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 Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]

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MessageSujet: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime16.01.10 17:33

Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Nicolemissing_ash231 Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Henry2
« Au jeu du chat et de la souris,
qui est le véritable gagnant ? »

Une soirée comme tous les autres. Au salon des jeux, il y avait foule. Certains jouaient, d'autres profitaient pour faire la conversation, séduire ou simplement manger. Des gagnants, des perdants, des gros joueurs, des grosses dépenses, un Duc misa même son carrosse tant il ne lui restait plus grand chose. Heureusement, la main fut heureuse pour lui et remporta la partie et se leva de la table. De la musique de salon dans un coin, couverte par le brouhaha des conversations et du rire d'une duchesse à la volonté de voir les regards se tourner vers son visage un peu trop poudré. Bref, beaucoup d'agitation pour quelques cartes et dés. Un lieu peu propice à l'espionnage. Ou pas. Qui se douterait de la présence d'un espion en ces lieux ? Peut être certains paranoïaques mais trop peu minoritaires pour qu'on leur donne attention. Question : qui était l'espion ? Cet homme quinquagénaire aux cheveux blancs au regard balayant l'assemblée d'un œil discret ? Ou cette demoiselle derrière son éventail ? Beaucoup, par leur attitude, pourraient être des espions potentiels ! Que nenni, aucun de ceux là ne trempaient dans ces complots? Il fallait regarder plus loin, à une table où quatre hommes jouaient joyeusement aux cartes ! Là dedans, il y avait un espion et un homme suspecté de financer le complot contre sa Majesté. A les voir, aucun de ceux là n'avaient une tête de coupable. Le Comte de Chambord, un ancien frondeur repenti, était celui qui finançait. Et il jouait sa rente, du moins une partie, sans vraiment compter. A sa droite, voici Guillaume du Perche, jeune homme dont la réputation n'était plus à faire, fringuant et tout sourire dehors. Derrière une conversation tout à fait anodine, il cherchait à retracer l'emploi du temps de Chambord et connaître quelques habitudes. Il lui avait offert un peu à boire pour délier les langues et attendait la fin de la partie pour profiter de tirer d'autres informations plus intéressantes.

« Brelan de Dames ! »
« Perche, vous êtes un as. » S'exclama Chambord, fier de son petit jeu de mot.
« Messieurs, faisons une trève pour nous rassasier. Gagner rend ma gorge sèche. »

Les hommes se levèrent en même temps pour se disperser. Sauf Guillaume qui choisissait de rester près de sa cible. On a une fausse idée de l'espionnage : les gens imaginent qu'il faut une grande discrétion, se balader masqué dans les rues de Paris, fréquenter des lieux sordides et peu exister en société. Perche faisait l'inverse : peu discret en société de par son physique, son charisme et sa réputation, n'aimait pas vraiment Paris, y allait par intérêt, les seuls lieux sordides où il traînait, c'était pour rencontrer Arturo, fausse partie de cartes contre vrai argent et vraies informations. Et puis surtout, il n'y avait pas plus sociable que lui : il était l'homme de toutes les fêtes, de tous les jeux et de tous les voyages ! Pas vraiment le profil du parfait espion. Voilà pourquoi on ne le soupçonnerait pas. Et il profitait de son léger culot pour poser des questions et devenir indiscret sans avoir l'air de l'être. Les deux hommes marchèrent jusqu'à se saisir d'une coupe de champagne pour continuer une conversation des plus banales mais, ô combien enrichissante à ses yeux.

« … Voyez vous mon cher, il faut investir et non pas dépenser sa fortune ! »
« N'est ce pas ce que vous faites en vous attablant avec moi ? »
« Oh, cela n'est qu'un jeu, pour me distraire. »
« Alors, mis à part dans ma fortune, dans quoi investissez vous ? »
« Dans la pierre, et dans l'avenir ! »
« L'avenir ? Entreteniriez vous pas un bâtard ? »
« Non ! L'avenir est vaste vous savez ... »

Mais il fut coupé par l'un des deux autres compagnon de table :

« Messieurs, nous allons reprendre. »

Guillaume le gratifia d'un sourire poli mais n'en pensait pas moins. Chambord avait bu et parlait. L'avenir ? Cela était bien vague mais à ses yeux, l'occasion d'un changement prochain. Pour la première fois, il détenait une preuve assez concrète pour une piste. Il n'avait plus qu'à avancer encore sur cette voie. Mais continuera t'il de parler en présence des autres ? Tenter était la seule façon de le savoir. Les hommes se rassirent autour de leur table et Guillaume tria les cartes pour les distribuer avec une rare dextérité. Ses mains agiles ne concernaient pas seulement les cartes, quelques dames de l'assistance pourraient en témoigner sans aucune doute. Sans l'ombre d'un sourcillement de surprise face à ses cartes, il était le roi des masques dans les jeux, il reprit la discussion comme si de rien n'était.

« Monsieur de Chambord, pourquoi misez vous sur l'avenir tant le présent semble incertain ? »

Aucun des deux ne leva les yeux de leurs jeux respectifs et Chambord changea deux cartes avant de répondre.

« Contrairement vous, je ne suis plus jeune et j'aimerai un avenir sûr pour mes enfants et petits enfants. Et puis le présent est bien clément, je n'ai pas à en avoir peur. »

Mince, beaucoup moins bavard que tout à l'heure, à croire qu'il n'aimait se confier qu'en privé, mais bien mal celui qui croyait du Perche du genre à baisser les bras. Il changea une carte.

« Mais l'avenir est hasardeux, qui sait ce qui se produirait dans un, deux ou cinq ans ! Personnellement, je ne vis qu'au présent, me projeter trop loin ne m'intéresse pas. Je relance. »

Une certaine somme se trouvait au centre de la table et Guillaume comptait aussi bien gagner la mise que la confidence d'un Chambord devenu soudainement muet.

«  Vous n'aviez pas besoin de nous en parler, votre réputation n'est plus à faire après tout ; mais je suis d'accord que trop voir en l'avenir, on n'en oublie les jours du présent. Je me couche. »

« Monsieur du Perche, en parlant du présent, vous devez bien avoir une demoiselle en vue. Racontez nous ! Je relance. »

Guillaume sourit. Les gens le connaissaient vraiment bien. Mais la situation d'aujourd'hui, divergeait par rapport à d'habitude. Les demoiselles à convoiter, elles ne manquaient pas. Il n'y en avait qu'une qui l'obsédait plus que raison mais il tairait son nom pour ne pas se l'avouer ni la voir comme un trophée. Le jeune homme ne savait pas encore comment il devait la voir d'ailleurs, et se perdit un instant dans ses pensées avec les yeux de cette dernière à peine masqué par son loup.

« Vous semblez bien silencieux d'un coup ... »

« Je réfléchissais. La réponse à votre demande est oui, mais je n'en dirais pas plus. Je ne veux pas blesser sa réputation. Et nous vous attendons, Chambord ! »

Dos à la porte, il ne l'avait pas vu entrée, n'avait pas senti sa présence et reprit sa conversation sur le présent et l'avenir plutôt que de continuer sur cette voie. Elle s'avançait mais il ne le sentait, parlait et se concentrait à déposer son brelan de roi à l'assistance.
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime26.02.10 1:13

[Comment me faire pardonner de ce retard inexcusable ? Embarassed ]

