.
-Ringhiera ancora, ciò non è sufficiente !* Rampe encore, ça n’est pas suffisant !
[i]Il ne pouvait se résigner à le frapper. Un Gonzague ne pouvait se rabaisser à frapper un tel déchet et pendant que, sous le coup du choc, l’homme se relevait péniblement, cherchant à tâtons une quelconque arme pour se défendre, Gabriel avait baissé sa lame, et s’était retourné à demie pour se pencher vers la jeune femme, sans lâcher de l’œil l’agresseur.
Il ne pouvait poser ses yeux sur les étoffes relevées, tant la situation lui prenait les entrailles. Aucune envie, aucun instinct n’avait porté ses yeux sur ce que l’homme avait dévoilé, et mu par ce seul désir de la protéger, il rabaissa doucement les jupons, et observa un instant le haut de sa poitrine, afin de guetter une respiration.
Il se refusa de baisser les yeux sur ce corps que l’homme avait tenté de dénuder, et jetant un œil méprisant au bougre qui se relevait péniblement, ôta lestement sa veste, pour recouvrir le corps de la jeune femme. Un court instant, il passa sa main sur le front d’Eugenia de Cortés. Sentait-elle sa présence à ses côtés ? Son cœur battait doucement, sa respiration était lente, mais ses yeux clos, sa peau pâle trahissait le choc de l’agression. Elle semblait si calme, si paisible qu’il eu l’horrible vision de son corps à jamais immobile. Seule, cette poitrine qui se soulevait doucement l’apaisèrent dans ses pensées.
Il s’arracha à cette vision désolée, et saisissant à nouveau son épée, il se releva, marchant d’un pas ferme vers l’homme qui s’était remis debout, lui tournant le dos. Il se massait le côté, marmonnant quelques borborygmes, et à peine s’était-il retourné, qu’à nouveau la lame de l’épée cingla l’air, et se posa entre les deux yeux de l’agresseur, qui recula de stupeur, face au visage de Gabriel. Tous ses traits étaient tirés par la colère bouillonnante, bien que sa froide raison, seule, guidait ses gestes. Il savait que se rabaisser à cet homme était pour lui un déshonneur, et sa voix fut implacable.
-Vile, parassito….ne peux-tu pas t’en prendre à ton égal, où es-tu trop lâche pour l’affronter ?
L’homme lui rendit un regard farouche, mais teinté de peur. Sa bouche se tordit en un rictus, alors que Gabriel pressait un peu plus la pointe de l’épée sur le front de l’homme, le faisant reculer de quelques pas.
-RISPONDE !
Un éclair flamboyant illumina le regard du prince, alors qu’il enfonçait un peu plus la lame entre les yeux de l’homme le forçant à faire quelques pas supplémentaires pour l’acculer à un arbre.
-Olah ! Que se passe-t-il ici ?! Nous avons entendu des cris !
-J’y suis !
Gabriel ne cilla pas d’avantage, alors que la voix du mousquetaire qu’il avait croisé rompit le silence qui était retombé. Les bruits de pas, se précipitant près d’eux, accompagnèrent l’appel du soldat, et bientôt, celui-ci déboucha sur la scène, et reconnu l’homme qui venait de lui répondre. Il tourna les yeux tour à tour, vers la jeune femme immobile, puis vers les deux hommes qui se faisaient front. Il eu comme un soupir de soulagement, et tira sa propre épée qu’il pointa sur l’agresseur silencieux, dont les traits s’étaient crispés de colère.
-Altesse, je crains de comprendre ce qu’il s’est passé. Que Dieu bénisse votre présence ! Cette jeune femme…
Gabriel fixa une dernière fois le regard de l’homme, et ôta d’un geste sec la pointe de son épée, éraflant le front de l’homme. Les mâchoires crispées, il jeta un œil moins dur au soldat. Toute la tension était retombée, et il sentait à nouveau son cœur battre doucement dans sa poitrine, calmant sa colère contenue.
-Grazie…pour votre promptitude. Je vous laisse ce…scarto…La signorina a besoin de soins, je m’en occupe.
Grazie mille, signor.
