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| Sujet: Lettres [Tatiana de Suède] 30.05.08 22:49 | |
| Ces lettres que Tatiana rédige durant son séjour à Versailles à sa chère grand-mère Eleonora du Danemark ne forme pas à proprement parler une correspondance. Tatiana se confie sans retenue sur sa vie en France, et parfois n'envoie pas toutes les lettres lorsqu'elle juge qu'elles sont trop intimes. Les réponses de la vieille dame ne seront pas retranscrites ici. Les lettres apparaîtront par ordre chronologique. Portrait de Tatiana de Suède, contenu dans un médaillon que la marquise a en sa possession. Jour du Seigneur. Je me lève tranquillement et me regarde dans le miroir que ma servante a fait installer pour moi dans ma chambre. Je suis toujours Tatiana, jeune marquise aux cheveux flamboyants, et se dessine près de moi l'image du jeune homme avec qui je viens de passer la nuit. (Extrait) |
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| Sujet: Re: Lettres [Tatiana de Suède] 30.05.08 22:53 | |
| A madame Eleonora du Danemark, Château de Kronborg – Kronborg slot Helsingör, île de Sjaelland – Danemark Chère grand mère,
C’est avec un coeur de petite fille que je vous écris, que j’ose coucher ces quelques mots sur ce papier à lettres. Je manie très bien l’art de l’écriture, et ma plume trace les signes de manière naturelle. Mais ce soir, oui ce soir, puisque le soleil se couche à Versailles, illuminant le Grand Canal qui s’étend sous mes yeux, je veux parler avec sincérité sans fards ni artifices. Je désire imiter cette nature que je vois par la fenêtre de mon nouvel appartement dans le château et me livrer toute à vous. Vos regards perspicaces et éclairés peuvent m’apporter ce que je désire. Ma grand-mère tant chérie, je veux des conseils de votre part. Je vous ai admirée toute ma vie, depuis que j’ai eu l’âge de comprendre qui vous étiez. Vous n’étiez pas cette dame sévère qui fustigeait mes faux pas. Il faut bien avouer que j’en ai fait de nombreux lorsque j’étais petite, mais votre attitude de dédain m’eut vite fait comprendre qui j’étais et qui je suis. Vous n’étiez pas non plus une princesse idiote qui aimait à gâter ses petits-enfants. Vous m’avez fait cependant de nombreux présents : c’est vous qui m’avez formé, qui avez fait ce que je suis. Mais de l’idiotie, point ! J’ai toujours admiré votre intelligence acérée, l’arme de votre éloquence, la vivacité de votre esprit. Vous êtes un modèle pour toutes les dames de ce monde. Mais la petite fille qui vous parle n’a guère le cœur à vous suivre vos conseils, à profiter de l’instant présent tout en préservant son futur et ses alliances. Je sais que vous n’aimez pas la Suède, non pas non plus que la détestiez, mais vous comprendrez mes souffrances et mon chagrin. Je suis frappée par un mal mystérieux, qui ne se peut guérir par les médecins. Oh combien même, que les médecins français sont bien inefficaces. Qu’ils prescrivent poudre, grand air ou l’enfermement dans les appartements, rien n’y fait. Mon mal vient de plus loin. J’ai des conversations charmantes avec les Précieuses interrompues par des rêveries. Je me réveille le matin aux côtés d’un homme français en ayant tout simplement envie de m’enfuir. Et lorsque je traverse les couloirs de Versailles en souriant de manière naturelle, de telle sorte que l’on chuchote sur mon passage que je rayonne, j’ai envie de pleurer. Tout cela est bien simple, n’y voyez pas de symptômes d’une épidémie. C’est mon âme qui souffre de nostalgie. Mon doux pays de Suède me manque. Je n’entends plus les rudes sons du suédois. Je revois Karlstad et le château de mon enfance où j’ai passé de si bons moments en compagnie de mes servantes et de mes parents. Je peux courir par rêveries dans les vastes plaines du Värmland. Ce parfum de mélancolie me serre la gorge et m’arrache quelques larmes. Je n’ai plus la force à rien, tant je désire monter un cheval et m’élancer dans le vent en compagnie de mes chiens loups. Tout simplement se sentir libre de tout. Ici, je suis surveillée en permanence, et je dois toujours me conduire en parfaite marquise que je suis. Je m’éblouis de luxe, d’homme, et de jeux pour oublier mes contrées sauvages et ma bonne ville dont je suis la maîtresse. Mais je suis forcée de constater que cela n’est pas assez. Vous devez connaître cette sensation de manque, vous qui avez été obligée de quitter le Danemark pour épouser mon grand-père, le duc. Que faire ? Comment profiter du moment présent sans être à chaque instant rappelé par le passé ? Je devine votre réponse : petite Tatiana, vous avez le choix ! Retournez donc en Suède au lieu de vous exiler en France, ce pays aux mœurs bien étranges. Non, je ne peux retourner à Karlstad en ce moment, la situation est trop compliquée pour moi. Je vous exposerais les détails dans une autre lettre. Et puis, j’aime la France et les français. Pourrez-vous me donner des réponses ? Je l’espère de tout mon cœur, mais je sais que je peux placer ma confiance en vous, car vous êtes sûre, ferme et sage. Je vous dois tant. Finalement, je n’ai guère imité cette nature de Versailles, que je pensais si libre. Je me suis exprimée librement alors qu’ici, tous les éléments ont été domptés par le génie de l’homme. Je me suis juste comportée comme une véritable petite fille qui s’incline humblement devant la sagesse de son aïeule.
Sincère affection.
Tatiana |
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