    Une soirée comme tous les autres. La noblesse française se gavait de fêtes, de rires, d’apparences et de victuailles. Elle y perdait sa fortune et son âme et le pire était qu’elle s’y complaisait. Le roi était certes un tyran mais on se devait de reconnaître son intelligence. Rien de tel que les soirées festives où l’on s’amusait pour endormir les méfiances et les velléités d’autonomie de l’élite du royaume. C’était à cela que songeait Gabrielle de Longueville en parcourant les couloirs remplis de froufrous et de dentelles. On la bousculait, on s’excusait avant de continuer à se pourchasser en pouffant. Toute cette mascarade avait au moins un avantage. Ces soirées d’appartement étaient des mines d’informations pour quelqu’un qui laissait traîner ses oreilles partout et qui gardait les yeux grands ouverts. On y apprenait les dernières rumeurs, on y observait les nouvelles alliances et plus que tout, on pouvait y découvrir les secrets les mieux cachés. Car il était dans la nature humaine de soulever une partie du voile de la dissimulation quand on se sent d’humeur festive et badine. Gabrielle passait ainsi le reste de la nuit, après les derniers feux d’artifice, à écrire à son cher Hector de Valois, son frère de cœur pour lui conter les nouvelles. Mais ce soir là, elle avait une mission. Marie-Louise de Chevreuse lui avait confié un billet de la main même d’Hector qui la priait de bien vouloir parler en tête à tête avec monsieur de Chaunay, sous-fifre du gouverneur de Provence, le duc de Mercœur. Ce dernier, Vendôme, était rentré en religion il y avait quelques années. Chaunay, son bras droit, était quasiment libre de ses décisions dans la province. Cela profitait au duc de Valois car si Vendôme, descendant en ligne directe d’Henri IV, était d’une fidélité à toute épreuve au souverain - jusqu’à en accepter le mariage déshonorant d’une Mancini -, Chaunay avait manifesté des sympathies pour les Longueville lors de la Fronde et était depuis longtemps passé en secret dans leur clientèle. Mais depuis quelques semaines, le comte oubliait les devoirs que cela impliquait, c’est-à-dire participer aux finances de Valois et mettre sur pied une troupe d’hommes dévoués (et donc payés) et bien armés dans sa province. Hector souhaitait s’assurer de la soumission des provinces et par là-même, de leur éventuelle capacité à se soulever le jour où il déciderait d’attaquer. La Provence était historiquement une province peu docile aux ordres du Prince. En conséquence, son appui était essentiel.
    Le comte de Chaunay se trouvait dans le salon de l’Abondance en compagnie de son épouse. Sa mise était fort élégante, remarqua Gabrielle. Mais elle fut plus surprise du luxe qu’arborait la comtesse. Cette dernière portait une robe bleue d’un tissu précieux et surtout de splendides bijoux autour du cou. Certes, être à la tête d’une province était lucratif, les Longueville pouvait en témoigner, mais ce brusque étalage inquiétait Gabrielle. Se pouvait-il que Chaunay soit payé par un homme, autrement plus riche ? Détournait-il simplement les recettes fiscales du roi ? Si tel était le cas, il faisait preuve d’une grande stupidité.
    Gabrielle accorda seulement un signe de tête aux époux. Il n’était pas question de leur donner des raisons de s’enorgueillir. Elle comptait bien les remettre à leur place en leur rappelant les instructions d’Hector. Mais elle souhaitait également lever le mystère sur leur apparence si somptueuse.

    - Monsieur de Chaunay, Madame. Madame, permettez-moi de vous féliciter, vous êtes absolument ravissante. Mais n’est-ce point madame de Seignelay qui vient d’apparaître à la porte ? Elle m’a confié qu’elle était impatiente de vous revoir à la Cour, madame, pour que vous lui racontiez comment vous menez votre vie à la campagne. « Comme cela doit être affreux d’être éloigné de la cour », m’a-t-elle encore dit hier.

    La comtesse exécuta une rapide révérence, la mine réjouie, avant de s’éloigner à la rencontre de la baronne de Seignelay. Elle désirait sans doute exhiber ses nouveaux diamants devant celle que Gabrielle, en privé, avait plutôt coutume d’appeler « la drapière » avec mépris puisqu’elle n’était autre que Madame Colbert. Madame de Chaunay n’avait point de conversation et passer ne serait-ce que quelques minutes en sa compagnie relevait d’une torture tant elle était ennuyeuse. Gabrielle était ravie de s’être aussi rapidement débarrassée d’elle tout en jouant un mauvais tour à « la drapière », cette petite arriviste qui profitait de l’ascension de son époux qui avait volé sa place au Conseil du roi aux princes à qui cette place revenait de droit. Colbert, honteux de ses origines - il n’était après tout que simple fils de marchand drapier - avait acquis la baronnerie de Seignelay pour se glorifier d’un titre. Si Gabrielle soutenait Hector, c’était pour voir ces petites gens retrouver leur rang. Dévorés par l’ambition, les roturiers gouvernaient le pays, méprisaient les princes du sang, volaient dans les caisses du roi, inventaient de nouveaux impôts pour écraser encore plus les pauvres pour s’enrichir encore et toujours. Seul leur intérêt comptait. Et le roi soutenait ces ambitieux ! Leur offrait des places et écoutait leurs conseils malavisés de guerre !
    La duchesse de Longueville attrapa un fruit confit sur le buffet et se retourna vers le comte. Il la fixait toujours souriant, parfait dans son rôle de courtisan mais son regard s’était voilé quand il avait vu avec quelle facilité sa femme s’était éloignée. Il savait ce qui l’attendait. Gabrielle mordit dans le fruit, mâcha lentement puis s’exclama gaiement :

    - Et bien, monsieur, vous voilà bien silencieux ! Seriez-vous intimidé ? Comment ! Je ne peux le croire ! Vous étiez si bavard avant votre départ pour la Provence ! La campagne change-t-elle tant que cela ?
    - C’est qu’il n’y a guère de personnes de qualité en Provence, madame, je n’ai pu entraîner ma conversation. M’accorderiez-vous un temps d’adaptation ?

    Il souriait toujours mais c’était un sourire plus pincé et forcé. Il jetait des coups d’œil gênés autour de lui, saluait quand une connaissance apparaissait dans son champ de vision. L’imbécile ! Ne pouvait-il donc pas se montrer plus discret ? Gabrielle avala entièrement la friandise et se frotta les mains l’une contre l’autre.

    - Comment se porte votre famille ? Avez-vous laissé vos enfants en Provence ? On m’a dit que vos fils allaient fort bien et que vous leur donniez un apprentissage de l’escrime. Mais dites-moi, depuis combien de temps s’entraînent-ils ?
    - Je vous remercie de votre attention envers mes fils. En réalité, j’ai eu des difficultés à trouver un bon professeur et tous ceux que j’avais à ma disposition me demandaient des sommes folles.
    - Allons, mon cher, ne soyez point trop regardant à la dépense. Vous serez bien récompensé quand vos fils seront de parfaits escrimeurs. Leur gloire militaire pourrait bien rejaillir sur votre nom.
    - J’en ai bien conscience, madame. C’est pourquoi j’ai choisi un maître pour mes fils.
    - Seront-ils bientôt prêts à faire leurs premières armes à Paris ?

    Gabrielle posait cette question avec la plus grande innocence et se permit même de reprendre une sucrerie, au chocolat cette fois-ci. Elle sentit le sucre crisser sous ses dents et le chocolat fondre sur sa langue. Pouvait-on rêver plus grand délice que cela ? Face à elle, Chaunay paraissait affreusement gêné et triturait son bel habit qui avait du coûter fort cher. Le pauvre homme était tout à fait ridicule.

    - Madame, il faut leur laisser le temps de se préparer et d’acquérir de la technique. Mais dès qu’ils seront assez âgés soyez sûre qu’ils seront présentés à Versailles.
    - J’espère être la première à faire leur connaissance. Je ne doute pas que le roi serait ravi d’avoir de jeunes hommes vaillants sur qui se reposer.

    Sur cette dernière remarque, Gabrielle salua avant de s’éloigner prestement laissant le comte seul auprès du buffet. Elle remarqua un parterre de dames qui se moquaient ouvertement de lui et de sa gêne qu’elles mettaient sur le compte de sa rencontre avec la demoiselle Longueville. Quel imbécile ! Il manquait bien de sang-froid. Ce dernier point ne manquerait pas d’être souligné dans la lettre qu’elle allait envoyer à Hector. Il n’était pas question de traîner des jambes cassées derrière eux. Chaque membre du complot se devait d’être sûr. Fort heureusement, Chaunay n’en savait que très peu et serait bien incapable de dévoiler quoi que ce soit si on l’écartait, d’autant qu’il aurait quelque scrupule à avouer sa participation dans l’affaire. Le plus urgent était de découvrir la source de ses nouveaux revenus qui le mettaient dans une telle aisance financière. Pour cela, Gabrielle s’adresserait directement à sa domestique Perrine Harcourt qui se ferait un plaisir de discuter avec les serviteurs des Chaunay. Personne ne discutait plus qu’une servante de petite condition. Et personne n’était plus au courant des petits trafics des gens bien nés.
    Cette décision prise, Gabrielle s’accorda quelques instants de pause avant de repenser au billet du duc de Valois. Elle s’accouda à une embrasure de fenêtre dans une galerie et ferma les yeux. Un son de menuet lui venait aux oreilles, entrecoupés par les rires et les paroles hurlées. Mais le post-scriptum de la lettre lui revenait toujours en mémoire, malgré tous ses efforts. Il n’était composé que peu de mots « Où en êtes-vous avec le comte du Perche ? » mais chacun de ses mots tournoyait dans son esprit et s’imposait à elle. A vrai dire, elle ignorait où elle en était avec lui. Elle ne savait pas quels étaient ses sentiments envers le jeune homme. Il la fascinait, l’attirait irrésistiblement mais se pouvait-il qu’il y ait autre chose ? La duchesse rouvrit les yeux et secoua la tête. La question ne se posait pas. Il était une cible, n’était rien d’autre qu’une cible. Elle devait enfin découvrir s’il était vraiment espion au service de Sa Majesté et si tel était le cas, le neutraliser. Rien de plus. Surtout rien de plus.
    Elle le connaissait plutôt bien à présent, fruit de son espionnage discret de plusieurs semaines. Lui aussi avait des domestiques qui lâchaient sans le vouloir des menues informations sur ses habitudes et ses goûts. Elle le savait amateur de jolies femmes et de jeux d’argent. C’est pourquoi elle se dirigea automatiquement vers le salon de jeu.
    L’ambiance y était aussi festive mais un peu plus feutrée. Après tout, on y jouait et on y perdait des sommes folles. Il fallait donc un minimum de concentration. Elle le sentit plus qu’elle ne le vit. Il était là, elle le savait. Gabrielle pénétra dans la pièce avec assurance en saluant une marquise amie de la Montespan. Il lui tournait le dos. Elle s’arrêta quelques secondes pour admirer sa nuque et son corps que l’on devinait musclé malgré les fanfreluches des habits à la mode. Son cœur se mit à battre plus vite et son ventre se noua. Allons, il ne serait pas dit qu’une Longueville avait eu peur ! Elle s’avança donc, toujours vers lui mais sans qu’il puisse la distinguer. Mais l’individu à ses côtés qu’il lui semblait connaître vaguement gâcha son effet de surprise. Précipitamment et suivi de ses camarades, il se leva pour la saluer.

