- 1870 -
Peu après l'unification du territoire italien, qui met fin au Risorgimiento.
C'est à cette époque que débute notre récit.
Roccianera est devenue une province à part entière, et bien que rattachée à l'administration globale du pays par Rome, elle a su garder une certaine indépendance, notamment parce que c'est une région initialement très pauvre qui n'intéressait personne.
Mais depuis qu'un homme richissime s'y est installé, elle a pris des allures de minuscule principauté isolée du reste du monde. Pour autant, Roccianera n'est pas pauvre, loin de là, et opère une transformation lente mais certaine depuis plusieurs années.
Le petit village de bergers qui peuplait la combe à l'origine est devenu peu à peu une petite ville de ruelles pavées, de façades de commerces, de logemets à étages. La ville en elle-même reste populaire et rares sont les commerces et services luxueux, mais ils commencent à se développer. Roccianera prend son essort sur la base de capitaux longtemps espérés, si longtemps, qu'on ferme les yeux sur leur inexplicable provenance.
Cet argent c'est celui d'Adrano Tedeschi, fondateur du château Tedeschi, joyau architectural et botanique, qui s'est présenté aux locaux comme un investisseur ayant reçu l'aval de Rome, documents à l'appui. Accompagné dans son oeuvre de développement de l'endroit par ses quatre conseillers (qu'on ne connaît qu'à peine et qui restent extrêmement discrets), il a d'abord intrigué la population, auparavant farouche et de caractère assez xénophobe du fait de son autarcie. Petit à petit, elle a accepté son nouveau châtelain et ses ministres, n'y trouvant que du profit.
Loin de vouloir prendre la direction du commerce intensif, Adrano a toujours paru mettre l'accent sur la culture. Les librairies se sont multipliées, et le château ouvre parfois ses portes pour des expositions. Roccianera est devenue un lieu de passage pour les curieux en voyage entre l'Italie, la France, la Suisse... Connue comme un petit ilôt prisé des intellectuels les plus libres d'esprit, elle attire la petite noblesse environnante qui aime s'y retrouver dans des salons de conversations diverses, et pour d'autres activités qui restent sous silence...
La ville prospèrait donc, mais le châtelain restait célibataire et convoité d'une indénombrable foire de jeunes femmes de tous lieux et de toutes conditions.
Il y a désormais quelques mois, il a pourtant déçu de nombreuses prétendantes, en prenant pour femme une jeune aristocrate du nom d'Alice de Nevers, née sous la double nationalité française et italienne. Mariage salué par une grande et longue fête à Roccianera qui a duré une semaine entière.
Le châtelain avait toujours tout fait pour rester le plus proche du peuple possible, faisant couramment des descentes dans le centre ville sans prévenir, pour rencontrer les gens, recevoir leurs plaintes, leurs doléances et autres préoccupations. Cette habitude n'a pas cessé après les noces et le couple, considéré par les habitants comme le roi et la reine de cette petite province tranquille et bonne vivante, n'a jamais été critiqué par ses "sujets", la belle et aimable Alice ayant été très vite contaminée par la grande popularité de son époux.
Au château, on menait grand train de vie. Plusieurs nobles qui possédaient leurs propres demeures aux environs de Roccianera se sont installés en les murs du domaine Tedeschi, formant une sorte de cour, parmi lesquels on compte notamment les Bruneleschi, une famille dont le père était un grand bourgeois local à la fortune ancienne et conséquente, et la mère une aristocrate vénitienne. Bien que possédant un manoir à l'écart du château, les Bruneleschi ont souvent participé à des banquets privés à la table d'Adrano et Alice.
Amelia Bruneleschi, veuve depuis quelques temps, était présente lorsque les illusions de nombreuses personnes furent réduites en miettes.
Nul ne sait ce qui s'est passé ce soir-là, où une soirée réunissant tout le gratin de Roccianera avait été organisée. Toujours est-il que tous les convives ne résidant pas au château sont rentrés chez eux le lendemain, à différents moments de la journée, l'air tout à fait normal de l'homme ou de la femme qui a passé une excellente soirée mondaine. Pourtant, on sent bien, dans l'entourage de ces personnes, qu'elles ont changé d'une certaine manière... D'une manière très étrange, comme si elles détenaient un secret qu'il faudrait absolument garder, et être certain de ne jamais éventer.
Des événements tout aussi étranges ont commencé à se produire à Roccianera, bourgade pourtant si tranquille autrefois : le comportement d'un voisin se retrouve légèrement modifié sans que l'on comprenne pourquoi, des animaux disparaissent, certains croient devenir fous parce qu'ils ne se souviennent pas de ce qu'ils ont fait la veille au soir, ou même seulement une heure plus tôt, d'autres disparaissent pendant un jour ou deux, et reviennent à leur logis, incapables de raconter ce qui leur est arrivé ni où ils étaient passés.
L'ambiance change imperceptiblement de jour en jour. Nombre de gens commencent à avoir peur de sortir de chez eux passée une certaine heure. Au creux des Alpes, où la météo peut si vite changer et où l'ombre des montagnes de l'Ouest peut si tôt nous engloutir, on peut se retrouver seul dans une rue isolée sans même avoir senti le vent tourner... Et pourtant aucune hausse de la criminalité n'a encore été remarquée.
Autre fait bizarre : lorsque le châtelain descend en ville, il n'a plus le même air jovial qu'avant, et on sent qu'il ne sourit que pour enjoindre la population à faire de même. Et pour cause : d'après ce que l'on sait, sa femme, qu'il paraissait tant chérir avec réciproque, a disparu.
Quelques uns avancent la possibilité de l'intervention d'une puissance mystérieuse, une puissance inconnue et malsaine...
Mais pour le moment, seule une minorité de la population a réellement peur, malgré que la religion catholique ait, comme partout en Italie, une très grande importance dans la vie de tout le monde. L'écrasante majorité ne croit pas aux histoires de fantômes et de sorcières. Bien que l'on ait parfois des soupçons sur la piété d'autrui, on n'ose rarement les exprimer, car à une époque où la science fait des progrès de jour en jour, il est plutôt mal vu de s'accrocher aux anciennes superstitions en dehors de la fiction, des livres aux récits fantastiques.
C'est donc dans l'ombre qu'Alice, qui s'est enfuie du château, s'efforce de mettre en place un mouvement de réaction et de résistance face à la toute puissance masquée d'un Adrano qui n'est autre que Lucifer, le Prince infernal, entouré de ses seconds.
Vous entrez dans le jeu avec cette conjoncture. Suivez le guide au fil des différents sujets qui vous renseigneront plus précisément sur les rôles que vous êtres libres de jouer, créez votre personnage de toute pièce, ou incarnez l'un des PVs à votre disposition.
Bienvenue dans les filets du Diable...
Nous vous souhaitons un agréable séjour dans un monde que VOUS contribuerez à créer.