Le soldat jeta un œil inquiet vers Eugenia de Cortés, mais son regard fut rassuré par les paroles de Gabriel. Il salua courtoisement le prince, alors qu’un mousquetaire silencieux avait arrêté l’homme. Celui-ci lança derrière lui un regard noir, maudissant ceux qu’il laissait derrière lui. Ne pas avoir eu ce qu’il voulait rendait son sourire amer, alors qu’il fut poussé sans ménagement par le soldat dans l’allée suivante. Les pas s’évanouirent, plongeant à nouveau l’endroit dans un silence pesant.
Il avait paru à Gabriel que tout ceci avait duré une éternité, et le cœur battant d’angoisse, il s’agenouilla doucement près d’Eugenia de Cortés, encore inconsciente. Il ceint son épée à son flanc, ôta son gant, et passa une main encore tremblante par la peur, sur le front froid de la jeune femme.
Ses sourcils se froncèrent légèrement. Il ne pouvait pas la perdre maintenant. Pas avant d’avoir pu lui avouer tout ce qu’il ressentait pour elle, pas avant qu’ils n’aient pu partager un même bonheur. Sa respiration s’accéléra à cette pensée, alors qu’un frisson lui parcouru l’échine, lorsqu’il revit l’homme penché sur elle. Et si elle n’avait pas crié ? S’il n’avait pas entendu ses plaintes ? Il préféra oublier ce qui aurait pu se passer, tant l’horreur de cette pensée l’angoissait. Elle était sauve, et elle avait été préservée de cet homme. C’était tout ce qui comptait à l‘instant. Il caressa ses cheveux épars, alors que ses doigts s’arrêtèrent sur la mince blessure du crâne d’Eugenia ; tirant son mouchoir, il essuya délicatement le sang qui avait séché.
-Signorina…svegliatevi, per favore* Réveillez-vous, s’il vous plaît. |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 15.03.10 0:23 | |
| Son sang coulait, une douleur intense et lancinante paralysait l’ensemble de son esprit. Hélas son corps ressentait, lui, tous les outrages que ce parfait inconnu lui faisait subir au fil des secondes. Elle ne pouvait rien faire, sa mâchoire se crispa sous un hurlement muet, et elle releva son buste quelques secondes par réflexe, mais ce dernier s’affaissa aussitôt. Impuissante à se défendre, incapable de penser, Milena sombrait inexorablement dans un état second, dans lequel elle désirait rester afin que … la perte de sa virginité ne soit par trop brutale.
Cependant, son ouïe toujours à l’affût percevait le craquement de sa pauvre robe toujours aussi malmenée. Cette sensation devenait par trop intolérable et ses doigts cherchèrent péniblement l’arme … ce poignard dont il avait usé pour la menacer. Elle désirait mourir plutôt que de subir un tel déshonneur ! Une de ses propres ancêtres, par trop belle disait-on, remarqué par un prince, enlevée et séquestrée, avait préféré se jeter dans les douves, que de supporter un viol ! Elle se devait de suivre l’exemple de cette parente ! Ce sentiment seul la guidait et elle sentit des larmes couler spontanément le long de ses joues … car l’arme se trouvait loin, trop loin d’elle !
Puis ... inexplicablement cette masse imposante se retira tout à coup d’elle, sa respiration se fit moins saccadée. L’abominable individu n’appuyait plus sur son malheureux abdomen ! En avait-il déjà … terminé ? La honte la submergea malgré cette semi-conscience et elle s’entendit gémir …
" Maledetto ! "
Cette voix …
" Ringhiera ancora, ciò non è sufficiente ! "
Cette langue italienne … cette voix grave et froide … rêvait-elle ? Ce ne pouvait être Gabriel … Il était parti du bassin … elle était en proie à de méchantes hallucinations. Son désespoir la conduisait sans nul doute au délire, et son lamentable état n’arrangeait point les choses ! Il n’était pas là … il ne pouvait être là ! Cependant … elle sentit l’étoffe de sa robe à nouveau sur ses cuisses et jambes nues, ainsi que sur sa poitrine. Elle ne comprenait pas … Un autre tissu, plus épais sembla également se poser sur elle, sans qu’elle ne puisse le définir. Que se passait-il ? Que lui faisait-on ? Milena voulut ouvrir les yeux, mais ce souhait lui coûta tant de forces, qu’elle y renonça bien vite.