    - Madame de Longueville ?
    - Y aurait-il une place à votre table, messieurs ?
    - Jouerez-vous, madame la duchesse ?
    - Si vous me le proposez, monsieur. Mais je ne joue jamais d’argent mais des choses beaucoup plus excitantes…
    Gabrielle accorda enfin un regard à Guillaume du Perche, l’homme qui occupait désormais toutes ses pensées. Un regard provocateur que nul autre ne put remarquer.
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime02.03.10 22:39

[Par ta réponse, tu es toute pardonnée]

Guillaume aimait deux choses par dessus tout en soirée : le jeu et les femmes. Pour l'instant, l'espion s'amusait aux cartes et avait déjà gagné une bonne somme. Un de ses jeux préférés ? Le pochen, un proche du jeu de la poque (aujourd'hui, l'actuelle poker) mais dont le jeu allemand avec plus de tactiques aux yeux du garçons. Et malgré son joli minois ne laissait pas présager des coups de bluff aussi bons que les siens, voilà pourquoi il gagnait souvent, personne ne pouvait lire dans son sourire et son regard azur. Ce soir, sa bourse avait presque triplé et il espérait gagner le dernier pactole sur la table ! Il fallait juste ne pas le perturber, non pas ses compagnons de table mais l'extérieur de la salle, voilà pourquoi le Comte tournait le dos au reste de la salle, il était sûr de réussir. Mais cette stratégie ne payait pas toujours, l'arrivée d'une invitée surprise pouvait rabattre toute une stratégie en simple retraite. Quand tout d'un coup.

« Madame de Longueville ? »

Aussitôt, Guillaume rabattit ses cartes sur la table et se leva d'un bond pour faire une jolie révérence. Elle était exactement celle qui pourrait le déconcentrer alors qu'il ne le voudrait pas. Gabrielle de Longueville avait la grâce de ces princesses des royaumes de l'Est, la beauté et le port de tête digne d'une reine. Elle ne devrait être qu'une demoiselle parmi les autres, une proie parmi les autres, … Pourtant, à force de jouer au chaud et froid entre eux, le royal espion se prenait à son propre piège et continuait d'en nier l'existence du moindre sentiment. Jamais, ô grand jamais, Guillaume n'avait été piégé par son cœur, il jouait avec les filles, les séduisait, leur tournait autour jusqu'à atterrir dans leur lit, ou qu'elle tombe dans le sien, l'histoire se finissait, sauf quand la jeune femme devenait une maîtresse occasionnelle. Le visage d'une princesse italienne fit son apparition...

« Y aurait-il une place à votre table, messieurs ? »
« Jouerez-vous, madame la duchesse ? »
« Si vous me le proposez, monsieur. Mais je ne joue jamais d’argent mais des choses beaucoup plus excitantes… »

… Et disparut aussitôt lorsque les yeux de Gabrielle se posèrent sur lui. Pas timide pour un sou, il ne pliait pas, ne baissait pas la tête et ne rougissait pas, ou alors il pouvait passer cela pour la chaleur environnante. Bref, l'effet Longueville prenait déjà au corps un du Perche qui n'en montrait rien de plus qu'un sourire charmeur. Gabrielle possédait un visage d'ange mais son regard en disait tellement long, provocateur à souhait. Était-elle un ange ? Un démon ? Elle n'était pas indifférente à lui, sinon elle ne le chercherait pas comme ça. Peut être que la duchesse ne voulait pas n'être qu'un trophée de plus, et se montrait plus intelligente … Il n'en savait rien, ce jeu lui plaisait, quitte à s'y perdre complètement. Mais pour l'instant, continuons la conversation.

« Oh, nous finissons cette partie et je suis sûr que nous tous serions ravis de savoir ce que vous proposez de plus … excitant »

Il insista bien sur le dernier mot et élargit légèrement son sourire avant de se concentrer sur son jeu. Sauf qu'avec une aussi belle jeune femme à ses côtés, il était beaucoup plus difficile. Ses yeux bleus voulaient se poser sur le visage de porcelaine, sa bouche charnue, son cou délicat … Et à trop y penser, Guillaume ne savait plus quelle carte retirer. Pourtant, la chance lui sourit, comme souvent et il put faire le beau en récupérant un Roi et donna un carré de rois qu'il afficha fièrement sur la table avec un sourire triomphant tandis que les mauvais perdants de la table soufflèrent et jetèrent leurs cartes sur la table.

« Perche, vous avez du vendre votre âme à Satan pour autant de chance ! »
« Sans vouloir vous vexer mais je ne me vends pas, il me reste quelques principes. »
« Je vous en connais au moins un. »

Tous rirent mais Guillaume avait l'habitude. A force d'être considéré comme un débauché, il n'était plus à cela près ! Malgré tout, il tourna son regard vers Longueville pour voir sa réaction. Cela ne devait pas la surprendre, elle connaissait sa réputation puisqu'elle en jouait avec lui en utilisant son point faible, son addiction : les jolies femmes. Puis il se tourna franchement vers elle, continuait de lui sourire et son regard, sans le paraître, la déshabillait presque du regard sans qu'il puisse vraiment s'imaginer le corps de la demoiselle sous ses couches de tissus. Et puisqu'il est offensant de parler du corps nu de l'autre, parlons plutôt cartes.

« Duchesse, je ne savais que vous jouiez aux cartes, mais quels jeux ? Si vous ne connaissez point le pochen, je serais ravi de vous en apprendre les règles, je l'ai appris durant un voyage dans l'Empire. Ces germaniques y jouent mieux que personne, croyez moi. »

On en oubliait presque que Guillaume le Tombeur pouvait être aussi un voyageur hors pair, passant le plus clair de son temps, de sa vie, à cheval avec le vent de la liberté donner un coup de fouet à son visage, que ses yeux s'imprègnent des mille et un paysages qu'il put voir, sa jolie bouche parler plusieurs langues sans presque se tromper. S'il n'est pas fin politicien, il était doué pour les langues et les lettres. Il ne suffit pas d'un joli minois pour réussir dans ce monde. Même pour une femme. Gabrielle de Longueville alliait à la perfection l'intelligence et la beauté, savait manier les mots, dire une chose et que son regard en disait long. Il suffisait de voir leur petit jeu pour comprendre qu'elle n'était pas comme les autres … Ou presque.

« Comment vous portez vous ? Il est vrai que nous nous sommes pas vus depuis … Oh, déjà depuis ce bal ! J'y suis parti plus tôt d'ailleurs, vous y vous bien amusés ? »

Ah, ce bal. Guillaume avait décidé d'accélérer un peu les choses, de savoir si Gabrielle jouait pour le faire tourner en bourrique ou s'il y avait plus. Elle l'avait suivie dans un corridor où il l'avait plaqué contre un mur. A ce moment, du Perche aurait pu l'embrasser, aurait pu tenter plus car elle ne l'avait pas repoussée, n'avait pas bougé … Et pourtant, il n'avait rien fait de plus que d'effleurer ces lèvres obsédantes, sentir un doux parfum avant de partir comme un voleur. Rien de plus, il n'avait pas voulu aller plus loin. Par peur de perdre au jeu ? De le stopper ? Il ne savait pas mais parfois, il regrettait. Et à la voir devant lui, cela n'arrangeait rien.

