Marie-Anne Mancini
VIPERE de Versailles
► Âge : J'ai l'âge de toutes les passions et de toutes les rumeurs.
► Titre : Duchesse aux yeux et aux oreilles baladeuses
► Missives : 702
► Date d'inscription : 04/09/2009
| Sujet: Point de secret entre nous, très chers! [Topic Unique] 27.01.10 22:45 | |
| - Citation :
- Madame ;
Suite à vos doutes concernant notre jeune ami, je puis vous confirmer que vos soupçons sont confirmés. Marianne lu, relu ce petit papier griffonné à la hâte par sa camériste. Un étrange sourire étira imperceptiblement ses lèvres sensuelles, et d’un geste, elle jeta au feu l’indice compromettant. Alors qu’elle arrangeait sa coiffure dans la glace par-dessus la cheminée de marbre, une lueur traversa son regard bleu. Une lueur qui signifiait aux avertis que de mauvais desseins naissaient dans l’esprit de la jeune duchesse de Bouillon.-Madame de Bouillon, rejoignez-nous, Monsieur de la Fontaine a prévenu qu’il ne parlerait point en votre présence ! Marianne se retourna vers le jeune homme qui l'avait interpelée, et son sourire s’élargit soudainement, masquant ses pensées les plus noirs. Faisant signe à son jeune compagnon qu’elle les rejoindrait promptement, elle commença à songer aux points à ne négliger sous aucun prétexte. Le plus important était que ce bruit fasse aussi rapidement que possible le tour des jardins, afin de ne point en connaître l’origine. Elle connaissait, pour cela, l’indiscrétion habituelle de la marquise d’Andouvielle, qui était à elle corps et âme. Son peu d’esprit servirait grandement les desseins de la jeune femme. Elle profiterait, outre de cette soirée, des appartements du soir, auxquels elle était régulièrement invitée, pour lâcher cette annonce.
Elle entra alors dans le salon principal de l’hôtel de Bouillon, où, face à un parterre de robes, de taffetas, et de courtisans enrubannés, un homme au visage alerte, aux yeux scrutant le fond de l’âme de chacun, lançait quelques vers délicieux en destination de son public. Il s’arrêta soudainement lorsqu’apparu, dans l’embrasement de la porte, sa bienfaitrice. Le visage emplit d’un respect sans qu’aucun nom ne puisse le décrire, il s’inclina devant la jeune femme.-Madame la duchesse, votre serviteur ne pouvait sans décence aucune commencer son divertissement sans votre présence ! -Allons, Monsieur de la Fontaine, n’en faites point trop ! Je sais fort bien vos manières empressées…elles ne correspondent point à la franchise dont vous usez dans vos écrits. Encore une fois, pour me plaire, monsieur, je vous prie, de grâce, de rester celui que vous cherchez à être, et non celui que nous voulons que vous soyez ! Avec grâce, elle s’était avancée vers lui, les yeux rieurs, et avait tendu une main délicate. Le poète, lui rendant son regard, se redressa, et avança le fauteuil de sa jeune protectrice. Telle une reine, la reine de ce salon, Marianne s’assit gracieusement, et se tourna vers le poète, coupant ainsi court aux conversations qui avaient repris. D’un geste de la main, elle invita le poète à se lancer.-Je suis impatiente d’entendre vos dernières fables, monsieur ! Qu’y verrons-nous ? Un lapin, un lion, ou encore un paon ? -Rien de tout cela, duchesse. Une mouche, un attelage et un coche ! -Cela me paraît fort plaisant ! Commencez donc sans plus attendre ! Sur cette exclamation, Jean de la Fontaine s’inclina à nouveau, et saisissant un petit feuillet, conta sa nouvelle fable. Mais très vite, les pensées de Marianne passèrent du coche à ce qu’elle venait de lire. Les lettres se reformaient à son esprit « vos soupçons sont confirmés ». Ainsi, cet impudent de Longueville, ce bâtard de Marcillac s’affichait au bras de la douce Coulange. Comment cette jeune femme avait-elle pu se laisser ainsi mener par lui ? Elle avait un esprit assez critique pour deviner que sous cet amas de jolies phrases bien tournées, se cachait en réalité une âme peu catholique. De toutes ces jeunes écervelées qui avaient chuté dans les bras de ce jeune coq, Mlle de Coulange semblait pourtant la plus fine pour déjouer les pièges tendus par son plus implacable ennemi.