" RISPONDE ! "
Ce ton dur et glacial la fit frémir malgré elle, tant elle replongeait par intermittences dans le flou le plus complet ! Qui parlait de la sorte ? Lui en tenait-il encore rigueur ? Pour Vittoria ? Comment aurait-elle pu savoir que la malheureuse reposait en terre ? … Comment avait-elle pu se montrer si inhumaine ? Un susurrement franchit alors ses lèvres …
- Pardon …
Cette agression, sa confrontation avec le Prince de Gonzague ! Tout s’entremêlait ! La belle hispanique enrageait intérieurement, de ne pas assister à ce qui se dérouler sous ses yeux. Où se trouvait son agresseur ? Gabriel venait-il réellement de la secourir ou tout ceci n’était-il que le fruit de son imagination ? Aimait-elle autant Gabriel pour songer à lui en preux chevalier, défendant sa belle dame ? Le prince de Gonzague l’appréciait seulement … elle se leurrait, se perdait dans ses rêves, dans son plus cher désir ! Sa raison tenta de lutter contre cet état de fait, mais son esprit si cotonneux devint un obstacle infranchissable !
Son esprit mais aussi cette main … ou tout au moins cette chaleur qui gagnait son front glacé ! D’ailleurs, la peur d’avoir perdu tout son sang lui fit pousser un autre gémissement de douleur. A qui appartenait cette main bienveillante ? Cette dernière paraissait s’aventurer à présent au cœur de ses cheveux, et sur sa blessure … qui lui apparaissait béante tant elle lui faisait mal ! Ses dents crissèrent légèrement à ce contact …
" Signorina…svegliatevi, per favore "
Milena leva son bras par réflexe afin de poser elle-même ses doigts sur la plaie, elle rencontra alors ceux de cette personne salvatrice … qui parlait italien … et les serra entre les siens. Délirait-elle encore ? Gabriel ? L’appelant ? Elle n’osait ouvrir les paupières, s’accrochant à ce songe comme une naufragée à une planche flottante de navire. La jeune femme demeura ainsi quelques secondes, puis ses yeux clignotèrent, tandis qu’un visage lui apparaissait réellement flou … Cette lumière blanche telle un halo blessait son regard ! Pourtant ne faisait-il point nuit ? Elle porta sa main devant ses yeux comme pour chasser ce rayon par trop lumineux.
Cette clarté se dissipa peu à peu, bien que toujours présente et elle aperçut alors les traits caractéristiques de … Gabriel ! Elle n’avait point rêvé ! Il venait de la sauver de ce violeur ! Ces prunelles se firent pétillantes tandis qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres souillées par cet homme … Reprenant ses esprits, elle eut donc tôt fait de penser à ce que le Prince avait dû voir. Le fait de la trouver jupons remontés, poitrine dénudée firent disparaître son sourire éphémère et ce fut la honte qui la submergea, tandis qu’elle se redressait péniblement.
Cette veste … Il s’agissait de celle de son sauveur. La reconnaissance et la gêne se mêlaient dans son cœur mais également dans sa tête, tête qui lui provoquait des maux terribles, et lui paraissait être une noisette brisée ! Elle tendit le vêtement à Gabriel et avec maints efforts se leva … Elle vacilla un instant, sa vision venait à nouveau de se brouiller !
- Je vous remercie Prince … pour tout … mais je pense rentrer à présent … tout ira bien !
Milena ne désirait guère l’importuner davantage. Elle ne pensait plus jamais le revoir après leur entretien de tantôt, à présent elle emportait à jamais avec elle, le souvenir héroïque de son intervention. Malgré tout … il ne l’aimait pas et cette scène ne devait point interférer dans sa résignation, dans ses résolutions. Vittoria bien que morte représentait tout le ciment d’un mur épais se hissant entre eux, et ne laisserait plus jamais Gabriel en paix. Il fallait renoncer à cet amour coûte que coûte … Il n’avait agi ainsi que par chevalerie point pour d’autres sentiments. Hélas ces réflexions bien dures à accepter, lui firent d’autant plus tourner de l’œil, et ses jambes ne la portèrent bientôt plus que par miracle… Le Prince vint à son secours et enserra ses épaules afin de la soutenir. Ce doux contact la fit frissonner de bien être … Pourquoi ? Qu’un homme la touche aurait dû la dégoûter à présent ! Elle tenta donc de se dégager du secours de ses bras sans succès …
- C’est inutile je vous assure … je me porte bien …
La jeune espagnole fit à nouveau quelques pas en direction du château … Néanmoins sa vision brouillée se vit derechef, torturer par cette lumière éblouissante, et un haut le corps lui tenailla le ventre. Son visage blêmit affreusement et sa blessure parût se rouvrir tant la douleur se réveillait. Milena se tourna vers Gabriel dont elle ne percevait plus que des traits nébuleux.