« Que faisons alors ? »
« A notre belle Duchesse de décider. Les femmes ont souvent le meilleur jugement. »
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime06.06.10 21:32

En réalité, la demoiselle de Longueville se laissait rarement tenter par des jeux d’argent qu’elle avait tout juste découverts en arrivant à Versailles. C’était le péché mignon de la plupart des courtisans mais ni le père ni la mère de Gabrielle n’avait jamais été attirés par cela. En conséquence, Gabrielle avait mis du temps avant d’apprendre les règles et se méfiait toujours des pertes colossales qu’on pouvait rapidement faire. Son train de vie à la fois dans le château de Sa Majesté et à Paris était déjà fort expansif et les ressources du duché servaient à couvrir ses propres frais et ceux de la « petite affaire » arrangée avec Hector de Valois. La fortune amassée au cours des siècles par ses ancêtres ne se trouvait pas en lingot ni en louis d’or mais plutôt en châteaux et autres domaines immenses à travers tout le royaume. Elle ne pouvait se risquer à perdre. Mais cela n’empêchait pas la jeune femme d’apprécier ces rares moments. Sa grande intelligence et son sens de la dissimulation la rendaient particulièrement brillante. La Montespan était ravie de trouver des adversaires à sa hauteur. Mais les paris étaient toujours bas malgré la lutte acharnée et Gabrielle évitait le salon de jeux. Mais ce soir-là, enhardie par l’ambiance festive et par le regard de Guillaume du Perche, elle observa avec avidité la partie qui se terminait devant elle. Elle connaissait le pochen mais ne le maîtrisait pas vraiment. Le comte déposa une combinaison de rois et gagna sous les exclamations de ses compagnons de table mais la duchesse se contenta de saluer la victoire en gardant le silence et en faisant la moue.

- …Il me reste quelques principes.
- Je vous en connais au moins un.

Gabrielle vit très distinctement le regard que lui lança Guillaume. Elle n’était pas le moins du monde idiote et savait parfaitement à quoi faisait allusion l’homme assez stupide pour faire cette remarque sans aucun tact devant une demoiselle de bonne famille. Le comte aimait les femmes et était un vrai coureur de jupons. C’était même à cause de cette information obtenue dans les couloirs par Perrine et confirmée par les rumeurs qui circulaient que Gabrielle agissait de cette manière avec lui. Tout cela n’était qu’une mascarade, autant ses sourires que ses coups d’œil. Elle ne voulait qu’une simple information : savoir si oui ou non, il faisait partie des espions royaux. Si oui, peut-être pourrait-il lui apprendre quelques nouvelles intéressantes et s’il se méfiait, il devrait être neutralisé. C’était en gros la substance de la lettre que lui avait envoyé Hector la première fois pour la charger de cette mission. « Je n’ai pas assez confiance en Marie-Louise de Chevreuse pour lui donner une mission de cette importance. Elle ne saura pas attirer son attention assez longtemps pour apprendre quoi que ce soit. A toi d’agir ». Gabrielle avait promis, réjouie de ce nouveau défi. Prête à faire des sacrifices sur sa petite personne. Sans savoir qu’elle avait aussi promis qu’elle serait prête à sacrifier son petit cœur.
En le voyant, en observant ses gestes assurés, sa peau qui semblait si douce à caresser et surtout son regard, son regard attirant et pétillant, elle n’était plus sûre de rien, ni de sa promesse, ni de ses sentiments. Enfin presque. Elle savait que ce qu’elle ressentait n’avait plus grand-chose à voir avec son attachement à une stupide mission. Le pire dans cette histoire était qu’elle n’arrivait à rien. Pas le moindre détail croustillant à se mettre sous la dent ou à mettre sous la dent d’Hector qui commençait à s’impatienter. En cette absence de résultats concrets, Gabrielle craignait que son frère de cœur ne se doutât de quelque chose. Hector était la dernière personne à qui confier ce genre de secrets. Il se moquerait de ses scrupules et de ses sentiments. Qu’était un coup de cœur par rapport à une fidélité filiale ? Un coup de cœur par rapport à un si grand projet d’avenir ? La duchesse se morigéna. Hector ne savait rien et ne saurait jamais rien aux pauvres élans du cœur d’une pauvre petite fille venant de sortir de l’adolescence. Certes, elle connaissait les défauts du jeune homme, son inconstance et son amour du jeu, mais justement ces défauts ne l’attiraient que davantage. Guillaume était un défi à lui tout seul, un défi digne que l’esprit d’une Longueville s’intéressât à lui. Elle n’avait cure de ce qu’il faisait de ses soirées tant qu’il pensait à elle. Elle n’avait cure des jeux auxquels il jouait tant qu’il jouait avec elle. Elle espérait presque perdre et se retrouver à la merci de son vainqueur.

- Oui, tout à fait, jouons au pochen. Je connais les règles mais je n’ai guère pratiqué. Rappelez-moi à l’ordre si je ne joue pas correctement.

La violence de ses pensées la mit mal à l’aise. Comment un simple regard pouvait tant la déstabiliser ? Guillaume et son intensité lui firent soudain peur. Elle évita de regarder dans sa direction pendant que l’on faisait la distribution des cartes. Il ne lui vient pas même à l’idée qu’il puisse être surpris de son attitude de distance présente. Elle comptait bien partir dès qu’il serait temps. Elle finirait la soirée en compagnie de la marquise de Montespan, en écoutant les racontars et en ne pensant surtout pas à lui. Ce serait mieux pour tout le monde. Et si Hector lui faisait une remarque, elle dirait la vérité : elle n’avait pas réussi à briser les défenses du jeunes homme. S’il était espion, il était bien prudent. D’ailleurs, elle ne pensait qu’il fût vraiment espion. Certes, le roi semblait lui marquer une sorte de faveur mais n’était-ce pas la faveur d’un homme prisonnier de sa majesté pour un homme libre ? Certes, il voyageait beaucoup mais n’était-ce pas là la marque d’un esprit indépendant qui ne supporte pas de rester en place ? Certes, il était mystérieux mais…

- Mademoiselle…? Il est temps de miser.

Gabrielle leva les yeux de son jeu et adressa un sourire contrit à l’homme qui venait de lui remettre les idées en place. Le vieux était un ancien frondeur, elle s’en souvenait désormais mais il lui était impossible de remettre un nom sur son visage connu. Ce qui était certain, c’est qu’il n’avait pas été un frondeur du parti des princes mais plutôt un proche de la Chevreuse et de son grand ami, le cardinal de Retz ou encore Beaufort. Elle se demandait bien ce que Guillaume pouvait apprécier dans sa compagnie. Peut-être simplement le fait que le courtisan semblait prêt à perdre ses économies à cette table.

- Pardonnez-moi, messieurs. Entre dames, nous parions rarement de l’argent. Vous allez sans doute nous trouver stupides et frivoles mais nous préférons mettre en jeu des secrets. Mais puisque j’ai rejoint votre table sans nulle invitation, je serais fort malavisée de modifier vos habitudes. Permettez de mettre en jeu un objet, je n’ai point de pièces avec moi…

Toujours en évitant le regard de Guillaume, Gabrielle ôta la bague qu’elle portait à sa main droite et la déposa au milieu de table, parmi les autres mises des hommes. Ces derniers s’exclamèrent en protestant qu’il ne saurait être question de dépouiller une si jolie demoiselle de ses bijoux mais la duchesse insista et le jeu commença. A vrai dire, la fine bague, bien qu’en or, était de valeur plus sentimentale que monétaire. C’était un cadeau qu’on lui avait offert un soir de salon parisien et son admirateur avait pris soin d’y faire graver son nom de précieuse « Clélie ». Néanmoins, le pari était d’importance et la valeur de l’objet constituait sans doute la rente de modestes courtisans. Les hommes se concentrèrent donc derrière leur jeu même si beaucoup durent s’avouer vaincus devant la somme. Pourtant la conversation continuait. Guillaume s’adressa à Gabrielle :

- Comment vous portez vous ? Il est vrai que nous nous sommes pas vus depuis … Oh, déjà depuis ce bal ! J'y suis parti plus tôt d'ailleurs, vous y vous bien amusée ?

La jeune femme fut enfin obligée de lever la tête sur le comte et lui lança un regard provocateur. Ah, combien de fois avait-elle revécu la scène du baiser ? Rien que sa mention parvint à faire battre son cœur un peu plus vite. C’était la seule fois où elle avait pensé que peut-être il y avait vraiment quelque chose entre eux et que peut-être lui aussi ressentait un peu plus qu’une simple attirance envers elle. Mais heureusement, elle reprit vite ses esprits.