Mais l’idée de les séparer ne vint pas à Marianne. Elle n’en avait par ailleurs aucune envie ; seule, l’idée de se venger des mots du Longueville trempés dans l’acide, était une raison pour quelque machination dignes de sa fourberie italienne. Ses soupçons…et quels soupçons ! Une phrase avait été lancée, et attrapée au vol par une oreille des plus fines. Puis aussitôt rapportée à Marianne. « Comment votre oncle peut-il vous imposer ce que lui-même a vécu comme un malheur ? » Phrase respirait l’innocence, si l’on n’était duchesse de Bouillon, et fine fleur des intrigues à la cour. Son éducation entre complots amoureux et rumeurs avait formé son esprit à déchiffrer les moindres signes anodins.
En quelques secondes, ce qui pouvait être une énigme pour certains était devenu limpide pour elle. Sa cousine l’avait éclairée sur des détails encore obscurs, et bientôt, elle découvrit le code pour déchiffrer le message lancé. Cet oncle n’était point ce beau-frère bigot, cadet d’une prestigieuse famille. Et quel malheur pour l’aîné, que celui de cette union forcée, avec une jeune écervelée de 13ans ? Ses yeux avaient brillé d’une lueur cynique lorsqu’elle comprit la portée de ces quelques mots. Angélique de Coulange, et cet imbécile de Longueville. Imbécile, certes, mais légitimé et fils de France, qui ne pouvait s’unir qu’avec une prestigieuse famille, et non une épistolière au frère chansonnier !
Quelle douce et agréable vengeance, que de secouer la cour par cette annonce ! Longueville ne pouvait continuer à lui nuire sans punition en retour. Sa tante était sottement éblouie par son neveu, et les faveurs de l’oncle empêchaient toute punition royale. Et voilà qu’à présent, il se pavanait en guide d’une princesse russe ! Ses pensées s’évadèrent doucement, lorsque le soudain silence brisa sa rêverie. Sortant de sa torpeur, elle balaya la salle du regard, et posa alors ses yeux sur son poète, qui venait tout juste de terminer sa nouvelle œuvre. Maîtresse de ses sourires, elle en afficha un qui se voulait plus convaincant que jamais, et applaudi doucement.-Monsieur, vous nous avez encore régalés ! Décidément, je ne saurais me passer de vos écrits ! En toute modestie, Jean de la Fontaine, s’était à nouveau incliné, et prenant la main de la jeune femme, la baisa délicatement. Elle l’observa alors d’un regard intéressé, un léger sourire encore visible sur son visage.-Peut-être oserais-je vous demander une nouvelle faveur, Monsieur de la Fontaine ?
Vous connaissez sans doute mes relations littéraires avec la jeune comtesse de Coulange, monsieur. J’ai appris, d’une voix qui ne saurait être mise en doute, ses relations particulières avec l'un de ses proches amis; j’aurais aimé pouvoir l'en féliciter, mais je ne puis de vive voix. Puis-je ainsi user de votre talent, afin que cette missive soit à la hauteur des écrits de l’heureuse jeune femme ? L’annonce, sans aucun nom supplémentaire, provoqua une vague de murmures dans l’assemblée, pourtant peu nombreuse. Dans ce quasi-silence, une voix un peu sotte s’éleva alors.-Mais, chère duchesse, avec qui la comtesse de Coulange se marie-t-elle donc ? -Allons, Madame d'Adouvielle, je n'ai point parlé de mariage! Aussi, vaudrait-il mieux que ce bruit ne sorte point de ce salon. Mais l'on dit qu'il s'agirait du prince...de NeuchâtelLe ton mielleux de Marianne, et sa voix posée, insistant sur chaque mot prononcé avait eu l’effet escompté. Les yeux de Mme d’Andouvielle s’étaient illuminés, et elle y voyait déjà quelques noms de courtisans à qui elle pourrait partager cette excitante nouvelle.-Monsieur de Longueville…en voilà un beau parti ! Elle ne l'aime sûrement point pour sa fidélité, ni pour sa franchise ! -Quelle nouvelle des plus amusantes! Quel dommage que nous ne puissions l'ébruiter, vous m'envoyez fort marri, duchesse!- Serait-elle grosse ? -Ne dites point de telle sottises, madame! L’aurait-elle empoisonné, afin qu’il revienne sur cette décision de ne point avoir qu'une seule femme?! -Serait-il donc enfin amoureux ?A ce dernier mot, des éclats de rire fusèrent dans le salon des intimes de la duchesse de Bouillon. Celle-ci, installée dans son fauteuil, savourait ce début de victoire avec délectation. Le temps n'avait qu'à faire son œuvre. |
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