- Je ne me sens pas bien du …
Elle ne put dire un mot de plus, perdant toute forces en ses jambes ! La princesse se sentit au même instant, basculer vers l’arrière et s’évanouit … Ce ne fut alors plus que le noir … le noir total ! |
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| Sujet: Re: " Ne voyais-tu pas, dans mes emportements ... " {Gabriel ° Milena} 15.03.10 21:48 | |
| Aucun bruit ne venait troubler les jardins, alors que Gabriel espérait voir enfin Eugenia de Cortés se réveiller. Immobile, seule sa poitrine se soulevant au rythme de sa lente respiration lui indiquait qu’elle était encore en vie. Mais sous les doigts du prince, sa peau froide ne pouvait apaiser les battements de son cœur.
Des images lui revenaient à l’esprit, alors qu’il s’efforçait de les chasser. Eugenia respirait. Elle était sauve. Il caressa doucement les cheveux de jais de la jeune femme, et alors que sa main avait pris son poignet fin, afin de sentir son pouls, il sentit des doigts effleurer les siens. Son regard se porta aussitôt vers la chevelure de la jeune femme, et il ressentit alors une douce chaleur le pénétrer, sentant la main d’Eugenia serrant la sienne. L’avait-elle reconnu ? Savait-elle qui il était ? Il craignit un instant qu’elle cru qu’il soit son agresseur, mais la douceur de ce contact le rassura, et dans la paume de sa main, il serra ces doigts encore froid.
Il passa doucement son autre main sur son front, observant le visage paisible d’Eugenia, se contracter petit à petit, alors que ses paupières clignotaient. Son mince sourire s’effaça, et Gabriel s’écarta légèrement, par crainte qu’elle ne le reconnaisse pas. Il ne songea pas à l’entrevue précédente, et à l’éventuel rejet d’Eugenia. Tout ce qui comptait était sa santé, et que la jeune femme aille bien. Il l’observa ainsi quelques instants, tentant de la soutenir, alors qu’elle se relevait péniblement, appuyée sur ses coudes. Il n’avait voulu prendre sa veste immédiatement, se souvenant de l’état déplorable du corsage, mais ne voulant brusquer la jeune femme, il prit le vêtement en silence.
- Je vous remercie Prince … pour tout … mais je pense rentrer à présent … tout ira bien !
Elle s’était levée, mais malgré tout, Gabriel fronça doucement les sourcils. Elle n’était pas en état de quitter ce soutien, qu’il soit physique ou psychologique. Il savait tout ce qu’elle ressentait pour lui, et ce sentiment partagé le poussa à l’aider sans réplique, alors que la jeune femme assurait sa bonne santé. Il sourit doucement devant sa détermination, sans que toutefois l’inquiétude ne le quitte.
-Signorina, vous êtes encore faible. Venez, je vais vous aider.
Elle fit quelques pas hésitants, le regard fuyant, comme pour s’éloigner. Mais à peine avait-elle posé un pied devant l’autre que Gabriel la vit vaciller. Elle ne devait pas rester seule, son état l’en rendait incapable. Il s’approcha doucement d’elle, et d’un geste plus tendre qu’il ne le fallait en cet instant, il passa son bras autours de ses épaules, retenant la jeune princesse.
Sa tête semblait lui peser plus lourd qu’il ne le fallait, et une chute était évidente s’il la lâchait à nouveau. Il l’accompagna ainsi quelques pas, silencieusement. Il n’osait rompre le silence, ne sachant ce que la jeune femme songeait en ce moment précis. Un tel choc pouvait la rendre distante, peut-être même l’effrayer d’avoir un homme si proche d’elle.
Malgré tout, il ne voulu céder à la pression d’Eugenia, qui tentait de dégager son bras. Cette tentative la ferait chuter à nouveau. Si le sang avait cessé de couler, la blessure et le choc l’avaient affaiblie, et le moindre mouvement pouvait la faire sombrer dans l’inconscience. Il la soutint alors qu’elle avançait à nouveau de quelques pas, résistant à son bras.