- Je me porte fort bien, monsieur, je vous remercie de votre sollicitude. C’est fort aimable. Voyons, à quel bal faites-vous donc allusion… ? Ah oui, il est vrai que nous nous étions croisés lors de ce bal organisé par Sa Majesté. La musique de monsieur Lully y était divine. Pour tout vous dire, cher comte, j’avais commencé à bien m’amuser et à profiter de la soirée. Mais j’ai eu à faire avec un bien mauvais joueur.
- Que voulez-vous dire, duchesse ? Intervint le frondeur repenti, sa curiosité en éveil.
- Et bien, nous avions commencé à jouer et à bien nous amuser. Mais avant même que nous puissions déterminer un gagnant et un perdant et conclure notre partie, le voilà évaporé et enfui ! Quel couard ! Le reste de la soirée a été fort triste tant cet évènement m’a blessée. Je ne suis guère restée plus longtemps.
- Comment se comporter ainsi avec une si charmante demoiselle ? Cet homme, mademoiselle pardonnez-moi, n’était rien d’autre qu’un malotru !
- Jugez-vous qu’il mérite châtiment ? Demanda Gabrielle avec un sourire taquin.
- Oh que oui !

La duchesse jeta un coup d’œil discret à Guillaume pour mieux étudier sa réaction et eut la confirmation qu’il avait compris le sous-entendu. Mais pendant ce temps, le jeu se terminait. Gabrielle avait été si distraite qu’elle ne s’était pas aperçue qu’il ne restait exactement que trois joueurs prêts à en découdre pour remporter la mise. Le troisième préféra se coucher. Guillaume et elle-même était désormais en face en face. D’un geste provocateur, elle dévoila sa combinaison qui comportait deux dames : la dame de pique et la dame de cœur.

- A vous de faire mieux, lança-t-elle à sa proie et à son prédateur. L’homme qu’elle aimait.
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime26.08.10 21:35

Pourquoi aimait-il tant ressasser l'épisode du bal ? L'espion aurait pu en profiter davantage qu'un simple baiser effleuré. Il s'en souvenait comme si c'était hier. Toute la soirée, ils ne s'étaient pas une seule fois adressé la parole mais les regards suffisaient pour exprimer l'essentiel : le désir. La demoiselle de Longueville ne s'en cachait pas face à lui. Depuis quelques temps, les deux jouaient à un jeu dangereux, de ceux dont on se prend au piège alors qu'on se croyait piégeur. Guillaume ne démordait pas de sa réputation d'homme à femmes. Les victoires les plus éclatantes sont les plus difficiles, point les demoiselles tombant dans ses bras au moindre sourire ou mot doux. Gabrielle de Longueville semblait une hirondelle, qui s'envole quand on s'approche trop proche. Il fallait se montrer prudent mais efficace. Ce soir là, il ne pouvait pas la laisser sans tenter quelque chose. Le comte jouait à l'homme mystérieux, disant au revoir d'un simple baise-main et quitter la fête qui battait son plein. Il avait tout misé sur la curiosité de le duchesse et avait gagné, elle l'avait cherchée en dehors. Il ne sut pas vraiment pourquoi il faisait ça et lorsqu'elle fut à sa hauteur, se plaça juste devant elle et sans aucune violence, la plaqua contre le mur, ses mains sur ses douces hanches. Leurs regards semblaient comme aimantés, il pouvait sentir son parfum, la voir surprise mais consentante, tout se traduisait toujours sans un mot. Il approcha ses lèvres des siennes et ne fit qu'un léger baiser volé. C'était un doux souvenir, frustrant aussi car il aurait pu aller plus loin, Gabrielle s'était laissée faire, n'avait pas bougé … Mais passons il fallait revenir à la conversation actuelle.

« Jugez-vous qu’il mérite châtiment ? » Demanda Gabrielle avec un sourire taquin.
«  Oh que oui ! »

Il sourit. Oui, il méritait punition de s'être enfui sans avoir pu véritablement goûté à ces douces lèves où le sourire de la demoiselle était plus que ravissant. Il hocha de la tête et après avoir croisé un bref instant ce regard clair et malicieux. Son jeu le perdra un jour … Avant d'y repenser, Guillaume se concentra sur son jeu et changea une carte. Il restait toujours impassible dans son jeu. Voilà pourquoi beaucoup perdaient car ils s'extasiaient sur leur beau jeu ou alors tirait une gueule de trois pieds de long. Montrer ses émotions conduisait à sa perte alors Du Perche avait appris à ne rien laisser sortir de son visage et il a souvent eu de la chance au jeu. Très souvent. Trop aux yeux de certains qui accusaient le comte de tricheur. Ce n'était pas le cas. Si, une fois dans les Provinces Unies, il était tombé sur des gens incorrects et s'il gagnait, il avait la vie sauve. Dans l'autre cas, il pouvait dire adieu à la vie à cause d'un mousquet. Heureusement, il avait quelques cartes dans sa manche, littéralement parlant. C'était grâce à ça qu'il pouvait jouer aujourd'hui à la table de la plus belle femme de Versailles. Lorsqu'elle posa sa paire de dames, il décida de se faire désirer un petit peu, rien que pour faire son malin. Il n'y avait que son culot, et peut être son charme, qui pouvait retenir la Longueville. Sûr que ce n'était ni sa fortune, bien que le Roi lui donnait une forte pension pour vivre à Versailles et jouer les espions, ni ses titres, un Comté où il ne régnait même pas. Mais surtout, charmer était un plaisir et il adorait voir ses réactions car elle n'était pas comme les autres, elle était imprévisible.

« A vous de faire mieux »
« Quel jeu intéressant. Et quelle interprétation amusante. »
« Que savez vous des cartes Du Perche ? Vous m'étonnerez toujours ! »
« C'est ce qui fait mon charme mon cher ! Si mes souvenirs sont bons, la Dame de coeur est une femme bonne et bienveillante, souvent de la famille ou une proche. Elle est sincère et tentatrice malgré elle. A l'inverse, la pique est mauvaise, souvent déçue ou seule, voire les deux et représentent le danger, la trahison. Quelle belle combinaison ! »

A ses yeux, Gabrielle était la parfait mélange de ces deux dames. Mais davantage dame de pique, non pas pour la trahison (bien qu'il devrait se méfier) mais pour le danger. Celui pour son coeur. Car elle l'ébranlait, brisait par petits bouts sa carapace de fierté et de séducteur. Il n'osait pas se l'avouer, ce serait la fin de tout mais il était de plus en plus difficile de nier ce qu'il ressentait. Seulement, il savait qu'une fille d'une aussi grande famille, qui a en frère le pire ennemi de Du Perche, ne s'intéressait à lui que par jeu, peut être par ennui de la grande vie. Il était si peu conformiste à n'être pas marié, à aller où bon lui semble et surtout, avec cette liberté de ton que peu se permettaient. Vraiment, elle ne pouvait pas penser à lui comme lui le faisait pour elle. Ce n'était pas grave, il s'y ferait … Il hésita d'un coup sur le sort de son jeu. Il avait entre le main, une paire de Rois, celui de carreaux et de trèfle. S'il jouait, il gagnait la mise ainsi que la bague de la demoiselle. S'il se couchait, il la laissait gagner … La deuxième serait plus galante mais il ne fallait pas s'attendre à ce que Du Perche capitule aussi facilement. Il s'y tiendrait aussi longtemps que possible. Il présenta donc les deux cartes. Là seulement, il fit un large sourire fier, presque arrogant mais cela lui allait tellement bien au visage.

« Le roi l'emporte sur la reine. Il l'épouse aussi. »
« Et ces cartes ? »
« Le roi de trèfle est un collaborateur, un protecteur fidèle. Le carreau est un voyageur, avec des problèmes relatifs à l'autorité. Ami ou Ennemi selon les circonstances. »
« Vous en sommes. »

Il garda son sourire triomphant et remporta la mise.

« Vous dépouillez cette pauvre demoiselle ! »
« Voulez vous la rejouer en mise, mademoiselle ? »

Elle devait rester. Si elle partait … Il avait déjà une idée aussi …
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime22.01.11 22:13

    Gabrielle de Longueville garda les yeux fixés sur le comte du Perche alors que leurs camarades de jeux lui demandaient des précisions sur les valeurs des cartes qu'elle venait de déposer. Elle ne savait ce qu'il ressentait à son égard. Ou plutôt, elle ne le savait que trop. Elle n'était rien qu'un jeu pour lui, une passade à laquelle il ne penserait même plus dans quelques mois, voire quelques semaines si elle décidait de cesser une bonne fois pour toutes cette partie d'échecs qu'ils se livraient à mots couverts. Pourtant, c'était ce qu'elle voulait. Elle voulait définitivement perdre, être sa prisonnière. Malgré elle, elle fut troublée par les paroles de Guillaume et baissa son regard sur les deux cartes qu'elle venait de déposer. Certes, elles étaient hautement symboliques, Gabrielle, toute à ses pensées, qui avait joué l'esprit ailleurs, ne l'avait pas remarqué. Les dames sur les cartes semblaient lui sourire narquoisement. Elle aurait aimé être celle de cœur, une femme bienveillante et disposée au bonheur mais il lui semblait que celle de pique lui était destinée. « Déçue ou seule », les termes lui paraissaient soudain prophétiques. A trop vouloir s'amuser, jouer avec ses propres sentiments, elle finirait abandonnée dans son chagrin sans avoir même profité de sa jeunesse éclatante. Mais pouvait-elle s'empêcher d'aimer un homme qui lui serait à jamais inaccessible à cause des contraintes sociales d'une part mais surtout à cause de l'indifférence de ce dernier ? Comment contraindre son cœur à haïr ce qu'il adorait ? Oh, oui bien sûr, elle souffrirait. Mais était-il encore temps de tout arrêter ? De quitter cette table et d'ôter Guillaume et son sourire charmeur de ses pensées ?

    Le comte du Perche prit tout son temps avant de dévoiler ses propres cartes. Pendant un instant, elle crut qu'il allait renoncer face à elle. Sa paire était particulièrement dure à battre. Un gentilhomme aurait du renoncer. Mais il continua et déposa ses propres cartes sur la table de jeu. Gabrielle resta interdite. Une paire de rois. Carreaux et trèfle. La jeune femme en fut soufflée et leva son regard sur le visage du jeune homme qui affichait un sourire de vainqueur. Comment pouvait-il avoir tant de chance ? Elle aurait pu le soupçonner d'avoir triché mais elle était trop surprise même pour cela. Sans souffler mot, elle vit partir sa fine bague d'or dans la main du joueur. Son cœur rata un battement. Sans même le vouloir, elle venait de lui donner quelque chose d'elle-même, quelque chose auquel elle ne tenait pas spécialement mais qui lui paraissait soudain d'une valeur inestimable. Car désormais, c'était lui qui la possédait, lui qui la regarderait. Penserait-il à elle ? Elle se morigéna. Décidément, elle était bien stupide de penser que le comte pouvait attacher une quelconque valeur à une bague qu'elle venait de perdre.

    - C'était un fort beau jeu, messieurs. Monsieur le comte, vous venez de confirmer votre réputation, vous êtes imbattable aux jeux... Hélas, je voudrais bien poursuivre la soirée en votre compagnie mais j'ai une affaire urgente à régler. Ne m'avez point dit que mon cher ami méritait un châtiment pour m'avoir abandonnée le soir du bal ? Il est donc temps que je le lui inflige, n'est-ce pas ?

    Son voisin immédiat laissa échapper un rire tout en acquiesçant. « Je n'aimerais pas être l'ami qui vous a déçu », se risqua à glisser un des joueurs de la table tandis que la duchesse se levait, en évitant de croiser le regard de Guillaume. Elle espérait qu'il avait compris. Et surtout qu'il la rejoindrait au plus vite sans s'amuser avec elle comme le ferait le chat avec l'oiseau, le laissant s'approcher de plus en plus, sans bouger, pour ne pas qu'il prenne la fuite. Gabrielle se sentait lasse de tout cela, elle voulait abandonner sa maîtrise des événements, le contrôle d'elle-même rien que pour le restant de la soirée. Rien que pour sentir les yeux de Guillaume se poser sur elle, brillant de la même flamme du désir qui la brûlait depuis tant de temps. Rien que pour sentir ses mains dans les siennes, sa peau caresser la sienne et ses lèvres... A cette idée, la jeune femme rougit de manière charmante mais dans la lumière tremblotante des bougies, cela pouvait être mis sur le compte de la chaleur qui régnait dans la salle de jeu. Le roi gagnait sur la dame. Le jeu était terminé.

    - Gardez donc cette bague, monsieur du Perche, vous l'avez remportée. Messieurs, je vous souhaite le bonsoir.

    Elle risqua un coup d'œil vers Guillaume alors que les joueurs se redressaient pour la saluer dans le respect des convenances. Il avait conservé son sourire triomphant. Il était si beau et si désirable qu'elle se dit qu'elle avait pris la bonne décision. Et s'il ne venait pas, c'était que ce ne devait pas se passer ainsi et qu'elle renoncerait à lui et à cet amour désespéré. Forte de cette résolution, Gabrielle fit une petite révérence avant de s'éloigner à pas décidés. Arrivée dans un corridor où l'on s'apostrophait, on gloussait et on buvait à flots, elle eut une seconde d'hésitation. Où aller dans ce château où toute la cour s'amusait et faisait la fête ? Sa vue était comme brouillée, elle ne voyait plus personne. Se frayant un passage dans la foule, elle était un fantôme, un être venu d'ailleurs. Mieux un être qui était ailleurs, dans l'attente de celui qu'elle aimait et désirait. Elle ne pensait plus à rien, sinon à lui et à son visage. Ses pas la menèrent dans le couloir où ils s'étaient embrassés pour la première fois. Heureusement, il était sombre et presque désert. A son approche, un couple dont elle distingua à peine la silhouette s'éloigna rapidement. Soigneusement, Gabrielle ferma la porte du salon par lequel elle était parvenue jusqu'ici et s'appuya contre le mur. Elle se sentait fiévreuse, presque malade. Allait-il venir ? Cette question l'obsédait. Elle perdit toute notion du temps et n'entendait même plus les bruits de la fête qui battait son plein et les notes d'un menuet. Elle frissonna. Soudain, la porte s'ouvrit. Pleine d'espoir, Gabrielle leva la tête et plissa les yeux pour distinguer les traits de la personne qui venait d'entrer.

    C'était bien lui. Elle l'aurait reconnu entre milles. Avant de refermer la porte derrière lui, il la chercha du regard et l'ayant enfin distinguée, il mit un terme au vacarme. La lumière ne filtrait plus que par le bas de la porte. Gabrielle était brûlante et aux battements de son cœur correspondaient les pas que faisaient Guillaume pour s'approcher d'elle. Quand il fut à sa portée, elle passa ses bras autour de son cou et ses yeux cherchèrent ceux de l'homme qu'elle aimait. Ils brillaient à cause de la clarté de la lune qui se diffusait dans la pièce. Pendant quelques instants, aucun des deux n'agit puis Gabrielle n'y tint plus. Elle déposa ses lèvres sur celles de Guillaume, prolongea le baiser avant de le rompre à contre-cœur. Elle passa sa langue là où il y avait eu le contact. Ses lèvres avaient le goût de celles de Guillaume.

    Mais ce n'était pas assez pour ce soir-là. Elle voulait plus.

    - Embrasse-moi...
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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime11.05.11 11:10

La logique (et la galanterie) aurait voulu qu'il se couche, qu'il laisse Gabrielle gagner et sortir triomphante de cette partie, peut être pour mieux revenir ? Peu importe, il aurait du faire exprès de perdre, juste pour la beauté du geste. Seulement, Du Perche avait beau connaître les rudiments de la galanterie jusqu'au bout de ses manches en dentelles, le démon du jeu le prenait au corps. Alors il avait pris son temps avant de poser son jeu sur le tapis et arbora un sourire vainqueur. Non, ce n'était pas l'attitude d'un gentilhomme mais Guillaume pensa – à tort ? – que la laisser gagner serait montrer un bout de faiblesse quant à ses sentiments. Et ça, il le refusait en bloc. A ses yeux, cela revenait à presque tout avouer à mademoiselle de Longueville, ce qu'il ne pouvait pas faire, par fierté et peur du ridicule. Oui, Du Perche avait peur de se dévoiler, qui plus est à une femme. Pourtant, Gabrielle n'avait pas paru farouche lorsqu'il faillit l'embrasser la dernière fois et elle s'amusait à ce jeu de regard comme si cela lui plaisait. Mais Versailles était plein de faux-semblants et il fallait toujours se méfier des apparences, trompeuses tant elles semblent délicieuses.