- C’est inutile je vous assure … je me porte bien …
-Signorina je crains que non. Je ne peux vous laisser seule. Je vous accompagne au château, venez…doucement.
Il l’accompagna à nouveau, alors qu’elle luttait faiblement, prise de nouveaux vertiges. Il la sentait s’échapper soudainement à son emprise, et alors qu’il ne pu comprendre, il la sentit s’effondrer soudainement, et dans un mouvement rapide, pu la retenir avant qu’elle ne vacille totalement.
-Eugenia !
Gabriel l’avait retenu par les épaules, empêchant une nouvelle chute. Mais la jeune femme était à nouveau inconsciente, respirant faiblement dans ses bras. Il la voyait si fragile, à cet instant. Lui seul pouvait l’aider, alors qu’elle lui avait toujours paru si forte. Il passa sa main sur son front, dégageant quelques cheveux bruns. Aucune fièvre, sa peau restait fraîche en cette nuit, et son cœur battait lentement…presque paisiblement.
Un court instant, Gabriel réfléchi à la situation. Le château n’était pas loin, mais elle ne trouverait aucune tranquillité, aucun calme pour se reposer. Elle avait vécu un choc qui nécessitait plus de calme que de soins physiques, et en quelques secondes, sa résolution fut prise. Il prit doucement Eugenia dans ses bras, surprit du poids si léger de la jeune femme. Elle semblait comme brisée sous le poids du choc, et le désir d’être le plus rapidement possible dans un endroit sûr le poussa à travers le jardin.
Il n’avait alors croisé âme qui vive, mais la lumière tremblotante d’une lanterne éclaira bientôt le chemin sur lequel il se trouvait. Des bruits de pas accompagnaient la lueur, alors que se dessinaient sur le sol les silhouettes caractéristiques des gardes du roi.
Avec un léger sourire, il distingua celle désormais familière du mousquetaire qu’il avait précédemment croisé.
-Monsieur !
-Votre altesse ! Comment se porte mademoiselle ? Dois-je chercher un médecin ? Faire prévenir ses gens ?
-Merci, c’est inutile. Il me faut prévenir mon cocher, Forlazzi, que nous repartons dans l’instant. Il est aux cuisines. Mademoiselle a subi un choc, elle trouvera plus de calme et de repos à son propre hôtel. Nous y ferons venir son médecin personnel.
Sous la voix calme et ferme de Gabriel, le soldat porta la main à son feutre en s’inclinant, et claquant des talons, couru aux cuisines chercher le cocher.
Seul, la lanterne éclairant faiblement les traits d’Eugenia, Gabriel contempla doucement ce visage apaisé, malgré le choc qu’elle avait subi. Elle paraissait étrangement calme, comme si aucune pensée ne venait à le troubler. Depuis cette lettre, l’aimait-elle toujours autant ? Cette fuite était-elle pour dissimuler cet amour, ou pour se cacher d’une faiblesse ? Son cœur se serra doucement à cette dernière hypothèse, mais tout en passant à nouveau ses doigts sur le front d’Eugenia, comme pour chasser ses propres pensées, il sur ce qu’il restait à faire, même si cela devait être douloureux. L’un et l’autre ne pouvaient rester ainsi muets ; elle ne pouvait rester dans l’ignorance de son inclinaison. Il marchait doucement vers son carrosse, sentant contre sa poitrine le léger battement du cœur d’Eugenia. Silencieusement, il remercia d’un signe de tête Forlazzi qui avait déplié le marchepied, et aidé son maître à installer la jeune femme encore inconsciente.
-Andiamo dalla signora, la vostra altezza? Nous allons chez madame, votre altesse ?
-No, al hotel di Nevers. Rapidamente. Non, à l’hôtel de Nevers. Vite.
Forlazzi répondit d’un hochement de tête à la voix directe de son maître, et sauta sur son siège, alors que les chevaux trottaient déjà hors de la cour.
Dans le véhicule, Gabriel avait passé doucement son bras autours d’Eugenia, retenant la jeune femme. Sa tête reposait tranquillement sur son épaule, maintenue des cahots du carrosse qui roulait vers Paris. |
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