Alors il gagnait la partie, mais aussi la bague de la jeune femme. Qu'allait-il bien en faire ? Ce serait déplacé de l'offrir à quelqu'un d'autre mais s'il la gardait dans ses appartements, Guillaume ne pourrait s'empêcher de se dire qu'il conservait une infime partie de la jeune Longueville près de lui. Cela faisait un poil trop sentimental à ses yeux, tout nouveau pour ce garçon qui, s'il connaissait tout des femmes et de la séduction, était un novice en matière d'amour.

« C'était un fort beau jeu, messieurs. Monsieur le comte, vous venez de confirmer votre réputation, vous êtes imbattable aux jeux... Hélas, je voudrais bien poursuivre la soirée en votre compagnie mais j'ai une affaire urgente à régler. Ne m'avez point dit que mon cher ami méritait un châtiment pour m'avoir abandonnée le soir du bal ? Il est donc temps que je le lui inflige, n'est-ce pas ? »

S'il fut déstabilisé l'espace d'un instant, se demandant s'il devait y voir un quelconque message, son visage resta impassible avec ce sourire triomphant sur les lèvres. Seul son regard azur avait eut une action de surprise. Finalement, par courtoisie, Guillaume tendit la bague à sa propriétaire : la garder lui ferait presque du mal. Conserver un souvenir physique était une preuve d'attachement auquel il n'était pas prêt, tout cela lui faisait peur. Mais Gabrielle, le visage rougit par la chaleur ambiante – a moins que ce soit par une quelconque gêne, ce qu'il réfuta – refusa son offre.

« Gardez donc cette bague, monsieur du Perche, vous l'avez remportée. Messieurs, je vous souhaite le bonsoir. »
« Ce fut sûrement ma plus belle victoire, grâce à votre compagnie. Bien le bonsoir mademoiselle. »

Il la salua selon le protocole habituel et alors que tous se rassirent pour commencer une nouvelle partie, Guillaume la regarda discrètement s'éloigner. Pour la première fois, l'envie d'abandonner complètement sa mission lui passa par l'esprit. Il ne pouvait pas, ne devait pas surtout. Si, d'habitude, la gente féminine pouvait lui faire un peu tourner la tête, Du Perche savait toujours se ressaisir et se disait qu'il y aurait d'autres occasions, d'autres femmes plus tard. Mais là, il n'y avait pas d'autres comme elle, Gabrielle se rendait unique aux yeux du comte et il avait tout rejeté en bloc, ce sentiment persistait au fond de lui.

« Comte ? Êtes vous toujours avec nous ? »

Guillaume releva la tête : tous les joueurs avaient commencé à miser, ils n'attendaient plus que lui. Et pendant ce temps, Gabrielle commençait à disparaître dans la foule. Il se leva, sans montrer le moindre signe d'embarras ni de surprise, se targua même d'un large sourire pour faire passer son départ en douceur.

« Je vous laisse la chance de gagner un peu ! Il m'a semblé voir une vieille connaissance. Mais ne vous emballez pas, je reviens vite. »

Voilà, il s'était donné un temps imparti, pour concilier sa vie d'espion et celle d'homme. Il ne savait pas ce qu'il ferait s'il la retrouvait, ni même le châtiment que Gabrielle lui réservait. La curiosité et les sentiments l'emportaient sur la raison. Si Evangeline savait … Son amie de toujours le mettait perpétuellement en garde sur son statut de joli cœur et que cela pourrait le perdre. Guillaume en avait toujours ri : jamais une femme ne le ferait perdre de vue sa mission. Après tout, il devait sa liberté à son amie la vicomtesse et au Roi en personne. Alors il s'appliquait pour être un bon espion, sachant faire la part des choses. Sauf ce soir où, il avançait l'air de rien en les courtisans, les saluant poliment et continuait son chemin tout en observant de loin la jeune femme pour ne pas la perdre de vue. Seulement, une fois dans le couloir, il l'avait perdu de vue. Ce fameux couloir, là où tout avait véritablement commencé. Il aurait pu l'embrasser ce soir là, elle n'avait opposé aucune résistance. Guillaume n'avait pu qu'effleurer ses lèvres, n'avoir qu'un avant-goût du paradis avant de s'enfuir encore une fois. Beaucoup de choses auraient été différentes à ce jour … Alors, il pouvait tout changer ce soir, en fonction des désirs de la demoiselle bien sûr, il n'allait pas la forcer ! Où pouvait elle bien se cacher ? Alors qu'il avançait, une porte attira son attention. Ce serait du hasard de l'ouvrir et de l'y trouver, peut être qu'elle s'était tout bonnement échappée et que, derrière cette porte, se trouvait d'autres personnes qu'il ne voulait pas vraiment surprendre. Là encore, le goût du risque l'emporta sur tout et, tout doucement, il ouvrit la porte. Dans la pièce, Guillaume y distingua une silhouette de femme et son cœur s'emporte un peu trop, espérant que ce soit elle. Il entra et le peu de lumière qu'il fit entrer confirma cette intuition : Gabrielle l'attendait dans la pénombre et en silence. Refermant derrière lui, les voilà seuls au monde dans un château où le mot intimité ne voulait pas dire grand chose. Ici, pas de jeux ni de sourires enjoliveurs, ils ne pouvaient être qu'eux mêmes. Alors Du Perche s'approcha lentement, ne sachant que dire ni ce qui l'attendait. Là, il n'avait qu'une envie : la prendre dans ses bras et l'embrasser comme il aurait du le faire le dernière fois. Une fois l'un en face de l'autre, Guillaume se retrouve, pour la première fois, désarmé. Il était d'habitude maître de la situation mais ici, tout lui échappait, jusqu'aux battements de son cœur. Pauvre petit organe, peu habitué à tant de peur et d'amour, battait trop vite mais rata quelques battements lorsque la jolie Gabrielle passa ses bras autour de son cou et approcha ses douces lèvres pour l'embrasser. Ce fut tellement agréable d'enfin goûter à cette bouche dont il rêvait un peu trop. Ce fut trop court à son goût et elle restait pendue à son cou.

« Embrasse moi … »

Si elle se donnait sans concession, il pouvait bien faire de même. D'ailleurs il ne se fit pas prier et entoura de ses bras la taille de Gabrielle pour l'attirer contre lui davantage. Il sentait contre lui ce corps mince et chaud, avait à portée de bouche le visage angélique de cette jeune femme qui lui faisait plus d'effets que les autres, elle était unique avec ses grands yeux brillants d'une lueur qu'il avait vu chez d'autres femmes, mais qui l'émouvait cette fois-ci. Alors sans plus attendre, il la pressa un peu plus contre lui et sa bouche vint à la rencontre de celle de la Longueville pour un baiser à la fois passionné sans être brusque, il y mettait toutes les nuances des sentiments tout en s'abandonnant à ces lèvres au goût de paradis terrestre. Même s'il y avait déjà pensé, Guillaume n'avait pas imaginer que ce moment puisse arriver. Gabrielle faisait partie de cette élite qui n'accorde pas beaucoup de regarder à ceux un peu moins bien loti et elle devait avoir assez de prétendants pour ne pas avoir à poser le regard sur quelqu'un d'autre. Puis elle était de la famille de cet idiot de Paris, qui sait ce qu'il pouvait lui raconter. Sûr qu'il ne lançait pas des fleurs sur le dos de Du Perche. Si malgré tout cela, elle se donnait à Guillaume, rien n'était perdu alors.

Mais un tel moment ne se reproduirait pas de sitôt, il fallait en profiter tant que la porte les enfermait loin de la Cour. Alors sa bouche quitta celle de Gabrielle pour descendre combler le cou de celle-ci par quelques baisers. Sa peau était douce et le délicat parfum l'enivrait à en perdre la tête. Elle était parfaite en tout point de vue et il ne voulait plus la quitter, il voulait rester ici avec elle pour toujours, ne plus paraître à la Cour. Qu'importe le monde s'il la garde entre ses bras …

« Si j'osais, je ne te laisserais jamais partir … »

Il avait dit cela dans un murmure, entre de baisers près de son oreille avant de relever la tête et planter son regard azur dans les yeux de la jeune femme. Il devait partir, il le savait mais voulait prolonger ce moment un peu plus longtemps. Alors un autre baiser, sentir encore une fois ses lèvres contre les siennes, se droguer à cet instant, à l'amour et au désir qu'elle provoquait chez lui avec une rare violence. Il ne sut pas combien de temps ils s'étaient enfermés, quelques minutes qui ressemblaient à la fois à des secondes mais aussi à des heures. Il se recula d'un pas, à contrecœur et la libéra de son emprise. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de caresser son visage, de continuer à la toucher.

« Je dois partir, à regret je dois dire. Mais avant … »

Le comte se saisit de la main de Gabrielle et, extirpant la bague d'une de ses poches bien dissimulée, il replaça l'anneau au doigt de sa propriétaire d'un geste solennel et en le quittant pas des yeux.

« Je n'en ai plus l'utilité, j'ai un bien meilleur souvenir à présent … »

Puis, après un rapide dernier baiser doublé d'un petit sourire, Du Perche tourna les talons et sortit de la pièce. Tout ce bruit et ce monde l'étourdit un instant, il avait besoin de répit avant de repartir dans la foule. Il saisit un verre au vol puis se plaça à une fenêtre pour se remettre les idées en place. Tout ce qu'il venait de vivre ne pouvait être qu'un rêve … Pourtant, il s'agissait bien de la réalité et un sourire heureux se dessina sur ses lèvres qu'il caressa du pouce. Si tout cela était troublant, il n'en était pas moins l'homme le plus heureux de l'assistance. Pourtant, il fallait se reprendre et retourner à sa mission qui lui passait par-dessus la tête à présent. Malgré tout, il tenta de se ressaisir et repartit à la table qu'il avait quitté quelques minutes auparavant. Ne rien montrer des sentiments, se la jouer futile et courtisan pour mieux percer les mystères, il devait revêtir son costume d'espion en posant la main sur sa chaise.

« Vous ai-je manqué messieurs ? »

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MessageSujet: Re: Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle]   Dame de pique contre valet de trèfle ... [Gabrielle] Icon_minitime22.08.11 18:38

Si au début de la soirée, quelqu'un avait osé dire à Gabrielle qu'elle allait la terminer dans les bras du jeune homme qu'elle aimait dans un recoin sombre et désert du château et qu'elle allait goûter aux douceurs du paradis tant et si bien qu'elle en oublierait sa mission et toutes les raisons pour lesquelles elle se battait chaque jour, elle lui aurait ri au nez. Et pourtant ces prédictions se seraient révélées extrêmement justes. La jeune duchesse ne se souciait plus des instructions d'Hector de Valois, de ses mises en garde sur la probable qualité d'espion de Guillaume du Perche ou encore de la lettre qu'elle devait aller rédiger pour lui communiquer ses dernières trouvailles et ses inquiétudes sur cet imbécile de Chaunay. En fait, elle ne pensait plus à rien, enivrée par l'odeur de Guillaume et par la douceur exquise de ses lèvres sur sa peau. Elle poussa un petit gémissement lorsque sa bouche se posa dans son cou et s'abandonna toute entière. Plus tard, elle repenserait sans doute à cet instant en se disant qu'elle avait été bien stupide de se montrer si fragile, si indécente et si vulnérable. Mais il y avait des moments dans la vie où Gabrielle se sentait lâcher prise. Tout ce qu'elle avait accumulé depuis ses plus jeunes années, les rancœurs, les intrigues, les regrets, l'image qu'elle avait constituée patiemment, petit à petit, par ses répliques cinglantes, son esprit brillant, son sourire hypocrite, tout s'effaçait. Il ne restait plus que l'enfant, la jeune femme qui sentait son cœur s'accélérer devant le regard d'un homme qui lui plaisait. Elle n'avait que vingt ans.

Il aurait pu faire tout ce qu'il voulait d'elle. L'entraîner dans une chambre ou dans un recoin sombre et profiter de son abandon. La repousser, lui dire qu'elle n'était qu'un jouet et la laisser à cet endroit, humiliée. Lui demander de lui faire des promesses inconsidérées puisque de toute manière, elle aurait tout juré. Mais il ne fit rien de tout cela. Il la serrait contre lui et déposait ses lèvres sur son cou. Les jambes tremblantes, Gabrielle ne tenait debout que grâce à lui, accrochée à ses épaules puissantes et maintenue par sa poigne ferme. Puis un murmure près de son oreille. Il lui fallut quelques secondes pour qu'elle prenne entièrement conscience de ce qu'il venait de lui dire. « Si j'osais, je ne te laisserais jamais partir ». Gabrielle ne s'interrogea pas sur la véracité de ces paroles, elle se laissa simplement imprégner de leur signification. Elle aussi aurait aimé pouvoir rester dans cette étreinte passionnée. Elle avait le sentiment confus qu'elle ne pouvait se lasser de ces bras si doux. La jeune femme sentit son cœur échapper à son contrôle et s'accélérer. Elle voulait croire qu'il la désirait autant qu'elle le désirait, qu'il l'aimait avec la force avec laquelle elle l'aimait. Elle le croyait.

Puis après un dernier baiser dans lequel Gabrielle mit tout son amour, ce fut la fin. Il lui sembla que Guillaume s'arrachait à elle. Elle chancela dangereusement mais se retint à une boiserie du mur et une boule se forma dans sa gorge. Elle eut une brusque envie de pleurer mais retint les larmes et se força à fixer les magnifiques yeux bleus du jeune homme. Il continuait à la toucher mais cette fois-ci, il avait saisi sa main et replaçait le fin anneau d'or à son doigt tout en lui murmurant : « Je n'en ai plus l'utilité, j'ai un bien meilleur souvenir à présent ». Gabrielle chercha à conserver la poigne de Guillaume mais c'était déjà trop tard. Il lui adressa un petit sourire avant de s'éloigner. Sans encore réaliser ce qui venait de se passer, cette étreinte passionnée mais bien trop courte, elle se laissa glisser à terre, dos contre le mur. Lorsqu'il avait rouvert la porte, la flot des paroles de la foule était parvenue jusqu'à elle. La jeune femme avait peine à réaliser que des courtisans inconscients de ce qui s'était produit à quelques mètres d'eux continuaient à faire la fête. Comment avaient-ils pu manquer cette explosion, ce bouleversement qui avait chamboulé entièrement Gabrielle ?

Elle resta de longues minutes à cet endroit, encore emplie de la chaleur du corps de Guillaume, respirant avec bonheur son odeur, son parfum qui se dissipait peu à peu. Pendant ce temps, son cerveau se remit en état de marche et ses membres cessèrent petit à petit de trembler. Mais ses interrogations et ses doutes revinrent avec encore plus de force. Qu'avait-il cherché à dire ? Agissait-il de cette manière avec toutes les femmes qu'il séduisait ? Leur murmurait-il des mots doux, des paroles exquises qui leur faisaient croire qu'elles étaient uniques ? Pire, toutes ces jeunes femmes avaient-elles la stupidité de s'éprendre de lui ? Tout cela était trop douloureux et elle souhaita plus que tout revivre les quelques minutes où elle avait tout oublié. Elle soupira, ferma les yeux et s'aperçut qu'elle tournait machinalement son anneau autour de son doigt. Elle n'aimait pas s'attacher aux objets mais savait que désormais, elle ne considérerait plus cette bague comme avant. Il l'avait gagnée, l'avait touchée et la lui avait rendue.

Gabrielle se redressa et se décida à quitter la pièce. Elle avait désormais les idées claires et avait récupéré toute sa maîtrise d'elle-même. Il était temps de retourner au monde. En ouvrant de nouveau la porte, elle fut éblouie par la vive luminosité que diffusaient en profusion les chandelles et étourdie par l'agitation qu'elle n'avait pourtant quitté que pendant quelques minutes. Personne ne lui prêtait attention. La jeune duchesse se composa une figure et avança dans la foule alors que ses pensées tourbillonnaient dans son esprit. Elle savait qu'elle aurait du se sentir comblée. Le comte venait de lui accorder ce qu'elle avait toujours désiré de lui, il lui avait montré que leur jeu du chat et de la souris n'avait pas été une illusion dans ce grand théâtre de dupes qu'était Versailles. Mais elle souffrait malgré tout. Des douleurs contradictoires, celle de ne pas avoir été jusqu'au bout de son désir mais aussi celle d'avoir été trop loin, d'avoir franchi la limite qu'elle s'était fixée pour ne pas s'aventurer dans une histoire sans espoir. Et au delà de tout, l'idée que peut-être, il n'avait pas été sincère avec elle...

Parvenue au niveau du salon des jeux, elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à l'intérieur sans y pénétrer ni se montrer de ses occupants présents. Il était là, assis à la table qu'il venait de quitter, tournant le dos à la jeune femme. En se déplaçant un petit peu, elle observa un léger sourire qu'elle ne sut interpréter sur ses lèvres. Et pendant une minuscule seconde, elle le détesta de pouvoir se comporter avec naturel, elle le détesta de pouvoir faire comme si de rien n'était. Elle le détesta d'avoir su se faire aimer d'elle. Puis elle fit volte-face et s'éloigna à grands pas. Sa lettre à Hector parviendrait peut-être à la distraire pendant quelques minutes.


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